Language of document : ECLI:EU:F:2007:17

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

1er février 2007 (*)

« Fonctionnaires – Évaluation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation pour l’année 2003 – Recours en annulation – Recours en indemnité »

Dans l’affaire F‑42/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Francisco Rossi Ferreras, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes G. Bounéou et F. Frabetti, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes L. Lozano Palacios et K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 9 juin 2005, le requérant demande l’annulation de son rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») établi le 22 juillet 2004 pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2003 (ci-après la « période de référence »), ainsi que la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu’il allègue avoir subi.

 Cadre juridique

2        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. […] »

3        L’article 1er des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut adoptées par la Commission le 3 mars 2004 (ci-après les « DGE ») énonce :

« 1. Conformément à l’article 43 du statut […], un exercice d’évaluation est organisé au début de chaque année. La période de référence pour l’évaluation s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente.

À cette fin, un rapport annuel, appelé rapport d’évolution de carrière, est établi pour chaque fonctionnaire, au sens de l’article premier du statut […], qui a été dans une position d’activité ou de détachement dans l’intérêt du service, pendant au moins un mois continu au cours de la période de référence. […]

2. L’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire du poste. Une note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets […] »

4        Le formulaire ad hoc du rapport d’évolution de carrière, repris à l’annexe II des DGE, prévoit trois échelles distinctes pour les trois rubriques d’évaluation, le nombre maximal de points étant de 10 pour la rubrique « Rendement », de 6 pour celle dénommée « Aptitudes (compétences) » et de 4 pour la rubrique « Conduite dans le service ».

5        S’agissant des acteurs de la procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE prévoient l’intervention, premièrement, de l’évaluateur, qui est, en règle générale, le chef d’unité, en tant que supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire évalué, deuxièmement, du validateur, qui est, en règle générale, le directeur, en tant que supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur, et, troisièmement, de l’évaluateur d’appel, qui est, en règle générale, le directeur général, en tant que supérieur hiérarchique direct du validateur. Quant au déroulement concret de la procédure d’évaluation, l’article 8, paragraphe 4, des DGE dispose que, dans les huit jours ouvrables suivant la demande de l’évaluateur, le titulaire de poste établit une autoévaluation qui est intégrée dans le rapport d’évolution de carrière. En application de l’article 8, paragraphe 5, des DGE, dix jours ouvrables au plus tard après communication de l’autoévaluation par le titulaire du poste, l’évaluateur et le titulaire de poste tiennent un dialogue formel, qui porte, en application du quatrième alinéa dudit article 8, paragraphe 5, sur trois éléments : l’évaluation des prestations du titulaire du poste pendant la période de référence, la fixation des objectifs pour l’année qui suit la période de référence et la définition d’une carte de formation.

6        S’agissant, plus spécialement, du deuxième élément sur lequel doit porter le dialogue formel, l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, sous b), des DGE, précise :

« L’évaluateur propose au titulaire de poste, les objectifs à atteindre dans le cadre du poste, assortis d’une liste de compétences nécessaires ainsi que la manière dont les résultats seront évalués et les conditions dans lesquelles ils sont censés être obtenus. Les objectifs à atteindre doivent être à la mesure des conditions de travail (temps partiel, détachement…) et cohérents avec les objectifs du programme de travail de la direction générale et de l’unité. Ils constituent la base de référence pour l’évaluation du rendement. En cas de désaccord entre l’évaluateur et le titulaire du poste sur le contenu des objectifs, le validateur, après avoir entendu le titulaire du poste, tranchera. Les objectifs sont intégrés dans le rapport d’évolution de carrière relatif à la période à laquelle ils se rattachent. »

7        À la suite de l’entretien entre le fonctionnaire et l’évaluateur, le rapport d’évolution de carrière est établi par l’évaluateur et le validateur, en application de l’article 8, paragraphe 8, premier alinéa, des DGE. Le fonctionnaire évalué a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, qui a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le rapport d’évolution de carrière. Ensuite, le fonctionnaire évalué peut demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 9 des DGE (ci-après le « CPE »), dont le rôle consiste à vérifier si le rapport d’évolution de carrière a été établi équitablement et objectivement, c’est-à-dire dans la mesure du possible sur des éléments factuels, et conformément aux DGE ainsi qu’au guide pour l’évaluation. Le CPE émet un avis sur la base duquel l’évaluateur d’appel confirme le rapport d’évolution de carrière ou le modifie ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.

8        En juillet 2002, la Commission a, conformément à l’article 7, paragraphe 1, des DGE, porté à la connaissance de son personnel, par le moyen de l’intranet, un document intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide » (ci-après le « guide d’évaluation »).

9        Le point 2.4 du guide d’évaluation dispose :

« Le titulaire du poste et l’évaluateur doivent convenir des objectifs clés du poste ainsi que des critères d’évaluation à utiliser. Cette initiative doit être menée au début de la période de référence pour l’évaluation […] »

 Faits à l’origine du litige

10      Le requérant, fonctionnaire de grade B 3 au moment des faits, travaille au service de la Commission. Pendant la période de référence, il était affecté à l’Office des publications officielles des Communautés européennes.

11      Le 9 juin 2004, l’évaluateur du requérant a établi un projet de REC concernant celui-ci pour la période de référence. Ce projet faisait apparaître un nombre total de 6 points sur 20, à savoir 3 points sur 10 pour la rubrique « Rendement », 2 points sur 6 pour la rubrique « Aptitudes (compétences) » et 1 point sur 4 pour la rubrique « Conduite dans le service ».

12      L’évaluateur a motivé le projet de REC de la manière suivante :

–        à la rubrique « Rendement », il a indiqué que le requérant, dont la fonction consistait à gérer les dossiers des clients débiteurs de l’Office des publications, « nécessit[ait] une supervision constante et d’abondantes corrections » et qu’« [a]ucun des objectifs fixés n’[avait] été atteint ni même approché » ;

–        à la rubrique « Aptitudes (compétences) », il a souligné le niveau « insuffisant » des « connaissances des applications bureautiques standards » ainsi que « des applications spécifiques utilisées à l’Office des publications », et a souligné que l’intéressé « ne distingu[ait] pas l’essentiel de l’accessoire » et « rest[ait] dans une position attentiste vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie » ;

–        à la rubrique « Conduite dans le service », il a été relevé son « [a]bsence totale de motivation, de conscience professionnelle et de volonté de travailler », son incapacité à « travailler en équipe », son refus total du « dialogue et [de] la conciliation » ;

–        enfin, à la rubrique « Synthèse », l’évaluateur a relevé que, « [q]uel que soit l’angle sous lequel on les abord[ait] (rendement, compétences, conduite dans le service), les prestations de M. Francisco Rossi Ferreras [étaient] insuffisantes » et que ce dernier « refus[ait] systématiquement toute proposition de dialogue ou de discussion avec sa hiérarchie en y répondant par des accusations de discrimination et de harcèlement moral ».

13      Suite à une demande de révision émanant du requérant, le validateur a confirmé le REC le 25 juin 2004.

14      Le 28 juin suivant, le requérant a saisi le CPE, lequel, dans un avis adopté à l’unanimité, a considéré que « la demande du requérant n’[était] pas fondée ».

15      Le 22 juillet 2004, l’évaluateur d’appel a confirmé le REC et l’a rendu définitif.

16      Par une note du 22 octobre 2004, enregistrée à la direction générale (DG) « Personnel et administration » le 27 octobre suivant, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle il demandait l’annulation de la décision établissant son REC, l’établissement d’un nouveau REC et l’allocation d’une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

17      Par décision du 23 février 2005, dont le requérant a accusé réception le 1er mars suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

18      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑222/05.

19      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑42/05.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 22 juillet 2004 qui a confirmé l’établissement du REC, partant annuler ledit REC ;

–        lui allouer la somme, sous toutes réserves de modification ou d’augmentation, de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur la demande en annulation

22      Le requérant soulève à l’encontre de son REC les moyens, tirés de la violation de l’article 43 du statut, de la violation des DGE et de la violation du « guide de la notation ». Il soulève également les moyens, tirés de la violation des articles 5 et 7 du statut, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation des « garanties conférées par l’ordre communautaire » et de l’incohérence entre les appréciations d’ordre général et les appréciations analytiques.

23      Le requérant, en soulevant le moyen tiré de la violation du « guide de la notation », doit être regardé comme reprochant à la Commission d’avoir méconnu le guide d’évaluation.

24      Les griefs avancés au soutien des moyens tirés de la violation de l’article 43 du statut, de la violation des DGE et de la violation du guide d’évaluation se confondent, en l’espèce, avec les griefs avancés au soutien du moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Il apparaît donc opportun d’examiner conjointement l’ensemble de ces moyens.

 Sur les moyens tirés de la violation de l’article 43 du statut, de la violation des DGE, de la violation du guide d’évaluation et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

25      En vue de contester, par les moyens susvisés, la légalité de son REC, le requérant soulève six griefs.

26      Premièrement, les notateurs n’auraient pris en compte ni l’importance des créances recouvrées grâce à son travail ni les conditions de pénibilité dans lesquelles il aurait accompli ce travail. Deuxièmement, le requérant n’aurait, pour cette tâche, bénéficié d’aucune formation adéquate. Troisièmement, ses supérieurs hiérarchiques ne lui auraient pas assigné d’objectifs pour la période de référence. Quatrièmement, son travail aurait été retardé du fait de l’inaction de son supérieur hiérarchique. Cinquièmement, les notateurs n’auraient pas pris en considération, pour établir le REC, la circonstance qu’il aurait été mis à la disposition de l’administration. Sixièmement, il n’aurait pas été tenu compte, lors de l’établissement dudit REC, de sa conduite dans le service.

27      Par ailleurs, le requérant demande au Tribunal d’inviter la Commission à fournir tout renseignement utile sur le montant des sommes dont il aurait permis le recouvrement.

28      La partie défenderesse conclut à l’irrecevabilité des moyens susvisés, au motif que, dépourvus de toute précision permettant d’en apprécier la portée, ils ne satisferaient pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. À titre subsidiaire, elle en conteste le bien-fondé.

–       Appréciation du Tribunal

29      Il convient, dans un premier temps, d’examiner la recevabilité des moyens susmentionnés au regard des conditions de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

30      En vertu de cette dernière disposition, une requête introductive d’instance doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure du Tribunal de première instance (arrêt du Tribunal de première instance du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T‑203/03, RecFP p. II-1287, point 67).

31      En l’espèce, il convient de constater que, à l’appui des moyens susmentionnés, le requérant a fait valoir, dans sa requête, que le travail qu’il a effectué et pour lequel il n’aurait bénéficié d’aucune formation, n’aurait pas été apprécié à sa juste valeur. Il a également indiqué que ses supérieurs hiérarchiques ne lui auraient pas fixé d’objectifs d’évaluation et que leur inaction aurait contribué à retarder l’exécution de ses tâches. Il résulte de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient la partie défenderesse, le requérant ne s’est pas borné à faire référence, de façon abstraite, à la violation de l’article 43 du statut, des DGE et du « guide de notation », ni à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, mais a explicité ses moyens en les assortissant de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé. Les moyens doivent donc être déclarés recevables.

32      Il convient, dans un second temps, d’examiner le bien-fondé desdits moyens.

33      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le contrôle juridictionnel, exercé par le juge communautaire sur le contenu des rapports de notation, est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal de première instance du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T‑18/93, RecFP p. I‑A‑215 et II‑681, point 45, et du 20 mai 2003, Pflugradt/BCE, T‑179/02, RecFP p. I‑A‑149 et II‑733, point 46).

34      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux six griefs avancés par le requérant.

35      S’agissant du premier grief, force est de constater que le requérant ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les notateurs, pour établir son évaluation, n’auraient pas pris en considération les tâches qu’il a effectivement réalisées, en matière notamment de recouvrement de créances. Par ailleurs, il n’établit pas davantage que les notateurs n’auraient pas tenu compte de la pénibilité de ses fonctions. Dans ces conditions, le premier grief doit être écarté, sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande de l’intéressé tendant à ce que le Tribunal invite la Commission à produire tout renseignement utile sur le montant des créances recouvrées grâce à son travail.

36      Le deuxième grief, tiré de ce que le requérant n’aurait bénéficié d’aucune formation adéquate, doit également être rejeté. En effet, il ressort clairement des pièces du dossier que le requérant a suivi, depuis 2001, de nombreuses formations en informatique, qui auraient dû lui permettre d’accomplir ses fonctions avec aisance et, en particulier, d’établir les tableaux statistiques demandés par sa hiérarchie.

37      En ce qui concerne le troisième grief, tiré de ce que les supérieurs hiérarchiques du requérant ne lui auraient pas fixé d’objectifs précis pour la période de référence, il convient de souligner que l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, sous b), des DGE prévoit que, au cours du dialogue formel qui se tient entre l’évaluateur et le titulaire de poste au début de chaque exercice d’évaluation, l’évaluateur doit « propose[r] au titulaire de poste, les objectifs à atteindre dans le cadre du poste, assortis d’une liste de compétences nécessaires ainsi que la manière dont les résultats seront évalués et les conditions dans lesquelles ils sont censés être obtenus. » Cette obligation, qui impose à l’administration de fixer au titulaire de poste des objectifs et des critères d’évaluation est rappelée dans le guide d’évaluation, que la Commission s’est imposée à elle-même en tant que règle de conduite (arrêt du Tribunal de première instance du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑963, points 44 et 45), et dont le point 2.4 dispose que « [l]e titulaire du poste et l’évaluateur doivent convenir des objectifs clés du poste ainsi que des critères d’évaluation à utiliser ».

38      En l’espèce, il ressort de la rubrique 4.1 du REC, intitulée « Objectifs relatifs au programme de travail de l’entité », que le requérant, contrairement à ce qu’il soutient, s’est vu assigner, le 19 mars 2003, des objectifs pour la période de référence. Ainsi, au titre de ses fonctions consistant à recouvrer les créances impayées, il lui a été demandé notamment de maintenir un dossier complet pour chaque débiteur, de rédiger des lettres de rappel et de sommation et d’en assurer le suivi, ainsi que de procéder au recouvrement des créances selon un pourcentage variant en fonction de l’ancienneté desdites créances. Il lui a également été fixé comme objectif de maintenir à jour un système de documentation sur les procédures appliquées et de fournir des indicateurs d’activité ainsi que des informations statistiques. Le troisième grief doit donc être écarté.

39      En ce qui concerne le quatrième grief, selon lequel les retards dans la récupération des sommes impayées s’expliqueraient par le fait qu’une partie des courriers de relance que le requérant a établis n’auraient pas été approuvés à temps par son supérieur hiérarchique et que la version anglaise de la lettre-type de relance aurait été validée avec retard, l’intéressé n’avance à l’appui de ses allégations aucun élément probant.

40      Quant au cinquième grief, selon lequel les notateurs n’auraient pas pris en compte, pour établir le REC, la circonstance que le requérant aurait été mis à la disposition de l’administration, il ne saurait pas non plus être accueilli. En effet, si, par une note du 26 mai 2003, le chef de l’unité « Diffusion » a adressé au directeur général et au chef de l’unité « Ressources » une demande tendant à ce que le requérant soit remis « à la disposition de l’unité ‘Ressources’ ou de toute autre unité administrative pertinente », le chef de l’unité « Ressources » n’a pas accédé à cette demande et a même informé le requérant, par une note du 19 juin 2003, qu’il demeurait affecté à l’unité « Diffusion » sous l’autorité du chef de cette unité.

41      Enfin, le sixième et dernier grief doit également être rejeté. En effet, l’affirmation selon laquelle la conduite du requérant dans le service n’aurait pas été prise en considération est contredite par l’appréciation circonstanciée que l’évaluateur a expressément portée dans la rubrique « Conduite dans le service » du REC et dont la teneur est rappelée au point 12 du présent arrêt.

42      Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la violation de l’article 43 du statut, de la violation des DGE et de la violation du guide d’évaluation, ainsi que de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

 Sur les moyens tirés de la violation des articles 5 et 7 du statut, de la violation des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire et de l’incohérence entre les appréciations d’ordre général et les appréciations analytiques

–       Arguments des parties

43      Le requérant fait grief à la Commission d’avoir établi son REC « de manière abstraite », sans qu’il ait été tenu compte de sa catégorie et de son grade, et d’avoir, ce faisant, méconnu les dispositions des articles 5 et 7 du statut. Il soulève également les moyens tirés de la violation des « garanties conférées par l’ordre juridique communautaire » et de l’incohérence entre les appréciations d’ordre général et les appréciations analytiques.

44      La partie défenderesse conteste la recevabilité de ces trois moyens, au regard des exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

–       Appréciation du Tribunal

45      Ainsi qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, il résulte des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance qu’une requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences dudit règlement de procédure.

46      En l’espèce, en ce qui concerne le moyen tiré de la prétendue méconnaissance des articles 5 et 7 du statut, le requérant n’indique pas en quoi ces dispositions, qui concernent la classification des emplois, la nomination et la mutation des fonctionnaires ainsi que l’exercice d’un emploi par intérim, auraient été violées. Il n’a donc permis ni à la défenderesse de préparer sa défense, ni au Tribunal de se prononcer sur ce moyen, qui doit, dès lors, être écarté comme irrecevable. En tout état de cause, même si le requérant, par ce moyen, entendait soutenir que l’évaluation dont il a fait l’objet aurait été effectuée sans que soient pris en considération sa catégorie et son grade, de telles allégations, au demeurant inopérantes au soutien d’un tel moyen, ne seraient corroborées par aucune pièce du dossier.

47      En ce qui concerne le moyen tiré de la prétendue violation des « garanties conférées par l’ordre juridique communautaire », le requérant n’indique pas à laquelle des garanties il aurait été porté atteinte. Ce moyen ne répondant pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, il doit également être écarté comme irrecevable.

48      Enfin, en ce qui concerne le moyen tiré de l’incohérence entre les appréciations d’ordre général et les appréciations analytiques figurant dans le REC, celui-ci, qui n’est explicité par aucun argument, n’est pas davantage recevable. En tout état de cause, le REC ne fait apparaître aucune incohérence manifeste entre les appréciations exprimées en points et les commentaires descriptifs correspondants, tels que repris au point 12 du présent arrêt.

49      Il s’ensuit que les trois moyens susmentionnés doivent être rejetés comme irrecevables.

50      Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation du REC doivent être rejetées, sans qu’il y ait lieu d’examiner si la réclamation formée par le requérant contre ledit REC a été introduite dans les délais prescrits par les dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

51      Le requérant estime, en premier lieu, que le REC serait intervenu dans un contexte de harcèlement moral. Ce harcèlement se serait matérialisé par l’imposition de tâches difficiles, par l’absence d’appui technique et moral de son supérieur hiérarchique, par les reproches qui lui auraient été faits quant à l’inexécution de son travail, par les rappels qui lui auraient été adressés quant aux résultats escomptés et au niveau du rendement exigé, par le retrait du travail qui lui avait été confié, et, enfin, par la décision de mise à disposition dont il aurait fait l’objet.

52      En second lieu, le requérant fait valoir que le défaut d’annulation du REC lui causerait un préjudice en raison de l’évaluation négative qu’il comporte et de l’impact qu’une telle évaluation pourrait avoir sur l’évolution de sa carrière.

53      La Commission conclut au rejet des demandes indemnitaires.

54      En ce qui concerne le préjudice résultant du prétendu harcèlement moral, la Commission fait valoir que le requérant n’aurait pas mené à son terme la procédure précontentieuse en deux étapes prévue par les articles 90 et 91 du statut, et que, par suite, les conclusions tendant à la réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi seraient irrecevables. Sur le fond, la Commission conteste les faits énumérés par le requérant ou, pour le moins, l’interprétation systématiquement négative et déformée qu’il en donne. Dans ce contexte, elle fait observer qu’un examen conduit par l’Office d’investigation et de discipline (IDOC) aurait mis en évidence le caractère infondé de précédentes allégations de harcèlement moral formulées par le requérant.

55      En ce qui concerne le préjudice prétendument subi en raison du REC, la Commission conteste l’existence de toute illégalité dans ce domaine. En tout état de cause, même si une illégalité nécessitant l’annulation du REC était démontrée, le requérant devrait être débouté de ses conclusions en indemnité. En effet, dans cette hypothèse, l’annulation constituerait en elle-même une réparation adéquate et suffisante du préjudice qu’il pourrait avoir subi.

56      Dans son mémoire en réplique, le requérant fait observer que la Commission n’aurait pas, dans sa décision du 23 février 2005 rejetant sa réclamation, soulevé l’irrecevabilité des prétentions indemnitaires y figurant.

 Appréciation du Tribunal

57      Dans les conclusions en indemnité du requérant, une distinction peut être faite entre, d’une part, la demande autonome en réparation du préjudice subi à la suite du harcèlement moral dont il prétend avoir été victime, et, d’autre part, la demande en réparation du préjudice subi du fait de l’incidence du REC sur sa carrière future.

58      En ce qui concerne la première demande en indemnité, il convient de constater que le comportement de harcèlement moral allégué qui serait à l’origine du préjudice est, par nature, dépourvu de caractère décisionnel.

59      Dans une telle hypothèse, il y a lieu de rappeler que la procédure administrative, qui doit obligatoirement précéder le recours en indemnité conformément aux articles 90 et 91 du statut, comporte deux étapes. L’intéressé doit d’abord saisir l’AIPN d’une demande visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée, et c’est seulement après une décision rejetant explicitement ou implicitement cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, Rec. p. 1877, point 22 ; arrêts du Tribunal de première instance du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T‑79/92, RecFP p. I‑A‑289 et II‑907, point 41, et la jurisprudence citée ; du 14 mai 2002, Antas de Campos/Parlement, T‑194/00, RecFP p. I‑A‑59 et II‑279, point 72 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 8 juillet 2004, Tsarnavas/Commission, T‑200/02, non publiée au Recueil, point 48 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑03/05, RecFP p. I-A-1-9 et II-A-1-33, point 48).

60      En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans le cadre de sa réclamation présentée sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a demandé l’indemnisation du préjudice prétendument subi à la suite du harcèlement moral allégué. Cependant, cette réclamation, qui a fait l’objet de la décision de rejet explicite du 23 février 2005, n’a pas été précédée par une demande présentée au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, invitant l’administration à réparer ledit préjudice.

61      Par conséquent, la procédure précontentieuse ne s’est pas déroulée en deux étapes, contrairement aux prescriptions des articles 90 et 91 du statut.

62      Enfin, la circonstance que la partie défenderesse n’ait pas, dans sa décision du 23 février 2005 rejetant la réclamation du requérant, soulevé l’irrecevabilité de la demande indemnitaire qui y figurait, n’a pu avoir pour effet ni de priver l’administration de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d’irrecevabilité, ni de dispenser le Tribunal de l’obligation qui lui incombe de vérifier le respect des règles posées aux articles 90 et 91 du statut, dès lors que lesdites règles sont d’ordre public (arrêt du Tribunal de première instance du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1211, point 47) et ne sauraient être laissées à la disposition des parties ou du juge.

63      Il s’ensuit que la demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice prétendumment subi par le requérant à la suite du harcèlement moral allégué, doit être rejetée comme irrecevable.

64      En ce qui concerne la deuxième demande en indemnité, relative au préjudice dont aurait été victime le requérant du fait de l’incidence du REC sur sa carrière future, il convient tout d’abord de considérer que celle-ci est recevable, étant donné qu’elle concerne un préjudice susceptible de se rattacher à l’acte faisant grief. Cependant, quant au fond, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence établie, les conclusions en réparation d’un préjudice en matière de fonction publique doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées (arrêt du Tribunal de première instance du 13 juillet 2005, Scano/Commission, T‑5/04, RecFP p. II‑931, point 77 ; arrêt du Tribunal du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, non encore publié au Recueil, point 84). Or, en l’espèce, l’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation n’a permis de constater aucune illégalité, et donc, aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté. Cette demande en indemnité n’étant pas fondée, il n’y a donc pas lieu d’y faire droit.

65      Dans ces conditions, l’ensemble des conclusions indemnitaires doit être rejeté.

66      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté en sa totalité.

 Sur les dépens

67      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

68      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.