Language of document : ECLI:EU:T:2023:200

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 avril 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Josef Grund Gerüstbau – Marque nationale figurative antérieure grund – Cause de nullité relative – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑749/21,

Gerhard Grund Gerüste e. K., établi à Kamp-Lintfort (Allemagne), représenté par Me P. Lee, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Josef-Grund-Gerüstbau GmbH, établie à Erfurt (Allemagne), représentée par Me T. Staupendahl, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. G. De Baere, président, Mme G. Steinfatt et M. K. Kecsmár (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 octobre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, Gerhard Grund Gerüste e. K., demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 septembre 2021 (affaire R 1925/2020-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 23 juillet 2019, le requérant a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 23 octobre 2017 pour le signe verbal Josef Grund Gerüstbau.

3        Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 6, 19 et 37 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Échafaudages métalliques ; échafaudages métalliques ; matériaux en métal pour échafaudages ; fixations métalliques pour échafaudages » ;

–        classe 19 : « Échafaudages » ;

–        classe 37 : « Montage d’échafaudages ; montage d’échafaudages ; location de chevalets [machines] ; réparation d’échafaudages ; démontage d’échafaudages ; location de chevalets [machines] ; services d’installations d’échafaudages de construction ; installation d’échafaudages de construction et de plates-formes de travail et de construction ; location d’échafaudages de construction et de plates-formes de travail et de construction ; services d’installation d’échafaudages de construction et de plates-formes de travail et de construction ; réparation et entretien d’échafaudages, ainsi que de plates-formes de travail et de construction ».

4        La demande en nullité était fondée sur la marque allemande figurative antérieure, enregistrée le 24 février 1997 sous le numéro 39639046, telle que reproduite ci-après :

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5        Les produits et les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée correspondaient à la description suivante : « Échafaudages métalliques ainsi que leurs pièces détachées ; tous les monte-charge, ascenseurs, plates-formes de travail sur mâts, plates formes de travail à hauteur ajustable (notamment à des fins de construction) ; échafaudages non métalliques ; composants et pièces détachées pour échafaudages, tous les produits en plastique ou en bois ; construction, à savoir location et remise en état d’échafaudages, monte-charge, ascenseurs, plates-formes de travail sur mâts, plates-formes de travail à hauteur ajustable ainsi que leurs pièces détachées ».

6        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

7        Le 16 septembre 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

8        Le 1er octobre 2020, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a constaté que, compte tenu des différences entre les signes en conflit et du niveau d’attention supérieur à la moyenne du public pertinent, il n’existait pas de risque de confusion, malgré l’identité des produits et des services en cause.

 Procédure et conclusions des parties

10      Le 24 octobre 2022, l’intervenante a demandé le report de l’audience. Le président de la troisième chambre a décidé de ne pas faire droit à cette demande.

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        prononcer la nullité de la marque de l’Union européenne contestée dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de recours devant l’EUIPO.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la régularité du mandat produit par le conseil du requérant

13      Par un courrier du 24 octobre 2022, l’intervenante a fait observer que le mandat initialement produit par le conseil du requérant n’avait pas été établi par ce dernier.

14      Quant au mandat d’avocat, il ressort de la jurisprudence que l’avocat qui assiste ou qui représente une partie n’est tenu devant le Tribunal à aucune autre formalité que celle de justifier de sa qualité d’avocat et n’a pas à produire une procuration en bonne et due forme, sauf à justifier de ce pouvoir en cas de contestation (voir arrêt du 6 octobre 2021, AV et AW/Parlement, T‑43/20, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:666, point 119 et jurisprudence citée).

15      En l’espèce, lors de l’audience tenue le 27 octobre 2022, les parties ont répondu aux questions du Tribunal et ont procédé à un échange de vues concernant la validité du mandat produit par le conseil du requérant. Celui-ci a reconnu que le mandat initialement joint à la requête avait été signé par le fils du requérant.

16      Le 25 novembre 2022, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a produit un document établi devant un notaire, le 19 octobre 2005, par lequel il avait donné « mandat général » à plusieurs membres de sa famille, dont son fils, notamment en ce qui concernait les « affaires patrimoniales ». Il ressort également de ce document que chaque mandataire a la capacité d’agir seul.

17      Partant, le recours ne saurait être considéré comme étant irrecevable pour défaut de régularité du mandat ad litem confié au conseil du requérant.

 Sur le fond

18      Le requérant invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait rejeté à tort l’existence d’un risque de confusion entre les marques en cause.

19      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. En vertu de cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 8 mai 2019, J. García Carrión/EUIPO – Codorníu (JAUME CODORNÍU), T‑358/18, non publié, EU:T:2019:304, point 27 et jurisprudence citée].

22      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives (voir arrêt du 8 mai 2019, JAUME CODORNÍU, T‑358/18, non publié, EU:T:2019:304, point 28 et jurisprudence citée).

23      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner le moyen unique invoqué par le requérant.

24      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que les parties s’accordent, d’une part, sur la définition du public pertinent, à savoir un public spécialisé dans le secteur de la construction ayant un niveau d’attention accru, plus élevé que celui du grand public, et, d’autre part, sur le fait de se fonder sur la perception du consommateur allemand, la marque antérieure étant une marque allemande. Il y a lieu de relever également que les parties souscrivent à la position de la chambre de recours de ne pas examiner la similitude des produits et des services en conflit et de partir du postulat que ceux-ci sont identiques.

25      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ladite définition du public pertinent, ni l’identité des produits et des services en conflit, de sorte qu’il n’y a lieu d’examiner que la similitude des signes en conflit aux fins d’apprécier le risque de confusion allégué par le requérant.

26      À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du 3 juin 2015, Giovanni Cosmetics/OHMI – Vasconcelos & Gonçalves (GIOVANNI GALLI), T‑559/13, EU:T:2015:353, point 28 (non publié) et jurisprudence citée].

 Sur le caractère dominant et distinctif des éléments constituant les signes en conflit

27      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les deux éléments « josef » et « grund » de la marque contestée devaient être compris comme étant un prénom et un nom allemands et que ceux-ci représentaient les éléments distinctifs de ladite marque. En revanche, l’élément « gerüstbau » de cette marque serait compris dans le sens de « érection d’un échafaudage » et serait donc un élément secondaire. Partant, la chambre de recours a estimé que cette même marque n’était pas exclusivement dominée par le mot « grund », mais qu’elle l’était à égalité par ledit mot ainsi que par le mot « josef » antéposé.

28      La chambre de recours a par ailleurs considéré, d’une part, que le public germanophone percevait l’élément « grund » de la marque antérieure dans le sens de « surface terrestre, sol, terrain, fond d’un plan d’eau ou d’un récipient, fait, motif, cause » et, d’autre part, qu’il convenait de qualifier de normal le caractère distinctif dudit élément, tandis que les éléments figuratifs, de nature banale et décorative, étaient dépourvus de caractère distinctif.

29      Le requérant soutient que, bien que l’élément distinctif « grund » de la marque antérieure puisse être compris par le public germanophone dans son sens lexical, le public pertinent considérera que l’élément verbal est un nom de famille, car ledit élément fait également partie de la dénomination de l’entreprise. Or, dans le domaine de la construction, ledit public connaîtrait la pratique dominante qui consisterait à ce que la dénomination d’entreprise contienne seulement le nom de famille du fondateur ou du propriétaire et puisse bénéficier en parallèle d’une protection en tant que marque. Ce serait le cas de nombreuses entreprises parmi les cinquante plus grandes entreprises de construction allemandes en 2020. En outre, l’élément « grund » constituerait l’élément prégnant ou dominant de la marque contestée, puisque l’élément « gerüstbau » est purement descriptif et que Josef est un prénom couramment donné en Allemagne.

30      Or, dans plusieurs affaires, le Tribunal aurait confirmé que le nom de famille est prégnant [arrêts du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, EU:T:2005:285, point 66 ; du 8 mai 2014, Pedro Group/OHMI – Cortefiel (PEDRO), T‑38/13, non publié, EU:T:2014:241, point 70, et du 18 septembre 2017, Codorníu/EUIPO – Bodegas Altun (ANA DE ALTUN), T‑86/16, non publié, EU:T:2017:627, point 53]. En outre, la jurisprudence nationale relative aux marques allemandes considérerait également le nom de famille comme prégnant dans le cas de marques composées d’un prénom et d’un nom de famille, et ce notamment lorsqu’il s’agit en parallèle d’une dénomination commerciale.

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

32      En premier lieu, concernant la marque antérieure, il convient de constater qu’elle est constituée de l’élément verbal « grund », écrit en lettres minuscules stylisées, et d’un élément figuratif sous la forme de deux lignes, l’une située au-dessus et l’autre située en dessous de l’élément verbal. À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 39 de la décision attaquée, que les éléments figuratifs étaient une décoration banale, dépourvue de caractère distinctif, jouant un rôle mineur dans l’impression d’ensemble produite par la marque, alors que l’élément « grund » était facilement lisible et reconnaissable malgré sa stylisation. Au demeurant, le requérant admet lui-même que l’élément verbal de la marque antérieure est plus distinctif que l’élément figuratif de celle-ci. Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé, au point 40 de la décision attaquée, que le terme « grund » représentait l’élément distinctif de la marque antérieure.

33      En second lieu, s’agissant de la marque contestée, il y a lieu de constater d’emblée que l’élément « gerüstbau » est compris par le public germanophone dans le sens de « érection d’un échafaudage », ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 29 de la décision attaquée, et que, en raison de son caractère descriptif de la nature des produits et des services concernés, il doit être considéré comme un élément secondaire impropre à dominer ladite marque.

34      Quant aux éléments « josef » et « grund », il y a lieu de constater que la juxtaposition desdits éléments, par ailleurs écrits avec la première lettre en majuscule à la manière d’un nom propre, dont le premier élément est un prénom courant dans les pays germanophones, a pour conséquence que ces éléments sont compris par le public pertinent comme étant un prénom et un nom de famille allemands, ainsi que l’a souligné la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée.

35      Le requérant fait toutefois valoir que l’élément « grund » constitue l’élément dominant de la marque contestée, puisque l’élément « gerüstbau » est purement descriptif et que Josef est un prénom couramment donné en Allemagne.

36      À cet égard, selon la jurisprudence, il se peut que, dans une partie de l’Union européenne, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom. Il convient, cependant, de tenir compte des éléments propres à l’espèce et, en particulier, de la circonstance que le nom de famille en cause est peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur ce caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2019, Andrea Incontri/EUIPO – Higicol (ANDREA INCONTRI), T‑197/16, non publié, EU:T:2019:347, point 44 et jurisprudence citée, et du 27 juin 2019, Sandrone/EUIPO – J. García Carrión (Luciano Sandrone), T‑268/18, EU:T:2019:452, point 71 et jurisprudence citée]. En revanche, en l’absence d’éléments concrets relatifs à la perception du public dans toute l’Union, il n’y a pas lieu d’élargir à tout le territoire de l’Union le champ d’application de la jurisprudence selon laquelle, dans certains États membres, un nom de famille possède en général un caractère distinctif plus élevé qu’un prénom (arrêt du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI, T‑559/13, EU:T:2015:353, point 52).

37      En l’occurrence, si le requérant fait valoir que le Tribunal a déjà considéré, dans d’autres circonstances, que le nom de famille était l’élément dominant de la marque en cause, il n’apporte pas d’éléments de preuve accréditant le fait que, en Allemagne, le nom de famille aurait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que le prénom. Au demeurant, les arrêts dont il se prévaut ont tous trait à des affaires qui concernaient un public espagnol. En outre, s’agissant de la jurisprudence nationale invoquée par le requérant, ce dernier se limite à citer un extrait d’un arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), qui est sortie de son contexte et qui n’examine pas spécifiquement la question de savoir si le nom de famille a, en Allemagne, un caractère distinctif plus élevé qu’un prénom. Par ailleurs, cet arrêt n’est pas annexé à ses écritures, de sorte que cette référence, à elle seule, ne saurait suffire à établir le fait que, en Allemagne, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom.

38      En outre, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43). Or, il résulte de ce qui précède que tel n’est pas le cas de l’élément « grund » au sein de la marque contestée.

39      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé, au point 29 de la décision attaquée, que la marque contestée était dominée tant par l’élément « josef » que par l’élément « grund ».

 Sur la comparaison des signes en conflit

40      Sur le plan visuel, la chambre de recours a considéré que la marque contestée présentait des éléments verbaux supplémentaires, à savoir « josef » et « gerüstbau », tandis que la marque antérieure contenait des éléments graphiques supplémentaires, à savoir les lignes horizontales entourant l’unique mot « grund », les lettres de ce mot étant par ailleurs stylisées.

41      Sur le plan phonétique, ladite chambre a relevé, d’une part, que la marque contestée se composait de trois mots et d’un total de six syllabes, à savoir « jo » « sef » « grund » « ge » « rüst » « bau », dont seule la troisième syllabe, « grund », se retrouvait dans la marque antérieure monosyllabique et, d’autre part, que l’élément « grund » de la marque antérieure ne concordait qu’avec le deuxième mot de la marque contestée. Étant donné que la marque contestée contient deux mots supplémentaires ou, autrement considérée, cinq syllabes supplémentaires, elle a alors considéré qu’il était peu probable que les consommateurs n’en tiennent pas compte et donc qu’ils reconnaîtraient la marque antérieure en mentionnant la marque contestée.

42      Sur le plan conceptuel, d’une part, la chambre de recours a considéré que le public pertinent connaissait la signification du mot « grund ». D’autre part, elle a considéré que le terme « grund » et l’expression « josef grund gerüstbau » véhiculaient chacun des idées différentes. En effet, tandis que le mot « grund », dans la marque antérieure, renvoyait pour le public allemand à l’idée de « surface terrestre, sol, terrain, fond d’un plan d’eau ou d’un récipient, fait, motif, cause », le deuxième mot, « grund », de la marque contestée était associé à un nom de famille. Elle a estimé que, même s’il existait un certain degré de similitude, l’utilisation du terme « grund » associé au prénom Josef qui le précède avait pour conséquence que le public pertinent percevrait d’autant plus la différence conceptuelle entre les signes en conflit.

43      Dans ces conditions, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient visuellement et phonétiquement des similitudes extrêmement faibles, que les signes n’étaient pas similaires conceptuellement et qu’ils ne présentaient pas de signification commune pour les consommateurs moyens allemands.

44      Le requérant fait valoir que la chambre de recours aurait commis une erreur de droit en estimant qu’il était nécessaire que l’ensemble du public pertinent comprenne la marque antérieure comme un nom de famille pour pouvoir considérer qu’il existait une similitude conceptuelle entre les signes, alors qu’il suffit que le risque de confusion n’existe qu’au sein d’une partie dudit public.

45      L’EUIPO conteste les arguments du requérant.

46      À cet égard, il convient de relever d’emblée que le requérant ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours concernant la similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique. Il n’y a dès lors pas lieu de remettre en cause ses conclusions à cet égard.

47      En ce qui concerne la similitude des signes en conflit sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré, au point 43 de la décision attaquée, que le terme « grund » dans la marque antérieure évoquait, dans l’esprit du public allemand, l’idée de « surface terrestre, sol, terrain, fond d’un plan d’eau ou d’un récipient, fait, motif, cause », et non un nom de famille, ce d’autant plus que ledit terme constituait l’unique terme de cette marque et qu’il était écrit en minuscules. Or, le requérant ne démontre pas que la chambre de recours ait commis une erreur à cet égard. Même si celui-ci soutient que le public pertinent considérera que cet élément verbal est un nom de famille, il ne conteste pas qu’il peut être compris dans son sens lexical par le public allemand.

48      En outre, le requérant fait une lecture erronée de la décision attaquée en soutenant que la chambre de recours n’aurait pas envisagé le fait qu’une partie du public pertinent comprenne la marque antérieure comme un nom de famille, de sorte qu’un risque de confusion existerait au sein d’une partie dudit public en raison d’une similitude conceptuelle entre les signes.

49      En effet, au point 36 de la décision attaquée, s’agissant de la marque antérieure, après avoir indiqué que « le public germanophone percevra[it] aisément l’élément ‘grund’ dans le sens de ‘surface terrestre, sol, terrain, fond d’un plan d’eau ou d’un récipient, fait, motif, cause’ », la chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur en considérant que, « même s’il est possible que le consommateur soit parfois également confronté au signe ‘grund’ en tant que nom de famille, [...] une telle compréhension [était] hautement improbable, en raison de sa position isolée, c’est-à-dire sans autre élément supplémentaire, et de son écriture en minuscules, notamment aussi parce qu’il s’agi[ssait] d’un nom de famille allemand rare ».

50      À cet égard, concernant l’argument du requérant selon lequel, dans le domaine de la construction, il existerait une pratique dominante qui consisterait à ce que la dénomination d’entreprise contienne seulement le nom de famille du fondateur ou du propriétaire, laquelle pourrait bénéficier en parallèle d’une protection en tant que marque, il suffit de relever que les quelques exemples avancés par le requérant dans sa requête ne sont pas de nature à établir l’existence d’une pratique dans le secteur de la construction en Allemagne telle que le public pertinent comprendrait la marque antérieure comme étant un nom de famille.

51      Partant, c’est à juste titre que, au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours est parvenue à la conclusion que, en l’espèce, la marque antérieure ne serait pas considérée comme un nom de famille par le public allemand.

52      Dans la mesure où, au point 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que l’utilisation du terme « grund » au sein de la marque contestée, associé au prénom Josef qui le précède, avait pour conséquence que le public pertinent ne négligerait pas l’élément « josef », il y a lieu de considérer que ladite chambre pouvait conclure, à bon droit, que ledit public percevrait d’autant plus la différence conceptuelle entre les signes en conflit.

53      Partant, il découle de ce qui précède que la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les signes en conflit présentaient une similitude visuelle et une similitude phonétique extrêmement faibles et qu’ils n’étaient par ailleurs pas similaires sur le plan conceptuel. C’est également à bon droit que la chambre de recours a relevé, en substance, que les signes en conflit véhiculaient des concepts différents, de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques marginales, de sorte que l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit était différente.

 Sur le risque de confusion

54      En l’espèce, la chambre de recours a retenu que les différences entre les éléments dominants des deux signes étaient plus grandes que leurs similitudes, de sorte qu’il s’agissait de signes d’une faible similitude. En outre, le mot « grund » n’avait pas de position distinctive autonome dans le signe contesté. Partant, elle a conclu que les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en conflit étaient suffisantes, malgré l’identité des produits et des services concernés et le fait qu’ils faisaient partie du même secteur de production et de commercialisation, pour exclure le fait que les similitudes entre les signes en conflit provoquaient un risque de confusion auprès du public pertinent, qui est un public spécialisé qui fera preuve d’une attention supérieure à la moyenne.

55      Le requérant soutient que, selon la jurisprudence, un risque de confusion pourrait exister, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise d’un tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble provoquée par le signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome. Il y aurait également un risque d’association entre les signes dans l’esprit du public pertinent.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

57      En l’occurrence, aux points 52 et 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, même en tenant compte de l’identité des produits et des services concernés, les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en conflit étaient suffisantes pour exclure que les similitudes entre lesdits signes établissent un risque de confusion auprès du public ciblé, à savoir un public spécialisé qui fera preuve d’une attention supérieure à la moyenne.

58      Ainsi qu’il résulte des points 39 et 53 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, d’une part, que la marque contestée était dominée tant par l’élément « josef » que par l’élément « grund », alors que la marque antérieure n’était dominée que par l’élément « grund », et, d’autre part, qu’il existait une similitude visuelle et une similitude phonétique extrêmement faibles entre les signes en conflit et que la différence sur le plan conceptuel neutralisait largement lesdites similitudes visuelles et phonétiques.

59      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu, au point 54 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes en conflit, malgré l’identité des produits et des services en cause.

60      Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la chambre de recours n’a pas méconnu la jurisprudence issue du point 37 de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), selon laquelle un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que ladite marque, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble produite par le signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

61      Il y a lieu de relever que ladite chambre a exposé, aux points 31 à 35 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles le mot « grund » n’avait pas de position distinctive autonome dans la marque contestée. En particulier, elle a relevé, à juste titre, que la combinaison des éléments « josef » et « grund » créait notamment une unité logique, à savoir le prénom et le nom de famille d’une personne physique, de sorte que ce dernier élément n’occupait pas un rôle distinctif autonome dans la marque contestée (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 25 et jurisprudence citée).

62      En outre, il y a lieu de souligner que le requérant se contente d’arguer de la présence du mot « grund » dans les deux marques en cause, sans démontrer par d’autres arguments en quoi ledit élément disposerait d’une position distinctive autonome dans la marque contestée. En particulier, il ne démontre pas que la marque antérieure ait acquis une certaine renommée, de sorte que l’impression d’ensemble produite serait dominée par la marque renommée ou le nom commercial renommé compris dans le signe composé (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, EU:C:2005:594, point 34).

63      Quant à l’argument du requérant selon lequel il pourrait exister un risque d’association entre les deux marques en cause, il y a lieu de rappeler que le risque d’association constitue un cas spécifique du risque de confusion, qui est caractérisé par la circonstance que les marques en cause, tout en n’étant pas susceptibles d’être confondues directement par le public pertinent, pourraient être perçues comme étant deux marques du même titulaire. Tel peut être le cas, notamment, lorsque les deux marques apparaissent comme appartenant à une série de marques formées sur la base d’un tronc commun ou lorsque la marque antérieure est également le nom de l’entreprise qui en est titulaire [voir arrêt du 28 avril 2021, Klaus Berthold/EUIPO – Thomann (HB Harley Benton), T‑284/20, non publié, EU:T:2021:218, point 125 et jurisprudence citée].

64      Or, il suffit de relever qu’aucun élément en l’espèce ne permet de constater que la seule existence de la marque antérieure est susceptible d’avoir créé une association dans l’esprit du public pertinent, qui plus est spécialisé dans le secteur de la construction et dont le niveau d’attention est accru, de sorte que toute nouvelle marque constituée par ce terme combiné avec un autre terme risquerait d’être perçue comme une variante de la marque antérieure.

65      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique invoqué par le requérant au soutien de ses conclusions ne devant pas être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Gerhard Grund Gerüste e. K. est condamné aux dépens.

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 avril 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.