Language of document : ECLI:EU:T:2019:304

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 mai 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale de l’Union européenne JAUME CODORNÍU – Marques verbales antérieures espagnole et de l’Union européenne JAUME SERRA – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 – Caractère distinctif d’un prénom et d’un nom de famille »

Dans l’affaire T‑358/18,

J. García Carrión SA, établie à Jumilla (Espagne), représentée par Me E. Arsuaga Santos, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Codorníu SA, établie à Esplugues de Llobregat (Espagne), représentée par Mes M. Ceballos Rodríguez et M. Hernández Gásquez, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 11 avril 2018 (affaire R 451/2017‑4), relative à une procédure d’opposition entre J. García Carrión et Codorníu,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et R. da Silva Passos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 septembre 2015, l’intervenante, Codorníu SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JAUME CODORNÍU.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières ; vins ; vins effervescents ; liqueurs ; spiritueux ; eaux-de-vie ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires du 14 septembre 2015.

5        Le 9 décembre 2015, la requérante, J. García Carrión SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque verbale de l’Union européenne JAUME SERRA, enregistrée le 5 juillet 2002 et renouvelée jusqu’en 2021 sous le numéro 2211324, désignant des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », et

–        la marque verbale espagnole JAUME SERRA, enregistrée le 22 juillet 1985 et renouvelée jusqu’en 2024, sous le numéro 1085109, désignant des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vins de cava et, en général, tous types de vins ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient, en ce qui concerne la marque antérieure de l’Union européenne, ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], et, en ce qui concerne la marque antérieure espagnole, ceux visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 23 janvier 2017, la division d’opposition a accueilli l’opposition, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 pour les produits compris dans la classe 33 et visés par la marque antérieure de l’Union européenne. En particulier, elle a estimé que l’usage sérieux de ladite marque avait été démontré en ce qui concernait ces produits et elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, entre cette marque et la marque demandée.

9        Le 3 mars 2017, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 11 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours. En particulier, tout d’abord, après avoir constaté que la division d’opposition s’était fondée uniquement sur l’usage sérieux de la marque antérieure de l’Union européenne, se référant à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001), elle a établi qu’un tel usage avait été également démontré s’agissant de la marque antérieure espagnole.

11      Ensuite, la chambre de recours a apprécié l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

12      À cet égard, en premier lieu, la chambre de recours a estimé que le public pertinent était le grand public de l’Union dont le degré d’attention était moyen. Elle a ajouté qu’il convenait de tenir compte du consommateur moyen qui achetait un produit de qualité moyenne. En outre, après avoir constaté que la comparaison des produits en cause n’avait pas été contestée, elle a considéré que les produits désignés par la marque demandée et mentionnés au point 3 ci-dessus étaient pour partie identiques et pour partie similaires aux produits couverts par la marque antérieure de l’Union européenne.

13      En deuxième lieu, la chambre de recours a procédé à la comparaison des signes en conflit. À cet égard, premièrement, elle a souligné que lesdits signes étaient des signes verbaux, qui se composaient de deux termes et qui présentaient une structure assez commune composée d’éléments distinctifs, à savoir un prénom suivi d’un nom de famille. Elle a retenu que la totalité du public de l’Union identifierait ces signes comme une combinaison d’un prénom suivi d’un nom de famille. Elle a précisé que l’usage d’une telle combinaison constituait une pratique habituelle dans des secteurs tels que celui des vins ou des boissons alcoolisées, si bien que les consommateurs de l’Union étaient habitués à distinguer l’origine commerciale de deux vins en se fondant sur leur nom de famille différent. S’agissant des signes en question, elle a relevé que le prénom Jaume n’était pas particulièrement inhabituel ou peu utilisé. En conséquence, elle a considéré que le public pertinent penserait que les noms de famille Serra et Codorníu étaient davantage aptes à indiquer une origine commerciale déterminée que ce prénom.

14      Deuxièmement, sur le plan visuel, la chambre de recours a indiqué que les signes en conflit ne présentaient qu’un faible degré de similitude. Sur le plan phonétique, elle a estimé qu’il était possible de considérer que lesdits signes possédaient tout au plus un degré moyen de similitude. Sur le plan conceptuel, elle a souligné que la coïncidence constituée par le fait que les prénoms seraient perçus comme tels par le public pertinent ne déterminait pas l’existence d’une similitude conceptuelle pertinente. Ainsi, et compte tenu du fait que ni l’élément « serra » ni l’élément « codorníu » n’étaient associés à un concept clair pour ledit public, elle a estimé que la comparaison conceptuelle de ces signes était neutre et que, en tout état de cause, les mêmes signes identifiaient deux personnes clairement différentes, même si lesdites personnes partageaient le même prénom.

15      Troisièmement, la chambre de recours a examiné le caractère distinctif des marques antérieures. À cet égard, elle a considéré que les preuves produites à l’appui de leur notoriété ou de leur reconnaissance par le public pertinent ne démontraient aucunement que l’opposante mettait en évidence ou en avant l’élément « jaume » par rapport à l’élément « serra ». Elle en a déduit qu’un éventuel caractère distinctif augmenté du fait de l’usage du signe JAUME SERRA ne pouvait être extrapolé à celui que possédait l’élément initial « jaume », qui serait perçu comme un prénom possédant un caractère distinctif intrinsèque normal et constituant uniquement un élément des marques antérieures.

16      Quatrièmement, la chambre de recours a effectué une appréciation globale du risque de confusion, en concluant à l’absence de risque de confusion, y compris celui d’association, étant donné que le public ne serait pas amené à croire que les produits en cause provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

17      En conséquence, la chambre de recours a rejeté l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

18      Enfin, la chambre de recours a rejeté l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 au motif que la requérante n’avait pas prouvé la renommée et le caractère distinctif élevé de la marque antérieure espagnole.

19      En conséquence, tout d’abord, la chambre de recours a, au point 1 du dispositif de la décision attaquée, annulé la décision de la division d’opposition du 23 janvier 2017. Ensuite, au point 2 du dispositif de la décision attaquée, elle a rejeté l’opposition dans son intégralité. Enfin, au point 3 du dispositif de la décision attaquée, elle a condamné la requérante à supporter les frais exposés par l’intervenante dans le cadre de la procédure d’opposition et dans le cadre du recours.

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        accueillir l’opposition « dans sa totalité » ;

–        rejeter « intégralement » la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

21      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

22      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      À l’appui du recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens tirés, d’une part, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, d’autre part, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

24      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit. À cet égard, elle fait valoir qu’un risque de confusion résulte de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle desdits signes, compte tenu, notamment, du degré d’attention moyen dont le public pertinent fait preuve ainsi que de l’identité des produits et des modalités d’acquisition.

25      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. En vertu de cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

28      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

29      C’est à l’aune de ces critères qu’il convient, à présent, d’examiner si les différentes conditions relatives au risque de confusion prévues par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, à savoir celles qui concernent le public pertinent, la comparaison des produits et celles des signes en conflit, ont été, en l’espèce, dûment respectées.

 Sur le public pertinent

30      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

31      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, sans être contredite par la requérante, l’examen du risque de confusion devait être mené au regard du grand public composé des consommateurs ayant un niveau d’attention moyen et situé sur le territoire de l’Union.

 Sur la comparaison des produits en cause

32      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude des produits et des services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur finalité, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

33      En l’espèce, il convient de relever que les parties ne contestent pas les appréciations de la chambre de recours en ce qui concerne la comparaison des produits. À cet égard, il y a lieu de souligner, à l’instar de la chambre de recours, que les produits « vins, vins effervescents et boissons alcoolisées (à l’exception des bières) » sont identiques, alors que les produits « liqueurs ; spiritueux ; eaux-de-vie » sont similaires aux produits de la requérante pour lesquels un usage sérieux de la marque antérieure a été démontré.

 Sur la comparaison des signes

–       Sur le caractère dominant et distinctif des éléments constituant les signes en conflit

34      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du 3 juin 2015, Giovanni Cosmetics/OHMI – Vasconcelos & Gonçalves (GIOVANNI GALLI), T-559/13, non publié, EU:T:2015:353, point 28 et jurisprudence citée].

35      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit étaient des signes verbaux, qui se composaient de deux termes et qui présentaient une structure assez commune composée d’éléments distinctifs, à savoir un prénom suivi d’un nom de famille. Elle a retenu, au point 33 de ladite décision, que la totalité du public de l’Union identifierait lesdits signes comme une combinaison d’un prénom suivi d’un nom de famille. Elle a précisé, au point 34 de cette décision, que l’usage d’une telle combinaison constituait une pratique habituelle dans des secteurs tels que celui des vins ou des boissons alcoolisées, dans lesquels il n’était pas rare que les produits portent le prénom et le nom de famille, ou uniquement le nom de famille, du fondateur des caves ou de l’un de ses ancêtres. Il s’ensuit, selon elle, que les consommateurs de l’Union étaient habitués à distinguer l’origine commerciale de deux vins en se fondant sur leur nom de famille différent.

36      En particulier, à l’appui de cette conclusion, la chambre de recours s’est référée, au point 35 de la décision attaquée, au point 58 de l’arrêt du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI (T‑559/13, non publié, EU:T:2015:353), dont il découlerait que, lorsqu’un prénom est utilisé en tant que marque, cette marque ne désigne pas une personne appartenant à un cercle déterminé, l’utilisation d’un prénom en tant que marque ou élément d’une marque correspondant à un usage général de ce prénom. En outre, au point 36 de ladite décision, la chambre de recours a souligné que le même nom de famille pouvait constituer une indication, dans certains cas, de l’existence d’un lien de parenté entre deux personnes physiques. Elle a relevé que le prénom Jaume n’était pas particulièrement inhabituel ou peu utilisé. En conséquence, elle a considéré, aux points 38 et 39 de cette décision, que le public pertinent penserait que les noms de famille Serra et Codorníu étaient davantage aptes à indiquer une origine commerciale déterminée que le prénom Jaume.

37      La requérante conteste cette appréciation. Selon elle, les consommateurs de l’Union ne sont pas habitués à distinguer l’origine commerciale des produits en cause en se fondant sur le nom de famille différent qu’ils comportent dans leurs signes distinctifs, le consommateur devant d’abord savoir qu’il s’agit d’un nom de famille puis l’identifier parmi les noms.

38      La requérante estime que la chambre de recours s’est erronément fondée sur la perception d’un groupe minoritaire, à savoir les consommateurs espagnols, voire les consommateurs catalans, alors que la marque demandée visait l’ensemble du territoire de l’Union. Partant, le risque de confusion aurait dû être apprécié au regard du consommateur moyen de l’ensemble de l’Union. À cet égard, l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 38 de la décision attaquée, selon laquelle Jaume est un prénom qui n’est pas particulièrement inhabituel ou peu utilisé, et l’ensemble du public de l’Union l’identifiera en ce sens, ne pouvait pas être appliquée à l’ensemble de l’Union.

39      Il s’ensuivrait, selon la requérante, que les consommateurs ne pourraient pas détecter une claire différence conceptuelle entre les signes en conflit. En effet, certains consommateurs de l’Union n’identifieraient pas, notamment, la structure d’un prénom suivi d’un nom de famille, ou ignoreraient la signification du prénom, et assimileraient des boissons qui partagent dans les deux cas leur premier élément, à savoir l’élément « jaume ». La requérante conclut que la chambre de recours ne pouvait pas, en se fondant sur la perception d’une minorité du public destinataire, considérer que les signes en conflit présentaient des différences.

40      La requérante souligne que les signes en conflit constituent des mots d’origine étrangère ou des mots de fantaisie pour une partie de l’Union européenne, qui n’auraient pas de signification. Ainsi, de nombreux consommateurs se souviendraient du premier terme, mais pas de la totalité des signes en conflit, lorsqu’ils se réfèrent au produit en cause.

41      Par ailleurs, la requérante invoque l’arrêt du 22 mars 2018, Agricola J.M./EUIPO – Miguel Torres (CLOS DE LA TORRE) (T‑806/16, non publié, EU:T:2018:163, points 32 et 49), dans lequel le Tribunal aurait retenu une similitude visuelle entre les signes en conflit en raison de la coïncidence dans le terme « torre ». En conséquence, il ne serait pas possible de considérer que les noms de famille Serra et Codorníu seraient davantage aptes à indiquer une origine commerciale déterminée que le prénom Jaume présent à l’identique.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

43      En premier lieu, en ce qui concerne les griefs de la requérante tirés de l’appréciation erronée de la chambre de recours, selon laquelle le consommateur de l’Union saura que les signes en conflit sont composés d’un prénom suivi d’un nom, et, notamment, que ce consommateur perçoit le terme « jaume » comme un prénom, il convient de relever que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours aux points 32 et 33 de la décision attaquée, lesdits signes sont des signes verbaux ayant une structure assez commune, à savoir un prénom suivi d’un nom de famille, et le public de l’Union identifiera ces signes comme une combinaison d’un prénom suivi d’un nom de famille.

44      En particulier, d’une part, en ce qui concerne les prénoms des signes en conflit, se pose la question de savoir si le consommateur moyen dans toute l’Union perçoit le terme « jaume » comme un prénom.

45      À cet égard, le public espagnol percevra le terme « jaume » comme un prénom catalan répandu. En ce qui concerne le public situé en dehors de l’Espagne, la majorité de celui-ci ne saura pas, de manière isolée, à quoi correspond le terme « jaume » ni quelle est son étymologie. Toutefois, cette partie du public lira les signes en conflit dans leur contexte. À cet effet, ainsi que la chambre de recours l’a souligné au point 34 de la décision attaquée, dans des secteurs tels que celui des vins ou des boissons alcoolisées, l’usage d’une combinaison composée d’un prénom et d’un nom de famille constitue une pratique habituelle. Ainsi, le consommateur de l’Union pourra, dans ce contexte précis, comprendre le terme « jaume » comme étant un prénom.

46      En outre, le prénom Jaume présente une ressemblance avec ses équivalents dans les langues de l’Union européenne, à savoir James, un prénom courant en langue anglaise, ou Jaime, en espagnol. De même, il n’y a que des faibles différences orthographiques entre Jaume et Jaime ou Jaume et James. Partant, pour le public pertinent, qui identifiera le terme « jaume » comme étant un prénom, le degré de caractère distinctif de ce terme ne peut être que faible.

47      D’autre part, s’agissant des termes « codorníu » et « serra », ainsi que l’a souligné la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, tous deux sont des noms de famille d’origine catalane. Bien qu’ils ne soient pas particulièrement fréquents, ils seront perçus comme étant des noms de famille. En ce qui concerne, notamment, le terme « serra », c’est à juste titre que l’EUIPO a souligné dans son mémoire en réponse qu’il s’agit d’un nom de famille utilisé dans certaines langues, notamment les langues espagnole, française, italienne et portugaise. Partant, les termes « codorníu » et « serra » seront identifiés par le public pertinent comme étant des noms de famille.

48      Partant, il convient de rejeter les griefs avancés par la requérante selon lesquels le consommateur de l’Union ne perçoit pas le terme « jaume » comme étant un prénom et ne saura pas que les signes en conflit sont composés d’un prénom suivi d’un nom.

49      En second lieu, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel les noms de famille Codorníu et Serra des signes en conflit ne sont pas davantage aptes à indiquer une origine commerciale déterminée que le prénom Jaume, qui est identique dans lesdits signes, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle la perception des signes composés du prénom et du nom d’une personne peut varier dans les différents pays de l’Union européenne. Ainsi, il ne saurait être exclu que, dans certains États membres, les consommateurs gardent à l’esprit le nom de famille plutôt que le prénom quand ils perçoivent des marques constituées par la combinaison d’un prénom et d’un nom, la perception de tels signes pouvant varier dans les différents pays. Toutefois, cette règle, qui est tirée de l’expérience, ne saurait être appliquée de façon automatique sans tenir compte des particularités caractérisant le cas d’espèce. Il y a toujours lieu d’effectuer la comparaison des marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble [voir arrêt du 11 juillet 2018, Enoitalia/EUIPO – La Rural Viñedos y Bodegas (ANTONIO RUBINI), T‑707/16, non publié, EU:T:2018:424, point 37 et jurisprudence citée].

50      De même, s’il se peut que, dans une partie de l’Union, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom, il convient, cependant, de tenir compte des éléments propres à l’espèce et, en particulier, de la circonstance que le nom de famille en cause est peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur ce caractère distinctif [arrêts du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, point 36, et du 5 octobre 2011, Cooperativa Vitivinicola Arousana/OHMI – Sotelo Ares (ROSALIA DE CASTRO), T‑421/10, non publié, EU:T:2011:565, point 50].

51      Ainsi, dans une marque composée de plusieurs éléments verbaux, un nom de famille ne conserve pas dans tous les cas une position distinctive autonome au seul motif qu’il sera perçu comme un nom de famille. La constatation d’une telle position ne peut, en effet, être fondée que sur un examen de l’ensemble de facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, point 38).

52      À cet égard, la Cour a précisé qu’il y avait lieu de tenir compte, notamment, de la circonstance selon laquelle le nom de famille en cause était peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur son caractère distinctif, ainsi que de l’éventuelle notoriété de la personne qui demande que son prénom et son nom, pris ensemble, soient enregistrés en tant que marque (arrêt du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, points 36 et 37).

53      En l’espèce, à l’instar de la chambre de recours, il convient de constater que dans le contexte des particularités caractérisant le cas d’espèce et en présence des signes en conflit composés d’un prénom qui n’est pas particulièrement inhabituel ou peu utilisé et des noms de famille qui ne sont pas particulièrement fréquents sur la totalité du territoire pertinent, le prénom possède un caractère distinctif plus faible que le nom de famille. Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les noms de famille Codorníu et Serra desdits signes seraient davantage aptes à indiquer une origine commerciale déterminée que le prénom Jaume.

54      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’arrêt du 22 mars 2018, CLOS DE LA TORRE (T‑806/16, non publié, EU:T:2018:163, points 32 et 49), invoqué par la requérante. En effet, aux points 48 et 49 de cet arrêt, le juge de l’Union a considéré, en substance, que, s’agissant du public francophone pertinent, le terme « clos », qui signifie « vignoble » en français, ainsi que la préposition « de » et l’article « la », revêtaient un caractère distinctif moins élevé que le terme « torre », qui était un mot fantaisiste et dépourvu de toute signification pour ce public. Il a donc considéré qu’il existait une similitude globale entre les signes en cause et ce d’autant plus que la partie la plus distinctive du signe demandé, le terme « torre », coïncidait avec la quasi-totalité du signe antérieur TORRES. En revanche, en l’espèce, une telle constatation ne peut être effectuée, étant donné que, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 44 à 48 ci-dessus, le public pertinent identifiera les signes en conflit comme étant constitués d’un prénom et d’un nom de famille, mais non des mots fantaisistes. D’autre part, ainsi que le soutient à juste titre l’EUIPO, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’élément commun « jaume », dont le degré de caractère distinctif ne peut être que faible, ne constitue pas l’élément qui domine l’impression d’ensemble produite par chacun desdits signes.

55      Il s’ensuit que les éléments « serra » et « codorníu » des signes en conflit sont plus distinctifs que l’élément « jaume », qui est commun à ces signes.

56      Une telle conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante tirés de ce que la prétendue notoriété des marques antérieures concernerait davantage l’élément « jaume » que l’élément « serra ». À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 44 de la décision attaquée, que, en l’espèce, étant donné que, dans lesdites marques, le terme « jaume » ne rendait pas négligeable le terme dont il est suivi, à savoir le terme « serra », l’éventuelle notoriété alléguée de ces marques n’aurait pas pour conséquence que le terme « jaume » constitue l’élément dominant dans l’impression produite par la marque dont l’enregistrement est demandé. En ce sens, elle a souligné, au point 45 de la décision attaquée, que les preuves produites à l’appui de la notoriété ou de la reconnaissance par le public pertinent des marques antérieures ne démontraient pas que la requérante mettait en évidence ou en avant l’élément « jaume » par rapport à l’élément « serra », de sorte que le terme « jaume » aurait un caractère distinctif faible.

57      La requérante souligne que les preuves produites à l’appui de la notoriété ou de la reconnaissance par le public pertinent des marques antérieures l’ont été afin de démontrer que la combinaison des termes « jaume » et « serra » faisait référence à un produit dont le premier élément est le terme « jaume », terme que les consommateurs conserveront le plus en mémoire. En particulier, elle souligne qu’il ressort de ces preuves que, en matière de commercialisation du cava, la marque JAUME SERRA devient « le leader » en Espagne devant les autres marques. La requérante souligne que tant le prénom que le nom constituant la marque antérieure sont mentionnés, alors que, s’agissant de la marque demandée, il est fait référence uniquement au nom de la famille. Ainsi, le terme « jaume » serait propre à la marque JAUME SERRA, en tant que premier élément de cette marque.

58      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

59      À cet égard, il convient de constater que la requérante ne conteste pas, dans le cadre du premier moyen, l’appréciation portée par la chambre de recours sur le degré de caractère distinctif de la marque JAUME SERRA. En revanche, elle reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir tiré les conséquences exactes quant à l’élément ayant un caractère distinctif plus élevé dans la perception de la totalité du public pertinent.

60      Or, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, au point 45 de la décision attaquée, les preuves produites à l’appui de la notoriété ou la reconnaissance par le public pertinent des marques antérieures ne démontrent aucunement que la requérante met en évidence ou en avant l’élément « jaume » par rapport à l’élément « serra ». Ladite chambre pouvait donc valablement conclure que l’éventuel caractère distinctif augmenté du fait de l’usage du signe JAUME SERRA ne saurait être extrapolé à celui que posséderait l’élément initial « jaume ».

61      S’agissant par ailleurs des éléments de preuve présentés devant le Tribunal, il en découle que les termes « jaume » et « serra » sont utilisés ensemble. Toutefois, l’extrait de la revue de presse auquel fait référence la requérante ne constitue pas une preuve suffisante pour déterminer si, en ce qui concerne la marque antérieure, dans la perception du public dans toute l’Union, le prénom est l’élément le plus distinctif. Dès lors, il n’existe aucune base pour attribuer un caractère distinctif plus élevé à l’élément « jaume » des marques antérieures qu’à l’élément « serra » desdites marques dans la perception du public pertinent.

62      Par conséquent, les griefs de la requérante tirés de l’appréciation prétendument erronée, d’une part, des éléments distinctifs des signes en conflit et, d’autre part, des éléments dominants de ces signes doivent être écartés.

–       Sur la similitude entre les signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

63      La requérante conclut à l’existence de similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes en conflit.

64      En premier lieu, sur le plan visuel, la chambre de recours a conclu, au point 40 de la décision attaquée, à un faible degré de similitude entre les signes en conflit.

65      La requérante fait valoir que, visuellement, les signes en conflit sont similaires, d’autant plus que, d’une part, dès lors que le consommateur ne voit généralement pas lesdits signes en même temps, il ne conserve qu’une image globale et approximative en mémoire et que, d’autre part, les deux marques sont des marques verbales.

66      À cet égard, certes, la marque demandée et les marques antérieures sont constituées de signes ayant la même structure et le même terme initial « jaume ». Toutefois, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, au point 40 de la décision attaquée, en ce qui concerne les éléments les plus distinctifs, à savoir les noms de famille Serra et Codorníu, qui d’ailleurs ne partagent que la lettre « r », lesdits signes sont très différents.

67      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a retenu un faible degré de similitude visuelle entre les signes en conflit.

68      En deuxième lieu, sur le plan phonétique, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’il était possible de considérer que les signes en conflit possédaient, tout au plus, un degré moyen de similitude.

69      La requérante fait valoir qu’il existe, entre les signes en conflit, un degré de similitude moyen sur le plan phonétique. Elle ajoute, toutefois, que la différence phonétique pourrait s’estomper dans des lieux bruyants, tels que les bars ou restaurants, dans lesquels le consommateur moyen commande oralement ces produits.

70      Néanmoins, ainsi que l’a souligné la chambre de recours, même si les signes en conflit partagent le terme initial « jaume », les termes « serra » et « codorníu » ont un rythme et une intonation totalement différents, ainsi qu’une longueur clairement dissemblable.

71      En outre, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il y a lieu de prendre en compte le caractère bruyant des endroits pour apprécier la similitude phonétique, il convient de rappeler que, certes, ainsi que le relève la requérante, dans le secteur des boissons alcoolisées, les consommateurs de ces produits sont habitués à les désigner et à les reconnaître en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier, en particulier dans les bars ou les restaurants, dans lesquels ces boissons sont commandées oralement après avoir vu leur nom sur la carte [voir arrêt du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, EU:T:2010:476, point 62 et jurisprudence citée]. De même, lorsque les produits sont commandés oralement, la similitude phonétique entre les signes en cause revêt une importance particulière [voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2017, Sensi Vigne & Vini/EUIPO – El Grifo (CONTADO DEL GRIFO), T‑434/16, non publié, EU:T:2017:721, point 88 et jurisprudence citée].

72      Toutefois, en l’espèce, la différence phonétique entre les termes « serra » et « codorníu » est tellement élevée qu’il n’y a pas de similitude phonétique possible entre ces termes, même dans un endroit de caractère bruyant.

73      Ainsi, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient, sur le plan phonétique, tout au plus, un degré moyen de similitude.

74      En troisième lieu, sur le plan conceptuel, la chambre de recours, au point 42 de la décision attaquée, a souligné que la coïncidence constituée par le fait que les prénoms soient perçus comme un prénom par le public pertinent ne détermine pas l’existence d’une similitude pertinente. Ainsi, étant donné que ni l’élément « serra » ni l’élément « codorníu » n’étaient associés à un concept clair pour le public pertinent de l’Union, la chambre de recours a estimé que la comparaison conceptuelle des signes en conflit était neutre.

75      La requérante souligne que les signes en conflit ne possèdent aucune signification pour le public pertinent en ce qui concerne la comparaison conceptuelle. Selon elle, dès lors que les prénoms ne sont pas perçus en tant que tels, il n’est pas possible de conclure à une similitude conceptuelle.

76      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé aux points 44 à 48 ci-dessus, le terme « jaume » sera identifié par le public pertinent comme étant un prénom et les termes « codorníu » et « serra » comme étant des noms de famille. De telles significations permettent de procéder à une comparaison conceptuelle (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI, T‑559/13, non publié, EU:T:2015:353, point 86).

77      Il y a lieu de relever qu’il existe une certaine similitude conceptuelle entre les signes en conflit, car ils contiennent tous les deux le prénom catalan Jaume (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI, T‑559/13, non publié, EU:T:2015:353, point 88 et jurisprudence citée). Toutefois, cette similitude est sans incidence, car les deux signes pourraient désigner et singulariser des personnes de familles différentes, à savoir la famille Serra et la famille Codorníu. Ainsi, la marque demandée peut désigner une personne précise dénommée Jaume Codorníu, tandis que la marque antérieure peut désigner une autre personne dénommée Jaume Serra.

78      Le public percevra les signes en conflit comme des noms de personnes n’ayant pas de signification conceptuelle particulière, à moins que le nom ne soit particulièrement connu comme étant celui d’une personne célèbre [voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2018, Enoitalia/EUIPO – La Rural Viñedos y Bodegas (ANTONIO RUBINI), T‑707/16, non publié, EU:T:2018:424, point 65 et jurisprudence citée]. Or, il n’a pas été établi que tel était le cas en l’espèce.

79      Ainsi, le public pertinent associera les signes en conflit à des noms de personnes distinctes, dès lors que ces noms sont différents (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2018, ANTONIO RUBINI, T‑707/16, non publié, EU:T:2018:424, point 66 et jurisprudence citée).

80      Compte tenu de ce qui précède, c’est à juste titre que la chambre de recours a, au point 42 de la décision attaquée, affirmé que les signes en conflit identifiaient deux personnes clairement différentes, bien qu’elles partagent le même prénom. Partant, il y a lieu de conclure que, sur le plan conceptuel, les consommateurs ne relèveront, eu égard aux signes en conflit, aucune connotation sémantique particulière leur permettant d’établir une différence ou une similitude entre les deux signes.

81      Sur le fondement de l’ensemble des considérations présentées aux points 64 à 76 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’il existe une faible similitude visuelle et une similitude phonétique, tout au plus, moyenne entre les signes en conflit. En outre, la comparaison desdits signes sur le plan conceptuel est sans incidence sur le degré de similitude entre ces signes.

  Sur le risque de confusion

82      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

83      La requérante soutient que la chambre de recours s’est trompée dans l’importance à accorder aux facteurs pertinents dans l’appréciation du risque de confusion et a, ainsi, violé le principe d’interdépendance. Elle fait notamment valoir que les différences entre les signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entraînent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La coïncidence du terme « jaume » conférerait auxdits signes une impression globale de similitude, impliquant un risque de confusion. La requérante estime donc qu’il est fort probable que le consommateur pertinent percevra la marque demandée comme une sous-marque, à savoir une variante des marques antérieures, représentée différemment en fonction du type de produits ou de services qu’elle désigne.

84      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

85      À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 48 de la décision attaquée, que, d’une part, l’élément « jaume » ne serait pas considéré comme plus important que l’élément « serra » dans les marques antérieures ni que l’élément « codorníu » dans la marque demandée et, d’autre part, il ne ressortait pas des preuves concernant la renommée que l’usage des marques antérieures permettait au public pertinent d’identifier dans le prénom Jaume un terme plus important, marquant ou distinctif que le terme « serra ». C’est également à juste titre que ladite chambre a précisé que le public attribuerait généralement un caractère distinctif plus élevé au nom de famille qu’au prénom.

86      À cet effet, ainsi que la chambre de recours l’a souligné au point 34 de la décision attaquée, dans des secteurs tels que celui des vins ou des boissons alcoolisées, l’usage d’une combinaison composée d’un prénom et d’un nom de famille constitue une pratique habituelle. Ainsi qu’il ressort des points 44 à 48 ci-dessus, le public pertinent identifiera les signes en conflit comme étant constitués d’un prénom et d’un nom de famille. En outre, comme il a déjà été précisé au point 53 ci-dessus, en l’espèce, le prénom possède un caractère distinctif plus faible que le nom de famille. Dès lors, la protection conférée s’étend au signe complet des marques antérieures et non à chacun de ses éléments séparément. Ainsi, contrairement à ce qu’allègue en substance la requérante, la coïncidence des termes « jaume » dans les signes en conflit ne confère pas une impression globale de similitude impliquant un risque de confusion.

87      Pour le même motif, il convient de rejeter l’argument de la requérante, selon lequel la marque demandée pourrait être perçue comme étant une sous-marque, à savoir une variante de la marque antérieure, représentée différemment en fonction du type de produits qu’elle désigne. En effet, cet argument repose sur la prémisse que le public pertinent emploiera le terme « jaume » isolément, sans se référer au terme « serra ». Toutefois, tel n’est pas le cas, dès lors que les deux termes des marques antérieures sont employés de manière conjointe.

88      Compte tenu de tout ce qui précède et conformément à la jurisprudence rappelée aux points 27 et 28 ci-dessus, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé, au point 50 de la décision attaquée, que, malgré l’identité ou la similitude des produits et des services visés par les signes en conflit, et malgré la présence d’un élément commun entre ces signes, il devait être conclu à l’absence de risque de confusion entre eux et, dès lors, que l’opposition, en ce qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 devait être rejetée.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

89      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, en ce qu’elle a retenu que les signes en conflit n’étaient pas similaires.

90      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

91      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

92      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque antérieure de l’Union européenne, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 34 et 35, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, EU:T:2007:214, points 54 et 55].

93      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu la quatrième des conditions énumérées au point 92 ci-dessus. Selon elle, le public pertinent pourra établir un lien entre les signes en conflit et ainsi un profit de la renommée de la marque antérieure pourrait être tiré.

94      À cet égard, il convient d’emblée de constater que, dès lors que la requérante n’a invoqué que la renommée de la marque antérieure espagnole et dès lors que les conditions énumérées au point 92 ci-dessus sont cumulatives, l’objet du second moyen ne porte que sur l’opposition entre cette marque et la marque demandée.

95      Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, afin de satisfaire à la condition tenant à l’existence d’une identité ou d’une similitude entre les signes en conflit, posée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre la marque antérieure jouissant d’une renommée et la marque demandée. Il suffit que le degré de similitude entre ces deux marques ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles. À cet égard, plus les marques en conflit sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque demandée évoquera, dans l’esprit du public pertinent, la marque antérieure renommée [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, Ella Valley Vineyards/OHMI – HFP (ELLA VALLEY VINEYARDS), T‑32/10, EU:T:2012:118, point 37].

96      En effet, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas [voir arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 19 et jurisprudence citée].

97      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 58 de la décision attaquée, un tel degré de similitude n’est pas atteint, même à supposer que la marque antérieure espagnole possède le degré de renommée le plus élevé possible. En effet, ainsi qu’il a déjà été constaté, au point 81 ci-dessus, il existe une faible similitude visuelle et une similitude phonétique, tout au plus, moyenne entre la marque demandée et ladite marque antérieure. Dans ces conditions, malgré l’existence d’une coïncidence du prénom Jaume dans les signes en conflit, les différences entre ces signes sont telles que, pris dans leur ensemble, ils ne pourront être considérés comme permettant au public pertinent d’établir le lien nécessaire entre eux, même à supposer que la marque antérieure espagnole ait une renommée particulièrement élevée. En effet, comme il a été précisé au point 59 de la décision attaquée, étant donné que le public espagnol, dans le secteur des vins, est habitué à distinguer l’origine commerciale de deux signes composés d’un prénom et d’un nom de famille, en tenant compte des différences qui existent dans ce second élément, la coïncidence du prénom Jaume dans les signes en conflit n’est pas suffisante pour établir ledit lien. Il en va d’autant plus ainsi que, pour le public espagnol, il ne fait aucun doute que les deux signes sont composés d’un prénom et d’un nom de famille.

98      Dès lors, c’est à juste titre que, au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le lien, tel que celui mentionné aux points 95 et 96 ci-dessus, ne pouvait pas être établi en l’espèce entre les signes en conflit.

99      Il s’ensuit que la chambre de recours a conclu, à juste titre, que les conditions figurant à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’étaient pas réunies en l’espèce.

100    Ainsi, il y a lieu d’écarter le second moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

101    Le deux moyens invoqués par la requérante tirés, d’une part, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, d’autre part, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, n’étant pas fondés, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante tendant à accueillir l’opposition « dans sa totalité » et à rejeter « intégralement » la marque demandée.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      J. García Carrión SA est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.