Language of document : ECLI:EU:C:2000:183

ARRÊT DE LA COUR

4 avril 2000 (1)

«Règlement (CE) n° 820/97 - Base juridique»

Dans l'affaire C-269/97,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. van Nuffel et G. Berscheid, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

soutenue par

Parlement européen, représenté par M. J. Schoo, chef de division au service juridique, et Mme E. Waldherr, administrateur au même service, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie intervenante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. J.-C. Piris, directeur général du service juridique, J. Carbery et Mme M. Sims, conseillers juridiques, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation du règlement (CE) n° 820/97 du Conseil, du 21 avril 1997, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine (JO L 117, p. 1),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, D. A. O. Edward et L. Sevón (rapporteur), présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, P. Jann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. Saggio,


greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mai 1999,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 juillet 1997, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), demandé l'annulation du règlement (CE) n° 820/97 du Conseil, du 21 avril 1997, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine (JO L 117, p. 1, ci-après le «règlement attaqué»).

2.
    Le 2 octobre 1996, la Commission a présenté deux propositions de règlement, l'une qui établissait un système d'identification et d'enregistrement des bovins (JO C 349, p. 10) et l'autre qui était relative à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine (JO C 349, p. 14). Ces deux propositions étaient fondées sur l'article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE).

3.
    Le 19 février 1997, ces propositions ont fait l'objet d'une discussion commune en séance plénière du Parlement européen, lequel a adopté, dans la proposition relative à l'étiquetage, un amendement visant au remplacement de l'article 43 du traité par l'article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE). En revanche, dans la proposition relative à l'identification et à l'enregistrement des bovins, aucun amendement en ce sens n'a été adopté, mais le rapporteur, soutenu par d'autres intervenants, a demandé à la Commission d'accepter de modifier la base juridique de cette proposition et de la remplacer par l'article 100 A du traité.

4.
    Les deux propositions de règlement ont ensuite été fusionnées par la Commission qui a présenté, le 7 mars 1997, une proposition modifiée unique fondée sur l'article 100 A du traité (JO C 100, p. 22).

5.
    Le 21 avril 1997, le règlement attaqué a été adopté à l'unanimité par le Conseil, après que celui-ci en eut modifié, notamment, la base juridique et eut opté en faveur de l'article 43 du traité.

6.
    Le titre I du règlement attaqué organise le système d'identification et d'enregistrement des bovins. Selon l'article 3 dudit règlement, ce système comprend des marques auriculaires pour l'identification individuelle des animaux, des bases de données informatisées, des passeports pour les animaux et des registres individuels tenus dans chaque exploitation. Les dispositions relatives à ce système remplacent, en ce qui concerne les bovins, celles qui figurent dans la directive 92/102/CEE du Conseil, du 27 novembre 1992, concernant l'identification et l'enregistrement des animaux (JO L 355, p. 32).

7.
    Le titre II du règlement attaqué concerne l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine. Ce règlement autorise l'étiquetage par les opérateurs ou organisations qui le désirent, selon un système d'agrément par les États membres, et énumère, à l'article 16, les informations pouvant figurer sur les étiquettes. L'article 19, paragraphe 1, de ce règlement prévoit la mise en place d'un système communautaire d'étiquetage obligatoire à compter du 1er janvier 2000, n'excluant toutefois pas la possibilité pour un État membre de n'appliquer ce système qu'à titre facultatif à la viande bovine commercialisée sur son territoire. L'article 19, paragraphe 4, de ce même règlement autorise par ailleurs les États membres disposant d'un système d'identification et d'enregistrement des bovins suffisamment développé à imposer un système d'étiquetage avant le 1er janvier 2000.

8.
    La Commission soutient que l'adoption du règlement attaqué sur le fondement de l'article 43 du traité et selon les procédures y visées constitue une violation des formes substantielles au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité. Elle considère, à titre principal, que la base juridique correcte du règlement attaqué est l'article 100 A du traité et, à titre subsidiaire, que ce règlement aurait dû être fondé sur les articles 43 et 100 A du traité. Dans les deux hypothèses, il aurait dû être adopté selon la procédure de codécision.

9.
    Selon la Commission, le recours à l'article 100 A du traité était justifié par le fait que l'objectif principal du règlement attaqué est la protection de la santé humaine, visée à l'article 129 du traité CE (devenu, après modification, article 152 CE), et que, dans un domaine aussi important, le Parlement doit pouvoir participer au processus législatif.

10.
    C'est en effet dans le contexte de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ci-après l'«ESB») que le règlement attaqué a été adopté en vue de la protection de la santé humaine. Les mesures de traçabilité auraient été spécifiquement concues au regard de la lutte contre l'ESB et répondraient à la demande exprimée par le Conseil lors de la session extraordinaire qui s'est déroulée du 1er au 3 avril 1996 et qui était consacrée à l'ESB. Par ailleurs, les informations prévues par le système d'étiquetage viseraient à assurer au consommateur que la viande qu'il achète ne présente pas de risque pour la santé.

11.
    Cet objectif particulier de protection de la santé, exprimé notamment dans les premier et troisième considérants du règlement attaqué, expliquerait que ce règlement ne s'applique pas aux animaux des espèces porcine, ovine et caprine, non concernées par la crise de l'ESB.

12.
    La Commission estime que ce n'est pas parce que le règlement attaqué concerne des produits qui relèvent de l'annexe II du traité qu'il devait être adopté sur le fondement de l'article 43. D'autres réglementations communautaires couvrant, pour une partie importante, des produits visés à l'annexe II du traité sont fondées sur d'autres dispositions que l'article 43, telle la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 33, p. 1), fondée sur les articles 100 du traité CE (devenu article 94 CE) et 227 du traité CE (devenu, après modification, article 299 CE), dont les directives modificatrices sont, depuis l'entrée en vigueur de l'Acte unique européen, fondées sur l'article 100 A du traité.

13.
    La Commission prétend que les auteurs du traité avaient l'intention d'imposer la procédure de codécision pour les matières visées aux articles 129 et 100 A du traité. Conserver une exception pour les mesures qui visent à protéger la santé publique lorsque ces mesures concernent des produits agricoles serait une anomalie.

14.
    S'agissant de l'article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, du traité, selon lequel les exigences en matière de protection de la santé sont une composante des autres politiques de la Communauté, la Commission soutient qu'il ne saurait en être déduit qu'une mesure qui a pour objectif principal la protection de la santé publique relèverait de la politique agricole commune dès lors qu'elle viserait la production et la commercialisation de produits agricoles.

15.
    La Commission reconnaît que, à maintes reprises, la Cour a jugé que l'article 43 du traité constitue la base juridique appropriée pour toute réglementation concernant la production et la commercialisation des produits agricoles énumérés à l'annexe II du traité, qui contribue à la réalisation d'un ou de plusieurs objectifs de la politique agricole commune énoncés à l'article 39 du traité CE (devenu article 33 CE), et que de telles réglementations peuvent comporter l'harmonisation des dispositions nationales dans ce domaine sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'article 100 du traité (arrêts du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, 68/86, Rec. p. 855, point 14; Royaume-Uni/Conseil, 131/86, Rec. p. 905, point 19; du 16 novembre 1989, Commission/Conseil, C-131/87, Rec. p. 3743, points 10, et du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 23). Elle estime cependant qu'une distinction doit être faite dès lors que, depuis ces arrêts, le traité a évolué et que, notamment, l'article 129 a été introduit dans le traité CE par le traité sur l'Union européenne.

16.
    À cet égard, la Commission relève que les directives, qui étaient en cause dans ces dernières affaires et dont la base juridique était contestée, étaient antérieures à l'entrée en vigueur de l'Acte unique européen et étaient fondées sur l'article 100 du traité. Elle en déduit que, depuis la jurisprudence mentionnée au point précédent, l'évolution des dispositions du traité relatives à la santé publique permet de reconsidérer l'interprétation que la Cour a faite, à l'époque, de la relation entre les articles 43 et 100 du traité. Elle constate que son point de vue est confirmé par le texte du traité d'Amsterdam, puisque l'article 152 CE constituera, selon le paragraphe 4, sous b), la base juridique pour l'adoption, par le Conseil, «par dérogation à l'article 37, des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique».

17.
    La Commission conclut qu'il n'est pas contraire à la jurisprudence citée de considérer que des mesures dont l'objet principal est la santé publique, mais qui concernent également la politique agricole commune, peuvent être fondées sur une disposition autre que l'article 43 du traité.

18.
    À titre subsidiaire, elle soutient que le règlement attaqué devait être fondé conjointement sur les articles 43 et 100 A du traité. Elle estime que, dans un domaine aussi important que celui de la santé publique, le Parlement doit pouvoir participer au processus législatif.

19.
    La Commission considère enfin que d'importantes raisons, notamment de santé publique et de sécurité juridique, justifient que, si la Cour décide de faire droit à sa demande, elle maintienne provisoirement, en application de l'article 174, deuxième alinéa, du traité (devenu article 231, deuxième alinéa, CE), l'ensemble des effets du règlement attaqué jusqu'à l'adoption par le législateur communautaire d'une nouvelle réglementation en la matière, fondée sur la base juridique appropriée.

20.
    Le Parlement considère que la base juridique pertinente pour l'adoption du règlement attaqué est l'article 100 A du traité, applicable en raison du renvoi qui y est fait par l'article 129 A, paragraphe 1, sous a), du traité [devenu, après modification, article 153, paragraphe 3, sous a), CE], qui vise la protection des consommateurs, y compris la protection contre les risques de santé.

21.
    Il estime que le contexte dans lequel le règlement attaqué a été adopté, qui est un élément objectif, permet de mieux déterminer le but du législateur. En l'espèce, ce but allait au-delà du simple motif de rétablir le marché de la viande bovine et était de protéger les consommateurs et leur santé par une meilleure transparence créée par l'enregistrement des bovins et l'étiquetage de la viande.

22.
    S'agissant de la jurisprudence citée par la Commission, le Parlement considère que, dans ces affaires, les réglementations soumises à la Cour avaient pour but principal la commercialisation des produits agricoles dans le marché intérieur et ne visaient la santé publique qu'à titre accessoire et complémentaire.

23.
    Tout comme la Commission, le Parlement estime que cette jurisprudence ne serait plus applicable, dès lors qu'elle a été rendue avant la date d'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, lequel a introduit les articles 129 et 129 A, visant une protection accrue de la santé publique et des consommateurs.

24.
    Le Parlement développe également un argument tiré d'une interprétation systématique du traité. Selon lui, le fait que le traité prévoit, en ses articles 129, 129 A et 100 A, la procédure de codécision doit être analysé comme l'expression d'une volonté générale des auteurs du traité de faire participer le Parlement, en tant que colégislateur, à l'adoption des actes qui ont une importance directe pour le bien-être des citoyens. Il souligne qu'il a joué un rôle directeur dans l'enquête sur les problèmes de la crise de l'ESB et a pris des initiatives visant à mieux protéger les citoyens contre les dangers résultant de la consommation de viande bovine. Il serait contraire à la nouvelle orientation du traité en faveur d'une protection accrue des citoyens et d'une participation qualifiée du Parlement au processus décisionnel que des règles en matière de santé publique et de protection des consommateurs soient encore adoptées sur le fondement exclusif de l'article 43 du traité. À l'appui de son argumentation, le Parlement invoque l'arrêt du 11 juin 1991, Commission/Conseil (C-300/89, Rec. p. I-2867).

        

25.
    À titre subsidiaire, le Parlement soutient que le règlement attaqué aurait dû être fondé sur les articles 43 et 100 A du traité, car il poursuit deux objectifs indissociables.

26.
    Puisque le litige porte sur une question formelle et non sur la substance de l'acte, le Parlement demande que, en cas d'annulation du règlement attaqué, la Cour en maintienne les effets jusqu'au moment où le législateur communautaire aura adopté un nouvel acte. Il souhaite cependant que la Cour fixe un délai raisonnable au législateur pour mettre fin à l'illégalité.

27.
    Le Conseil conteste que le contexte de l'adoption d'un acte doive être pris en considération pour en déterminer la base juridique. Il reconnaît que le contexte peut présenter un certain intérêt général pour la compréhension de l'acte, mais considère qu'il ne s'agit pas d'un facteur déterminant du choix de la base juridique. Sur ce point, il rappelle la jurisprudence de la Cour selon laquelle le choix de la base juridique d'un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi ces éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l'acte (voir, notamment, arrêt du 26 mars 1996, Parlement/Conseil, C-271/94, Rec. p. I-1689, point 14).

28.
    À cet égard, le Conseil soutient que le but principal du règlement attaqué n'est pas la protection de la santé publique, mais le rétablissement de la stabilité du marché de la viande bovine à la suite de la crise de l'ESB, c'est-à-dire un objectif de politique agricole commune visé à l'article 39, paragraphe 1, sous c), du traité, qui a pour corollaire de remplir certaines exigences d'intérêt général, comme restaurer la confiance du consommateur et protéger la santé humaine et animale. L'exigence de protection de la santé publique, indirectement liée au but principal, serait prise en compte conformément aux prescriptions de l'article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, du traité.

29.
    La manière choisie consistait à améliorer la transparence des conditions de production et de commercialisation des produits, ce qui devait rétablir la confiance des consommateurs dans la viande bovine, faire augmenter les ventes et relancer le marché (premier à quatrième considérants). Par son système d'identification et d'enregistrement des animaux, le règlement attaqué visait également à répondre aux exigences définies par la législation vétérinaire communautaire (cinquième et sixième considérants) et à permettre la gestion de certains régimes d'aides communautaires (septième considérant).

30.
    Le Conseil relève notamment que le fait que le règlement attaqué ne visait pas à introduire des garanties précises en matière de santé résulte de la formulation expresse de l'article 12 (et du vingt-deuxième considérant), où il est précisé que les dispositions adoptées ne remettent pas en cause la législation communautaire existant dans le domaine vétérinaire et contenant des garanties en matière de santé.

31.
    En particulier, la partie du règlement attaqué relative à l'étiquetage visait, selon le Conseil, à améliorer la connaissance qu'a le consommateur du produit, et non directement à lui garantir que la découpe de viande mise en vente ne présente aucun danger du point de vue de la santé publique.

32.
    Le Conseil considère également que les mesures de traçabilité faciliteront certainement la détection des animaux souffrant de maladies, mais que, compte tenu de la période d'incubation de l'ESB, elles ne peuvent être considérées comme des mesures adéquates de santé publique capables d'éradiquer l'ESB.

33.
    Compte tenu de son contenu et de ses buts, le règlement attaqué appartiendrait à la catégorie des mesures destinées à réglementer les conditions de production et de commercialisation de produits énumérés à l'annexe II du traité, telles qu'envisagées par l'article 2 du règlement (CEE) n° 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), qui prévoit l'adoption de mesures tendant à promouvoir une meilleure organisation de la production, de la transformation et de la commercialisation et de mesures tendant à améliorer la qualité.

34.
    En revanche, la directive 79/112 mentionnée par la Commission n'appartiendrait pas à cette catégorie, étant donné qu'elle ne viserait pas la production ou la commercialisation de produits agricoles.

35.
    Se référant à la jurisprudence citée par la Commission, le Conseil rappelle que, dans ces arrêts, la Cour a notamment déclaré que l'article 38, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 32, paragraphe 2, CE) assure la primauté des dispositions spécifiques en matière d'agriculture sur les dispositions générales relatives au fonctionnement du marché unique.

36.
    Il souligne que le fait que les articles 100 A et 129 du traité ont été ajoutés au traité postérieurement à ces arrêts ne constitue pas un motif suffisant pour mettre en question les principes de droit qui découlent de ces arrêts. Il prétend que l'article 100 A, paragraphe 1, du traité prévoit que ses dispositions s'appliquent, «sauf si le présent traité en dispose autrement».

37.
    Le Conseil conteste également que la modification prévue par le traité d'Amsterdam entraîne déjà le recours à l'article 100 A, contrairement à la jurisprudence existante.

38.
    Il expose que, si la Commission a modifié sa position en ce qui concerne la base juridique de la proposition de règlement, c'est pour des motifs politiques, à la suite d'un engagement pris vis-à-vis du Parlement.

39.
    À cet égard, le Conseil qualifie l'argument du Parlement tiré de la systématique du traité d'argument fondé sur les nécessités politiques plutôt que sur la prééminence du droit. Il rappelle que le processus décisionnel correct découle de la détermination de la base juridique appropriée et non l'inverse.

40.
    La solution dégagée par la jurisprudence, selon laquelle il est nécessaire d'appliquer des critères objectifs pour choisir une base juridique, serait la seule qui respecterait pleinement le traité. Elle permettrait d'éviter la subjectivité des institutions et, partant,la tentation de l'opportunisme politique. Un changement de jurisprudence aurait pour conséquence une multiplication des conflits entre les institutions.

41.
    Le Conseil rejette en outre la demande subsidiaire de la Commission que l'acte soit fondé sur une double base juridique, dès lors qu'il n'est pas possible de démontrer que cet acte poursuit deux objectifs distincts.

42.
    Toutefois, au cas où la Cour déclarerait nul l'acte attaqué, le Conseil demande que ses effets soient maintenus jusqu'à l'adoption d'un nouveau règlement.

Appréciation de la Cour

43.
    Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d'un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l'acte (voir, notamment, arrêts Parlement/Conseil, précité, point 14, et du 23 février 1999, Parlement/Conseil, C-42/97, Rec. p. I-869, point 36).

44.
    Sont sans incidence à cet égard le souhait d'une institution de participer de façon plus intense à l'adoption d'un acte déterminé, le travail effectué à un autre titre dans le domaine d'action dont relève l'acte ou le contexte de l'adoption de l'acte.

45.
    Par ailleurs, les actes communautaires doivent être adoptés conformément aux règles du traité en vigueur au moment de leur adoption. Il serait contraire au principe de la sécurité juridique de prendre en considération, pour déterminer la base juridique d'un tel acte, une prétendue évolution des rapports entre institutions qui ne serait pas encore consacrée par les textes ou qui résulterait de dispositions d'un traité non encore entré en vigueur.

46.
    C'est donc en se référant au traité CE, tel qu'en vigueur à la date d'adoption du règlement attaqué, qu'il y a lieu de vérifier si c'est à juste titre que ce dernier a été adopté sur le fondement de l'article 43, comme relevant de la politique agricole commune, ou s'il aurait dû l'être sur celui de l'article 100 A, au motif que ce règlement avait pour but et pour contenu la protection de la santé publique et/ou la protection des consommateurs au sens des articles 129 et 129 A du traité, ou encore s'il aurait dû être adopté sur le fondement des articles 43 et 100 A du traité.

47.
    Ainsi que la Cour l'a rappelé dans l'arrêt du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission (C-180/96, Rec. p. I-2265, point 133, et jurisprudence citée), il résulte d'une jurisprudence constante que l'article 43 du traité constitue la base juridique appropriée pour toute réglementation concernant la production et la commercialisation des produits agricoles énumérés à l'annexe II du traité, qui contribue à la réalisation d'un ou de plusieurs objectifs de la politique agricole commune énoncés à l'article 39 du traité.

48.
    La Cour a également précisé que, selon l'article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, du traité, les exigences en matière de protection de la santé sont une composante des autres politiques de la Communauté et que, selon la jurisprudence de la Cour, la poursuite des objectifs de la politique agricole commune ne saurait faire abstraction d'exigences d'intérêt général telles que la protection des consommateurs ou de la santé et de la vie des personnes et des animaux, exigences dont les institutions communautaires doivent tenir compte en exerçant leurs pouvoirs (arrêt du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, précité, point 120).

49.
    Au demeurant, la protection de la santé contribue à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune visés à l'article 39, paragraphe 1, du traité, notamment lorsque la production agricole est immédiatement dépendante de son écoulement auprès de consommateurs de plus en plus soucieux de leur santé (arrêt du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, précité, point 121).

50.
    C'est en tenant compte de cette jurisprudence qu'il convient d'examiner le contenu et le but du règlement attaqué.

51.
    Le contenu du règlement attaqué, qui n'est pas contesté entre les parties, consiste à édicter les règles nécessaires, d'une part, à l'identification et à l'enregistrement des bovins et, d'autre part, à l'étiquetage de la viande bovine.

52.
    Le règlement attaqué concerne ainsi la production et la commercialisation de produits agricoles énumérés à l'annexe II du traité.

53.
    S'agissant du but du règlement attaqué, il convient de relever que, selon son premier considérant, il vise à rétablir la stabilité du marché de la viande bovine et des produits à base de viande, déstabilisé par la crise de l'ESB, en améliorant la transparence des conditions de production et de commercialisation des produits concernés, notamment en matière de traçabilité.

54.
    Il n'est pas contesté que les systèmes d'identification et d'enregistrement des bovins et d'étiquetage de la viande prévus par le règlement attaqué contribueront de façon essentielle à la poursuite de cet objectif.

55.
    Le troisième considérant énonce que, «du fait des garanties fournies par cette amélioration, certaines exigences d'intérêt général seront également remplies, telles que la protection de la santé publique». Le quatrième considérant relève que, «par conséquent, la confiance des consommateurs dans la qualité de la viande bovine et des produits à base de viande sera encouragée».

56.
    Les cinquième et sixième considérants du règlement attaqué font également référence à l'obligation d'identification et d'enregistrement des animaux destinés aux échanges intracommunautaires, visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 90/425/CEE du Conseil, du 26 juin 1990, relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animauxvivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 224, p. 29), dont la Cour a jugé que c'était à juste titre qu'elle avait été adoptée sur le fondement de l'article 43 du traité (arrêt du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Conseil, précité, point 135).

57.
    Selon le septième considérant du règlement attaqué, les systèmes d'identification et d'enregistrement doivent en outre permettre l'application et le contrôle de mesures adoptées dans le cadre de régimes d'aides communautaires dans le domaine de l'agriculture.

58.
    Le neuvième considérant de ce règlement relève enfin la nécessité d'adopter un règlement spécifique pour les bovins afin de renforcer les dispositions de la directive 92/102, dont il importe de rappeler qu'elle a également été adoptée sur le fondement de l'article 43 du traité.

59.
    Il convient ainsi de constater que, en réglant les conditions de production et de commercialisation de la viande bovine et des produits à base de viande bovine dans la perspective d'améliorer la transparence de ces conditions, le règlement attaqué a pour but essentiel d'atteindre les objectifs de l'article 39 du traité, notamment la stabilisation du marché.

60.
    C'est donc à juste titre qu'il a été adopté sur le fondement de l'article 43 du traité.

61.
    Cette conclusion n'est pas ébranlée par le fait que, comme l'indique le troisième considérant, le système mis en place par le règlement attaqué aura des effets positifs sur la protection de la santé publique.

62.
    En effet, la prise en compte de la santé publique dans le cadre d'actes adoptés sur le fondement de l'article 43 est conforme à l'article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, du traité, et à la jurisprudence rappelée au point 48 du présent arrêt.

63.
    Il convient donc de conclure que, seul l'article 43 du traité constituant le fondement correct pour l'adoption du règlement attaqué, il y a lieu de rejeter le recours.

Sur les dépens

64.
    Au termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. En application de l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, le Parlement supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

3)    Le Parlement européen supportera ses propres dépens.

Rodríguez Iglesias
Edward
Sevón

Kapteyn

Gulmann
Puissochet

Jann

Ragnemalm
Wathelet

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 avril 2000.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: le français.