Language of document : ECLI:EU:T:2020:97

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 mars 2020 (*)

« Aides d’État – Aides octroyées par l’Espagne en faveur de certains clubs de football professionnel – Garantie – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Bénéficiaire indirect – Imputabilité à l’État – Avantage – Critère de l’investisseur privé »

Dans l’affaire T‑901/16,

Elche Club de Fútbol, SAD, établie à Elche (Espagne), représentée par Mes M. Segura Catalán, M. Clayton et J. Morant Vidal, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme M. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Luengo, B. Stromsky et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, SAD, au Hércules Club de Fútbol, SAD et au Elche Club de Fútbol, SAD (JO 2017, L 55, p. 12),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Elche Club de Fútbol, SAD, est un club de football professionnel dont le siège est situé à Elche, dans la province d’Alicante (communauté de Valence, Espagne).

2        La Fundación Elche Club de Fútbol (ci-après la « Fundación Elche ») est une organisation sans but lucratif dont l’objet social consiste à promouvoir et à mener à bien des activités liées au sport. La plupart des membres du conseil d’administration de la requérante étaient également membres du comité de direction de la Fundación Elche.

3        Le 17 février 2011, l’Instituto Valenciano de Finanzas (ci-après l’« IVF »), l’établissement financier de la Generalitat Valenciana (Généralité valencienne, Espagne), a accordé à la Fundación Elche une garantie pour deux prêts bancaires pour un total de 14 millions d’euros octroyés par la Caja de Ahorros del Mediterráneo, à hauteur de 9 millions d’euros, et par Banco de Valencia, à hauteur de 5 millions d’euros, aux fins d’acquérir certaines actions émises par la requérante dans le contexte d’une augmentation de capital décidée par cette dernière. À l’issue de l’augmentation de capital, la Fundación Elche était détentrice de 63,45 % des actions de la requérante.

4        La garantie couvrait 100 % du principal des prêts, plus les intérêts et les frais associés à la transaction garantie. En contrepartie, une commission annuelle de garantie de 1 % devait être acquittée par la Fundación Elche au profit de l’IVF. En outre, l’IVF recevait en nantissement, à titre de contre-garantie, des actions de la requérante acquises par la Fundación Elche. La durée des prêts sous-jacents était de cinq ans. Le taux d’intérêt des prêts sous-jacents était l’« Euro Interbank Offered Rate » (Euribor) à un an, augmenté d’une marge de 3,5 %. En outre, une commission d’ouverture de 0,5 % était appliquée. Le remboursement des prêts garantis (principal et intérêts) était prévu et devait se faire par la vente des actions de la requérante acquises par la Fundación Elche.

5        Informée de l’existence d’aides d’État présumées, octroyées par la Généralité valencienne sous la forme de garanties de prêts bancaires en faveur du Valencia Club de Fútbol, SAD, du Hércules Club de Fútbol, SAD et de la requérante, la Commission européenne a, le 8 avril 2013, invité le Royaume d’Espagne à formuler des observations sur ces informations. Ce dernier lui a répondu le 27 mai et le 3 juin 2013.

6        Par lettre du 18 décembre 2013, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Par lettre du 10 février 2014, le Royaume d’Espagne a présenté ses observations sur la décision d’ouverture.

7        Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a reçu les observations et renseignements du Royaume d’Espagne, de l’IVF, de la Liga Nacional de Fútbol Profesional, du Valencia Club de Fútbol et de la Fundaciόn Valencia.

8        Par sa décision (UE) 2017/365, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, SAD, au Hércules Club de Fútbol, SAD et au Elche Club de Fútbol, SAD (JO 2017, L 55, p. 12, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a constaté que la garantie publique accordée par l’IVF le 17 février 2011 pour couvrir les deux prêts bancaires octroyés à la Fundación Elche aux fins de la souscription d’actions de la requérante, dans le cadre de l’opération d’augmentation de capital décidée par cette dernière (ci-après la « mesure en cause » ou la « garantie litigieuse »), constituait une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, à hauteur de 3 688 000 euros (article 1er). La Commission a enjoint, en conséquence, au Royaume d’Espagne de récupérer ladite aide auprès de la requérante (article 2), la récupération devant intervenir de manière « immédiate et effective » (article 3).

9        Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que la mesure en cause, octroyée par l’IVF, mobilisait des ressources étatiques et était imputable au Royaume d’Espagne. En second lieu, la Commission a estimé que le bénéficiaire de l’aide était la requérante et non la Fundación Elche, qui aurait agi comme véhicule financier, compte tenu en particulier de l’objectif de la mesure consistant à faciliter le financement de l’augmentation du capital de la requérante. Or, la situation financière de la requérante au moment de l’octroi de la mesure aurait été celle d’une entreprise en difficulté au sens du paragraphe 10, sous a), ainsi que du paragraphe 11 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci‑après les « lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration »). Au regard des critères définis par sa communication sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication relative aux garanties »), et compte tenu de la situation financière de la requérante ainsi que des conditions de la garantie publique dont elle a bénéficié, la Commission a conclu à l’existence d’un avantage indu, ayant pu fausser, ou menacé de fausser, la concurrence et affecter les échanges entre États membres. Par ailleurs, la Commission a quantifié, dans la décision attaquée, l’élément d’aide prétendument octroyé à la requérante, en s’appuyant sur le taux de référence applicable conformément à sa communication relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d’actualisation (JO 2008, C 14, p. 6, ci-après la « communication sur les taux de référence »), à défaut de comparaison significative sur la base d’opérations similaires réalisées sur le marché. À l’occasion de la quantification de l’aide litigieuse, la Commission a considéré que la valeur des actions de la requérante données en nantissement à l’IVF, à titre de contre-garantie, était quasiment nulle. Enfin, la Commission  a considéré, dans la décision attaquée, que la garantie litigieuse n’était pas compatible avec le marché intérieur, en particulier au regard des principes et des conditions établis dans les lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2017, la requérante a introduit une demande en référé afin d’obtenir le sursis à l’exécution des articles 2 à 4 de la décision attaquée en ce qu’ils ordonnent la récupération auprès d’elle de l’aide qui lui a été prétendument octroyée.

12      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 17 mars 2017.

13      Par décision du 24 avril 2017, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis le Royaume d’Espagne à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

14      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 8 mai 2017.

15      La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 20 juin 2017.

16      Le Royaume d’Espagne a déposé le mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 6 juillet 2017.

17      La Commission a déposé ses observations sur le mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 27 juillet 2017.

18      La requérante a déposé ses observations sur le mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 21 septembre 2017.

19      Par lettre du 13 octobre 2017, la requérante a indiqué qu’elle souhaitait être entendue à l’audience.

20      Par ordonnance du 15 mai 2018, Elche Club de Fútbol/Commission (T‑901/16 R, non publiée, EU:T:2018:268), le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision attaquée pour ce qui concernait la récupération de l’aide auprès de la requérante et a réservé les dépens.

21      Par lettres du greffe du Tribunal du 30 octobre 2018, le Tribunal a posé des questions écrites à l’ensemble des parties, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, auxquelles celles-ci ont répondu les 20 et 21 novembre 2018.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

25      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés :

–        le premier, d’une erreur d’appréciation et d’un défaut de motivation dans l’identification de l’aide et du bénéficiaire ;

–        le deuxième, d’une violation de l’article 107 TFUE et d’un défaut de motivation, articulé en cinq branches prises de l’absence de réunion des conditions concernant l’imputabilité à l’État, l’existence d’un avantage, le caractère sélectif dudit avantage, l’existence d’une distorsion de concurrence et d’une affectation des échanges entre États membres ;

–        le troisième, d’une violation de l’article 107 TFUE dans la quantification de l’aide et du montant à récupérer ;

–        le quatrième, à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 107 TFUE dans l’appréciation de la compatibilité de l’aide.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation et d’un défaut de motivation dans l’identification de l’aide et du bénéficiaire

26      La requérante, soutenue par le Royaume d’Espagne, avance que la Commission n’a ni motivé, ni justifié à suffisance de droit le constat qu’elle était le bénéficiaire de l’aide litigieuse.

27      À titre liminaire, la requérante relève que la Commission n’aurait pas exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles ses doutes sur la qualité de bénéficiaire de la Fundación Elche, exprimés dans sa décision d’ouverture de la procédure formelle, auraient été dissipés.

28      Ensuite, la requérante estime que la Commission, faute d’établir un lien juridique entre les prêts octroyés à la Fundación Elche et garantis par l’IVF, d’une part, et l’acquisition de ses actions par la Fundación Elche, d’autre part, devait examiner les deux opérations séparément, au regard de leurs caractéristiques propres et distinctes. Il ne saurait, à cet égard, être déduit de la description de l’objet du financement contracté par la Fundación Elche que les prêts qui lui ont été consentis et l’acquisition qu’elle a faite des actions de la requérante constituent une seule opération juridique. Le Royaume d’Espagne ajoute que ces éléments ne démontrent pas que la Fundación Elche cherchait à améliorer la situation financière de la requérante. La Commission aurait dû examiner en particulier si l’acquisition par la Fundación Elche des actions de la requérante constituait une opération qui n’était pas dénuée de toute perspective de rentabilité.

29      Or, dans la mesure où il s’agit de deux opérations distinctes, la requérante soutient que la Commission aurait dû, pour pouvoir retenir le bénéfice d’une aide pour elle, établir qu’elle s’était vu transférer l’aide lors de l’achat de ses actions par la Fundación Elche – ce que la Commission n’a ni analysé, ni expliqué.  

30      De surcroît, en retenant que la requérante était le bénéficiaire d’une aide, la Commission aurait, selon la même logique, dû considérer que les créanciers de la requérante étaient, en fin de compte, également bénéficiaires de l’aide. La requérante ajoute, dans la réplique, que la Commission aurait également dû analyser si les banques prêteuses avaient également bénéficié d’une aide.

31      Par ailleurs, la Commission serait en défaut d’établir que la requérante et la Fundación Elche constituaient un seul bénéficiaire et n’aurait même pas, sur ce point, respecté son devoir de motivation. À cet égard, la notion d’unité économique sur laquelle il semblerait que la décision attaquée s’appuie ne serait pas applicable aux relations entre la requérante et la Fundación Elche, entités distinctes aux objets sociaux différents, la Fundación Elche n’exerçant de surcroît pas d’activités économiques.

32      Les critères repris au considérant 63 de la décision attaquée pour considérer qu’une entité, détenant une participation de contrôle dans une entreprise, participe à l’activité économique de cette dernière ne seraient pas remplis. Ainsi, la Fundación Elche ne contrôlait pas la requérante, puisque son objectif à court terme était de revendre ses actions pour rembourser les prêts  et elle ne possédait pas, en tout état de cause, d’actions de la requérante à la date d’octroi de la garantie litigieuse.  Elle ne nommait pas non plus les membres du conseil d’administration de la requérante, qui, à l’inverse, décidait de manière paritaire avec la Fundación Elche de la composition du comité de direction de cette dernière. Enfin, la Fundación Elche ne « gérait » pas, comme le soutient la Commission, les prêts qui avaient procuré des capitaux à la requérante, puisqu’elle agissait en tant qu’emprunteuse, seule à entretenir un rapport de droit avec l’IVF, dans le cadre de la garantie accordée à elle seule et dont la requérante ne bénéficiait pas. Cette garantie était notamment conditionnée au nantissement, au profit de l’IVF, des actions de la requérante, l’IVF étant autorisé à donner et ayant effectivement donné des indications à la Fundación Elche quant à l’exercice de ses droits sur la requérante, aux fins de préserver les intérêts patrimoniaux de l’IVF. Les suites contentieuses, liées au défaut de paiement partiel de la Fundación Elche sur les prêts contractés, n’ont concerné directement que la Fundación Elche, à l’exclusion de la requérante. En l’absence d’autres éléments, aucun accord financier, au sens des critères repris au considérant 63 de la décision attaquée, n’existait donc entre la requérante et la Fundación Elche.

33      Enfin, l’arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8), auquel renvoie le considérant 63 de la décision attaquée, ne présenterait aucun lien avec le cas d’espèce, dans la mesure où il ne s’agissait pas d’établir si la Fundación Elche était une entreprise – ce que, au demeurant, elle serait en exerçant une activité économique consistant à acheter des actions – et où la Fundación Elche ne contrôlait pas la requérante.

34      La Commission conteste les arguments de la requérante.

35      Il convient de relever d’emblée que les parties s’accordent sur le fait que la mesure en cause qui fait l’objet de la décision attaquée est la garantie octroyée par l’IVF le 17 février 2011 pour les deux prêts contractés par la Fundación Elche. Elles divergent cependant sur l’identité du bénéficiaire effectif de ladite mesure.

36      À cet égard, force est de constater que l’article 107 TFUE interdit les aides accordées par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, sans établir de distinction selon que les avantages relatifs aux aides sont octroyés de manière directe ou indirecte (arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié, EU:T:2009:49, point 108). Ainsi, la Commission peut tenir compte de l’affectation qui aurait été décidée, le cas échéant, au moment de l’octroi de la mesure pour déterminer le bénéficiaire d’une aide. Dans un tel cas de figure, il est possible en particulier que le bénéficiaire ne soit pas la personne ayant contracté le prêt garanti (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, EU:C:2003:387, points 56 et 57). En définitive, pour déterminer le bénéficiaire d’une aide d’État, il convient d’identifier les entreprises qui ont eu la jouissance effective de celle-ci (arrêt du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, EU:C:2003:387, point 55).

37      En l’espèce, la Commission a constaté, aux considérants 11 et 68 de la décision attaquée, que l’objectif de la garantie octroyée par l’IVF, tel qu’il ressort des termes mêmes du contrat de garantie du 17 février 2011, était de garantir deux prêts à la Fundación Elche destinés uniquement au financement de l’augmentation de capital de la requérante. À cet égard, ni la requérante, ni le Royaume d’Espagne ne contestent que la garantie octroyée par l’IVF ne trouvait à s’appliquer que si les prêts garantis étaient utilisés aux fins mentionnées dans le contrat de garantie, à savoir la participation à l’augmentation de capital de la requérante.

38      Il est par ailleurs constant que les sommes obtenues via les prêts garantis ont été effectivement affectées à la recapitalisation de la requérante.

39      Il s’ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que la requérante était le bénéficiaire de la mesure en cause.

40      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante et du Royaume d’Espagne.

41      En premier lieu, la circonstance que la Commission n’aurait pas, en outre, établi que la Fundación Elche était bénéficiaire d’une aide d’État est dénuée de pertinence. En effet, étant donné que l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, il n’est pas nécessaire, pour parvenir à la conclusion que la garantie litigieuse bénéficie à une autre personne que l’emprunteur qui s’est vu accorder la garantie, de constater au préalable que l’intervention constitue une aide d’État à l’égard de l’emprunteur (arrêt du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, EU:C:2003:387, point 57).

42      En deuxième lieu, s’agissant de l’erreur qu’aurait commise la Commission en s’abstenant d’identifier d’autres bénéficiaires de la mesure en cause, parmi les banques prêteuses et les créanciers de la requérante, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément qui vienne étayer l’existence de plusieurs bénéficiaires de l’aide. En tout état de cause, l’argument de la requérante est inopérant, dans la mesure où la circonstance, à la supposer avérée, que d’autres personnes aient également bénéficié de la mesure en cause est sans incidence, en tant que telle, sur le constat qu’elle a, elle aussi, bénéficié de la mesure en cause.

43      En troisième lieu, l’argumentation de la requérante relative au renvoi, dans la décision attaquée, à l’arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8), et à l’application des critères qui y sont énoncés doit également être écartée comme inopérante en tant qu’elle est dirigée contre un motif de la décision attaquée qui doit être considéré comme étant surabondant, dans la mesure où le motif repris au point 37 ci-dessus suffit à fonder le constat que la requérante était bénéficiaire de la mesure en cause.

44      Il convient donc de rejeter le premier moyen, en tant qu’il est dirigé contre le bien-fondé de l’appréciation de la Commission.

45      Il convient en outre de constater que la décision attaquée est suffisamment motivée s’agissant de la question de la détermination du bénéficiaire de l’aide. Il ressort notamment de l’examen des différents griefs soulevés par la requérante que la décision attaquée lui a permis de connaître les justifications de la mesure prise à cet égard et a permis au Tribunal d’exercer son contrôle. Partant, le premier moyen en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 296 TFUE doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107 TFUE et d’un défaut de motivation

46      Le présent moyen est articulé en cinq branches prises de l’absence de réunion des conditions concernant l’imputabilité à l’État de la mesure en cause, l’existence d’un avantage, le caractère sélectif dudit avantage, l’existence d’une distorsion de concurrence et l’existence d’une affectation des échanges entre États membres.

 Sur la première branche, prise d’une violation de l’article 107 TFUE et d’un défaut de motivation dans l’imputation de la mesure en cause à l’État

47      La requérante estime que la Commission a erronément conclu que la mesure adoptée par l’IVF était imputable à l’État, en s’appuyant sur des critères exclusivement organiques, et n’a pas suffisamment expliqué comment elle était arrivée à une telle conclusion, en se limitant à formuler des postulats généraux. Or, dans la mesure où l’IVF exerce à la fois des activités commerciales et des activités de nature publique, la Commission aurait dû s’assurer que l’octroi de la garantie litigieuse ne s’inscrivait pas dans le cadre de ses activités réalisées en concurrence avec des opérateurs privés, l’arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8), constituant à cet égard une référence décisive.

48      Selon la jurisprudence, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24).

49      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si la mesure en cause pouvait à juste titre être considérée comme le résultat d’un comportement imputable à l’État.

50      Selon une jurisprudence constante, l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique peut être déduite d’un ensemble d’indices suffisamment précis et concordants, résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue, et permettant de présumer l’existence d’une implication concrète des autorités publiques dans l’adoption de cette mesure (voir arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 45 et jurisprudence citée).

51      À cet égard, les points 55 et 56 de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), renferment une liste d’indices, non obligatoires et non exhaustifs, qui ont été pris en considération dans la jurisprudence ou qui sont susceptibles de l’être, tels que le fait que l’entreprise publique ayant accordé les aides ne pouvait pas prendre cette décision sans tenir compte des exigences des pouvoirs publics, que cette entreprise était liée par des éléments de nature organique à l’État, qu’elle devait tenir compte des directives émanant d’un comité interministériel, la nature des activités de l’entreprise publique et l’exercice de celles-ci sur le marché dans des conditions normales de concurrence avec des opérateurs privés, le statut juridique de ladite entreprise, celle-ci relevant du droit public ou du droit commun des sociétés, l’intensité de la tutelle exercée par les autorités sur sa gestion ou son intégration dans les structures de l’administration publique.

52      En l’espèce, la Commission s’appuie, aux considérants 54 à 56 de la décision attaquée, sur divers indices.

53      L’IVF a été institué par la loi sous la forme d’une personne de droit public placée sous le contrôle de la Généralité valencienne, dont certains représentants siègent au conseil général et au comité d’investissement de l’IVF. L’IVF est rattaché au ministère chargé des affaires économiques.

54      En vertu de la loi, l’IVF a pour mission d’agir en tant que principal instrument de la politique de crédit public et de contribuer à l’exercice des pouvoirs de la Généralité valencienne sur le système financier.

55      La garantie litigieuse et les conditions dont son octroi a été assorti étaient conformes aux budgets approuvés conformément aux plafonds d’engagement fixés par la législation applicable.

56      Il convient de déduire des éléments rappelés aux points 53 à 55 ci-dessus, d’emblée, que la Commission ne s’est pas appuyée exclusivement sur l’existence de liens organiques pour conclure à l’imputabilité de la mesure en cause à l’État, contrairement à ce qu’avance la requérante.

57      Ensuite, premièrement, s’agissant du statut juridique de l’IVF, la décision attaquée relève qu’il s’agit d’une personne de droit public, instituée par la loi.

58      Deuxièmement, s’agissant de la nature des activités exercées par l’IVF, il ressort des termes de la loi l’instituant que l’IVF poursuit une mission d’intérêt général consistant à soutenir, par des financements publics, l’économie de la communauté de Valence. Par ailleurs, l’IVF assiste la Généralité valencienne dans l’exercice de ses compétences de surveillance du système financier local.

59      Il s’ensuit que l’IVF agit comme une banque de développement poursuivant des objectifs d’intérêt général et non comme un établissement de crédit aux objectifs purement commerciaux (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T‑387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 63). Les attributions de l’IVF en matière de surveillance prudentielle confirment par ailleurs que son activité s’inscrit dans le cadre d’objectifs définis par les pouvoirs publics.

60      Troisièmement, au-delà des conséquences qui peuvent résulter du statut de droit public de l’IVF, les liens organiques entre l’IVF et la Généralité valencienne et l’intensité de la tutelle exercée par cette dernière se manifestent par la présence de représentants de la Généralité valencienne dans plusieurs structures de gouvernance de l’IVF ainsi que par le rattachement de l’IVF au ministère chargé des affaires économiques.

61      Au regard de ce qui précède, il convient de considérer que la Commission était fondée à considérer que la garantie litigieuse était imputable à l’État.

62      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’IVF exerce également des activités, présentées comme commerciales, en concurrence avec des opérateurs privés. D’une part, la requérante procède par simple affirmation, sans apporter des éléments qui viendraient remettre en cause la définition des missions d’intérêt général de l’IVF par la loi, telle que rapportée au considérant 54 de la décision attaquée. Il n’est ainsi pas démontré qu’une partie des activités de l’IVF se ferait hors du cadre de la mise en œuvre des missions d’intérêt général qui lui ont été confiées, ni a fortiori qu’elles revêtiraient un objet purement commercial. D’autre part, la seule circonstance que l’IVF exercerait ses activités en concurrence avec des opérateurs privés ne s’oppose pas à ce que soient imputées à l’État les mesures que l’IVF est susceptible d’adopter (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Slovénie/Commission, T‑507/12, non publié, EU:T:2016:35, point 92).

63      Enfin, il convient de constater que la décision attaquée est suffisamment motivée s’agissant de la question de l’imputation de la mesure en cause à l’État. En effet, il ressort notamment de l’examen des différents griefs soulevés par la requérante que la décision attaquée lui a permis de connaître les justifications de la mesure prise à cet égard et a permis au Tribunal d’exercer son contrôle.

64      La première branche du deuxième moyen doit donc être écartée.

 Sur la deuxième branche, prise d’une violation de l’article 107 TFUE et d’un défaut de motivation concernant l’existence d’un avantage

65      La requérante estime que la Commission n’a pas vérifié si les conditions énoncées dans la communication relative aux garanties étaient applicables en l’espèce. Plus généralement, ne figurerait pas dans la décision attaquée l’analyse spécifique de l’existence d’un avantage découlant de la mesure en cause.

66      La requérante invoque tout d’abord l’absence d’analyse de la situation de la Fundación Elche, alors qu’elle était la seule bénéficiaire de la garantie octroyée par l’IVF. Or, selon la requérante, il ressort de la décision attaquée que la Fundación Elche n’exerçait pas d’activités économiques, n’avait pas rencontré de difficultés financières à la suite de l’octroi de la garantie et n’avait d’ailleurs bénéficié d’aucun avantage.

67      La requérante soutient ensuite que la Commission n’a pas comparé les termes de la garantie litigieuse avec les conditions qui prévalaient sur le marché et n’a pas non plus tenu compte des contre-garanties offertes par la Fundación Elche, à savoir le nantissement de ses actions et une hypothèque sur un terrain de six hectares.

68      Enfin,  à supposer que la requérante soit le bénéficiaire de la garantie litigieuse, les éléments figurant dans la décision attaquée relatifs à sa situation économique ne permettaient pas de retenir, à son égard, la qualification d’entreprise en difficulté, ni de lui attribuer la note de crédit CCC. La requérante souligne, à cet égard, l’absence de référence dans la décision attaquée à une analyse par un tiers de sa solvabilité  et fournit, comme preuve contraire, un contrat de prêt qu’elle a conclu auprès de Banco de Valencia en octobre 2010. La requérante conteste en tout état de cause le lien établi entre sa note de crédit et la valeur de ses actions.

69      Le Royaume d’Espagne soutient la requérante en son moyen et ajoute, s’agissant de l’appréciation de sa situation économique, que celle-ci aurait dû être appréciée par la Commission à l’aune des particularités du secteur du football professionnel, l’absence de réponse aux arguments en ce sens dans la décision attaquée constituant, selon le Royaume d’Espagne, un défaut de motivation. Le Royaume d’Espagne indique en outre que, nonobstant le non-respect de la condition fixée par la communication relative aux garanties de ne pas couvrir plus de 80 % du prêt garanti, l’IVF a agi en opérateur privé en économie de marché dès lors qu’il a tenu compte, pour définir la portée de la garantie, des contre-garanties importantes octroyées par la Fundación Elche.

70      La Commission rétorque tout d’abord que la requérante s’appuie sur la prémisse erronée selon laquelle ce n’est pas elle-même, mais la Fundación Elche, qui aurait été le bénéficiaire de la mesure en cause et relève que la Fundación Elche n’avait pas, en tout état de cause, la capacité financière pour faire face à la dette découlant des prêts qui lui avaient été octroyés.

71      Ensuite, la Commission avance qu’elle a bien examiné, dans la décision attaquée, si la garantie avait été octroyée aux conditions de marché, en s’appuyant sur la situation financière de la requérante au regard de laquelle aucun établissement financier n’aurait accepté d’accorder un prêt tel que ceux en cause, sans garantie publique. Elle aurait également comparé la mesure en cause avec des opérations réalisées aux conditions de marché, ce qu’attesteraient les développements de la décision attaquée sur le calcul du montant de l’aide, étant noté que ni le Royaume d’Espagne ni la requérante n’ont allégué pendant la phase administrative que des prêts similaires avaient été octroyés à cette dernière. S’agissant des contre-garanties offertes, la Commission indique que, d’une part, la valeur des actions de la requérante données en nantissement reflétait la situation financière du club et devait, à ce titre, être considérée comme étant quasiment nulle. D’autre part, l’hypothèque invoquée par la requérante n’avait pas été mentionnée par le Royaume d’Espagne durant la phase administrative et était, en outre, d’une faible valeur (600 000 euros) en comparaison du montant des prêts octroyés à la Fundación Elche (14 millions d’euros).

72      Par ailleurs, la Commission fait valoir qu’elle a qualifié à bon droit la requérante d’entreprise en difficulté à la date d’octroi de la garantie litigieuse, l’amélioration de sa situation financière n’étant intervenue qu’après l’adoption de la mesure en cause. Les difficultés financières rencontrées par la requérante justifieraient que lui soit attribuée une note de crédit CCC. Quant au prêt de Banco de Valencia octroyé sans garantie publique qu’invoque la requérante, il ne serait pas comparable, notamment au regard de sa durée et de la date de sa conclusion.

73      Enfin, en réponse aux arguments invoqués par le Royaume d’Espagne, la Commission souligne que l’appréciation des difficultés d’une entreprise doit se faire de manière objective au regard de la situation propre de l’entreprise en cause, ni le Royaume d’Espagne ni la requérante n’ayant démontré qu’une autre méthode trouverait à s’appliquer, s’agissant des clubs de football. S’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la couverture assurée par la garantie litigieuse pouvait excéder 80 % du prêt garanti, compte tenu des circonstances de l’espèce, la Commission rétorque que le contexte, et notamment la faiblesse des contre-garanties proposées, ne permet pas de s’abstraire de cette condition fixée par la communication relative aux garanties, d’autant plus que ladite communication préconise, dans une telle hypothèse, de lui notifier au préalable la mesure.

74      La présente branche relative à l’existence d’un avantage est articulée en trois griefs, dirigés, premièrement, contre l’absence de prise en compte de la Fundación Elche, deuxièmement, contre l’absence d’examen, d’une part, des termes de la garantie litigieuse et des sûretés accordées en contrepartie et, d’autre part, des conditions auxquelles des opérations similaires étaient réalisées sur le marché et, troisièmement, contre l’appréciation erronée de la situation financière de la requérante à la date d’octroi de la garantie litigieuse. Le Tribunal examinera le troisième grief avant le deuxième grief, dans la mesure où la décision attaquée s’appuie en partie sur le constat préalable des difficultés financières de la requérante pour en tirer les conclusions contestées dans le cadre du deuxième grief.

–       Sur la recevabilité de la deuxième branche en tant qu’elle vise une violation de l’obligation de motivation

75      À la suite d’une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la Commission a contesté la recevabilité de la présente branche en tant qu’elle vise une violation de l’obligation de motivation.

76      À cet égard, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante relatifs au défaut ou à l’insuffisance de motivation ne sont pas distingués, dans ses écritures, de ceux qui visent le bien-fondé des motifs exposés dans la décision attaquée.

77      Or, en vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte attaqué (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 18 janvier 2005, Confédération Nationale du Crédit Mutuel/Commission, T‑93/02, EU:T:2005:11, point 67).

78      Par ailleurs, la requête met en exergue, dans les intitulés présentés dans le cadre de la présente branche, l’absence d’analyse effectuée par la Commission et expose, dans les développements qui y sont afférents, soit les absences d’analyse ou de vérification, soit les appréciations prétendument erronées de la Commission. Il y a lieu de relever que l’ensemble de ces considérations a trait au bien-fondé et non à la motivation de la décision attaquée. La requête contient enfin, de manière sporadique, la mention d’une absence ou d’une insuffisance de motivation, mais celles-ci sont systématiquement rattachées à des considérations relatives au bien-fondé de la décision attaquée.

79      Il y a lieu de rappeler à cet égard que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du 16 septembre 2013, British Telecommunications et BT Pension Scheme Trustees/Commission, T‑226/09 et T‑230/09, non publié, EU:T:2013:466, point 232, et du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 93).

80      Au regard des principes et des éléments rappelés aux points 75 à 79 ci-dessus, il convient dès lors, dans le contexte de la présente branche, de rejeter comme irrecevables les griefs dirigés contre la motivation de la décision attaquée et d’examiner les arguments tirés, en substance, d’une erreur d’appréciation de la Commission dans l’établissement d’un avantage.

81      Au demeurant, la Commission n’a pas méconnu son obligation de motivation s’agissant de l’existence d’un avantage. En effet, les développements qui suivent attestent, d’une part, de ce que la requérante a été en mesure de contester le bien-fondé des motifs de la décision attaquée et, d’autre part, de ce que le Tribunal a été en mesure d’exercer son contrôle sur ce point.

–       Sur le grief dirigé contre l’absence de prise en compte de la situation de la Fundación Elche dans l’analyse de l’existence d’un avantage

82      À titre liminaire, il est rappelé que le Tribunal a constaté, en réponse au premier moyen, que la Commission n’avait pas commis d’erreurs d’appréciation en identifiant dans la décision attaquée la requérante comme étant le bénéficiaire de la mesure en cause. Partant, les arguments de la requérante qui tendent à contester l’octroi d’un avantage au bénéfice de la Fundación Elche, dans la mesure où ils reposent sur la prémisse que ladite fondation serait la seule bénéficiaire de la garantie litigieuse, doivent être écartés comme inopérants.

83      En revanche, la requérante, par ce grief, invoque également la circonstance que l’IVF a octroyé la garantie à la Fundación Elche, ce qui justifierait que la situation financière de cette dernière soit analysée aux fins d’apprécier l’existence d’un avantage.

84      À cet égard, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que soutient la Commission (voir point 70 ci-dessus), que le fait pour la requérante d’être le bénéficiaire de la mesure en cause au sens du droit des aides d’État, comme cela a été confirmé dans le cadre du premier moyen, est indépendant de la circonstance que la Fundación Elche soit partie au contrat de garantie conclu avec l’IVF et identifiée, dans ledit contrat, comme le bénéficiaire de la garantie, ainsi qu’il ressort du point 3 ci-dessus. En d’autres termes, le fait que la Fundación Elche ne soit pas identifiée comme étant le bénéficiaire effectif de la mesure en cause est sans incidence sur la circonstance qu’elle bénéficie de la garantie litigieuse aux termes du contrat conclu le 17 février 2011 avec l’IVF.

85      Il en résulte que la Fundación Elche doit répondre, auprès de l’IVF, des conséquences du non-paiement des prêts sous-jacents au contrat de garantie et de l’invocation, par les banques prêteuses, de la garantie. Il convient également de noter, au surplus, que cet état de fait est illustré par l’action en recouvrement, évoquée par la requérante dans ses écritures, qui a été intentée depuis lors par l’IVF à l’encontre de la Fundación Elche, réclamant le remboursement des sommes qu’il a versées aux banques prêteuses l’ayant appelé en garantie, à la suite du défaut de paiement partiel de la Fundación Elche sur les prêts garantis.

86      Au regard de ce qui précède, la situation économique et financière de la Fundación Elche constitue donc, en principe, une caractéristique pertinente aux fins d’évaluer le risque pris par le garant public et, par là même, la prime de garantie que réclamerait, en pareilles circonstances, un opérateur privé.

87      Par ailleurs, il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est tenu notamment de vérifier que la Commission a effectué une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer s’il découle de la mesure en cause un avantage (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 73, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 221).

88      Le Tribunal doit ainsi contrôler la pertinence en l’espèce des éléments dont il est allégué qu’ils n’auraient pas été pris en compte durant la procédure administrative, puis, dans l’affirmative, si la Commission en a tenu compte (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 77).

89      Premièrement, comme il résulte des points 84 à 86 ci-dessus, la situation économique et financière de la Fundación Elche constitue, en principe, une circonstance pertinente aux fins d’évaluer l’existence d’un avantage découlant des conditions d’octroi de la garantie litigieuse.

90      La Commission fait cependant valoir dans ses écritures que la Fundación Elche n’avait pas, en tout état de cause, la capacité financière pour faire face à la dette découlant des prêts qui lui avaient été octroyés, au regard notamment de la faiblesse de son patrimoine.

91      À supposer cette circonstance avérée, il n’en demeure pas moins que la probabilité d’une défaillance de l’emprunteur, en l’occurrence la Fundación Elche, due à sa situation financière est, en soi, une circonstance pertinente que la Commission était tenue d’examiner [voir, à cet égard, point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties], étant rappelé qu’une décision doit se suffire à elle-même et que sa motivation ne saurait résulter des explications données ultérieurement alors que la décision en question fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union (arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 107). En outre, il y a lieu de relever, en réponse à l’argument de la Commission sur la situation patrimoniale de la Fundación Elche, que les fonds propres de cette dernière, certes limités, étaient néanmoins positifs à la date d’octroi de la garantie litigieuse, à hauteur de 1,4 million d’euros, à la différence de la situation qui caractérisait, au même moment, la requérante (considérants 20 et 22 de la décision attaquée).

92      Deuxièmement, une fois établie la pertinence de la situation économique et financière de la Fundación Elche, il convient d’examiner si la Commission en a tenu compte dans son appréciation de l’existence d’un avantage.

93      Tout d’abord, la décision attaquée présente, au considérant 11 figurant en son point 2 relatif à la description des mesures et des bénéficiaires, la mesure en cause en indiquant les informations reprises aux points 3 et 4 ci-dessus, puis expose, au considérant 22, les principales données financières de la Fundación Elche entre décembre 2009 et décembre 2011, après avoir évoqué les liens capitalistiques et organisationnels entre celle-ci et la requérante (considérant 21). Ensuite, il est conclu, à l’issue de l’analyse opérée aux considérants 63 et 66 à 69 de la décision attaquée, que le bénéficiaire de la mesure en cause n’est pas la Fundación Elche, mais la requérante. Les développements qui suivent ce constat, aux considérants 70 à 88, portent sur la caractérisation d’un avantage, alors que les considérants 91 à 95 portent sur la quantification de l’élément d’aide. À ce stade, il n’est plus fait mention de la Fundación Elche, ni a fortiori de sa situation économique et financière.

94      Il ressort de l’examen de la décision attaquée qu’elle ne tient pas compte de la situation de la Fundación Elche aux fins de caractériser l’existence d’un avantage, les seuls éléments d’analyse à cet égard se situant en amont, au considérant 68, aux termes desquels il est constaté que la situation de la Fundación Elche ne s’est pas améliorée à la suite de l’octroi de la garantie litigieuse, ce qui, conjointement avec le fait que le risque d’activation de ladite garantie dépendait, selon la Commission, des performances de la requérante, justifie que celle-ci soit considérée comme seul bénéficiaire de la mesure d’aide. En revanche, la décision attaquée ne se prononce nullement sur l’incidence, dans l’évaluation du risque associé à l’octroi de la garantie litigieuse, de la situation individuelle de la Fundación Elche.

95      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas pris en compte la circonstance pertinente que constitue la situation économique et financière de la Fundación Elche aux fins d’apprécier l’existence d’un avantage et a, ce faisant, commis une erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, points 88 et 89).

–       Sur le grief dirigé contre l’appréciation erronée de la situation financière de la requérante à la date d’octroi de la garantie litigieuse

96      En l’espèce, la Commission s’est fondée, au considérant 79 de la décision attaquée, sur le paragraphe 10, sous a), et sur le paragraphe 11 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration pour qualifier la requérante d’entreprise en difficulté à la date d’adoption de la garantie litigieuse.

97      Le paragraphe 10, sous a), des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration prévoit qu’une entreprise est, en principe et quelle que soit sa taille, considérée comme étant en difficulté « s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée, lorsque plus de la moitié de son capital social a disparu, plus du quart de ce capital ayant été perdu au cours des douze derniers mois ». Puis, aux termes du paragraphe 11 de ces lignes directrices, « [m]ême si aucune des conditions énoncées au [paragraphe] 10 n’est remplie, une entreprise peut néanmoins être considérée comme étant en difficulté, en particulier si l’on est en présence des indices habituels d’une entreprise en situation de difficulté, tels que le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d’affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d’autofinancement, l’endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que l’affaiblissement ou la disparition de la valeur de l’actif net ».

98      En l’espèce, au considérant 79 de la décision attaquée, la Commission fait valoir que la requérante affichait un chiffre d’affaires en baisse entre l’exercice clos en juin 2008 et celui clos en juin 2010 (de 7,1 millions d’euros à 4,4 millions d’euros), un résultat avant impôts négatif pour les exercices clos en juin 2007, 2008, 2009 et 2010 (de - 6,2 millions d’euros pour l’exercice 2006/2007 à - 1,1 million d’euros pour l’exercice 2009/2010) et des fonds propres négatifs pour les exercices clos en juin 2009 et 2010 (- 10,2 millions d’euros pour chacun des exercices visés). Il y a également lieu de relever que le capital social de la requérante, qui est une société à responsabilité limitée, a diminué de plus de moitié entre l’exercice 2008/2009 et l’exercice 2009/2010, comme il ressort du considérant 20 de la décision attaquée.

99      Compte tenu de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a retenu que la requérante était, à la date d’octroi de la garantie litigieuse, une entreprise en difficulté au sens du paragraphe 10, sous a), et du paragraphe 11 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration.

100    Aucun des arguments avancés par la requérante n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

101    Tout d’abord, comme le fait valoir à juste titre la Commission, les données financières mises en avant par la requérante au titre de l’exercice 2010/2011 concernent un exercice clôturé postérieurement à l’octroi de la garantie litigieuse le 17 février 2011. Or, la requérante n’explique pas en quoi celles-ci constitueraient néanmoins un élément pertinent aux fins d’apprécier sa situation à la date d’octroi de ladite garantie.

102    Par ailleurs, la circonstance que la décision attaquée observe, au considérant 80, que les pertes enregistrées par la requérante entre 2007 et 2010 ont diminué pour conclure que cette dernière ne se trouvait pas dans une situation de difficulté extrême (« situación de crisis grave » dans la version espagnole, seule version faisant foi), au sens de la communication relative aux garanties, n’est pas contradictoire avec le constat, opéré au considérant 79, selon lequel la situation financière de la requérante remplissait les critères de l’entreprise en difficulté au sens des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration. En effet, ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, les constats opérés au considérant 80 visent, comme la quantification de l’aide à récupérer l’atteste dans la suite de la décision attaquée, à déterminer s’il y a lieu ou non de faire application du point 2.2 et du point 4.1, sous a), de la communication relative aux garanties et de considérer, à titre exceptionnel, que la requérante a reçu un avantage égal au montant total des prêts garantis (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Larko/Commission, T‑423/14, sous pourvoi, EU:T:2018:57, points 189 et 190).

103    S’agissant ensuite du prêt sans garantie obtenu par la requérante auprès de Banco de Valencia en octobre 2010 (voir point 68 ci-dessus), pour autant que la requérante cherche par son invocation à contester qu’elle était en difficulté financière à la date d’octroi de la mesure en cause, il y a lieu de relever, comme le fait la Commission sans être contestée sur ce point, que ce prêt a en réalité pour effet d’aggraver le niveau d’endettement de la requérante par rapport à l’état de sa situation à la clôture de l’exercice 2009/2010. En outre, il échet de constater que ledit prêt était accordé pour une durée d’un an, soit une durée significativement inférieure à celle des prêts litigieux, d’une durée de cinq ans, ce qui rend incertaine toute comparaison entre ceux-ci, notamment au regard de leurs conditions et de leurs taux respectifs. Au demeurant, la requérante est en défaut d’expliquer en quoi les conditions d’un prêt à maturité courte octroyé plusieurs mois avant la garantie litigieuse sont à même de remettre en cause les conclusions de la Commission sur sa situation financière à la date d’octroi de la mesure.

104    Quant à l’absence de prise en compte, par la Commission, de l’analyse de la solvabilité de la requérante qui aurait été effectuée, le cas échéant, par une agence de notation ou par l’une des banques octroyant les prêts garantis, il y a lieu de constater que, selon le point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties, auquel se réfère la requérante, l’analyse permettant « de classer l’emprunteur au moyen d’une notation du risque […] peut s’appuyer sur la classification établie par une agence de notation internationalement reconnue ou correspondre, si elle existe, à la notation interne utilisée par la banque accordant le prêt sous-jacent ». Il s’ensuit que la communication relative aux garanties n’institue pas, à cet égard, une obligation pour la Commission de rechercher et de tenir compte des notations établies par de telles entités.

105    Concernant enfin l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel, en substance, la situation économique de la requérante aurait dû être appréciée par la Commission à l’aune des particularités du secteur du football professionnel, il suffit de relever, d’une part, que la nature économique de la pratique du football par les clubs professionnels a déjà été reconnue par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, EU:T:2005:22, point 69) et, d’autre part, que la notion d’entreprise en difficulté, telle que définie au paragraphe 9 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration, est une notion objective qui doit s’apprécier uniquement au regard des indices concrets de la situation financière et économique de l’entreprise en cause (arrêt du 6 avril 2017, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑219/14, EU:T:2017:266, point 184), les considérations générales sur les spécificités du secteur en cause mises en avant par le Royaume d’Espagne étant impropres à renverser les constats opérés sur la base des données financières individuelles de la requérante.

106    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur le grief dirigé contre l’absence d’examen, d’une part, des termes de la garantie litigieuse et des sûretés accordées en contrepartie et, d’autre part, des conditions auxquelles des opérations similaires étaient réalisées sur le marché

107    S’agissant d’abord de la prétendue absence d’examen des termes de la garantie litigieuse et des sûretés accordées en contrepartie, il y a lieu tout d’abord de constater, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, que la décision attaquée mentionne, au considérant 86, qu'« [i]l ne peut être considéré que l[a] commissio[n] de garantie annuell[e] de […] 1 % appliqué[e] [à la] garanti[e] examiné[e] tienn[e] compte du risque de défaut de paiement des prêts garantis, compte tenu des difficultés » de la requérante. Il s’ensuit que le niveau des primes de garantie exigées dans le cadre des contrats conclus entre la Fundación Elche et l’IVF a bien été pris en compte par la Commission et que le reproche formulé par la requérante manque donc en fait.

108    Quant à l’obligation spécifique, prévue par le certificat de garantie de l’IVF du 10 novembre 2010 et prétendument ignorée par la Commission, selon laquelle les prêts garantis devaient être accordés à des conditions qui « ne s’écartent pas sensiblement de celles appliquées sur le marché pour des opérations de cette nature », il s’agit là d’une circonstance dénuée de pertinence, dans la mesure où la décision attaquée ne repose pas sur le constat que les banques prêteuses, en octroyant les prêts au vu de la garantie offerte par l’IVF, auraient elles-mêmes agi selon des modalités qui ne seraient pas conformes aux conditions de marché.

109    S’agissant ensuite des contre-garanties offertes, manque également en fait le reproche adressé à la Commission de ne pas avoir tenu compte du nantissement des actions de la requérante, dans la mesure où il est souligné expressément, au considérant 93 de la décision attaquée, que « la valeur [des] actions [des clubs bénéficiaires] comme garantie de prêt était quasiment nulle ».

110    La requérante vise cependant également une prétendue erreur de la Commission dans le lien opéré par celle-ci dans la décision attaquée entre la note de crédit qui lui était attribuée, d’une part, et la valeur de ses actions, d’autre part.

111    Il y a lieu de relever à cet égard que la décision attaquée se fonde, pour conclure à la faible valeur des actions de la requérante, sur le fait que cette dernière était une entreprise en difficulté à la date d’octroi de la mesure en cause, pour laquelle il n’existait aucun plan de viabilité fiable démontrant que son activité était susceptible de générer un profit pour ses actionnaires.

112    Or, comme il ressort de l’examen du troisième grief de la présente branche aux points 96 à 106 ci-dessus, la qualification d’entreprise en difficulté retenue à l’encontre de la requérante dans la décision attaquée est exempte d’erreurs manifestes d’appréciation.

113    Il reste à déterminer si la méthode employée par la Commission en l’espèce, consistant à déduire une valeur « quasiment nulle » des actions de la requérante de la circonstance qu’elle était en difficulté, sans qu’un plan de viabilité soit par ailleurs établi – ce point n’étant pas contesté –, recèle une erreur manifeste. À cet effet, le Tribunal a posé une question à la Commission, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, l’invitant à donner des précisions sur la méthode employée par elle pour évaluer la valeur des actions de la requérante et à indiquer si l’augmentation de capital de 2011 avait eu un effet sur cette valeur. Sur ce dernier point, la Commission a répondu que l’effet de l’augmentation du capital de la requérante ne pouvait pas être pris en compte dans la détermination de la valeur des actions au moment de l’octroi de la garantie litigieuse, dans la mesure où celle-ci était antérieure à l’injection de capital.

114    À cet égard, il est de jurisprudence constante que sont pertinents, aux fins de l’application du critère de l’opérateur privé en économie de marché, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’opération a été prise (voir arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 61 et jurisprudence citée).

115    Or, la recapitalisation de la requérante étant l’objectif et l’effet recherché de la garantie litigieuse, il s’agit d’un paramètre prévisible à la date d’octroi de la garantie litigieuse et qu’un opérateur privé, placé dans la situation de l’IVF, aurait pris en compte aux fins d’apprécier la valeur des actions nanties. Il s’ensuit que, en s’abstenant d’en tenir compte, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

116    Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné l’existence d’une hypothèque sur un terrain de six hectares également donnée en contre-garantie à l’IVF par la Fundación Elche.

117    D’emblée, il convient d’écarter l’argument de la Commission tiré de ce que le Royaume d’Espagne n’aurait pas invoqué cette hypothèque dans les observations qu’il avait formulées durant la procédure administrative. Il suffit de souligner à cet égard que, premièrement, l’existence de l’hypothèque ressortait des éléments disponibles durant la procédure administrative, en l’occurrence le contrat de garantie conclu entre la Fundación Elche et l’IVF le 17 février 2011, deuxièmement, c’est à la Commission qu’il appartient d’apporter la preuve de l’existence d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, EU:T:2007:253, point 34) et, troisièmement, la Commission est tenue de conduire la procédure administrative de manière diligente et impartiale afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 63).

118    Ensuite, il y a lieu de faire application de la jurisprudence rappelée aux points 87 et 88 ci-dessus en vue d’apprécier si l’hypothèque en cause constitue un élément pertinent aux fins d’apprécier l’existence d’un avantage et si, le cas échéant, la Commission en a tenu compte.

119    En l’espèce, l’hypothèque donnée par la Fundación Elche, sûreté consentie par l’emprunteur garanti, constitue en tant que telle une caractéristique de la garantie litigieuse que la Commission est tenue d’examiner [voir, à cet égard, point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties]. Il n’est par ailleurs pas contesté par la Commission que la décision attaquée ne fait aucune mention de cette hypothèque. La circonstance, avancée par la Commission, que la valeur du terrain hypothéqué serait nettement insuffisante pour servir de garantie sur des prêts de 14 millions d’euros ne se rattache a fortiori à aucune appréciation figurant dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 87).

120    Il s’ensuit que la Commission n’a pas pris en compte la circonstance pertinente que constituait l’hypothèque octroyée par la Fundación Elche à l’IVF aux fins d’apprécier l’existence d’un avantage et a, ce faisant, commis une erreur manifeste d’appréciation.

121    S’agissant enfin, toujours dans le cadre du présent grief, de l’absence de prise en compte par la Commission des conditions auxquelles des opérations similaires étaient réalisées sur le marché, la requérante met en avant le taux applicable en 2011, d’après Banco de España, aux opérations d’une durée inférieure ou égale à cinq ans pour des prêts d’un montant supérieur à un million d’euros, qui ne serait que légèrement inférieur à celui octroyé dans le cadre des prêts garantis à la Fundación Elche.

122    Or, la requérante ne précisant pas en quoi sa situation est comparable à celle des emprunteurs couverts par les statistiques de Banco de España, il n’est pas possible, en l’espèce, de tirer des enseignements utiles de l’allégation de la requérante.

123    La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir vérifié si la prime de garantie due par la Fundación Elche, fixée à 1 % du montant couvert, « obéissait aux lois du marché ». Il y a lieu d’examiner cet argument conjointement avec l’argumentation développée à l’appui du troisième moyen, selon laquelle, en substance, la Commission aurait commis une erreur en concluant à l’absence d’opérations similaires permettant d’établir l’existence d’une prime de garantie de référence.

124    À cet égard, la Cour a déjà dit pour droit qu’un emprunteur qui souscrit un prêt garanti par les autorités publiques d’un État membre obtient normalement un avantage, dans la mesure où le coût financier qu’il supporte est inférieur à celui qu’il aurait supporté s’il avait dû se procurer ce même financement et cette même garantie aux prix du marché (arrêts du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 39, et du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 96).

125    Ainsi qu’il est rappelé au point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties, afin de déterminer le prix de marché correspondant, il y a lieu de prendre en considération les caractéristiques de la garantie et du prêt sous-jacent, qui comprennent notamment le montant et la durée de l’opération, la sûreté donnée par l’emprunteur et les autres éléments affectant l’évaluation du taux de recouvrement et la probabilité d’une défaillance de l’emprunteur due à sa situation financière, son secteur d’activité et ses perspectives.

126    Lorsque le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la garantie ne contient pas d’aide [voir point 3.2, sous d), deuxième alinéa, de la communication relative aux garanties]. S’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti [voir point 3.2, sous d), troisième alinéa, de la communication relative aux garanties]. Enfin, à défaut de prix de marché d’un prêt similaire non garanti, il convient de recourir au taux de référence, défini conformément à la communication sur les taux de référence (voir point 4.2, second alinéa, de la communication relative aux garanties).

127    En l’espèce, il convient de relever que la décision attaquée exclut que la prime de garantie demandée tienne compte des difficultés financières de la requérante et du risque associé de défaut de paiement des prêts garantis [considérant 86, sous c)]. Au considérant 85 de la décision attaquée, la Commission souligne qu’une entreprise en difficulté est insusceptible de trouver, sans garantie publique, des établissements financiers disposés à lui accorder un prêt, de quelque nature que ce soit. La Commission n’indique nulle part dans ces considérants, ni ailleurs dans les développements afférents à la caractérisation d’un avantage (point 7.2 de la décision attaquée), quel est le prix de marché au regard duquel elle évalue la prime en cause. La Commission n’examine pas non plus à ce stade le nantissement octroyé à l’IVF à titre de contre-garantie (voir point 4 ci-dessus). De manière générale, la Commission se contente de procéder à l’évaluation de la situation financière de la requérante pour en conclure, au regard du montant de la prime de garantie versée à l’IVF, que celle-ci n’est pas conforme aux conditions de marché.

128    Devant le Tribunal,  la Commission explique en substance que la décision attaquée fait l’économie d’une comparaison entre la prime de garantie due et le prix de marché, compte tenu de la situation de la requérante, qui est une entreprise en difficulté. En d’autres termes, il existerait une présomption selon laquelle la prime de garantie n’est pas conforme aux conditions de marché dès lors que l’emprunteur se voyant octroyer la garantie, ou en l’espèce le bénéficiaire de l’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est une entreprise en difficulté.

129    Or, comme il est rappelé au point 126 ci-dessus, le point 3.2, sous d), et le point 4.2 de la communication relative aux garanties prescrivent la recherche préalable d’un éventuel prix de marché au regard duquel comparer les termes de l’opération litigieuse. S’agissant spécifiquement des entreprises en difficulté, la Commission distingue, au point 4.1, sous a), de la communication relative aux garanties, la situation des entreprises en difficulté selon leur risque de défaillance qui n’est pas uniforme. Ladite communication distingue ainsi le cas où un garant sur le marché existe pour une entreprise en difficulté de celui où il est probable qu’il n’en existe pas. Il est donc admis qu’il peut exister un prix de marché y compris lorsque la garantie est accordée à une entreprise en difficulté.

130    À cet égard, le Tribunal relève que la Commission indique, au considérant 80 de la décision attaquée, que la requérante « ne se trouvai[t] pas en difficulté financière au sens du point 2.2 et du point 4.1, [sous] a), de la communication [relative aux] garanties », après avoir constaté, au considérant 79, qu’elle « souffrait de difficultés financières au sens de la définition du [paragraphe] 10, [sous] a), et du [paragraphe] 11 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration ». Ce faisant, la Commission a également fait sienne la lecture faite au point 129 ci-dessus du point 4.1, sous a), de la communication relative aux garanties comme tendant à distinguer, parmi les entreprises en difficulté au sens des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration, deux sous-catégories d’entreprises selon leur risque de défaillance. Cela est encore plus manifeste dans la version espagnole de la décision attaquée, seule version faisant foi, qui mentionne au considérant 80 l’absence de « situation de crise grave » (situación de crisis grave), l’adjectif « grave » venant qualifier le terme de « crise » et distinguer plus nettement la situation envisagée au considérant 80 de celle envisagée au considérant 79 de la décision attaquée, en retenant une catégorie d’entreprises en difficulté au sens des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration qui ne sont pas en situation de crise grave au sens du point 4.1, sous a), de la communication relative aux garanties.

131    En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne ressort pas du point 3.3 de la communication relative aux garanties qu’il n’existe pas de prix de marché pour les garanties octroyées à une entreprise en difficulté. En effet, ledit point concerne le régime d’évaluation simplifiée qui s’applique, par exception, aux petites et moyennes entreprises et se borne à indiquer qu’il ne trouve pas à s’appliquer aux entreprises dont la notation est CCC/Caa ou inférieure.

132    Par conséquent, la Commission, en présumant qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise en difficulté et, partant, qu’aucune prime de garantie de référence correspondante n’était offerte sur le marché, a méconnu la communication relative aux garanties, à laquelle elle est tenue (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, points 60 et 61 et jurisprudence citée). Pour les mêmes raisons, elle a également manqué à son obligation d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la requérante n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables de la part d’un opérateur privé (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 73).

133    Cette erreur étant relevée, il y a lieu de constater que la Commission procède, au considérant 93 de la décision attaquée, à une analyse plus détaillée dans le cadre de la quantification de l’élément d’aide. Ainsi, elle exclut l’existence d’un prix de marché d’un prêt similaire non garanti (voir point 126 ci-dessus), « en raison du nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché », qui ne « permet pas une comparaison significative ».

134    La requérante a contesté dans la requête l’absence d’analyse par la Commission des conditions de marché en vue d’établir un prix de marché d’un prêt similaire non garanti. Dans son mémoire en défense, la Commission fait valoir que, « contrairement à ce que la requérante insinue, [elle] a conclu que les garanties en cause conféraient un avantage, après avoir procédé à une comparaison avec des opérations effectuées aux conditions du marché, ce qui se traduit clairement dans le calcul du montant de l’aide », en renvoyant au considérant 93, sous c), de la décision attaquée.

135    Il y a lieu de relever à cet égard que, au considérant 93, sous c), de la décision attaquée, la Commission fait application du taux de référence applicable en l’espèce, défini conformément à la communication sur les taux de référence. Or, comme il est rappelé au point 126 ci-dessus, le recours au taux de référence constitue une méthode par défaut, en l’absence de prix de marché identifié sur la base d’opérations similaires. Partant, la Commission ne saurait s’appuyer sur l’application de cette méthode dans le cadre du calcul du montant d’aide pour en tirer argument qu’elle a effectivement procédé à une comparaison de l’opération litigieuse avec des opérations effectuées aux conditions de marché.

136    Le Tribunal a néanmoins interrogé la Commission, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, aux fins de connaître la nature et l’étendue des investigations menées par celle-ci pour arriver à sa conclusion relative à l’absence de prix de marché pour un prêt similaire non garanti. En réponse, la Commission s’est contentée d’indiquer qu’aucune information relative à des taux d’intérêt sur des prêts accordés dans des situations similaires n’avait été fournie au cours de l’enquête, sans apporter d’indications quant aux mesures d’investigation prises, le cas échéant.

137    Il échet de rappeler que la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application du critère de l’opérateur privé – qui trouve à s’appliquer en l’espèce – pèse sur la Commission, à qui il incombe de demander durant la procédure administrative toutes les informations pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, non publié, EU:C:2013:186, points 33 et 34, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 24). À cet égard, la Commission ne saurait invoquer le caractère fragmentaire des informations qui lui ont été transmises durant la procédure administrative pour justifier sa décision, dans la mesure où elle n’a pas exercé tous les pouvoirs dont elle disposait pour obtenir les informations nécessaires (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C‑324/90 et C‑342/90, EU:C:1994:129, point 29). Il en va d’autant plus ainsi lorsque la décision attaquée est fondée non sur un défaut de production d’éléments qui avaient été demandés par la Commission à l’État membre concerné, mais sur le constat qu’un opérateur privé ne se serait pas comporté de la même manière que les autorités dudit État membre, constatation qui suppose que la Commission a disposé de tous les éléments pertinents nécessaires à l’élaboration de sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, non publié, EU:C:2013:186, point 35).

138    En l’espèce, le Tribunal déduit des réponses apportées par la Commission, dans son mémoire en défense, puis dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que, durant la procédure administrative, elle n’a pas demandé au Royaume d’Espagne ou à d’autres sources des informations relatives à l’existence de prêts similaires aux prêts sous-jacents à l’opération litigieuse. La Commission ne pouvait donc s’appuyer sur un défaut de production d’éléments demandés par elle pour en tirer la conclusion, au considérant 93 de la décision attaquée, qu’il n’existait qu’un « nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » qui ne « permet[tait] pas une comparaison significative ».

139    Par ailleurs, la Commission ne fait valoir aucun autre élément obtenu durant la procédure administrative qui viendrait appuyer sa conclusion relative à l’absence d’opérations comparables.

140    Partant, la conclusion en cause opérée par la Commission au considérant 93 de la décision attaquée n’est pas étayée à suffisance de droit.

141    Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la deuxième branche du deuxième moyen, en ce que l’appréciation par la Commission de l’existence d’un avantage est entachée d’erreurs manifestes dans la mesure où, premièrement, elle n’a pas tenu compte de la situation de la Fundación Elche, deuxièmement, elle n’a pas tenu compte de l’hypothèque octroyée par cette dernière à titre de contre-garantie, troisièmement, elle n’a pas tenu compte de la recapitalisation de la requérante aux fins d’apprécier la valeur des actions nanties à l’IVF, quatrièmement, elle a présumé qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise en difficulté et, partant, qu’aucune prime de garantie de référence correspondante n’était offerte sur le marché et, cinquièmement, elle n’a pas étayé à suffisance sa conclusion relative à l’insuffisance d’opérations comparables pour établir le prix de marché d’un prêt similaire non garanti.

142    En conséquence, il y a lieu de prononcer l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante, sans qu’il soit besoin d’examiner le reste des arguments et des moyens soulevés à l’appui du présent recours.

 Sur les dépens

143    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de cette dernière.

144    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, SAD, au Hércules Club de Fútbol, SAD et au Elche Club de Fútbol, SAD, est annulée en ce qu’elle concerne Elche Club de Fútbol, SAD.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Elche Club de Fútbol, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.