Language of document : ECLI:EU:T:2022:852

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 décembre 2022 (*)

« Instrument d’aide à la préadhésion – Subventions – Enquêtes de l’OLAF – Sanction administrative – Exclusion des procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget général de l’Union pour une durée de deux ans – Obligation de motivation – Article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2185/96 – Principe de bonne administration – Confiance légitime – Compétence de pleine juridiction – Proportionnalité de la sanction »

Dans l’affaire T‑537/18,

Vialto Consulting Kft., établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes V. Christianos, A. Politis et G. Kelepouri, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Katsimerou et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 19 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, la requérante, Vialto Consulting Kft., demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision de la Commission européenne du 29 juin 2018 par laquelle celle-ci l’a exclue pour une durée de deux ans des procédures de marchés publics, des procédures d’octroi des subventions, des procédures d’instruments financiers (pour les véhicules d’investissement dédiés et les intermédiaires financiers) et des procédures de prix régies par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), et des procédures d’attribution régies par le règlement (UE) 2015/323 du Conseil, du 2 mars 2015, portant règlement financier applicable au 11e Fonds européen de développement (JO 2015, L 58, p. 17), et a ordonné la publication de cette exclusion sur son site Internet (ci-après la « décision attaquée »), et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de cette décision.

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit hongrois fournissant des services de conseil à des entreprises et à des entités appartenant aux secteurs privé et public.

 Marché de services octroyé au consortium

3        En vertu de l’article 1er du règlement (CE) no 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO 2006, L 210, p. 82), l’Union européenne aide les pays mentionnés aux annexes I et II de ce règlement, parmi lesquels figure la République de Turquie, à s’aligner progressivement sur les normes et les politiques de l’Union, y compris, le cas échéant, l’acquis communautaire, en vue de leur adhésion.

4        L’article 10 du règlement (CE) no 718/2007 de la Commission, du 12 juin 2007, portant application du règlement no 1085/2006 (JO 2007, L 170, p. 1), prévoit, au titre des principes généraux de mise en œuvre de l’aide, que la Commission confie la gestion de certaines actions au pays bénéficiaire, tout en conservant la responsabilité finale de l’exécution du budget général. La gestion décentralisée couvre, au moins, la gestion des appels d’offres, l’adjudication et les paiements.

5        Le 11 juillet 2008, la Commission a conclu avec la République de Turquie un accord-cadre qui définit de manière générale les règles de coopération relatives à l’aide au titre de l’instrument d’aide de préadhésion (IAP). En vertu de l’article 6 dudit accord-cadre, il incombait à la République de Turquie, dans le cadre d’une gestion décentralisée du programme, de désigner les structures d’exécution.

6        Le 11 avril 2011, la Commission a conclu une convention de financement avec la République de Turquie sous le régime de la gestion décentralisée avec un contrôle ex ante, qui s’inscrivait dans le cadre du programme national en faveur de la République de Turquie au titre de la composante « aide à la transition et [au] renforcement des institutions » de l’IAP. La structure d’exécution désignée, au sens de l’article 21 du règlement no 718/2007, était la Central Finance and Contracts Unit (CFCU). Cette convention est entrée en vigueur le 19 septembre 2011.

7        L’un des projets financés dans le cadre de cette convention était le projet TR2010/0311.01 « Digitization of Land Parcel Identification System » (numérisation du système d’identification des parcelles agricoles, ci-après le « projet DLPIS »). Ce dernier a été financé à hauteur de 37 millions d’euros environ et comportait trois volets.

8        Le troisième volet a été exécuté dans le cadre du marché de services DLPSTR2010/0311.01-02/001 « External Quality Control under Digitalisation of Land Parcel Identification System » (contrôle de qualité externe dans le cadre de la numérisation du système d'identification des parcelles cadastrales, ci-après le « marché de services DLPIS »). Ce marché a été passé le 19 septembre 2014 entre la CFCU et un consortium constitué de cinq participants, dont la requérante, et coordonné par Agrotec S.p.A, par le contrat de prestation de services portant la référence TR2010/0311.01-02/001 (ci-après le « contrat de prestation de services »).

 Enquête de l’OLAF

9        À la suite de l’ouverture d’une enquête en raison de soupçons d’actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet DLPIS, sur le fondement de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a décidé de procéder à des contrôles et à des vérifications dans les locaux de la requérante (ci-après le « contrôle sur place »).

10      Le 7 avril 2016, l’OLAF a délivré des mandats désignant les agents chargés d’effectuer un contrôle sur place et une expertise technico-légale numérique.

11      Un contrôle sur place a été réalisé du 12 au 14 avril 2016. Un procès-verbal de chaque journée de contrôle a été dressé par l’OLAF. Il a été relevé dans le procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que la requérante avait refusé de fournir à l’OLAF certaines informations. La requérante a signé chacun des procès-verbaux, le cas échéant en formulant des commentaires.

12      Par lettre du 6 mai 2016, la requérante a saisi l’OLAF d’une plainte par laquelle elle a contesté certains éléments contenus dans les procès-verbaux visés au point 11 ci-dessus. En particulier, elle a affirmé qu’elle n’était tenue de coopérer avec l’OLAF que dans la limite de l’objet de l’enquête menée par celui-ci, à savoir le financement du contrat de prestation de services, et que, par conséquent, elle n’était obligée de donner accès à l’OLAF qu’à des informations relatives à l’objet de cette enquête. En outre, elle a demandé à l’OLAF de prendre les mesures appropriées au regard des manquements aux garanties procédurales commis par ses agents lors du contrôle sur place.

13      Par lettre du 8 juillet 2016, l’OLAF a répondu à la plainte de la requérante. Après avoir résumé les griefs de cette dernière et rappelé l’étendue de ses pouvoirs d’enquête, il a fait valoir que ses enquêteurs avaient le droit de réaliser des images technico-légales numériques de ses disques durs et qu’il avait mis fin au contrôle sur place en raison d’un défaut de coopération de celle-ci. En effet, selon lui, la requérante, d’une part, s’est opposée à ce qu’il emporte non seulement une copie des informations présélectionnées au cours de la recherche mais également les images technico-légales numériques réalisées et, d’autre part, n’a pas fourni les informations financières demandées. L’OLAF a ajouté que l’article 339 TFUE et l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 garantissaient la confidentialité des informations collectées. Il en a conclu que, d’une part, ses agents avaient mené le contrôle sur place dans la limite de leurs pouvoirs et, d’autre part, la protection des secrets d’affaires de la requérante ne constituait pas une raison légitime pouvant faire obstacle à leurs investigations. Il en a déduit qu’aucun manquement aux droits procéduraux de la requérante n’avait été commis lors du contrôle sur place.

14      Par lettre du 9 novembre 2016, l’OLAF a informé la requérante de la clôture de son enquête OF/2015/0076/A 2, de la transmission de son rapport d’enquête final à la direction générale (DG) « Voisinage et négociations d’élargissement » de la Commission et de ses recommandations visant à prendre les mesures appropriées afin de garantir l’application des procédures et des sanctions qui découlaient de la violation grave des stipulations du contrat de prestation de services par la requérante.

15      Par lettre du 11 novembre 2016, la CFCU a informé Agrotec de la clôture de l’enquête de l’OLAF et de la conclusion de ce dernier selon laquelle la requérante avait violé l’article 25 des conditions générales du contrat de prestation de services. La CFCU a également informé Agrotec de sa décision de l’exclure de ce contrat, dans tous ses aspects, et de poursuivre l’exécution dudit contrat, au lieu de la suspendre totalement, comme le lui avait recommandé, en tant que l’une des mesures possibles, la DG « Voisinage et négociations d’élargissement ». En conséquence, la CFCU a demandé à Agrotec de mettre immédiatement fin aux activités de la requérante à compter du 11 novembre 2016 et d’entreprendre les démarches nécessaires au retrait de cette dernière du consortium, à savoir la rédaction d’un addendum au contrat de prestations de services.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2017, la requérante a introduit un recours en indemnité, enregistré sous le numéro T‑617/17, fondé sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait des illégalités qu’auraient commises, d’une part, l’OLAF lors du contrôle effectué dans ses locaux et, d’autre part, la Commission à la suite dudit contrôle.

17      Par lettre du 9 mars 2018, la requérante a été informée que l’instance visée à l’article 108 du règlement no 966/2012 (ci-après l’« instance ») avait été convoquée afin d’émettre une recommandation en vue de l’adoption d’une décision d’exclusion à son égard conformément à l’article 105 bis du même règlement. Cette lettre l’invitait également à présenter ses observations à ce sujet.

18      Par lettre du 4 avril 2018, la requérante a formulé ses observations sur l’appréciation des faits réalisée par l’instance. Elle a réitéré sa position selon laquelle elle ne s’était pas opposée au contrôle mais uniquement à la collecte d’informations sans aucun rapport avec le marché de services DLPIS et a rappelé les manquements supposés de l’OLAF à ses droits procéduraux. En outre, elle a souligné l’existence d’un recours en indemnité, mentionné au point 16 ci-dessus, pour les mêmes faits. À cette occasion, la requérante demandait la suspension de la procédure d’exclusion ainsi que l’adoption de mesures provisoires pour chaque procédure financée par l’Union à laquelle elle participait jusqu’à ce que le Tribunal se prononce dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑617/17. Elle a également proposé une sanction d’exclusion d’une durée maximale de six mois sans publication, au lieu des deux années recommandées par l’instance.

19      Par la décision attaquée, notifiée à la requérante le 4 juillet 2018, la Commission a décidé son exclusion pour une durée de deux années des procédures de passation de marchés, d’octroi de subventions et d’instruments financiers financées par le budget général de l’Union et par le 11e Fonds européen de développement, en vertu du règlement 2015/323, ainsi que son inscription pour une période de deux années dans le système de détection rapide et d’exclusion (EDES), institué par l’article 108, paragraphe 1, du règlement no 966/2012. En outre, elle a décidé la publication de la mesure d’exclusion sur son site Internet, en vertu de l’article 106, paragraphe 16, du règlement no 966/2012.

20      Par l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446),le Tribunal a rejeté le recours en indemnité.

21      La requérante a formé un pourvoi contre l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), enregistré sous le numéro C‑650/19 P.

22      Par l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), la Cour a annulé partiellement l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), en ce qu’il a écarté comme étant non fondé le grief, soulevé par la requérante, relatif à la violation par la Commission du droit d’être entendu et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Celle-ci a été enregistrée sous le numéro T‑617/17 RENV.

 Conclusions des parties

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à réparer son préjudice matériel, d’une part, en raison de son exclusion pendant deux ans des procédures de passation de marchés, d’octroi de subventions et d’instruments financiers financées par le budget général de l’Union et, d’autre part, en raison de la publication de cette exclusion sur le site Internet de la Commission, qu’elle évalue à la somme de 200 000 euros, ex aequo et bono, assortie d’intérêts à compter de la date du prononcé de l’arrêt ;

–        condamner la Commission à réparer son préjudice moral, d’une part, en raison de son exclusion pendant deux ans des procédures de passation de marchés, d’octroi de subventions et d’instruments financiers financées par le budget général de l’Union et, d’autre part, en raison de la publication de cette exclusion sur le site Internet de la Commission, qu’elle évalue à la somme de 400 000 euros, assortie d’intérêts à compter de la date du prononcé de l’arrêt ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les conclusions en annulation dans leur intégralité comme non fondées ;

–        rejeter les conclusions en indemnisation comme irrecevables ou comme non fondées ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

25       La requérante invoque cinq illégalités au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée et conclut, à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

 Observations liminaires sur l’enquête de l’OLAF

26      L’OLAF a délivré le 7 avril 2016 deux mandats à ses agents, complétés le 13 avril 2016, pour effectuer un contrôle sur place dans les locaux de la requérante et une expertise technico-légale numérique des données de cette dernière, dans le but de recueillir des preuves de la possible participation de celle-ci à des faits de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet DLPIS. En particulier, le but de l’expertise technico-légale numérique était d’obtenir, notamment, des images technico-légales numériques de tous les appareils numériques de la requérante utilisés pour la gestion du projet DLPIS, tels que les ordinateurs de bureau, les ordinateurs portables, les tablettes, les dispositifs de stockage externes ou portables, les téléphones mobiles et tous autres appareils pouvant être pertinents aux fins de l’enquête, des serveurs d’échange de données et de fichiers, de la correspondance électronique de la direction et des employés de la requérante, des boîtes fonctionnelles de courrier électronique utilisées pour l’exécution du projet DLPIS ainsi que des fichiers ou des dossiers figurant dans le réseau de la requérante qui pouvaient être pertinents aux fins de l’enquête.

27      Les procédures de réalisation d’une expertise technico-légale numérique et d’exploitation des résultats de cette expertise sont décrites aux articles 4 à 8 des lignes directrices destinées au personnel de l’OLAF concernant les procédures technico-légales numériques (ci-après les « lignes directrices »). Il en ressort que la pratique consistant à réaliser une image technico-légale numérique du disque dur d’un ordinateur ou une copie des données stockées sur un support de données numériques a pour but de rechercher dans le disque dur d’un ordinateur ou sur tout autre support de données numériques, à l’aide d’un logiciel spécifique, les informations pertinentes au regard de l’objet de l’inspection par l’utilisation de mots clés. Cette recherche nécessite de réaliser d’abord une copie des données contenues sur le support des données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection afin de procéder à l’indexation des données qui s’y trouvent stockées. Dans le cas d’un disque dur d’ordinateur, cette copie peut prendre la forme d’une image technico-légale numérique. Cette image technico-légale numérique permet d’obtenir une copie exacte du disque dur soumis à l’inspection, contenant toutes les données qui y sont présentes au moment précis où la copie est réalisée, y compris les fichiers apparemment supprimés.

28      D’abord, les images technico-légales numériques, une fois réalisées, sont stockées sur des supports numériques, lesquels sont transportés de manière sécurisée jusqu’au laboratoire technico-légal de l’OLAF où elles sont transférées sur un serveur. Le fichier, ainsi transféré, est appelé fichier de travail technico-légal. Ensuite, est réalisée une étape appelée « indexation », pendant laquelle un logiciel spécifique place dans un catalogue l’ensemble des lettres et des mots figurant sur le disque dur d’un ordinateur ou sur tout autre support de données numériques soumis à l’inspection. Enfin, à la suite de cette étape, peuvent être recherchées les informations pertinentes au regard de l’objet de l’inspection, à l’aide d’un logiciel spécifique. Ces informations correspondant aux critères de recherche du fichier de travail technico-légal sont extraites pour que l’enquêteur puisse y avoir accès et les lire.

29      Les opérations de contrôle sur place se sont déroulées du 12 au 14 avril 2016. Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 12 avril 2016 que les agents de l’OLAF, accompagnés d’un agent de la Représentation de la Commission européenne en Hongrie et d’un représentant de la structure de coordination antifraude hongroise (AFCOS) ont pénétré dans les locaux de la requérante et que, après des présentations réciproques avec un représentant de la requérante, ce dernier a communiqué aux agents de l’OLAF un dossier contenant les documents relatifs au contrat de prestation de services ainsi que les noms des deux personnes, dont lui-même, chargées de l’exécution dudit contrat pour la requérante.

30      Puis, les agents de l’OLAF ont demandé à avoir accès aux ordinateurs de ces deux personnes afin de réaliser des images technico-légales numériques de leurs disques durs pour récupérer les données relatives au projet DLPIS depuis le mois de janvier 2012. Le représentant de la requérante a rejeté la demande de l’OLAF, au motif, notamment, que le disque dur de son ordinateur contenait de nombreuses données qui ne concernaient pas le contrat de prestation de services et qu’il ne souhaitait pas voir divulguées.

31      Par la suite, les avocats de la requérante ont expliqué aux agents de l’OLAF que le représentant de cette dernière souhaitait coopérer avec eux, mais qu’il ne souhaitait pas rendre accessibles à l’OLAF des données qui n’étaient pas liées au contrat de prestation de services, en raison des obligations de confidentialité existant entre la requérante et ses partenaires. Les agents de l’OLAF ont expliqué que la réalisation d’une image technico-légale numérique des disques durs était la méthode la plus rapide et la plus sûre, tandis qu’une recherche réalisée sur place à partir de mots clés serait extrêmement coûteuse en temps et ne permettrait pas d’accéder aux données supprimées liées au projet DLPIS.

32      Les représentants de la requérante ont informé les agents de l’OLAF qu’ils acceptaient de leur donner accès à toutes les informations demandées à condition qu’elles soient liées au contrat de prestation de services. Ils ont insisté sur la nécessité d’une séparation claire, entre les données liées à ce contrat et celles qui ne l’étaient pas, effectuée en présence des spécialistes de l’OLAF et de la requérante. À cette seule condition, la copie des données liées au contrat de prestation de services pourrait être communiquée aux agents de l’OLAF.

33      Les agents de l’OLAF ont proposé une autre méthode en trois étapes pour la réalisation de l’expertise technico-légale numérique. Dans un premier temps, seraient réalisées des images technico-légales numériques des données concernées, dans les locaux de la requérante. Dans un deuxième temps, ces images feraient l’objet d’une indexation afin qu’une recherche à l’aide de mots clés soit plus rapide et plus efficace. Dans un troisième temps, les agents de l’OLAF exporteraient les données pertinentes collectées et réaliseraient une image technico-légale numérique, ultérieurement analysée dans les locaux de l’OLAF, des seuls fichiers sélectionnés, et non de l’intégralité des données. Cette proposition a été acceptée par le représentant de la requérante. Il a été décidé que cette expertise technico-légale serait réalisée le lendemain selon ces modalités.

34      Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 13 avril 2016 que la requérante a demandé aux agents de l’OLAF que les images technico-légales numériques des disques durs des ordinateurs concernés soient réalisées sur du matériel qu’elle lui fournirait, ce que l’OLAF a accepté. Au cours de cette journée, ont été réalisées les images technico-légales numériques des données contenues sur le serveur de la requérante, de la correspondance électronique des deux personnes participant à l’exécution du contrat de prestation de services ainsi que des disques durs des ordinateurs portables de ces personnes. En outre, l’indexation des données contenues sur le serveur de la requérante a été entièrement effectuée et celle desdits disques durs a été entamée.

35      Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que, à l’arrivée des agents de l’OLAF dans les locaux de la requérante, le processus d’indexation des données entamé la veille était encore en cours. En outre, les agents de l’OLAF se sont intéressés à la comptabilité de la requérante et ont demandé à accéder à toutes les transactions de la requérante relatives à des versements et aux paiements de factures ainsi qu’à toutes les transactions non assignées réalisées par les employés de la requérante et les personnes autorisées par elle depuis le 1er janvier 2012, à la liste des clients et des fournisseurs de la requérante et à celle de toutes ses transactions bancaires à partir du 1er janvier 2012, depuis tous ses comptes.

36      Le représentant de la requérante alors présent a considéré que les agents de l’OLAF n’étaient habilités à avoir accès qu’aux transactions directement liées au contrat de prestation de services et effectuées depuis la date de la signature de ce contrat. En conséquence, il n’était disposé à leur communiquer que les informations relatives à de telles transactions. En revanche, il craignait d’être tenu de payer de lourdes pénalités à ses partenaires commerciaux s’il partageait des informations couvertes par le secret professionnel ou des obligations contractuelles de confidentialité. Il a ajouté que, en 2012 et en 2013, il n’y avait eu aucun paiement concernant le contrat de prestation de services. Les agents de l’OLAF ont affirmé que le refus du représentant de la requérante de fournir les informations demandées concernant toutes les transactions relatives à des versements et à des paiements de factures depuis le 1er janvier 2012 démontrait un manque de coopération de sa part et, en conséquence, une violation du règlement no 883/2013, en ce que celle-ci refusait de donner à l’OLAF accès à des informations pertinentes pour l’enquête de ce dernier.

37      Concernant les transactions non assignées, le représentant de la requérante était uniquement disposé à partager avec les agents de l’OLAF les informations relatives aux transactions réalisées par les deux personnes chargées de l’exécution du contrat de prestation de services. Il a refusé de communiquer les données relatives à d’autres employés de la requérante, afin de respecter leur vie privée.

38      La requérante a refusé de fournir les informations demandées concernant toutes les transactions bancaires qu’elle avait réalisées à partir du 1er janvier 2012, depuis tous ses comptes.

39      Faisant suite à une demande en ce sens, la requérante a communiqué aux agents de l’OLAF la liste de ses clients et de ses fournisseurs.

40      À la suite d’échanges entre les agents de l’OLAF et le représentant de la requérante au sujet des clauses de confidentialité liant cette dernière à ses partenaires commerciaux, le représentant de la requérante a décidé de ne pas autoriser les agents de l’OLAF à emporter avec eux les éléments de preuve numériques réalisés. Par la suite, après avoir rappelé le contenu des dispositions des lignes directrices de l’OLAF, du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2), et du règlement no 883/2013 ainsi que les stipulations des conditions générales du contrat de prestation de services, les agents de l’OLAF ont informé le représentant de la requérante que cette dernière n’avait pas coopéré avec l’OLAF, au sens de l’article 25, paragraphes 2 et 4, des conditions générales du contrat de prestations de services, ce qui pourrait être considéré comme une violation sérieuse, susceptible d’entraîner la résiliation du contrat de prestation de services sur le fondement de l’article 36, paragraphe 2, sous a), desdites conditions générales. Ils ont ajouté avoir reçu l’instruction de mettre fin au contrôle sur place si la requérante ne coopérait pas.

41      Puis, cherchant une manière de résoudre le problème, les agents de l’OLAF ont rappelé qu’ils étaient tenus d’assurer la confidentialité des données collectées et ont présenté aux représentants de la requérante la procédure prévue par l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF lorsque l’opérateur économique refusait de donner l’accès à des données particulières en raison de leur nature. Par la suite, les agents de l’OLAF ont proposé d’emporter les images technico-légales réalisées à Bruxelles (Belgique), où le filtrage de résultats et les recherches pourraient être effectués, et que la requérante leur fournisse toutes les informations financières demandées. Le représentant de la requérante a refusé ces propositions.

42      Pour finir, les agents de l’OLAF ont obtenu la liste des clients et des fournisseurs de la requérante, ainsi que les copies de documents relatifs à certaines dépenses liées au contrat de prestation de services. La requérante a rejeté les demandes des agents de l’OLAF visant à obtenir des informations relatives à toutes ses transactions concernant des versements et les paiements de factures, ainsi que toutes les transactions non assignées depuis le 1er janvier 2012 et la liste de toutes les transactions bancaires depuis le 1er janvier 2012 à partir de tous ses comptes bancaires. La requérante a également refusé de laisser les agents de l’OLAF emporter les images technico-légales numériques des disques durs de deux de ses ordinateurs, des données stockées sur ses serveurs et de la correspondance électronique de sa direction et de ses employés.

 Sur les conclusions en annulation

43      La requérante invoque un moyen de forme portant sur la violation de l’obligation de motivation et quatre moyens de fond au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée. Ces derniers portent sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, du droit à une bonne administration, du principe de protection de la confiance légitime et du principe de proportionnalité.

 Sur les observations formulées par la requérante à la suite de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C650/19 P)

44      Dans ses observations présentées conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, sur l’incidence de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), la requérante fait valoir l’existence d’une violation de son droit d’être entendue avant qu’une décision l’affectant défavorablement ne soit prise, distincte de la violation de l’obligation de la Commission, examinée par ailleurs aux points 118 à 136 de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), de l’entendre avant la transmission, au pouvoir adjudicateur turc, de sa prise de position sur les mesures à prendre à son égard en relation avec le contrat de prestation de services, tenant à son exclusion de ce contrat.

45       Selon la requérante, conformément à la procédure prévue par le règlement no 966/2012, la recommandation de l’instance et la décision attaquée ont été adoptées lors de deux phases séparées, par deux entités distinctes, à savoir l’instance et la Commission. Dans ce contexte, il résulterait de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), que la Commission avait l’obligation autonome d’entendre la requérante avant d’adopter la décision attaquée à la suite de la recommandation de l’instance, et ce même si elle n’entendait pas aggraver la sanction proposée par l’instance. Selon la requérante, cette obligation résulterait d’une interprétation téléologique et contextuelle de l’article 108, paragraphe 9, du règlement no 966/2012. Son respect aurait permis à la requérante de faire valoir son point de vue sur la recommandation de l’instance ainsi que d’expliquer l’impact d’une telle mesure sur sa survie économique.

46      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

47      Selon la jurisprudence, l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable également aux griefs ou aux arguments. En outre, la généralité de l’intitulé d’un moyen invoqué au stade de la requête introductive d’instance ne saurait couvrir le développement, à un stade ultérieur de la procédure, d’arguments spécifiques ne présentant pas un lien suffisamment étroit avec les arguments soulevés dans cette requête (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée).

48      Toutefois, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil, T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676, point 74 et jurisprudence citée). Pour pouvoir être regardé comme l’ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46 et jurisprudence citée).

49      En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ne ressort nullement de la requête que la violation du droit d’être entendu, telle que décrite au point 44 ci-dessus, y a été mentionnée. En effet, le moyen portant sur la violation du principe de bonne administration est tiré, d’une part, d’un manque de diligence de l’OLAF à l’occasion du contrôle sur place et, d’autre part, d’un manquement à l’obligation d’impartialité dans la conduite de l’enquête et ne peut être lu comme énonçant implicitement l’argument tiré d’une violation du droit d’être entendue de la requérante par la Commission avant l’adoption de la décision attaquée. En outre, l’évolution normale du débat au sein de la procédure contentieuse n’explique pas davantage l’ajout de ces éléments nouveaux.

50      Par conséquent, l’argument avancé par la requérante tiré de la violation de son droit d’être entendue, dans ses observations présentées conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, doit être considéré comme nouveau et donc comme étant irrecevable.

 Sur le caractère opérant des moyens portant sur les actions prétendument illicites des agents de l’OLAF lors du contrôle sur place

51      La Commission soutient que les trois moyens invoqués au soutien des conclusions en annulation, portant sur les actions prétendument illicites des agents de l’OLAF lors du contrôle sur place effectué dans les locaux de la requérante, sont inopérants. Selon la Commission, la décision attaquée a été prononcée au motif que la requérante avait manqué à son obligation contractuelle essentielle découlant du marché financé par le budget de l’Union qui consistait à permettre à l’OLAF d’effectuer des contrôles sur place aux fins de la protection des intérêts financiers de l’Union. Or, selon elle, les prétendues irrégularités commises par l’OLAF n’auraient aucune incidence sur le fait incontestable que la requérante n’a pas permis la réalisation de l’enquête de l’OLAF visant à établir des faits de fraude ou de corruption dans l’attribution du marché DLPIS. Les moyens soulevés ne seraient donc pas susceptibles de remettre en cause la motivation et le dispositif de la décision attaquée. Dans sa duplique, la Commission fait valoir que la prétendue violation du droit d’être entendu de la requérante par la DG « Voisinage et négociations d’élargissement » avant son exclusion du consortium n’a aucun lien avec la décision attaquée.

52      La requérante considère que les trois moyens qu’elle a soulevés se rapportent précisément à des faits que la Commission reprend dans la motivation de la décision attaquée. Selon elle, la décision attaquée se fonde sur les faits liés à l’exécution du contrôle par l’OLAF et sa motivation repose sur la légalité du contrôle de l’OLAF au regard des dispositions juridiques pertinentes et notamment de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. Or, le manquement à l’obligation contractuelle essentielle, au sens de l’article 106, paragraphe 1, sous e), du règlement no 966/2012, se rapporte au déroulement du contrôle par l’OLAF. Ainsi, les prétendues illégalités qui s’y rapportent sont susceptibles de vicier la décision attaquée. Dans sa réplique, ainsi que dans ses observations sur l’incidence de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), dans la présente affaire, elle soutient que la violation caractérisée du droit d’être entendu affecte également la décision attaquée en ce qu’elle constitue le fondement du manquement qui lui est reproché.

53      Il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre d’un recours en annulation, est considéré comme inopérant un moyen qui, même dans l’hypothèse où il serait fondé, ne serait pas de nature à entraîner l’annulation que poursuit la partie requérante (voir arrêt du 15 septembre 2021, France/ECHA, T‑127/20, non publié, EU:T:2021:572, point 32 et jurisprudence citée).

54      À cet égard, le manquement reproché à la requérante, et qui constitue le fondement de la décision attaquée, découle directement du déroulement de l’enquête de l’OLAF, et notamment de l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 relatif à l’étendue des pouvoirs d’enquête sur place de ce dernier, mais également du respect des droits procéduraux de la requérante, par le biais de la mise en œuvre de la seconde solution proposée le premier jour.

55      Par conséquent, l’éventuelle violation par l’OLAF du cadre juridique dans lequel il exerce ses prérogatives est de nature à modifier l’appréciation des faits et donc la constatation relative à l’existence d’un manquement au sens de l’article 106, paragraphe 1, sous e), du règlement no 966/2012.

56      De plus, il convient de rappeler que les rapports d’enquête de l’OLAF ne sont pas susceptibles par eux-mêmes d’affecter la situation juridique des personnes mentionnées et qu’il revient aux autorités compétentes d’adopter des décisions susceptibles d’affecter la situation juridique des personnes mentionnées dans ces rapports (voir, en ce sens, ordonnance du 16 juin 2021, Green Power Technologies/Commission et Entreprise commune ECSEL, T‑533/20, non publiée, EU:T:2021:375, points 30 et 31 et jurisprudence citée). Dès lors, un recours en annulation dirigé contre la décision finale d’une autorité peut comporter des moyens portant sur la légalité des actes qui en sont le fondement.

57      Néanmoins, s’agissant de l’argument portant sur la violation du droit d’être entendu par la DG « Voisinage et négociations d’élargissement » à la suite du contrôle sur place de l’OLAF, comme le rappelle à juste titre la Commission, la décision attaquée a été prise en raison du manquement de la requérante à une obligation essentielle au sens de l’article 106, paragraphe 1, sous e), du règlement no 966/2012. La décision attaquée ne résulte pas de la résiliation anticipée du marché par la CFCU mais de l’entrave à l’enquête de l’OLAF causée par le comportement de la requérante.

58      Or, le reproche fait à la DG « Voisinage et négociations d’élargissement » par la requérante sert pour elle désormais à contester non la résiliation anticipée du marché par la CFCU, mais la décision, prise à l’issue de la procédure d’enquête, de l’exclure du consortium créé pour l’exécution du contrat de prestation de services.

59      Bien que s’appuyant sur le déroulement du contrôle sur place de l’OLAF, mené dans les locaux de la requérante, ces deux procédures sont distinctes l’une de l’autre. À cet égard, l’éventuelle illégalité du comportement de la DG « Voisinage et négociations d’élargissement », postérieure à la procédure d’enquête, n’a pas pu avoir d’effet sur le déroulement de cette procédure. Partant, cette éventuelle violation n’est pas susceptible d’influer sur la validité de la décision attaquée, qui se fonde sur l’illégalité du comportement de la requérante à l’égard de l’OLAF au cours de la procédure d’enquête.

60      Il s’ensuit que seul le moyen portant sur la violation du droit d’être entendu par la DG « Voisinage et négociations d’élargissement », mentionné dans la réplique, est inopérant.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

61      La requérante fait valoir que la Commission a violé son obligation de motivation s’agissant tant de la sanction d’exclusion que de la décision de publication de la mesure sur son site Internet. En particulier, elle souligne que la décision attaquée n’a pas suffisamment établi l’étendue des pouvoirs de l’OLAF au regard de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. De même, la décision attaquée ne contiendrait aucune motivation en réponse aux observations formulées par la requérante quant à la violation du principe de bonne administration et à l’application erronée de l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF. Par ailleurs, la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée s’agissant de la conformité de la sanction d’exclusion au principe de proportionnalité ainsi qu’en ce qui concerne la sanction additionnelle de publication de cette décision sur le site Internet de la Commission.

62      La Commission conteste toute violation de l’obligation de motivation.

63      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), l’administration a l’obligation de motiver ses décisions. Cette obligation de motivation implique, selon une jurisprudence bien établie, que, conformément à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, l’auteur d’un acte doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement qui sous-tend ledit acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 43 et jurisprudence citée).

64      Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169, et du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen/Commission, T‑102/07 et T‑120/07, EU:T:2010:62, point 180).

65      La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait aux exigences ainsi rappelées au point 63 ci-dessus doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte (arrêt du 13 décembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑764/14, non publié, EU:T:2016:723, point 99 ; voir, également, arrêt du du 16 février 2017, Roumanie/Commission, T‑145/15, EU:T:2017:86, point 44 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, la décision attaquée doit être lue à la lumière de son contexte, tel qu’il ressort des procès-verbaux des trois jours de contrôle sur place de l’OLAF dont la requérante avait connaissance, de sa plainte auprès de l’OLAF, mais également de ses observations à la proposition de qualification préliminaire de l’instance. Ainsi, les raisons qui ont conduit la Commission à imposer la sanction d’exclusion et la mesure additionnelle de publication sont claires, ainsi que l’évaluation de la proportionnalité desdites sanctions à la lumière de la gravité du comportement de la requérante. La décision attaquée, dans ce contexte, a permis à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise et de faire valoir ses droits. Elle lui a également permis de comprendre les raisons de la proposition des contrôleurs d’appliquer l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF afin de respecter le principe de bonne administration. De plus, la requérante en avait déjà une bonne connaissance pour introduire un recours en indemnité dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑617/17 sur les mêmes faits. Quant au juge de l’Union, il n’éprouve pas de difficultés à comprendre ce point et, partant, à exercer son contrôle.

67      Il s’ensuit que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation doit être écarté comme non fondé.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96

68      La requérante soutient que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a violé l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 en se fondant sur le comportement de l’OLAF à l’occasion du contrôle sur place qui aurait outrepassé ses pouvoirs en matière d’accès et de collecte d’informations et de documents. Premièrement, selon elle, les pouvoirs de l’OLAF sont strictement encadrés et limités au projet soumis au contrôle par le règlement no 2185/96 et par l’article 25 des conditions générales du contrat de prestation de services. Ainsi, sa marge d’appréciation dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle serait circonscrite aux informations pertinentes exclusivement en rapport avec le projet examiné. Dès lors, l’OLAF ne serait pas en mesure d’accéder à des informations ni de les collecter en dehors de la période temporelle du projet soumis au contrôle. Partant, sa coopération s’est limitée aux éléments dont l’OLAF pouvait exiger la communication. En tout état de cause, la requérante considère que l’OLAF n’a pas respecté le principe de proportionnalité.

69      Deuxièmement, la requérante considère que l’OLAF ne peut pas renoncer à son contrôle sur place dès lors qu’il est en mesure d’effectuer même partiellement les tâches nécessaires à celui-ci et que l’échec du contrôle lui est exclusivement imputable.

70      Troisièmement, la requérante estime que son refus de transmettre à l’OLAF des données sans lien avec le projet contrôlé était également fondé et justifié par la protection du secret professionnel de ses clients s’agissant de leurs fichiers. L’obligation s’imposant à l’OLAF de protéger la confidentialité des documents collectés n’y changerait rien.

71      La Commission conclut au rejet de l’ensemble des arguments de la requérante.

72      S’agissant de l’objet de l’enquête, il ressort du dossier que celui-ci dépassait la seule attribution et exécution du marché de services DLPIS, contrairement à ce qu’affirme la requérante, et portait plus largement sur la participation alléguée de cette dernière à des faits de fraude ou de corruption au détriment des intérêts financiers de l’Union dans un cadre plus large que le projet DLPIS.

73      S’agissant de l’étendue des pouvoirs de l’OLAF sur la base de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, cette question a déjà été traitée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879).

74      Ainsi, dans la mesure où les arrêts du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), et du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), ont analysé les éléments de fait et de droit repris dans la présente procédure, il convient de s’interroger sur l’incidence de ces arrêts sur l’analyse du présent moyen.

75      À cet égard, il est nécessaire de rappeler que le recours en responsabilité est une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique. Alors que le recours en annulation vise à sanctionner l’illégalité d’un acte juridiquement contraignant, le recours en responsabilité a pour objet la demande en réparation d’un préjudice découlant d’un acte ou d’un comportement illicite imputable à une institution ou à un organe de l’Union (voir arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 59 et jurisprudence citée).

76      Le principe d’autonomie des voies de recours interdit, en l’espèce, une appréciation unique de l’ensemble des motifs d’illégalité allégués dans le cadre des recours en annulation et en indemnisation, eu égard aux conséquences différentes des décisions accueillant favorablement lesdits recours. Ainsi, le fait d’accueillir un recours en annulation aboutit à la disparition de l’ordre juridique de l’Union de l’acte incriminé, alors qu’un succès du recours indemnitaire permet uniquement la réparation du préjudice causé par cet acte, sans suppression automatique de ce dernier (arrêt du 27 novembre 2007, Pitsiorlas/Conseil et BCE, T‑3/00 et T‑337/04, EU:T:2007:357, point 284).

77      Cependant, sans être lié au sens strict sous l’angle de l’autorité de la chose jugée, le Tribunal ne saurait totalement faire abstraction du raisonnement développé par la Cour dans une affaire concernant les mêmes parties et soulevant, pour l’essentiel, les mêmes questions juridiques. En effet, le principe même du pourvoi et la structure juridictionnelle hiérarchique qui en est le corollaire recommandent en principe au Tribunal de ne pas remettre lui-même en cause des points de droit tranchés par une décision de la Cour (voir arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 100 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 92).

78      En l’espèce, dans l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), le Tribunal a rejeté le recours en indemnité en considérant que l’OLAF et la Commission n’avaient pas commis de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de nature à engager la responsabilité de l’Union.

79      Dans l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), la Cour a annulé partiellement l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), en ce qu’il avait écarté comme étant non fondé le grief relatif à la violation par la Commission du droit d’être entendu. Cependant, elle a également confirmé l’analyse du Tribunal pour le surplus, notamment en ce qui concernait l’absence de violation par l’OLAF de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

80      Partant, il importe d’en tirer les conséquences qui s’imposent sur l’interprétation des prérogatives de l’OLAF, dans le cadre d’un contrôle sur place, découlant de la disposition citée au point 79 ci-dessus.

81      La Cour a considéré, au point 76 de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), que la demande adressée à la requérante par l’OLAF de pouvoir collecter les données visées au point 71 de l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), en vue de réaliser une expertise technico-légale numérique, n’était pas contraire à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

82      Dès lors, compte tenu de la similitude entre la présente affaire et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), notamment en ce qui concerne les éléments de fait et de droit présentés au soutien du présent moyen et qui soulèvent la même question juridique, ainsi que de l’objet de l’enquête, rappelé au point 72 ci-dessus, les demandes de l’OLAF doivent être considérées, d’une part, comme relevant du type de celles visées à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et, d’autre part, comme relatives aux opérations concernées, c’est-à-dire aux faits faisant l’objet de l’enquête.

83      Il en résulte que les demandes de l’OLAF étaient nécessaires au bon déroulement du contrôle sur place, au sens du considérant 8 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, et qu’il n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait à cet égard.

84      Par conséquent, l’accès conditionnel de la part de la requérante, imposé sur la base d’une interprétation unilatérale, était de nature à porter atteinte à l’efficacité et à la fiabilité des enquêtes de l’OLAF et doit être considéré comme équivalent à un refus de coopération de la part de la requérante en sa qualité d’opérateur contrôlé ce qui justifie que l’OLAF ait mis fin au contrôle sur place.

85      En outre, s’agissant des arguments de la requérante fondés sur le respect du secret professionnel et sur des clauses contractuelles par lesquelles elle se serait obligée, à l’égard de ses partenaires commerciaux, à ne pas communiquer à des tiers des données les concernant, ils visent à justifier son refus de communiquer à l’OLAF certaines des données auxquelles ce dernier demandait l’accès.

86      À cet égard, il convient de rappeler que, comme le souligne à juste titre la requérante, la liberté d’entreprise, dont le secret des affaires constitue une manifestation, est un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 16 de la Charte (voir arrêt du 29 mars 2012, Interseroh Scrap and Metals Trading, C‑1/11, EU:C:2012:194, point 43 et jurisprudence citée).

87      Toutefois, il est de jurisprudence constante que des restrictions peuvent y être apportées, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit garanti (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2011, Nycomed Danmark/EMA, T‑52/09, EU:T:2011:738, point 89 et jurisprudence citée).

88      Ainsi, il ressort de la lecture combinée des articles 310 et 317 TFUE que la Commission est tenue de respecter le principe de bonne gestion financière (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2020, Alfamicro/Commission, C‑623/19 P, non publié, EU:C:2020:734, point 49). Il en découle une obligation de veiller à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci (arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 65).

89      Ainsi, ces principes revêtent une importance élevée et constituent un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union. Ils sont à l’origine de l’obligation de lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives qui est imposée, notamment, par le droit primaire de l’Union, à savoir l’article 325, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a., C‑105/14, EU:C:2015:555, point 50), et dont l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 883/2013, en constitue la mise en œuvre.

90      Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les clauses de confidentialité prévues dans plusieurs contrats fournis, à titre d’exemple, par la requérante prévoient le caractère relatif de cette obligation. Ainsi, elles stipulent que l’exigence de confidentialité s’applique, sauf disposition contraire prévue par la législation applicable, notamment le droit hongrois.

91      Or, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, les agents de l’OLAF ont accès, dans les mêmes conditions que les contrôleurs administratifs nationaux, et dans le respect des législations nationales, à toutes les informations qui s’avèrent nécessaires au bon déroulement du contrôle sur place. Étant donné que la requérante n’allègue aucune violation des règles de droit hongrois applicables lors du contrôle sur place, elle ne saurait soutenir qu’il pesait sur elle une obligation absolue de préserver la confidentialité des données de ses clients.

92      En outre, l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, lu en combinaison avec l’article 10 du règlement no 883/2013, établit un mécanisme de protection des données confidentielles recueillies à l’occasion d’une enquête de l’OLAF. Non seulement ces données sont couvertes par le secret professionnel, mais encore, elles ne peuvent être communiquées à d’autres fins que celles d’assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union.

93      Dans ce cadre, l’article 25.3 des conditions générales du contrat de prestation de services, annexées audit contrat, prévoit que « [l]es agents de la Commission européenne, de l’Office européen de lutte antifraude et de la Cour des comptes européenne reçoivent un accès sur une base confidentielle, dans le respect des tiers et sans préjudice des obligations de droit public s’imposant à eux ».

94      Au surplus, la requérante n’a jamais fait état de l’existence de conversations entre elle et ses avocats qui auraient pu bénéficier d’une protection spécifique, à ne pas confondre avec celle accordée aux secrets d’affaires (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, points 18 à 24). L’accès aux premières doit être strictement encadré pour protéger les droits de la défense alors que l’accès aux secondes s’avère plus largement possible sans qu’il y ait pour autant violation de ce droit fondamental.

95      Par conséquent, la requérante n’était pas en droit de s’opposer aux demandes de l’OLAF au motif de l’existence de clauses de confidentialité et de la protection du secret des affaires de ses clients. De plus, un tel motif ne saurait être interprété d’une manière telle qu’il autorise la personne ou l’entité contrôlée à déterminer elle-même les données pertinentes aux fins d’une enquête de l’OLAF. En effet, cela aboutirait en pratique à priver les pouvoirs de l’OLAF de toute efficacité en faisant dépendre l’accès de ce dernier aux documents nécessaires à son enquête de la seule volonté de la partie requérante (voir, par analogie, arrêts du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, points 56 à 66, et du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑125/03 et T‑253/03, EU:T:2007:287, point 76 et jurisprudence citée).

96      À la lumière de l’ensemble de ces considérations, l’OLAF n’a violé ni l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 par ses demandes ni le secret des affaires. Ainsi, les clauses contractuelles mentionnées ne permettaient pas à la requérante de s’opposer à l’accès et à la collecte des éléments demandés. De ce fait, la décision attaquée, qui se fonde sur le refus illicite de la requérante de se conformer aux exigences de ce dernier règlement, n’est pas entachée d’illégalité.

97      Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 doit être écarté comme non fondé.

 Sur la violation du droit à une bonne administration

98      La requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle entraîne une violation de l’article 41 de la Charte, notamment en ce qui concerne le droit à une bonne administration. Selon elle, l’OLAF a enfreint le principe de bonne administration, car, d’une part, il n’aurait pas attiré à temps son attention sur la procédure spéciale de l’enveloppe scellée prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF et, d’autre part, il n’aurait pas respecté, le troisième jour du contrôle, la procédure convenue d’un commun accord le premier jour.

99      La Commission conteste les arguments de la requérante.

100    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 41, paragraphe 1, de la Charte reconnaît le droit de toute personne de voir ses affaires traitées par les institutions, organes et organismes de l’Union de manière impartiale, équitable et dans un délai raisonnable. Ainsi, selon une jurisprudence constante relative au principe de bonne administration, dans le cas où les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, arrêts du 9 décembre 2014, SP/Commission, T‑472/09 et T‑55/10, EU:T:2014:1040, point 186 et jurisprudence citée, et du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission, T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139, point 110 et jurisprudence citée).

101    Aussi, il incombe à ces institutions, organes et organismes de se conformer à l’exigence d’impartialité, dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir arrêt du 25 février 2021, Dalli/Commission, C‑615/19 P, EU:C:2021:133, point 112 et jurisprudence citée).

102    À titre liminaire, il convient de relever que les éléments de fait et de droit invoqués à l’appui du présent moyen reprennent, en grande partie, ceux avancés par la requérante dans le cadre des arrêts mentionnés au point 74 ci-dessus. Ainsi, pour les mêmes raisons que celles mentionnées aux points 74 à 82 ci-dessus, il convient de s’interroger sur l’incidence de ces arrêts sur l’analyse du présent moyen dans la mesure où ils ont analysé les éléments de fait et de droit à présent examinés et, partant, de prendre en compte, dans le cadre du présent moyen, l’appréciation effectuée antérieurement par le juge de l’Union avant de se livrer à une nouvelle analyse.

103    En premier lieu, la requérante invoque, en substance, une méconnaissance du principe de bonne administration en raison, d’une part, d’un manque de diligence de l’OLAF à l’occasion du contrôle sur place et, d’autre part, d’un manquement à l’obligation d’impartialité dans la conduite de l’enquête.

104    S’agissant du devoir de diligence, il convient de rappeler qu’il implique que l’administration de l’Union agisse avec soin et prudence [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 93].

105    À cet égard, il ressort du déroulement du contrôle sur place, rappelé aux points 32 à 42 ci-dessus, que les agents de l’OLAF ont fait preuve de sollicitude afin de prendre en compte les préoccupations exprimées par la requérante en ce qui concernait les obligations de confidentialité existant entre elle et ses partenaires commerciaux. Ainsi, ils ont proposé, le premier jour du contrôle, une autre méthode pour la réalisation de l’expertise technico-légale, puis, le deuxième jour, ils ont accepté la réalisation de cette dernière sur du matériel informatique fourni par la requérante. De plus, le troisième jour, en raison des difficultés de réalisation de l’opération sur le matériel informatique fourni par la requérante et face aux désaccords persistants sur l’ampleur du contrôle sur place, ils ont suggéré un procédé différent, basé sur l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF, afin de répondre aux inquiétudes de la requérante en matière de protection du secret des affaires tout en permettant au contrôle sur place d’être mené à son terme.

106    À cet égard, il convient d’ajouter que les agents de l’OLAF ont décidé de mettre un terme prématuré au contrôle sur place en raison, en particulier, du refus de la requérante de fournir certaines des informations qu’ils avaient demandées et de les laisser emporter les images technico-légales numériques réalisées au cours du contrôle sur place conformément à la procédure prévue par l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF.

107    Par conséquent, c’est le comportement de la requérante qui est à l’origine de la fin prématurée du contrôle sur place, malgré les efforts consentis par l’OLAF, qui, de ce fait, n’a pas manqué à son devoir de diligence.

108    S’agissant du manquement à l’obligation d’impartialité, il y a lieu de constater que la requérante ne soutient pas que les agents de l’OLAF chargés du contrôle sur place ont manifesté un parti pris ou un préjugé personnel. Ces arguments doivent donc être regardés comme tendant à établir un manquement à l’impartialité objective, qui résulterait de l’absence de présentation de la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF ainsi que des pressions exercées lors du troisième jour du contrôle afin qu’elle donne accès à l’OLAF à toutes les données numériques qu’il demandait.

109    À ce sujet, premièrement, il convient de relever que, selon le procès-verbal relatif à la journée du 12 avril 2016, une brochure d’information relative aux procédures de réalisation d’une expertise technico-légale numérique et d’exploitation des résultats et faisant référence aux lignes directrices de l’OLAF, qui, au demeurant, sont rassemblées dans un document librement accessible au public, avait été remise à la requérante. Deuxièmement, il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que les agents de l’OLAF ne se sont référés à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF qu’à la suite du refus de la requérante de leur remettre les images technico-légales qui avaient été demandées par les contrôleurs. De plus, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la requérante a subi des pressions lors du contrôle sur place. Troisièmement, il importe de rappeler que la procédure prévue à l’article 6.3 desdites lignes directrices n’est applicable qu’aux données relevant du secret professionnel, c’est-à-dire aux données couvertes par la confidentialité des communications entre avocats et clients. Partant, la requérante ne pouvait exiger que l’intégralité de l’expertise technico-légale numérique soit conduite selon cette procédure.

110    Par conséquent, il en résulte que l’OLAF n’a pas manqué à son obligation d’impartialité lors de la conduite de l’enquête.

111    Compte tenu de l’ensemble de ces considérations et en l’absence d’éléments nouveaux qui pourraient justifier une nouvelle appréciation, rien ne permet de s’écarter des appréciations et des conclusions du Tribunal en ce qui concerne la question de la violation du droit à une bonne administration, qui n’ont pas été remises en cause par la Cour dans son arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879).

112    En second lieu, s’agissant de l’argument tiré de l’inapplicabilité de la procédure de mise sous scellés prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF, il y a lieu de rappeler que celui-ci n’a été traité ni par le Tribunal ni par la Cour.

113    Néanmoins, comme le relève à juste titre la Commission, cet argument a été introduit, pour la première fois, dans la réplique. Dès lors que ce n’est qu’à ce stade que la requérante a soulevé cet argument et qu’il n’est ni fondé sur des éléments qui se sont révélés après l’introduction de la requête ni étroitement lié à des arguments formulés dans la requête dont il constituerait alors l’ampliation, il y a lieu, en application des principes rappelés aux points 46 à 48 ci-dessus, de l’écarter comme étant tardif et, partant, irrecevable.

114    Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation du droit à une bonne administration doit être écarté comme non fondé.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

115    La requérante fait valoir que la décision attaquée est illégale en ce qu’elle s’appuie sur une analyse erronée du déroulement du contrôle de l’OLAF sur place qui aurait violé le principe de protection de la confiance légitime. Premièrement, elle estime que les agents de l’OLAF ont formulé des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, en proposant, le premier jour du contrôle, une autre méthode de conduite de l’expertise technico-légale qu’ils ne collecteraient que les données liées au contrat de prestation de services et dont elle pouvait légitimement s’attendre à ce qu’elle soit menée à son terme. Deuxièmement, la mise à exécution de cette méthode par les agents de l’OLAF pendant les trois jours du contrôle a fait naître une attente et une confiance légitime chez la requérante. Troisièmement, ces assurances étaient, selon elle, conformes aux normes applicables et plus précisément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

116    La Commission conteste les arguments de la requérante.

117    Comme le fait remarquer à juste titre la Commission, les arguments avancés à l’appui de ce moyen reprennent, en substance, ceux avancés par la requérante dans le recours en indemnité qu’elle a formé dans le cadre des arrêts mentionnés au point 74 ci-dessus.

118    Ainsi, pour des raisons identiques à celles évoquées aux points 75 à 79 ci-dessus, il convient de prendre en compte, dans le cadre du présent moyen, l’appréciation effectuée antérieurement par le juge de l’Union avant de se livrer à une nouvelle analyse.

119    En l’occurrence, la Cour, aux points 94 à 108 de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), confirmant en cela l’arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446), a considéré qu’il n’y avait pas eu de violation du principe de protection de la confiance légitime par l’OLAF à l’occasion de son contrôle sur place.

120    Dès lors, l’analyse de ce moyen, basé sur les mêmes éléments de fait et de droit, doit nécessairement tenir compte de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879).

121    Ainsi, il ressort d’une jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée).

122    En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence desdites assurances (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 75 et jurisprudence citée).

123    En l’espèce, il importe de déterminer quelles étaient les assurances précises, inconditionnelles et concordantes que la requérante aurait reçues de l’OLAF à l’occasion de l’expertise technico-légale numérique.

124    Ainsi qu’il ressort du procès-verbal du premier jour du contrôle sur place, c’est à la suite du refus de la requérante de permettre aux agents de l’OLAF de collecter les données contenues dans les ordinateurs de deux de ses employés que les agents de l’OLAF ont consenti, afin de répondre à des préoccupations qu’elle avait exprimées et dans l’intérêt de cette dernière, voire à sa demande, à déroger à la procédure prévue dans les lignes directrices de l’OLAF en ce qui concernait le lieu d’obtention et de traitement du support numérique contenant les images technico-légales numériques réalisées ainsi que ledit support lui-même.

125    S’il est possible de considérer que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes ont été fournies par les enquêteurs de l’OLAF, force est de constater que leur portée était strictement limitée au lieu où le traitement des données par mots clés serait effectué et au support utilisé pour ce processus d’indexation et de recherche. À aucun moment les enquêteurs de l’OLAF n’ont laissé entendre qu’ils acceptaient de ne collecter que les données en lien avec le contrat de prestation de services.

126    Au contraire, il ressort clairement du procès-verbal du premier jour du contrôle, signé par l’un des directeurs généraux de la requérante, que la première étape du processus était de réaliser des copies technico–légales numériques des disques durs et des dossiers présélectionnés dans le serveur, sans qu’aucune limitation soit précisée quant aux données collectées. Il était seulement mentionné le fait qu’une fois ces étapes terminées, les agents de l’OLAF exporteraient l’ensemble des données pertinentes et créeraient une copie numérique judiciaire des seuls fichiers sélectionnés.

127    Dès lors, les attentes de la requérante ne pouvaient porter légitimement sur rien d’autre que sur la réalisation des premières copies technico-légales numériques dans les locaux de l’entreprise, sur l’indexation ainsi que sur le tri des données dans ces mêmes locaux, et ce, dans ce contexte, en utilisant les équipements fournis par elle.

128    De plus, ainsi qu’il ressort des points 73 à 95 ci-dessus, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 autorisait l’OLAF à accéder aux données auxquelles la requérante lui avait refusé l’accès.

129    Par conséquent, la requérante ne saurait invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime, placée dans l’application d’une pratique dérogatoire à son profit, et ce en dépit de son refus d’accéder aux demandes des agents de l’OLAF, conformes à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et aux lignes directrices de l’OLAF. Elle ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime dans l’application de l’accord de la requérante sur la fourniture de certaines informations à l’OLAF auquel elle avait décidé de ne pas se conformer.

130    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être écarté comme non fondé.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

131    La requérante fait valoir que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a violé le principe de proportionnalité tant en ce qui concerne l’exclusion de sa participation à toute procédure de passation de marchés pendant deux années qu’en ce qui concerne la publication de la sanction sur le site Internet de cette dernière. Selon elle, la Commission a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

132    La requérante estime que le respect du principe de proportionnalité s’impose de manière générale à la Commission en tant que principe général du droit de l’Union, repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, mais aussi de manière plus spécifique dans le cadre de la mise en œuvre du règlement no 966/2012, notamment à la lumière de son article 106, paragraphes 3, 7 et 17. Il en résulterait une obligation juridique spéciale de respecter rigoureusement ce principe.

133    Or, premièrement, la requérante considère que les faits ayant servi de base à l’appréciation juridique de l’instance n’étaient pas établis avec certitude, car ils formaient le cadre factuel d’un recours en indemnité qu’elle avait introduit, toujours pendant au moment de l’adoption de la décision attaquée. Deuxièmement, la requérante avance que des mesures conservatoires adoptées sur la base de l’article 108, paragraphe 2, du règlement no 966/2012 lui avaient déjà été imposées, par la suspension des paiements, puis par son exclusion du contrat de prestation de services par la CFCU, le 11 novembre 2016. Troisièmement, ni l’instance ni la Commission n’auraient pris en compte les critères évoqués à l’article 106, paragraphe 3, du règlement no 966/2012. D’une part, la requérante reproche à la Commission d’avoir pris la décision attaquée sans avoir évalué l’incidence de son comportement sur les intérêts financiers et la réputation de l’Union. D’autre part, la décision attaquée n’aurait pas analysé les circonstances atténuantes tenant essentiellement au fait que la requérante n’aurait jamais eu l’intention de faire obstacle au contrôle sur place de l’OLAF ni n’aurait récidivé. Quatrièmement, la requérante soutient que la publication constitue une sanction supplémentaire à visée préventive et que, en l’absence de raisons spécifiques et autonomes, la Commission ne pouvait pas la lui infliger. En outre, la requérante souligne que la publication est contraire à l’article 106, paragraphe 16, du règlement no 966/2012 en ce qu’elle n’indique pas l’absence de décision administrative ou judiciaire définitive sur ces faits.

134    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Observations liminaires

135    En application d’une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient de nature à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165 et jurisprudence citée).

136    D’une part, il convient d’examiner la procédure prévue par le règlement no 966/2012 afin de déterminer si l’existence d’une décision définitive, administrative ou judiciaire, est de nature à influer sur la procédure de sanction comme le soutient la requérante.

137    Selon les termes de l’article 105 bis du règlement no 966/2012, l’objectif du système de détection rapide et d’exclusion est de faciliter la détection rapide des risques qui menacent les intérêts financiers de l’Union et l’exclusion des opérateurs économiques se trouvant dans l’une des situations énumérées à l’article 106, paragraphe 1, du même règlement.

138    Premièrement, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 106, paragraphe 1, sous e), du règlement no 966/2012, le « pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique de la participation aux procédures de passation de marché régies par le présent règlement [lorsque] l’opérateur économique a gravement manqué à des obligations essentielles dans l’exécution d’un marché financé par le budget, ce qui a conduit à la résiliation anticipée du marché ou à l’application de dommages-intérêts forfaitaires ou d’autres pénalités contractuelles ou ce qui a été découvert à la suite de contrôles, d’audits ou d’enquêtes effectués par un ordonnateur, l’OLAF ou la Cour des comptes ».

139    Deuxièmement, l’article 106, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 966/2012 précise que, « dans le cas visé [à l’article 106,] paragraphe 1, [sous] e), le pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique sur la base d’une qualification juridique préliminaire de la conduite visée dans ces points, compte tenu des faits établis ou d’autres constatations figurant dans la recommandation émise par l’instance visée à l’article 108 ».

140    Aux termes de l’article 106, paragraphe 2, quatrième alinéa, du règlement no 966/2012, « les faits et constatations visés au premier alinéa comprennent notamment […] les faits établis dans le cadre d’audits ou d’enquêtes menés par la Cour des comptes, l’OLAF ou le service d’audit interne, ou de tout autre contrôle, audit ou vérification effectué sous la responsabilité de l’ordonnateur ».

141    Ainsi, il résulte de l’ensemble des dispositions mentionnées aux points 137 à 140 ci-dessus que le pouvoir adjudicateur doit, dès lors qu’il a connaissance d’un manquement grave par un opérateur économique à l’une de ses obligations essentielles dans l’exécution d’un marché financé par le budget de l’Union, saisir l’instance afin que celle-ci émette une recommandation sur la qualification juridique préliminaire de la conduite.

142    À cet égard, contrairement à ce qui a été avancé par la requérante, la saisine de l’instance, sur la base de l’article 106, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 966/2012, ne présuppose pas l’existence préalable d’un jugement définitif ou d’une décision administrative définitive. Plus précisément, selon l’article 105 bis, paragraphe 2, du règlement no 966/2012, lu conjointement avec l’article 106, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, l’imposition d’une sanction d’exclusion est possible dans ce cas spécifique indépendamment de toute décision administrative définitive ou de jugement définitif portant sur les mêmes faits.

143    En outre, conformément aux dispositions mentionnées aux points 137 à 140 ci-dessus, l’appréciation du comportement de la requérante a été réalisée sur la base des constatations factuelles établies lors du contrôle sur place de l’OLAF et de ses résultats. Dès lors, l’absence de décision définitive est sans incidence sur la matérialité des faits qui sont reprochés à la requérante et qui ne relèvent pas de simples présomptions ou suppositions, mais qui ont été constatés sur la base des éléments résultants dudit contrôle. L’existence d’un recours en indemnité, introduit par la requérante, et fondé sur les mêmes faits, est sans influence sur la procédure prévue au point 142 ci-dessus.

144    D’autre part, la requérante se prévaut de l’existence de doutes sur l’étendue de ses obligations, au titre de l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 883/2013 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, rendant la sanction contraire au principe de proportionnalité. Elle aurait, de bonne foi, autorisé l’accès et la collecte des données et documents qu’elle pensait être tenue de transmettre, c’est-à-dire ceux en lien avec le contrat de prestation de services dans le cadre de l’enquête de l’OLAF. Compte tenu des incertitudes existantes, confirmées par son recours en indemnité fondé sur les mêmes faits, son comportement relèverait, tout au plus, d’une erreur excusable dans l’interprétation des dispositions applicables. Dès lors, en ne prenant pas en compte ces éléments dans son appréciation, la décision attaquée aurait violé le principe de proportionnalité.

145    Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 2185/96 et de l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 883/2013 que, dans le cadre d’un contrôle sur place, l’OLAF est autorisé à avoir accès à toutes les informations et à la documentation relatives aux faits faisant l’objet de son enquête et à prendre copie des documents appropriés qui s’avèrent nécessaires pour réaliser un tel contrôle.

146    De plus, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 confère à l’OLAF une certaine marge d’appréciation dans la détermination des informations et de la documentation auxquelles il estime nécessaire d’avoir accès et dont il souhaite, à cette fin, prendre copie, dans le cadre d’une enquête ouverte sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013 (arrêt du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission, T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446, point 68).

147    Dès lors, l’étendue des obligations de la requérante se déduisait suffisamment des dispositions citées au point 145 ci-dessus. La marge d’appréciation reconnue à l’OLAF, mentionnée au point 146 ci-dessus, n’est pas susceptible de remettre en cause un tel constat.

148    Ainsi, il n’existe aucun doute raisonnable quant à l’interprétation de la législation qui aurait pu rendre disproportionnée l’imposition d’une sanction d’exclusion à l’égard du manquement grave commis par la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, VQ/BCE, T‑203/18, EU:T:2020:313, points 61 à 68).

149    Cette conclusion est renforcée par la circonstance que la requérante, après avoir été informée par l’OLAF de la portée de ses obligations, au titre des règlements nos 883/2013 et 2185/96 ainsi que des conditions générales annexées au contrat de prestation de service, et des possibles conséquences d’une éventuelle carence, a maintenu en connaissance de cause son comportement.

150    Par conséquent, la requérante ne saurait valablement soutenir que la décision attaquée est contraire au principe de proportionnalité car la Commission se serait appuyée sur des faits incertains et des obligations vagues ou confuses.

151    C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations, mentionnées aux points 135 à 150 ci-dessus, qu’il convient à présent d’examiner si les sanctions d’exclusion et de publication adoptées par la décision attaquée satisfont au principe de proportionnalité, rappelé au point 135 ci-dessus.

–       Sur le caractère approprié des mesures adoptées

152    Il résulte des articles 105 bis et 106 du règlement no 966/2012 que l’imposition de sanctions financières doit être appropriée, tant par leur nature que par leur rigueur, pour atteindre l’objectif légitime poursuivi, en l’espèce, la protection des intérêts financiers de l’Union. Il ressort de la décision attaquée que deux sanctions ont été adoptées, d’une part, l’exclusion de deux années de toute procédure de passation de marché financé par le budget de l’Union et, d’autre part, la publication de l’exclusion sur le site Internet de la Commission.

153    En l’espèce, la requérante conteste en substance l’appréciation faite par la Commission de son comportement à l’égard de l’OLAF et donc le caractère approprié de la sanction d’exclusion et sa publication.

154    À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, que l’OLAF avait ouvert une enquête sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013 en raison de soupçons d’actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet DLPIS et, d’autre part, que les agents de l’OLAF avaient reçu mandat pour recueillir des preuves de la possible participation de la requérante à de tels actes, en réalisant notamment une expertise technico-légale de ses ressources numériques.

155    Il ressort du dossier que l’OLAF a formulé un certain nombre de demandes d’accès à des documents bancaires et comptables ainsi qu’aux données informatiques contenues sur un serveur et deux ordinateurs portables. À la suite de discussions entre l’OLAF et la requérante, rappelées aux points 32 à 34 ci-dessus, il a été convenu d’une méthode spécifique de réalisation des images technico-légales et d’indexation des données numériques sur place à partir du matériel informatique fourni par cette dernière.

156    Il ressort également du dossier (voir points 35 à 42 ci-dessus) que la requérante n’a pas autorisé l’OLAF à collecter l’ensemble des documents et des données qu’il estimait pertinents pour l’enquête. La requérante s’est opposée à la transmission d’informations sans rapport avec le contrat de prestation de services afin de préserver principalement la confidentialité de données professionnelles de tiers et subsidiairement la vie privée de ses salariés. Néanmoins, comme cela est rappelé aux points 145 à 150 ci-dessus, les obligations qui pesaient sur la requérante à l’occasion des contrôles et des vérifications sur place de l’OLAF étaient suffisamment claires pour qu’elle puisse en mesurer le contenu et leur caractère essentiel. Si l’OLAF a fait preuve d’une certaine flexibilité sur les modalités d’exécution dudit contrôle, en acceptant d’utiliser le matériel informatique fourni par la requérante, sur le fond, il était en droit de demander l’accès et de collecter les données et les documents qu’il jugeait pertinents.

157    Partant, en n’autorisant pas l’OLAF à collecter des données nécessaires à l’enquête, la requérante l’a empêché d’accomplir sa mission de vérification qui devait permettre de prouver ou de réfuter les allégations de fraude ou de corruption et donc une éventuelle atteinte aux intérêts financiers de l’Union dans le cadre d’un contrat financé par le budget de l’Union.

158    De plus, étant donné que les principes rappelés aux points 88 et 89 ci-dessus sont à l’origine des obligations de contrôle et d’accès à des documents imposés par l’article 25 des conditions générales annexées au contrat de prestation de services, il en résulte que cette disposition constitue une obligation essentielle, c’est-à-dire une condition fondamentale de tout marché financé par le budget de l’Union.

159    Dès lors, compte tenu de la violation par la requérante d’une telle obligation essentielle dans l’exécution d’un marché financé par l’Union, la sanction d’exclusion temporaire apparaît appropriée pour atteindre l’objectif légitime poursuivi par la Commission, rappelé au point 158 ci-dessus, tenant à veiller au respect du principe de bonne gestion financière et à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci.

160    En outre, eu égard à la gravité du manquement commis par la requérante, la publication de la sanction s’avère nécessaire afin de renforcer efficacement le caractère dissuasif de l’exclusion, comme cela est prévu par l’article 106, paragraphe 16, du règlement no 966/2012.

161    S’agissant de l’argument de la requérante relatif au non-respect des critères mentionnés à l’article 106, paragraphe 3, du règlement no 966/2012, il y a lieu de rappeler que ceux-ci visent à assurer le respect du principe de proportionnalité dans le cadre des décisions prises par le pouvoir adjudicateur, notamment sur la base d’une recommandation de l’instance. À cette fin, il prévoit une liste non exhaustive d’éléments à prendre en considération au titre des circonstances atténuantes.

162    En substance, l’article 106, paragraphe 3, du règlement n° 966/2012 requiert que la sanction adoptée soit en rapport avec la gravité du manquement, qui doit être établie sur la base d’éléments concordants tout en prenant garde à ce qu’aucun d’entre eux ne prenne une importance disproportionnée par rapport aux autres (voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2022, Companhia de Seguros Índico/Commission, T‑672/19, non publié, EU:T:2022:64, points 80 et 81).

163    À cet égard, il ressort clairement de la décision attaquée que l’ensemble des circonstances pertinentes ont été prises en compte. Premièrement, la position de la requérante à l’égard du droit d’accès et de collecte de l’OLAF à des données et des documents spécifiques a été entendue et analysée ainsi que la portée de la deuxième solution convenue le premier jour du contrôle sur place. Deuxièmement, les arguments de la requérante portant sur la protection de la confidentialité ont été appréciés à la lumière de la logique sous-tendant les pouvoirs de contrôle et de collecte conférés à l’OLAF, notamment la nécessité d’en préserver l’effectivité sans réduire sa marge d’appréciation, telle qu’elle résulte de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. En effet, il ressort du dossier que la requérante contestait clairement la portée des pouvoirs de l’OLAF en matière d’accès et de collecte des données dans le cadre d’une enquête ouverte qu’il tirait de l’article 3 du règlement no 883/2013. Troisièmement, le résultat du contrôle a été apprécié sur la base de la décision de la requérante de refuser la troisième procédure proposée par l’OLAF, le troisième jour du contrôle sur place. Ainsi, tant le comportement de l’OLAF que celui de la requérante ont été analysés à l’aune des éléments factuels caractérisant le déroulement du contrôle sur place et expliquant son échec.

164    Par conséquent, tant la sanction d’exclusion que sa publication constituent des mesures appropriées pour atteindre l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union.

–       Sur le caractère nécessaire des mesures adoptées

165    Afin de respecter le principe de proportionnalité, les mesures adoptées doivent être nécessaires pour parvenir au but poursuivi. En d’autres termes, un moyen ne sera considéré comme nécessaire pour atteindre l’objectif qu’à la condition qu’aucun autre moyen d’efficacité égale, mais dont l’effet négatif sur son destinataire serait moindre, ne soit disponible (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑339/04, EU:T:2007:80, point 117, et du 25 novembre 2014, Orange/Commission, T‑402/13, EU:T:2014:991, point 22).

166    D’une part, la requérante remet en cause la nécessité de la décision d’exclusion en soutenant l’existence d’autres mesures moins contraignantes prévues par l’article 108, paragraphe 2, sous a), du règlement no 966/2012.

167    Or, comme le rappelle à juste titre la Commission, cette disposition concerne les cas de détection rapide des risques qui menacent les intérêts financiers de l’Union et les enquêtes en cours de l’OLAF sur le fondement de l’article 105 bis, paragraphe 1, sous a), du règlement no 966/2012, alors que, en l’espèce, il s’agit d’une décision d’exclusion fondée sur l’article 105 bis, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et portant sur une enquête close par l’OLAF. Dès lors, c’est à tort que la requérante soutient que la décision d’exclusion n’était pas nécessaire à l’objectif poursuivi.

168    D’autre part, en substance, la requérante conteste la nécessité de la décision de publication au motif qu’elle a déjà été sanctionnée par sa mise à l’écart du contrat de prestation de services par la CFCU et qu’elle a fait l’objet d’une sanction d’exclusion préventive de deux ans par la décision attaquée. Elle considère également que l’objectif de prévention des atteintes aux intérêts financiers de l’Union est pleinement assuré par la sanction d’exclusion. La publication ne serait pas une mesure nécessaire, car, si elle constitue un moyen d’égale efficacité poursuivant le même but, son effet négatif dépasse nettement celui de la mesure principale.

169    Premièrement, il convient de rappeler que, comme le fait remarquer la Commission, les mesures contractuelles ayant conduit à l’exclusion de la requérante du consortium ont été prises par le pouvoir adjudicateur en application de l’article 34, paragraphe 4, sous c), du contrat de prestation de services. Celles-ci ne poursuivent pas le même but et ne sont pas de la même nature que la sanction administrative imposée dans la décision attaquée, fondée sur les articles 105 bis à 108 du règlement no 966/2012. Dès lors, la nécessité de l’une ne peut s’apprécier à l’aune de l’autre. La première a pour but de sanctionner un manquement contractuel de l’une des parties à leurs engagements, tandis que la seconde poursuit l’objectif différent de protéger les intérêts financiers de l’Union.

170    Deuxièmement, le considérant 21 du règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015, modifiant le règlement no 966/2012 (JO 2015, L 286, p. 1), énonce ce qui suit :

« Il importe de pouvoir renforcer l’effet dissuasif de l’exclusion […] À cet égard, cet effet devrait être renforcé en prévoyant la possibilité de publier les informations relatives à l’exclusion […]. Cela devrait contribuer à faire en sorte que la conduite en cause ne se reproduise pas […] »

171    Ainsi, ces deux mesures ne sont pas équivalentes dans leurs effets, la sanction étant punitive alors que la publication est dissuasive et préventive. Elles demeurent néanmoins complémentaires, car tournées vers le même objectif d’amener l’ensemble des personnes intéressées à renoncer à une éventuelle transgression des règles.

172    En outre, l’article 106, paragraphe 17, du règlement no 966/2012, concernant la publication de la sanction sur le site Internet de la Commission, prévoit que « [l]es informations visées au paragraphe 16 du présent article ne sont pas publiées […] lorsque la publication des informations causerait un dommage disproportionné à l’opérateur économique concerné ou serait à d’autres égards disproportionnée, compte tenu des critères de proportionnalité énoncés au paragraphe 3 du présent article ».

173    Il en résulte que la décision de publication doit faire l’objet d’une analyse de proportionnalité indépendante de celle menée pour la sanction d’exclusion même si les faits à l’origine de ces deux mesures peuvent être communs et étudiés concomitamment.

174    À cet égard, ainsi qu’il ressort des éléments exposés aux points 88 et 89 et 145 à 150 ci-dessus, la requérante a manifestement méconnu une obligation précise et essentielle dans l’exécution du contrat de prestation de services. Dans ce contexte, la décision attaquée fait état des divergences entre la requérante et l’OLAF sur l’ampleur des pouvoirs de ce dernier en matière d’accès et surtout de collecte de données dans le cadre d’une enquête réalisée sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013. Elle constate également le refus de la requérante d’accepter la troisième procédure proposée, le troisième jour, afin de permettre le bon déroulement du contrôle sur place. De ce fait, selon la décision attaquée, la responsabilité de l’échec du contrôle repose exclusivement sur la requérante. De plus, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel cette décision menacerait son existence même, la Commission considère qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’informations à ce sujet pour se prononcer.

175    Ainsi, dans le cadre de son analyse de la proportionnalité de la mesure complémentaire, la Commission, dans la décision attaquée, a considéré, sur la base de ces éléments factuels, que la requérante avait commis une violation grave d’une obligation essentielle qui justifiait l’adjonction de la sanction de publication. Le fait que la décision attaquée n’ait pas distingué strictement entre les éléments justifiants l’exclusion et la publication n’est pas, à lui seul, suffisant pour considérer qu’il y a eu une confusion entre les deux susceptible de porter atteinte au principe de proportionnalité. Cela est confirmé au considérant 80 de la décision attaquée, qui expose clairement en quoi la publication apparaît in fine justifiée.

176    Par conséquent, il ne ressort pas du dossier que la décision de publication de la sanction d’exclusion constitue une mesure disproportionnée, eu égard à son objectif rappelé aux points 170 et 171 ci-dessus.

177    En conclusion, tant la sanction d’exclusion que sa publication constituent des mesures nécessaires à l’objectif poursuivi.

–       Sur le caractère strictement proportionné des mesures adoptées

178    La requérante estime que la durée de l’exclusion de deux ans, adoptée dans la décision attaquée, est disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

179    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 108, paragraphe 11, du règlement no 966/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1929, le Tribunal « a une compétence de pleine juridiction pour réexaminer une décision par laquelle le pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique et/ou lui impose une sanction financière, y compris pour ce qui est de réduire ou d’allonger la durée de l’exclusion et/ou d’annuler la sanction financière imposée ou d’en diminuer ou d’en augmenter le montant ». Au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, cette compétence de pleine juridiction habilite le Tribunal à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin, par exemple, de modifier la durée de l’exclusion. Dans ces conditions, le Tribunal peut, le cas échéant, porter des appréciations différentes de celles retenues par la Commission dans la décision attaquée pour ce qui concerne la durée de l’exclusion (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, “Pro NGO !”/Commission, T‑454/17, EU:T:2018:755, point 82).

180    En l’espèce, il est avéré que, à l’occasion du contrôle sur place, un désaccord est apparu entre la requérante et l’OLAF sur l’étendue précise des pouvoirs de ce dernier, comme cela est rappelé aux points 145 à 150 ci-dessus. Malgré les deux autres solutions proposées par l’OLAF, et le rappel de ses obligations, la requérante est demeurée sur une position de refus. Cela a conduit à l’échec du contrôle sur place qui a empêché l’OLAF de prouver ou de réfuter les allégations de fraude ou de corruption dans le cadre du projet DLPIS. Dès lors, la responsabilité de cet échec et la violation grave d’une obligation essentielle reposent sur la requérante.

181    De plus, l’article 106, paragraphe 14, du règlement no 966/2012 prévoit que la durée maximale de la sanction d’exclusion ne peut excéder trois ans pour le cas d’espèce. Or, la durée retenue dans la décision attaquée n’est que de deux années. Partant, celle-ci n’apparaît pas disproportionnée au regard de la gravité du manquement à une obligation de nature essentielle dans le cadre d’un marché financé par le budget de l’Union dont s’est rendue responsable la requérante. En outre, cette dernière n’apporte aucun élément permettant de considérer qu’une durée plus courte aurait été plus adaptée. Au surplus, comme cela est rappelé aux points 161 à 163 ci-dessus, la décision attaquée a pris en compte l’ensemble des faits pertinents afin d’évaluer la gravité du manquement, et les éventuelles circonstances atténuantes, ce qui permet de conclure au respect du principe de proportionnalité.

182    En conclusion, la requérante échoue à démontrer que la durée de la sanction d’exclusion est disproportionnée par rapport à la gravité du manquement commis. En ce qui concerne la sanction de publication, rien ne permet de considérer que celle-ci viole le principe de proportionnalité au seul motif qu’elle vise à protéger le même objectif légitime.

183    S’agissant du grief tiré de la violation de l’article 106, paragraphe 16, deuxième alinéa, du règlement no 966/2012, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, peuvent être considérées comme substantielles les formes conçues pour entourer les mesures de toutes les garanties de circonspection et de prudence (arrêt du 21 mars 1955, Pays-Bas/Haute Autorité, 6/54, EU:C:1955:5, p. 220). Ainsi, la méconnaissance d’une forme obligatoire n’est susceptible d’entacher d’illégalité la décision finale de l’institution concernée que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle affecte, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la partie qui invoque un tel vice (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 98).

184    En l’espèce, force est de constater que l’absence de mention du défaut de décision définitive ne saurait être regardée comme affectant, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la requérante. Partant, l’oubli de cette mention ne peut être regardé comme constituant la violation d’une forme substantielle.

185    De plus, cet oubli a été corrigé par la Commission le 24 octobre 2018, ce que la requérante a confirmé dans ses écritures.

186    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être écarté comme non fondé.

 Sur les conclusions en indemni

187    La requérante allègue avoir subi, du fait de la décision attaquée lui infligeant une sanction d’exclusion et de sa publication sur le site Internet de la Commission, un préjudice matériel et un préjudice moral. Elle fait valoir que ces préjudices découlent du comportement illégal de la Commission, qui, en adoptant la décision attaquée, a accepté les illégalités commises par l’OLAF. Selon elle, il existe un lien de causalité direct entre ces dernières et les préjudices dont elle demande réparation.

188    La Commission conteste la réalité des préjudices allégués par la requérante. Elle fait valoir qu’aucune des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est remplie.

189    L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 14 octobre 2014, Giordano/Commission, C‑611/12 P, EU:C:2014:2282, point 35 et jurisprudence citée).

190    Étant donné le caractère cumulatif de ces conditions, le fait que l’une d’entre elles fasse défaut suffit pour rejeter le recours (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

191    S’agissant de la condition relative au comportement illicite reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union concerné, seule une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers permet d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42 et jurisprudence citée).

192    En l’espèce, il convient d’examiner, en premier, l’existence des prétendues illégalités susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

193    La requérante invoque cinq illégalités qui affecteraient la décision attaquée, à savoir la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, du droit à une bonne administration, du principe de protection de la confiance légitime, du principe de proportionnalité et de l’obligation de motivation.

194    En ce qui concerne les préjudices prétendument subis par la requérante découlant de la décision attaquée, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées (arrêt du 13 décembre 1999, SGA/Commission, T‑189/95, T‑39/96 et T‑123/96, EU:T:1999:317, point 72 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Clestra Hauserman/Parlement, T‑725/17, non publié, EU:T:2019:190, points 69 à 71).

195    Or, les conclusions en indemnité se fondent sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui des conclusions en annulation de la décision attaquée. Puisqu’il ressort de l’examen de ces dernières que la requérante n’en a pas démontré l’existence, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’est pas remplie.

196    Par conséquent, les conclusions en indemnité doivent être rejetées comme étant non fondées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

197    Il résulte de ce qui précède que le recours dans son ensemble doit être rejeté.

 Sur les dépens

198    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vialto Consulting Kft. est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2022.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Marché de services octroyé au consortium

Enquête de l’OLAF

Conclusions des parties

En droit

Observations liminaires sur l’enquête de l’OLAF

Sur les conclusions en annulation

Sur les observations formulées par la requérante à la suite de l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C 650/19 P)

Sur le caractère opérant des moyens portant sur les actions prétendument illicites des agents de l’OLAF lors du contrôle sur place

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o 2185/96

Sur la violation du droit à une bonne administration

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur la violation du principe de proportionnalité

– Observations liminaires

– Sur le caractère approprié des mesures adoptées

– Sur le caractère nécessaire des mesures adoptées

– Sur le caractère strictement proportionné des mesures adoptées

Sur les conclusions en indemnité

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le grec.