Language of document : ECLI:EU:T:2016:113

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 février 2016 (*)

« Concurrence – Ententes – Services de transit aérien international – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Surtaxes et mécanismes de tarification ayant une incidence sur le prix final – Affectation du commerce entre États membres – Erreurs d’appréciation – Durée de l’infraction – Montant de l’amende – Paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Valeur des ventes – Circonstances atténuantes – Proportionnalité – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑254/12,

Kühne + Nagel International AG, établie à Feusisberg (Suisse),

Kühne + Nagel Management AG, établie à Feusisberg,

Kühne + Nagel Ltd, établie à Uxbridge (Royaume-Uni),

Kühne + Nagel Ltd, établie à Shanghai (Chine),

Kühne + Nagel Ltd, établie à Hong Kong (Chine),

représentées par Mes U. Denzel, C. Klöppner et C. von Köckritz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. C. Hödlmayr, N. von Lingen et G. Meessen, puis par MM. Hödlmayr, Meessen et A. Dawes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 1959 final de la Commission, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit), dans la mesure où elle concerne les requérantes, et, à titre subsidiaire, une demande de réformation des amendes qui leur ont été imposées dans le cadre de celle-ci,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents et décision attaquée

1        Par la décision C (2012) 1959 final, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que des sociétés actives dans le secteur des services de transit international aérien, dont les requérantes, Kühne + Nagel International AG (ci-après « KN International »), Kühne + Nagel Management AG (ci-après « KN Management »), Kühne + Nagel Ltd (Royaume-Uni) [ci-après « KN (UK) »], Kühne + Nagel Ltd (Shanghai) [ci-après « KN (Shanghai) »] et Kühne + Nagel Ltd (Hong Kong) [ci-après « KN (Hong Kong) »], avaient, au cours de périodes comprises entre 2002 et 2007, participé à divers accords et pratiques concertées dans le secteur des services de transit international aérien, donnant lieu à quatre infractions distinctes à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

2        Comme cela est décrit aux considérants 33 à 36 de la décision attaquée, la société de portefeuille suisse KN International, cotée en bourse, est la société faîtière d’un groupe de sociétés (ci-après le « groupe KN ») déployant des activités de transit et de logistique dans le monde entier. Le principal actionnaire du groupe KN est Kühne Holding AG, détenue à 100 % par K. Kühne. Les parts restantes de KN International sont des actions flottantes et des actions non émises. Le groupe KN [y compris ses filiales opérationnelles KN (UK), KN (Shanghai) et KN (Hong Kong)] possède des sites et des bureaux dans plus de 100 pays. Ses divisions principales sont la logistique maritime et aérienne, la logistique contractuelle et la logistique ferroviaire et routière. Ses autres activités sont le courtage d’assurances et l’immobilier. Le personnel du groupe KN est employé par KN Management, qui fournit des services de gestion dans les secteurs financier, juridique, immobilier et opérationnel pour le groupe KN.

3        La présente affaire concerne les quatre infractions mentionnées au point 1 ci-dessus, à savoir l’entente relative au nouveau système d’exportation (ci-après le « NES »), l’entente relative au facteur d’ajustement monétaire (ci-après le « CAF »), l’entente relative au système de manifeste préalable (ci-après l’« AMS ») et l’entente relative à la surtaxe de haute saison (ci-après la « PSS »).

4        Les ententes mentionnées au point 3 ci-dessus concernent le marché des services de transit international par avion. Selon la description que la Commission a donnée de ce secteur aux considérants 3 à 71 de la décision attaquée, les services de transit de marchandises peuvent être définis comme l’organisation du transport de biens, ce qui peut aussi inclure des activités comme le dédouanement, le stockage ou des services d’assistance au sol, au nom des clients selon leurs besoins. Les services de transit sont segmentés entre services de transit intérieur et de transit international et entre services de transit aérien, de transit terrestre et de transit maritime (considérant 3 de la décision attaquée).

5        Les constatations de la Commission sur les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS peuvent être résumées comme suit :

–        l’entente relative au NES, qui est décrite aux considérants 92 à 114 de la décision attaquée, concerne un système de prédédouanement pour les exportations du Royaume-Uni vers les pays extérieurs à l’EEE, lancé par les autorités de ce pays en 2002 ; au cours d’une réunion, un groupe de transitaires est convenu d’introduire une surtaxe pour les déclarations NES, s’est mis d’accord sur les niveaux de la surtaxe et sur le calendrier de son application ; à la suite de cette réunion, les participants à l’entente ont échangé plusieurs courriels afin de suivre la mise en œuvre de l’accord sur le marché ; les contacts anticoncurrentiels ont duré du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 ;

–        l’entente relative à l’AMS, qui est décrite aux considérants 131 à 163 de la décision attaquée, concerne une surtaxe AMS dont l’introduction par les transitaires pour leurs clients et la mise en œuvre ont fait l’objet d’une coordination à partir du début de l’année 2003, à la suite des modifications importantes apportées à l’AMS par le US Bureau of Customs and Border protection (Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis d’Amérique) après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ; plusieurs transitaires internationaux se sont accordés au moins à partir du 19 mars 2003 et jusqu’au 19 août 2004 pour fixer une surtaxe à un niveau leur permettant de couvrir au moins les coûts liés à l’AMS ; les discussions entre les entreprises participant à l’entente et le contrôle de sa mise en œuvre survenaient notamment dans le cadre de l’association Freight Forward International (dénommée Freight Forward Europe avant le 1er janvier 2004, ci-après l’« association FFI ») ;

–        l’entente relative au CAF, qui est décrite aux considérants 213 à 263 de la décision attaquée, visait à trouver un accord sur une stratégie tarifaire commune permettant de faire face au risque d’une diminution des bénéfices résultant de l’appréciation de la monnaie chinoise, le yuan renminbi (RMB), par rapport au dollar des États-Unis (USD), à la suite de la décision de la Banque populaire de Chine en 2005 de ne plus rattacher le yuan renminbi au dollar des États-Unis ; plusieurs transitaires internationaux ont décidé de convertir tous les contrats avec leurs clients en RMB et, si c’était impossible, d’introduire une surtaxe (CAF) et de fixer son montant ; les discussions se sont déroulées en Chine entre le 27 juillet 2005 et le 13 mars 2006 ;

–        l’entente relative à la PSS, qui est décrite aux considérants 300 à 342 de la décision attaquée, concernait un accord entre plusieurs transitaires internationaux entre août 2005 et mai 2007 portant sur l’application d’un coefficient d’ajustement temporaire des prix ; ce coefficient a été imposé en réaction à l’augmentation de la demande dans le secteur du transit aérien en certaines périodes qui entraînait une pénurie de capacités de transport et une augmentation des tarifs de transport, comme pendant la période de Noël ; il visait à protéger les marges des transitaires.

6        Il ressort du considérant 72 de la décision attaquée que la Commission a commencé son enquête à la suite de la demande d’immunité présentée par Deutsche Post AG et d’autres sociétés du même groupe (ci-après le « groupe DP ») au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »). Le groupe DP a complété sa demande d’immunité par des déclarations et des preuves documentaires.

7        La Commission a procédé à des inspections surprises entre le 10 et le 12 octobre 2007.

8        Le 5 février 2010, la Commission a adressé une communication des griefs aux requérantes, à laquelle elles ont répondu (considérants 87 et 89 de la décision attaquée).

9        Entre le 6 et le 9 juillet 2010, la Commission a organisé une audition à laquelle les requérantes ont participé (considérant 89 de la décision attaquée).

10      Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a considéré que les requérantes avaient pris part aux infractions relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS.

11      À l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente relative au NES, KN (UK) et KN International avaient enfreint l’article 101, paragraphe l, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait l’ensemble du territoire de l’EEE et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende d’un montant de 5 320 000 euros est imposée solidairement à KN (UK) et à KN International.

12      À l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente relative à l’AMS, KN Management et KN International avaient enfreint l’article 101, paragraphe l, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant du 8 avril 2003 au 19 août 2004 à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait l’ensemble du territoire de l’EEE et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 2, sous e), de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende d’un montant de 36 686 000 euros est imposée solidairement à KN Management et à KN International.

13      À l’article 1er, paragraphe 3, sous g), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente relative au CAF, KN (Shanghai) et KN International avaient enfreint l’article 101, paragraphe l, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant du 27 juillet 2005 au 13 mars 2006 à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait l’ensemble du territoire de l’EEE et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 3, sous g), de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende d’un montant de 451 000 euros est imposée solidairement à KN (Shanghai) et à KN International.

14      À l’article 1er, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente relative au PSS, KN (Hong Kong) et KN International avaient enfreint l’article 101, paragraphe l, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant du 9 août 2005 au 21 mai 2007 à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait l’ensemble du territoire de l’EEE et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 4, sous f), de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende d’un montant de 11 217 000 euros est imposée solidairement à KN (Hong Kong) et à KN International.

15      Il ressort du considérant 856 de la décision attaquée que le montant des amendes infligées a été calculé sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

17      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, le 24 septembre 2014, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a invité les requérantes à répondre à des questions et a invité la Commission à produire un document. Les requérantes ont répondu aux questions dans le délai imparti, mais la Commission n’a pas déféré à la demande de production d’un document.

18      Dans leur réponses aux questions écrites, les requérantes ont formulé la demande visant à faire entendre un témoin. La Commission, invitée à faire part de ses observations sur certaines réponses des requérantes aux questions écrites ainsi que sur cette demande, a déposé lesdites observations dans le délai imparti.

19      Par ordonnance du 14 octobre 2014, adoptée en vertu, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 65, sous b), et de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal (neuvième chambre) a ordonné que la Commission produise une déclaration effectuée par l’une des entreprises concernées dans le cadre de la procédure administrative. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti. Ce document pouvait être consulté par les avocats des requérantes au greffe du Tribunal avant l’audience.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 5 novembre 2014.

21      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er, 2 et 3 de la décision attaquée dans la mesure où ils les concernent ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées à l’article 2 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens de l’instance.

 En droit

23      La demande en annulation est fondée sur quatre groupes de moyens, qui se rapportent aux quatre infractions imputées aux requérantes dans la décision attaquée. Le premier groupe de moyens vise l’entente concernant le NES. Par le premier moyen, les requérantes avancent, en substance, que l’accord concernant le NES n’était pas susceptible d’affecter le commerce entre États membres. Selon le deuxième moyen, en substance, la Commission n’était pas compétente pour sanctionner les violations à l’article 101, paragraphe 1, TFUE dans le domaine du transport aérien. Il vise, notamment, l’interprétation retenue par la Commission de l’article 1er du règlement n° 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement n° 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751). Le troisième moyen est tiré d’une appréciation incorrecte et entachée d’erreurs de droit quant à la durée de l’infraction. Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes soutiennent que l’amende qui leur a été infligée est illégale, car entachée d’une erreur d’appréciation concernant, d’une part, la détermination incorrecte de la valeur des ventes liées à l’infraction et, d’autre part, la prise en compte insuffisante des circonstances atténuantes. Le cinquième moyen est tiré, en substance, du caractère disproportionné du montant de l’amende. Le sixième moyen est tiré, en substance, d’une violation des droits de la défense des requérantes. Il vise, notamment, la question de leur accès au dossier d’instruction dans l’affaire COMP/39.258 – Fret aérien (ci-après l’« affaire du fret aérien »).

24      Le deuxième groupe de moyens vise l’entente concernant l’AMS. Le septième moyen est tiré, en substance, de l’absence d’affectation du commerce entre États membres. Le huitième moyen est tiré, en substance, du défaut de compétence de la Commission pour sanctionner les violations à l’article 101, paragraphe 1, TFUE dans le domaine du transport aérien. Le neuvième moyen est tiré, en substance, d’une erreur de droit résultant d’un calcul incorrect de la durée de l’infraction. Le dixième moyen est tiré, en substance, d’erreurs d’appréciation affectant le calcul du montant de l’amende. Le onzième moyen est tiré, en substance, du caractère disproportionné du montant de l’amende. Le douzième moyen est tiré, en substance, d’une violation des droits de la défense des requérantes.

25      Le troisième groupe de moyens vise l’entente concernant le CAF. Selon le treizième moyen, l’amende infligée est illégale, car elle est entachée d’une erreur d’appréciation. Le quatorzième moyen est tiré, en substance, du caractère disproportionné du montant de l’amende. Le quinzième moyen est tiré, en substance, d’une violation des droits de la défense des requérantes.

26      Le quatrième groupe de moyens vise l’entente concernant la PSS. Selon le seizième moyen, l’amende infligée est illégale, car elle est entachée d’une erreur d’appréciation. Le dix-septième moyen est tiré, en substance, du caractère disproportionné du montant de l’amende. Le dix-huitième moyen est tiré, en substance, d’une violation des droits de la défense des requérantes.

27      Plusieurs de ces moyens concernent des problématiques identiques ou similaires. Le Tribunal estime donc opportun de les analyser de manière conjointe.

28      Dès lors, il convient d’examiner, en premier lieu, les moyens concernant l’affectation du commerce entre États membres, soulevés dans le cadre des ententes sur le NES et l’AMS. Seront examinés, en deuxième lieu, les moyens visant la compétence de la Commission pour sanctionner les ententes relatives au NES et à l’AMS. En troisième lieu, seront examinés les moyens concernant l’établissement de la durée des infractions visées à l’égard des requérantes, soulevés au sujet des infractions relatives au NES et à l’AMS. Il convient d’examiner ensemble, en quatrième lieu, les erreurs d’appréciation ayant affecté le calcul du montant des amendes dans le cadre des ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS ainsi que le caractère prétendument disproportionné du montant desdites amendes. Enfin, en cinquième lieu, seront examinés les moyens concernant la violation des droits de la défense des requérantes, également soulevés à l’égard des quatre ententes.

29      Les requérantes demandent également au Tribunal de faire usage de sa compétence de pleine juridiction.

30      Dans ce contexte, il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union européenne par l’article 31 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrences prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), conformément à l’article 261 TFUE.

31      Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée. Lorsque les considérations sur lesquelles la Commission s’est fondée pour fixer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée sont entachées d’une illégalité, mais que leur montant final doit être considéré comme approprié, la compétence de pleine juridiction habilite le juge à maintenir le montant de l’amende.

32      Il appartient dès lors au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date à laquelle il adopte sa décision, si les requérantes se sont vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité et la durée de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, Rec, EU:T:2012:478, point 117 et jurisprudence citée).

33      Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, Rec, EU:C:2011:816, point 131).

34      Enfin, le Tribunal estime utile d’examiner d’abord certains griefs des requérantes qui visent, en substance, la description du secteur que la Commission a retenue ainsi que son analyse quant aux services visés par les ententes en cause car, comme elles l’indiquent dans la partie introductive de leur recours, il s’agit de questions transversales qui affectent plusieurs moyens.

 Sur la question liminaire de la description du secteur et des services visés par les ententes en cause

35      Les requérantes remettent en cause, dans la partie introductive de la requête ainsi que, de manière implicite, dans le cadre des moyens visant l’affectation du commerce entre États membres et l’application de l’article 1er du règlement n° 141 et, de manière explicite, dans le cadre des moyens visant le calcul de la valeur des ventes, la description du secteur que la Commission a retenue dans la décision attaquée et dont elle a déduit que les ententes en cause ne visaient pas la prestation de services individuels, mais les services de transit en tant que lot de services.

36      À cet égard, notamment aux considérants 3 à 6, 64 à 66, 614, 621, 867 à 872 et 877 à 879 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, d’un point de vue économique, les transitaires transformaient les services de transport et d’autres intrants dans les services de transit, qui répondaient à une demande spécifique de leurs clients. Cette demande ne serait pas satisfaite par les services individuels dont les services de transit sont constitués. Les transitaires offriraient un lot de services à leurs clients qui leur permettrait d’expédier facilement des marchandises, sans devoir s’occuper des détails de l’organisation du transport. Ces services engloberaient les services de transport aérien, mais pourraient également englober des services d’entrepôt, de manutention de fret, de logistique ou de transport terrestre et des démarches douanières et fiscales. Dans l’hypothèse où les chargeurs seraient obligés d’acquérir eux-mêmes les services individuels nécessaires pour garantir que la marchandise arrive à bon port, d’une part, il leur incomberait de coordonner les différentes opérations à leur propre risque et, d’autre part, ils ne pourraient pas profiter des économies d’échelle que les transitaires seraient capables d’atteindre par la consolidation des marchandises de leurs différents clients. En revanche, les transitaires préfinanceraient ou achèteraient les services de tiers qui seraient nécessaires pour la fourniture des services de transit en gros et à l’avance et seraient en mesure, en regroupant par consolidation les marchandises de leurs propres clients en des cargaisons de poids et de dimension optimaux, d’exploiter des économies d’échelle et d’utiliser plus efficacement ces capacités que n’aurait pu le faire un de leurs clients s’il avait tenté d’acheter directement des services de transport aérien ou des services annexes auprès d’un transporteur aérien, d’une société d’assistance en escale ou d’entreposage. Pour les clients des transitaires, les services de transit auraient donc une valeur plus élevée que celle de leurs intrants considérés individuellement.

37      Par ailleurs, notamment aux considérants 129, 130, 209 à 212, 572, 621, 645, 868, 869 et 872 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, même si, par les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS, les transitaires ne se sont mis d’accord que sur les surtaxes NES, AMS, CAF et PSS, ces ententes visaient les services de transit. Dans ce contexte, premièrement, elle s’est fondée sur la considération selon laquelle ces surtaxes faisaient partie du prix total que les clients devaient payer pour la fourniture des services de transit. Deuxièmement, elle a relevé, s’agissant des ententes relatives au NES et à l’AMS, que les transitaires ayant participé à cette entente n’étaient pas de simples fournisseurs de services liés à la déclaration NES ou au dépôt AMS, n’ont pas considéré les tiers proposant de tels services individuels liés à la déclaration NES ou au dépôt AMS comme des concurrents réels ou potentiels et n’ont pas cherché à impliquer de tels fournisseurs dans les ententes relatives au NES et à l’AMS. Troisièmement, elle a retenu qu’il ressortait des éléments de preuve dont elle disposait que la décision d’un transitaire de ne pas répercuter des facteurs de risques et de coûts sur ses clients sous forme d’une surtaxe était susceptible de lui conférer un avantage concurrentiel sur le marché des services de transit en tant que lot de services. Le marché des services de transit étant caractérisé par de faibles marges, une légère hausse de prix ou l’imposition ou non d’une surtaxe pourrait jouer un rôle décisif pour la perte ou non par les transitaires de leurs clients, le maintien ou non de leur base de clients ou le gain ou non de nouvelles opportunités commerciales au détriment de leurs concurrents.

38      Les requérantes considèrent que cette analyse est erronée.

39      En premier lieu, elles relèvent que les transitaires se sont uniquement concertés sur des majorations qui permettaient de les rémunérer au titre de services additionnels fournis aux clients en plus de la prestation principale liée au service de transport de marchandises. Ces majorations seraient distinctes et indépendantes du prix de la prestation principale. Sur le plan interne, elles seraient calculées de manière autonome et, sur le plan externe, elles seraient présentées séparément et comptabilisées dans un poste spécifique de la facture. Il n’existerait aucun lien direct ou indirect entre le service de transport de marchandises et les ententes en cause concernant le montant des majorations facturées. Par ailleurs, les recettes générées par les majorations seraient faibles.

40      S’agissant de la facturation, les requérantes précisent également que les surtaxes en cause constituent des postes comptables spécifiques qui doivent être distingués du principal service fourni par les transitaires, à savoir la médiation du transport de marchandises, et qui représentent des services autonomes et additionnels par rapport au transport de marchandises en tant que tel. Selon elles, il ne serait pas contesté que les majorations (PSS) et honoraires (NES, AMS et CAF) qui ont motivé les amendes infligées par la Commission pour les différentes ententes ont été enregistrés de manière séparée en interne et facturés de manière séparée en externe, de sorte qu’il n’existerait aucune confusion avec les postes comptables correspondant au fret aérien.

41      À cet égard, il y a lieu de relever que les spécificités du mode de facturation des services ou des majorations qui ont été directement visés par les ententes ne remettent pas en cause la description du secteur sur laquelle la Commission s’est fondée, selon laquelle, en raison des avantages que constituent les services de transit en tant que lot de services, il existe une demande pour ceux-ci qui doit être distinguée de la demande pour les services individuels, que ce soit le service de transport en tant que tel ou un autre service, comme l’opération de dédouanement. Comme la Commission le relève au considérant 868 de la décision attaquée, la décomposition du prix final en plusieurs rubriques n’est qu’un moyen parmi d’autres de présenter le prix au client, les transitaires pouvant tout aussi bien décider d’inclure toutes les surtaxes appliquées dans le prix global des services de transit. La Commission n’a donc pas commis d’erreur en retenant que la manière dont le prix des services de transit était présenté aux clients constituait un aspect purement formel qui n’avait aucune importance économique ou juridique dans le cas d’espèce.

42      Par ailleurs, la Commission a également pu considérer que les ententes concernant les différentes surtaxes ont visé une augmentation du prix global des services de transit. À cet égard, la faible valeur économique des recettes générées par les surtaxes spécifiques n’est pas déterminante. Cela ressort notamment des deux courriers électroniques émanant d’un autre participant aux ententes, le groupe DP, relatifs à la surtaxe convenue pour le service NES, que la Commission invoque au considérant 869 de la décision attaquée. En effet, de ces courriers électroniques peuvent être déduites des craintes en ce qui concerne l’effet qu’un éventuel non-respect de l’entente par certains concurrents pourrait avoir sur les clients et, donc, sur les revenus générés sur le marché de transit dans sa globalité.

43      En outre, les preuves citées par la Commission au considérant 869 de la décision attaquée soutiennent son analyse selon laquelle le marché des services de transit est caractérisé par de faibles marges, de sorte qu’une légère hausse de prix ou l’imposition ou non d’une surtaxe peut avoir une incidence directe quant à la viabilité du commerce et peut jouer un rôle décisif pour la perte ou non par les transitaires de leurs clients, le maintien ou non de leur base de clients ou le gain ou non de nouvelles opportunités commerciales au détriment de leurs concurrents.

44      En deuxième lieu, selon les requérantes, la Commission observe dans la décision attaquée à juste titre à plusieurs reprises que les transitaires jouent globalement un rôle d’intermédiaire entre les compagnies aériennes et les clients. Selon elles, le chiffre d’affaires des transitaires est essentiellement constitué des sommes que les compagnies aériennes facturent aux transitaires en contrepartie du transport des marchandises, et que les transporteurs répercutent sur le client. Sur le plan économique, les transitaires joueraient à cet égard simplement un rôle d’intermédiaire et répercuteraient les frais de transport à la manière d’un courtier. Elles contestent l’analyse de la Commission selon laquelle les services et les frais de transport représentent une partie importante de l’activité globale de transit et selon laquelle il ne serait pas possible de distinguer les frais de transport des autres services.

45      À cet égard, force est de relever que la Commission reconnaît, au considérant 65 de la décision attaquée, que les transitaires servent d’intermédiaires entre le transporteur et l’expéditeur et qu’ils peuvent adopter une multitude de modèles d’entreprise.

46      Ces éléments n’affectent toutefois pas l’analyse selon laquelle il existe une demande spécifique pour les services de transit en tant que lot de services. Comme cela a été indiqué notamment au considérant 867 de la décision attaquée, les clients ne s’adressent pas aux transitaires dans l’intention d’obtenir des services distincts, mais bien une offre complète. De toute évidence, ce type d’offre permet au client de gagner du temps et de l’argent, en lui évitant de devoir solliciter les différents services auprès de prestataires différents.

47      En outre, les requérantes ne contredisent pas le fait, relevé au considérant 65 de la décision attaquée, que les acteurs internationaux majeurs sur le marché du transit, dont elles font incontestablement partie, offrent des services de transit intégrés pour l’organisation de toute la chaîne de transport.

48      L’argumentation des requérantes ne remet donc pas en cause l’analyse de la Commission selon laquelle le rôle des transitaires actifs sur le marché des services de transit international par avion à l’égard de leur clientèle internationale va au-delà du rôle d’un simple intermédiaire et consiste à offrir une réelle valeur ajoutée par le biais de la gestion de tous les volets du processus de transport.

49      En troisième lieu, s’agissant plus spécifiquement des services relatifs au NES, les requérantes précisent que le fait qu’ils correspondent à un marché autonome est également démontré par la circonstance que lesdits services ne sont pas uniquement proposés par des sociétés de transit, mais également par des agents de déclaration douanière ou des courtiers. Les clients pourraient donc choisir de confier la prestation de ce service à la société de transit ou à une autre entreprise, voire prendre en charge ces formalités eux-mêmes. De même, s’agissant des services relatifs à l’AMS, les requérantes insistent sur le fait qu’elles proposent ce service indépendamment de la prestation principale liée à la médiation du transport de marchandises.

50      À cet égard, force est de relever que l’existence de certains entreprises mineures qui se spécialisent uniquement dans un certain type de service est reconnue par la Commission, notamment aux considérants 5, 65 et 872 de la décision attaquée. Cependant, l’existence de ces tiers indépendants ne remet pas en cause son analyse tirée de l’existence d’une offre et d’une demande spécifique de services de transit consolidés sur le marché des services de transit international par avion. En effet, en tant que lot de services, lesdits services de transit répondent à une demande spécifique de clients du point de vue desquels, économiquement, les services individuels dont ils sont composés ne leurs sont pas substituables. Par ailleurs, le fait que des tiers non transitaires offrent des services de déclaration NES ou de dépôt AMS, voire qu’il soit possible de se procurer un tel type de service individuellement auprès des requérantes, est susceptible de démontrer qu’il existe une demande pour de tels services individuels, mais ne démontre pas pour autant que les ententes entre les transitaires en cause dans la présente affaire visaient ces services individuels.

51      De surcroît, comme la Commission l’a constaté au point 872 de la décision attaquée, sans que cela ait été remis en cause par les requérantes, les tiers n’ont pas été considérés comme des concurrents réels ou potentiels par les destinataires de la décision attaquée s’agissant de leurs discussions concernant la surtaxe NES ou celle relative à l’AMS.

52      Partant, aucun des arguments soulevés concernant les caractéristiques des services de transit ne remet en cause la description du secteur du transit retenue par la Commission ou son analyse selon laquelle les ententes concernées visaient à restreindre la concurrence en ce qui concerne les services de transit en tant que lot de services. Toutefois, lors de l’examen des erreurs d’appréciation invoquées s’agissant du calcul du montant des amendes, il y aura lieu de revenir sur certains arguments soulevés par les requérantes visant spécifiquement leur propre modèle d’entreprise, dont elles soutiennent qu’il aurait dû être pris en compte dans le cadre de ce calcul.

 Sur l’affectation du commerce entre États membres concernant les ententes relatives au NES (premier moyen) et à l’AMS (septième moyen)

53      Les présents moyens visent les considérations de la Commission figurant au point 5.2.1.3 de la décision attaquée, selon lesquelles les ententes relatives au NES et à l’AMS étaient susceptibles d’affecter de manière sensible le commerce entre États membres.

54      Les requérantes font valoir que la condition selon laquelle une entente doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres est un élément constitutif de l’article 101, paragraphe 1, TFUE dont la Commission doit rapporter la preuve, ce qu’elle ne ferait pas par les considérations trop générales figurant à cet égard dans la décision attaquée. Selon elles, en substance, l’analyse de la Commission n’est pas conforme à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ni aux lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, C 101 p. 81, ci-après les « lignes directrices de 2004 »).

55      La Commission fait valoir qu’elle a établi à suffisance de droit que le commerce entre États membres était susceptible d’être affecté par les deux ententes en cause.

56      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE ne visent que les accords qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Comme il ressort de la jurisprudence, pour être susceptible d’affecter le commerce entre États membres, un accord doit, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager, avec un degré de probabilité suffisant, qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, Rec, EU:C:2006:461, point 42).

57      Il y a également lieu de rappeler qu’un accord échappe à la prohibition de l’article 101 TFUE lorsqu’il n’affecte le marché intérieur que d’une manière insignifiante (voir arrêt du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C‑215/96 et C‑216/96, Rec, EU:C:1999:12, point 34 et jurisprudence citée).

58      Le caractère transfrontalier des services de transit ne se confond pas avec la question du caractère sensible de l’affectation du commerce entre États membres. En effet, si toute transaction transfrontalière était automatiquement susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre États membres, la notion de caractère sensible, qui est pourtant une condition d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dégagée par la jurisprudence, serait vidée de tout contenu (arrêt du 16 juin 2011, Ziegler/Commission, T‑199/08, Rec, EU:T:2011:285, points 52 et 53).

59      Au point 5.2.1.3 de la décision attaquée, considérants 590 à 599 et 601 à 621, la Commission a relevé que le commerce entre États membres a pu être affecté par les ententes relatives au NES et à l’AMS, d’une part, directement, en ce qui concernait la fourniture de services de transit et, d’autre part, indirectement, en ce qui concernait les marchandises transitées.

60      En effet, à cet égard, il y a lieu de relever que la notion de commerce au sens de l’article 101 TFUE englobe également les services. Cela est rappelé au paragraphe 19 des lignes directrices de 2004, dans lesquelles il est expliqué que ladite notion n’est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais recouvre même toute activité économique internationale, y compris l’établissement, conformément à l’objectif fondamental du traité consistant à favoriser la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.

61      Il convient donc d’examiner les arguments avancés par les requérantes visant à remettre en cause les considérations de la Commission fondées sur les effets des ententes relatives au NES et à l’AMS sur le commerce concernant les services de transit, avant d’examiner ceux visant à remettre en cause ses considérations fondées sur les effets desdites ententes sur le flux des marchandises.

 Sur l’affectation du commerce concernant les services de transit

62      Aux considérants 598, 607, 608, 610, 613 et 614 de la décision attaquée, la Commission a exposé que, en dépit du fait que l’entente relative au NES n’avait trait qu’à la réglementation d’un État membre, elle était susceptible d’affecter le commerce entre États membres, notamment, en ce qui concernait les services de transit. D’une part, les services de transit visés par l’entente relative au NES seraient demandés non seulement par des clients situés au Royaume-Uni, mais également par des clients installés en dehors du Royaume-Uni, dans d’autres pays de l’EEE ou par des bureaux locaux de ceux-ci. D’autre part, le secteur des services de transit serait caractérisé par un commerce substantiel entre États membres, autant entre les pays de l’Union qu’entre ceux de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Les transitaires seraient dans une relation de concurrence dans tous ou presque tous les États appartenant à l’EEE et leurs clients seraient établis dans l’EEE. Il serait évident que le comportement d’entreprises globales sur le marché du Royaume-Uni aurait pu avoir des répercussions sur la structure concurrentielle du marché intérieur, puisque l’altération de leurs marges dans cet État aurait pu affecter leurs pratiques commerciales dans d’autres États membres.

63      Par ailleurs, la Commission a relevé que les effets de l’entente relative au NES sur les services de transit avaient été sensibles, les conditions de la présomption prévue au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004 ayant été réunies. Premièrement, l’entente relative au NES serait, par sa nature même, une entente susceptible d’affecter le commerce entre États membres au sens de ce paragraphe. Deuxièmement, le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les produits concernés par l’entente relative au NES excéderait 40 millions d’euros et leur part de marché serait supérieure au seuil de 5 %.

64      Quant à l’entente relative à l’AMS, des considérations analogues s’appliquent, dont notamment celles indiquées au considérant 598 de la décision attaquée. La Commission a constaté que les surtaxes AMS coordonnées ont été appliquées dans les États membres et qu’il était probable que la réduction de la concurrence par les prix entre les transitaires réduirait les avantages dont auraient normalement bénéficié les plus efficients d’entre eux, ce qui devait à son tour avoir une incidence sur le phénomène normal de gains et de pertes de parts de marché auxquels il fallait s’attendre en l’absence de coordination. Ces restrictions de la concurrence entre les transitaires avaient donc, par conséquent, selon elle, des chances d’influencer et de modifier les flux commerciaux des services de transit dans le marché intérieur, ce qui n’aurait pas été le cas en l’absence de coordination. La Commission a précisé, par ailleurs, aux considérants 616 à 621 de la décision attaquée, que les transitaires offraient leurs services dans l’EEE, où une part considérable de leurs clients se trouvait, de sorte que les territoires affectés étaient à la fois celui de l’EEE et celui des États-Unis et que, compte tenu du fait que l’entente en cause couvrait l’ensemble de l’EEE, elle avait, par sa nature même, une incidence sur le commerce entre États membres. Quant au caractère sensible de l’affectation du commerce par l’entente relative à l’AMS, la Commission a notamment considéré que la part de marché cumulée des membres de l’association FFI était très supérieure au niveau requis par les lignes directrices de 2004 et que, les États-Unis constituant un des plus importants marchés d’exportation pour l’EEE, la valeur des services fournis sur cette route était également élevée.

65      Les arguments avancés par les requérantes à l’encontre de cette analyse concernent, en substance, d’une part, les considérations de la Commission fondées sur les effets des ententes sur les clients des transitaires et sur le comportement des transitaires et, d’autre part, ses considérations concernant le caractère sensible de l’affectation du commerce.

–       Sur les effets des ententes sur les clients des transitaires et sur le comportement des transitaires

66      En premier lieu, quant à l’entente relative au NES, les requérantes font valoir que, quand bien même l’objet de l’entente aurait été de restreindre la concurrence au sein de l’EEE, seul le territoire du Royaume-Uni était affecté parce que le NES ne s’appliquait qu’au Royaume-Uni et uniquement aux exportations à partir du Royaume-Uni à destination de pays extérieurs à l’EEE. Par ailleurs, selon elles, le moyen de preuve évoqué au considérant 607 de la décision attaquée au soutien de l’analyse de la Commission, selon lequel des entreprises établies dans d’autres pays de l’EEE auraient fait appel aux services de transit concernés, à savoir un extrait de la déclaration soumise dans le cadre de la demande de clémence [confidentiel] (1), serait abstrait et général et ne présenterait aucun lien avec le NES. En outre, l’élément relevé au considérant 602 de la décision attaquée selon lequel les entreprises concernées appartenaient à plusieurs États membres ne serait pas pertinent dans la mesure où les offres ayant prétendument fait l’objet d’une concertation n’étaient proposées que par les filiales des transitaires établies au Royaume-Uni. Enfin, l’allégation, au considérant 610 de la décision attaquée, selon laquelle le comportement des entreprises mondiales en cause avait nécessairement des répercussions sur les structures de la concurrence sur le marché intérieur compte tenu du fait que les changements éventuels de rendements auraient été susceptibles d’influencer les pratiques commerciales dans d’autres États membres serait une formule vide de sens.

67      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE vise les accords qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Partant, la Commission n’est pas obligée de démontrer les effets réels d’un accord. Il suffit qu’elle établisse que l’accord est de nature à avoir un tel effet. Elle peut donc se limiter à démontrer qu’il existe un degré de probabilité suffisant que l’accord ait pu exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec, EU:C:1997:375, point 20).

68      Or, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il était suffisamment probable que l’entente relative au NES ait pu exercer une influence sur le comportement des transitaires dans d’autres États membres que le Royaume-Uni.

69      En effet, dans ce contexte, il convient de rappeler que, contrairement à ce que les requérantes laissent entendre, l’entente relative au NES visait les services de transit (points 35 à 52 ci-dessus).

70      Il y a lieu de relever également que, selon les constatations de la Commission figurant dans la décision attaquée, notamment au considérant 607, les transitaires ayant participé à l’entente relative au NES offraient leurs services de transit également dans d’autres États membres de l’EEE que le Royaume-Uni et se trouvaient dans une relation de concurrence dans ces États membres pour ces services de transit. Les requérantes ne remettent pas en cause le fait que les transitaires, ainsi que leurs clients, étaient présents dans plusieurs États membres.

71      Or, dans les circonstances de l’espèce, il ne peut pas être exclu que, en l’absence de l’entente relative au NES, la concurrence entre les transitaires concernant les coûts résultant du NES ait pu avoir un impact sur la marge des transitaires au Royaume-Uni et ait pu mener à des gains et à des pertes de parts de marché dans ce pays pour les services de transit. Par ailleurs, il paraît suffisamment probable que l’entente relative au NES fût de nature à avoir des répercussions sur le comportement des transitaires dans d’autres États membres, dans lesquels ils étaient également dans une relation de concurrence, à altérer la structure de la concurrence dans l’Union à cet égard.

72      Dans ce contexte, il n’est pas déterminant que la surtaxe NES n’ait eu qu’une faible importance commerciale, car, compte tenu de la circonstance que le marché des services de transit est caractérisé par de faibles marges (point 43 ci-dessus), l’importance commerciale de la surtaxe NES ne pouvait pas être considérée comme insignifiante. En effet, cette considération de la Commission est corroborée, d’une part, par sa constatation figurant au considérant 907 de la décision attaquée, selon laquelle les clients de transitaires se sont opposés au paiement de la surtaxe NES, et, d’autre part, par les éléments de preuve mentionnés au considérant 869 de la décision attaquée, qui font état des craintes de certains transitaires ayant participé à l’entente relative au NES qu’une concurrence concernant les coûts résultant du NES ait été susceptible d’altérer les marges et d’entraîner un gain ou une perte de parts de marché. Force est de constater que les requérantes n’avancent aucun argument qui serait susceptible de remettre en cause ces constatations.

73      Quant à la constatation de la Commission figurant au considérant 607 de la décision attaquée, selon laquelle les services affectés par l’entente relative au NES étaient demandés non seulement par des clients situés au Royaume-Uni, mais également par des entreprises situées dans d’autres États membres de l’EEE, il convient de rappeler que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent en substance, l’entente relative au NES ne visait pas les services de dépôt NES mais les services de transit, comme il a déjà été rappelé dans le cadre de l’examen liminaire effectué aux points 35 à 52 ci-dessus.

74      Par ailleurs, s’agissant des doutes des requérantes concernant les constatations de la Commission selon lesquelles des clients situés dans d’autres États membres que le Royaume-Uni demandaient des services de transit qui auraient pu être affectés par l’entente relative au NES, il convient de rappeler que la Commission peut se limiter à démontrer qu’il existe un degré de probabilité suffisant que l’entente en cause ait pu exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres.

75      Or, comme les requérantes le relèvent elles-mêmes, à cet égard, la Commission s’est fondée sur un élément de preuve relevant de la déclaration [confidentiel], selon laquelle [confidentiel]. Il s’agit d’un courriel [confidentiel] aux services de la Commission en réponse à une question de cette dernière relative à la structure des clients pour des prestations de services de transit réalisées au Royaume-Uni.

76      Contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la valeur probante de cet élément de preuve, qui est d’ailleurs clair et compréhensible, ne saurait être remise en cause par le fait qu’il ne concerne pas explicitement le service du dépôt NES. En effet, la Commission a pu retenir, sans commettre d’erreur, que l’entente relative au NES affectait les services de transit en tant que lot de services. Or, ceux-ci ont logiquement dû englober le service du dépôt NES s’agissant du transport de marchandises à partir du Royaume-Uni.

77      Il n’est pas non plus déterminant que ledit élément de preuve ne concerne que les opérations [confidentiel], ni qu’il ne contienne pas de données chiffrées. Comme la Commission le soutient à juste titre, il ressort du courriel en cause que des services de transit sont offerts à partir du Royaume-Uni sur une base transfrontalière à l’intérieur de l’EEE. Cet élément de preuve est donc suffisant pour prouver au moins une affectation potentielle de la prestation des services de transit transfrontaliers par l’entente relative au NES.

78      Il y a lieu d’ajouter, en outre, à cet égard que, comme les requérantes l’allèguent, le fait que les services impliquant des cas de transbordements, à savoir des cas où des marchandises provenant d’autres pays de l’EEE ont transité par le Royaume-Uni, avaient une portée très limitée n’est pas non plus déterminant, car il ne peut pas être exclu que des clients situées dans un autre État membre que le Royaume-Uni demandent des services de transit concernant une marchandise qui se situe déjà au Royaume-Uni.

79      Enfin, quant au fait que, comme cela a été indiqué au considérant 610 de la décision attaquée, il ne serait pas non plus déterminant que les offres ayant prétendument fait l’objet d’une concertation n’aient été proposées que par les filiales des transitaires établies au Royaume-Uni, l’analyse de la Commission n’est pas non plus erronée. En effet, comme elle le fait valoir à juste titre, cela ne remet pas en cause le fait que la demande pour un service de transit impliquant une exportation du Royaume-Uni vers un pays en dehors de l’EEE ait pu provenir de l’extérieur du Royaume-Uni et que la surtaxe ait été susceptible de produire des effets négatifs sur cette demande.

80      Dès lors, il convient de constater qu’aucun des arguments avancés par les requérantes n’est susceptible de remettre en cause la considération de la Commission fondée sur les effets de l’entente relative au NES sur les services de transit demandés par des clients situés dans un autre État membre que le Royaume-Uni.

81      En second lieu, s’agissant de l’entente relative à l’AMS, les requérantes avancent que celle-ci concerne des itinéraires de fret en provenance de l’EEE et à destination de pays non européens. Elles précisent, par ailleurs, qu’elles n’ont enregistré que de très faibles recettes relatives à l’AMS pendant la période concernée. Par ailleurs, aucun indice ne suggérant que l’entente en cause a eu des incidences sur d’autres éléments des prix facturés, toute affectation du commerce entre États membres résultant du « détournement des flux commerciaux » ou du « report vers d’autres services d’expédition transitaire » serait exclue. Enfin, quant aux considérants 616 à 621 de la décision attaquée, la Commission aurait ignoré l’argument des requérantes selon lequel la valeur minime des ventes auprès des clients européens liées à l’infraction ne permettait pas de justifier l’affectation du commerce entre États membres, de sorte qu’elle aurait violé leur droit d’être entendu et que la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit et insuffisamment motivée. Elles auraient démontré dans la réponse à la communication des griefs que l’AMS représentait, comme le NES, un poste comptable autonome.

82      Tout d’abord, l’argument des requérantes tiré d’une violation du droit à être entendu ainsi que d’un défaut de motivation de la décision attaquée dans la mesure où leur argument tiré de la valeur minime des ventes de services liés aux formalités AMS, avancé pendant la procédure administrative, n’aurait pas été pris en compte doit être rejeté. L’argument est mentionné au considérant 616 de la décision attaquée et la Commission y répond aux considérants 618 et suivants, notamment au considérant 621. Il en ressort qu’elle a considéré que les services affectés par l’entente n’étaient pas ceux de la présentation des données requises par la procédure AMS, mais qu’elle a tenu compte de son effet sur le commerce des services de transit en tant que lot de services, la surtaxe AMS faisant partie intégrante du prix total payé par les clients des transitaires. Elle s’est donc fondée sur les données relatives aux ventes réalisées par les services de transit en tant que lot de services.

83      Quant au fond, il a déjà été rappelé au point 67 ci-dessus qu’il suffit qu’existe une probabilité d’influence directe ou indirecte de l’entente en cause sur les courants d’échanges entre États membres.

84      En l’espèce, l’entente relative à l’AMS couvrait l’ensemble de l’EEE, parce que les transitaires en cause offraient leurs services de transit, dont font partie les services liés aux formalités AMS, dans plusieurs États membres, voire sur tout le territoire de l’EEE. Or, un accord qui affecte plusieurs États membres est, de par sa nature, susceptible d’affecter le commerce entre États membres. En effet, indépendamment des flux des marchandises, les restrictions de concurrence entre les transitaires ont pu influencer ou modifier les flux commerciaux relatifs à la prestation de services de transit dans le marché intérieur, comme la Commission l’a relevé au considérant 598 de la décision attaquée. En outre, même si ce sont les ventes relatives à une route commerciale vers l’extérieur de l’Union qui étaient affectées, cela n’empêchait pas la Commission de conclure que les surtaxes en cause étaient appliquées dans plusieurs États membres.

85      Quant aux arguments tirés du montant dérisoire de la surtaxe AMS ou de son mode de facturation, ils sont dénués de pertinence dans la mesure où le marché affecté par l’entente relative à l’AMS est celui des services de transit en tant que lot de services, comme cela ressort de l’examen liminaire figurant aux points 35 à 52 ci-dessus. Ainsi que la Commission l’indique au considérant 621 de la décision attaquée, la valeur représentée uniquement par l’activité de présentation des données requises par la réglementation AMS n’est pas déterminante, car le droit AMS fait partie intégrante du prix total payé par les clients pour la fourniture des services de transit. Par ailleurs, comme cela a été rappelé au point 43 ci-dessus, le marché des services de transit étant caractérisé par de faibles marges, une légère hausse de prix ou l’imposition ou non d’une surtaxe peut avoir un effet sur le comportement des concurrents sur ce marché.

86      Quant aux arguments visant le faible chiffre d’affaires des requérantes lié au service AMS, ils doivent également être rejetés, la question pertinente étant de savoir si l’accord dans son ensemble, et non la participation des seules requérantes à cet accord, est susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

87      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par les requérantes n’est susceptible de remettre en cause la considération de la Commission selon laquelle l’entente relative à l’AMS était, de par sa nature, susceptible d’affecter le commerce entre États membres pour les services de transit.

–       Sur le caractère sensible de l’affectation du commerce

88      D’une part, s’agissant de l’entente relative au NES, les requérantes font valoir que le caractère prétendument sensible de l’affectation du commerce entre États membres ne pourrait être déterminant que si la Commission avait rapporté la preuve suffisante de l’aptitude de cette entente à affecter le commerce entre États membres. Par ailleurs, l’application des seuils de chiffres d’affaires pertinents serait erronée, car la Commission aurait dû tenir compte du seul chiffre d’affaires lié à la majoration relative au NES, nettement inférieur au chiffre d’affaires pris en compte.

89      D’autre part, quant à l’entente relative à l’AMS, les requérantes relèvent que la valeur des ventes réalisées par elles auprès des clients européens et liées à l’infraction, de 0 euro en 2003 et de 25 650 euros en 2004, ne permet pas de justifier la conclusion d’une affectation sensible du commerce entre États membres et que le chiffre d’affaires global enregistré par l’ensemble des transitaires concernés lié à la surtaxe AMS était nettement inférieur au seuil de 40 millions d’euros. Seul le service AMS serait concerné par l’entente, de sorte que seul le montant du chiffre d’affaires relatif à la surtaxe devrait être pris en compte pour l’analyse de l’effet de celle-ci sur le commerce. Elles proposeraient d’ailleurs ce service indépendamment de la prestation principale liée à la médiation du transport de marchandises et la majoration qui y est relative serait calculée et consignée dans un poste spécifique de la facture.

90      À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que le paragraphe 53 des lignes directrices de 2004, dont ni la légalité ni la pertinence ne sont remises en cause dans le cadre du présent recours, est formulé comme suit :

« La Commission estime en outre que si un accord ou une pratique sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, par exemple parce qu’ils concernent des importations et des exportations ou bien plusieurs États membres, il existe une présomption positive réfutable que cette affectation du commerce est sensible, dès lors que le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les produits concernés par l’accord […] excède 40 millions d’euros. Dans le cas de ces accords qui, de par leur nature même, sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, il peut également souvent être présumé que l’affectation du commerce sera sensible dès lors que la part de marché des parties est supérieure au seuil de 5 % mentionné ci-dessus. Toutefois, une telle présomption n’existe pas lorsque l’accord ne couvre qu’une partie d’un État membre (voir paragraphe 90 ci-dessous). »

91      En premier lieu, s’agissant de l’entente relative au NES, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré de ce que, pour vérifier si les seuils prévus au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004 étaient dépassés, la Commission n’aurait pas dû utiliser les chiffres d’affaires réalisés avec les services de transit, mais uniquement ceux réalisés avec les services de dépôt NES.

92      À cet égard, il suffit de rappeler, d’une part, que, en application du paragraphe 53 des lignes directrices de 2004, il convient de prendre en compte le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les services concernés par l’entente et, d’autre part, que, en raison des considérations exposées aux points 35 à 52 ci-dessus, il y a lieu de considérer que l’entente relative au NES visait les services de transit.

93      Or, comme la Commission l’indique aux considérants 613 et 614 de la décision attaquée, sans être contestée sur ce point par les requérantes, la part de marché globale des entreprises participantes dans le marché du transport aérien de fret au Royaume-Uni était d’environ 30 % et elles détenaient également la même part de marché sur le marché de l’EEE ainsi que sur les routes concernées. En outre, le chiffre d’affaires atteint par ces entreprises pour les services de transit sur la route concernée était nettement au-dessus de 40 millions d’euros.

94      La Commission a donc pu considérer, sans commettre d’erreur, que les seuils précisés au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004 étaient dépassés et que l’effet sur le commerce entre États membres de l’entente relative au NES était sensible.

95      En second lieu, s’agissant de l’entente relative à l’AMS, l’argumentation des requérantes se résume à nouveau à une contestation de la prise en compte des données relatives au marché des services de transit en tant qu’offre consolidée sur les routes affectées, qui ne peuvent pas prospérer pour les mêmes raisons que celles énoncées s’agissant de l’entente concernant le NES. Ni la faible valeur du chiffre d’affaires des requérantes relatif au service AMS, ni la faible importance du chiffre global tiré du service AMS par les transitaires concernés ne sont donc pertinentes.

96      Il s’ensuit que la Commission a pu indiquer, aux considérants 619 à 621 de la décision attaquée, que les seuils précisés au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004 étaient dépassés également en ce qui concerne l’entente relative à l’AMS en se fondant sur les données des transitaires concernés dans leur ensemble pour la route en cause et pour les services de transit dans leur globalité. Comme la Commission le relève, d’une part, l’association FFI représentant les intérêts des principaux transitaires mondiaux, leur part de marché combinée sur la route importante entre l’EEE et les États-Unis dépassait largement 5 % et, d’autre part, le chiffre d’affaires atteint par les participants à l’entente pour les services de transit sur la route concernée était nettement plus élevé que les 40 millions d’euros requis, le chiffre d’affaires d’un seul des participants dépassant déjà ce montant sur la route affectée. Ces données ne sont d’ailleurs pas contestées par les requérantes.

97      L’analyse de la Commission quant à l’affectation sensible du commerce entre États membres par les deux ententes en cause doit donc être confirmée.

 Sur l’affectation du flux de marchandises

98      Les requérantes soutiennent que les considérations de la Commission fondées sur une affectation du flux des marchandises sont entachées d’erreurs.

99      En premier lieu, les requérantes relèvent que la Commission se contredit en retenant au considérant 608 de la décision attaquée, d’une part, que le Royaume-Uni opérait en tant que pays de transit pour certaines marchandises provenant d’autres pays auxquels le NES s’appliquait tout en admettant, d’autre part, que la portée de ces transbordements était limitée. Elles réfutent, par ailleurs, l’affirmation de la Commission selon laquelle la surtaxe NES était susceptible de contribuer à un détournement des flux commerciaux du fait qu’elle s’appliquait également aux marchandises en transit, en rappelant qu’il ressort des conclusions de l’enquête de la Commission qu’elles n’assuraient pas de tels transports et que, en ce qui concerne le groupe DP, le groupe Deutsche Bahn (ci-après le « groupe DB ») et le groupe Ceva, la part de tels transports représentait moins de 1 % de leur activité.

100    En second lieu, s’agissant de l’entente relative à l’AMS, les requérantes soutiennent que les marchandises concernées par cette entente ont été écoulées en dehors de l’EEE, de sorte que la Commission aurait dû examiner spécifiquement dans la décision attaquée les incidences sur le commerce entre États membres. Elles s’opposent, par ailleurs, à l’analyse de la Commission selon laquelle l’entente pourrait avoir entraîné un détournement automatique des flux commerciaux, voire un report vers d’autres modes de transport.

101    Ces arguments doivent être rejetés comme inopérants. En effet, même à supposer que les ententes relatives au NES et à l’AMS n’aient pas affecté le flux des marchandises entre États membres de manière sensible, cela ne serait pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle, en raison de leurs effets sur le marché des services de transit, lesdites ententes étaient de nature à affecter le commerce entre États membres de manière sensible.

102    Il résulte de tout ce qui précède que les premier et septième moyens doivent être rejetés.

 Sur la compétence de la Commission pour sanctionner les ententes relatives au NES (deuxième moyen) et à l’AMS (huitième moyen)

103    Comme cela ressort du considérant 950 de la décision attaquée, l’infraction relative au NES retenue à l’encontre des requérantes concerne la période allant du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 tandis que celle relative à l’AMS a duré du 8 avril 2003 au 19 août 2004.

104    Les moyens en cause visent la conclusion de la Commission, aux considérants 644 à 648 de la décision attaquée, selon laquelle elle était en droit de se fonder sur le règlement n° 1/2003 pour sanctionner les ententes concernant l’AMS et le NES pour la période antérieure au 1er mai 2004. Selon la Commission, avant cette date, ces ententes n’étaient pas exemptées du champ d’application du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204), en vertu de l’exemption pour le transport prévue par l’article 1er du règlement n° 141. Dans ce contexte, elle s’est fondée notamment sur la considération selon laquelle les participants aux ententes relatives au NES et à l’AMS ont coordonné leur comportement afin de réduire des éléments d’incertitude relatifs aux diverses composantes des prix dans le secteur du transit et selon laquelle ce sont donc les prix des services de transit qui ont été visés par lesdites ententes, et non ceux des services de transport. Même si les transitaires avaient eu des liens contractuels avec les compagnies aériennes, ces liens auraient constitué la base de la fourniture des services de transport aérien, mais pas de la fourniture des services de transit visés par les ententes relatives au NES et à l’AMS.

105    Dans le cadre des deuxième et huitième moyens, les requérantes soutiennent, en substance, que ces conclusions sont erronées. Selon elles, la Commission n’était pas compétente pour sanctionner les ententes relatives au NES et à l’AMS avant le 1er mai 2004, parce que, compte tenu de l’absence de règlement d’application visant le transport aérien vers l’extérieur de l’Union avant cette date, il existait une exemption pour le transport aérien et celle-ci ne s’appliquait pas seulement au transport aérien, mais également à toutes les activités directement liées aux services de transport aérien. Elles contestent le champ d’application du règlement n° 141 retenu par la Commission. Certaines autres dispositions réglementaires confirmeraient, par ailleurs, l’exemption des ententes en cause.

106    Elles ajoutent que, pour la surtaxe NES, le lien direct avec les services de transport aérien était particulièrement évident, car l’exportation de marchandises était impossible sans la déclaration NES aux autorités douanières du Royaume-Uni. De même, s’agissant de la surtaxe AMS, il existerait également un rapport indissociable entre celle-ci et le fret aérien, dans la mesure où, sans l’AMS, l’importation de marchandises vers les États-Unis aurait été impossible, les dispositions légales en vigueur prévoyant la mise en œuvre de la procédure relative à l’AMS.

107    Par ailleurs, dans la mesure où l’entente relative à l’AMS concerne la période postérieure au 1er mai 2004, les requérantes font valoir que cette entente est exemptée en vertu du règlement (CEE) n° 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transport aérien (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2410/92 du Conseil, du 23 juillet 1992 (JO L 240, p. 18).

108    La Commission conteste ces arguments.

109    Dans ce contexte, il convient de rappeler que le règlement n° 1/2003, dans sa version faisant suite au règlement (CE) n° 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) n° 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) n° 3976/87 ainsi que le règlement n° 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO L 68, p. 1), sur lequel la Commission a fondé la décision attaquée, s’applique au transport aérien.

110    Toutefois, en vertu de la réglementation en vigueur avant que le règlement n° 1/2003 ne soit applicable, donc avant le 1er mai 2004, les ententes visant le transport aérien entre la Communauté européenne et les pays tiers étaient exemptées du champ d’application du règlement n° 17. En effet, aux termes de l’article 1er du règlement n° 141, le règlement n° 17 ne s’appliquait pas aux ententes concertées dans le secteur des transports qui avaient pour objet ou pour effet la fixation des prix et des conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l’offre de transport ou la répartition des marchés de transport. Certes, en son article 1er, le règlement n° 3975/87 a prévu la levée de cette exemption dans le cas des transports aériens entre aéroports de la Communauté, mais il ne l’a pas prévu dans le cas de transports aériens entre la Communauté et les pays tiers. La Commission a donc considéré, en substance, que c’était le règlement nº 17 qui était applicable aux ententes relatives au NES et à l’AMS avant le 1er mai 2004 et qu’elle pouvait se fonder sur les dispositions du règlement nº 1/2003, qui lui a succédé, pour les sanctionner.

111    En premier lieu, les requérantes contestent la référence faite par la Commission au règlement n° 141 pour déterminer le champ d’application d’une éventuelle exemption de l’application des règles de concurrence en l’espèce. Elles relèvent que, en vertu de son article 1er et de ses considérants, le champ d’application dudit règlement était limité aux domaines des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

112    Or, cette argumentation ne peut prospérer car une telle limitation ne résulte ni de cette disposition-même, dont le contenu est rappelé au point 110 ci-dessus, ni des considérants dudit règlement n° 141, ni de la jurisprudence.

113    Certes, son deuxième considérant fait référence aux transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, mais ce n’est que pour préciser que, en ce qui concerne ces types de transport, l’adoption d’une réglementation relative à la concurrence était envisagée dans un délai prévisible, de sorte que, pour ces moyens de transport, contrairement au domaine de la navigation maritime et aérienne, l’exemption pouvait d’ores et déjà être assortie d’un délai dans le temps. Cette application limitée dans le temps est notamment concrétisée à l’article 3 dudit règlement, qui indique que, pour les transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, l’exemption était valable jusqu’au 31 décembre 1965. Par ailleurs, comme la Commission ne manque pas de le rappeler, la jurisprudence a confirmé l’application du règlement n° 141 au transport aérien (arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T 128/98, Rec, EU:T:2000:290, point 56).

114    En deuxième lieu, il convient d’examiner l’argumentation des requérantes visant le lien direct entre, d’une part, les services liés au NES et à l’AMS et, d’autre part, le transport aérien.

115    À cet égard, il convient de rappeler que, pour être exempté du champ d’application du règlement n° 17 en vertu de l’article 1er du règlement n° 141, le comportement d’une entreprise doit avoir pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur un marché de transport. Selon le troisième considérant dudit règlement, seuls les comportements concernant directement la prestation de services de transport doivent être exemptés par ledit article.

116    Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le comportement d’une entreprise qui ne vise pas le transport aérien lui-même, mais un marché situé en amont ou en aval de celui-ci, ne saurait être considéré comme concernant directement la prestation de services de transport et n’est donc pas exempté par l’article 1er du règlement n° 141 (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T‑219/99, Rec, EU:T:2003:343, points 171 et 172).

117    L’interprétation des requérantes selon laquelle il existe une exemption pour le transport aérien qui concerne tous les services ayant un lien direct avec les services de transport ne peut donc pas être retenue, car l’article 1er du règlement n° 141 n’exempte que les ententes qui concernent directement les services de transport.

118    En troisième lieu, quant à l’argument tiré du fait que les services liés au NES et à l’AMS auraient un lien direct avec les services de transport parce que les marchandises ne pouvaient pas être expédiées sans déclaration NES ou sans l’adoption des modalités AMS respectivement depuis le Royaume-Uni ou vers les États-Unis, il ne permet pas non plus de conclure à l’exemption des ententes en cause.

119    En effet, il ressort de l’examen liminaire figurant aux points 35 à 52 ci-dessus que la Commission a considéré à juste titre que les ententes relatives au NES et à l’AMS visaient les services de transit.

120    Les requérantes n’avancent pas d’autres arguments à l’encontre de cette analyse dans le cadre du présent moyen, outre celui tiré du lien direct entre les services liés au NES et à l’AMS et les services de transport.

121    Or, il a été considéré au point 117 ci-dessus que l’article 1er du règlement n° 141 n’exempte pas les ententes visant les services ayant un lien, même direct, avec les services de transport, mais uniquement celles qui visent directement la prestation de services de transport aérien. Il ne suffit donc pas de démontrer que le NES ou l’AMS concernent des services ayant un lien direct avec les services de transport ou que les formalités qui y sont afférentes sont une opération nécessaire pour qu’un fret puisse être expédié, dans la mesure où aucun argument n’est avancé pour remettre en cause l’analyse selon laquelle les ententes sanctionnées visaient le marché des services de transit et non celui des transports.

122    Doit d’ailleurs également être rejeté à cet égard l’argument tiré du caractère prétendument contradictoire de l’analyse de la Commission dans la mesure où, dans la décision attaquée, elle refuserait de reconnaître tout lien entre le secteur du transit et celui des transports pour établir sa compétence, tout en défendant ce lien au stade du calcul du chiffre d’affaires à prendre en compte pour déterminer la valeur des ventes pour établir l’amende.

123    En effet, la Commission a considéré, d’une part, que les ententes en cause ne concernaient pas directement les services de transport, mais les services de transit et, d’autre part, que les services de transit englobaient des services de transport dans le lot de services offert. Partant, elle ne s’est pas contredite quand, dans le cadre de la détermination du montant de base de l’amende, elle a inclus dans les chiffres d’affaires des transitaires les montants correspondant au prix facturé pour le service de transport, considéré comme un coût d’intrant. Pour le surplus, les arguments spécifiques relatifs au calcul de la valeur des ventes pour la détermination du montant de l’amende seront examinés ci-après dans le cadre de l’examen des moyens s’y rapportant.

124    En quatrième lieu, les requérantes invoquent, par analogie, certaines autres dispositions réglementaires pour défendre l’exemption des ententes relatives au NES et à l’AMS. Elles invoquent notamment l’article 2 du règlement (CEE) n° 3976/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, concernant l’application de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE] à des catégories d’accords et de pratiques concertées dans le domaine des transports aériens (JO L 374, p. 9). Cette disposition énumère une liste de types d’accords, de décisions ou de pratiques concertées que la Commission peut exempter, tels que ceux concernant le développement et l’exploitation en commun de systèmes de réservation informatisés ou ceux concernant les opérations techniques et opérationnelles au sol dans les aéroports, comme la prise en charge de fret. Les requérantes se réfèrent aussi à certains règlements d’exemption spécifiques adoptés en 1988 concernant certains types d’accords.

125    À cet égard, la Commission relève à juste titre que les règlements en cause sont dénués de pertinence dans la mesure où ils concernent le transport aérien entre aéroports au sein de l’Union. Par ailleurs, les services auxquels les requérantes font référence et qui sont visés par ces règlements sont accessoires au marché du transport aérien, tandis que les ententes relatives au NES et l’AMS visent le marché du transit, qui en est distinct et se situe en aval du marché du transport aérien.

126    L’argument ne peut donc pas non plus prospérer.

127    En cinquième lieu, quant à l’argument selon lequel les pratiques relatives à l’AMS seraient exemptées également après le 1er mai 2004 sur la base du règlement n° 3975/87, il ne peut non plus prospérer.

128    Outre le fait que le règlement en cause ne concerne que le transport aérien entre aéroports à l’intérieur de l’Union, il ne vise que des accords ayant pour seul objet ou effet des améliorations ou l’instauration d’une coopération sur le plan technique, telles que les décisions et pratiques concertées énumérées en son annexe 2. Or, les requérantes ne sauraient soutenir de manière crédible que tel était le seul objet ou effet de l’entente relative à l’AMS, laquelle visait, à tout le moins, à facturer aux clients le coût du respect de formalités administratives supplémentaires envisagées par les autorités américaines à travers ce système.

129    Il résulte de ce qui précède que la Commission était en droit de constater que les ententes relatives au NES et à l’AMS n’étaient pas exemptées du respect des règles de concurrence avant le 1er mai 2004, ni, en ce qui concerne l’entente relative à l’AMS, par le règlement n° 3975/87 pour la période postérieure à cette date.

130    Les deuxième et huitième moyens doivent donc être rejetés.

 Sur l’établissement de la durée de la participation des requérantes aux infractions relatives, respectivement, au NES (troisième moyen) et à l’AMS (neuvième moyen)

131    Même si les requérantes ne contestent pas l’existence des ententes relatives au NES et à l’AMS, ni leur participation à celles-ci, dans le cadre des présents moyens, elles font valoir que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit la durée de leur participation auxdites ententes. Selon elles, en substance, cette dernière a commis des erreurs d’appréciation des faits et des éléments de preuve concernant la date du début de leur participation auxdites ententes.

132    La Commission considère qu’elle a correctement apprécié les faits et les éléments de preuve établissant la durée de la participation des requérantes à ces deux ententes.

133    Le troisième moyen vise les considérants 92 à 130 de la décision attaquée, dans le cadre desquels la Commission a procédé à l’analyse de l’entente concernant le NES. Au considérant 93, la Commission indique que les requérantes ont participé à l’infraction entre le 1er octobre 2002 et le 10 mars 2003, comme cela a déjà été rappelé aux points 11 et 103 ci-dessus. Aux considérants 94 et suivants, la Commission a relevé que le principal forum de discussions du NES entre les concurrents était appelé le Gardening Club (ci-après le « GC »), une association informelle de transitaires agissant sous couvert d’un groupe social partageant ostensiblement le même intérêt pour le jardinage (considérant 96 de la décision attaquée). Il ressort notamment des considérants 98 à 105 de la décision attaquée que la Commission considère que l’entente a débuté par la réunion du GC du 1er octobre 2002 dans un restaurant à Staines (Royaume-Uni) et qu’il ressort en particulier d’un courriel d’un des transitaires que les requérantes y étaient représentées.

134    Par ailleurs, la Commission examine et rejette les arguments soulevés par les requérantes s’agissant de la date du début de leur participation aux considérants 115 à 118 de la décision attaquée en expliquant, en substance, que rien dans le dossier n’indiquait qu’elles ne voulaient pas adhérer à l’accord conclu lors de la réunion du 1er octobre 2002 ou qu’elles avaient pris leurs distances par rapport à cet accord.

135    Le neuvième moyen vise les considérants 131 et suivants de la décision attaquée, qui concernent les contacts illicites entre concurrents au sujet de l’AMS. Au considérant 132, la Commission relève que les requérantes ont participé à cette entente entre le 8 avril 2003 et le 19 août 2004, comme cela a déjà été mentionné aux points 12 et 103 ci-dessus. Aux considérants 139 à 143, elle explique la nature des contacts ayant eu lieu entre les transitaires. Il en ressort que ces derniers ont échangé des informations et coordonné leur comportement, dans le cadre de l’association FFI, afin d’imposer une surtaxe AMS à leurs clients respectifs. Aux considérants 144 à 163 de la décision attaquée, la Commission précise les évènements constitutifs de l’entente, à savoir des réunions et des conférences téléphoniques organisées dans le cadre de l’association FFI entre le 19 mars 2003 et le 19 août 2004 ainsi que certains courriels internes des transitaires. La réunion entre les concurrents du 19 mars 2003 à l’occasion du comité du fret aérien de l’association FFI, au cours de laquelle les règles de base de l’accord ont été déterminées, n’est pas retenue à l’encontre des requérantes, car elles n’y étaient pas présentes. Le considérant 148 de la décision attaquée concerne la date du 8 avril 2003, retenue comme date de début de leur participation, à laquelle a eu lieu une réunion du comité des présidents-directeurs généraux à Bruxelles. La présence des requérantes est relevée à la note en bas de page n° 138 de la décision attaquée. La Commission explique que, à cette réunion, le représentant du groupe Panalpina a présenté les conclusions de la réunion du comité du fret aérien du 19 mars 2003.

136    Aux considérants 164 et 165 de la décision attaquée, la Commission répond aux arguments avancés par les requérantes, soulevés dans leur réponse à la communication des griefs, selon lesquels elles n’avaient pas été informées du résultat de la réunion du 19 mars 2003, à laquelle elles n’avaient pas assisté, et n’avaient pas informé les membres de l’association FFI qu’elles participaient à l’accord. La Commission fait notamment valoir qu’elles en ont été informées lors de la réunion du 8 avril 2003 et que le fait qu’elles n’ont pas informé lesdits membres qu’elles adhéraient à l’accord n’est pas pertinent.

137    Avant d’examiner les arguments soulevés par les requérantes à l’encontre de cette analyse visant l’établissement de la durée, d’une part, de l’entente relative au NES et, d’autre part, de celle relative à l’AMS, il convient de rappeler brièvement la jurisprudence relative à l’existence et à la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ainsi qu’au devoir de contrôle du Tribunal.

 Rappel de la jurisprudence relative à l’existence et à la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’au devoir de contrôle du Tribunal

138    En premier lieu, s’agissant de l’existence d’une entente, aux termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.

139    Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec, EU:T:1991:75, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec, EU:T:2002:70, point 199).

140    Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 139 supra, EU:T:2002:70, points 151 à 157 et 206).

141    La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec, EU:C:1999:356, point 115, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec, EU:C:1999:358, point 158).

142    Ces critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité FUE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, EU:C:2013:796, point 37 et jurisprudence citée).

143    À cet égard, l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’oppose à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence (arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec, EU:T:2011:284, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 141 supra, EU:C:1999:356, points 116 et 117).

144    En deuxième lieu, s’agissant de l’administration de la preuve, selon une jurisprudence constante, la Commission doit apporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec, EU:C:1998:608, point 58, et du 14 octobre 2004, Dresdner Bank/Commission, T‑44/02, EU:T:2004:299, point 59).

145    Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec, EU:C:1984:130, point 20, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, EU:T:2008:255, point 55). Les preuves qu’elle a présentées doivent donc permettre de conclure au-delà de tout doute raisonnable à l’existence d’une infraction (arrêt Dresdner Bank/Commission, point 144 supra, EU:T:2004:299, points 137 et 144).

146    Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec, EU:C:2010:389, point 47, et du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec, EU:T:2004:221, point 180). Par ailleurs, lorsque la Commission a invoqué des éléments de preuve documentaires à l’appui de sa constatation de l’existence d’un accord ou d’une pratique anticoncurrentielle, il incombe aux parties qui contestent cette constatation devant le Tribunal non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, précité, EU:T:2004:221, point 187, et Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 143 supra, EU:T:2011:284, point 52).

147    Quant aux moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 101 TFUE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêts du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec, EU:T:2004:220, point 72, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, Rec, EU:T:2011:342, point 64).

148    Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble (arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec, EU:C:1972:70, point 68, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec, EU:T:2008:254, point 185). Différents éléments de preuve peuvent ainsi se renforcer mutuellement (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 146 supra, EU:T:2004:221, point 275).

149    Par ailleurs, il convient de rappeler que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées quant au fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles ont la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 146 supra, EU:T:2004:221, point 203).

150    Quant aux déclarations d’autres entreprises, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de s’en prévaloir à l’encontre des requérantes. Au contraire, il ressort de la jurisprudence qu’une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 146 supra, EU:T:2004:221, points 205 à 210, et Hitachi e.a./Commission, point 147 supra, EU:T:2011:342, point 71).

151    En effet, le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe de documents implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 146 supra, EU:T:2004:221, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec, EU:T:2007:115, point 166, et Lafarge/Commission, point 145 supra, EU:T:2008:255, point 59).

152    Enfin, la Commission doit également prouver la durée de l’infraction, étant donné que ladite durée est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Les principes mentionnés aux points 144 à 151 ci-dessus s’appliquent à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec, EU:C:2006:592, points 95 et 96).

153    La jurisprudence exposée aux points 139 à 152 ci-dessus est applicable, par analogie, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

154    En troisième lieu, s’agissant du devoir de contrôle du Tribunal, il y a lieu de rappeler que celui-ci doit exercer un contrôle entier afin de savoir si les conditions d’application de l’article 101 TFUE se trouvent ou non réunies (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec, EU:C:1985:327, point 34, et du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec, EU:T:2000:242, point 62). Le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, Rec, EU:C:2014:2062, point 54 et jurisprudence citée, et Dresdner Bank/Commission, point 144 supra, EU:T:2004:299, point 67 et jurisprudence citée).

 Sur l’établissement de la durée de l’entente relative au NES

155    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation et une erreur de droit en ce qui concerne le calcul de la durée de leur participation à cette entente, en ce qu’elle aurait erronément pris comme début de celle-ci le déjeuner du GC à Staines le 1er octobre 2002 et non la date du 4 novembre 2002. Dès lors, la décision attaquée serait aussi insuffisamment motivée quant à la fixation de la date du début de leur participation.

156    En dépit de la présence de leur employé au déjeuner du 1er octobre 2002, les requérantes considèrent que le groupe DP a ensuite été informé de leur intention de ne pas introduire une surtaxe NES, ainsi que cela ressortirait également des considérants 108 et 109 de la décision attaquée. Elles se réfèrent, en particulier, à différents courriels invoqués dans la décision attaquée. La Commission admettrait que, à la suite d’une demande du groupe DP, elles ont clairement indiqué, en octobre 2002, qu’elles n’avaient pas l’intention d’introduire la surtaxe NES avant janvier 2003. Elles font valoir que, à la date du 4 novembre 2002, le groupe Exel s’interrogeait encore sur leur intention d’introduire ladite surtaxe. Elles considèrent que leur employé n’a indiqué que le 4 novembre 2002 qu’elles comptaient introduire la surtaxe NES au cours du mois de novembre 2002. Partant, dans la mesure où les autres parties à l’entente n’auraient pas eu conscience de leur participation à l’infraction jusqu’au 4 novembre 2002, elles n’auraient réellement commis l’infraction qu’à compter de cette date.

157    Par ailleurs, les requérantes soutiennent que, aux considérants 109 et 110 de la décision attaquée, la Commission se contredit, puisqu’elle reconnaît que, en octobre 2002, les autres transitaires avaient conscience du fait qu’elles n’avaient pas l’intention d’introduire une surtaxe NES. Partant, il existerait des éléments de preuve de leur distanciation et de leur absence d’intention de rejoindre l’entente jusqu’à la date du 4 novembre 2002. De plus, les requérantes soulignent qu’elles n’ont rejoint ladite entente qu’à la suite des pressions exercées par d’autres transitaires.

158    La Commission conteste ces arguments.

159    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, pour établir la date du début de la participation des requérantes à l’infraction relative au NES au 1er octobre 2002, date correspondant à la tenue d’une réunion du GC, la Commission s’est fondée sur un ensemble de courriels échangés entre les membres de l’entente, qui constituent des preuves documentaires.

160    Comme il ressort du considérant 102 de la décision attaquée, la Commission se fonde notamment sur un courriel codé daté du 10 octobre 2002 envoyé par Eagle, adressé aux participants du déjeuner du 1er octobre 2002, qui présente de manière détaillée les résultats de la réunion. Ledit courriel prouve, d’une part, que les requérantes ont assisté à la réunion et, d’autre part, qu’un accord détaillé entre concurrents relatif à l’introduction de la surtaxe NES et aux montants à appliquer a été conclu lors de ce déjeuner.

161    Puisque ledit courriel a dû être rédigé à partir de notes prises par le représentant d’Eagle lors de cette réunion, sa valeur probante est très élevée.

162    De plus, les autres courriels échangés entre les membres de l’entente au cours des mois d’octobre et de novembre 2002, mentionnés aux considérants 104 à 114 de la décision attaquée, permettent de corroborer la conclusion d’un accord entre concurrents relatif à la surtaxe NES.

163    Dès lors, la Commission a pu établir, en se fondant sur ces preuves documentaires, la participation des requérantes à une réunion entre concurrents tenue le 1er octobre 2002 au cours de laquelle un accord de nature anticoncurrentielle a été conclu.

164    En second lieu, il résulte de cette conclusion préliminaire qu’il incombe aux requérantes d’avancer des indices de leur distanciation de cet accord au regard de leurs concurrents pour remettre en cause la prise en compte de cette date pour marquer le début de leur participation à l’entente, voire d’établir l’absence de continuité dans leur participation à l’infraction entre cette date et celle du 4 novembre 2002 qu’elles estiment pertinente.

165    En effet, lorsque la participation d’une entreprise à des réunions entre entreprises concurrentes ayant un caractère anticoncurrentiel est établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir arrêt du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, EU:C:2012:271, point 74 et jurisprudence citée).

166    Afin que la participation d’une entreprise à une telle réunion ne puisse pas être considérée comme l’approbation tacite d’une initiative illicite ni comme une souscription à son résultat, il faut que cette entreprise se distancie publiquement de cette initiative de manière que les autres participants considèrent qu’elle met fin à sa participation ou bien qu’elle la dénonce aux entités administratives (voir arrêt Comap/Commission, point 165 supra, EU:C:2012:271, point 75 et jurisprudence citée).

167    Il faut également relever que la notion de distanciation publique en tant qu’élément d’exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, EU:T:2012:48, point 53 et jurisprudence citée).

168    Il convient donc d’examiner si, selon les éléments de preuve que les requérantes invoquent, elles ont démontré s’être distanciées publiquement de l’entente de manière à faire connaître leur désaccord aux autres entreprises qui étaient présentes lors de la réunion du 1er octobre 2002.

169    Force est de constater que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il ne ressort pas des considérants 108 à 109 de la décision attaquée ou des éléments de preuve mentionnés qu’elles se sont réellement distanciées de l’accord relatif au NES avant le 4 novembre 2002.

170    En effet, comme il ressort de l’échange de courriels au sein du groupe DP de fin octobre 2002, à ce stade, le représentant des requérantes à la réunion du 1er octobre 2002 avait indiqué que ces dernières ne comptaient pas appliquer la surtaxe NES avant le mois de janvier 2003, mais qu’il pensait réviser sa décision en raison de la pression exercée par les autres transitaires. Comme cela a été mentionné au considérant 109 de la décision attaquée, ce courriel du groupe DP répond à des courriels antérieurs internes audit groupe indiquant qu’il semblait à leurs auteurs que les requérantes n’allaient pas imposer de surtaxe NES.

171    La Commission considère à juste titre que ces éléments ne permettent pas de conclure à l’existence d’une distanciation de l’accord de la part des requérantes au sens de la jurisprudence citée aux points 165 à 167 ci-dessus.

172    En effet, le fait d’avoir indiqué à une entreprise ayant assisté à la réunion du 1er octobre 2002 qu’elles envisageaient de vouloir retarder la mise en œuvre de la surtaxe NES ne constitue pas une distanciation de l’accord claire, précise ou explicite. Tout au plus, il peut en être déduit l’existence d’un doute quant à la date à laquelle elles allaient mettre en œuvre l’accord, ce qui était envisagé par les concurrents dès le 28 octobre 2002 (voir considérant 105 de la décision attaquée), mais non une désolidarisation de l’accord. Comme la Commission le soutient, le fait qu’il y ait eu une certaine incertitude chez un concurrent sur la question de savoir si les requérantes allaient imposer la surtaxe NES ne suffit pas pour tirer une conclusion contraire.

173    Par ailleurs, il peut être déduit de ces éléments de preuve que les requérantes ont en réalité indiqué avant le 4 novembre 2002 qu’elles allaient effectivement exécuter l’accord conclu lors de la réunion du 1er octobre 2002.

174    En outre, contrairement à ce que font valoir les requérantes, cette analyse est corroborée par les éléments de preuve décrits au considérant 110 de la décision attaquée. Il s’agit notamment d’un courriel d’Exel du 4 novembre 2002 et de la réponse du représentant des requérantes du même jour. Il y est fait état de l’incertitude quant au problème de la non-exécution de l’accord par les requérantes, à la suite de quoi ledit représentant a expliqué que le retard dans l’exécution de l’accord était dû à des problèmes techniques. Cet échange confirme plutôt qu’il n’infirme l’adhésion des requérantes aux principes de l’accord et contredit la thèse d’une rupture dans leur participation par le biais d’une distanciation publique, au sens de la jurisprudence précitée, entre le 1er octobre 2002 et le 4 novembre 2002.

175    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré l’existence d’une distanciation de l’accord de leur part, requise pour pouvoir considérer que leur participation à la réunion du 1er octobre 2002 ne prouve pas qu’elles ont adhéré à l’entente à compter de cette date.

176    Dès lors, il convient de considérer que la Commission n’a commis ni d’erreur d’appréciation ni d’erreur de droit en retenant que les requérantes ont commencé à participer à l’entente relative au NES à compter du 1er octobre 2002 et non à compter du 4 novembre 2002. Enfin, au vu des considérations tirées de la décision attaquée rappelées ci-dessus, il ne peut être valablement soutenu que cette conclusion ne serait pas motivée à suffisance de droit dans la décision attaquée, qui n’est entachée d’aucune contradiction sur ce point.

177    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur l’établissement de la durée de l’entente relative à l’AMS

178    Les requérantes soutiennent que la Commission n’a rapporté la preuve de leur participation à l’entente relative à l’AMS qu’à compter du 21 octobre 2003 et que, en retenant à cet égard la date du 8 avril 2003, la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation.

179    Elles rappellent qu’elles n’ont pas participé à la réunion du 19 mars 2003, qui joue un rôle central dans l’infraction relative à l’AMS, et que, à la suite de cette réunion, elles n’ont pas non plus été informées de son contenu contraire au droit des ententes. Ce serait donc à juste titre que, contrairement à l’approche retenue dans la communication des griefs, la Commission n’a pas tenu compte de cette réunion à leur égard. Toutefois, la Commission considérerait à tort que la seule présence d’un représentant des requérantes à la réunion des présidents-directeurs généraux du 8 avril 2003, dont il ne serait pas contesté qu’elle était pour une large part irréprochable au regard du droit de la concurrence, permettait de considérer qu’elles ont participé à l’entente à partir de cette date. Selon elles, la première réunion ayant un contenu pertinent au regard du droit de la concurrence et à laquelle elles ont participé a été organisée le 21 octobre 2003.

180    Au soutien de leur argument selon lequel la réunion du 8 avril 2003 ne peut marquer le début de leur participation, les requérantes font notamment valoir qu’il n’est pas établi que le représentant du groupe Panalpina a effectivement présenté l’accord conclu lors de la réunion du 19 mars 2003 lors de ladite réunion du 8 avril 2003. En outre, la Commission aurait encore moins rapporté la preuve du fait que leur représentant a pris connaissance de ces informations et en a compris le contenu. À cet égard, elles rejettent, par ailleurs, la référence faite par la Commission devant le Tribunal à certaines affirmations dans la déclaration [confidentiel], dont elle aurait pu déduire que la présentation en cause avait eu lieu. D’une part, elles n’auraient pas pu se prononcer sur cette déclaration lors de la procédure administrative, ce qui violerait leurs droits de la défense, et, d’autre part, quant au fond, la déclaration ne serait pas déterminante dans la mesure où il n’apparaît pas clairement que [confidentiel] s’appuie sur une autre source que le simple texte de la présentation pour affirmer qu’elle a effectivement eu lieu.

181    Par ailleurs, la Commission ferait une interprétation erronée de la répartition de la charge de la preuve en alléguant qu’il suffit de constater que les requérantes ne se sont pas publiquement distanciées de l’accord conclu. Elles soutiennent que les faits de l’espèce rappellent ceux en cause dans l’arrêt du 14 mai 1998, Sarrió/Commission (T‑334/94, Rec, EU:T:1998:97), dans le cadre duquel le Tribunal a considéré que l’entreprise visée dans cette affaire n’était pas tenue de se distancier publiquement du contenu de discussions contraires au droit de la concurrence parce qu’elle pouvait ne pas être consciente du contexte dans lequel s’inscrivaient les discussions sur les prix auxquelles elle avait participé. Les requérantes font notamment valoir à cet égard que la réunion du 8 avril 2003 n’était pas une réunion dont l’objet était contraire au droit de la concurrence, que, tout au plus, il y était fait rapport d’une entente illégale qui aurait été conclue dans le cadre d’une autre réunion, à savoir celle du 19 mars 2003, et que les passages de l’exposé du représentant du groupe Panalpina lors de cette réunion n’étaient pas aussi explicites que le prétend la Commission. De plus, elles insistent sur le caractère inattendu de la discussion de l’entente, des accords illégaux n’ayant pas été conclus auparavant au sein de l’association FFI et l’AMS n’ayant pas fait l’objet de discussions fréquentes ou typiques.

182    Selon les requérantes, en outre, à la suite de la réunion du 8 avril 2003, elles ne pouvaient pas non plus identifier l’accord contraire aux règles de la concurrence sur la base du procès-verbal de ladite réunion.

183    Les requérantes soutiennent, par ailleurs, que la Commission a violé leurs droits de la défense, puisque ce ne serait qu’au stade de la décision attaquée, notamment au considérant 149 et à la note en bas de page n° 139 de cette décision, qu’elle a fait référence à certains documents à charge pertinents, ce passage n’ayant pas été mentionné dans la communication des griefs.

184    Dans la réplique, les requérantes rejettent, en substance, l’invocation par la Commission dans le mémoire en défense du fait que le procès-verbal de la réunion du 19 mars 2003 leur avait été notifié avant la réunion du 8 avril 2003. D’une part, la Commission n’aurait jusqu’à ce stade de la procédure pas fait état du courriel de notification dudit procès-verbal soumis en annexe au mémoire en défense, de sorte que l’argument serait tardif et dénué de pertinence. D’autre part, quant au fond, contrairement à ce que ferait valoir la Commission, l’envoi dudit procès-verbal ne pourrait être considéré, en soi, comme une pratique concertée.

185    La Commission conteste ces arguments.

186    À cet égard, force est de rappeler que les requérantes n’ont pas participé à la réunion du 19 mars 2003, qui a marqué le début de l’entente relative à l’AMS et lors de laquelle un accord de principe quant à l’imposition d’une surtaxe AMS aux clients des transitaires a été conclu. Ainsi que cela ressort du considérant 145 de la décision attaquée, les requérantes étaient excusées. Il n’est pas contesté qu’elles étaient représentées à la réunion des présidents-directeurs généraux du 8 avril 2003. Elles contestent toutefois que, faute de distanciation publique de leur part au cours de la réunion du 8 avril 2003, lors de laquelle une présentation sur les principes convenus le 19 mars 2003 a été faite, leur participation a commencé au plus tard à cette date.

187    Il convient de commencer par examiner si, comme les requérantes le font valoir, la nature et le déroulement de la réunion du 8 avril 2003 impliquent qu’il ne pourrait leur être reproché une absence de distanciation publique ce jour-là. En effet, il n’est pas contesté qu’elles n’ont adopté aucun geste de distanciation à cette occasion.

188    L’argumentation des requérantes vise à établir, en substance, que, afin de pouvoir exiger une distanciation publique de leur part, la Commission ne pourrait se référer à la simple présence de leur représentant à ladite réunion, mais aurait dû prouver que celui-ci avait effectivement pris connaissance de l’accord anticoncurrentiel relatif à l’AMS ce jour-là.

189    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a fondé son analyse quant à l’objet anticoncurrentiel de la réunion du 8 avril 2003 sur plusieurs indices. Ainsi, elle disposait de la présentation du représentant du groupe Panalpina et du procès-verbal de la réunion qui fait explicitement état de la tenue de cette présentation et mentionne la présence du représentant des requérantes ainsi que de ceux d’autres transitaires.

190    Force est de relever que le contenu de la partie pertinente de la présentation du représentant du groupe Panalpina ne manque pas de clarté. Sous une section intitulée « Action de [l’association FFI] concernant le système de manifeste préalable en matière de fret aérien » il est notamment indiqué que « [l’association FFI] a reconnu que les frais supplémentaires auxquels sont exposés les transitaires pour la mise en œuvre de mesures de sécurité supplémentaires doivent être facturés aux clients » et que « [l’association FFI] ne doit pas tirer un avantage commercial de la facturation des frais ». Comme la Commission l’indique, compte tenu du fait que l’association FFI n’exerce pas elle-même les activités de transitaire, il est nécessairement fait référence à ses membres présents le 8 avril 2003 et au comportement à suivre par eux s’agissant de la facturation des frais AMS, à savoir de ne pas se faire concurrence en ce qui concerne ces frais.

191    Dès lors, la Commission disposait d’indices qui, considérés dans leur ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec, EU:C:2004:6, point 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec, EU:C:2007:52, point 51).

192    Aucun des arguments soulevés par les requérantes ne permet de donner une autre explication cohérente des circonstances factuelles ainsi constatées par la Commission.

193    Premièrement, selon les requérantes, aucun accord n’aurait été conclu lors de cette réunion, mais tout au plus il y aurait été fait état d’un accord conclu lors d’une réunion précédente. La Commission n’aurait donc pas rempli la charge de la preuve initiale qui lui incombe, de sorte qu’il ne saurait leur être demandé sur cette base des preuves de leur distanciation.

194    Or, la Commission affirme à juste titre que cette distinction ne peut être opérée. La présentation par le représentant du groupe Panalpina, communiquant à la réunion des présidents-directeurs généraux présents les termes de l’accord sur le fait de facturer aux clients les frais relatifs à l’AMS, conclu à la réunion du comité du fret aérien à une date précédente, donne clairement à la réunion en cause un objet anticoncurrentiel. Il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 165 à 167 ci-dessus que la seule présence des requérantes à une telle réunion est suffisante pour requérir de leur part la preuve d’une distanciation du contenu de celle-ci.

195    Par ailleurs, le fait que la discussion du contenu de l’accord conclu lors de la réunion du 19 mars 2003 ne fait l’objet que de quelques pages dans ladite présentation, qui englobait également de nombreux autres sujets non contraires au droit de la concurrence, est dénué de pertinence. En effet, comme cela a déjà été relevé au point 190 ci-dessus, le contenu de la partie pertinente de la présentation en cause ne manque pas de clarté quant à son objet anticoncurrentiel.

196    Deuxièmement, l’argument des requérantes selon lequel il n’est pas prouvé que cette partie de la présentation du représentant du groupe Panalpina a effectivement été exposée à l’oral lors de la réunion ne convainc pas non plus. Outre le fait qu’aucun des autres destinataires de la décision attaquée n’a allégué que tel n’avait pas été le cas, les requérantes se trompent quant à l’interprétation des règles régissant la charge de la preuve quand elles font valoir que la Commission aurait dû procéder à des investigations supplémentaires pour établir que la partie de la présentation en cause qui concernait l’accord anticoncurrentiel avait effectivement été présentée lors de la réunion du 8 avril 2003 compte tenu du fait qu’elles ont émis un doute à cet égard, ainsi qu’il ressort du considérant 173 de la décision attaquée.

197    En effet, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 146 et 191 ci-dessus que, face au faisceau d’indices dont disposait la Commission quant à la participation des requérantes à une réunion dont l’objet était anticoncurrentiel, il leur incombait au moins d’apporter une explication alternative plausible des faits ainsi établis. Or, un simple doute soulevé par elles ne saurait être suffisant à cet égard pour renverser cette charge de la preuve. Comme la Commission le fait valoir à juste titre, les requérantes n’ont apporté aucun élément permettant de prouver que leur représentant n’était pas présent pendant la partie concernée de la réunion en cause. L’affirmation figurant au considérant 174 de la décision attaquée selon laquelle la présentation a été diffusée auprès des parties n’est d’ailleurs pas remise en cause par les requérantes.

198    Troisièmement, les requérantes ne sauraient faire valoir de manière crédible que leur représentant aurait pu ne pas prêter attention aux détails de la présentation du représentant du groupe Panalpina ni que, quand bien même l’exposé de la partie litigieuse de cette présentation avait effectivement eu lieu, il aurait pu ne pas en discerner la portée.

199    En effet, comme la Commission le fait remarquer et ainsi que cela ressort du procès-verbal de ladite réunion, le représentant des requérantes, en tant que président de l’association FFI, présidait la réunion en cause. En outre, comme cela est relevé au point 190 ci-dessus, le caractère anticoncurrentiel de l’accord relatif aux surtaxes AMS ressortait clairement de la présentation litigieuse. Son contenu était suffisamment explicite pour être compris, même sans précisions complémentaires, comme la Commission l’indique à juste titre au considérant 174 de la décision attaquée.

200    Quatrièmement, le parallèle invoqué par les requérantes avec les circonstances en cause dans l’arrêt Sarrió/Commission, point 181 supra (EU:T:1998:97), ne permet pas non plus de remettre en cause la thèse de la Commission selon laquelle elles auraient dû apporter la preuve de leur distanciation publique lors de la réunion du 8 avril 2003. Les requérantes se réfèrent, en particulier, au point 211 dudit arrêt, dans lequel le Tribunal a considéré que la participation de la société Prat Carton à une réunion au cours de laquelle ont été menées des discussions au sujet des prix n’était pas suffisante pour prouver sa participation au cartel et que, en conséquence, il ne pouvait lui être reproché l’absence de distanciation publique. Ledit point 211 se lit comme suit :

« À la lumière de ces éléments, il ne saurait être exclu que le(s) représentant(s) de Prat Carton à la réunion du [comité économique] du 3 octobre 1989 ai(en)t pu ne pas être conscient(s) du contexte dans lequel s’inscrivaient les discussions sur les prix. De plus, en l’absence de preuves quant à son comportement sur le marché en matière de prix durant la période pertinente, il est possible que Prat Carton ait considéré que les discussions ne concernaient pas sa situation individuelle. Par conséquent, dans la mesure où le contenu de la réunion du [comité économique] du 3 octobre 1989 a pu avoir pour Prat Carton un caractère exceptionnel, il ne saurait être reproché à cette entreprise de ne pas s’être publiquement distanciée du contenu des discussions de cette réunion. »

201    Force est toutefois de relever que plusieurs circonstances distinguent le cas d’espèce de celui de la société Prat Carton en cause dans l’arrêt Sarrió/Commission, point 181 supra (EU:T:1998:97). Comme la Commission le relève, il ne saurait être considéré que les requérantes ont pu raisonnablement croire que la discussion de l’accord relatif à l’AMS ne concernait pas leur situation individuelle et avait un caractère exceptionnel, comme cela a été retenu par le Tribunal pour la société Prat Carton. Dans le cas de cette dernière société, la discussion qualifiée d’exceptionnelle à son égard concernait un produit qui était pour elle de faible importance – elle fabriquait pour 80 % un produit différent de celui discuté lors de la réunion en cause –, la réunion au cours de laquelle les détails de l’accord de prix avaient été convenus en son absence s’était tenue plus de huit mois auparavant et la réunion à laquelle elle avait participé concernait les réactions des clients à l’augmentation du prix pour octobre 1989, objet d’une collusion à laquelle elle n’avait pas pris part. Or, l’accord relatif à l’imposition d’une surtaxe AMS en cause dans la présente espèce était très récent et visait un comportement des transitaires pour le futur. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les questions relatives à l’AMS faisaient régulièrement l’objet de discussions au cours des réunions de l’association FFI, même si, comme les requérantes l’allèguent et comme la Commission le reconnaît, il s’agissait généralement de discussions sur des aspects techniques qui ne posaient pas de problème du point de vue du droit de la concurrence.

202    Enfin, ne saurait non plus prospérer l’argument des requérantes selon lequel la Commission a violé leurs droits de la défense en se référant, au considérant 149 et à la note de bas de page n° 139 de la décision attaquée, à des documents à charge qui n’auraient pas été explicités dans la communication des griefs. En effet, il s’agit en l’occurrence d’un passage de la déclaration [confidentiel] et de l’interprétation de l’accord conclu le 19 mars 2003 qu’elle confirmerait. Force est de relever toutefois que, dans le cadre de ce considérant de la décision attaquée, la Commission ne fait qu’interpréter ledit accord dont le contenu ressortait déjà du procès-verbal de la réunion en cause, auquel les requérantes ont eu accès et dont le contenu est discuté au considérant 146 de la décision attaquée. L’argument doit donc être rejeté.

203    Dès lors, étant donné la présence des requérantes à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel le 8 avril 2003, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il incombait aux requérantes de se distancier publiquement de l’entente relative à l’AMS à cette date, ce qu’elles n’ont pas fait. La Commission pouvait donc retenir cette date comme ayant marqué le début de leur participation à l’entente. Il en découle également que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la prise en compte de cette date était motivée à suffisance de droit dans la mesure où les indices retenus par la Commission et les conclusions qu’elle en a tirées à l’égard des requérantes ressortent clairement des considérants 148, 149, 164, 165, 173 et 174 de la décision attaquée.

204    Par conséquent, le neuvième moyen doit également être rejeté.

 Sur les erreurs d’appréciation ayant affecté le calcul du montant des amendes dans le cadre des ententes relatives au NES (quatrième moyen), à l’AMS (dixième moyen), au CAF (treizième moyen) et à la PSS (seizième moyen) ainsi que sur le caractère prétendument disproportionné du montant desdites amendes (cinquième, onzième, quatorzième et dix-septième moyens)

205    Ces moyens visent la partie de la décision attaquée dans laquelle la Commission a calculé le montant des amendes qu’elle a imposées aux requérantes.

206    Dans ce contexte, la Commission s’est fondée sur la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006. En particulier, elle a considéré que, pour déterminer le montant de base des amendes, il convenait, d’une part, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’utiliser la valeur des ventes que les requérantes ont réalisées avec les services de transit auprès des clients de l’EEE sur les routes commerciales concernées par les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS et, d’autre part, d’appliquer des taux de gravité et un montant additionnel à titre dissuasif. Elle a également considéré que les requérantes ne pouvaient se prévaloir d’aucune circonstance atténuante.

207    Les requérantes soutiennent que le calcul des montants des amendes qui leur ont été infligées dans le cadre des quatre ententes, rappelés aux points 11 à 14 ci-dessus, d’une part, est entaché d’erreurs à plusieurs égards et, d’autre part, a mené à des amendes disproportionnées et contraires à l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

208    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux, l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction et, en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, la Commission doit prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction.

209    Pour leur part, les principes de proportionnalité et d’adéquation de la peine à l’infraction exigent que les amendes ne soient pas démesurées au regard des objectifs visés, c’est-à-dire du respect du droit de la concurrence de l’Union, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à ladite infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa gravité. En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer le montant de l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit, à ce sujet, appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, Sasol e.a./Commission, T‑541/08, Rec, EU:T:2014:628, point 316).

210    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’analyse de la gravité d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec, EU:C:1983:158, point 121 ; du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec, EU:C:2009:505, point 96, et KME Germany e.a./Commission, point 33 supra, EU:C:2011:816, points 58 et 59).

211    S’agissant, plus spécifiquement, du volume et de la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction, le Tribunal a déjà constaté que, même s’il est incontestable que le chiffre d’affaires d’une entreprise ou d’un marché est, en tant que facteur d’évaluation de la gravité de l’infraction, nécessairement vague et imparfait, malgré sa nature approximative, il est considéré, à l’heure actuelle, tant par le législateur de l’Union que par la Commission et par la Cour comme un critère adéquat, dans le cadre du droit de la concurrence, pour apprécier la taille et le pouvoir économique des entreprises concernées (arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, Rec, EU:T:2009:142, point 93).

212    En effet, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction.

213    Ces principes sont reflétés dans les lignes directrices de 2006, qui prévoient une méthode générale pour le calcul du montant des amendes. En effet, il ressort du paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée [de celle-ci] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

214    Ainsi, les lignes directrices de 2006 prévoient que, dans une première étape, la Commission détermine le montant de base de l’amende. Dans le cadre de cette étape, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission identifie la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE au cours d’une année déterminée. Par ailleurs, elle applique à cette valeur un taux de gravité sous forme d’un pourcentage déterminé en fonction du degré de gravité de l’infraction et multiplie ce résultat par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction. En cas d’accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, elle inclut un montant additionnel. Dans une seconde étape, elle tient compte des circonstances aggravantes ou atténuantes, qui portent sur d’autres considérations relatives à la gravité de l’infraction.

215    En adoptant les lignes directrices de 2006, la Commission s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Sans présenter de justifications, elle ne peut donc pas se départir de la méthode prévue par celles-ci, sous peine de se voir sanctionnée, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec, EU:C:2005:408, point 211).

216    C’est à l’aune de ces principes et de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les arguments avancés par les requérantes.

217    Les arguments soulevés par les requérantes concernent, en substance, trois aspects de l’analyse de la Commission. Premièrement, elles invoquent des erreurs d’appréciation dans le calcul de la valeur des ventes liées à l’infraction et le caractère prétendument disproportionné de celle-ci. Deuxièmement, certains de leurs arguments avancés dans le cadre des moyens visant la violation du principe de proportionnalité peuvent être interprétés comme visant les taux de gravité appliqués à la valeur des ventes dans le cadre du calcul du montant des amendes. Troisièmement, elles remettent en cause la non-prise en compte de certaines circonstances atténuantes.

 Sur la détermination prétendument incorrecte de la valeur des ventes pour les quatre ententes et le caractère prétendument disproportionné de celle-ci

218    Les griefs en cause visent l’analyse de la Commission figurant aux considérants 857 à 890 de la décision attaquée, selon laquelle, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, pour calculer le montant de base de l’amende, il convenait d’utiliser les valeurs des ventes que les requérantes ont réalisées avec les services de transit auprès des clients de l’EEE sur les routes commerciales concernées par les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS.

219    Les requérantes soutiennent, quant aux quatre ententes, que la Commission a commis des erreurs d’appréciation et a violé le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, dans la mesure où la valeur des ventes retenue pour déterminer le montant de base des amendes n’est pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction, comme l’exige cette disposition. Elles rappellent que cette disposition vise les ventes réalisées sur le marché pertinent, de sorte que la délimitation du marché joue un rôle décisif.

220    Plus spécifiquement, elles avancent plusieurs arguments au soutien de l’argumentation selon laquelle la Commission aurait dû calculer le montant de l’amende sur la seule base du chiffre d’affaires réalisé avec chaque majoration spécifique.

221    Elles rappellent d’abord leurs arguments tirés du caractère singulier des services spécifiquement visés par les ententes. En particulier pour le NES et l’AMS, la majoration concernerait un service autonome, indépendant du service de fret et qui ne serait pas uniquement proposé par des entreprises de transport, mais également par des tiers indépendants sur le marché, tels que des agents de déclaration en douane ou des courtiers. Le caractère autonome desdits services serait également illustré par le fait que ceux-ci sont facturés en externe et comptabilisés en interne sous un code et un poste spécifiques, de sorte qu’ils ne font pas partie du « fret aérien ». Le fait que ces services sont proposés, calculés et facturés séparément impliquerait qu’il n’existe pas non plus de lien indirect avec le service de fret aérien pouvant justifier la prise en compte des revenus relatifs à ce dernier pour l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

222    Ensuite, en particulier pour le NES et l’AMS, la majoration serait facturée pour toute expédition comme une somme forfaitaire dont le montant ne dépendrait donc pas de l’importance ou du prix du service de transit concerné (par exemple, sous la forme d’un pourcentage calculé sur le montant du fret aérien). L’amende serait donc plus élevée pour une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires total élevé, généré par des opérations de transport moins fréquentes, mais de plus grande valeur, par rapport à des entreprises réalisant un plus grand nombre de commandes de moindre importance.

223    En outre, les requérantes font valoir que la Commission a suivi en l’espèce une approche différente de celle suivie dans sa pratique antérieure, notamment dans les affaires IV/35.814 et COMP/39.234 – Extra d’alliage.

224    De surcroît, le calcul du montant de l’amende n’aurait pas dû tenir compte des recettes encaissées pour le compte des compagnies aériennes, pour lesquelles elles n’interviendraient que comme intermédiaires en encaissant pour le compte de celles-ci les sommes en cause, et ce d’autant plus qu’il n’y aurait pas eu de concertation en ce qui concerne ces montants et que d’autres autorités de concurrence auraient tenu compte de cette circonstance. Par ailleurs, les requérantes refusent le parallèle invoqué par la Commission avec le coût de différentes matières et fournitures parce que, contrairement à un processus de production normal, il serait possible, en l’espèce, d’identifier le coût du transport par rapport à celui du service spécifique fourni par le transitaire. Elles rejettent également l’analyse de la Commission avancée dans le mémoire en défense selon laquelle les transitaires prennent en charge un risque financier propre, de sorte qu’ils ne seraient pas de simples intermédiaires. Selon elles, cette analyse de la Commission ne repose sur aucun fondement, de sorte que la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation sur ce point. Les requérantes considèrent, de surcroît, que leur analyse à cet égard est confirmée par les principes établis dans le domaine du contrôle des concentrations, dans le cadre duquel le calcul du chiffre d’affaires d’un intermédiaire ne reposerait que sur le montant de sa commission.

225    Quant aux ententes relatives au CAF et à la PSS, les requérantes se réfèrent de manière générale aux arguments présentés ci-dessus en ce qui concerne le NES et l’AMS, en insistant sur le fait que le chiffre d’affaires pris en compte par la Commission pour le calcul du montant de l’amende n’est pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction, parce qu’il n’a pas uniquement été tenu compte de la valeur des ventes liées aux majorations en cause.

226    Enfin, les requérantes soutiennent que la valeur des ventes retenue est disproportionnée compte tenu des faibles marges générées par les services de transit ainsi que du fait que le chiffre d’affaires réalisé par les transitaires est presque exclusivement constitué de recettes encaissées pour les compagnies aériennes. Dans ce contexte, elles avancent des données chiffrées relatives à leurs très faibles recettes générées directement en ce qui concerne les surtaxes auprès de clients européens. Ainsi, pour les NES, ces recettes auraient notamment été de 228 000 euros en 2004, tandis qu’elles étaient de 25 650 euros pour l’AMS pour cette même année. Pour la surtaxe CAF, qu’elles auraient appliquée seulement à deux clients, elles auraient enregistré des recettes de 48 000 euros en 2005, dont seulement 6 000 euros facturés à des clients européens, tandis qu’en 2006 elles n’auraient enregistré aucune recette liée à cette majoration. Quant à la PSS, les recettes ne seraient que de 11 900 pour l’année 2006, dont 1 700 euros facturés à des clients européens.

227    La Commission conteste ces arguments.

228    À cet égard, il convient de rappeler que, comme les requérantes le soulèvent à juste titre, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 vise les ventes réalisées sur le marché pertinent (arrêt du 16 juin 2011, Team Relocations e.a./Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec, EU:T:2011:286, point 63). Cette notion ne saurait s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas, directement ou indirectement, du périmètre de l’entente reprochée (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, EU:C:2013:464, points 73 à 78).

229    Or, selon l’analyse de la Commission, confirmée dans le cadre de l’examen liminaire figurant aux points 35 à 52 ci-dessus, les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS visent le marché des services de transit, englobant tous les services nécessaires pour l’expédition de fret. Par ailleurs, dans le cadre dudit examen liminaire, les arguments avancés par les requérantes visant le caractère autonome des services liés au NES et à l’AMS, le fait que lesdits services soient également réalisés par des tiers indépendants ainsi que les arguments tirés de la comptabilisation et de la facturation individuelles desdits services ou des majorations ayant fait l’objet des ententes relatives au CAF et à la PSS, mentionnés au point 221 ci-dessus, ont déjà été examinés et rejetés. Ils n’affectent pas l’analyse de la Commission selon laquelle il existe une demande spécifique pour les services de transit en tant que lot de services et selon laquelle les ententes en cause visaient les services de transit en tant que lot de services, dans la mesure où c’était la concurrence entre les transitaires actifs sur ce marché qui se trouvait restreinte par les ententes.

230    Sur cette base, la Commission a donc pu considérer, sans commettre d’erreur, que la valeur des ventes relevant du périmètre des ententes reprochées était fondée sur le prix total que les transitaires avaient facturé à leurs clients sur les routes concernées, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les prix des différents services englobés dans les services de transit.

231    Aucun des autres arguments avancés par les requérantes ne remet en cause cette analyse.

232    En premier lieu, s’agissant du fait que la majoration pour le NES et pour l’AMS est calculée comme une somme forfaitaire, de sorte que des entreprises réalisant un petit volume d’activités de transit, mais concernant du fret de valeur importante, seraient pénalisées par la méthode de calcul fondée sur la globalité des ventes par rapport à celles réalisant leur chiffre sur la base d’un grand volume de transactions de valeur intrinsèque moins importante, la Commission relève à juste titre que cela est une conséquence logique du fait que, comme cela a été rappelé au point 211 ci-dessus, dans le cadre des lignes directrices de 2006, le critère pertinent pour le calcul du montant des amendes est le chiffre d’affaires et non le profit additionnel réalisé par une entente.

233    En deuxième lieu, quant à l’approche différente qui aurait été suivie dans le cadre des affaires Extra d’alliages mentionnées au point 223 ci-dessus, les requérantes invoquent, en particulier, le point 108 de l’arrêt du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission (T‑45/98 et T‑47/98, Rec, EU:T:2001:288), dont il ressortirait que, dans cette affaire, le montant de l’amende a été déterminé uniquement par rapport à la surtaxe en cause et non par rapport au prix global des produits affectés par la surtaxe.

234    Cet argument ne peut pas prospérer.

235    Certes, dans ces affaires, l’infraction en cause visait la valeur de référence utilisée pour calculer des surtaxes sur le prix de l’acier inoxydable. Toutefois, il ne peut être déduit ni de l’arrêt du Tribunal ni de la décision de la Commission que, pour la détermination de la valeur des ventes des produits ou des services réalisées en relation avec l’infraction au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, seul le montant de la surtaxe pouvait être pris en compte. En effet, premièrement, force est de constater que, dans cette affaire, la Commission n’a pas appliqué les lignes directrices de 2006, mais les anciennes, à savoir les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), qui prévoyaient une méthodologie différente et qui n’utilisaient pas la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise en relation directe ou indirecte avec l’infraction comme point de départ pour le calcul du montant des amendes. Deuxièmement, s’agissant du point 108 de l’arrêt susmentionné, que les requérantes invoquent au soutien de leur argumentation, force est de constater que ce point s’inscrit dans une partie des motifs dans laquelle le Tribunal s’est limité à examiner le bien-fondé d’un grief tiré de ce que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en méconnaissant les modalités de l’entente en cause. Dès lors, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, aucun enseignement utile ne peut être tiré du point 108 de cet arrêt pour l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

236    En troisième lieu, il convient d’examiner l’argumentation des requérantes visant l’analyse de la Commission figurant aux considérants 878 et 879 de la décision attaquée. Selon elles, d’une part, la considération selon laquelle les transitaires qui agissent en tant qu’intermédiaires pour les sociétés de transport prennent néanmoins un risque financier propre ne repose sur aucun fondement. D’autre part, elles-mêmes interviendraient principalement comme intermédiaires des compagnies aériennes en encaissant pour leur compte les sommes concernant le service de transport, sommes dont il faudrait donc faire abstraction.

237    À cet égard, il y a lieu de préciser que, auxdits considérants de la décision attaquée, la Commission tire comme conséquence de certaines clarifications offertes par des transitaires le fait que le modèle de consolidation est largement prépondérant dans le secteur et qu’il est au cœur du modèle commercial du transit.

238    Comme la Commission l’explique au considérant 878 de la décision attaquée, selon ce modèle, les transitaires préfinancent ou achètent les services de tiers qui seraient nécessaires pour la fourniture des services de transit en gros et à l’avance et sont en mesure, en regroupant par consolidation les marchandises de leurs propres clients en des cargaisons de poids et de dimension optimaux, d’exploiter des économies d’échelle et d’utiliser plus efficacement ces capacités que n’aurait pu le faire un de leurs clients s’il avait tenté d’acheter directement des services de transport aérien ou des services annexes auprès d’un transporteur aérien ou d’une société d’assistance en escale ou d’entreposage.

239    La Commission a toutefois précisé, au considérant 879 de la décision attaquée, que, dans la mesure où les transitaires ne transformaient pas les intrants fournis par des tiers, notamment quand ils agissaient comme intermédiaires pour des tiers prestataires, ils fournissaient encore un service à valeur ajoutée contre le paiement d’une commission, comparable à une marge créée dans le modèle commercial de consolidation. Selon la Commission, dans le cas où les transitaires répercutaient les coûts payés à des tiers sur leurs clients, ils assumaient le risque financier associé à ces coûts de sorte qu’il n’était pas justifié de ne pas en tenir compte dans le cadre du calcul du montant des amendes, tandis que, dans le cas où ils ne percevaient que le montant de la commission auprès du donneur d’ordre et ne facturaient pas le prix du service tiers au nom du prestataire de ce service, seul le montant de la commission faisait logiquement partie du chiffre d’affaires des transitaires.

240    En réponse à une question écrite du Tribunal demandant aux requérantes d’expliciter leur argumentation contestant la validité de cette analyse quant au fond, elles ont fait valoir, en substance, d’une part, que leur modèle d’entreprise reposait pour environ 90 % sur le modèle d’intermédiation classique plutôt que sur celui de consolidation et, d’autre part, que, quand elles jouaient le rôle d’intermédiaire classique, elles faisaient correspondre la demande d’un client qui voulait transporter une marchandise à l’offre d’un transporteur en tant que simple agent, sans supporter un quelconque risque économique quant au coût du transport. À cet égard, elles soumettent quelques exemples de lettres de transport aérien (airway bills) sur lesquelles elles sont désignées comme agent du transporteur (carrier’s agent). Elles précisent également qu’il existe des cas dans lesquels elles informent par avance certains transporteurs de certains besoins déterminés, mais qu’elles ne sont pas tenues de payer ces capacités si aucun client n’en est demandeur et que ce n’est que quand les capacités sont utilisées qu’elles sont facturées au client en cause.

241    Les requérantes concèdent qu’il est possible que leur modèle soit différent du modèle prépondérant sur le marché, mais considèrent que, en tout état de cause, la Commission aurait dû davantage motiver son analyse quant au rôle du risque économique ou, le cas échéant, procéder à des mesures d’instruction, faute de quoi ses conclusions ne peuvent être valables en ce qui les concernent.

242    Force est de relever toutefois que cette argumentation ne remet pas en cause la méthode de calcul adoptée par la Commission consistant à inclure dans la valeur des ventes liée aux infractions le coût du service de transport pour autant que celui-ci soit inclus dans le chiffre d’affaires des requérantes.

243    En effet, d’une part, dans l’hypothèse où les requérantes ne répercutent pas le coût du transport sur leurs clients, mais que leur revenu se limite à une commission perçue de la part du transporteur, aucun problème ne se pose, seul le montant de la commission étant reflété dans leur chiffre d’affaires.

244    D’autre part, dans le cas où les requérantes répercutent sur leur clients le coût du transport qu’elles ont elles-mêmes dû payer ou vont devoir payer à des tiers, la question de la prise en charge du risque n’est pas le seul paramètre à prendre en compte pour identifier la valeur des ventes qui relèvent du périmètre des ententes reprochées.

245    En effet, si les requérantes offrent globalement, sous leur dénomination sociale, un forfait qui combine le transport en tant que tel avec plusieurs autres services, tels que les services de dépôt NES ou ceux liés aux formalités administratives AMS, ce qu’elles ne contestent pas, la concurrence se fait sur le prix global pour l’ensemble de ces services, qui se trouvera affecté même par des accords qui ne concernent que des éléments du forfait.

246    Par ailleurs, il existe, dans de nombreux secteurs, un risque pour des entreprises commerciales de ne pas pouvoir exploiter en aval certains biens ou services achetés sur des marchés en amont, ce qui peut donner lieu à différents modèles d’accords avec les fournisseurs afin de minimiser le risque financier lié à leur coût. Or, si cette prise en charge en amont du risque était un critère pour le calcul du chiffre d’affaires, la valeur des matières transformées devrait souvent être déduite, au moins partiellement, dans l’industrie manufacturière également.

247    Or, la jurisprudence considère que les coûts de matériel ne sont pas déduits, même partiellement, du chiffre d’affaires. En effet, dans tous les secteurs industriels, il existe des coûts inhérents au produit final que le fabricant ne peut maîtriser, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de l’ensemble de ses activités. Il ne convient donc pas de déduire les coûts des intrants, qui sont inhérents aux prix des produits et des services vendus, de la valeur des ventes, même lorsque le coût des intrants constitue une partie importante de la valeur des ventes (voir, en ce sens, arrêts KME Germany e.a./Commission, point 33 supra, EU:C:2011:816, point 53, et KME Germany e.a./Commission, point 211 supra, EU:T:2009:142, point 91). Certes, cette jurisprudence concerne une affaire dans laquelle les lignes directrices de 2006 n’étaient pas encore applicables. Toutefois, elle a vocation à s’appliquer à celles-ci. En effet, les considérations sur lesquelles elle est fondée portent, de manière générale, sur l’utilisation des chiffres d’affaires dans le cadre du calcul du montant des amendes et indiquent qu’il s’agit d’un critère objectif qui présente un lien étroit avec l’infraction en cause (conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, Rec, EU:C:2014:272, point 59).

248    Il doit en être de même pour les coûts des services de transport achetés par les requérantes pour autant que ceux-ci se reflètent dans leur chiffre d’affaires tiré des services de transit.

249    Comme la Commission le fait valoir dans ses observations sur la réponse des requérantes aux questions écrites du Tribunal, il ne pourrait en être autrement que si l’entreprise partie à l’entente n’intervenait, à l’égard du partenaire commercial, que pour le compte d’un autre transitaire, sans supporter elle-même les coûts du service de transport et sans lier celui-ci à d’autres services. C’est dans ce cas seulement que l’absence de prise en charge du risque pourrait être considérée comme un facteur susceptible de justifier que la valeur des ventes soit calculée sur la base du chiffre d’affaires correspondant aux commissions de l’agent. Toutefois, dans un tel cas, la valeur des services n’apparaîtra déjà pas, en règle générale, dans le chiffre d’affaires pertinent retenu par la Commission pour les services de transit. Il s’agirait plutôt de l’hypothèse envisagée au point 243 ci-dessus, décrite également au considérant 879 de la décision attaquée.

250    La Commission soutient à juste titre qu’il ne ressort pas de l’argumentation des requérantes qu’elles agissent exclusivement pour le compte de tiers. En effet, comme elle le fait valoir, l’argument des requérantes selon lequel elles réservent des capacités pour un grand nombre de clients potentiels, lesquelles capacités ne doivent pas être payées si elles ne sont pas utilisées, contredit plutôt la thèse selon laquelle elles n’auraient qu’un rôle d’agent, quelle qu’en soit la forme, puisque ce ne sont précisément pas des capacités correspondant aux besoins de clients spécifiques qui sont réservées, mais celles correspondant à un besoin global, estimé en fonction de l’expérience, de la même façon que, dans l’industrie manufacturière, des provisions d’intrants sont constituées afin de répondre à la demande prévue. Quant aux exemples de lettres de transport aérien soumis, dans le cadre desquelles elles auraient demandé des capacités de transport pour des clients précis, la Commission fait valoir à juste titre qu’il ne s’agit pas d’une preuve que les requérantes ne seraient intervenues, dans leurs relations externes à l’égard de ces clients, qu’en qualité d’agent pour le compte du transporteur sans intégrer ce type de service à une offre plus vaste de services de transit de leur part.

251    Par ailleurs, quant au fait qu’il soit possible d’identifier le coût du transport par rapport à celui du service spécifique fourni par le transitaire, contrairement à ce qui peut être le cas dans l’industrie manufacturière, comme la Commission l’indique à juste titre au considérant 877 de la décision attaquée, il n’est pas nécessaire de fixer la valeur des ventes par rapport au bénéfice brut qui est précisé à cet égard dans les comptes des transitaires plutôt que par rapport au chiffre d’affaires. S’il s’agit, certes, d’un indicateur de la performance économique des requérantes et de l’ampleur de la valeur ajoutée créée par elles, ces critères, liés à la rentabilité, ne sont pas déterminants pour le calcul du montant des amendes.

252    Enfin, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, cette analyse n’est pas non plus remise en cause par le fait que, dans le domaine du contrôle des concentrations, le calcul du chiffre d’affaires d’un intermédiaire ne repose, dans certaines circonstances, que sur le montant de sa commission. En effet, comme la Commission le fait valoir à juste titre au considérant 882 de la décision attaquée, sa communication juridictionnelle codifiée concernant le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version rectifiée JO 2009, C 43, p. 10), à laquelle les requérantes se réfèrent, a pour objectif de fournir des orientations concernant les questions juridictionnelles qui se posent dans le contexte d’affaires de concentration. Elle ne la lie donc pas quant à la méthode à adopter pour le calcul du montant des amendes dans les affaires d’entente, qui repose sur des finalités propres et qui vise notamment à apprécier, comme cela ressort de la jurisprudence rappelée au point 228 ci-dessus, la valeur des ventes qui relèvent, directement ou indirectement, du périmètre de l’entente poursuivie.

253    Compte tenu de l’analyse qui précède, fondée amplement sur les explications fournies par la Commission dans la décision attaquée, notamment aux considérants 872 à 882, il ne saurait être soutenu que la Commission n’a pas suffisamment motivé son approche s’agissant de la non-exclusion des frais liés au transport du chiffre d’affaires des requérantes pour le calcul de la valeur des ventes, ces explications ayant permis aux requérantes de contester cette approche et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité.

254    Dès lors, l’argumentation des requérantes quant aux conséquences à tirer de leur modèle d’entreprise dans le cadre du calcul du montant de l’amende doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire, d’une part, de se prononcer sur l’argument de la Commission selon lequel il s’agit d’un moyen nouveau irrecevable ni, d’autre part, de faire droit à la demande des requérantes d’auditionner un témoin.

255    En quatrième lieu, s’agissant des arguments soulevés par les requérantes tirés de leurs faibles marges, des faibles recettes tirées des différentes surtaxes par rapport au chiffre d’affaires relatifs aux services de transit ainsi que du fait que le chiffre d’affaires réalisé par les transitaires est presque uniquement constitué de recettes encaissées pour le compte des compagnies aériennes, ces arguments ne démontrent pas non plus une absence de cohérence ou de justification objective de l’approche de la Commission adoptée en l’espèce.

256    Premièrement, le fait que le secteur du transit soit caractérisé par de faibles marges a été pris en compte par la Commission et lui a notamment permis de conclure que, même si les ententes ne visaient que le montant de surtaxes spécifiques, elles affectaient le marché des services de transit (voir notamment points 42 et 43 ci-dessus).

257    Deuxièmement, l’argument tiré des faibles recettes tirées des différentes surtaxes concerne la mise en œuvre des infractions. Or, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission utilise, pour déterminer le montant de base de l’amende, la valeur des ventes liées à l’infraction, sans que la mise en œuvre de l’infraction soit prise en compte. Il ne ressort pas donc pas de ce paragraphe que seule la valeur des ventes résultant des transactions réellement affectées par les ententes illicites puisse être prise en considération pour calculer la valeur des ventes (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec, EU:T:2011:289, point 58).

258    Par ailleurs, les juridictions de l’Union n’ont jamais imposé l’obligation à la Commission d’établir dans chaque cas quelles sont les ventes individuelles ayant été affectées par l’entente (arrêt Putters International/Commission, point 257 supra, EU:T:2011:289, point 60). Au contraire, comme il ressort de la jurisprudence de la Cour, une limitation de la valeur des ventes à celle pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par une entente commise par une entreprise donnée aurait pour effet de minimiser artificiellement l’importance économique de celle-ci, dès lors que le seul fait qu’un nombre limité de preuves directes des ventes réellement affectées par l’entente a été trouvé conduirait à infliger au final une amende sans relation réelle avec le champ d’application de l’entente en cause. Une telle prime au secret porterait également atteinte à l’objectif de poursuite et de sanction efficace des infractions à l’article 101 TFUE et, partant, ne saurait être admise (arrêt Team Relocations e.a./Commission, point 228 supra, EU:C:2013:464, points 76 et 77).

259    Certes, la jurisprudence précise également que, dans le cadre du calcul du montant des amendes, il ne faut pas attribuer une importance disproportionnée à la valeur des ventes (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 33 supra, EU:C:2011:816, point 60).

260    Toutefois, à cet égard, il suffit de rappeler que la valeur des ventes n’est qu’un critère, parmi plusieurs, qui est pris en compte par la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006. En effet, à supposer que les circonstances invoquées par les requérantes, telles que le préjudice causé ou la marge réalisée, soient pertinentes pour le calcul du montant des amendes, selon ladite méthodologie, elles pourraient être prises en compte dans le cadre de ses étapes ultérieures, comme l’appréciation du taux de gravité de l’infraction, de l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes ou même de la capacité contributive des entreprises concernées. Partant, même à supposer que, en l’espèce, la Commission ait été obligée de tenir compte des circonstances invoquées par les requérantes dans des étapes ultérieures de la détermination du montant de l’amende, elle n’aurait pas été obligée, pour cette raison, de s’écarter du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

261    S’agissant de la relation entre le montant des amendes et le montant des surtaxes imposées, même si, certes, les amendes doivent être fixées à un niveau suffisamment élevé afin que les entreprises soient dissuadées de participer à une entente, en dépit des gains qu’elles peuvent en tirer, le montant d’une amende ne saurait être considéré comme inapproprié uniquement parce qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’entente en cause.

262    Troisièmement, quant au fait que le coût du transport représente une part très importante dans le chiffre d’affaires global des requérantes relatif aux services de transit, il a déjà été amplement examiné ci-dessus, notamment aux points 236 et suivants. Il découle de cet examen qu’il n’y a pas lieu de déduire le coût des intrants pour les services de transport de leur chiffre d’affaires pour les services de transit pris en compte pour le calcul de la valeur des ventes, car ce coût est inhérent au prix des services vendus, même lorsque il est important.

263    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur ni violé le principe de proportionnalité en utilisant, dans le cadre du calcul de la valeur des ventes au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, les ventes réalisées avec les services de transit visés par les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS, et non uniquement celles réalisées avec le service individuel éventuellement concerné par ces surtaxes, et en ne déduisant pas de ces ventes les coûts pour des services de transport ou pour d’autres services effectués par des tiers et qui font partie du lot de services dont sont constitués les services de transit.

 Sur les taux de gravité

264    Conformément à la méthode rappelée au point 214 ci-dessus, la Commission a appliqué à la valeur des ventes qu’elle a déterminée un taux de gravité de 16 % pour les ententes relatives à l’AMS, au CAF et à la PSS et de 15 % pour l’entente relative au NES (considérant 945 de la décision attaquée).

265    Il ressort des considérants 891 à 947 de la décision attaquée que la Commission a motivé le choix de ces taux de gravité de la façon suivante : elle a mentionné, notamment, que les ententes en cause avaient eu pour objet de fixer de façon directe ou indirecte des prix ou d’autres conditions de transaction. À cet égard, elle a relevé que les entreprises s’étaient mises d’accord sur l’introduction (NES, AMS, CAF, PSS), le niveau (NES, CAF) ou les principes de fixation (AMS) de plusieurs surtaxes, le calendrier de leur introduction (NES, CAF, PSS) et la fixation de conditions de transaction (CAF), et avaient échangé des informations sensibles sur les prix (AMS, CAF, PSS). Elle a également tenu compte de la portée géographique des ententes ainsi que du fait qu’elles avaient été mises en œuvre de manière partielle et que leur mise en œuvre avait fait l’objet d’un suivi.

266    À cet égard, en premier lieu, force est de relever que les requérantes n’avancent aucun argument remettant spécifiquement en cause les considérations de la Commission portant sur le taux de gravité exposées aux considérants 891 à 947 de la décision attaquée.

267    En deuxième lieu, si, par le biais de leur argumentation tirée de la violation du principe de proportionnalité et visant la faible valeur des recettes tirées directement des surtaxes ainsi que le nombre limité des transactions concernées, les requérantes voulaient avancer que les taux de gravité retenus par la Commission étaient excessifs, une telle analyse devrait être rejetée.

268    En effet, d’une part, la faible valeur des recettes tirées directement des surtaxes et le nombre limité des transactions concernées ne remettent pas en cause les considérations de la Commission selon lesquelles les ententes en cause constituent des ententes horizontales portant sur un élément du prix des services de transit et doivent donc être considérées comme des restrictions graves à la concurrence. D’autre part, l’argumentation des requérantes confirme plutôt l’analyse de la Commission, au considérant 902 de la décision attaquée, selon laquelle les ententes ont été mises en œuvre de manière au moins partielle.

269    Eu égard à ces considérations, la fixation des taux de gravité retenus par la Commission, respectivement de 15 % pour l’entente relative au NES et de 16 % pour les trois autres ententes, taux qui ne se situent pas en haut de l’échelle prévue au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, laquelle va jusqu’à 30 % pour les accords horizontaux portant sur la fixation de prix, ne peut pas être considérée comme inappropriée.

270    En troisième lieu, les requérantes relèvent également des circonstances tenant au contexte local des infractions commises lors des ententes relatives au NES, au CAF et à la PSS dans le cadre de leur argumentation tirée de la violation du principe de proportionnalité. Ainsi, pour l’entente relative au NES, il conviendrait de tenir compte du fait que l’infraction a été commise exclusivement par des collaborateurs locaux au Royaume-Uni, sans aucune forme de participation ou d’information de la direction. Quant à l’infraction relative au CAF, elle aurait été commise exclusivement par des collaborateurs locaux à Shanghai, sans aucune forme de participation ou d’information de la direction. Enfin, l’infraction relative au PSS aurait été commise exclusivement par des collaborateurs locaux à Hong Kong, sans aucune forme de participation ou d’information de la direction.

271    Pour autant que cette argumentation puisse être comprise comme visant également la façon dont le taux de gravité a été déterminé, la Commission précise à juste titre, au considérant 929 de la décision attaquée, s’agissant spécifiquement de l’entente relative au CAF, que le contexte dans lequel les accords constitutifs de l’entente ont été conclus n’est pas pertinent pour déterminer la gravité de l’infraction. Cette détermination découle plutôt des questions de fond relatives au fonctionnement géographique de l’entente et à sa manifestation au sein de l’EEE ainsi qu’à la nature des infractions. Or, le fait que les infractions aient été commises par des représentants locaux des requérantes ne remet pas en cause leur nature d’ententes horizontales concernant les prix des services de transit.

272    Par ailleurs, pour le surplus, le caractère plus ou moins localisé des trois ententes concernées a été pris en compte dans le cadre du calcul du montant de base des amendes, dans la mesure où la Commission s’est référée aux routes commerciales concernées pour calculer la valeur des ventes affectées (par exemple, la valeur des ventes relatives à la route commerciale Chine-EEE a été prise en compte pour l’entente relative au CAF). De surcroît, s’agissant de l’entente relative au NES, il ressort d’une lecture combinée des considérants 901 et 945 de la décision attaquée que la Commission a précisément tenu compte de l’étendue géographique particulière de celle-ci en retenant un taux de gravité de 15 %, et non de 16 % comme pour les autres ententes dont il était évident qu’elles couvraient l’ensemble de l’EEE.

273    Dès lors, pour autant que les arguments avancés par les requérantes concernant le caractère disproportionné de l’amende peuvent être interprétés comme visant les taux de gravité appliqués dans le cadre des quatre ententes, ils doivent être rejetés.

 Sur la non-prise en compte de certaines circonstances atténuantes

274    Il ressort des considérants 960 et suivants ainsi que de la conclusion du considérant 1020 de la décision attaquée que, comme cela est déjà indiqué au point 206 ci-dessus, la Commission n’a reconnu aucune circonstance atténuante en faveur des requérantes dans le cadre des quatre ententes.

275    Les requérantes réclament la reconnaissance de certaines circonstances atténuantes et l’application à leur égard du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 pour plusieurs raisons.

276    En premier lieu, quant à l’entente relative au NES, les requérantes réfutent la position de la Commission selon laquelle la simple réponse à une demande de renseignements ne constitue pas une circonstance atténuante. À leur avis, elles ont spontanément présenté la seule preuve de la participation de leur représentant à la réunion de l’entente du 1er octobre 2002, sur laquelle la Commission se fonderait notamment au considérant 814 de la décision attaquée.

277    Par ailleurs, selon elles, la Commission aurait dû retenir comme circonstances atténuantes, premièrement, le fait que l’entente ne concernait que la surtaxe et non le prix du fret aérien ; deuxièmement, le fait que les recettes encaissées pour le compte d’un tiers étaient artificiellement gonflées par une entente en amont entre les compagnies aériennes ; troisièmement, leur rôle plutôt à la marge de l’entente, étant donné que c’est à la suite de pressions exercées par d’autres transitaires qu’elles ont introduit une majoration, ce que la Commission reconnaîtrait, et qu’elles n’ont pas participé au suivi de l’entente ; quatrièmement, le fait que leur participation à l’entente a débuté plus tard que ne l’admet la Commission eu égard au fait qu’elles n’ont annoncé leur intention d’introduire une majoration qu’en novembre 2002 et qu’elles n’ont pas voulu participer à l’accord concernant la stratégie préalable à l’introduction, de sorte que la Commission n’aurait pas pu retenir à leur égard le pourcentage de 15 % du chiffre d’affaires, comme pour leurs concurrents.

278    En deuxième lieu, quant à l’entente relative à l’AMS, les requérantes font également valoir que la Commission aurait dû retenir une circonstance atténuante liée au fait que la concertation concernait uniquement la surtaxe et non la partie principale du chiffre d’affaires des transitaires. Par ailleurs, elle aurait dû tenir compte d’une circonstance atténuante liée au fait que, à la suite des attentats du 11 septembre 2001 et des mesures de sécurité renforcées, les transitaires avaient dû s’accorder sur les mesures techniques liées à l’introduction du système AMS, de sorte que les réunions de l’association FFI à cet égard avaient un objet neutre au regard du droit des ententes.

279    En troisième lieu, quant à l’entente relative au CAF, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû tenir compte, d’une part, du fait que l’entente portait uniquement sur la surtaxe et, d’autre part, de la cessation précoce de l’infraction, à savoir dès le 13 mars 2006, c’est-à-dire plusieurs années avant ses premières interventions, celles-ci n’ayant enregistré aucune recette avec le CAF en 2006.

280    En quatrième lieu, quant à l’entente relative au PSS, les requérantes font également valoir que l’entente portait uniquement sur la majoration en tant que telle. Par ailleurs, elles réclament la reconnaissance d’une circonstance atténuante liée au fait qu’elles auraient volontairement cité le petit déjeuner du 21 mai 2007, dernière réunion prise en compte par la Commission pour calculer la durée de l’infraction. Elles considèrent que, dans leur réponse à la demande de renseignements du 12 juin 2008, elles ont présenté les éléments de preuve qui y sont afférents, qui ont facilité l’instruction des faits par la Commission et ont été utilisés par elle aux considérants 339 et suivants de la décision attaquée. Elles soutiennent, par ailleurs, que la Commission n’a posé dans ladite demande de renseignements aucune question concernant cette réunion.

281    La Commission fait valoir, en substance, que les faits invoqués par les requérantes ne constituent pas des circonstances atténuantes au sens du point 29 des lignes directrices de 2006 ou qui devraient autrement donner lieu à une réduction du montant des amendes.

282    À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 établit une liste non exhaustive de circonstances atténuantes qui peuvent amener, sous certaines conditions, à une diminution du montant de base de l’amende.

283    En effet, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles, afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes (arrêt du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, Rec, EU:T:2011:621, point 277).

284    Quant aux circonstances concrètes invoquées par les requérantes, elles concernent, d’abord, pour les ententes relatives au NES et à la PSS, le degré de coopération dont elles auraient fait preuve en soumettant volontairement certaines informations à la Commission au cours de la procédure administrative.

285    Les requérantes réclament ainsi l’application du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006, qui envisage une réduction du montant de l’amende dans le cas où l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006 et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer.

286    La Commission considère, à juste titre, que cette disposition ne peut bénéficier aux requérantes dans le cadre des deux ententes en cause.

287    En premier lieu, comme la Commission le relève aux considérants 962 et suivants de la décision attaquée, afin de préserver l’effet utile du programme de clémence, ce ne peut être que dans des situations exceptionnelles qu’elle est tenue d’octroyer une réduction du montant de l’amende à une entreprise sur la base de cette disposition. Selon la jurisprudence, tel est le cas notamment lorsque la coopération d’une entreprise, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer sans toutefois lui donner droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006, est d’une utilité objective pour la Commission, une telle utilité devant être constatée lorsque la Commission se repose dans sa décision finale sur des éléments de preuve qu’une entreprise lui a fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels elle n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause (arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec, EU:T:2011:218, point 170).

288    Or, en l’espèce, dans les deux cas invoqués par les requérantes, la Commission disposait déjà des informations prétendument soumises volontairement et pour la première fois par ces dernières.

289    Pour le NES, comme la Commission l’explique, à la date de la confirmation par les requérantes de leur participation à la réunion du 1er octobre 2002 dans le cadre de leur réponse en date du 23 avril 2010 à la communication des griefs, elle disposait déjà de deux éléments de preuve relatifs à cette participation, à savoir la déclaration [confidentiel] et un courriel en date du 10 octobre 2002, déposé [confidentiel], qui était adressé également aux requérantes et qui portait sur le contenu de l’accord.

290    Pour la PSS, la Commission connaissait déjà l’existence de la réunion du 21 mai 2007 avant la communication à cet égard par les requérantes du 17 juillet 2008, notamment par le biais de l’invitation à la réunion soumise par un autre transitaire dès le 16 juin 2008, à la suite d’une demande de renseignements.

291    Par ailleurs, contrairement à ce que les requérantes affirment au sujet de leur prétendue coopération dans le cadre de l’entente relative à la PSS, la soumission des informations en cause au sujet de la réunion du 21 mai 2007 ne dépassait pas le cadre de la réponse aux questions qui leur avaient été posées dans la demande de renseignements du 12 juin 2008, qui visait à obtenir tous les documents attestant de contacts avec d’autres membres de l’entente entre le 1er janvier 2004 et le 31 octobre 2007. Comme la Commission le fait valoir à juste titre, le comportement des requérantes ne saurait donc être considéré comme allant au-delà de leur obligation juridique de coopérer, la réponse à une demande de renseignements étant obligatoire sous peine de sanction.

292    En deuxième lieu, quant à l’argument selon lequel la Commission aurait dû tenir compte de l’existence d’une entente en amont et de son incidence sur les prix des services de transport en tant que circonstance atténuante, force est de relever qu’il n’est pas possible de rattacher l’existence d’une entente visant un marché en amont à une des circonstances atténuantes mentionnées expressément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

293    Par ailleurs, même si la liste prévue au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 n’est pas exhaustive, il convient de constater que l’existence d’une entente visant le marché des services de transport est un facteur externe qui n’est pas susceptible d’amoindrir la gravité relative de la participation des requérantes aux quatre ententes en cause.

294    Partant, en l’espèce, l’existence d’une entente visant les services de fret aérien ne peut pas être considérée comme une circonstance atténuante, le Tribunal ayant d’ailleurs déjà eu l’occasion d’examiner et de rejeter un argument comparable (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T‑30/10, EU:T:2014:253, point 289).

295    En troisième lieu, le fait que les ententes concernaient uniquement les surtaxes et non le prix du transport, soulevé à l’égard des quatre ententes, n’est pas un facteur qui caractérise, de manière individuelle, le comportement anticoncurrentiel des requérantes quant aux infractions en cause, de sorte que la Commission n’était pas tenue d’en tenir compte en tant que circonstance atténuante.

296    En quatrième lieu, quant aux prétendues pressions exercées sur les requérantes dans le cadre de l’entente relative au NES pour l’application effective de la surtaxe, la Commission rappelle à juste titre que, d’une part, les requérantes auraient néanmoins pu faire le choix de dénoncer l’entente et, d’autre part, l’argument n’affecte pas la réalité ou la gravité de l’infraction commise par elles (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 215 supra, EU:C:2005:408, points 369 et 370). Les faits invoqués ne sauraient donc donner lieu à une réduction du montant de l’amende au titre d’une circonstance atténuante.

297    Quant au fait qu’elles n’aient pas appliqué la surtaxe NES avant le 28 octobre 2002, il y a lieu de rappeler que la Commission a établi leur participation à la réunion de l’entente du 1er octobre 2002 dans le cadre de laquelle la stratégie a été définie. Leur participation à une infraction au droit de la concurrence est donc établie à partir de cette date, indépendamment de ses effets et de la date de sa mise en œuvre effective.

298    En cinquième lieu, s’agissant de la circonstance selon laquelle l’entente relative à l’AMS est intervenue par la nécessité d’une coopération technique à la suite des attentats du 11 septembre 2001, force est de relever que, outre le fait qu’il ne s’agit pas d’un facteur qui caractérise la participation des requérantes à l’entente, une telle circonstance ne rend pas non plus moins grave l’entente sur des éléments de prix ayant eu lieu à la marge des discussions techniques, de sorte qu’elle ne saurait donner lieu à la reconnaissance d’une circonstance atténuante.

299    Enfin, quant au fait que les requérantes auraient mis fin à un stade précoce à l’entente relative au CAF, la Commission soutient à juste titre, au considérant 961 de la décision attaquée, que le fait qu’une entreprise mette un terme à un comportement illicite avant toute intervention ne remet pas en cause le caractère manifestement illicite de la pratique en cause. Une telle circonstance ne doit donc pas être récompensée par une réduction du montant de l’amende au titre d’une circonstance atténuante, comme l’illustre le libellé du paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices de 2006. Il en ressort, en effet, que, si l’existence d’une circonstance atténuante peut être reconnue lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission, tel ne peut pas être le cas lorsqu’il s’agit d’accords ou de pratiques de nature secrète (en particulier les cartels). Par ailleurs, comme la Commission l’indique, l’absence de recettes relatives au CAF pendant l’année 2006 ne saurait être un facteur pertinent dès lors que cela peut être dû au rejet par les clients de la pratique tarifaire en cause.

300    Il résulte de ce qui précède que la Commission a refusé à juste titre aux requérantes la reconnaissance des circonstances atténuantes qu’elles invoquaient et que, en tout état de cause, aucune des circonstances invoquées ne doit donner lieu à une réduction du montant des amendes en litige.

301    Dans la mesure où les quatrième, cinquième, dixième, onzième, treizième, quatorzième, seizième et dix-septième moyens visent à l’annulation des amendes imposées aux requérantes à l’article 2 de la décision attaquée, il convient de les rejeter.

302    Il convient également de les rejeter dans la mesure où ils sont soulevés au soutien de la demande d’exercice, par le Tribunal, de sa compétence de pleine juridiction.

303    En effet, leur examen n’a pas révélé d’erreurs ni d’éléments inappropriés dans le cadre du calcul du montant des amendes. Ainsi, l’argumentation des requérantes selon laquelle il faudrait tenir compte uniquement des chiffres d’affaires réalisés avec les surtaxes NES, AMS, CAF et PSS ou celle selon laquelle les coûts des services de transport devraient être déduits des valeurs des ventes utilisées dans le cadre dudit calcul ne peuvent pas être considérées comme pertinentes, dans la mesure où la prise en compte de telles données n’est pas susceptible d’aboutir à un montant d’amende reflétant de manière adéquate l’importance économique de leur participation aux ententes en cause, qui visaient les services de transit en tant que lot de services.

304    Par ailleurs, même s’il ne peut pas être exclu que l’existence de faibles marges peut être une indication de la faible capacité financière d’une entreprise, nonobstant l’ampleur de son chiffre d’affaires, aucun argument n’a été soulevé en l’espèce permettant d’établir que les amendes imputées aux requérantes seraient excessives compte tenu de leur capacité financière.

 Sur la prétendue violation des droits de la défense des requérantes dans le cadre des ententes relatives au NES (sixième moyen), à l’AMS (douzième moyen), au CAF (quinzième moyen) et à la PSS (dix-huitième moyen)

305    Ces moyens concernent, en substance, la motivation de la Commission figurant aux considérants 887 et 888 de la décision attaquée, par laquelle elle a exposé les raisons pour lesquelles il ne convenait pas de donner accès au dossier dans l’affaire du fret aérien aux requérantes. Dans ce contexte, elle a relevé que les requérantes n’étaient pas impliquées dans cette dernière affaire et que, partant, elles ne pouvaient pas accéder au dossier en application de sa communication relative aux règles d’accès à son dossier dans les affaires relevant des articles [101 TFUE] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7), ni de son règlement (CE) n° 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par elle en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 123, p. 18). Par ailleurs, elle a constaté que, en tout état de cause, aucun des documents contenus dans le dossier relatif à l’affaire du fret aérien n’était pertinent en ce qui concerne la responsabilité des transitaires dans la présente espèce.

306    Les requérantes font valoir que, pendant la procédure administrative, elles ont demandé l’accès au dossier d’instruction dans l’affaire du fret aérien, ainsi que cela ressort du considérant 887 de la décision attaquée. Selon elles, les observations de la Commission dans cette affaire ont des conséquences directes sur la méthode de calcul du montant de l’amende. La Commission aurait donc violé leurs droits de la défense en leur refusant l’accès à ce dossier.

307    La Commission, tout en s’interrogeant sur le fait de savoir si le moyen est étayé à suffisance de droit, conteste ces arguments.

308    À cet égard, force est de relever que, formulé en un paragraphe, le moyen est extrêmement succinct, aucune disposition légale n’ayant d’ailleurs été invoquée au soutien de l’argumentation avancée.

309    Toutefois, dans la mesure où les requérantes invoqueraient une violation de l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, il y a lieu de rappeler que cette disposition prévoit que les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Ces parties ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Par ailleurs, en vertu de l’article 15 du règlement n° 773/2004, sur demande, la Commission accorde l’accès au dossier aux parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs, ledit l’accès étant accordé après la notification de la communication des griefs.

310    Il ressort de ces dispositions que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt Knauf Gips/Commission, point 146 supra, EU:C:2010:389, point 22).

311    S’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, il est de jurisprudence constante que l’entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, à son détriment, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit ainsi que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans la décision éventuelle, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le niveau de l’amende (arrêt Knauf Gips/Commission, point 146 supra, EU:C:2010:389, point 23).

312    Il s’ensuit qu’il incombe aux requérantes d’établir non seulement qu’elles n’ont pas eu accès aux documents contenus dans le dossier de l’affaire du fret aérien, mais également qu’elles auraient pu les utiliser pour leur défense. En effet, elles ne peuvent utilement invoquer comme moyen d’annulation le défaut de communication de pièces non pertinentes.

313    Or, s’agissant de leur seul argument avancé à cet égard, à savoir celui selon lequel les observations de la Commission dans l’affaire du fret aérien auraient des conséquences directes sur la méthode de calcul du montant des amendes dans la présente affaire, force est de relever, d’une part, que les requérantes n’avancent aucun élément concret permettant de comprendre comment, selon elles, la méthode de calcul adoptée en l’espèce est affectée par l’existence d’une entente en amont et, d’autre part, qu’il a été considéré, au point 294 ci-dessus, que l’existence d’une telle entente ne peut pas être considérée comme une circonstance atténuante.

314    Les requérantes n’avancent aucun autre argument susceptible de démontrer que le contenu du dossier de l’affaire du fret aérien aurait pu influencer un autre élément des appréciations de la Commission portées dans la décision attaquée.

315    Dès lors, les sixième, douzième, quinzième et dix-huitième moyens doivent être rejetés.

316    Par conséquent, l’ensemble des moyens devant être rejeté et leur examen n’ayant pas révélé d’éléments justifiant une réduction du montant des amendes infligées aux requérantes dans le cadre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

317    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kühne + Nagel International AG, Kühne + Nagel Management AG, Kühne + Nagel Ltd (établie à Uxbridge), Kühne + Nagel Ltd (établie à Shanghai) et Kühne + Nagel Ltd (établie à Hong Kong) sont condamnées aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 février 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents et décision attaquée

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

En droit

Sur la question liminaire de la description du secteur et des services visés par les ententes en cause

Sur l’affectation du commerce entre États membres concernant les ententes relatives au NES (premier moyen) et à l’AMS (septième moyen)

Sur l’affectation du commerce concernant les services de transit

– Sur les effets des ententes sur les clients des transitaires et sur le comportement des transitaires

– Sur le caractère sensible de l’affectation du commerce

Sur l’affectation du flux de marchandises

Sur la compétence de la Commission pour sanctionner les ententes relatives au NES (deuxième moyen) et à l’AMS (huitième moyen)

Sur l’établissement de la durée de la participation des requérantes aux infractions relatives, respectivement, au NES (troisième moyen) et à l’AMS (neuvième moyen)

Rappel de la jurisprudence relative à l’existence et à la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’au devoir de contrôle du Tribunal

Sur l’établissement de la durée de l’entente relative au NES

Sur l’établissement de la durée de l’entente relative à l’AMS

Sur les erreurs d’appréciation ayant affecté le calcul du montant des amendes dans le cadre des ententes relatives au NES (quatrième moyen), à l’AMS (dixième moyen), au CAF (treizième moyen) et à la PSS (seizième moyen) ainsi que sur le caractère prétendument disproportionné du montant desdites amendes (cinquième, onzième, quatorzième et dix-septième moyens)

Sur la détermination prétendument incorrecte de la valeur des ventes pour les quatre ententes et le caractère prétendument disproportionné de celle-ci

Sur les taux de gravité

Sur la non-prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Sur la prétendue violation des droits de la défense des requérantes dans le cadre des ententes relatives au NES (sixième moyen), à l’AMS (douzième moyen), au CAF (quinzième moyen) et à la PSS (dix-huitième moyen)

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.


1 Données confidentielles occultées.