Language of document : ECLI:EU:T:2009:324

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 septembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative – Champs géométriques sur le cadran d’une montre – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94  (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009) »

Dans l’affaire T‑152/07,

Lange Uhren GmbH, établie à Glashütte (Allemagne), représentée par MM. Schaeffer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. M. Kicia, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 15 février 2007 (affaire R 1176/2005-1), concernant une demande d’enregistrement comme marque communautaire d’un signe figuratif représentant des champs géométriques sur le cadran d’une montre,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2007,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2007,

à la suite de l’audience du 17 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 janvier 2002, la requérante, Lange Uhren GmbH, a présenté une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)] concernant le signe figuratif reproduit ci-après :

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2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que revisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Montres et instruments de mesure du temps ; cadrans de montres ».

3        La demande d’enregistrement était accompagnée de la description suivante :

« Les lignes en pointillé ne font pas partie de la marque, mais servent uniquement à montrer la position de la marque sur les produits. »

4        Par lettre du 21 février 2003, l’examinateur a informé la requérante que la marque demandée ne semblait pas susceptible de faire l’objet d’un enregistrement au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

5        Par décision du 29 juillet 2005, l’examinateur a rejeté la demande de marque sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, considérant que celle-ci, considérée globalement, était dépourvue de caractère distinctif. Par ailleurs, l’examinateur a considéré que les documents produits par la requérante ne suffisaient pas à démontrer le caractère distinctif qui, selon cette dernière, aurait été acquis par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009).

6        Le 27 septembre 2005, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur et a demandé que la liste des produits soit limitée aux produits suivants relevant de la classe 14 : « Montres de luxe et instruments de mesure du temps ; cadrans de montres de luxe ».

7        Le recours a été rejeté par la première chambre de recours de l’OHMI par décision du 15 février 2007 (ci-après la « décision attaquée ») sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

8        La chambre de recours estime, tout d’abord, que le public pertinent est composé des acheteurs de montres de luxe, d’une part, et de cadrans de montres de luxe, d’autre part. Selon la chambre de recours, outre le commerce spécialisé, le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de montres de luxe est un acheteur particulièrement bien informé et normalement fortuné, qui est particulièrement attentif lors du choix des produits concernés et se procure une vue de l’ensemble du marché. Quant aux cadrans, ils ne seront achetés, en principe, que par des ateliers de réparation (point 12 de la décision attaquée).

9        La chambre de recours considère, ensuite, en substance, que la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles est pertinente lorsque la marque demandée est une marque figurative qui est constituée par la représentation bidimensionnelle du produit ou, comme en l’espèce, par une « marque de position », qui reproduit les éléments de la forme du produit concerné. En effet, dans un tel cas également, la marque n’est pas constituée par un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne (point 17 de la décision attaquée).

10      Après avoir rappelé, à cet égard, que l’impression d’ensemble produite par la forme en cause sur le consommateur moyen constitue un élément déterminant, la chambre de recours relève que le but poursuivi par les éléments constitutifs du signe – un grand cercle, un petit cercle et un rectangle situés sur le cadran d’une montre, produisant une impression asymétrique du fait des différentes formes et tailles – n’apparaît ni au vu de la représentation dudit signe ni à la lecture de la description de la marque demandée (points 18 et 19 de la décision attaquée).

11      La chambre de recours relève que la requérante a certes allégué que le grand cercle contient les divisions et aiguilles des heures et des minutes, que le petit cercle contient la division et l’aiguille des secondes et que, dans le rectangle, la date du jour est indiquée au moyen de deux chiffres par un dispositif de rotation (point 19 de la décision attaquée).

12      Toutefois, selon la chambre de recours, les cercles pourraient également simplement représenter des formes dessinées ou imprimées sur le cadran dans un certain ordre. Or, de telles formes de base (cercles, rectangle), qui sont des formes simples, sont, selon elle, des signes usuels qui ne sont pas perçus en tant que marques, de sorte que, pour cette seule raison déjà, la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif (point 20 de la décision attaquée).

13      La chambre de recours estime par ailleurs que, même à supposer qu’il s’agisse des champs fonctionnels d’une montre, la question de savoir s’il s’agit de champs fonctionnels comprenant des aiguilles ou d’écrans d’affichage ou d’une combinaison de ces deux possibilités demeure incertaine (point 21 de la décision attaquée).

14      La chambre de recours relève, en outre, que les différentes fonctions peuvent être réparties différemment, avec, par exemple, une deuxième indication des heures et des minutes (heure mondiale), un chronomètre, un indicateur de phases lunaires, un indicateur de date de forme circulaire ou encore un altimètre. Or, sur le marché des montres, il est courant qu’un cadran de montre contienne une pluralité de champs fonctionnels, ainsi qu’il ressort, notamment, des exemples produits par la requérante devant elle (point 21 de la décision attaquée).

15      La chambre de recours constate, par ailleurs, que, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante, il ne ressort pas de la demande de marque que le cadran contient également une indication de réserve de marche et que, au centre du cadran, ne se trouve aucune aiguille des heures et des minutes faisant le tour du cercle, comme c’est normalement le cas. Ainsi, selon la chambre de recours, la question de savoir à quel endroit les aiguilles sont montées est restée sans réponse. Elle considère qu’il ne ressort pas de la représentation ou de la description de la marque demandée que les aiguilles des heures et des minutes sont uniquement montées dans le plus grand des deux cercles. Or, la requérante semble précisément fonder le caractère particulier de sa « marque de position » sur cet élément (point 22 de la décision attaquée).

16      De surcroît, la chambre de recours considère que, même en supposant que la « marque de position » consiste uniquement en la présentation particulière des indications des heures et des minutes (grand cercle), des secondes (petit cercle) et de la date (rectangle), elle resterait dépourvue de caractère distinctif (point 23 de la décision attaquée).

17      La chambre de recours relève, tout d’abord, que la présentation de montres-bracelets, ainsi que de montres-bracelets de luxe, est déterminée, avant tout, par leur aptitude à l’emploi, le domaine particulier d’utilisation (professionnel, loisirs, sports, bijoux, objet de collection, investissement) et la clientèle concernée. Ainsi, sur le marché européen des montres-bracelets se trouve une infinité de modèles de formes et de tailles les plus diverses. Selon la chambre de recours, il existe néanmoins des configurations qui se retrouvent chez plusieurs fabricants, ainsi qu’il ressort des exemples produits par la requérante. Dans ces circonstances, la chambre de recours estime qu’il ne résulte pas des exemples présentés par la requérante que la forme ou la présentation du cadran de montres permettrait de conclure à l’existence d’une marque (point 24 de la décision attaquée).

18      La chambre de recours considère, ensuite, qu’il n’existe qu’un nombre limité de combinaisons techniquement possibles sur l’espace restreint d’une montre-bracelet. Outre la disposition symétrique des champs fonctionnels, il n’existe également, selon elle, qu’un nombre limité de variations asymétriques (point 26 de la décision attaquée).

19      Or, selon la chambre de recours, même combinées, ces caractéristiques de présentation courantes ne fournissent pas d’indication de l’origine commerciale. La « marque de position » dont l’enregistrement a été demandé sera uniquement perçue, selon elle, comme une présentation déterminée, éventuellement particulièrement réussie, des produits mentionnés dans la demande (point 27 de la décision attaquée).

20      La chambre de recours relève que, de même, il est tout à fait usuel de disposer des champs fonctionnels déterminés de manière à ce qu’ils figurent au premier plan ou en ordre secondaire sur un cadran selon leur taille. La présentation dont l’enregistrement a été demandé constitue uniquement une variante de ce principe (point 28 de la décision attaquée).

21      La chambre de recours considère, enfin, que la mention du fabricant de la montre revêt une importance particulière s’agissant de montres et, à plus forte raison, de montres de luxe. Dans ce segment de produits, il est inhabituel, selon elle, de présumer l’identité du fabricant en se fondant seulement sur la forme ou le design du cadran, sans prêter simultanément attention à la mention du fabricant. Selon la chambre de recours, cette appréciation est étayée par certains exemples, avancés par la requérante elle-même, qui, pour l’essentiel, diffèrent uniquement par la mention du fabricant et non par la forme ou la présentation du cadran (point 29 de la décision attaquée).

22      La chambre de recours considère que ces raisonnements sont pertinents non seulement pour des montres de luxe et des appareils de mesure du temps, mais aussi pour des cadrans de montres de luxe (point 30 de la décision attaquée).

23      La chambre de recours rejette par ailleurs l’argumentation de la requérante selon laquelle l’enregistrement de la marque devrait être admis au motif que celle-ci aurait acquis un caractère distinctif par l’usage.

24      La chambre de recours indique que, suivant une jurisprudence bien établie pour apprécier le caractère distinctif de la marque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifient le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (point 35 de la décision attaquée).

25      La chambre estime que la part de marché détenue par la marque demandée ou la valeur de reconnaissance dans le cadre de sondages constituent dès lors une indication susceptible d’être pertinente aux fins de l’appréciation de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage. Selon la chambre de recours, cela est particulièrement vrai, comme en l’espèce, lorsqu’une marque constituée par l’apparence du produit mentionné dans la demande n’a pas de caractère distinctif, parce qu’elle ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur, mais sera considérée uniquement comme une variante ou un design de formes usuelles. En effet, elle précise qu’il semble probable que la marque puisse, dans un tel cas, acquérir un caractère distinctif uniquement si, du fait de son utilisation, les produits qu’elle désigne représentent une part non négligeable du marché des produits en cause (point 36 de la décision attaquée).

26      Par ailleurs, se référant à l’arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Bovemij Verzekeringen (C‑108/05, Rec. p. I‑7605), la chambre de recours relève, en substance, que les preuves doivent en principe porter sur tout le territoire où la marque est dépourvue de caractère distinctif, lorsque les motifs de refus ne peuvent être limités à un territoire déterminé et que, partant, les preuves rapportées pour une partie substantielle de l’Union européenne ne sont dès lors pas suffisantes (point 37 de la décision attaquée).

27      La marque demandée étant en effet dépourvue de caractère distinctif dans toute la Communauté, le territoire à prendre en considération est celui des quinze États membres faisant partie de la Communauté à la date du dépôt de la demande en 2002 (point 39 de la décision attaquée).

28      La chambre de recours constate que la requérante a produit des documents permettant de reconnaître que le modèle « Lange 1 » – dont la représentation correspond au signe demandé – pour des montres de luxe a fait l’objet de publicités étendues dans certains des quinze États membres à prendre en considération à la date du dépôt de la demande en 2002, en particulier en Allemagne, en Autriche, en Italie, au Portugal, en France et au Danemark, et qu’il est connu auprès du public pertinent (point 38 de la décision attaquée).

29      Elle estime que la requérante n’a, en revanche, produit aucun élément concernant d’autres États membres importants à prendre en considération à la date du dépôt de la demande en 2002 qui indiquerait que les montres y sont commercialisées et, a fortiori, que la « marque de position » dont l’enregistrement a été demandé y serait devenue enregistrable en raison d’un caractère distinctif acquis par l’usage. La chambre de recours constate, en outre, qu’elle ne dispose d’aucun élément permettant d’affirmer que des vendeurs spécialisés attribueraient correctement les cadrans à une même origine commerciale dans ces autres États membres (point 38 de la décision attaquée).

30      Dès lors que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque dans toute la Communauté et que la requérante n’avait pas prouvé que la marque demandée avait fait l’objet de campagnes publicitaires dans des parties déterminées de la Communauté durant la période à prendre en considération, la chambre de recours a estimé que les chiffres produits concernant ses dépenses publicitaires ne se prêtaient pas à démontrer que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait. En conséquence, la chambre de recours a conclu que les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement n° 40/94 faisaient obstacle à l’enregistrement de la marque demandée (points 39 et 40 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater que les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne s’opposent pas à la publication de la marque dont l’enregistrement a été demandé pour des produits relevant de la classe 14 (« montres de luxe et instruments de mesure du temps ; cadrans pour montres de luxe ») ;

–        subsidiairement, constater que la marque dont l’enregistrement a été demandé présente un caractère distinctif acquis par l’usage en ce qui concerne les produits visés relevant de la classe 14, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

32      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions ainsi que du chef de conclusions présenté à titre subsidiaire par la requérante

 Arguments des parties

33      L’OHMI fait valoir qu’il n’appartient pas au Tribunal de constater qu’il n’existe aucun obstacle à l’enregistrement d’une marque. Selon l’OHMI, d’une part, il ressort de l’article 233 CE et de l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009), ainsi que de la jurisprudence, que l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts des juridictions communautaires. D’autre part, la prochaine étape dans la procédure d’enregistrement de la marque demandée ne serait pas l’enregistrement de celle-ci, mais la publication de la demande conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94 (devenu article 39 du règlement n° 207/2009).

34      L’OHMI estime que le deuxième chef de conclusions ainsi que le chef de conclusions présenté à titre subsidiaire par la requérante sont dès lors irrecevables.

35      La requérante, interrogée par le Tribunal lors de l’audience, a indiqué qu’elle n’entendait pas se désister du deuxième chef de conclusions ni du chef de conclusions présenté à titre subsidiaire.

 Appréciation du Tribunal

36      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 63, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009), tant l’annulation que la réformation d’une décision des chambres de recours ne sont possibles que si celle-ci est entachée d’une illégalité de fond ou de forme [voir arrêt du Tribunal du 4 octobre 2006, Freixenet/OHMI (Forme d’une bouteille émerisée blanche), T‑190/04, non publié au Recueil, point 14, et la jurisprudence citée].

37      En outre, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction, mais il incombe à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal. Il s’ensuit qu’une demande visant à ce qu’il soit ordonné à l’OHMI de procéder à la publication d’une demande de marque doit être considérée comme irrecevable (arrêt Forme d’une bouteille émerisée blanche, point 36 supra, point 15).

38      Il convient donc de vérifier si les deux chefs de conclusions contestés par l’OHMI visent à demander au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI.

39      Il y a lieu de considérer à cet égard que, par ces deux chefs de conclusions, la requérante demande en réalité la réformation de la décision attaquée. En effet, ces demandes ne consistent pas à solliciter du Tribunal qu’il condamne l’OHMI à une quelconque obligation de faire ou de ne pas faire, ce qui constituerait une injonction adressée à l’OHMI, mais visent, au contraire, à ce que le Tribunal décide, au même titre que la chambre de recours, que la marque demandée peut être publiée conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94 (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille émerisée blanche, point 36 supra, point 17), dans la mesure où la marque demandée n’est pas dépourvue de caractère distinctif ou, dans l’hypothèse où le Tribunal viendrait à considérer que tel n’est pas le cas, dans la mesure où la marque demandée a néanmoins acquis un caractère distinctif par l’usage.

40      C’est dès lors à tort que l’OHMI qualifie les demandes de réformation présentées par la requérante de demandes d’injonction. Il s’ensuit que la fin de non-recevoir opposée par l’OHMI doit être rejetée.

2.     Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

41      La requérante avance deux moyens, tirés, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, d’autre part, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement.

42      À l’appui de son premier moyen, la requérante avance, en premier lieu, que l’objet de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée, tel que défini par la chambre de recours, est erroné.

43      Selon la requérante, l’objet de la demande d’enregistrement était une certaine disposition – un « positionnement » – de différentes formes géométriques sur le cadran d’une montre. Selon elle, l’examen du caractère distinctif de la marque demandée devait, par conséquent, porter sur la question de savoir si le positionnement asymétrique de trois champs fonctionnels sur le cadran d’une montre est susceptible d’être enregistré.

44      Selon la requérante, la chambre de recours a considéré que la jurisprudence développée pour les marques tridimensionnelles, constituées par l’apparence du produit lui-même, était également pertinente lorsque la marque demandée était une marque figurative, constituée par la représentation bidimensionnelle du produit ou, comme en l’espèce, par une « marque de position ».

45      Selon la requérante, la chambre de recours est ainsi partie, à tort, du principe selon lequel la marque demandée reproduit des éléments de la forme du produit concerné. Or, selon elle, ce n’était pas une protection de la présentation bidimensionnelle d’ensemble qui avait été demandée, mais celle du positionnement des différentes indications de temps et de date sur le cadran d’une montre-bracelet. La chambre de recours a ainsi méconnu, selon elle, que l’objet d’une « marque de position » est le caractère particulier de la disposition ou de l’arrangement d’un signe sur le produit.

46      Or, selon la requérante, laquelle se réfère à plusieurs décisions de l’OHMI, il suffit qu’un certain élément, même dépourvu de caractère distinctif, apparaisse sur une certaine partie du produit, dans un positionnement ou un emplacement toujours identique, dans une taille invariable et dans un certain contraste de couleur par rapport au produit, pour que le positionnement caractéristique du signe sur le produit établisse la qualité de la marque.

47      Le requérante soutient, en second lieu, que les « marques de position » sont, par conséquent, comparables aux marques verbales, aux « marques numérales » ou aux marques figuratives, pour lesquelles aucune exigence accrue en matière de caractère distinctif n’est imposée.

48      La requérante considère, à cet égard, qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre) (T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 23), qu’une présentation figurant sur un produit ou une partie d’un produit ne peut se voir dénier, en elle-même, tout caractère distinctif et que les critères d’appréciation qui lui sont applicables ne diffèrent pas de ceux applicables aux autres catégories de marques.

49      La requérante indique que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, la preuve d’un caractère distinctif minimal de la marque suffit à faire obstacle au motif de refus de l’absence de caractère distinctif.

50      La requérante avance qu’il convient, à cet égard, de se reporter à l’utilisation habituelle de la marque en tant qu’indicateur d’origine commerciale dans un secteur ainsi qu’au point de vue des milieux intéressés au sein du marché commun, la marque devant leur permettre, au moment de la décision d’achat, de distinguer les produits en cause de ceux qui ont une origine commerciale différente.

51      Selon la requérante, ces principes sont également valables pour une présentation figurant sur un produit ou sur une partie d’un produit.

52      La requérante soutient, en substance, que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, ce n’est ni le but poursuivi par les éléments graphiques du cadran de la montre « Lange 1 », ni la question de savoir si, selon leur taille, les champs fonctionnels figuraient au premier ou au second plan, ni l’endroit où sont montées les aiguilles qui importent. En réalité, seul importe le positionnement des cercles de tailles différentes et du champ rectangulaire les uns par rapport aux autres.

53      La requérante estime, en outre, que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque n’a de caractère distinctif que si elle diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur repose sur des exigences trop strictes. En effet, ces principes, plus restrictifs, développés pour les marques tridimensionnelles, ne devraient pas s’appliquer à une « marque de position » pour laquelle aucune exigence accrue n’est requise selon la jurisprudence, une telle marque étant en principe plus originale que les marques tridimensionnelles habituelles. En effet, ce n’est pas la forme ou la représentation du produit qui est jugée, mais une combinaison concrète et inhabituelle de formes géométriques que le public est en mesure d’identifier et de reconnaître et qui donne un « effet d’identification » au produit.

54      Enfin, la requérante considère en substance que, en tout état de cause, la marque demandée satisfait aux critères d’évaluation plus stricts développés pour les marques tridimensionnelles.

55      La requérante avance, à cet égard, que la marque demandée n’est pas constituée de formes simples. Au contraire, elle estime qu’elle a développé une disposition asymétrique d’un genre totalement nouveau. L’OHMI conteste, selon elle, que le champ contenant la date soit d’une taille exceptionnelle, bien qu’elle ait obtenu un brevet pour l’indication de la date en grande taille. Elle allègue que le caractère novateur et, à ce jour, unique, du fait de la taille surdimensionnée de l’indicateur de date, combiné avec deux autres indications en forme de cercles, à savoir l’indication des heures et des secondes et la réserve de marche, a été méconnu par la chambre de recours.

56      La requérante soutient qu’il est incorrect de soutenir que ce positionnement particulier ne peut bénéficier de la protection conférée aux marques au motif que les montres comportent d’autres éléments se retrouvant dans de nombreuses montres.

57      Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû considérer, au contraire, que les éléments de présentation inhabituels et uniques du cadran de montre « Lange I » produisent un « effet de reconnaissance » auprès du consommateur moyen, y compris le commerce spécialisé, ainsi que les acheteurs, vendeurs et amateurs de montres dont le prix est élevé, et sont susceptibles de constituer une indication d’origine commerciale et, donc, un signe distinctif, en particulier après la limitation de la liste des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque avait été demandé.

58      La requérante allègue à cet égard que, lorsque la chambre de recours indique que de tels positionnements sont tout à fait courants sur des montres-bracelets, elle méconnaît le fait que les montres sont caractérisées par des éléments de présentation très différents, qui servent d’indication d’origine commerciale et permettent au consommateur de distinguer différents modèles de montres de différents fabricants. Il en serait ainsi, par exemple, des montres « Reverso » de Jaeger-LeCoultre, « Tank américaine » et « Pasha C » de Cartier.

59      Selon elle, les consommateurs n’identifient pas seulement les montres en fonction de leur présentation extérieure, mais également en fonction de la présentation du cadran, certaines présentations étant habituelles et d’autres inhabituelles.

60      La requérante soutient que, dès lors, la chambre de recours n’a pas suffisamment tenu compte du fait que les montres sont caractérisées par différents éléments de présentation, qui servent d’indication d’origine commerciale et permettent aux consommateurs de distinguer différents modèles de montres produits par différents fabricants.

61      La requérante fait en outre valoir que l’indication du fabricant ne constitue normalement pas un élément de reconnaissance décisif pour le public spécialisé, certains éléments de présentation, tels que la forme ou une présentation particulière du cadran, permettant de déterminer immédiatement l’origine commerciale du produit concerné.

62      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait qu’un nombre limité de combinaisons techniquement possibles de positionnement des champs et de variations asymétriques de ces positionnements. Elle indique que de nombreuses présentations existent sur le marché et qu’elle ne revendique pas une solution technique particulière ou une caractéristique utilitaire dont les concurrents seraient privés par l’enregistrement de la marque demandée. Les concurrents pourront en effet, selon elle, choisir d’autres présentations de cadrans de montres.

63      Elle ajoute qu’une présentation qui n’est pas semblable à celle qu’elle entend enregistrer, mais qui s’y apparente, en l’occurrence trois cadrans ronds placés en triangle pour une montre de marque Rolex, a été enregistrée en tant que marque aux États-Unis et qu’elle a donc été considérée comme ayant un caractère distinctif suffisant.

64      L’OHMI conteste les allégations de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

65      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

66      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 32, et du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 42).

67      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts de la Cour Procter & Gamble/OHMI, point 66 supra, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25).

68      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30 ; Storck/OHMI, point 67 supra, points 26 et 27, et du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, point 36).

69      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêts de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 31 ; Storck/OHMI, point 67 supra, point 28, et Henkel/OHMI, point 68 supra, point 37).

70      Selon la Cour, cette jurisprudence, développée en ce qui concerne des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même, vaut également lorsque la marque demandée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêts Storck/OHMI, point 67 supra, point 29, et Henkel/OHMI, point 68 supra, point 38).

71      Enfin, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes [arrêts du Tribunal du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 44, et du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, Rec. p. II‑1511, point 38].

72      Il convient par conséquent de vérifier si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, en application de cette jurisprudence, en premier lieu, que la marque demandée reproduisait des éléments de la forme du produit concerné et qu’elle n’était pas constituée par un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne, en deuxième lieu, que l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée devait être effectuée au regard des exigences fixées par la jurisprudence pour les marques tridimensionnelles au motif que cette jurisprudence est pertinente lorsque la marque dont l’enregistrement a été demandé est une marque figurative qui est constituée par la représentation bidimensionnelle du produit ou par une « marque de position » qui reproduit les éléments de la forme du produit, et, en troisième lieu, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au regard de cette jurisprudence.

73      Les arguments avancés à cet égard par la requérante dans le cadre de son premier moyen peuvent être, en substance, regroupés en trois principaux griefs qu’il convient d’examiner successivement.

–       Sur le premier grief, relatif à l’objet de la demande de marque

74      Selon la requérante, la demande de marque porte sur un positionnement asymétrique et particulier de différentes formes géométriques sur le cadran d’une montre. Or, selon elle, la chambre de recours a considéré que la marque demandée reproduisait des éléments de la forme du produit concerné. Cependant, ce ne serait pas une protection de la présentation bidimensionnelle d’ensemble qui était demandée, mais celle du positionnement des différentes indications de temps et de date sur le cadran de la montre. La chambre de recours a ainsi, selon la requérante, commis une erreur en ce qui concerne l’objet de la demande de marque.

75      Or, le Tribunal constate qu’il ne ressort pas de la demande de marque que les formes géométriques figurant sur le cadran se rapportent à des champs fonctionnels déterminés d’indication de temps ou de date.

76      En outre, même si la demande était accompagnée des précisions selon lesquelles « les lignes en pointillé ne font pas partie de la marque, mais servent uniquement à montrer la position de la marque sur les produits », il n’en reste pas moins que les formes géométriques en cause s’inscrivent sur le cadran d’une montre qui est le produit pour lequel l’enregistrement de la marque a été demandé et qu’elles constituent une partie intégrante de la forme et de la représentation figurative dudit produit.

77      Il y a dès lors lieu de considérer, d’une part, que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que la marque demandée reproduisait des éléments de la forme du produit concerné et, d’autre part, que, pour le consommateur moyen, la marque demandée n’est pas constituée par un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne.

78      Dès lors, le premier grief avancé par la requérante doit être écarté.

–       Sur le deuxième grief, relatif à l’application de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles

79      La requérante avance, en substance, que la chambre de recours a estimé devoir appliquer les exigences prévues pour les marques tridimensionnelles à l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée. Or, les « marques de position » sont, selon elle, comparables aux marques verbales ou aux marques figuratives et aucune exigence accrue en matière de caractère distinctif ne peut être requise. Ainsi, suivant l’arrêt Surface d’une plaque de verre, point 48 supra, une présentation figurant sur un produit ou une partie d’un produit ne pourrait se voir dénier, en elle-même, tout caractère distinctif.

80      Dans son arrêt Surface d’une plaque de verre, point 48 supra (point 27), le Tribunal a considéré, concernant le caractère distinctif d’un motif abstrait destiné à être appliqué à la surface d’une plaque de verre et donnant une texture particulière à celui-ci, que le public pertinent n’avait pas l’habitude de considérer des motifs appliqués à la surface de telles plaques comme une indication de l’origine commerciale du produit et que le motif n’était pas reconnaissable de prime abord comme une indication de l’origine commerciale du produit, mais comme un élément fonctionnel de celui-ci.

81      Le Tribunal rappelle que la Cour a considéré que la jurisprudence développée à l’égard des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même valait également lorsque la marque demandée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêts Storck/OHMI, point 67 supra, point 29, et Henkel/OHMI, point 68 supra, point 38).

82      Il en résulte que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles et les critères d’appréciation qui en découlaient étaient applicables à la marque demandée, dès lors qu’il avait été constaté que celle-ci ne constituait pas un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle entendait désigner.

83      Le deuxième grief avancé par la requérante doit dès lors être écarté.

–       Sur le troisième grief, tiré de ce que la marque demandée satisfait aux exigences de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles

84      La requérante soutient, en substance, que la marque demandée satisfait en tout état de cause également aux exigences accrues en matière de caractère distinctif prévues pour les marques tridimensionnelles.

85      Le Tribunal relève à cet égard que, dès lors que la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles est applicable à la marque demandée, il convient d’examiner si la chambre de recours a pu considérer à bon droit, au regard des exigences de la jurisprudence rappelée aux points 66 à 70 ci-dessus que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

86      Il y a lieu, par conséquent, de vérifier si la marque demandée diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et est, de ce fait, susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine commerciale auprès du public pertinent (voir, en ce sens, arrêts Deutsche SiSi-Werke/OHMI, point 69 supra, point 31 ; Storck/OHMI, point 68 supra, point 28, et Henkel/OHMI, point 69 supra, point 37).

87      Il convient de relever que la détermination du public pertinent, telle qu’elle est effectuée par la chambre de recours, n’est pas contestée par la requérante. Il s’agit des acheteurs de montres de luxe, d’une part, et de cadrans de montres de luxe, d’autre part. Selon la chambre de recours, « outre le commerce spécialisé, le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de montres de luxe est un acheteur particulièrement bien informé et normalement fortuné, qui est particulièrement attentif lors du choix des produits et se procure une vue de l’ensemble du marché ». Quant aux cadrans, ils ne seront achetés, en principe, que par des ateliers de réparation.

88      Le Tribunal estime à cet égard que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, en substance, que, au vu de l’impression d’ensemble produite par la forme demandée sur le consommateur moyen, le but poursuivi par les éléments constitutifs du signe n’apparaissait ni au vu de la représentation du signe ni à la lecture de la description de la marque demandée et que les formes de base que constituaient les cercles et le rectangle étaient des signes simples et usuels qui ne seraient pas perçus en tant que marque.

89      C’est également à bon droit que la chambre de recours a estimé en substance que, à supposer qu’il s’agisse de champs fonctionnels, la fonction de ces formes géométriques ne ressortait pas de la demande de marque et que les dispositions symétriques ou asymétriques de telles formes géométriques simples et usuelles constituaient des caractéristiques courantes de présentation qui, même combinées, ne fournissaient pas d’indication de l’origine commerciale du produit concerné, mais étaient perçues uniquement comme une présentation déterminée de celui-ci.

90      En outre, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a indiqué qu’il ne résultait pas des exemples présentés par la requérante que la forme ou la présentation de cadrans de montres permettait de conclure à l’existence d’une marque.

91      Enfin, c’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré que la mention du fabricant de la montre revêtait une importance particulière s’agissant de montres et, à plus forte raison, de montres de luxe.

92      Il résulte de ces considérations que la marque demandée, prise dans son ensemble, ne diverge pas de manière significative des normes ou habitudes du secteur.

93      Ces considérations ne sauraient être remises en question par les allégations de la requérante.

94      Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu le caractère novateur et, jusqu’à présent, unique de la marque demandée du fait de la taille surdimensionnée de l’indicateur de la date, combiné avec deux autres indications en forme de cercles, à savoir l’indication des heures et des secondes.

95      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal rappelle qu’il ne ressort pas de la demande que les formes géométriques figurant sur le cadran se rapportent à des champs fonctionnels déterminés d’indication de temps ou de date. L’argumentation de la requérante qui vise à reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de ces paramètres ne saurait dès lors prospérer.

96      En deuxième lieu, il y a lieu de constater que les formes géométriques constitutives de la marque demandée sont des formes simples, qui ne se distinguent pas de celles habituellement présentes sur les cadrans de montres d’autres fabricants.

97      En troisième lieu, s’agissant de la taille des différentes formes géométriques qui figurent dans le dessin soumis par la requérante, la taille du rectangle, contrairement à ce qu’affirme cette dernière, n’apparaît pas d’une dimension telle qu’elle permettrait de la distinguer immédiatement d’une forme similaire sur le cadran d’un produit concurrent, tel que la montre « Pasha C » de Cartier qui est reproduite en tant que troisième exemple figurant au point 5 de la décision attaquée.

98      Le caractère novateur dont elle fait état ne saurait dès lors résulter des formes géométriques elles-mêmes, mais, le cas échéant, de leur combinaison et de leur positionnement. Or, la requérante reste en défaut de démontrer en quoi la combinaison de ces formes géométriques usuelles dans ce secteur ainsi que leur positionnement se distingueraient des usages habituels en la matière d’une manière telle que cela suffirait à octroyer un caractère distinctif à cette combinaison et à ce positionnement par rapport aux produits concurrents.

99      En quatrième lieu, il convient de rappeler que c’est à bon droit que l’OHMI se réfère à la jurisprudence du Tribunal, suivant laquelle la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes (arrêts Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré et Forme d’une saucisse, point 71 supra). Or, tel n’est pas le cas en ce qui concerne le signe dont l’enregistrement est demandé.

100    Deuxièmement, la requérante avance que la chambre de recours n’a pas suffisamment tenu compte du fait que les montres sont caractérisées par différents éléments de présentation qui servent d’indication d’origine commerciale et permettent aux consommateurs de distinguer différents produits de différents fabricants, les consommateurs n’identifiant en effet pas seulement les montres en fonction de leur présentation extérieure, mais également en fonction de la présentation de leur cadran, celle-ci permettant, dans certains cas, de déterminer immédiatement l’origine commerciale du produit.

101    Elle avance en outre que l’indication du fabricant ne constitue normalement pas un élément de reconnaissance décisif pour un public spécialisé.

102    D’une part, le Tribunal relève que la requérante n’apporte aucun élément de preuve de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles les consommateurs n’identifieraient pas seulement les montres en fonction de leur présentation extérieure, mais également en fonction de la présentation de leur cadran, cette présentation permettant, dans certains cas, de déterminer immédiatement l’origine commerciale du produit.

103    D’autre part, même à supposer qu’une telle preuve ne puisse être mise à la charge de la requérante, dès lors que, tout d’abord, il n’est pas contesté que les formes géométriques que la requérante entend enregistrer sont des formes tout à fait usuelles et que, ensuite, de nombreuses montres de luxe présentent de manière symétrique ou asymétrique divers champs fonctionnels qui sont en général, mais pas nécessairement, de forme ronde, il n’est pas établi que, même pour un public averti, tel que celui des consommateurs de montres de luxe, ce positionnement de formes géométriques usuelles aura un caractère suffisamment original et se différenciera substantiellement des formes de base des produits en cause, communément utilisées dans le commerce pour lui permettre d’être distinctif.

104    À cet égard, les exemples que présente la requérante, à savoir la montre « Reverso » de Jaeger-LeCoultre, d’une part, et la « Tank américaine » ainsi que la « Pasha C » de Cartier, d’autre part, n’apparaissent pas pertinents. En effet, d’une part, la requérante ne prouve ni que les consommateurs de montres de luxe identifient ces montres sur la seule base de leur cadran ni que le nom de leur fabricant ne constitue pas un élément décisif à cet égard. Il convient de relever également que c’est à juste titre que l’OHMI soutient que la requérante elle-même ne désigne pas ces montres en faisant référence à leur présentation ou au positionnement des formes qui apparaissent sur leur cadran, mais bien en se référant au nom du modèle et de leur fabricant. D’autre part, à supposer même que les consommateurs identifient ces montres sur la seule base de leur cadran, il ne pourrait être exclu que cela soit dû au fait qu’elles présentent une originalité réelle, dont est dépourvue la marque demandée, laquelle est composée de formes géométriques simples et usuelles.

105    Troisièmement, la requérante allègue que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait qu’un nombre limité de possibilités techniquement réalisables de positionnement de champs fonctionnels et de variations asymétriques de ces positionnements, de nombreuses présentations existant sur le marché, et qu’elle ne revendique pas une solution technique particulière ou une caractéristique utilitaire dont les concurrents seraient privés par l’enregistrement de la marque.

106    Le Tribunal considère que le fait que le nombre de positionnements symétriques ou asymétriques de formes géométriques usuelles soit éventuellement plus ou moins limité est en réalité sans incidence, dès lors que, par eux-mêmes, de tels positionnements de formes géométriques simples et usuelles ne peuvent assurer, à eux seuls, le caractère distinctif dont la marque demandée doit être revêtue. Le positionnement de formes géométriques usuelles sur un cadran de montre n’apparaît en effet pas reconnaissable de prime abord comme une indication de l’origine commerciale du produit concerné, mais, au contraire, est perçu comme un élément fonctionnel de celui-ci. Par ailleurs, il n’est pas établi que le public pertinent, même s’il s’agit d’un public averti tel que celui des montres de luxe, a l’habitude de considérer de telles formes géométriques comme une indication de l’origine commerciale du produit concerné sans y associer, simultanément, le nom du fabricant.

107    En outre, la requérante ne revendique pas le bénéfice d’une solution technique particulière, ce qui ne saurait faire l’objet d’une demande de marque, mais, le cas échéant, d’un brevet, dont elle dispose d’ailleurs en ce qui concerne l’affichage de la date.

108    Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel une présentation qui s’apparente à celle qu’elle souhaite enregistrer a été admise en tant que marque aux États-Unis, ce qui confirmerait son caractère distinctif, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 37].

109    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. Le premier moyen soulevé par la requérante doit dès lors être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

110    À l’appui de son second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, la requérante avance que la chambre de recours a fondé son examen sur un objet erroné, qu’elle a posé des conditions trop rigoureuses à ce même examen et que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les preuves d’usage qu’elle avait avancées étaient insuffisantes.

111    Selon la requérante, si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il y avait lieu de prendre en considération différents critères pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque acquis par l’usage, c’est toutefois à tort qu’elle a appliqué les critères qu’elle a retenus à une marque constituée par l’apparence du produit et non à la « marque de position » demandée.

112    La requérante fait par ailleurs valoir que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’elle aurait dû prouver le caractère distinctif acquis par l’usage pour l’ensemble du territoire de l’Union.

113    Elle estime, à cet égard, que la chambre de recours a fait une lecture erronée de l’arrêt Bovemij Verzekeringen, point 26 supra. Elle considère que la Cour n’a pas jugé, dans cet arrêt, que le caractère distinctif, pour une marque qui n’est pas susceptible d’être enregistrée dans l’ensemble de la Communauté, devait être prouvé pour l’ensemble du territoire de l’Union.

114    Se référant au point 39 de la décision attaquée, la requérante considère qu’il en résulte qu’elle n’aurait pas dû prouver le caractère distinctif acquis par l’usage pour l’ensemble de la Communauté, c’est-à-dire les quinze États membres de l’Union en 2002, mais qu’il aurait suffi que la marque demandée ait « fait l’objet de campagnes publicitaires dans des parties déterminées durant la période à prendre en considération ». La requérante estime, par conséquent, qu’il ne découle pas clairement de la décision attaquée quel serait le territoire à l’égard duquel il aurait fallu prouver le caractère distinctif acquis par l’usage.

115    La requérante estime, en substance, qu’il aurait dû suffire qu’elle prouve le caractère distinctif acquis par l’usage dans des parties importantes de la Communauté, et ce d’autant que le marché concerné était limité au marché des montres de luxe, dont les ventes, dans des quantités limitées, sont très variables d’un État à l’autre. Or, la requérante souligne avoir produit, premièrement, les documents établissant que la notoriété du produit auprès du public était prouvée pour au moins six États membres (Allemagne, Autriche, Italie, Portugal, France et Danemark), deuxièmement, des articles issus de quotidiens, journaux, magazines et revues spécialisées du Royaume-Uni, troisièmement, une liste de dépenses publicitaires pour l’Autriche, l’Italie, le Danemark, la France, le Portugal, les Pays-Bas, la Belgique et l’Espagne. Dès lors, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage aurait concerné, au total, neuf des quinze États membres de la Communauté en 2002, ce qui est, selon elle, suffisant au regard de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

116    La requérante invoque, à l’appui de sa thèse, l’arrêt du Tribunal du 2 juillet 2002, SAT.1/OHMI (SAT.2) (T‑323/00, Rec. p. II‑2839, point 36), dans lequel il aurait été décidé, en substance, que le fait que le signe demandé soit effectivement perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale d’un produit ou d’un service dans les cas relevant de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 constitue le fruit des efforts économiques du demandeur de l’enregistrement, ce qui justifie la mise à l’écart des considérations relatives à l’intérêt général sur lesquelles se fonde l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009] en vertu desquelles les marques concernées par ces dispositions doivent être laissées à la libre disposition de tous afin d’éviter qu’un opérateur économique bénéficie d’un avantage concurrentiel illégitime.

117    Or, tel serait le cas en l’espèce, la requérante ayant entrepris des efforts économiques considérables afin de promouvoir la marque demandée, à concurrence de 5 445 188,55 euros en 2001 et de 3 592 338,95 euros en 2002.

118    La chambre de recours aurait, dès lors, dû considérer que le caractère distinctif acquis par l’usage était établi.

119    L’OHMI réfute les allégations de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

120    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

121    Il y a lieu également de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 ne prévoit pas un droit autonome à l’enregistrement d’une marque. Il comporte une exception aux motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement. Sa portée doit dès lors être interprétée en fonction de ces motifs de refus [voir, s’agissant de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt Bovemij Verzekeringen, point 26 supra, point 21].

122    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, d’une part, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 61, et la jurisprudence citée].

123    D’autre part, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie substantielle de la Communauté où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 122 supra, point 62, et la jurisprudence citée).

124    En outre, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 49), que, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises.

125    À cet égard, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinion (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 122 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

126    La part de marché détenue par la marque est donc une indication qui peut être pertinente aux fins d’apprécier si cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage. Tel est le cas, en particulier, lorsque, comme en l’espèce, une marque constituée par l’apparence du produit pour lequel l’enregistrement a été demandé apparaît dépourvue de caractère distinctif au motif qu’elle ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur. En effet, il est vraisemblable que, en pareil cas, une telle marque n’est susceptible d’acquérir un caractère distinctif que si, à la suite de l’usage qui en est fait, les produits qui en sont revêtus détiennent une part non négligeable du marché des produits en cause. Pour les mêmes raisons, la part du volume publicitaire pour le marché des produits en cause que représentent les investissements publicitaires engagés pour promouvoir une marque peut également être une indication pertinente afin d’apprécier si cette marque a acquis un caractère distinctif par l’usage (arrêt Storck/OHMI, point 67 supra, points 76 et 77).

127    En outre, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque, y compris celui acquis par l’usage, doit être apprécié par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé et en tenant compte de la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits en cause normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 122 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

128    Enfin, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II‑5301, point 36 ; voir, également, arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 122 supra, point 66].

129    La requérante avance, en substance, trois griefs à l’appui de son moyen, suivant lesquels, premièrement, la chambre de recours a fondé son examen du caractère distinctif acquis par l’usage sur un objet erroné et a appliqué des critères d’appréciation trop sévères, deuxièmement, a erronément interprété la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne les conditions relatives à cet examen au regard du territoire à prendre en considération et, troisièmement, a considéré à tort que les preuves qu’elle avait avancées à cet égard étaient insuffisantes.

130    Tout d’abord, en ce qui concerne le premier grief, tiré de ce que la chambre de recours aurait fondé son examen sur un objet erroné, à savoir l’apparence du produit concerné, alors qu’elle aurait dû retenir la « marque de position », le Tribunal constate que ce grief est semblable au premier grief que la requérante a avancé dans le cadre de son premier moyen et qui a été écarté aux points 74 à 78 ci-dessus. Il en résulte que l’argumentation de la requérante à cet égard ne saurait non plus prospérer dans le cadre de son second moyen.

131    Il en va de même en ce qui concerne l’application de critères d’appréciation trop sévères qui découlerait de l’erreur commise en ce qui concerne l’objet sur lequel a porté l’examen. Cet argument, rejeté dans le cadre du premier moyen, n’est pas plus amplement étayé en ce qui concerne le deuxième moyen et il y a dès lors lieu de l’écarter également dans ce cadre.

132    En ce qui concerne le deuxième grief, il convient d’examiner si la chambre de recours a correctement appliqué ces principes en ce qui concerne le territoire à prendre en considération pour apprécier le caractère distinctif acquis par l’usage et si c’est à bon droit qu’elle a considéré, en substance, que l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 ne pouvait s’appliquer en l’espèce, dès lors que la preuve de l’usage n’était rapportée que pour une partie du territoire sur lequel la marque était dépourvue de caractère distinctif.

133    Quant au territoire à prendre en considération, il résulte de la jurisprudence que, dès lors que le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée doit être démontré dans la partie substantielle de la Communauté où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que le motif de refus absolu existe, pour celle-ci, dans toute la Communauté, c’est, en principe, l’entièreté du territoire de la Communauté telle que composée de quinze États membres à la date du dépôt de la demande en 2002 qui devait être prise en considération.

134    En effet, la Cour, dans son arrêt Bovemij Verzekeringen, point 26 supra, n’a pas remis en cause ce qu’elle avait décidé à cet égard dans son arrêt Storck/OHMI, point 67 supra. Dans l’arrêt Bovemij Verzekeringen, point 26 supra, le signe dont l’enregistrement avait été demandé avait été considéré comme étant dépourvu de tout caractère distinctif dans la partie du territoire du Benelux où était pratiqué le néerlandais et la Cour a jugé que, si le motif de refus n’existait que dans l’une des zones linguistiques de l’État membre ou, dans le cas du Benelux, dans l’une des zones linguistiques de ce territoire, il devait être établi que la marque a acquis par l’usage un caractère distinctif dans toute cette zone linguistique. Cette conclusion est semblable à la conclusion de la Cour dans l’arrêt Storck/OHMI, point 67 supra, dans lequel elle a rappelé qu’une marque ne pouvait être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 que si la preuve était rapportée qu’elle avait acquis, par l’usage qui en avait été fait, un caractère distinctif dans la partie de la Communauté dans laquelle elle n’avait pas ab initio un tel caractère au sens du paragraphe 1, sous b), du même article (point 83 de l’arrêt).

135    L’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait fait une lecture erronée de l’arrêt Bovemij Verzekeringen, point 26 supra, ne saurait dès lors prospérer.

136    Il en résulte que l’argumentation de la requérante selon laquelle il aurait suffi que la marque demandée ait fait l’objet de campagnes publicitaires dans des parties importantes de la Communauté durant la période à prendre en considération, eu égard au fait que le marché des montres de luxe est un marché pour lequel les ventes s’effectuent dans des quantités limitées et qui varient sensiblement d’un pays à l’autre, ne saurait non plus prospérer, le territoire sur lequel la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif étant le territoire des quinze États membres faisant partie de la Communauté au moment du dépôt de la demande de marque en 2002.

137    Il y a par ailleurs lieu de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle il ne découlerait pas clairement de la décision attaquée, en particulier de son point 39, quel serait le territoire à l’égard duquel il aurait fallu prouver le caractère distinctif acquis par l’usage.

138    Il convient en effet d’observer que, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’il fallait que les preuves concernées soient, en principe, relatives à tout le territoire lorsque les motifs de refus ne peuvent être limités à un territoire déterminé. Ayant constaté que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif dans toute la Communauté, la chambre de recours a considéré, sans commettre d’erreur à cet égard, que le caractère distinctif acquis par l’usage n’était pas démontré dès lors que la requérante n’avait pas apporté la preuve que la marque demandée avait fait l’objet de campagnes publicitaires dans des parties déterminées de ce territoire durant la période à prendre en considération.

139    Il en résulte que c’est à tort que la requérante allègue qu’il lui aurait suffi de prouver que la marque avait fait l’objet de campagnes publicitaires dans des parties déterminées de la Communauté durant la période à prendre en considération.

140    Il convient en outre d’observer que ne saurait davantage prospérer l’argumentation avancée par la requérante lors de l’audience, consistant à soutenir qu’exiger d’une petite ou d’une moyenne entreprise de rapporter une preuve de l’usage s’étendant, comme en l’espèce, à l’ensemble du territoire communautaire tel qu’il existait en 2002 entraînerait une discrimination à son égard, dès lors qu’elle pourrait, à la différence de grandes entreprises, ne pas souhaiter opérer sur l’ensemble du territoire communautaire, mais sur certains marchés seulement.

141    En effet, la marque obtenue à l’issue de la procédure est une marque communautaire, valable dans l’ensemble des États membres. Une telle protection justifie le respect de certaines conditions. Si l’entreprise souhaite n’opérer que sur certains marchés, elle peut, dans ce cas, avoir recours à l’enregistrement national de la marque demandée et n’est dès lors pas dépourvue de protection du seul fait qu’elle ne peut satisfaire aux conditions d’enregistrement d’une marque communautaire.

142    Il y a lieu, en outre, de relever que les preuves avancées par la requérante, même à les supposer toutes admissibles, concerneraient, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, tout au plus sept États membres, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, le Portugal, la France, le Danemark et le Royaume-Uni, les preuves avancées en ce qui concerne les Pays-Bas, la Belgique et l’Espagne étant postérieures au dépôt de la demande de marque.

143    C’est dès lors à bon droit que la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage n’était pas rapportée pour une partie importante de la Communauté, telle qu’elle existait en 2002.

144    Il n’est par conséquent pas besoin d’examiner le troisième grief avancé par la requérante, relatif à la question de savoir si c’est à bon droit que la chambre de recours a écarté une partie des dépenses publicitaires de la requérante relatives à certains de ces dix États membres et a considéré qu’il ne saurait résulter des seuls efforts économiques déployés par la requérante dans certains États membres que la marque demandée aurait acquis un caractère distinctif par l’usage au regard de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

145    En tout état de cause, de telles dépenses publicitaires ne constitueraient qu’un indice et ne sauraient suffire, à elles seules, à établir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, dès lors qu’elles ne seraient pas appuyées, notamment, par une étude de marché indiquant que la publicité a eu un effet de notoriété auprès du public visé par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Storck/OHMI, point 67 supra, points 76 et 77, et arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 122 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

146    Le second moyen avancé par la requérante doit dès lors être rejeté.

147    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

148    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

149    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lange Uhren GmbH est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2009.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions ainsi que du chef de conclusions présenté à titre subsidiaire par la requérante

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur le premier grief, relatif à l’objet de la demande de marque

–  Sur le deuxième grief, relatif à l’application de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles

–  Sur le troisième grief, tiré de ce que la marque demandée satisfait aux exigences de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.