Language of document : ECLI:EU:T:2005:372

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 octobre 2005 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour un autre État – Notion de résidence habituelle – Principe d’égalité de traitement »

Dans l’affaire T-368/03,

Rafael De Bustamante Tello, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J.. García-Gallardo Gil-Fournier, D. Domínguez Pérez et A. Sayagués Torres, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Sims et M. D. Canga Fano, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Conseil du 28 juillet 2003, refusant au requérant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que des indemnités qui y sont associées,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 16 et 17 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 69 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dans sa rédaction applicable à la présente espèce, dispose que l’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit.

2       Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :

a)       au fonctionnaire :

–       qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

et

–       qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ;

[…] »

 Faits à l’origine du recours

3       Le requérant, de nationalité espagnole, a exercé son activité professionnelle à Bruxelles entre le 2 décembre 1991 et le 31 juillet 1996, au service de l’« Instituto de Fomento de la Región de Murcia » (institut de développement de la Région de Murcie, ci-après l’« INFO »), entité de droit public de la communauté autonome de la Région de Murcie (Comunidad Autónoma de la Región de Murcia), dont le bureau à Bruxelles est chargé notamment de suivre la législation et les programmes communautaires présentant un intérêt pour cette communauté autonome. Du 2 décembre 1991 au 31 octobre 1993, il a travaillé pour l’INFO en vertu d’un contrat de stage et, du 1er novembre 1993 au mois d’août 1996, en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée.

4       Entre les mois d’août 1996 et de décembre 2002, le requérant a travaillé à Bruxelles, toujours en vertu du contrat à durée indéterminée signé avec l’INFO, en qualité de directeur de l’« Oficina de la Comunidad Autónoma de la Región de Murcia ante las Comunidades europeas » (bureau de la communauté autonome de la Région de Murcie devant les Communautés européennes, ci-après l’« ORM »), organisme administratif de la communauté autonome de la Région de Murcie chargé de gérer les intérêts de celle-ci devant les institutions communautaires. 

5       Le requérant admet que, pendant l’exécution des tâches réalisées pour l’INFO et pour l’ORM, il a résidé à Bruxelles pour des raisons professionnelles. Les parties s’opposent, toutefois, sur le lieu de résidence habituelle et le centre d’intérêts du requérant au cours de cette période.

6       Le 1er janvier 2003, le requérant est entré au service du Conseil en qualité de fonctionnaire. La période de cinq années mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut aux fins du bénéfice de l’indemnité de dépaysement, appelée la « période de référence », était, en l’espèce, comprise entre le 1er juillet 1997 et le 30 juin 2002.

7       Le 24 janvier 2003, la direction « Personnel et administration » du secrétariat général du Conseil lui a transmis sa fiche personnelle d’entrée en service. Il était indiqué sur cette fiche qu’il n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement ni aux indemnités y afférentes.

8       Le 10 avril 2003, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre cette fiche administrative.

9       Par courrier du 28 juillet 2003, le secrétaire général adjoint du Conseil a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation du requérant. Cette décision expose que l’indemnité de dépaysement, et les indemnités qui y sont associées, ont été refusées au requérant au motif qu’il avait, de façon habituelle, habité et exercé son activité professionnelle à Bruxelles pendant la période de cinq ans expirant six mois avant son entrée en fonctions, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. En outre, l’AIPN a considéré que les activités professionnelles du requérant pour l’INFO et l’ORM ne pouvaient être considérées comme des « services effectués pour un autre État » au sens de l’exception prévue audit article 4 et, dès lors, que les périodes concernées ne pouvaient être neutralisées. 

 Procédure et conclusions des parties

10     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 novembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

11     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties ainsi que le Royaume d’Espagne à produire certains documents et à répondre à des questions écrites. Les parties et le Royaume d’Espagne ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

12     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience des 16 et 17 février 2005.

13     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du Conseil du 28 juillet 2003, lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités qui y sont associées ;

–       condamner le Conseil à l’ensemble des dépens.

14     Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       condamner chaque partie au paiement de ses propres dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

15     Bien que les conclusions du requérant visent à l’annulation de la décision du Conseil du 28 juillet 2003 rejetant la réclamation introduite le 10 avril 2003, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la fiche administrative du 24 janvier 2003, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23, et du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T-300/97, RecFP p. II-1263, point 30). Il en résulte que le présent recours tend également à l’annulation de la fiche administrative du Conseil du 24 juin 2003 refusant au requérant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités qui y sont associées. 

 Sur l’indemnité de dépaysement

16     Le requérant invoque trois moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est pris de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Le deuxième moyen est tiré de l’erreur d’appréciation des faits. Enfin, le troisième moyen est fondé sur la violation du principe d’égalité de traitement. 

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut

–       Arguments des parties

17     Le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur de droit en ayant affirmé que son activité professionnelle au service de l’ORM à Bruxelles ne saurait être qualifiée de « services effectués pour un autre État », au sens de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

18     En premier lieu, le requérant fait valoir que l’interprétation du concept d’État par le Conseil est erronée eu égard à la jurisprudence communautaire, de laquelle il résulte une définition plus large de l’État que celle retenue par le Conseil, englobant des entités décentralisées telles que les communautés autonomes espagnoles.

19     En deuxième lieu, le requérant prétend que la position du Conseil relèverait d’une méconnaissance de la notion d’État dans l’ordre juridique espagnol. La Constitution espagnole aurait établi un ordre juridique profondément décentralisé, dénommé « État des Autonomies », qui se caractériserait par une répartition des compétences entre l’administration centrale et les administrations des communautés autonomes. L’intégration des communautés autonomes dans la notion d’État serait illustrée par les experts nationaux détachés travaillant auprès de la Commission, appartenant à la fois au corps des fonctionnaires de l’administration centrale et à ceux des fonctionnaires des communautés autonomes.

20     Troisièmement, le Conseil aurait également commis une erreur de droit dans l’interprétation de la jurisprudence du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle espagnole). S’il était vrai que la Constitution espagnole prévoyait une compétence exclusive du gouvernement central dans le domaine des relations internationales, le Tribunal Constitucional aurait également affirmé dans son arrêt nº 165/1994, du 26 mai 1994 que les communautés autonomes disposeraient d’un intérêt à développer la dimension communautaire des domaines de compétences leur ayant été conférés. Partant, la répartition des compétences obligerait les communautés autonomes à suivre les activités législatives des institutions communautaires, puisqu’elles seraient, dans plusieurs cas, les autorités chargées de transposer la législation communautaire, subissant au surplus ses effets directs, ce qui justifierait la présence des bureaux de représentation des communautés autonomes auprès de l’Union européenne. Cette participation se serait concrétisée par la création de la « Conferencia para los asuntos relativos a las Comunidades Europeas (CARCE) » (conférence pour les affaires relatives aux Communautés européennes), qui aurait été instaurée dans le but d’accroître la coopération entre le gouvernement central et les communautés autonomes dans les matières communautaires. En vertu des accords adoptés dans ce cadre, les communautés autonomes participeraient notamment aux comités consultatifs présidés par la Commission, aux côtés d’un représentant de l’administration centrale. Enfin, le personnel des bureaux des communautés autonomes à Bruxelles serait assujetti au même régime d’assurance maladie et au même régime fiscal (article 19 de la convention conclue en 1970 entre le Royaume d’Espagne et le Royaume de Belgique afin d’éviter la double imposition sur les revenus, ci-après la « convention relative à la double imposition ») que le personnel de la représentation permanente du Royaume d’Espagne.

21     Le requérant soutient donc que les communautés autonomes font partie intégrante de l’État espagnol et, partant, que les services effectués par les bureaux des communautés autonomes à Bruxelles rentrent dans le champ d’application de l’exception. Ces considérations seraient, toutefois, limitées aux communautés autonomes et ne concerneraient pas les administrations occupant un rang inférieur au sein de l’organisation administrative de l’État espagnol (telles que les municipalités). En effet, le Tribunal Constitucional, lors de son appréciation du bien-fondé de l’intervention des communautés autonomes dans les domaines relevant de leurs compétences communautaires, n’aurait pas élargi le champ de ces compétences en faveur d’entités de rang inférieur aux communautés autonomes.

22     Enfin, le requérant expose que, dans le cas de la communauté autonome de la Région de Murcie, le décret nº 59 du 2 août 1996 a mis en place le bureau de la Région de Murcie (l’ORM) à Bruxelles. Ce décret prévoyait la conclusion d’un accord de collaboration entre ce bureau et l’INFO, accord qui a été conclu le 18 décembre 1998 et qui a prévu l’utilisation par le bureau de la communauté autonome, aux fins de son fonctionnement, des ressources humaines à la disposition de la délégation de l’INFO à Bruxelles. Dès lors, les prestations fournies par le requérant pour l’INFO et l’ORM devraient être considérées comme des « services effectués pour un autre État » au sens du statut, raison pour laquelle il aurait droit à l’indemnité de dépaysement.

23     Le Conseil considère que les activités professionnelles du requérant au service de l’ORM à Bruxelles ne peuvent être considérées comme des « services effectués pour un autre État », au sens de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

–       Appréciation du Tribunal

24     Selon une jurisprudence constante, la raison d’être de l’indemnité de dépaysement est de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de liens durables avant son entrée en fonctions (arrêts du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 39 ; du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865, point 48, et du 28 septembre 1999, J/Commission, T‑28/98, RecFP p. I‑A‑185 et II‑973, point 32). Pour que de tels liens durables puissent s’établir et ainsi faire perdre au fonctionnaire le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, le législateur exige que le fonctionnaire ait eu sa résidence habituelle ou ait exercé son activité professionnelle principale pendant une période de cinq ans dans le pays de son lieu d’affectation (arrêt Diamantaras/Commission, précité, point 48).

25     Il y a également lieu de rappeler qu’une exception est prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut en faveur des personnes ayant effectué des services pour un autre État ou une organisation internationale pendant la période de référence de cinq années expirant six mois avant leur entrée en fonctions. Cette exception trouve sa raison d’être dans le fait que, dans de telles conditions, ces personnes ne peuvent pas être considérées comme ayant établi des liens durables avec le pays d’affectation en raison du caractère temporaire de leur détachement dans ce pays (arrêts de la Cour du 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8, et du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83, Rec. p. 1253, point 13).

26     Le requérant est entré en fonctions au Conseil le 1er janvier 2003 et, par conséquent, la période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut est celle comprise entre le 1er juillet 1997 et le 30 juin 2002. Il est constant que, pendant cette période de référence, le requérant a exercé son activité professionnelle principale à Bruxelles, au service de l’ORM, organisme chargé de gérer les intérêts de la Région de Murcie devant les Communautés européennes.

27     La question qui se pose dans la présente espèce est de déterminer si le travail effectué par le requérant pour cet organisme à Bruxelles doit être considéré, ainsi que le prétend le requérant, comme des services effectués pour un État, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

28     Il est de jurisprudence constante qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver dans toute la Communauté une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause. En l’absence d’un renvoi exprès, l’application du droit communautaire peut toutefois impliquer, le cas échéant, une référence au droit des États membres lorsque le juge communautaire ne peut déceler dans le droit communautaire ou dans les principes généraux du droit communautaire les éléments lui permettant d’en préciser le contenu et la portée par une interprétation autonome (voir arrêt de la Cour du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11 ; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 36, du 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, points 26 et 27, confirmé par l’arrêt de la Cour du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319).

29     En l’occurrence, le droit communautaire et, notamment, le statut fournissent des indications suffisantes permettant de préciser la portée de l’article 4 de l’annexe VII du statut et, partant, d’établir une interprétation autonome de la notion d’État par rapport aux différents droits nationaux, comme les parties elles-mêmes l’ont admis dans leurs mémoires.

30     En premier lieu, la Cour a jugé qu’il ressort clairement de l’économie générale du traité que la notion d’État membre, au sens des dispositions institutionnelles, ne vise que les seules autorités gouvernementales des États membres et ne saurait être étendue aux gouvernements des régions ou des communautés autonomes, quelle que soit l’étendue des compétences qui leur sont reconnues. Admettre le contraire conduirait à porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par les traités, qui déterminent notamment les conditions dans lesquelles les États membres, c’est-à-dire les États parties aux traités institutifs et aux traités d’adhésion, participent au fonctionnement des institutions communautaires (ordonnances de la Cour du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission, C‑95/97, Rec. p. I‑1787, point 6, et du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission, C‑180/97, Rec. p. I‑5245, point 6).

31     En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, les dispositions du statut, qui ont pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et les fonctionnaires en établissant des droits et des obligations réciproques, comportent une terminologie précise dont l’extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue (arrêts de la Cour du 16 mars 1971, Bernardi/Parlement, 48/70, Rec. p. 175, points 11 et 12, et du 20 juin 1985, Klein/Commission, 123/84, Rec. p. 1907, point 23 ; arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Mammarella/Commission, T‑74/98, RecFP p. I‑A‑151 et II‑797, point 38).

32     Dans l’article 4 de l’annexe VII du statut, le législateur a choisi le terme « État » alors qu’il existait déjà, à l’époque où le statut a été adopté, des États membres à structure fédérale ou régionale, tels que la République fédérale d’Allemagne, et non uniquement des États dotés d’une structure interne de nature centralisée. Dès lors, si le législateur communautaire avait voulu introduire les subdivisions politiques ou les collectivités locales dans ledit article, il l’aurait fait expressément. Il pourrait être considéré que les auteurs du statut n’ont pas eu l’intention d’inclure les subdivisions politiques d’un État, telles que les gouvernements des régions, des communautés autonomes ou d’autres entités locales dans l’expression « services effectués pour un autre État » figurant dans le même article.

33     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la notion d’« État » prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut ne vise que l’État, en tant que personne juridique et sujet unitaire du droit international et ses organes de gouvernement. Une interprétation telle que celle proposée par le requérant pourrait conduire, ainsi que le soutient la Commission, à considérer comme des États toutes les entités publiques dotées d’une personnalité juridique propre auxquelles le gouvernement central aurait transféré des compétences internes, y inclus les municipalités ou toute entité à laquelle une administration aurait délégué des fonctions.

34     Dès lors, il y a lieu d’interpréter l’expression « services effectués pour un autre État », visée à l’article 4 de l’annexe VII du statut, comme ne se référant pas aux services fournis pour les gouvernements des subdivisions politiques des États.

35     Il découle de ce qui précède que les services que le requérant a fournis pour l’INFO et l’ORM à Bruxelles ne sauraient être considérés comme des services effectués pour un État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

36     Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant tiré de l’existence d’une notion autonome d’État en droit communautaire qui engloberait les entités décentralisées. S’il est clair que, conformément à la jurisprudence évoquée par le requérant en matière de constatation de manquement d’État, il y a lieu de considérer que les autorités d’un État auxquelles il incombe d’assurer le respect des règles du droit communautaire sont tant les autorités du pouvoir central, les autorités d’un État fédéré que les autorités territoriales ou décentralisées dudit État dans le cadre de leurs compétences respectives, il convient également de rappeler que le recours par lequel la Cour peut constater qu’un État membre a manqué à l’une des obligations lui incombant ne vise que le gouvernement de ce dernier, quand bien même le manquement résulterait de l’action ou de l’inaction des autorités d’un État fédéré, d’une région ou d’une communauté autonome (ordonnances Région wallonne/Commission, précitée, point 7, et Regione Toscana/Commission, précitée, point 7). Cette jurisprudence ne saurait donc être valablement invoquée au soutien de la thèse de l’interprétation large de la notion d’« État » prônée par le requérant.

37     De même, les arguments avancés par le requérant tirés des compétences propres des communautés autonomes dans l’ordre juridique espagnol ainsi que des termes de la décision du Tribunal Constitucional espagnol doivent être rejetés. Il est vrai que les communautés autonomes ont des compétences propres qui leur ont été attribuées conformément à la Constitution espagnole et que la décision du Tribunal Constitucional du 26 mai 1994, précitée, expose que, en vertu de ces compétences, elles ont un intérêt à suivre et à s’informer de l’activité des institutions communautaires et peuvent avoir des bureaux à Bruxelles pour ce faire. Néanmoins, il faut relever que la décision du Tribunal Constitucional règle un problème de droit interne espagnol sur la base de la Constitution espagnole et que, dans cette perspective, elle rappelle clairement que les traités constitutifs prévoient la participation des seuls États membres à l’activité communautaire et que cela exclut l’existence de relations entre des entités infraétatiques, telles que les communautés autonomes, et les institutions communautaires, susceptibles d’engager d’une façon quelconque la responsabilité de l’État espagnol. D’ailleurs, selon le Tribunal Constitucional, de telles relations ne sont pas possibles, compte tenu de la structure même de l’Union européenne. En tout état de cause, l’interprétation du droit communautaire revient, en dernier lieu, aux juridictions communautaires, en vertu de l’article 220 CE.

38     De surcroît, il convient de remarquer que les délégations des communautés autonomes espagnoles à Bruxelles ont pour mission la gestion des intérêts des administrations qu’elles représentent, intérêts qui ne coïncident pas nécessairement avec les intérêts des autres communautés autonomes et avec ceux du Royaume d’Espagne, en tant qu’État.

39     Le requérant ne saurait se prévaloir, non plus, du fait qu’il était assujetti au même régime d’assurance maladie et au même régime fiscal que le personnel travaillant à la représentation permanente du Royaume d’Espagne à Bruxelles.

40     Il y a lieu de rappeler, d’une part, que la convention relative à la double imposition, adoptée quelques années après le statut, prévoit dans son article 19, paragraphe 1, que « les rémunérations, y compris les pensions, versées par un État contractant ou par l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales […] à une personne physique au titre de services rendus à cet État ou à l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales, ne sont imposables que dans ledit État ». Cette convention distingue donc entre les services rendus à un État et les services rendus à une subdivision politique d’un État, distinction que ne fait pas l’article 4 de l’annexe VII du statut.

41     D’autre part, s’agissant du régime d’assurance maladie, les formulaires E 106 et E 111 ne font qu’attester le droit d’une personne à bénéficier de soins de santé dans un pays autre que celui où elle est normalement assurée ou a été assurée auparavant. Concernant le formulaire E 106, il y a lieu de noter, de plus, qu’il est délivré non seulement aux diplomates et aux autres membres de la représentation permanente du Royaume d’Espagne auprès de l’Union européenne, mais aussi à de nombreuses autres catégories de personnes travaillant en dehors du territoire espagnol.

42     Enfin, concernant l’argument du requérant tiré de la participation des représentants des communautés autonomes aux comités consultatifs de la Commission, il y a lieu d’observer que l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut ne peut être limitée aux seules personnes ayant fait partie du personnel d’un autre État ou d’une organisation internationale, puisqu’elle vise toutes « les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » (arrêts du Tribunal Diamantaras/Commission, précité, point 52, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489, point 49). Le bénéfice de l’exception prévue audit article 4 exige, néanmoins, que l’intéressé ait eu des liens juridiques directs avec l’État ou l’organisation internationale en cause, ce qui est conforme à l’autonomie dont jouissent les États et les institutions dans l’organisation interne de leurs services, qui les habilite à inviter des personnes tierces n’appartenant pas à leur structure hiérarchique à proposer leurs services afin d’assurer l’exécution de travaux bien précis (arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement, T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189, point 36, et du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, point 51).

43     À cet égard, il suffit de constater que le requérant a explicitement reconnu lors de l’audience qu’il n’a jamais intégré ni fait partie de la délégation espagnole participant aux réunions des organes du Conseil et de la Commission qui ont eu lieu au cours de la période de référence qui lui était applicable. Le requérant n’a pas invoqué, non plus, qu’il aurait éventuellement maintenu un quelconque lien juridique direct avec le gouvernement central de l’État espagnol permettant de considérer qu’il a effectué des services pour l’État espagnol pendant ladite période.

44     Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le requérant a fourni des services pour un État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

45     Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur d’appréciation des faits

–       Arguments des parties

46     Le requérant fait valoir que le Conseil a commis une erreur d’appréciation des faits, car sa résidence habituelle et son centre d’intérêts, pendant la période de référence prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, se trouvaient en Espagne et non en Belgique Dès lors, il remplirait les critères établis par cette disposition pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement.

47     Le requérant prétend, d’abord, que les éléments suivants démontrent sans équivoque que sa résidence habituelle était à Murcie (Espagne) pendant toute la période de référence :

–       résidence principale à Murcie, au domicile de sa famille, inscription sur les registres électoraux, exercice de ses droits d’électeur et renouvellement de son passeport à ce domicile ;

–       centre de travail fixé à Murcie, conformément au contrat de travail de droit espagnol signé avec l’INFO ayant régi sa relation professionnelle tant au service d’INFO qu’au service de l’ORM ;

–       versement de rémunérations en Espagne par l’INFO, à la charge des fonds publics inscrits au budget de la communauté autonome de la Région de Murcie ;

–       paiement d’impôts en Espagne, en tant que travailleur salarié espagnol détaché à Bruxelles, assujetti à l’article 19 de la convention relative à la double imposition ;

–       assurance maladie régie par le droit espagnol sur la base du formulaire E 106, en tant que personnel détaché à Bruxelles, conformément à la résolution du 24 mars 1998 du gouvernement espagnol.

48     Le requérant soutient, ensuite, que les affirmations du Conseil, selon lesquelles il résidait habituellement en Belgique, car il possédait une voiture, louait un appartement à Bruxelles et figurait dans l’annuaire téléphonique de cette ville, sont dénuées de pertinence. Tant les diplomates et les fonctionnaires détachés à Bruxelles en vue d’exercer leurs fonctions au sein de la représentation permanente du Royaume d’Espagne que les experts nationaux détachés en mission au sein de la Commission disposeraient d’un moyen de transport, d’un lieu d’habitation et seraient inscrits dans les annuaires téléphoniques de Bruxelles, sans que cela implique leur résidence habituelle dans cette ville. Par ailleurs, le fait d’avoir conclu un contrat initial de location de trois ans serait révélateur du caractère provisoire de sa situation à Bruxelles.

49     En outre, le requérant fait valoir que le Conseil n’a pas tenu compte, dans son évaluation, de tous les éléments de fait constitutifs de sa situation personnelle, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Lozano Palacios/Commission, T‑33/95, RecFP p. I‑A‑575 et II‑1535). D’une part, le Conseil aurait méconnu le fait qu’il recevait une série de compléments destinés à compenser sa situation provisoire et d’expatriation à Bruxelles. Le contrat signé avec l’INFO régissant la relation de travail du requérant au cours de toute la période de référence établissait, en sa première clause, que le centre de travail se trouvait à Murcie et, en sa clause additionnelle, qu’il fournissait ses services au bureau de l’INFO à Bruxelles, en percevant une « majoration pour séjour à l’étranger » pendant la durée de son séjour à Bruxelles. Si son centre de travail avait été à Bruxelles, ces compléments auraient été dépourvus de sens. D’autre part, le Conseil n’aurait pas tenu compte des responsabilités assumées par le requérant dans l’exercice de ses fonctions en tant que directeur d’un bureau relevant de l’administration d’une communauté autonome, desquelles il ressortirait que le centre de décision auquel il devait rendre des comptes était situé à Murcie et que sa présence à Bruxelles n’était qu’une exigence répondant aux particularités des fonctions qu’il exerçait pour cette administration. Enfin, le Conseil n’aurait pas établi que le requérant avait l’intention de fixer son centre d’intérêts à Bruxelles ou de lui conférer un caractère stable.

50     Le Conseil considère que le grief doit être rejeté comme non fondé, car les faits de l’affaire montrent clairement que le requérant a, de manière habituelle, habité et exercé ses activités professionnelles principales à Bruxelles depuis le mois de décembre 1991 et pendant toute la période de référence prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, sans que les éléments invoqués par celui-ci soient de nature à démontrer le contraire.

–       Appréciation du Tribunal

51     L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut dispose que l’indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire dudit État.

52     En vue de déterminer de telles situations, la jurisprudence a affirmé que l’article 4 de l’annexe VII du statut doit être interprété comme retenant pour critère primordial, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle du fonctionnaire, antérieurement à son entrée en fonctions. En outre, la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d’intégration dans son nouveau milieu, lequel peut être établi, par exemple, par sa résidence habituelle ou par l’exercice antérieur d’une activité professionnelle principale (arrêt De Angelis/Commission, précité, point 13 ; arrêt du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, Rec. p. II‑1655, point 42; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 8).

53     La résidence habituelle est le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Aux fins de la détermination de la résidence habituelle, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 22 ; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T‑63/91, Rec. p. II‑2095, point 17, et du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec. p. II‑971, point 27).

54     Il y a lieu de rappeler que la période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII se situe entre le 1er juillet 1997 et le 30 juin 2002, le requérant étant entré en fonctions six mois après cette dernière date, soit le 1er janvier 2003.

55     Il y a donc lieu de déterminer, dans la présente affaire, si la résidence habituelle du requérant pendant la période de référence se trouvait à Bruxelles ou, comme le prétend le requérant, à Murcie.

56     Il convient, tout d’abord, de relever que le requérant, tout en prétendant que son centre d’intérêts a toujours été en Espagne, ne nie pas qu’il a résidé et exercé son activité professionnelle à Bruxelles entre les mois de décembre 1991 et de décembre 2002. Ainsi, le requérant a affirmé, dans sa réclamation et dans sa requête, qu’il avait travaillé pour le bureau de l’INFO à Bruxelles entre les mois de décembre 1991 et de juillet 1996 et qu’il avait, par la suite, fourni ses services pour l’ORM à Bruxelles entre les mois d’août 1996 et de décembre 2002. De même, il a indiqué dans sa requête que, pendant l’exécution de ces tâches, il résidait, pour des raisons professionnelles, à Bruxelles.

57     Il importe d’observer, ensuite, que, contrairement aux affirmations du requérant relatives au caractère précaire et provisoire de sa résidence à Bruxelles, il découle du dossier qu’il a habité de manière stable et habituelle à Bruxelles, où il avait son centre d’intérêts, à partir du mois de novembre 1993.

58     En effet, le questionnaire d’entrée en service du requérant au Conseil du 7 janvier 2003 indique qu’il travaillait et résidait de manière continue à Bruxelles, du mois de janvier 1992 au mois de décembre 2002. Le certificat délivré par le secrétaire général de l’INFO, en date du 2 janvier 2003, expose que le contrat de travail conclu par le requérant avec l’INFO le 5 novembre 1993 et ayant régi sa relation professionnelle avec l’INFO et l’ORM jusqu’en décembre 2002 était un contrat à durée indéterminée, à la différence du contrat de boursier ayant régi ladite relation de travail entre les mois de décembre 1991 et d’octobre 1993. Le contrat de travail du 5 novembre 1993 prévoyait que, en dépit de la localisation de son centre de travail à Murcie, le requérant fournissait ses services à Bruxelles, en percevant diverses primes de dépaysement à cet effet. Ainsi, le requérant a indiqué explicitement dans sa requête, qu’il percevait une indemnité mensuelle de logement et une indemnité mensuelle de séjour à l’étranger. Or, ces primes de dépaysement ou d’expatriation sont octroyées afin de compenser les difficultés qu’implique nécessairement le fait de vivre et de travailler dans un pays autre que le sien ainsi que, dans certains pays, le coût plus élevé de la vie. 

59     De plus, il y a lieu de remarquer que le certificat de résidence délivré par l’officier de l’état civil de la commune d’Ixelles de Bruxelles en date du 24 octobre 2002 atteste que le requérant est inscrit comme résident sur les registres de la population de la commune d’Etterbeek de Bruxelles depuis le 5 juillet 1993.

60     Dès lors, s’il peut raisonnablement être admis que, avant le mois de juillet 1993, la résidence du requérant à Bruxelles pouvait être provisoire en raison du caractère précaire de sa situation professionnelle, il n’en reste pas moins qu’à partir du mois de novembre 1993, sa résidence à Bruxelles n’était plus provisoire, puisque la signature d’un contrat à durée indéterminée et son inscription en tant que résident à Bruxelles révèlent sa volonté et son intention de fixer le centre stable et permanent de sa résidence et de ses intérêts à Bruxelles.

61     Par ailleurs, les arguments tirés du niveau de responsabilité assumé par le requérant dans l’exercice de ses fonctions et de la localisation à Murcie du centre de décision, auquel il devait rendre des comptes, ne sont pas de nature à prouver le contraire. Il suffit de constater que le requérant n’a même pas produit d’éléments susceptibles de démontrer que, en raison de ses activités professionnelles, il se déplaçait régulièrement entre Bruxelles et Murcie.

62     De même, les éléments avancés par le requérant en vue de démontrer que le centre de ses intérêts se trouvait encore en Espagne ne sont pas, non plus, de nature à remettre en cause la conclusion énoncée au point 60 ci-dessus. Le fait de disposer d’un certificat de résidence ou de domiciliation communale à Murcie, d’être inscrit sur les registres et les listes électorales de cette ville, d’y exercer des droits politiques et d’y être domicilié fiscalement ne permettent pas d’établir que le centre permanent de ses intérêts se situait encore en Espagne (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, précité, point 30, et du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, RecFP p. I‑A‑191 et II‑867, point 57). En outre, l’accès aux soins de santé en Belgique moyennant leformulaire E 106, ainsi que le versement des rémunérations et le paiement d’impôts en Espagne en application de l’article 19 de la convention relative à la double imposition, loin de démontrer que son centre d’intérêts était situé en Espagne pendant la période de référence, prouvent précisément qu’il s’était déplacé pour une longue période en dehors du territoire espagnol et, partant, qu’il résidait et travaillait, de manière habituelle, dans un autre pays, en l’occurrence, la Belgique.

63     Eu égard à ce qui précède, il y a donc lieu de constater que depuis le mois de novembre 1993 et pendant toute la période de référence le requérant a, de façon habituelle, habité et exercé son activité professionnelle principale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, à Bruxelles.

64     Il s’ensuit que le Conseil n’a commis aucune erreur d’appréciation des faits concernant la situation personnelle du requérant, et a correctement conclu qu’il n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement.

65     Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement

–       Arguments des parties

66     Le requérant soutient qu’il fait l’objet d’une discrimination par rapport à d’autres fonctionnaires qui ont travaillé, pendant la période de référence, auprès de délégations de représentation de régions d’autres États membres à Bruxelles. Le requérant cite le cas de M. W. qui avait travaillé au bureau d’un Land allemand et à qui la Commission avait accordé l’indemnité de dépaysement au motif que, selon les informations fournies par celui-ci, l’exception des « services effectués pour un autre État » englobait le personnel des représentations des régions des États membres à Bruxelles. Le requérant produit une déclaration de M. W., dans laquelle ce dernier expose la position de la Commission concernant les fonctionnaires régionaux au moment de son entrée en service.

67     Le requérant s’interroge sur les dossiers d’autres fonctionnaires qui avaient travaillé, avant leur entrée en service, pour des régions d’autres États membres à Bruxelles. Le requérant invite le Conseil et la Commission à présenter une liste des personnes se trouvant dans une telle situation et à exposer la politique appliquée à leur égard.

68     Le Conseil estime que le moyen doit être rejeté comme non fondé. La présente affaire constituerait un précédent, puisque aucun de ses fonctionnaires n’aurait jamais été employé par une délégation régionale préalablement à son entrée en fonctions. En outre, les affaires actuellement pendantes devant le Tribunal relatives au refus d’octroyer l’indemnité de dépaysement, témoigneraient de la cohérence de sa position par rapport à celle de la Commission sur ce point.

–       Appréciation du Tribunal

69     Il est de jurisprudence constante que le principe général d’égalité de traitement est un principe fondamental du droit communautaire. Ce principe veut que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7 ; du 8 octobre 1980, Überschär, 810/79, Rec. p. 2747, point 16, et du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, point 7 ; arrêt du Tribunal du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T‑48/89, Rec. p. II‑493, point 34). Ainsi, il y a violation du principe d’égalité lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50, et du 16 avril 1997, Kuchlenz-Winter/Commission, T‑66/95, Rec. p. II‑637, point 55).

70     Le Tribunal rappelle que les mesures adoptées par une institution ou un organisme communautaire en faveur d’un groupe de personnes déterminé constituent, en l’absence de toute obligation juridique résultant du statut, des mesures qui ne sauraient être invoquées à l’appui d’un moyen tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement à l’égard d’une autre institution (arrêt de la Cour du 18 janvier 1990, Maurissen et Union syndicale/Cour de comptes, C‑193/87 et C‑194/87, Rec. p. I‑95, points 26 et 27, et arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Lutz Herrera/Commission, T‑219/02 et T‑337/02, non encore publié au Recueil, point 110). Le requérant ne peut donc valablement invoquer à l’encontre du Conseil le prétendu comportement de la Commission à propos de M. W. au soutien de son allégation de violation du principe d’égalité de traitement.

71     En tout état de cause, il y a lieu d’observer que le requérant se limite à invoquer le cas de M. W. sans étayer l’existence d’une prétendue violation du principe d’égalité de traitement à son égard. Or, il ressort de la déclaration de M. W. du 22 octobre 2003, que le bénéfice de l’indemnité de dépaysement lui a été octroyé du fait qu’il n’avait pas résidé à Bruxelles pendant la totalité de la période de référence qui lui était applicable. Il a également explicitement indiqué dans ladite déclaration que la question de l’octroi de l’indemnité au personnel des représentations des Länder « ne s’était pas posée dans [son] cas personnel, puisque [son] entrée à la Commission avait [eu] lieu après 4 ans et 11 mois [de travail pour le Land], juste avant l’échéance des 5 ans ».

72     En outre, il y a lieu de rappeler que le Conseil a clairement affirmé, en cours d’instance, qu’aucun de ses fonctionnaires n’avait jamais travaillé pour des représentations de régions d’États membres à Bruxelles, de manière préalable à leur entrée en fonctions au Conseil, motif pour lequel il ne connaissait pas de précédents en la matière. Or, le requérant n’a nullement contesté ni réagi, pendant la phase écrite et orale de la présente procédure, à cette affirmation du Conseil, en apportant des précisions supplémentaires afin d’étayer la prétendue inégalité de traitement invoquée.

73     Dans ces circonstances, et sans qu’il soit nécessaire de demander à la Commission la production du dossier personnel de M. W. ni d’inviter le Conseil et la Commission à présenter une liste des personnes ayant travaillé, avant leur entrée en service, pour des régions d’autres États membres à Bruxelles et à exposer la politique appliquée à leur égard, il y a lieu de constater qu’aucune violation du principe d’égalité de traitement n’a été établie. 

74     Le moyen tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement ne peut donc être accueilli. 

 Sur les indemnités associées à l’indemnité de dépaysement

75     Le requérant demande l’application de la jurisprudence, en vertu de laquelle l’indemnité journalière et l’indemnité d’installation lui sont automatiquement dues en cas de reconnaissance de son droit à l’indemnité de dépaysement (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Commission/Lozano Palacios, C‑62/97 P, Rec. p. I-3273).

76     Le Tribunal ayant constaté que le requérant n’a pas le droit de percevoir l’indemnité de dépaysement, il y a lieu de rejeter cette demande.

77     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme non fondé dans son intégralité.

 Sur les dépens

78     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.




Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2005.


Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

 

      R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’espagnol.