Language of document : ECLI:EU:C:2016:380

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 31 mai 2016 (1)

Affaire C573/14

Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

contre

Mostafa Lounani

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

« Espace de liberté, de sécurité et de justice – Asile – Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié – Directive 2004/83/CE – Article 12, paragraphe 2, sous c) – Conditions d’exclusion du statut de réfugié – Notion d’“agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies” – Notion d’“instigation ou de participation” au sens de l’article 12, paragraphe 3 – Décision-cadre 2002/475/JAI – Articles 1er et 2 – Nécessité d’une condamnation pour infractions terroristes comme condition d’exclusion du statut de réfugié – Évaluation des motifs d’exclusion »






1.        Dans la présente affaire, le Conseil d’État (Belgique) s’interroge sur l’interprétation des motifs pour lesquels les États membres peuvent exclure une personne du statut de réfugié en application de la directive 2004/83/CE (2). La juridiction de renvoi souhaite savoir si (et, dans l’affirmative, dans quelle mesure) la portée des dispositions régissant l’exclusion du statut de réfugié énoncées dans cette directive est déterminée par la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme (3). Lorsqu’un demandeur d’asile est un membre dirigeant d’un groupe terroriste, faut-il qu’il ait été condamné pour une infraction visée à l’article 1er de la décision-cadre pour que s’appliquent les motifs d’exclusion prévus par la directive « conditions » ? Une condamnation pour participation à une organisation terroriste exclut-elle automatiquement l’examen de sa situation aux fins du statut de réfugié ? Dans la négative, quels sont les critères que les autorités compétentes nationales devraient appliquer pour évaluer s’il doit être exclu de la sorte ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de déterminer le point d’équilibre entre la réponse des États membres aux attaques terroristes et leurs obligations d’appliquer les dispositions du droit de l’Union reflétant des règles de droit international protégeant le statut des réfugiés.

 Le droit international

 La charte des Nations unies

2.        Le préambule de la charte des Nations unies (4) énonce certains buts des États signataires. Le chapitre I consigne les buts et les principes des Nations unies. Ces principes font référence au maintien de la paix et de la sécurité internationales, à la nécessité de prendre des mesures efficaces à cette fin en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix et de prendre des mesures propres à consolider la paix du monde (article 1er). En outre, les membres des Nations unies doivent donner pleine assistance dans toute action entreprise par les Nations unies conformément aux dispositions de leur charte (article 2).

 Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

3.        Le 28 septembre 2001, en réponse aux attaques terroristes commises le 11 septembre 2001 à New York, à Washington et en Pennsylvanie (États-Unis d’Amérique), le Conseil de sécurité des Nations unies a, sur le fondement du chapitre VII de la charte des Nations unies, adopté la résolution 1373 (2001). Le préambule de cette résolution réaffirme « la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations Unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme ». Au point 5 de ladite résolution, le Conseil de sécurité déclare que « les actes, méthodes et pratiques du terrorisme sont contraires aux buts et aux principes de l’Organisation des Nations Unies [ONU] et que le financement et l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de tels actes en connaissance de cause sont également contraires aux buts et principes de l’[ONU] ».

4.        Le 12 novembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1377 (2001), dans laquelle il « [s]ouligne que les actes de terrorisme international sont contraires aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et que le financement, la planification et la préparation des actes de terrorisme international, de même que toutes les autres formes d’appui à cet égard, sont pareillement contraires aux buts et aux principes énoncés dans [ladite Charte] ».

5.        Le 14 septembre 2005, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1624 (2005), dans laquelle il réaffirme qu’il est impératif de combattre le terrorisme sous toutes ses formes et souligne par ailleurs que les États doivent veiller à ce que toutes les mesures qu’ils prennent pour lutter contre le terrorisme respectent toutes les obligations qui leur incombent en vertu du droit international ; ces mesures doivent être conformes notamment au droit des réfugiés et au droit humanitaire.

6.        Le 24 septembre 2014, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2178 (2014) où il demande aux États de veiller, conformément, notamment, au droit international et au droit international des réfugiés, à ce que le statut de réfugié ne soit pas détourné à leur profit par les auteurs, organisateurs ou complices d’actes terroristes. Il déclare également (au point 5) que « les États membres doivent […] prévenir et éliminer les activités de recrutement, d’organisation, de transport ou d’équipement bénéficiant à des personnes qui se rendent dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, ainsi que le financement des voyages et activités de ces personnes ».

7.        Si ces résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies identifient un ensemble d’activités qui doivent être considérées comme contraires aux buts et aux principes des Nations unies, il n’existe toutefois pas, en droit international, de définition générale de ce qu’est le terrorisme ou un terroriste (5).

 La convention de Genève relative au statut des réfugiés

8.        Conformément à l’article 1A, paragraphe 2, de la convention de Genève (6), auquel renvoie la directive « conditions », le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

9.        L’article 1F, sous c), énonce que la convention de Genève n’est pas applicable aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies (7).

 Le droit de l’Union

 Le traité sur l’Union européenne

10.      L’article 2 TUE contient une liste des valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée, au nombre desquelles figurent le respect de l’État de droit et des droits de l’homme. L’article 3, paragraphe 5, TUE énonce que dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ces valeurs et que, ce faisant, elle doit contribuer au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies.

 Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

11.      L’article 78, paragraphe 1, TFUE, prévoit : « L’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non‑refoulement. Cette politique doit être conforme à [la convention de Genève] ainsi qu’aux autres traités pertinents. »

 La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

12.      L’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (8) garantit le droit d’asile dans le respect des règles de la convention de Genève et conformément aux traités.

13.      L’article 19, paragraphe 2, interdit l’éloignement, l’expulsion ou l’extradition d’une personne vers un État où il existe un risque sérieux qu’elle soit soumise à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

 La décision-cadre

14.      La décision-cadre a institué une définition commune des infractions terroristes. L’article 1er énonce que chaque État membre doit prendre les mesures nécessaires pour que soient considérés comme infractions terroristes les actes énumérés dans cette disposition, définis comme infractions par le droit national, dès lors que certaines conditions sont réunies (9). Ces conditions sont les suivantes : les actes doivent être commis intentionnellement et, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale lorsque l’auteur les commet dans le but de i) gravement intimider une population ou ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou une organisation internationale.

15.      L’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), qualifie également d’infractions respectivement la direction d’un groupe terroriste ou la participation aux activités d’un groupe terroriste.

 La directive « conditions »

16.      Les considérants de la directive « conditions » indiquent que la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés (10). L’un des objectifs principaux de la directive est d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale (11). Il est évident que le respect des droits fondamentaux et, notamment, des principes reconnus par la Charte tels que le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile relèvent des objectifs poursuivis (12). Il est reconnu que des consultations avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) fournissent des indications utiles pour les États membres lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur l’octroi éventuel du statut de réfugié en vertu de l’article 1er de la convention de Genève (13).

17.      Le considérant 22 énonce : « Les agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies sont évoqués dans le préambule et aux articles 1er et 2 de la charte des Nations unies et précisés, entre autres, dans les résolutions des Nations unies concernant les “mesures visant à éliminer le terrorisme international”, qui disposent que “les actes, méthodes et pratiques terroristes sont contraires aux buts et principes des Nations unies” et que “sont également contraires aux buts et principes des Nations unies, pour les personnes qui s’y livrent sciemment, le financement et la planification d’actes de terrorisme et l’incitation à de tels actes”. »

18.      Conformément à l’article 2, sous c), on entend par « “réfugié”, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 ».

19.      Conformément à l’article 4, paragraphe 3, l’évaluation d’une demande de protection internationale doit être individuelle (14).

20.      L’article 12 s’intitule « Exclusion » et fait partie du chapitre III, lui-même intitulé « Conditions pour être considéré comme réfugié ». Les motifs d’exclusion du statut de réfugié sont énumérés à l’article 12, paragraphes 2 et 3, qui prévoit :

« 2.      Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser :

[…]

c)      qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies tels qu’ils figurent dans le préambule et aux articles 1 et 2 de la charte des Nations unies.

3.      Le paragraphe 2 s’applique aux personnes qui sont les instigatrices des crimes ou des actes visés par ledit paragraphe, ou qui y participent de quelque autre manière » (15).

21.      Conformément à l’article 21, les États membres sont soumis à une obligation de non-refoulement. Cette obligation connaît des exceptions très limitées, à savoir lorsqu’il y a des raisons sérieuses de considérer que la personne en cause est une menace pour la sécurité de l’État membre où elle se trouve, ou si cette personne a été condamnée en dernier ressort pour un crime particulièrement grave et constitue une menace pour la société de cet État membre (16).

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles déférées

22.      M. Mostafa Lounani est un ressortissant marocain. Il semble être arrivé en Belgique en 1997 et y avoir séjourné illégalement depuis.

23.      Le 16 février 2006, le tribunal correctionnel de Bruxelles (Belgique) a jugé M. Lounani coupable de participation aux activités d’un groupe terroriste, la cellule belge du « groupe islamique des combattants marocains » (ci-après le « GICM »), en tant que l’un des membres dirigeants de ce groupe. Il a été condamné pour les actes suivants : i) « soutien logistique à une entreprise terroriste » ; ii) « contrefaçon de passeports » et « cession frauduleuse de passeports » ainsi que iii) « participation active dans l’organisation d’une filière d’envoi de volontaires en Irak ». Le tribunal correctionnel de Bruxelles a considéré que ces actes constituaient des infractions graves et l’a par conséquent condamné à six ans d’emprisonnement ainsi qu’au paiement d’une amende de 2 000 euros. Il a également été condamné à deux mois d’emprisonnement supplémentaires à défaut du paiement de cette somme.

24.      Le 16 mars 2010, M. Lounani a introduit une demande d’asile auprès des autorités belges. Il a invoqué la crainte de subir des persécutions en cas de retour au Maroc, au motif que, en raison de sa condamnation, il était susceptible d’être catalogué comme islamiste radical et djihadiste par les autorités marocaines.

25.      Le 8 décembre 2010, le Commissaire général aux réfugiés et apatrides (ci‑après le « Commissaire général ») a rejeté sa demande. Par arrêt du 12 février 2013, le Conseil du contentieux des étrangers a annulé cette décision en appel et octroyé à M. Lounani le statut de réfugié.

26.      Le Commissaire général a saisi le Conseil d’État d’un pourvoi contre cette décision. Dans le cadre de la présente procédure, le Commissaire général soutient notamment que le GICM a été inscrit sur la liste des sanctions des Nations unies le 10 octobre 2002 (17). Il s’agit d’une organisation terroriste liée à Al-Qaida ayant commis des actes terroristes au regard des instances internationales. Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné M. Lounani du chef de participation à l’activité d’un groupe terroriste, d’association de malfaiteurs destinée à attenter aux personnes et aux propriétés, d’avoir été le dirigeant d’une cellule d’appui logistique au terrorisme, procurant de faux documents aux activistes islamistes, de contrefaçon et d’usage de faux documents et de séjour illégal. Le Commissaire général soutient que force est de conclure d’un examen complet du dossier de M. Lounani que le GICM a commis des infractions terroristes spécifiques et que M. Lounani a été impliqué dans ces actes en vertu de l’arrêt du tribunal correctionnel de Bruxelles et de sa condamnation du 16 février 2006.

27.      M. Lounani soutient qu’il existe une différence fondamentale entre, d’une part, une infraction terroriste telle que définie et punie en droit pénal belge et, d’autre part, une infraction terroriste susceptible d’être interprétée comme un agissement contraire aux buts et aux principes des Nations unies permettant d’exclure une personne de la protection internationale conférée par la convention de Genève. À son avis, le jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles n’établit pas qu’il aurait commis un acte terroriste spécifique relevant de cette dernière catégorie. Il a été condamné pour appartenance à un groupe terroriste qui n’a ni commis ni tenté ou menacé de commettre un attentat. Encore moins a-t-il été condamné pour avoir commis un acte terroriste d’une gravité telle qu’il met en cause le fondement même de la coexistence de la communauté internationale sous les auspices des Nations unies.

28.      La juridiction de renvoi explique que c’est à juste titre que le Conseil du contentieux des étrangers a relevé dans son arrêt (au point 5.9.2) que M. Lounani a été condamné du chef de participation aux activités d’un groupe terroriste au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision-cadre (18), mais qu’il n’a pas été condamné du chef de la commission d’un acte terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre (19). Le Conseil du contentieux des étrangers a indiqué au point 5.9.7 de son arrêt qu’« [i]l n’est pas non plus établi le moindre commencement d’un acte précis relevant de ce type d’infraction dans le chef du GICM, ni la réalité d’un agissement personnel du requérant, engageant sa responsabilité individuelle, dans l’accomplissement d’un tel acte ».

29.      La juridiction de renvoi cherche à savoir avec précision quels sont les éléments que les autorités compétentes doivent établir pour que s’applique l’exclusion visée à l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions ». Elle a donc posé les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      [L’article 12, paragraphe 2, sous c)] de la [directive “conditions”] doit-il être interprété comme impliquant nécessairement, pour que la clause d’exclusion qu’il prévoit puisse être appliquée, que le demandeur d’asile ait été condamné pour une des infractions terroristes prévues à l’article 1er, paragraphe 1, de [la décision-cadre] qui a été transposée en Belgique par la loi du 19 décembre 2003 relative aux infractions terroristes ?

2)      Dans la négative, des faits, tels que ceux visés dans le point 5.9.2. de l’arrêt attaqué no 96.933 du [Conseil du contentieux des étrangers], prononcé le 12 février 2013, qui sont imputés à Mostafa Lounani par le jugement du [tribunal correctionnel de Bruxelles] du 16 février 2006 et pour lesquels il a été condamné pour sa participation à une organisation terroriste, peuvent-ils être considérés comme des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens [de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive “conditions”] ?

3)      Dans le cadre de l’examen de l’exclusion d’un demandeur de protection internationale en raison de sa participation à une organisation terroriste, la condamnation en tant que membre dirigeant d’une organisation terroriste, constatant que le demandeur de protection internationale n’avait ni commis, ni tenté de commettre, ni menacé de commettre un acte terroriste, suffit-elle pour pouvoir constater l’existence d’un acte de participation ou d’instigation, au sens de l’article 12, paragraphe 3, de la [directive “conditions”], imputable au demandeur, ou, est-il nécessaire de procéder à un examen individuel des faits de la cause et de démontrer la participation à la réalisation d’une infraction terroriste ou l’instigation d’une infraction terroriste définie à l’article 1er de [la décision-cadre] ?

4)      Dans le cadre de l’examen de l’exclusion d’un demandeur de protection internationale en raison de sa participation à une organisation terroriste, le cas échéant en tant que dirigeant, l’acte d’instigation ou de participation, visé à l’article 12, paragraphe 3, de la [directive “conditions”], doit-il être relatif à la commission d’une infraction terroriste telle que définie à l’article 1er de [la décision-cadre] ou peut-il être relatif à la participation à un groupe terroriste, visé à l’article 2 de ladite [décision] ?

5)      En matière de terrorisme, l’exclusion de la protection internationale, prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la [directive “conditions”], est-elle possible en l’absence de commission, d’instigation ou de participation à un acte violent, d’une nature particulièrement cruelle, tel que visé à l’article 1er de [la décision-cadre] ? »

30.      Le Commissaire général, M. Lounani, les gouvernements belge, espagnol, français, grec, hongrois, italien, polonais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Les mêmes parties, à l’exception des gouvernements hongrois, italien et polonais, ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 16 février 2016.

 Analyse

 Observations liminaires

31.      La convention de Genève est un instrument vivant devant être interprété à la lumière des conditions actuelles et conformément aux développements du droit international (20). Le HCR joue un rôle particulier en vertu de la convention, en fournissant des indications aux États lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur l’octroi du statut de réfugié (21). La directive « conditions » doit être interprétée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de cette convention (22).

32.      Le droit des réfugiés est bien évidemment étroitement lié au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits de l’homme. Cela se reflète à l’article 18 de la Charte, qui garantit le droit d’asile dans le respect des règles de la convention de Genève et conformément aux traités. Sans surprise, la Cour a confirmé que la directive « conditions » doit être interprétée dans le respect des droits fondamentaux, ainsi que des principes reconnus notamment par la Charte (23).

33.      L’application des clauses d’exclusion prévues à l’article 12, paragraphe 2, de la directive « conditions » a pour effet de priver le demandeur de la protection du statut de réfugié, et constitue dès lors une exception au droit d’asile concernant une personne qui, à défaut, relèverait du champ d’application de la protection (24). Une approche prudente s’impose donc pour interpréter ces clauses qui doivent l’être restrictivement (25).

34.      Cependant, lorsque l’article 12, paragraphe 2, de la directive « conditions » s’applique, il ne s’ensuit pas nécessairement que la personne concernée puisse être renvoyée dans son pays d’origine (voire ailleurs) si, par exemple, il existe un risque de violation de l’interdiction de la torture ou du droit de ne pas être soumis à des traitements ou des sanctions inhumains ou dégradants (26). Les États membres demeurent soumis à l’obligation de respecter le principe de non‑refoulement conformément à leurs obligations internationales (27).

35.      Il importe de garder clairement à l’esprit les questions soumises à la Cour dans le cadre du présent renvoi et celles qui ne le sont pas.

36.      La question (épineuse) de ce qu’est ou non une organisation terroriste en droit international n’est pas soulevée par la juridiction de renvoi (28). L’inscription du GICM sur la liste des sanctions des Nations unies en application de la résolution 1390 (2002) du Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas non plus été mise en cause dans les éléments soumis à la Cour. Selon moi, il faut donc nécessairement tenir pour acquis, dans le cadre de la présente procédure, que c’est à juste titre que le GICM en tant que tel a valablement été classé comme organisation « terroriste » par les Nations unies.

37.      Il est évident que, dans la présente affaire, M. Lounani a été condamné pénalement pour des infractions qui ne l’ont pas directement impliqué dans la commission de l’une des infractions « considérées comme infractions terroristes » énumérées à l’article 1er de la décision‑cadre. Au vu des éléments soumis à la Cour, le GICM doit toutefois être qualifié de « groupe terroriste » au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre et il se pourrait bien que les activités de M. Lounani relèvent de l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre [ou éventuellement de son article 3, sous c)].

38.      Néanmoins ces questions sont-elles vraiment pertinentes ? Quel est le rapport entre la décision-cadre et la directive « conditions » ? En outre existe-t-il des indices (à apprécier par les autorités nationales compétentes sous le contrôle du juge national en tant qu’ultime juge des faits) permettant d’affirmer que les activités spécifiques pour lesquelles M. Lounani a été condamné sont « contraires aux buts et aux principes des Nations unies » au motif qu’il faudrait comprendre la précision donnée à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » (« tels qu’ils figurent dans le préambule et aux articles 1 et 2 de la charte des Nations unies ») comme englobant d’autres instruments internationaux ayant clairement identifié certains « actes liés au terrorisme » comme étant « contraires aux buts et aux principes des Nations unies » ?

 Les affaires jointes B et D

39.      Dans les affaires jointes B et D (29), la Cour répondait à des questions déférées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) posées dans le cadre d’une procédure intentée par deux personnes qui avaient de toute évidence été activement impliquées, avant leur arrivée sur le territoire de l’Union, dans des activités associées à des groupes se trouvant sur la liste figurant à l’annexe de la position commune 2001/931/PESC (30) relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme. B avait sympathisé avec le Dev Sol (devenu le DHKP/C), avait soutenu la lutte armée de la guérilla dans les montagnes turques puis avait été arrêté, aurait subi de graves sévices corporels et aurait été forcé de faire une déclaration sous la torture. Il aurait été condamné deux fois à l’emprisonnement à vie. Il aurait profité d’une libération conditionnelle de six mois en raison de son état de santé pour quitter la Turquie et rejoindre l’Allemagne, où il avait demandé l’asile. D avait, à l’appui de sa demande d’asile, déclaré avoir fui dans les montagnes turques pour rallier le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il aurait été combattant dans la guérilla et haut permanent de cette organisation. Le PKK l’aurait envoyé dans le nord de l’Irak, mais il aurait par la suite été en désaccord avec la direction de l’organisation. Il s’est alors installé en Allemagne, où l’asile lui a initialement été accordé. À la suite d’une modification du droit national, cette décision a toutefois été révoquée (31). Le droit des requérants d’obtenir le statut de réfugié (B) ou de le conserver (D) dépendait de l’interprétation des clauses d’exclusion figurant à l’article 12, paragraphe 2, de la directive « conditions ».

40.      La grande chambre de la Cour a jugé que « les actes de nature terroriste [qu’elle n’a pas définis], qui se caractérisent par leur violence à l’égard des populations civiles, même s’ils sont commis dans un objectif prétendument politique, doivent être regardés comme des crimes graves de droit commun au sens [de l’article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive “conditions”] ».

41.      En ce qui concerne l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions », la Cour a rappelé que le considérant 22 de la directive « conditions » identifie les « agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » par référence au préambule et aux articles 1er et 2 de la charte des Nations unies, et précisés, notamment, dans les résolutions des Nations unies concernant les « mesures visant à éliminer le terrorisme international ». Parmi ces mesures figurent les résolutions 1373 (2001) et 1377 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies. Par conséquent, il « [ressortait desdites résolutions que le Conseil de sécurité] part du principe que les actes de terrorisme international sont, d’une manière générale et indépendamment de la participation d’un État, contraires aux buts et aux principes des Nations unies » (32).

42.      Je reviendrai plus tard dans les présentes conclusions sur d’autres éléments de l’arrêt B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661) pertinents pour l’analyse du présent renvoi préjudiciel. Il importe toutefois de relever d’emblée que ledit renvoi diffère significativement des affaires jointes B et D.

43.      D’une part, dans la présente affaire, quels que soient les éléments précis établis ou non à l’égard du GICM et qui ont abouti à son inscription sur la liste des sanctions des Nations unies le 10 octobre 2002, M. Lounani lui-même a été condamné du chef de participation à une organisation terroriste, mais pas pour un acte terroriste spécifique. Les infractions pour lesquelles il a été condamné (soutien logistique à une entreprise terroriste, contrefaçon et fourniture de passeports, participation dans l’organisation d’une filière d’envoi de volontaires en Irak) n’ont pas non plus été rattachées à la commission d’un acte terroriste spécifique par le GICM.

44.      D’autre part, les actes pris en considération par les autorités compétentes à l’égard de B et D étaient des actes passés commis dans un pays tiers. En revanche, les actes qui ont entraîné la condamnation de M. Lounani ont été commis sur le territoire de l’Union au cours de la période prolongée au cours de laquelle il séjournait illégalement en Belgique, et sa demande d’asile a été introduite alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement de six ans du fait de cette condamnation.

 Sur la première question

45.      Conformément à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions », un demandeur d’asile est exclu de la protection s’il « […] s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies tels qu’ils figurent dans le préambule et aux articles 1 et 2 de la charte des Nations unies ». Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si ce motif d’exclusion est uniquement applicable si un demandeur d’asile a été condamné pour une des infractions terroristes énumérées à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre.

46.      L’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » reflète le libellé de l’article 1F, sous c), de la convention de Genève et l’élargit quelque peu. La notion d’« agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » au sens de l’article 1F, sous c), est reconnue comme vague et imprécise (33). Considéré isolément, le caractère large des buts et des principes des Nations unies n’offre que peu d’éclairage sur le type d’agissements qui priverait une personne du statut de réfugié. Cette formulation ne détermine pas de manière précise le champ d’application de l’article 1F, sous c). Elle ne définit pas davantage le type d’actes susceptibles de relever de cette catégorie ni les personnes qui pourraient commettre de tels agissements.

47.      Le droit international a évidemment évolué depuis la rédaction de la charte des Nations unies. Ainsi, dans la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, ce dernier a décidé que les États devaient prendre des mesures en vue de lutter contre le terrorisme et déclaré les actes, méthodes et pratiques terroristes contraires aux buts et aux principes de l’ONU, y compris l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de tels actes. Des résolutions ultérieures, notamment la résolution 1377 (2001), contiennent des déclarations analogues. Les termes de ces instruments indiquent clairement que la communauté internationale considère les actes décrits dans lesdits instruments comme étant également « contraires aux buts et aux principes des Nations unies ». Un certain nombre de conventions internationales abordent des aspects spécifiques de la lutte contre le terrorisme. Elles requièrent des États signataires d’introduire dans leur droit national les infractions pénales nécessaires pour incriminer, poursuivre et punir les différentes formes d’activités connexes qu’ils identifient (34). Parallèlement, le Conseil de sécurité a également souligné [dans ses résolutions 1624 (2005) et 2178 (2014)] que les mesures adoptées par les États en vue de lutter contre le terrorisme doivent respecter le droit international, et notamment le droit international des droits de l’homme, des réfugiés et le droit humanitaire.

48.      Le libellé de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » est légèrement différent de celui de l’article 1F, sous c), de la convention de Genève en ce qu’il évoque une personne qui s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies tels qu’ils figurent dans le préambule et aux articles 1er et 2 de la charte de cette organisation (35). Cette disposition ne précise toutefois pas davantage les agissements ou les activités qui pourraient déclencher l’application des motifs d’exclusion.

49.      Dans les affaires jointes B et D et, par la suite, dans l’affaire H. T, la Cour a interprété que l’approche actuelle du Conseil de sécurité des Nations unies est que les actes de terrorisme international sont contraires aux buts et aux principes des Nations unies (36). Cette interprétation s’accorde avec les circonstances actuelles. La menace que représente l’activité terroriste internationale a focalisé l’attention depuis les événements du 11 septembre 2001 et les récents attentats de Paris (France) et Bruxelles n’ont fait que la mettre davantage en évidence.

50.      Dans les affaires jointes B et D, la Cour a immédiatement ajouté qu’« [i]l s’ensuit que […] les autorités compétentes des États membres peuvent appliquer l’article 12, paragraphe 2, sous c), […] également à une personne qui, dans le cadre de son appartenance à une organisation inscrite sur la liste constituant l’annexe de la position commune 2001/931, a été impliquée dans des actes de terrorisme ayant une dimension internationale » (37). La Cour n’a pas directement développé le raisonnement reliant ces deux affirmations ni ce qu’elle entend par « a été impliquée dans » (des actes de terrorisme), mais d’autres passages de l’arrêt B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661) que j’aborderai par la suite dans les présentes conclusions permettent de clarifier la logique et la portée de la décision de la grande chambre (38). Je relève à cet égard que la position adoptée est conforme aux deux objectifs principaux des clauses d’exclusion figurant aussi bien à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » qu’à l’article 1F, sous c), de la convention de Genève, qui sont de refuser le statut de réfugié aux personnes que leur comportement a rendues indignes de protection internationale, d’une part, et de les empêcher d’utiliser la protection conférée par le statut de réfugié pour échapper à la justice, d’autre part, (39).

51.      Un demandeur d’asile doit-il avoir été condamné du chef d’une infraction terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision‑cadre pour que s’applique l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » ?

52.      À mon sens, la réponse est non.

53.      Premièrement, le libellé de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » ne suggère pas qu’il faudrait restreindre ou définir les « agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » par référence à d’autres actes de l’Union comme la décision‑cadre. Le champ d’application et la finalité de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions », d’une part, et de l’article 1er de la décision-cadre, d’autre part, ne sont pas les mêmes. Si une condamnation du chef d’un acte de terrorisme tel que défini dans la décision-cadre est à l’évidence pertinente aux fins du processus d’évaluation du statut de réfugié, elle ne saurait cependant pas déterminer le champ d’application de la clause d’exclusion. La directive « conditions » a été adoptée près de deux ans après la décision-cadre. Le législateur pourrait avoir fait référence à cette dernière. Or, il s’en est abstenu, peut-être parce qu’une restriction de cette nature aurait probablement été incompatible avec la convention de Genève.

54.      Deuxièmement, restreindre en ce sens l’application du motif d’exclusion prévus à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » serait incompatible avec la conception selon laquelle la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés (40). La convention de Genève elle-même ne subordonne l’application de l’article 1F, sous c), à aucune condition supplémentaire telle qu’une condamnation pénale au niveau national ou international du chef d’actes de terrorisme (ou de toute autre infraction). La référence au préambule et aux articles 1er et 2 de la charte des Nations unies figurant à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » suggère que son champ d’application est plus large que la liste des infractions terroristes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre.

55.      Troisièmement, c’est le régime de détermination du statut de réfugié qui constitue le cadre et le point de départ de l’interprétation des dispositions de la directive « conditions », et non des notions dérivées d’autres domaines du droit de l’Union telles que les mesures destinées à lutter contre le terrorisme. La directive « conditions » est essentiellement une mesure humanitaire (41). Sa base juridique relève de ce qui s’intitulait alors le titre IV du traité instituant la Communauté européenne relatif aux visas, à l’immigration et aux autres politiques liées à la libre circulation des personnes, qui s’inscrit dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice institué conformément à l’article 61 CE (42). La genèse de la décision-cadre est très différente. Cette décision incrimine certains actes terroristes et exige des États membres qu’ils punissent les violations et les attaques sérieuses de certaines valeurs communes de l’Union (43). La décision-cadre repose sur une base juridique différente, à savoir le titre VI du traité sur l’Union européenne relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale [article 29, article 31, paragraphe 1, sous e), et article 34, paragraphe 2, sous b), TUE] (44). Le champ d’application et les finalités des deux mesures ne sont donc pas les mêmes (45).

56.      Quatrièmement, lire dans le texte de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » que l’exclusion prévue dans cette disposition est subordonnée à l’existence d’une condamnation pénale antérieure du chef d’une infraction terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre introduirait une double restriction. D’une part, cela signifierait qu’une personne coupable d’autres actes associés au terrorisme qui ne sont pas énumérés à l’article 1er, paragraphe 1, comme la direction d’un groupe terroriste ou la participation aux activités d’un groupe terroriste (article 2, paragraphe 2) ne relèverait pas du champ d’application des motifs d’exclusion. D’autre part, cette interprétation restreindrait la notion d’« agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » à une sous-catégorie de tels actes. Ces deux restrictions sont incompatibles avec les objectifs des clauses d’exclusion et seraient totalement artificielles.

57.      Cinquièmement, je relève que la décision-cadre est une mesure « à géométrie variable ». Il s’agit d’un acte qui ne lie pas le Royaume‑Uni qui a choisi de se soustraire à ses dispositions (46). En revanche, l’objectif principal de la directive « conditions », applicable à tous les 28 États membres, est d’instituer des critères communs à l’ensemble de l’Union pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale (47). Dans ces circonstances, il me semble qu’il serait incompatible avec les objectifs d’harmonisation de la directive « conditions » d’importer une restriction à l’interprétation de l’une de ses dispositions trouvant son origine dans une autre mesure de l’Union qui ne lie pas l’ensemble des États membres.

58.      Je considère par conséquent qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un demandeur d’asile a été condamné pour une infraction terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre pour exclure cette personne du statut de réfugié pour le motif prévu à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions ».

 Sur les deuxième et troisième questions

59.      La juridiction de renvoi expose le contexte des deuxième et troisième questions comme suit. Dans son arrêt du 12 février 2013, le Conseil du contentieux des étrangers a indiqué que M. Lounani a été condamné pour des crimes impliquant des actes au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la décision‑cadre (participation aux activités d’un groupe terroriste) et non pour des actes relevant de l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision. Le tribunal correctionnel de Bruxelles a considéré que les infractions qu’il avait commises en tant que membre dirigeant du GICM méritaient une peine sévère (48). Selon le Conseil du contentieux des étrangers, c’est toutefois la seule appartenance à un groupe terroriste que le jugement ayant condamné pénalement M. Lounani qualifie d’« activité terroriste ». Ledit jugement n’a pas imputé au GICM la responsabilité d’infractions terroristes spécifiques et M. Lounani n’a été jugé coupable d’implication personnelle dans aucun acte de cette nature.

60.      C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi demande si les actes pour lesquels M. Lounani a été condamné peuvent être considérés comme « contraires aux buts et aux principes des Nations unies » au sens de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » (deuxième question). Elle demande aussi si la condamnation de M. Lounani en tant que membre d’un groupe terroriste suffit pour établir, aux fins de l’article 12, paragraphe 3, de la directive « conditions », qu’il a été l’« instigat[eur] » d’un acte visé à l’article 12, paragraphe 2, de ladite directive, ou qu’il « y [a] particip[é] de quelque autre manière » (troisième question) (49).

 Sur la recevabilité

61.      Aussi bien le Commissaire général que le gouvernement belge concluent à l’irrecevabilité de la troisième question. Ils considèrent tous deux que la juridiction de renvoi n’a pas expliqué en quoi une réponse à cette question serait nécessaire à la solution du litige au principal.

62.      Je ne suis pas d’accord.

63.      Il découle d’une jurisprudence constante que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (50).

64.      Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si la condamnation de M. Lounani du chef de participation à un groupe terroriste suffit à déclencher l’application des motifs d’exclusion prévus à l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions ». L’interprétation de ces dispositions est manifestement pertinente dans le cadre de la procédure au principal. Il convient dès lors de répondre à la troisième question.

 Pertinence de la condamnation pénale de M. Lounani

65.      M. Lounani soutient qu’il convient d’accorder peu ou pas d’importance à la décision du tribunal correctionnel. Il invoque des doutes sérieux quant au caractère équitable de cette procédure. Il se fonde à cet égard sur l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour de Strasbourg ») dans l’affaire El Haski (51). La Cour de Strasbourg y a conclu à une violation de l’article 6 de la CEDH (« Droit à un procès équitable »), au motif que des déclarations obtenues en violation de l’article 3 de la CEDH (« Interdiction de la torture ») avaient été admises comme preuves dans la même procédure pénale devant le tribunal correctionnel de Bruxelles visant l’un des coprévenus de M. Lounani.

66.      Je relève que M. Lounani n’a pas interjeté appel du jugement dans l’affaire le concernant, qu’il n’a pas lui-même introduit de recours devant la Cour de Strasbourg et qu’il n’a invoqué aucun argument de fond suggérant que la procédure pénale à son encontre serait entachée d’un quelconque vice ou que l’article 47 de la Charte (ou l’article 6 de la CEDH) aurait été violé au cours de son procès.

67.      À défaut du moindre élément suggérant que la procédure pénale serait viciée ou que les faits constatés par le jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles ne seraient pas dignes de crédit, sa condamnation constitue un fait établi. La véritable question est de savoir l’importance qu’il convient d’attacher à cette condamnation pour déterminer si l’exclusion visée à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » s’applique.

68.      Dans les affaires jointes B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661), la Cour a rejeté la conception selon laquelle une condamnation pour participation aux activités d’un groupe terroriste au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision-cadre pourrait automatiquement déclencher l’application des clauses d’exclusion prévues à l’article 12, paragraphe 2, sous b) et c), de la directive « conditions ». Elle a indiqué que les conditions d’exclusion présupposent un examen complet de toutes les circonstances propres à chaque cas individuel (52). Pour cette raison, je rejette l’argument du Commissaire général aux termes duquel si une personne a été condamnée pour avoir commis des actes de terrorisme, par exemple, les infractions visées aux articles 1er à 4 de la décision-cadre, cette personne peut automatiquement être exclue du statut de réfugié en vertu de l’article 12, paragraphes 2 et/ou 3, de la directive « conditions », sans qu’il faille procéder par ailleurs à un examen individuel de sa demande.

69.      Dans les affaires jointes B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661), la Cour a expliqué que, « bien qu’il n’existe pas de relation directe entre la position commune 2001/931 et la [directive “conditions”] quant aux objectifs poursuivis, et qu’il [ne soit] pas justifié que l’autorité compétente, lorsqu’elle envisage d’exclure une personne du statut de réfugié en vertu de l’article 12, paragraphe 2, de la directive, se fonde uniquement sur son appartenance à une organisation figurant sur une liste adoptée en dehors du cadre que la directive a instauré dans le respect de la convention de Genève (53) », « l’inscription d’une organisation sur une liste telle que celle constituant l’annexe de la position commune 2001/931 permet d’établir le caractère terroriste du groupe auquel a appartenu la personne concernée » (54). Dans la présente affaire, il faut donc tenir pour acquis que le GICM doit, en tant que tel, être considéré comme une organisation terroriste (55).

70.      Il découle toutefois à l’évidence tant de l’arrêt B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661) que de l’arrêt ultérieur de la Cour dans l’affaire H.T. (56) que la simple appartenance à une organisation terroriste ne suffit pas à déclencher l’application des clauses d’exclusion prévues à l’article 12, paragraphes 2 et 3, de la directive « conditions », dès lors que l’inscription d’une organisation sur une liste ne saurait être comparée à l’évaluation individuelle de la question de savoir si un demandeur déterminé a la qualité de réfugié (57). Une telle appartenance indique seulement que ces clauses d’exclusion pourraient (le cas échéant) s’appliquer. Les circonstances individuelles entourant une demande d’asile sont intrinsèquement susceptibles d’être plus complexes et nuancées que le sous-ensemble de faits sur lesquels se fondent des poursuites et une condamnation pénales. J’estime en conséquence que (même en présence d’une condamnation pénale en apparence pertinente) l’exigence d’une évaluation individuelle subsiste.

 L’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions »

71.      L’article 1F, sous c), de la convention de Genève ne mentionne pas l’« instigation » ni la « participation » à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. Il faut néanmoins interpréter cette disposition comme visant également les personnes qui ne perpètrent pas elles-mêmes des agissements contraires à ces buts et ces principes (58). Une lecture combinée des dispositions de l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, indique que les personnes coupables d’avoir commis ou instigué des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies, ou d’y avoir participé de quelque autre manière relèvent tous du champ d’application des conditions d’exclusion. Cette lecture s’accorde aussi bien avec l’interprétation de la convention de Genève préconisée par les principes directeurs qu’avec les objectifs de la directive « conditions » (59).

72.      Il s’ensuit que l’exclusion prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » n’est pas limitée aux auteurs effectifs d’actes de terrorisme. Lue conjointement avec l’article 12, paragraphe 3, cette disposition s’étend aux personnes qui facilitent la commission d’actes de terrorisme.

73.      Néanmoins quelle est la portée de cette extension prévue à l’article 12, paragraphe 3 ? Où faut-il placer le curseur sur l’échelle allant de la personne qui tend sa sébile dans la rue (60) à celle qui est directement impliquée dans un attentat terroriste, comme le chauffeur du véhicule de fuite ?

74.      Les exigences applicables en matière de preuve requièrent « des raisons sérieuses de penser » (61) que le demandeur est individuellement responsable en tant que membre du groupe pendant la période considérée et qu’il s’est rendu coupable d’agissements relevant du champ d’application des clauses d’exclusion (62). Dans les affaires jointes B et D, la Cour a déclaré : « à cet effet, l’autorité compétente doit notamment examiner le rôle qu’a effectivement joué la personne concernée dans la perpétration des actes en question, sa position au sein de l’organisation, le degré de connaissance qu’elle avait ou était censée avoir des activités de celle-ci, les éventuelles pressions auxquelles elle aurait été soumise ou d’autres facteurs susceptibles d’influencer son comportement » (63).

75.      S’agissant de la participation du demandeur à des actes visés à l’article 12, paragraphe 2, sous c), les termes introductifs « des raisons sérieuses de penser » indiquent que le seuil requis pour invoquer l’article 12, paragraphe 2, est élevé. La référence aux « buts et aux principes des Nations unies » montre que l’acte du demandeur doit avoir un impact international et un degré de gravité qui a des implications pour la paix et la sécurité internationales, parce que le préambule et les articles 1er et 2 de la charte des Nations unies énumèrent essentiellement les principes fondamentaux sur le fondement desquels la communauté internationale coexiste (64).

 Évaluation des conditions d’exclusion au titre de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions »

76.      Il découle de ma réponse à la première question que je considère que, dans le cadre du processus d’évaluation, il convient d’interpréter l’article 12, paragraphe 2, indépendamment de l’application de l’article 1er de la décision‑cadre. Je suis du même avis s’agissant de l’article 2 de ladite décision (participation à un groupe terroriste), et considère également ici qu’il n’est pas nécessaire d’établir la condamnation pénale d’un demandeur conformément à cette disposition.

77.      Tous les États membres ont l’obligation d’affirmer et de promouvoir les valeurs communes consacrées à l’article 2 TUE, y compris l’État de droit (article 3, paragraphe 5, TUE). Ainsi, si un demandeur d’asile a été condamné à l’issue d’un procès qui satisfait aux exigences procédurales prévues par la loi et conforme à l’article 47 de la Charte et que cette condamnation est devenue définitive, il faudrait y attacher une importance particulière dans le cadre d’une éventuelle évaluation individuelle conformément à l’article 4 de la directive « conditions ». Parallèlement, on ne saurait considérer l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » comme une simple disposition supplémentaire destinée à lutter contre le terrorisme susceptible d’être invoquée automatiquement pour compléter d’éventuelles sanctions déjà imposées (65). Le respect des exigences de la directive « conditions » impose encore de procéder à une évaluation individuelle de l’ensemble des faits et des circonstances pertinents.

78.      Le gouvernement français soutient que la condamnation du demandeur pour une infraction telle que la participation à un groupe terroriste fait naître une présomption réfragable d’exclusion fondée sur les motifs visés à l’article 12, paragraphe 2.

79.      Je ne suis pas d’accord.

80.      Si les circonstances indiquent qu’ils pourraient être pertinents, les éventuels motifs d’exclusion sont évalués au moment de la demande du statut de réfugié (66). Conformément à l’article 4 de la directive « conditions », les États membres disposent d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne le processus d’évaluation (67). Selon moi, une condamnation pour infraction terroriste devrait simplement être considérée comme une preuve évidente et crédible de l’existence de raisons sérieuses de penser que le seuil de l’article 12, paragraphe 2, a été franchi. Cette approche a pour avantage de garantir que les critères communs de reconnaissance du statut de réfugié ne soient pas compromis du fait que les États membres appliqueraient des règles différentes en matière de présomptions.

81.      Le Royaume-Uni soutient que l’arrêt Shepherd (68), dans lequel la Cour a interprété l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive « conditions » (69), pourrait aider la Cour à déterminer le seuil de déclenchement de l’application de l’article 12, paragraphe 2, sous c), et il soutient que, quel que soit le critère appliqué, il doit être compatible avec la décision de la Cour dans l’affaire Shepherd. Je crois comprendre que le critère proposé par le Royaume-Uni est le suivant : par l’exercice de ses fonctions au sein d’un groupe terroriste, la personne concernée fournit, avec une plausibilité raisonnable, un appui indispensable à la préparation ou à l’exécution de crimes qui déclenchent l’application du motif d’exclusion visé à l’article 12, paragraphe 2, sous c), appui suffisant à déclencher l’application de l’article 12, paragraphe 3.

82.      Je ne pense pas que l’arrêt Shepherd (C‑472/13, EU:C:2015:117) puisse aider la Cour dans la présente affaire. Premièrement, cet arrêt portait uniquement sur le motif d’exclusion visé à l’article 12, paragraphe 2, sous a). Deuxièmement, la Cour a opéré dans ledit arrêt une distinction nette entre l’article 9, paragraphe 2, sous e), et les motifs d’exclusion visés à l’article 12, paragraphe 2. En effet, la Cour a indiqué que l’évaluation de l’existence d’un risque de commettre un crime dans l’avenir, aux fins de l’application de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive « conditions » et l’évaluation en vertu de l’article 12, paragraphe 2, sont fondamentalement différentes. Cette dernière requiert une enquête a posteriori visant à déterminer si, en raison de ses actions passées, un demandeur doit être exclu de la protection conférée par la directive « conditions » (70). Enfin, dans l’arrêt Shepherd (C-472/13, EU:C:2015:117), la Cour est muette sur ce qui correspond à un acte terroriste au sens de la directive « conditions ».

83.      Je suggère que l’évaluation à laquelle doivent procéder les autorités nationales compétentes aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, sous c), comporte deux phases.

84.      La première consiste à vérifier si l’organisation que le demandeur d’asile a soutenue, ou à l’intérieur de laquelle il a participé aux activités, est effectivement une organisation terroriste (71).

85.      La seconde consiste à évaluer si les faits spécifiques imputés à la personne concernée établissent sa participation à des actes de terrorisme déclenchant l’application de l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions ». Cela requiert une appréciation de la structure de l’organisation, de la position de la personne en son sein et de la capacité de cette personne à influencer les activités du groupe (72), ainsi qu’un examen des questions de savoir, d’une part, si et dans quelle mesure cette personne était impliquée dans la planification, la prise de décision ou la direction d’autres personnes en vue de commettre des actes de terrorisme et, d’autre part, si et dans quelle mesure elle a financé de tels actes ou procuré à d’autres personnes les moyens de les commettre. Les autorités compétentes doivent également s’assurer que la personne a commis ou a contribué de manière importante à des activités terroristes et qu’elle en supporte en partie la responsabilité parce qu’elle a agi en sachant qu’elle facilitait la commission de telles infractions (73).

86.      La décision de renvoi indique qu’il a été constaté que M. Lounani était un membre dirigeant du GICM. Il s’ensuit logiquement que l’on peut supposer qu’il était en mesure d’influencer les activités du groupe. Il a fourni un appui logistique. Cela implique qu’il pourrait très bien avoir facilité des actes de terrorisme et permis à des tiers d’y participer ou de les commettre. Les activités du GICM ont une dimension internationale dès lors que ce groupe a été inscrit sur la liste des sanctions des Nations unies (74). Les activités de M. Lounani revêtent, elles aussi, une dimension internationale dans la mesure où il a été impliqué dans la contrefaçon de passeports et qu’il a aidé des volontaires souhaitant se rendre en Irak. Ses motivations et ses intentions sont également pertinentes pour établir sa responsabilité personnelle à l’égard des activités de ce même groupe terroriste.

87.      S’il découle à l’évidence de la décision de renvoi que M. Lounani n’a pas été condamné pour avoir lui-même commis des attentats terroristes, la sévérité de la condamnation qui lui a été infligée est un indice sérieux de la gravité des infractions qui lui ont été imputées.

88.      Je souligne cependant que la Cour ne peut que fournir des indications et que l’évaluation finale de la demande de M. Lounani incombe aux autorités nationales compétentes sous le contrôle du juge national en tant que seul juge des faits.

89.      C’est pourquoi je considère que si un demandeur d’asile a été condamné par les juridictions d’un État membre du chef de participation à un groupe terroriste et que cette condamnation est devenue définitive, cette circonstance est pertinente et doit revêtir une importance particulière aux fins de l’évaluation individuelle de l’application du motif d’exclusion prévu à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions ». Lorsqu’elles apprécient les faits et les circonstances d’une demande aux fins de l’application des dispositions conjointes de l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions », les autorités nationales compétentes doivent également examiner si le demandeur a une part de responsabilité personnelle au regard de ses motivations et ses intentions à l’égard des activités du groupe terroriste auquel il participe. Les activités du groupe doivent avoir une dimension internationale et être d’une gravité telle qu’elles ont des implications pour la paix et la sécurité internationales. La constatation que le demandeur était un membre dirigeant d’un tel groupe est un élément pertinent. Il n’est pas nécessaire d’établir qu’il a lui‑même été l’instigateur d’actes terroristes tels que définis à l’article 1er de la décision-cadre ou qu’il y a participé pour invoquer les motifs d’exclusion prévus à l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions ».

 Sur la quatrième question

90.      La quatrième question consiste à savoir si l’acte d’instigation ou de participation, visé à l’article 12, paragraphe 3, de la directive « conditions », doit être relatif à la commission d’une infraction au sens de l’article 1er de la décision‑cadre ou s’il peut être relatif à la participation à un groupe terroriste au sens de l’article 2.

91.      Pour les raisons exposées en réponse aux première, deuxième et troisième questions, je ne considère pas que l’application de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive « conditions » dépend de la question de savoir si la décision-cadre s’applique. Dès lors, il n’est pas nécessaire de démontrer la commission d’une infraction au sens des articles 1er ou 2 de cette décision pour que l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive « conditions » s’applique.

 Sur la cinquième question

92.      Un demandeur peut-il être exclu du statut de réfugié si ni lui ni le groupe terroriste dont il est membre n’ont pas commis d’actes violents, d’une nature particulièrement cruelle, tels que visés à l’article 1er de la décision-cadre ?

93.      À mon sens, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un demandeur s’est rendu coupable de tels actes pour que les motifs d’exclusion de l’article 12, paragraphe 2, de la directive « conditions » s’appliquent.

94.      Premièrement, les termes « acte violent, d’une nature particulièrement cruelle » ne figurent pas dans le texte de la décision‑cadre. Deuxièmement, ainsi que je l’ai déjà expliqué, la commission d’actes que ladite décision qualifie de terroristes n’est pas l’unique motif de déclenchement de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive « conditions », voire n’est pas requis à cet effet (75).

95.      Pour le bon ordre, j’ajouterai que l’expression « acte violent, d’une nature particulièrement cruelle » n’est pas non plus une condition d’exclusion en vertu du texte de la directive « conditions ». En outre, les objectifs de cette directive ne fournissent aucune indication permettant d’interpréter l’article 12, paragraphe 2, en ce sens qu’une telle condition s’appliquerait.

 Conclusion

96.      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que la Cour devrait répondre aux questions du Conseil d’État comme suit :

–        Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un demandeur d’asile a été condamné pour une infraction terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme pour exclure cette personne du statut de réfugié au motif qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies au sens de l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

–        Si un demandeur d’asile a été condamné par les juridictions d’un État membre du chef de participation à un groupe terroriste et que cette condamnation est devenue définitive, cette circonstance est pertinente et doit revêtir une importance particulière aux fins de l’évaluation individuelle de l’application du motif d’exclusion prévu à l’article 12, paragraphe 2, sous c), de la directive 2004/83. Lorsqu’elles apprécient les faits et les circonstances d’une demande aux fins de l’application des dispositions conjointes de l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive 2004/83, les autorités nationales compétentes doivent également examiner si le demandeur a une part de responsabilité personnelle au regard de ses motivations et ses intentions à l’égard des activités du groupe terroriste auquel il participe. Les activités du groupe doivent avoir une dimension internationale et être d’une gravité telle qu’elles ont des implications pour la paix et la sécurité internationales. La constatation que le demandeur était un membre dirigeant d’un tel groupe est un élément pertinent. Il n’est pas nécessaire d’établir qu’il a lui-même été l’instigateur d’actes terroristes tels que définis à l’article 1er de la décision‑cadre 2002/475 ou qu’il y a participé pour invoquer les motifs d’exclusion prévus à l’article 12, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 3, de la directive 2004/83.

–        Pour établir qu’un demandeur d’asile a été l’instigateur de crimes ou d’agissements ou qu’il y a participé de quelque autre manière au sens de l’article 12, paragraphes 2 et 3, de la directive 2004/83, il n’est pas nécessaire que le groupe terroriste auquel il a participé ait commis un acte énuméré à l’article 1er de la décision-cadre 2002/475 ni que le demandeur ait été jugé coupable d’un acte visé à l’article 2 de cette décision.

–        Un demandeur d’asile peut être exclu du statut de réfugié si ni lui ni le groupe terroriste dont il est membre n’ont commis d’actes violents d’une nature particulièrement cruelle, tels que visés à l’article 1er de la décision‑cadre 2002/475.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Directive du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12, ci-après la « directive “conditions” »). Cette directive a été abrogée et remplacée, après refonte, par la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011 (JO 2011, L 337, p. 9). Le libellé des dispositions en cause n’a pas substantiellement changé.


3      Décision-cadre du 13 juin 2002 (JO 2002, L 164, p. 3, ci-après la « décision-cadre »). Cette décision a été modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008 (JO 2008, L 330, p. 21). La décision-cadre s’applique à tous les États membres à l’exception du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord qui, conformément à l’article 10, paragraphe 4, du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires annexé aux traités, a exercé son droit de notifier au Conseil de l’Union européenne que ladite décision constitue un acte à l’égard duquel il n’accepte pas les attributions des institutions.


4      Charte des Nations unies et statut de la Cour internationale de justice, signée à San Francisco (États d’Unis d’Amérique) le 26 juin 1945 (ci-après la « charte des Nations unies »).


5      Voir, notamment, Goodwin-Gill, G. S., et McAdam, J., The Refugee in International Law, 3e édition, Oxford University Press, p. 192 et 193. Voir également Singer, S., Terrorism and Exclusion from Refugee Status in the United Kingdom, Brill Nijhoff, 2015, p. 15 et 16.


6      Convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, entrée en vigueur le 22 avril 1954 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967 et entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci‑après la « convention de Genève »). Le protocole est dénué de pertinence pour répondre à la présente demande de décision préjudicielle.


7      Les motifs d’exclusion visent également les personnes qui ont commis des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, au sens des actes de droit international [article 1F, sous a)] et celles qui ont commis des crimes graves de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’être admis comme réfugiés [article 1F, sous b)].


8      JO 2010, C 83, p. 389, ci-après la « Charte ».


9      Les actes énumérés sont : a) les atteintes contre la vie d’une personne ; b) les atteintes graves à son intégrité physique ; c) l’enlèvement ou la prise d’otage ; d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique ; e) la capture d’aéronefs et de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ; f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, ou la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu ; g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau ou toute autre ressource naturelle fondamentale susceptible de mettre en danger des vies humaines, ou i) la menace de réaliser l’un des comportements énumérés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre.


10      Considérant 3. Voir également arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 77).


11      Considérant 6. Voir également considérants 16 et 17.


12      Considérant 10.


13      Considérant 15.


14      Voir par ailleurs directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13). Cette directive a été abrogée et remplacée, après refonte, par la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (JO 2013, L 180, p. 60).


15      L’article 12, paragraphe 2, exclut du statut de réfugié les personnes qui ont commis : a) un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes, ou b) des crimes graves de droit commun en dehors du pays de refuge avant d’être admis comme réfugié ; les actions particulièrement cruelles, même si elles sont commises avec un objectif prétendument politique, pourront recevoir la qualification de crimes graves de droit commun.


16      Article 21, paragraphe 2.


17      Cette liste identifie certaines personnes et entités faisant l’objet de sanctions (gel des avoirs, interdiction de voyage, embargo sur les armes). Le GICM a été ajouté sur cette liste des sanctions des Nations unies en application de la résolution 1390 (2002) du Conseil de sécurité des Nations unies. La liste a depuis été mise à jour et le GICM y demeure inscrit dans la version actuellement en vigueur.


18      Le gouvernement belge a expliqué lors de l’audience que l’article 140 du code pénal belge transpose l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre.


19      Le gouvernement belge a expliqué lors de l’audience que l’article 137 du code pénal belge transpose l’article 1er de la décision-cadre.


20      Voir note introductive à la convention de Genève par le HCR, décembre 2010.


21      Voir considérants 15 et 22 de la directive « conditions ». Mon collègue, l’avocat général Mengozzi, a toutefois décrit ces indications comme une « multiplicité de textes » pas toujours cohérente : voir point 43 des conclusions qu’il a présentées dans les affaires jointes B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:302).


22      Voir également article 78, paragraphe 1, TFUE, qui indique expressément que la politique de l’Union en matière d’asile doit être conforme à la convention de Genève ainsi qu’aux autres traités pertinents.


23      Voir arrêt du 2 mars 2010, Salahadin Abdulla e.a. (C‑175/08, C‑176/08, C‑178/08 et C‑179/08, EU:C:2010:105, point 54). Voir plus généralement, s’agissant de l’interprétation des actes de l’Union au regard des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 283), ainsi que considérant 10 de la directive « conditions ».


24      L’article 2, sous c), de la directive « conditions » indique qu’un « réfugié » désigne une personne relevant de la définition énoncée dans cette disposition, sauf application des conditions d’exclusion énumérées à l’article 12.


25      Voir point 46 des conclusions que l’avocat général Mengozzi a présentées dans les affaires jointes B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:302).


26      Ces droits sont garantis à l’article 4 de la Charte. L’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), prévoit des droits correspondants. Voir, notamment, Cour EDH, 15 novembre 1996, Chahal c. Royaume Uni (CE:ECHR:1996:1115JUD002241493).


27      Voir article 21 de la directive « conditions » et article 19, paragraphe 2, de la Charte.


28      Un aspect de cette question occupera la grande chambre dans une autre affaire pendante devant la Cour, à savoir l’affaire C‑158/14, A, B, C et D.


29      Arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661).


30      Position commune du Conseil du 27 décembre 2001 (JO 2001, L 344, p. 93) visant notamment à mettre en œuvre les mesures spécifiques en vue de lutter contre le financement du terrorisme figurant dans la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies.


31      Arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, points 57 à 60).


32      Arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, points 81 à 83).


33      Voir point 46 de la note d’information du HCR sur l’application des clauses d’exclusion : article 1F, de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés.


34      Voir, notamment, convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies dans la résolution 54/109 du 9 décembre 1999.


35      Il semble qu’une interprétation possible est que seules des personnes qui avaient occupé des postes de pouvoir dans un État ou un organisme quasi étatique étaient initialement considérés comme susceptibles de relever du champ d’application de l’article 1F, sous c), de la convention de Genève. Voir, notamment, travaux préparatoires de ladite convention, en particulier opinion du délégué français : « la disposition n’était pas destinée à l’homme de la rue, mais aux personnes occupant des postes gouvernementaux, comme les chefs d’État, les ministres et les hauts fonctionnaires » (E/AC.7/SR.160, 18 août 1950, p. 18), citée au point 2.3.3, note en bas de page 62, de la déclaration du HCR relative à l’article 1F de la convention de 1951 (juillet 2009).


36      Arrêts du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 83), ainsi que du 24 juin 2015, H. T. (C‑373/13, EU:C:2015:413, point 85).


37      Arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 84).


38      Voir points 68 à 70 et 74 des présentes conclusions.


39      Voir point 2 des principes directeurs sur la protection internationale du 4 septembre 2003 : Application des clauses d’exclusion: article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après les « principes directeurs »).


40      Voir considérant 3 de la directive « conditions ».


41      Voir arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 93).


42      Devenu titre V du TFUE : voir en particulier articles 67 et 78 TFUE.


43      Voir article 2 TUE qui énumère ces valeurs.


44      Respectivement remplacés par les articles 67 et 82 TUE [l’article 34, paragraphe 2, sous b), a été abrogé].


45      Voir arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 89).


46      Voir note en bas de page 3 des présentes conclusions.


47      Voir considérants 16 et 17 de la directive « conditions ».


48      Voir point 23 des présentes conclusions.


49      La version en langue anglaise de l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2011/95 utilise le verbe incite au lieu de instigate, mais elle est pour le reste identique à l’article 12, paragraphe 3, de la directive « conditions ».


50      Voir arrêt du 6 juin 2013, MA e.a. (C‑648/11, EU:C:2013:367, point 37 ainsi que jurisprudence citée).


51      Cour EDH, 25 septembre 2012, El Haski c. Belgique (CE:ECHR:2012:0925JUD000064908).


52      Voir arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 93).


53      Voir arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 89, mise en italique par mes soins).


54      Voir arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 90, mise en italique par mes soins).


55      Il n’a pas été soutenu, dans la présente procédure, que l’inscription du GICM ne serait pas valable.


56      Arrêt du 24 juin 2015, H.T. (C‑373/13, EU:C:2015:413, point 89 et jurisprudence citée).


57      Voir article 4, paragraphe 3, de la directive « conditions ».


58      Voir points 17 et 18 des principes directeurs.


59      Voir considérant 22. Une disposition équivalente à l’article 12, paragraphe 3, ne figurait pas dans la proposition initiale de directive du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d’autres raisons, a besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts [COM(2001) 510 final] (JO 2002, C 51 E, p. 325). Le texte a été inséré par les États membres lors des négociations au sein du Conseil.


60      Dans l’affaire H.T., par exemple, il a été établi que M.T. avait recueilli des dons pour le compte du PKK et avait, à l’occasion, distribué un périodique publié par cette organisation. La Cour a jugé qu’il ne découlait pas nécessairement de ces actes que M.T. aurait soutenu la légitimité d’activités terroristes et que de tels actes ne constituent pas, par eux-mêmes, des actes de terrorisme (arrêt du 24 juin 2015, H.T., C‑373/13, EU:C:2015:413, point 91).


61      Voir formulation expresse du paragraphe introductif de l’article 12, paragraphe 2, de la directive « conditions ».


62      Arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 94).


63      Voir arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, point 97).


64      Tous les types d’agissements criminels entraînant une exclusion au titre de l’article 1F, de la convention de Genève impliquent un degré élevé de gravité [déclaration du HCR relative à l’article 1F de la convention de 1951 (juillet 2009)]. Au point 17 des principes directeurs, le HCR déclare que l’article 1F, sous c), de la convention de Genève a vocation à s’appliquer moins souvent que les autres motifs d’exclusion prévus à l’article 1F, sous a) ou b).


65      Voir également point 25 des principes directeurs relatif à l’article 1F, sous c), de la convention de Genève, ainsi que résolutions 1624 (2005) et 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies qui soulignent que les États doivent veiller à ce que les mesures qu’ils prennent pour combattre le terrorisme soient conformes aux obligations que leur fait le droit international, et soient adoptées dans le respect, notamment, du droit des réfugiés et du droit humanitaire.


66      Article 2, sous c), de la directive « conditions ».


67      Voir par ailleurs normes minimales prévues dans la directive 2005/85.


68      Arrêt du 26 février 2015, Shepherd (C‑472/13, EU:C:2015:117).


69      L’arrêt Shepherd portait sur le champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive « conditions », et notamment sur la signification des termes « lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d’accomplir des actes relevant des clauses d’exclusion visées à l’article 12, paragraphe 2 ».


70      Arrêt du 26 février 2015, Shepherd (C‑472/13, EU:C:2015:117, point 38).


71      Voir point 69 des présentes conclusions. Tel semble incontestablement le cas dans la présente affaire.


72      Voir point 19 des principes directeurs. Voir également, par analogie, arrêt du 24 juin 2015, H.T. (C-373/13, EU:C:2015:413, points 90 à 93), où la Cour a examiné la question de savoir si l’appui fourni par un réfugié à un groupe terroriste constituait une raison impérieuse liée à la sécurité nationale ou à l’ordre public, au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la directive « conditions », justifiant le retrait de son titre de séjour.


73      Voir point 51 de la note d’information du HCR sur l’application des clauses d’exclusion, citée à la note 33 des présentes conclusions.


74      Voir point 26 des présentes conclusions.


75      Voir points 58 et 91 des présentes conclusions.