Language of document : ECLI:EU:T:2023:38

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

1er février 2023 (*) 

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale GOOGLE CAR – Marque de l’Union européenne verbale antérieure GOOGLE – Motif relatif de refus – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑569/21,

Zoubier Harbaoui, demeurant à Paris (France), représenté par Me Bove, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme L. Lapinskaite, MM. M. Eberl et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Google LLC, établie à Mountain View, Californie (États-Unis), représentée par Mes M. Kinkeldey et C. Schmitt, avocats,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : Mme G. Steinfatt,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la décision du Tribunal (troisième chambre), en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à Mme G. Steinfatt, siégeant en qualité de juge unique,

à la suite de l’audience du 15 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Zoubier Harbaoui, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 juin 2021 (affaire R 904/2020‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 30 octobre 2018, le requérant a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal GOOGLE CAR.

3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Véhicules et moyens de transport ; pièces et parties constitutives de véhicules ; véhicules aériens et spatiaux ; véhicules et moyens de transport terrestres ; véhicules nautiques ; appareils et installations de transport par câbles ; aéroglisseurs ; cabines pour installations de transport par câbles ; drone ; installations de transport par câbles ; installations transporteuses [remonte-pentes] ; moyens de transport aérien pour le transport de passagers ; porte-charges pour véhicules ; remonte-pentes ; transporteurs aériens ; télésièges ; véhicules ».

4        Le 12 février 2019, l’intervenante, Google LLC, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur treize marques de l’Union européenne antérieures, notamment sur la marque de l’Union européenne verbale no 1104306 GOOGLE, déposée le 12 mars 1999 et enregistrée le 7 octobre 2005 désignant les produits et les services relevant des classes 9, 35, 38 et 42 et correspondant pour chacune de ces classes à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs ; logiciels informatiques ; ordinateurs ; matériel informatique ; périphériques électroniques et électromécaniques pour ordinateurs ; réseaux informatiques ; programmes informatiques et langages de programmation ; microprocesseurs ; plaquettes ; accessoires pour ordinateurs ; machines commerciales ; accessoires de bureau ; semi-conducteurs ; écrans d’ordinateurs ; moniteurs pour ordinateurs ; moniteurs vidéo ; projecteurs ; circuits intégrés ; dispositifs et contrôleurs de stockage et de réseau ; données enregistrées de manière magnétique, électronique ou optique ; matériel d’instruction concernant les ordinateurs et les données, tous enregistrés de manière magnétique, optique ou électronique ; matériel d’enregistrement magnétique, optique et électronique des données » ;

–        classe 35 : « Compilation, stockage, analyse et récupération de données et d’informations ; gestion, indexation et distribution électronique de matériel d’information ; création de répertoires d’informations, sites web et autres sources d’information » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunications et de communications ; offre d’accès à des réseaux électroniques de communications et à Internet et à des extranets ; organisation de transactions commerciales sur des réseaux électroniques de communications ; transmission électronique de courrier et messages ; services d’offre de services Internet ; services d’informations dans les domaines précités, y compris ces services fournis en ligne à partir d’un réseau informatique ou via Internet ou des extranets transfert et diffusion d’informations et de données par le biais de réseaux informatiques et d’Internet services de courrier électronique et de communications de groupes de travail » ;

–        classe 42 :« Services informatiques : services de conseils en conception, test, recherche, analyse, partage de temps, assistance technique et autres services techniques et de conseils, tous concernant l’informatique et la programmation d’ordinateurs : services de conception, de création et d’hébergement de sites web ; services de portails de sites web ; recherche, développement, conception et mise à jour de logiciels ; location de bases de données informatisées ; fourniture d’accès, location de temps d’accès et fourniture des potentialités de recherche, de récupération, d’indexation, de liaison et d’organisation de données pour Internet, des réseaux de communications électroniques et des bases de données électroniques ; services d’offre de services Internet ; offre d’accès à des fonds privés d’informations ; services de moteur de recherche de sites web ; services d’informations, de conseils et d’assistance, tous concernant les domaines précités, y compris les services fournis en ligne via un réseau informatique, Internet ou extranets services de conseils et assistance ayant trait aux services de télécommunication et de communication, fourniture d’accès à des réseaux électroniques de communication et à Internet et des extranets, organisation de transactions commerciales via des réseaux électroniques de communication, transmission électroniques de courrier et messages, services de fournisseurs Internet ; y compris ces services fournis en ligne à partir d’un réseau informatique ou via Internet ou des extranets Offre d’interfaces de logiciels via un réseau afin de fournir un accès personnalisé à un réseau informatique mondial permettant le transfert et la diffusion d’informations dans le domaine des actualités, sciences, santé, famille, maison, société, divertissement, sport, éducation, voyages, informations commerciales et financières sous la forme de textes, documents électroniques, bases de données, graphiques et informations audiovisuelles ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), et à l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

7        Par décision du 4 mars 2020, la division d’opposition a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

8        Le 13 mai 2020, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a conclu que les conditions nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, étaient réunies en l’espèce. En premier lieu, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure GOOGLE jouissait d’une renommée extrêmement élevée, liée à sa technologie de l’information, son moteur de recherche sur Internet étant un outil de recherche sur Internet utilisé tous les jours. En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude. En troisième lieu, elle a constaté l’existence d’un lien entre les marques en conflit. En quatrième lieu, la chambre de recours a estimé que l’usage de la marque demandée risquait de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      Au soutien de son recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Ce moyen unique s’articule en deux branches, tirées, la première, d’une appréciation erronée de l’existence d’un lien entre les marques en conflit, et, la seconde, d’une appréciation erronée du risque d’un profit indu.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée de l’existence d’un lien entre les marques en conflit

13      Le requérant ne présente pas d’arguments susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit présentent un degré élevé de similitude. Il souligne toutefois que, pour établir l’existence d’un lien entre les marques en conflit, il est nécessaire d’examiner également les produits et les services visés dans leur nature et leurs secteurs commerciaux respectifs.

14      En premier lieu, premièrement, la renommée de la marque antérieure reposerait sur les services de moteur de recherche, tandis que la marque demandée viserait des produits relevant de la classe 12. Ces derniers proviendraient d’un secteur commercial trop différent du secteur informatique.

15      Secondement, l’analyse de la chambre de recours ne permettrait pas d’établir un lien pour chacun des produits pour lesquelles la marque demandée a été revendiquée. À cet égard, le requérant critique que, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait utilisé une prémisse inexacte en ce qu’elle a limité son analyse aux « véhicules et moyens de transport » au lieu d’utiliser, pour son appréciation, la liste exacte des produits visés par la marque demandée et décrits au point 3 ci-dessus.

16      Le requérant rappelle la jurisprudence selon laquelle il est possible que des marques en conflit soient enregistrées respectivement pour des produits ou des services pour lesquels les publics concernés ne se chevauchent pas, de sorte que le public visé par chacune des deux marques peut ne jamais être confronté à l’autre marque et qu’il n’établira aucun lien entre ces marques. Par ailleurs, le requérant soulève que, selon la même jurisprudence, même si les publics concernés par les produits ou les services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées sont les mêmes ou se chevauchent dans une certaine mesure, lesdits produits ou services peuvent être si dissemblables que la marque postérieure sera insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent.

17      En second lieu, la décision attaquée serait erronée, notamment en son point 35, dans la mesure où l’existence d’une marque spécifique et différente, WAYMO, enregistrée et utilisée par l’intervenante pour des voitures, exclurait que la marque demandée évoque, dans l’esprit des consommateurs, l’idée que les produits qu’elle vise proviennent de l’intervenante.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

19      L’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par lesdites marques, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, son degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir arrêt du 26 septembre 2018, Puma/EUIPO – Doosan Machine Tools (PUMA), T‑62/16 EU:T:2018:604 point 24 et jurisprudence citée]. Toutefois, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est pas requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans devoir forcément les confondre [voir arrêt du 28 mai 2020, Martínez Albainox/EUIPO – Taser International (TASER), T‑342/19, non publié, EU:T:2020:234, point 30 et jurisprudence citée].

20      Le requérant ne conteste pas la renommée de la marque antérieure.

21      En premier lieu, le requérant fait valoir qu’il a demandé l’enregistrement de la marque demandée pour les véhicules et moyens de transport relevant de la classe 12, tandis que la marque antérieure renommée a été enregistrée pour des produits et des services relevant des classes 9, 35, 38 et 42.

22      Or, cette différence entre les produits et les services visés par les marques en conflit ne suffit pas, à elle seule, à exclure l’existence d’une certaine proximité entre les produits et services au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, un lien direct et immédiat entre eux n’étant pas nécessaire [voir arrêt du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 159 et jurisprudence citée].

23      En outre, c’est à bon droit que l’EUIPO observe que la chambre de recours a dûment tenu compte, au point 34 de la décision attaquée, du fait que les produits visés par la marque demandée ne sont pas similaires aux produits pour lesquels la marque antérieure jouit d’une renommée. La chambre de recours a pris ce constat comme point de départ pour procéder à l’analyse d’un lien entre les produits et les services concernés, dont le résultat était que, malgré lesdites différences, la nature des produits et des services en conflit est telle qu’un lien peut facilement être établi entre eux, de sorte que le public pertinent qui connaîtra la renommée de Google associera ainsi la marque demandée à une voiture liée à Google, dont les logiciels sont connectés à Internet.

24      Dès lors, l’argument du requérant, selon lequel la renommée de la marque antérieure repose sur les services de moteur de recherche et non pas sur des produits relevant de la classe 12, visés par la marque demandée, ne remet pas en cause le bien-fondé de la décision attaquée.

25      En deuxième lieu, le requérant avance que les produits pour lesquels il a demandé l’enregistrement de la marque en cause ne sont pas uniquement les « véhicules et moyens de transport » mentionnés au point 31 de la décision attaquée, mais qu’il s’agit également des « pièces et parties constitutives de véhicules ; véhicules aériens et spatiaux ; véhicules et moyens de transport terrestres ; véhicules nautiques ; appareils et installations de transport par câbles ; aéroglisseurs ; cabines pour installations de transport par câbles ; drone ; installations de transport par câbles ; installations transporteuses [remonte-pentes] ; moyens de transport aérien pour le transport de passagers ; porte-charges pour véhicules ; remonte-pentes ; transporteurs aériens ; télésièges ; véhicules » relevant de la classe 12.

26      Or, premièrement, après avoir énuméré, au point 1 de la décision attaquée, tous les produits visés au point 3 ci-dessus, la chambre de recours a résumé, au point 7 de la décision attaquée, l’appréciation de la division d’opposition du lien entre les produits visés par les marques en conflit qui se fondait sur « tous types de véhicules et de moyens de transport (terrestres, aquatiques, aériens et spatiaux, drones, etc., ainsi que leurs pièces et accessoires), les installations de transport par câbles, les porte-charges et les élévateurs (remonte-pentes, télésièges) ». Il s’ensuit que si, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est limitée à une référence aux « produits désignés par le signe contesté (véhicules et moyens de transport) », celle-ci ne peut qu’être comprise comme une référence globale à la totalité des produits visés par la marque demandée tels qu’énumérés au point 1 de la décision attaquée.

27      En effet, la chambre de recours a fondé sa conclusion quant à la proximité des produits et services sur tous les produits contestés relevant de la classe 12. Comme l’indique à juste titre l’intervenante, il ressort clairement des points 32 et 34 de la décision attaquée, dans lesquels la chambre de recours se réfère aux « produits compris dans la classe 12 » ou aux « produits contestés compris dans la classe 12 », qu’elle a dûment pris en considération tous les produits contestés en vue de l’appréciation de l’établissement d’un lien entre les marques en conflit par le public pertinent.

28      Deuxièmement, les produits visés par la marque demandée font tous partie de la catégorie plus large des « véhicules et moyens de transports », qu’il s’agisse de différents moyens de transport comme les véhicules aériens, les aéroglisseurs, les remonte-pentes ou les télésièges, ou de pièces ou accessoires de tels véhicules et moyens de transport. Même des produits comme des drones servent à transporter des objets et peuvent être catégorisés comme moyen de transport.

29      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à l’instar de l’intervenante, la jurisprudence selon laquelle il n’est pas nécessaire de motiver le résultat de la comparaison pour chacun des produits et services visés dans la demande d’enregistrement. Une motivation générale pour des groupes de produits peut au contraire être utilisée, dès lors qu’ils présentent des caractéristiques analogues [voir, en ce sens, arrêts du 17 octobre 2013, Isdin/Bial-Portela, C‑597/12 P, EU:C:2013:672, point 26, et du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, EU:T:2011:158, point 55]. En l’espèce, tous les produits désignés appartiennent à la catégorie plus large des véhicules ou des moyens de transport ou sont des pièces et parties constitutives de ces produits, de sorte que la chambre de recours pouvait se limiter à une motivation générale pour tous ces produits.

30      Le requérant n’a pas précisé en quoi et dans quelle mesure ces produits présenteraient des caractéristiques différentes à tel point qu’il ne serait pas possible de les regrouper dans une même catégorie. Il n’a notamment pas précisé dans quelle mesure les produits autres que les « véhicules et moyens de transport » se distinguaient de ces derniers. Le requérant n’a pas non plus expliqué pour quels produits et dans quelle mesure la chambre de recours aurait dû aboutir à une conclusion différente, dans le cas où elle aurait explicitement apprécié chacun des produits contenus dans la liste des produits pour lesquels la marque a été demandée de manière individuelle et séparée. Par ailleurs, dans son recours devant la chambre de recours, le requérant a, lui aussi, utilisé le terme générique « véhicules et moyens de transport » pour faire référence aux produits visés par la marque demandée.

31      En tout état de cause, les publics pertinents des marques en conflit se chevauchent dans la mesure où certains des produits visés par chacune des marques en conflit s’adressent au grand public. Par ailleurs, la chambre de recours a constaté à juste titre et sans que le requérant le conteste que la marque antérieure est connue et jouit d’une renommée considérable auprès des publics spécialisés de tout secteur, de sorte que sa conclusion selon laquelle tant le grand public que les publics spécialisés établiront un lien entre les marques en conflit est exempte d’erreur.

32      En effet, la marque antérieure jouit d’une renommée mondiale et est omniprésente dans le quotidien du grand public ainsi que du public spécialisé de tout secteur, y compris le secteur automobile, comme l’a expliqué la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée. Comme l’EUIPO le soulève à juste titre, ce public reconnaîtra clairement le terme « google » lors de l’achat d’un véhicule ou d’un moyen de transport vendu sous la marque demandée, et supposera que les véhicules et moyens de transport intègrent des technologies et des outils de Google, ou qu’ils ont été développés par Google ou en coopération avec Google.

33      Il convient donc d’écarter l’argument du requérant selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en considération la totalité des produits désignés par la marque demandée et que, en raison des différences entre les produits et les services visés par les marques en conflit, il n’existe pas de lien entre celles-ci.

34      En troisième lieu, le requérant soutient que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que l’intervenante est active dans le secteur de l’automobile sous une marque différente. Selon lui, cette circonstance exclut que le public pertinent établisse un lien entre les marques en conflit.

35      La chambre de recours a constaté, au point 35 de la décision attaquée, que le fait que l’intervenante ait utilisé un nom différent (WAYMO) pour son propre projet dans l’industrie automobile est dénué de pertinence pour la question de savoir si le public pertinent établira un lien entre les marques en conflit. Cette appréciation est exempte d’erreur. D’une part, la seule existence d’une marque distincte que l’intervenante utilise pour ses voitures n’affecte en rien le fait que le consommateur établisse un lien entre les signes GOOGLE CAR et GOOGLE. D’autre part, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué, en s’appuyant sur des preuves produites par l’intervenante, que ledit projet est couramment désigné dans la presse sous les noms de Google car, de Google’s Waymo ou de Google’s self-driving car, de sorte que les consommateurs établiront nécessairement un lien entre les marques en conflit.

36      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que le public pertinent établira un lien entre les marques en conflit. Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée du risque d’un profit indu

37      Par la seconde branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée du risque d’un profit indu, le requérant soutient que la possibilité qu’une marque soit évoquée dans l’esprit des consommateurs n’implique pas nécessairement qu’un tel lien affecte les droits du titulaire de la marque au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Par ailleurs, la marque WAYMO, détenue par l’intervenante, couvrant les « voitures » relevant de la classe 12, l’empêcherait de tirer indûment profit de la marque GOOGLE ou de la vider d’une bonne partie de sa substance.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

39      Le risque du profit indu vise la situation dans laquelle l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée (voir arrêt du 26 septembre 2018, PUMA, T‑62/16, EU:T:2018:604 point 21 et jurisprudence citée). Afin de déterminer si l’usage de la marque postérieure tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés. S’agissant de l’intensité de la renommée et du degré de caractère distinctif de la marque antérieure, il résulte de la jurisprudence que plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque sont importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise [arrêt du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, EU:C:2009:378, point 44 ; voir, également, arrêt du 28 mai 2020, Galletas Gullón/EUIPO – Intercontinental Great Brands (gullón TWINS COOKIE SANDWICH), T‑677/18, non publié, EU:T:2020:229, point 121]. En outre, plus l’évocation de la marque antérieure par la marque postérieure est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future de la marque postérieure tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porte préjudice (arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 67).

40      En l’espèce, aux points 41 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, compte tenu de la référence plus que manifeste à la marque antérieure et de la renommée extrêmement élevée de la marque antérieure, le requérant bénéficierait indûment du pouvoir d’attraction de ladite marque.

41      Si le requérant fait valoir que la possibilité qu’une marque soit évoquée dans l’esprit des consommateurs n’implique pas nécessairement qu’un tel lien affecte les droits du titulaire de la marque au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il n’a, toutefois, avancé aucun argument spécifique susceptible de remettre en cause l’analyse de la chambre de recours.

42      En l’espèce, le risque de parasitisme est flagrant, étant donné que l’un des deux éléments composant la marque demandée est identique à la marque antérieure, laquelle jouit d’une renommée très élevée, et que l’autre élément est descriptif des produits visés par la marque demandée.

43      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la marque WAYMO, détenue par l’intervenante et couvrant les « voitures » relevant de la classe 12, l’empêcherait de tirer indûment profit de la marque antérieure, premièrement, cette affirmation n’a aucunement été étayée. Deuxièmement, la seule existence d’une marque supplémentaire détenue par le titulaire de la marque antérieure ne saurait avoir pour effet de réduire voire même d’éliminer le risque de parasitisme au détriment de la marque antérieure dès lors que le public pertinent établit un lien entre les marques en conflit.

44      Compte tenu des similitudes entre les marques en conflit ainsi que du lien qu’établira le public pertinent entre elles, il y a lieu de conclure que la marque demandée risquerait de profiter du pouvoir d’attraction de la marque antérieure qui est présente dans une multitude de domaines de la vie quotidienne des consommateurs.

45      Ainsi, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que l’usage de la marque demandée risquait de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure en bénéficiant indûment du pouvoir d’attraction de cette dernière. Il convient ainsi de rejeter la seconde branche du moyen unique du requérant.

46      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucune des deux branches du moyen unique invoquées par le requérant au soutien de ses conclusions ne devant être accueillie, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Zoubier Harbaoui est condamné aux dépens.

 

      Steinfatt      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2023.

Signature


*      Langue de procédure : l’anglais.