Language of document : ECLI:EU:T:2011:633

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 octobre 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative BAM – Marque nationale figurative antérieure BAM – Motif relatif de refus – Risque de confusion –Absence de similitude des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑426/09,

Bayerische Asphaltmischwerke GmbH & Co. KG für Straßenbaustoffe, établie à Hofolding (Allemagne), représentée par Mes G. Würtenberger et R. Kunze, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Koninklijke BAM Groep NV, établie à Bunnik (Pays‑Bas), représentée initialement par Me J. van Manen, puis par Mes Van Manen et M. van de Braak, et enfin par Mes Van Manen et R. Sjoerdsma, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 11 août 2009 (affaire R 1005/2008‑2), relative à une procédure d’opposition entre Bayerische Asphaltmischwerke GmbH & Co. KG für Straßenbaustoffe et Koninklijke BAM Groep NV,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, J. Schwarcz et A. Popescu, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe le 5 février 2010,

vu l’ordonnance de suspension de la procédure du 15 mars 2010,

vu la reprise de la procédure,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe le 26 juillet 2010,

vu la modification de la composition des chambres,

vu la décision du 19 octobre 2010, refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 5 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 décembre 2003, l’intervenante, Koninklijke BAM Groep NV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif BAM.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6, 19, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Métaux communs et leurs alliages ; matériaux de construction métalliques ; constructions transportables métalliques ; matériaux métalliques pour les voies ferrées ; câbles et fils métalliques non électriques ; serrurerie et quincaillerie métalliques ; tuyaux métalliques ; coffres-forts ; produits métalliques non compris dans d’autres classes ; minerais » ;

–        classe 19 : « Matériaux de construction non métalliques ; tuyaux rigides non métalliques pour la construction ; asphalte, poix et bitume ; constructions transportables non métalliques ; monuments non métalliques » ;

–        classe 37 : « Construction ; réparation ; services d’installation » ;

–        classe 42 : « Établissement de plans et conseils en matière de construction ; conception de bâtiments ; conseils techniques ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 47/2004, du 22 novembre 2004.

5        Le 22 février 2005, la requérante, Bayerische Asphaltmischwerke GmbH & Co. KG für Straßenbaustoffe, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur la marque allemande figurative antérieure BAM, enregistrée le 23 septembre 1988 sous le numéro 1128023 pour les produits suivants :

–        classe 7 : « Machines pour la construction, en particulier pour la construction routière » ;

–        classe 19 : « Matériaux de construction (non métalliques), en particulier pour la construction routière, matériaux auxiliaires (non métalliques) pour la construction routière, en particulier le bitume, les gravillons, le gravier, le sable, les granulés fabriqués à partir d’asphalte de récupération, le caoutchouc de récupération, les scories, les agrégats ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009).

8        Au cours de la procédure d’opposition, la division d’opposition a établi que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été rapportée pour les produits « asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte ».

9        Par décision du 7 mai 2008, la division d’opposition a accueilli partiellement l’opposition, tout en la rejetant pour les produits « constructions transportables non métalliques ; monuments non métalliques » relevant de la classe 19, ainsi que pour les services relevant de la classe 37, visés par la demande de marque, au motif que ces produits et services ne présentaient pas de similitude avec les produits en cause de la requérante, tels que décrits au point 8 ci-dessus.

10      Le 7 juillet 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

11      Dans le cadre de ce recours, la requérante n’a pas contesté la constatation de la division d’opposition relative à la preuve de l’usage sérieux des produits visés au point 8 ci-dessus.

12      Par décision du 11 août 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a, en substance, rejeté le recours, tout en annulant la décision de la division d’opposition dans la mesure où celle-ci avait fait droit à l’opposition pour les produits « tuyaux rigides non métalliques pour la construction » relevant de la classe 19. Elle a, en substance, motivé sa décision comme suit :

–        les produits visés par la demande de marque sont plutôt spécialisés et destinés à un public composé de consommateurs professionnels ou de bricoleurs, dont le niveau d’attention sera assez élevé (point 17) ;

–        la division d’opposition a indûment étendu le champ de la protection de la marque antérieure en ne le limitant pas aux « matériaux de construction … pour la construction routière … ainsi qu[’aux] machines … pour la construction routière » ; en conséquence, l’usage sérieux de la marque antérieure n’a été prouvé que pour les « asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte, l’ensemble des produits précités étant pour la construction routière » (point 18) ;

–        les « tuyaux rigides non métalliques pour la construction » ne sont pas similaires aux « asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte », étant donné que leur destination et les canaux de distribution sont différents et que les produits en cause ne sont ni concurrents ni complémentaires (points 23 et 24) ;

–        les « constructions transportables non métalliques » et les « monuments non métalliques » ne sont pas similaires à l’asphalte et aux matériaux similaires, étant donné que les canaux de distribution sont différents, que l’asphalte constitue la matière première, contrairement aux constructions et aux monuments transportables qui constituent le produit fini, et qu’il n’y a ni complémentarité ni concurrence entre les produits en cause (points 25 et 26) ;

–        enfin, les services de « construction ; réparation ; services d’installation » visés par la demande de marque ne sont pas similaires aux asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte en raison de leurs nature, canaux de distribution et public ciblé différents, le consommateur moyen étant en outre conscient de ce que l’asphalte, en tant que produit très spécifique, n’est pas produit par les entreprises qui proposent les services en cause (points 27 et 28).

 Conclusions des parties

13      Parallèlement à sa demande de non-lieu à statuer (voir points 16 et suivants ci‑après), la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits « tuyaux rigides non métalliques pour la construction ; constructions transportables ; monuments non métalliques » et pour les services « construction ; réparation ; services d’installation » ;

–        accueillir l’opposition dans cette même mesure ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par elle devant la chambre de recours.

 Sur la demande de non-lieu à statuer

16      Dans sa demande de suspension de la procédure, déposée au greffe le 29 janvier 2010, l’OHMI a exposé que :

–        le 28 décembre 2009, l’agent de l’intervenante lui avait adressé une lettre dont il avait interprété les termes (« we instruct you to withdraw this case and to close your file ») comme opérant le retrait de la demande d’enregistrement de marque communautaire en cause en l’espèce ;

–        le 5 janvier 2010, l’agent de l’intervenante lui avait adressé une autre lettre, le priant de ne pas tenir compte de sa lettre du 28 décembre 2009, laquelle aurait été envoyée « par erreur » ;

–        le 27 janvier 2010, l’OHMI avait informé l’agent de l’intervenante que, selon ses directives internes, la lettre du 5 janvier 2010 ne pouvait pas être acceptée, mais que, si l’intervenante était en désaccord avec cette conclusion, elle pouvait demander l’adoption d’une décision formelle dans les deux mois, conformément à la règle 54, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1).

17      Dans ses observations écrites sur cette demande, déposées au greffe le 18 février 2010, la requérante a demandé au Tribunal de rejeter celle-ci et de constater que le recours était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer.

18      Dans ses observations écrites sur cette demande de non-lieu à statuer, déposées au greffe le 9 mars 2010, l’OHMI a fait valoir qu’il serait prématuré de rejeter le recours comme étant sans objet, dès lors que l’intervenante avait, par lettre du 17 février 2010, demandé l’adoption d’une décision formelle sur l’incident de procédure évoqué dans la lettre de l’OHMI du 27 janvier 2010.

19      Dans ses observations écrites sur la demande de non-lieu à statuer, déposées au greffe le 15 mars 2010, l’intervenante a prié le Tribunal de rejeter ladite demande.

20      Par décision du 16 juillet 2010, communiquée à l’intervenante le même jour, l’OHMI a formellement décidé de ne pas prendre en considération le retrait de la demande de marque communautaire litigieuse, au motif que ce retrait n’avait pas été présenté dans la langue utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire, à savoir le néerlandais, ni dans la deuxième langue indiquée dans cette demande, à savoir le français, comme le requiert la règle 95 du règlement n° 2868/95, mais en anglais.

21      Par lettre déposée au greffe le 27 juillet 2010, l’intervenante a informé le Tribunal de cette décision de l’OHMI, en le priant à nouveau de rejeter la demande de non-lieu à statuer.

22      Dans ses observations sur la reprise de la procédure, déposées au greffe le 20 septembre 2010, ainsi que lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a réitéré sa demande de non-lieu à statuer. Selon elle, le retrait d’une demande de marque constitue une déclaration contraignante qui, pour des impératifs de sécurité juridique et de respect des droits des tiers, ne peut être révoquée, la seule possibilité pour l’auteur d’un tel retrait étant d’introduire une nouvelle demande de marque. La requérante invoque, en ce sens, les directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition (partie 1, point D.II.7.4), aux termes desquelles une partie ne peut révoquer un retrait précédemment notifié que si l’OHMI reçoit la lettre révoquant ce retrait le même jour que celui où il a reçu le retrait.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de la règle 95, sous a), du règlement n° 2868/95, toute demande ou déclaration concernant une demande de marque communautaire peut être effectuée dans la langue utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire ou dans la deuxième langue que le demandeur a indiquée dans sa demande.

24      Il découle de cette disposition que, pour pouvoir être pris en considération par l’OHMI, le retrait d’une demande de marque communautaire doit impérativement être effectué soit dans la langue utilisée pour le dépôt de ladite demande, soit dans la deuxième langue que le demandeur a indiquée dans cette demande.

25      Contrairement à ce que soutient la requérante, cette conclusion n’est pas affectée par l’emploi dans ladite disposition du verbe « pouvoir », qui se justifie ici par la faculté laissée aux intéressés d’effectuer leur demande ou déclaration dans l’une ou l’autre des deux langues autorisées.

26      Cette conclusion n’est pas davantage affectée par le point D.II.6 de la partie 1 des directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition, aux termes duquel :

« Une déclaration de limitation peut être effectuée dans la première ou dans la deuxième langue utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire (règle 95, paragraphe a), du [règlement n° 2868/95]). Si la déclaration de limitation est effectuée dans la première langue de la demande de marque communautaire, qui n’est pas la langue de la procédure, et que la limitation ne couvre pas toute l’étendue de l’opposition, la déclaration de limitation est communiquée à l’opposant en invitant ce dernier à faire savoir à l’[OHMI] s’il maintient son opposition. L’opposant peut s’opposer à la langue utilisée pour la limitation et demander une traduction dans la langue de la procédure. L’[OHMI] fournit alors la traduction. »

27      D’une part, en effet, étant d’un rang inférieur dans la hiérarchie des normes, les directives de l’OHMI ne sauraient déroger aux dispositions du règlement n° 2868/95.

28      D’autre part, s’il est vrai que, aux termes de ladite disposition, l’opposant peut s’opposer à la langue utilisée pour la limitation et demander une traduction dans la langue de la procédure, il n’en demeure pas moins que cette disposition se borne à réitérer la règle 95, sous a), du règlement n° 2868/95, en énonçant qu’une déclaration de limitation peut être effectuée « dans la première ou dans la deuxième langue utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire ».

29      Par ailleurs, le respect des impératifs de sécurité juridique et des droits des tiers, invoqué par la requérante, est pleinement garanti par les dispositions combinées de la règle 95, sous a), du règlement n° 2868/95 et du point D.II.7.4 de la partie 1 des directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition, aux termes duquel une partie ne peut révoquer un retrait précédemment notifié que si l’OHMI reçoit la lettre révoquant ce retrait le même jour que celui où il a reçu le retrait.

30      En l’espèce, il est constant, d’une part, que la langue utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire est le néerlandais et que la deuxième langue que l’intervenante a indiquée dans sa demande est le français et, d’autre part, que la lettre de l’agent de l’intervenante du 28 décembre 2009, interprétée par l’OHMI comme opérant le retrait de ladite demande, a été rédigée en anglais.

31      Dans ces conditions, le retrait prétendument contenu dans ladite lettre ne pouvait, en tout état de cause, être pris en considération par l’OHMI. C’est à juste titre, dès lors, que l’OHMI a statué en ce sens, par décision formelle du 16 juillet 2010.

32      Il s’ensuit également que le présent recours n’est pas devenu sans objet et que la demande de non-lieu à statuer doit donc être rejetée.

 Sur le fond

33      Au soutien de son recours, la requérante invoque quatre moyens, respectivement tirés d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, d’un détournement du pouvoir, d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 et d’une violation de l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Il conviendra d’examiner ensemble les deuxième et quatrième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

34      La requérante soutient qu’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit, en raison, d’une part, de la similitude entre les signes, non contestée selon elle, et, d’autre part, de l’identité ou de la similitude entre les produits et les services en cause, dont la chambre de recours aurait fait une appréciation erronée. À cet égard, elle fait valoir plus particulièrement que :

–        la chambre de recours a limité à tort, au point 18 de la décision attaquée, l’étendue de la protection de la marque antérieure telle qu’elle a été enregistrée, en restreignant celle-ci aux seuls produits relatifs à la « construction routière », alors que l’enregistrement ne mentionne la construction routière que « en particulier », et donc seulement à titre d’exemple (voir point 6 ci-dessus) ; au cours de la procédure devant la division d’opposition, la requérante aurait d’ailleurs déposé des documents attestant que l’usage de la marque antérieure ne se limitait pas à la construction routière, mais s’étendait notamment à l’ingénierie civile, à la construction de bâtiments, de décharges, de ponts, d’aéroports, aux travaux de génie civil et hydraulique, à la construction mécanique et industrielle ;

–        il y a donc lieu de comparer les produits et les services visés par la demande de marque avec les siens, « l’asphalte, les matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte » ;

–        il existe un haut degré de similitude entre l’asphalte, qui n’est pas seulement utilisé pour la construction routière, mais aussi pour la construction de ponts et d’aéroports, de même que dans le domaine du génie hydraulique, de la construction des décharges, des ouvrages de génie civil, des constructions industrielles, et les « tuyaux rigides » ; ceux-ci sont souvent utilisés dans le domaine du génie hydraulique, tandis que le bitume, un ingrédient de l’asphalte, est souvent utilisé pour prévenir la corrosion des « tuyaux rigides » ; en outre, les deux classes de produits sont utilisées de manière complémentaire dans l’industrie de la construction ;

–        il existe un haut degré de similitude, confirmé par la jurisprudence de la première chambre de recours (décision du 30 octobre 2008 dans l’affaire R‑28/2008), entre « l’asphalte, les matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte » et « les constructions transportables non métalliques; monuments non métalliques » ; l’asphalte est utilisé dans le domaine de la construction civile, qui inclut également des « constructions transportables » et des « monuments » ; en outre, ces produits partagent le même marché de consommation et les mêmes canaux de distribution ;

–        il existe une similitude entre les services de « construction ; réparation ; services d’installation » et ceux de ses produits qui sont en cause, dès lors que ceux-ci sont souvent offerts par les mêmes fournisseurs, grâce aux mêmes canaux de distribution, ont la même finalité et visent les mêmes consommateurs finals, ce que confirmerait la jurisprudence de la division d’opposition (décision du 16 novembre 2007 statuant sur l’opposition B 1037151 et décision du 30 septembre 2009 statuant sur l’opposition B 1131681) ; pour garantir le principe d’égalité de traitement en l’espèce, il est indispensable de maintenir l’unité de cette jurisprudence.

35      L’OHMI soutient, à titre liminaire, que la production à titre de preuves, en annexe à la requête, de la décision de la chambre de recours et des deux décisions de la division d’opposition mentionnées au point 34 ci-dessus est contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, dès lors qu’elle a lieu pour la première fois devant le Tribunal. En conséquence, il conviendrait de déclarer irrecevables ces annexes de la requête.

36      Sur le fond, l’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

37      Dans ce contexte, l’OHMI admet que la chambre de recours n’aurait pas dû limiter le champ de la protection des produits « matériaux de construction » aux seuls produits relatifs à la « construction routière ». L’OHMI considère, toutefois, que cette interprétation incorrecte du champ de protection de la marque antérieure n’affecte pas l’issue finale de la décision, étant donné que les produits et les services faisant l’objet de la comparaison sont en tout état de cause différents. Il s’ensuit, selon lui, que l’erreur de droit commise à cet égard par la chambre de recours n’est pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée.

38      En réponse à ce même grief de la requérante, l’intervenante fait valoir que, consécutivement à la demande de production des preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure, présentée par elle en application de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, la division d’opposition a constaté que la requérante se bornait à apporter la preuve de l’usage d’« asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte ». Or, ces produits constitueraient une sous-catégorie du produit « matériaux auxiliaires (non métalliques) pour la construction routière », pour lequel la marque antérieure a été enregistrée. En revanche, la requérante n’aurait pas prouvé l’usage de ladite marque pour les produits « machines pour la construction, en particulier pour la construction terrestre » et « matériaux de construction (non métalliques), en particulier pour la construction routière ». En tout état de cause, selon l’intervenante, les considérations de fond relatives à l’absence de similitude entre les produits et les services en cause ne seraient pas affectées même dans l’hypothèse où le Tribunal conclurait que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure ne se limite pas aux produits relatifs à la circulation routière.

39      S’agissant, en premier lieu, de la demande de rejet des annexes de la requête comme irrecevables, il convient de relever que les décisions des instances de l’OHMI concernées, bien qu’elles n’aient été produites pour la première fois que devant le Tribunal, ne sont pas des preuves proprement dites, mais concernent la pratique décisionnelle de l’OHMI, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’OHMI, une partie a le droit de se référer [arrêts du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 20, et du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 16]. En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la pratique décisionnelle des institutions de l’Union ou de la jurisprudence du juge de l’Union. Ainsi, une telle possibilité de se référer à des décisions de la chambre de recours ou de la division d’opposition de l’OHMI n’est pas visée par la jurisprudence selon laquelle le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au regard des éléments présentés par les parties devant celles-ci, dès lors qu’elle tend à reprocher à la chambre de recours d’avoir violé une disposition du règlement n° 207/2009 et d’invoquer la pratique décisionnelle des instances de l’OHMI à l’appui de ce moyen [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, points 70 et 71, et du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, Rec. p. II‑837, point 37].

40      En conséquence, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’OHMI.

41      S’agissant, en deuxième lieu, du grief fait par la requérante à la chambre de recours d’avoir limité à tort l’étendue de la protection de la marque antérieure, il convient de rappeler que le point 18 de la décision attaquée est libellé comme suit :

« À titre liminaire, la chambre constate que la décision attaquée a jugé que l’enregistrement antérieur pour les ‘matériaux de construction (non métalliques), en particulier pour la construction routière, matériaux auxiliaires (non métalliques) pour la construction routière, notamment le bitume, les gravillons, le gravier, le sable, les granules fabriqués à partir d’asphalte de récupération, le caoutchouc de récupération, les scories, les agrégats ainsi que les machines pour la construction, en particulier pour la construction routière’ en classes 19 et 7 avait été utilisé pour les ‘asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte’. Bien que les parties ne mettent pas en doute les conclusions de la décision attaquée quant à l’usage de la marque antérieure, il est néanmoins évident que le nouveau libellé des produits protégés par la marque antérieure doit être qualifié davantage. En effet, l’enregistrement antérieur ne protégeait que les ‘matériaux de construction … pour la construction routière … ainsi que les machines … pour la construction routière’. En reformulant le libellé des produits marqués utilisés, la décision attaquée a malencontreusement étendu la protection de la marque antérieure. En somme, la chambre partage l’avis de la division d’opposition portant sur l’usage de la marque antérieure dans la mesure où la protection découlant de cet usage se limite à la ‘construction routière’. Il en résulte que l’usage de la marque antérieure a été prouvé pour les ‘asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte, l’ensemble des produits précités étant pour la construction routière’. »

42      Il est constant, par ailleurs, que les produits pour lesquels la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure a été rapportée sont les produits « asphalte et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte ». Le désaccord entre les parties ne porte pas sur ce point, mais sur le point de savoir si lesdits produits, tels que désignés par l’enregistrement antérieur, se limitent aux produits « pour la construction routière ».

43      La réponse au présent grief dépend donc avant tout de la catégorie de produits relevant de la classe 19, tels que désignés par l’enregistrement antérieur, à laquelle il faut rattacher lesdits produits « asphalte et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte ».

44      Si ces produits devaient être rattachés à la catégorie « Matériaux de construction (non métalliques), en particulier pour la construction routière », comme le soutient la requérante et comme semble le penser l’OHMI, force serait alors de constater, au vu du libellé de l’enregistrement antérieur et compte plus particulièrement tenu du recours à la locution adverbiale « en particulier », que la chambre de recours a effectivement commis une erreur de lecture, génératrice d’une erreur de droit, en considérant que celui-ci ne visait que les produits « pour la construction routière », considération qui, il convient de le souligner, n’a nullement été déduite de l’examen des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure produits par la requérante, mais du seul libellé de l’enregistrement antérieur.

45      Si, en revanche, ces produits devaient être rattachés à la catégorie « matériaux auxiliaires (non métalliques) pour la construction routière, en particulier le bitume, les gravillons, le gravier, le sable, les granulés fabriqués à partir d’asphalte de récupération, le caoutchouc de récupération, les scories, les agrégats », comme le soutient l’intervenante, force serait alors de conclure que la chambre de recours n’a commis aucune erreur, au vu du libellé de l’enregistrement antérieur, en constatant que tous ces produits sont « pour la construction routière ».

46      L’argumentation développée à cet égard par l’intervenante est à première vue convaincante : étant donné que l’asphalte est, d’après les informations données sur le site Internet de la requérante elle-même, un « mélange composé d’agrégats et de bitume, dont l’usage principal consiste à fabriquer du béton bitumineux destiné aux revêtements routiers », il semble logique de le rattacher à la même catégorie que les produits cités « en particulier » dans l’énumération reproduite au point 45 ci-dessus. Le fait demeure, néanmoins, que l’asphalte n’est pas mentionné dans cette énumération, alors qu’il serait également logique de l’y trouver puisqu’il est un élément essentiel pour la construction des routes.

47      Il n’apparaît toutefois pas nécessaire de trancher cette controverse dans les circonstances de l’espèce, dès lors que, ainsi qu’il sera exposé dans la suite du présent arrêt, l’erreur éventuellement commise par la chambre de recours est restée sans incidence sur le bien-fondé de la décision attaquée, étant donné que les produits et les services faisant l’objet de la comparaison sont, en tout état de cause, différents, qu’ils soient ou non limités au domaine de la construction routière. Dans ces conditions, il suffit en effet de constater que l’erreur de droit éventuellement commise par la chambre de recours ne constitue pas un élément nécessaire de la motivation du rejet partiel de l’opposition et qu’elle n’est dès lors pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée (arrêts de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 122 ; du 30 septembre 2003, Biret International/Conseil, C‑93/02 P, Rec. p. I‑10497, point 60, et du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 50 et 51 ; voir arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, Rec. p. II‑2793, point 66, et la jurisprudence citée).

48      S’agissant donc, en troisième lieu, de l’appréciation de la similitude entre les produits et les services, il convient de rappeler tout d’abord que, selon une jurisprudence constante, doivent être pris en compte tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

49      En ce qui concerne, premièrement, les « tuyaux rigides non métalliques pour la construction », la chambre de recours a exposé ce qui suit au point 24 de la décision attaquée :

« Les produits d’asphalte de l’enregistrement antérieur sont destinés à la construction routière. Dans un pays développé, il est difficile d’envisager la construction d’une route sans asphalte, bitume ou macadam. Toutefois, même si, au moment de commencer des travaux de construction routière, il n’est pas inhabituel de poser des tuyaux, la finalité de cette pose n’est pas la construction de la route elle-même mais plutôt d’élargir le réseau public d’eau, d’électricité, etc., à des riverains dans un endroit déterminé. Il n’a pas été démontré que le fabricant d’asphalte soit le même que celui qui fabrique les ‘tuyaux rigides non métalliques pour la construction’. Une chaussée – privée ou publique – peut être construite sans la pose de tuyaux. Une route non goudronnée est plutôt l’exception et non la règle en Europe. La finalité de la pose d’une ou plusieurs couches d’asphalte est donc la construction de la route elle-même. En outre, il n’a pas été démontré que le réseau de distribution des produits à comparer soit le même ou qu’il existe une quelconque relation de concurrence entre les produits concernés. Le fait qu’il existe – du moins sur le plan théorique – un certain chevauchement entre la clientèle potentielle des produits comparés (municipalités, communes, autorités publiques, etc.) ne les rend pas similaires. »

50      Aucune des considérations avancées par la requérante ne permet de remettre en cause le bien-fondé de cette appréciation, certes limitée, à tort peut-être, à la construction routière, mais qui peut être étendue sans altération substantielle à tous les autres domaines d’utilisation des produits « asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte » mentionnés par la requérante, tels que l’ingénierie civile ou hydraulique ou la construction industrielle.

51      Ainsi, la circonstance que les produits à comparer soient utilisés dans ces divers domaines, celle que le bitume, ingrédient de l’asphalte, ait été utilisé dans le passé pour prévenir la corrosion des « tuyaux rigides » ou encore celle que les tuyaux rigides soient faits de matériaux de construction ne suffisent pas pour considérer que ces produits sont similaires. Outre les considérations exprimées à cet égard par la chambre de recours, l’OHMI et l’intervenante relèvent, à bon droit, que les produits en question ont une origine différente et présentent un état physique différent, que leur nature, leur finalité, leur composition, leur mode de production, leurs applications et leurs canaux de distribution sont différents et que le public pertinent se compose de spécialistes ayant un niveau d’attention élevé, qui relèveront ces différences. Hormis une série d’affirmations non autrement étayées, la requérante n’a fourni au Tribunal aucun élément probant de nature à démontrer que ces considérations seraient entachées d’erreur.

52      Quant à l’allégation selon laquelle l’asphalte et les « tuyaux rigides » seraient utilisés de manière complémentaire dans l’industrie de la construction, il convient de rappeler que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, points 57 et 58, et la jurisprudence citée]. Or, la preuve de l’existence d’un tel lien n’a pas été rapportée en l’espèce.

53      S’agissant, deuxièmement, d’une part, des « constructions transportables non métalliques » et, d’autre part, des « monuments non métalliques », la chambre de recours a exposé ce qui suit aux points 25 et 26 de la décision attaquée :

«25      En ce qui concerne les ‘constructions transportables non métalliques’ de la demande contestée, la chambre comprend difficilement comment il peut y avoir une vraie similitude avec les produits relevant de l’enregistrement antérieur. Compte tenu du fait que ces derniers produits sont ‘pour la construction routière’, l’argumentation de l’opposante fondée sur l’utilisation d’asphalte dans les fondations d’une cabane de jardin ou d’autre bâtiment portable ne semble pas très pertinente. Il est invraisemblable que les produits comparés partagent les mêmes débouchés ou réseaux de distribution. Il n’existe aucune relation de concurrence entre les produits comparés et ils ne sont guère complémentaires (si ce n’est que les cabanes préfabriquées sont parfois utilisées par les ouvriers d’un chantier). En tout état de cause, une ‘construction transportable’ est loin d’être un élément indispensable dans la construction routière. Les produits sont donc différents.

26      Il en va de même en ce qui concerne les ‘monuments non métalliques’ de la demande de marque. Bien qu’une entreprise de construction puisse commander un produit fini comme, par exemple, un monument dans le cadre de la construction d’un lieu commémoratif, une telle commande ne rend pas ce monument similaire à l’asphalte (ou ses dérivés) de la marque antérieure. Le public pertinent n’est pas habitué à les voir sur le marché des fabricants d’asphalte pour la construction routière qui fabriquent également des monuments. Un monument peut être fabriqué, érigé et entretenu sans asphalte. Il va sans dire que l’érection d’un monument n’est pas une condition sine qua non de la construction d’une route. Les points de contact entre les produits comparés sont minimes, voire inexistants. »

54      Aucune des considérations avancées par la requérante ne permet de remettre en cause le bien-fondé de cette appréciation, certes limitée, à tort peut-être, à la construction routière, mais qui peut être étendue sans altération substantielle à tous les autres domaines d’utilisation des produits « asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte » mentionnés par la requérante, tels que l’ingénierie de la construction.

55      Ainsi, la circonstance que les produits de la requérante puissent être utilisés pour fabriquer des « constructions transportables » et des « monuments » ne suffit pas pour considérer que ces produits sont similaires. Outre les considérations exprimées à cet égard par la chambre de recours, l’OHMI et l’intervenante font état, à bon droit, de considérations analogues, mutatis mutandis, à celles exposées au point 51 ci-dessus. Hormis une série d’affirmations non autrement étayées, la requérante n’a produit devant le Tribunal aucun élément probant de nature à démontrer que ces considérations seraient entachées d’erreur.

56      Quant à la décision de la chambre de recours du 30 octobre 2008 dans l’affaire R‑28/2008, invoquée par la requérante, c’est à juste titre que l’OHMI et l’intervenante font valoir qu’elle est sans pertinence en l’espèce, dès lors que les produits en cause dans ladite affaire appartenaient à une gamme de produits beaucoup plus large que celle à laquelle appartiennent les produits en cause en l’espèce.

57      S’agissant, troisièmement, des services de « construction ; réparation ; services d’installation », la chambre de recours a exposé ce qui suit aux points 27 et 28 de la décision attaquée :

« 27      Pour ce qui est de la comparaison entre les services de ‘construction’, ‘réparation’ et ‘installation’, d’une part, et, d’autre part, les produits de la marque antérieure, la chambre n’est pas persuadée qu’il existe une vraie relation de similitude. Outre les motifs exposés dans la décision attaquée à cet égard, la chambre constate qu’une entreprise qui preste des services de construction, de réparation ou d’installation n’est pas celle qui fabrique de l’asphalte. À l’état naturel, l’asphalte est un mélange de bitume et de roche calcaire que l’on trouve dans des mines ou même affleurant à la surface. La confection d’asphalte au niveau du génie civil implique un mélange de bitume, filler (calcaire broyé finement), sable et gravillons. Il est fabriqué dans des centrales d’asphalte. Le bitume qui est utilisé dans le processus de fabrication d’asphalte est une substance composée d’un mélange d’hydrocarbures, très visqueuse (voire solide) à la température ambiante et de couleur noire. Bien qu’il existe sous forme naturelle, il provient, de nos jours, presque exclusivement de la distillation des pétroles bruts.

28      Le prestataire des services de la demande de marque contestée ne mine pas l’asphalte, ne distille pas les hydrocarbures et ne gère pas une centrale d’asphalte. Les produits de la marque antérieure et les services de la demande de marque ont donc une nature différente. L’asphalte est destiné presque exclusivement à des professionnels de la construction alors que les services de la marque demandée se destinent également au grand public. L’asphalte est normalement distribué, via une centrale, à des camions, wagons ou navires adaptés au transport de ce produit. La prestation des services visés par la demande de marque est normalement fournie par des sociétés de construction. Si les produits et services peuvent se croiser sur un même chantier, il faut garder en mémoire la spécialisation de l’acheteur des produits qui les confondra difficilement avec les services. Tout comme le consommateur ne s’attend pas à ce que le prestataire de services de construction confectionne ses propres briques, il en va de même en ce qui concerne la comparaison des produits et services en cause. Le fait que la demanderesse dépose sa marque en vue d’obtenir une protection pour certains produits (parmi lesquels se trouve l’asphalte) ainsi que les services de construction, de réparation et d’installation ne prouve nullement la similitude de ces produits et services. C’est à juste titre que la demanderesse remarque dans sa duplique que chacun est libre de faire un dépôt pour des produits ou services qu’il pense à utiliser à court ou long terme. »

58      Aucune des considérations avancées par la requérante ne permet de remettre en cause le bien-fondé de cette appréciation, certes limitée, à tort peut-être, à la construction routière, mais qui peut être étendue sans altération substantielle à tous les autres domaines d’utilisation des produits « asphaltes et matériaux de construction dérivés de l’asphalte et pour fabriquer de l’asphalte » mentionnés par elle, tels que la construction de bâtiments.

59      Ainsi, la circonstance que certaines entreprises offrent les services en question en même temps que les produits fabriqués par la requérante, telle l’entreprise Friedrich Steinhagen GmbH & Co., même à la supposer établie, quod non, ne suffit pas pour considérer que ces produits et services sont similaires. Outre les considérations exprimées à cet égard par la chambre de recours, l’OHMI et l’intervenante font état, à bon droit, de considérations analogues, mutatis mutandis, à celles exposées au point 51 ci-dessus. Hormis une série d’affirmations non autrement étayées, la requérante n’a produit devant le Tribunal aucun élément probant de nature à démontrer que ces considérations seraient entachées d’erreur.

60      Quant aux deux décisions de la division d’opposition invoquées par la requérante (décision du 16 novembre 2007 statuant sur l’opposition B 1037151 et décision du 30 septembre 2009 statuant sur l’opposition B 1131681), c’est à juste titre que l’OHMI et l’intervenante font valoir qu’elles sont sans pertinence en l’espèce, dès lors qu’elles ont été rendues dans une situation factuelle différente et qu’elles ne se réfèrent pas aux mêmes produits et services. À cet égard, les considérations exprimées au point 56 ci-dessus valent également s’agissant de ces deux décisions.

61      Pour le surplus, il convient de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt easyHotel, point 52 supra, point 42, et la jurisprudence citée].

62      Dès lors qu’il a été conclu à l’absence de similitude entre les produits et les services en cause en l’espèce, le moyen tiré de la violation dudit article doit donc être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’identité ou la similitude des marques en conflit.

 Sur les deuxième et quatrième moyens, respectivement tirés d’un détournement de pouvoir et d’une violation de l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

63      La requérante soutient, dans le cadre du deuxième moyen, que la chambre de recours a outrepassé les limites de ses compétences et, par là, commis un détournement de pouvoir en limitant la liste des produits en cause de la classe 19 aux seuls produits concernant la « construction routière ». La chambre de recours n’aurait pas le pouvoir de limiter unilatéralement, par la voie d’une interprétation, l’étendue de la protection d’une marque nationale enregistrée.

64      La requérante soutient par ailleurs, dans le cadre du quatrième moyen, que la chambre de recours a violé l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 en limitant le champ de la protection de la marque antérieure et en ne prenant pas en compte tous les facteurs pertinents.

65      Dans la mesure où la requérante reproche à la chambre de recours un détournement de pouvoir, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un tel comportement existe lorsqu’une institution exerce ses compétences dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt de la Cour 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 99, et la jurisprudence citée).

66      Par ailleurs, aux termes de l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 :

« À la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour à la suite de donner » (sic).

67      Comme le relèvent à bon droit l’OHMI et l’intervenante, la chambre de recours était tenue, en vertu de cette disposition, de procéder à un nouvel examen complet des faits et circonstances de l’espèce, à la lumière des arguments des parties, en corrigeant, le cas échéant, les erreurs commises par la division d’opposition. En particulier, il lui incombait de vérifier si la division d’opposition avait correctement défini le champ de la protection de la marque antérieure, tel que délimité par son enregistrement. C’est précisément ce qu’elle a fait en l’espèce, en estimant devoir corriger une erreur commise, selon elle, par la division d’opposition.

68      La circonstance que la chambre de recours elle-même ait éventuellement, à cette occasion, commis une erreur dans l’élaboration de cette définition, en restreignant à tort l’étendue de la protection de la marque antérieure au domaine de la construction routière, même à la supposer établie, serait constitutive d’une violation non pas de cette disposition, mais de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

69      Or, il a déjà été exposé au point 47 ci-dessus que cette circonstance, même à la supposer établie, n’est pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée.

70      Il en va de même s’agissant de l’allégation de détournement de pouvoir, la requérante n’ayant de surcroît apporté aucun élément susceptible d’étayer l’allégation selon laquelle la chambre de recours aurait exercé ses compétences dans un but autre que celui, énoncé à l’article 64 du règlement n° 207/2009, d’examiner le bien-fondé du recours contre la décision de la division d’opposition, en exerçant, le cas échéant, les compétences de cette instance.

71      Les deuxième et quatrième moyens doivent donc être rejetés comme non fondés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009

72      La requérante soutient que la chambre de recours a violé tant l’obligation de motivation que ses droits de la défense. Plus spécifiquement, la chambre de recours n’aurait pas examiné les arguments détaillés de la requérante concernant le degré élevé de similitude entre les produits et les services en cause. Ce comportement équivaudrait à une violation du droit d’être entendu.

73      Aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE et par l’article 296 TFUE, et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, points 72 et 73, et la jurisprudence citée].

74      Il ressort de la même jurisprudence que la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt VITATASTE et METABALANCE 44, point 73 supra, point 73, et la jurisprudence citée).

75      Cependant, il ne saurait non plus être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement, et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 372, et du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, point 46).

76      En l’espèce, d’une part, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 11 et 12 de la décision attaquée, relatifs à l’exposé des moyens et arguments des parties, et des points 20 à 28 de la décision attaquée, relatifs à la comparaison des produits et des services en cause, la chambre de recours a effectué un examen des arguments et des éléments de preuve soumis par les parties dans le cadre de la procédure administrative.

77      D’autre part, force est de constater que la requérante n’a nullement précisé quels étaient ceux de ses « arguments détaillés » qui avaient prétendument été ignorés par la chambre de recours, au cours de cet examen.

78      Il s’ensuit que, selon la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas violé l’obligation de motivation lui incombant.

79      Selon l’article 75, deuxième phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques communautaires, le principe général de protection des droits de la défense [arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 21]. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue [arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15 ; arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 21, et LIVE RICHLY, précité, point 22].

80      Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel et non à la position finale que l’administration entend adopter [arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 55, et du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec. p. II‑737, point 55].

81      En l’espèce, il convient de constater que la décision attaquée est fondée sur des éléments de fait et de droit sur lesquels les observations des parties à la procédure de recours ont été suffisamment recueillies, soit dans le cadre de cette procédure, soit dans le cadre de la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision de la division d’opposition.

82      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas violé les droits de la défense de la requérante.

83      Le troisième moyen doit, par conséquent, être rejeté comme non fondé, et avec lui le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

85      Aux termes de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

86      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de l’OHMI et de l’intervenante, en ce compris, pour ce qui concerne cette dernière, les frais indispensables exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours, conformément aux conclusions de ces parties.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bayerische Asphaltmischwerke GmbH & Co. KG für Straßenbaustoffe supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et par Koninklijke BAM Groep NV, en ce compris, pour ce qui concerne cette dernière, les frais indispensables exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Forwood

Schwarcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.