Language of document : ECLI:EU:F:2010:117

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

30 septembre 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Nomination — Candidats inscrits sur une liste de réserve d’un concours publié antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau statut — Classement en grade en application des nouvelles règles moins favorables — Article 5 du statut — Article 12 de l’annexe XIII du statut — Principe d’égalité — Principe de confiance légitime — Devoir de sollicitude — Proportionnalité »

Dans l’affaire F‑76/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Javier Torijano Montero, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), initialement représenté par Mes S. Rodrigues et A. Jaume, avocats, puis par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et I. Šulce, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Tagaras et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 2 août 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 3 août suivant), M. Torijano Montero demande l’annulation, d’une part, de la décision du secrétaire général adjoint du Conseil de l’Union européenne, du 17 mai 2005, rejetant sa réclamation et, d’autre part, de la décision, du 20 octobre 2004, le nommant fonctionnaire stagiaire, en ce que celle-ci le classe au grade A*6, échelon 2. À titre subsidiaire, le requérant demande la condamnation du Conseil à lui verser une indemnité.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le « statut »), et le régime applicable aux autres agents de l’Union, tel que modifié par le même règlement sont entrés en vigueur, ainsi que prévu par l’article 2 dudit règlement, le 1er mai 2004.

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique communautaire en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires des Communautés européennes, A, B, C et D.

4        L’article 5 du statut dispose :

« 1. Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en un groupe de fonctions des administrateurs (ci-après dénommés ‘AD’) et un groupe de fonctions des assistants (ci-après dénommés ‘AST’).

2. Le groupe de fonctions AD comporte douze grades correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude ainsi qu’à des fonctions linguistiques ou scientifiques. Le groupe de fonctions AST comporte onze grades correspondant à des fonctions d’application, de nature technique et d’exécution.

[…]

5. Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

5        L’article 7, paragraphe 1, du statut prévoit :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »

6        Aux termes de l’article 32 du statut :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

L’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de l’expérience professionnelle de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté de 24 mois au maximum. Chaque institution arrête les dispositions générales d’exécution du présent article.

L’agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l’institution garde l’ancienneté d’échelon qu’il a acquise en qualité d’agent temporaire lorsqu’il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période. »

7        L’annexe XIII du statut envisage les mesures transitoires consécutives à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004.

8        L’article premier de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1. Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2. Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

9        L’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut est rédigé comme suit :

« Le 1er mai 2004, et sous réserve de l’article 8 de la présente annexe, les grades des fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut sont renommés comme suit :

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

A 1

A*16

      

A 2

A*15

      

A 3/LA 3

A*14

      

A 4/LA 4

A*12

      

A 5/LA 5

A*11

      

A 6/LA 6

A*10

B 1

B*10

    
        

A 7/LA 7

A*8

B 2

B*8

    

A 8/LA 8

A*7

B 3

B*7

C 1

C*6

  
  

B 4

B*6

C 2

C*5

  
  

B 5

B*5

C 3

C*4

D 1

D*4

    

C 4

C*3

D 2

D*3

    

C 5

C*2

D 3

D*2

      

D 4

D*1

 »

10      L’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut fixe les traitements mensuels de base pour chaque grade et pour chaque échelon. Il prévoit, notamment, que les « nouveaux grades intermédiaires » A*8 à A*10 correspondent, en ce qui concerne la rémunération, aux anciens grades A 7 et A 6.

11      L’article 12 de l’annexe XIII du statut dispose :

« 1. Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, toute référence faite aux grades des groupes de fonctions AST et AD à l’article 31, paragraphe[s] 2 et 3, du statut, doit être comprise selon les modalités qui suivent :

–        AST 1 à AST 4 : C*1 à C*2 et B*3 à B*4

–        AD 5 à AD 8 : A*5 à A*8

–        AD 9, AD 10, AD 11, AD 12 : A *9, A *10, A *11, A *12.

2. Les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du statut, ne s’appliquent pas aux fonctionnaires recrutés sur des listes d’aptitude établies à la suite de concours publiés avant le 1er mai 2004.

3. Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A/LA 8

A*5

A/LA 7 et A/LA 6

A*6

A/LA 5 et A/LA 4

A*9

A/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

 »

12      Le Conseil a arrêté, à titre transitoire, le 2 décembre 2004, des dispositions générales d’exécution relatives à la correspondance entre les emplois types et les catégories et grades et portant description des fonctions et attributions y afférentes (ci-après les « DGE 2004 »). Les DGE 2004 comportent notamment le tableau et les notes de bas de page suivants :

« 

Emploi type

Fonctions et attributions

Catégorie/Grade

Dénomination de la fonction

[…]

[…]

[…]

[…]

Administrateur […]


- Fonctionnaire appelé à conseiller les organes du Conseil dans un cadre déterminé

- Participe, sous l’autorité du [c]hef d’unité, à la gestion de celle-ci


A*10*,A*14

Conseiller […]

Chef d’unité adjoint […]

 

- Fonctionnaire chargé de tâches de conception, d’étude, de coordination ou de contrôle sous l’autorité d’un supérieur hiérarchique

[…]

A*5/A*14


Administrateur principal […]

Administrateur confirmé […]

Administrateur (4)

[…]

Administrateur adjoint (5)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(4) Les dénominations de fonction ‘administrateur’ […] sont réservées aux fonctionnaires […] de grade A*7 et A*8.

(5) Les dénominations de fonction ‘administrateur adjoint’ […] sont réservées aux fonctionnaires […] de grade A*5 et A*6.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

13      Le Conseil a publié, le 13 juin 2001 (JO C 169 A, p. 4), l’avis de concours général Conseil/A/397 visant, notamment, à constituer une liste d’aptitude d’administrateurs de grade A 7 dans le domaine « enquête et habilitation » (ci-après le « concours Conseil/A/397 »).

14      Le requérant s’est porté candidat au concours Conseil/A/397 à l’issue duquel il a été inscrit sur la liste d’aptitude.

15      Le 29 juillet 2004, le secrétaire général adjoint du Conseil a écrit au requérant pour l’informer que, sous réserve qu’il remplisse les conditions prévues à l’article 28 du statut, le Conseil était disposé à le nommer fonctionnaire stagiaire en qualité d’administrateur et à le classer dans le grade A*6 conformément à l’article 12 de l’annexe XIII du statut, avec un traitement mensuel de base correspondant à 4 311,55 euros.

16      Le requérant a accepté l’offre du Conseil le 13 septembre 2004.

17      Le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A*6, échelon 2, par décision du secrétaire général adjoint du Conseil, en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du 20 octobre 2004 prenant effet le 16 octobre 2004. Il a été affecté à la direction « Bureau de sécurité » du secrétariat général du Conseil (ci-après le « bureau de sécurité »).

18      Le 28 janvier 2005, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de le nommer en tant que cette décision portait fixation de son classement au grade A*6.

19      Par décision du 17 mai 2005, l’AIPN a rejeté sa réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal :

–        déclarer la requête recevable ;

–        prononcer l’annulation de la décision de l’AIPN rejetant sa réclamation, « prise ensemble avec la décision de nomination adoptée par l’AIPN le 20 octobre 2004 en ce qu’elle fixe son grade en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du [s]tatut » ;

–        indiquer à l’AIPN les effets qu’emporte l’annulation des décisions attaquées, et notamment le reclassement du requérant au grade A*8, et ce avec effet rétroactif au 16 octobre 2004, date de prise d’effet de la décision de nomination du 20 octobre 2004 ;

–        à titre subsidiaire, condamner le Conseil à réparer le préjudice subi par le requérant du fait de ne pas avoir été classé au grade A*8 dès le 16 octobre 2004 ;

–        en tout état de cause, condamner le Conseil aux dépens.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner chacune des parties à supporter ses propres dépens.

22      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce dernier. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence F‑76/05.

23      Par ordonnance du 23 février 2006, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑58/05, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

24      Après le prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T‑58/05, Rec. p. II‑2523, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla ») et au vu du pourvoi introduit devant la Cour de Justice des Communautés européennes, le 21 septembre 2007, contre cet arrêt, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 7 novembre 2007, décidé de suspendre à nouveau la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑443/07 P, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

25      Après le prononcé de l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec. p. I‑10945, ci-après l’« arrêt de la Cour Centeno Mediavilla »), les parties ont été invitées à la demande du Tribunal, par lettre du greffe du 26 janvier 2009, à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles de cet arrêt sur la suite de la procédure. Le requérant et le Conseil ont déféré à cette demande, respectivement, les 12 et 13 février 2009.

26      Par lettre du 14 janvier 2010, le Tribunal a informé les parties qu’il envisageait la jonction aux fins de la procédure orale de la présente affaire avec l’affaire enregistrée sous la référence F‑36/05, Schulze/Commission, et les a invitées à présenter leurs observations sur cette jonction. Le requérant n’a pas soulevé d’objections et le Conseil n’a pas présenté d’observations. Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 9 février 2010, les affaires F‑36/05 et F‑76/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale.

 Sur le recours en annulation

 Quant à la recevabilité des chefs de conclusions relatifs au recours en annulation

27      Dans sa requête, le requérant dirige ses conclusions aux fins d’annulation contre la décision de l’AIPN « prise ensemble » avec la décision de nomination adoptée par l’AIPN le 20 octobre 2004 en tant que cette décision fixe son classement en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut.

28      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 2008, Reali/Commission, F‑136/06, RecFP p. I‑A‑1‑451 et II‑A‑1‑2495, point 37, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑65/09 P).

29      Il convient donc de considérer, même si l’on ne saurait nier l’intérêt légitime du requérant à demander l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation en même temps que celle de l’acte lui faisant grief, que le recours est censé être dirigé contre le ou les actes de cette nature.

30      Le requérant demande, par ailleurs, au Tribunal d’« indiquer à l’AIPN les effets qu’emporte[rait] l’annulation des décisions attaquées ».

31      Cependant, si la rédaction des motifs des arrêts d’annulation peut fournir à la partie défenderesse des éléments d’information sur les mesures que comportent leur exécution, le Tribunal n’est pas compétent pour indiquer formellement, dans le dispositif de ses arrêts, les effets qu’emporterait l’annulation des décisions attaquées et adresser, ainsi, des injonctions au Conseil.

32      En conséquence, il y a lieu de considérer en l’espèce que le recours en annulation est seulement recevable en ce qu’il est dirigé contre la décision de nomination du 20 octobre 2004, dans la mesure où celle-ci fixe le classement en grade du requérant (ci-après la « décision attaquée »).

 Quant au fond

33      Le requérant soutient, « à titre très principal », que l’article 12 de l’annexe XIII du statut ne lui serait pas applicable. Il prétend, ensuite, « à titre principal », que la décision attaquée violerait les règles de correspondance entre les emplois types et les catégories et grades telles qu’elles sont fixées par les DGE 2004. « À titre subsidiaire », le requérant fait valoir que l’article 12, susmentionné, serait illégal. Le requérant soulève, à cet égard, sept exceptions d’illégalité. Il invoque, premièrement, une violation du principe de l’égalité de traitement entre les lauréats d’un concours publié avant le 1er mai 2004 et une méconnaissance de l’article 5, paragraphe 5, du statut. Il se prévaut, deuxièmement, de ce que l’article 12, paragraphe 3, susmentionné, instituerait une discrimination en raison de l’âge. Il soutient, troisièmement, que cet article implique une discrimination entre administrateurs exerçant les mêmes fonctions et qu’il méconnaît le principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération ». Il fait valoir, quatrièmement, que ledit article méconnaît aussi l’article 31 du statut. Il soulève, cinquièmement, une violation du principe de confiance légitime et du principe de sécurité juridique. Il allègue, sixièmement, une méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. Il ressort, toutefois, des développements consacrés à ces cinquième et sixième griefs que le requérant les soulève non seulement en tant qu’exceptions d’illégalité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut mais qu’il les soulève aussi directement à l’encontre de la décision attaquée. Enfin, le requérant prétend, septièmement, que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut viole le principe de proportionnalité et qu’il est entaché de détournement de pouvoir.

34      À l’audience, le requérant a déclaré se désister de plusieurs moyens et maintenir seulement :

–        le moyen tiré de ce que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne lui serait pas applicable ;

–        le moyen tiré de la méconnaissance des règles de correspondance entre les emplois types et les catégories et grades telles qu’elles sont fixées par les DGE 2004 ;

–        l’exception d’illégalité à l’encontre de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, en tant qu’elle est fondée sur l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge, sur la méconnaissance du principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération », sur la méconnaissance du principe de proportionnalité et sur l’existence d’un détournement de pouvoir ;

–        le moyen tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, étant précisé que ledit moyen met seulement en cause la légalité de la décision attaquée.

35      Il ne reste, dès lors, plus à statuer que sur les moyens énoncés ci-dessus.

 Sur l’inapplicabilité de l’article 12 de l’annexe XIII du statut

–       Arguments des parties

36      Selon le requérant, la décision attaquée ne pouvait être fondée sur l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, parce que cette disposition viserait seulement les « fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude », de sorte qu’elle ne saurait s’appliquer au recrutement de lauréats d’un concours qui, comme lui, n’avaient pas déjà la qualité de fonctionnaire.

37      À défaut de disposition applicable à sa situation, le requérant considère que son grade aurait dû être déterminé sur la base du tableau d’équivalence prévu à l’article 2 de l’annexe XIII du statut, parce que celui-ci constituerait une disposition générale. Il estime qu’il aurait dû être classé au grade A*8 en vertu de ce tableau.

38      Le Conseil répond qu’en se référant au classement des « fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 », l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut vise les lauréats d’un concours qui deviendront fonctionnaires lors de leur recrutement. D’ailleurs, il ressortirait déjà de l’article 32 du statut que le terme « fonctionnaires » doit être compris comme signifiant « lauréats d’un concours nommés fonctionnaires ». De plus, si l’article 12, paragraphe 3, ne visait que les fonctionnaires déjà recrutés, il ne concernerait que les lauréats d’un concours interne, de sorte que l’article 5 de l’annexe XIII du statut n’aurait aucune raison d’être. Quant à l’article 2 de cette annexe, il tendrait seulement à renommer les grades des fonctionnaires se trouvant déjà en activité, en détachement, en congé de convenance personnelle, en disponibilité, en congé pour service militaire, en congé parental ou en congé familial. Il ne serait donc pas applicable au requérant.

–       Appréciation du Tribunal

39      Le Tribunal de première instance a jugé, dans son arrêt Centeno Mediavilla (points 50 et 110), que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut détermine le classement en grade des lauréats de concours inscrits sur des listes d’aptitude avant le 1er mai 2004 et qui ont été nommés fonctionnaires stagiaires à partir de cette date. Cette situation correspond à celle du requérant, de sorte que cette disposition lui était effectivement applicable.

40      Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut a pour seul objet de renommer, durant la période transitoire du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, les grades alors détenus par les personnes qui, contrairement au requérant, avaient déjà la qualité de fonctionnaire au 30 avril 2004.

41      Le moyen tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut n’est donc pas fondé.

 Sur la violation des règles de correspondance entre les emplois types et les catégories et grades fixées par les DGE 2004

–       Arguments des parties

42      Le requérant rappelle qu’il s’est vu attribuer seulement le grade A*6. Il observe que, selon la cinquième note de bas de page du tableau annexé aux DGE 2004, mentionné au point 12 du présent arrêt, ce grade est réservé aux administrateurs adjoints. Or, il aurait réussi un concours portant sur la constitution d’une liste d’aptitude d’administrateurs. De plus, il dirigerait le secteur « sécurité externe — protection des missions » du bureau de sécurité, alors que en vertu des DGE 2004, la dénomination de chef de service devrait correspondre aux grades A*11 à A*14.

43      Le Conseil répond que l’article 5, paragraphe 4, du statut prévoit que chaque institution doit arrêter la description des fonctions et des attributions associées à chaque emploi type sur la base du tableau descriptif des différents emplois types figurant à l’annexe I, point A, du statut. Pour la période transitoire du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, la description des emplois types figurerait, toutefois, à l’annexe XIII, section 1, du statut, conformément à l’article 4, sous n), de l’annexe XIII. Les DGE 2004 mettraient ces dispositions en œuvre.

44      Le Conseil observe, dans ce contexte, que les grades A*5 à A*14 correspondent à l’emploi type d’administrateur dans le tableau de l’annexe XIII, section 1, du statut et dans celui figurant dans les DGE 2004. En outre, les DGE 2004 prévoiraient que l’emploi type d’« administrateur » peut avoir, notamment, la dénomination d’« administrateur adjoint » et que cette dénomination est réservée aux fonctionnaires de grade A*5 ou A*6. Le Conseil considère, dès lors, que la nomination du requérant au grade A*6 ne viole pas les DGE 2004.

45      Enfin, le Conseil fait valoir que ce grade découle de l’application du tableau de correspondance figurant à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et qu’il n’était donc pas possible de nommer le requérant à un autre grade.

–       Appréciation du Tribunal

46      Il est constant que le classement du requérant a été effectué conformément à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Or, cette disposition a la même valeur réglementaire que le statut lui-même. Aussi, le classement du requérant ne saurait-il, en toute hypothèse, être jugé illégal au vu de dispositions générales d’exécution qui constituent des normes de rang inférieur (voir, a contrario, arrêt du Tribunal de première de instance du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, RecFP p. I‑A‑2‑215 et II‑A‑2‑1405, point 38).

47      De surcroît, il ressort du tableau et de la cinquième note de bas de page du tableau annexé aux DGE 2004 que le grade A*6, attribué au requérant, correspond bien à un emploi type d’administrateur, même si la fonction exercée porte la dénomination d’« administrateur adjoint ».

48      Enfin, le Tribunal a déjà constaté, dans son arrêt du 9 juillet 2009, Torijano Montero/Conseil (F‑91/07, RecFP p. I‑A‑1‑253 et II‑A‑1‑1367, point 71), que « le requérant ne saurait se prévaloir d’avoir occupé les fonctions de ‘chef de secteur’ depuis octobre 2004 », c’est-à-dire depuis son recrutement comme fonctionnaire stagiaire.

49      Le moyen tiré de la violation des règles de correspondance entre les emplois types et les catégories et grades fixées par les DGE 2004 n’est, en conséquence, pas fondé.

 Sur la violation par l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut de l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge

–       Arguments des parties

50      Le requérant rappelle que l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte des droits fondamentaux »), et l’article 1er quinquies du statut interdisent toute discrimination fondée sur l’âge. Il relève aussi que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p 16), il y a une discrimination indirecte lorsqu’une disposition est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge déterminé.

51      Le requérant fait valoir, à ce sujet, qu’au moment de l’introduction de son recours il était âgé de 47 ans et que son classement au grade A*6 ne lui a pas permis d’obtenir un salaire en rapport avec son expérience professionnelle. Toute sa carrière s’en trouverait affectée.

52      Il en déduit que son classement au grade A*6, en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, constitue une discrimination indirecte en raison de l’âge par rapport aux administrateurs nommés plus jeunes dans le même grade.

53      Le Conseil répond que le grade A*6, attribué au requérant lors de sa nomination, est le deuxième grade du système de carrières en vigueur depuis la réforme statutaire, comme l’était le grade A 7, mentionné dans l’avis de concours Conseil/A/397, avant ladite réforme. Aussi, le requérant n’aurait-il pas dû poser sa candidature à ce concours s’il estimait qu’il ne devait pas être classé à un tel grade compte tenu de son âge et de son expérience. De plus, ce concours étant ouvert aux candidats nés après le 31 décembre 1953 et exigeant seulement une expérience professionnelle de deux ans, le requérant aurait accepté de faire l’objet du même classement que des lauréats plus jeunes et moins expérimentés que lui en s’y inscrivant.

54      Dans ces conditions, le requérant ne pourrait prétendre que son âge et son expérience professionnelle imposaient de le classer dans un grade différent de celui découlant du tableau prévu à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut.

–       Appréciation du Tribunal

55      Il convient de rappeler que, sous peine d’empêcher toute évolution législative, le principe d’égalité ne saurait entraver la liberté du législateur d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, même si ces dispositions s’avèrent moins favorables que les anciennes (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T‑121/97, Rec. p. II‑3885, points 98 et 104 ; du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2‑297 et II‑A‑2‑1527, point 105, et Centeno Mediavilla, points 86 et 113 ; arrêt du Tribunal du 19 juin 2007, Davis e.a./Conseil, F‑54/06, RecFP p. I‑A‑1‑165 et II‑A‑1‑911, point 81).

56      Par conséquent, le législateur a pu, dans le cadre de la réforme du statut, d’une part, disposer que les lauréats des concours pour lesquels un recrutement au grade A 7 avait été prévu avant le 1er mai 2004 seraient désormais engagés au grade A*6 et, d’autre part, réduire, à cette occasion, les rémunérations afférentes à ces grades.

57      En procédant de la sorte, le législateur n’a pas violé le principe d’égalité et, en particulier, l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge, dès lors que le tableau de correspondance des grades figurant à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et le tableau des traitements mensuels de base sont manifestement étrangers à toute prise en considération, directe ou indirecte, de l’âge des intéressés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 83 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 89).

58      De plus, conformément à la règle qui découle de l’article 7, paragraphe 1, de l’article 27, premier alinéa, et de l’article 29, paragraphe 1, du statut, en vertu de laquelle le niveau des emplois est fixé en fonction de leur nature, de leur importance et de leur ampleur, indépendamment des qualifications des intéressés, le tableau de correspondance des grades figurant à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut distingue le grade de base A*5 du grade supérieur A*6, auquel le requérant a, d’ailleurs, été nommé, afin de tenir compte de l’expérience requise pour les emplois de ce niveau.

59      Il ne saurait, dès lors, être soutenu que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut s’oppose à la prise en considération de l’expérience professionnelle ; il impose au contraire à l’AIPN d’en tenir compte dans l’intérêt du service, lors de la détermination, de manière objective, du niveau des emplois à pourvoir.

60      Au demeurant, force est d’observer, avec le Conseil, que le requérant devait s’attendre à être classé de la même manière que des lauréats plus jeunes et moins expérimentés que lui, sans valorisation de l’ensemble de son expérience, dès lors qu’il avait librement choisi de se porter candidat au concours Conseil/A/397, bien que celui-ci fût ouvert aux personnes nées après le 31 décembre 1953 et sous la seule exigence de justifier d’une expérience professionnelle de deux ans.

61      En conséquence, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la portée de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux au moment de l’adoption de la décision attaquée, ainsi que sur l’opposabilité aux institutions de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, l’exception d’illégalité tirée de l’interdiction de toute discrimination en raison de l’âge n’est pas fondée.

 Sur la violation par l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut d’un principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération »

–       Arguments des parties

62      Le requérant considère que l’article 7 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976, l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme et la convention no 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, adoptée le 25 juin 1958, expriment un principe selon lequel un même travail doit être rémunéré par un même salaire. À l’audience, il a précisé que ce principe s’appliquerait même en cas de modification législative.

63      Or, le requérant soutient que son classement méconnaît le principe « à travail égal, salaire égal ».

64      Il fait, à cet égard, valoir, qu’il assure la fonction de responsable du secteur « sécurité externe — protection des missions » au sein du bureau de sécurité et observe que tous les autres chefs de service de ce bureau ont été classés au grade A*8. De plus, des fonctionnaires appelés à travailler sous ses ordres auraient été ou pourraient être classés dans un grade supérieur au sien. En outre, il ressortirait des DGE 2004 que les fonctions de chef de service devaient être assumées, pendant la période transitoire du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, par des fonctionnaires de grade A*11 à A*14. Enfin, il observe que le secrétaire général adjoint du Conseil a créé, le 30 août 2005, une nouvelle entité fonctionnelle et non hiérarchique dénommée « secteur » dont le responsable devait détenir un grade compris entre les grades A*9 et A*14.

65      Le Conseil répond que le prétendu principe « à travail égal, salaire égal » n’existe pas. En effet, l’article 62 du statut se bornerait à édicter la règle selon laquelle les fonctionnaires ont droit à la rémunération afférente à leur grade et à leur échelon.

66      De plus, ni l’avis de concours ni l’offre d’emploi du 29 juillet 2004 ne mentionneraient que l’objectif était de pourvoir à un emploi de « responsable de secteur ». Par ailleurs, la décision du secrétaire général adjoint créant le « secteur » serait postérieure au recrutement du requérant puisque prise le 30 août 2005. De plus, il ressortirait de cette décision que le responsable de cette « entité » ne ferait pas partie du personnel d’encadrement intermédiaire, de sorte qu’aucune conclusion ne pourrait en être tirée quant au classement en grade. Enfin, cette décision préciserait qu’il peut être dérogé à la règle selon laquelle le responsable de « secteur » doit être un fonctionnaire de grade A*9 à A*14.

–       Appréciation du Tribunal

67      Il y a lieu d’observer que le droit pour les salariés d’un même employeur, qui effectuent un travail de même valeur, de recevoir la même rémunération constitue l’expression spécifique du principe général d’égalité, dont le Tribunal a pour mission d’assurer le respect. Ce droit est, d’ailleurs, énoncé à l’article 7 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans la convention no 111 de l’OIT.

68      Toutefois, le principe d’égalité de traitement n’interdit pas de traiter de manière différente des situations comparables si la différenciation est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 juin 2001, Brunnhofer, C‑381/99, Rec. p. I‑4961, point 28).

69      Or, dans le cadre de la réforme du statut, dont le requérant ne prétend pas qu’elle n’était pas justifiée par des raisons objectives, le législateur a pu modifier la correspondance entre les grades et les emplois (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 105 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, points 126 et 129), notamment en adoptant l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, puisqu’il est inhérent à une disposition transitoire d’emporter exception à certaines règles statutaires dont l’application est nécessairement affectée par le changement de régime (arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 114).

70      Dans ces conditions, les fonctionnaires dans la situation du requérant qui ont été nommés, en cette qualité, après l’entrée en vigueur de la réforme statutaire ne peuvent être regardés comme s’étant trouvés dans la même situation juridique que ceux qui ont été recrutés avant le 1er mai 2004 et dont la nomination était régie par l’ancien statut (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, points 77 à 79 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, points 75 à 80).

71      Aussi, eu égard à la réforme de la structure des grades, le législateur n’a-t-il pas méconnu le principe d’une rémunération égale pour un travail de même valeur en octroyant aux fonctionnaires engagés après ladite réforme une rémunération liée au grade auquel ils ont été classés en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, qui est moins favorable que celle afférente aux anciens grades auxquels avaient été classés les fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004.

72      De plus, il résulte de la combinaison de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 62, premier alinéa, du statut, en vertu duquel le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon, que, après la détermination du grade, et donc du niveau salarial du fonctionnaire, celui-ci ne peut pas se voir confier un emploi ne correspondant pas à ce grade. En d’autres termes, le grade, et donc le salaire auquel un fonctionnaire a droit, détermine les tâches dont il peut être chargé. Par conséquent, le principe de la correspondance entre le grade et l’emploi autorise aussi tout fonctionnaire à refuser une affectation à un emploi ne correspondant pas à son grade (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 7 mai 1991, Jongen/Commission, T‑18/90, Rec. p. II‑187, point 27) et donc, en définitive, à refuser des fonctions ne correspondant pas à sa rémunération.

73      Ce qui précède n’est pas infirmé par la circonstance que l’article 5, paragraphe 4, du statut et l’annexe I de celui-ci, dans sa version résultant du règlement no 723/2004, n’établissent pas de correspondance fixe entre une fonction déterminée et un grade déterminé. En effet, ces dispositions ne modifient pas le principe, découlant de l’article 7, paragraphe 1, du statut, selon lequel le niveau d’un poste à pourvoir doit être décidé en considération de l’importance des tâches conférées à la fonction en cause et au regard du seul intérêt du service. Elles impliquent seulement que l’AIPN n’est pas tenue de fixer le grade précis d’un poste à pourvoir dans un avis de vacance. L’AIPN demeure, cependant, obligée, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, de veiller, d’une part, à ce que la gamme de grades à laquelle elle fait référence dans l’avis de vacance reflète à suffisance l’importance des tâches en question et, d’autre part, à ce que la nomination dans l’un de ces grades conserve un caractère objectif au vu, en particulier, de l’importance des tâches à assumer (arrêts du Tribunal de première instance du 8 juillet 2008, Commission/Economidis, T‑56/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑31 et II‑B‑1‑213, points 82 à 86, et du 18 juin 2009, Commission/Traore, T‑572/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑39 et II‑B‑1‑223, points 38, 40 et 41).

74      Par ailleurs, il a été rappelé, au point 48 ci-dessus, que le requérant ne saurait se prévaloir du fait d’avoir occupé les fonctions de « chef de secteur » à compter de son recrutement comme fonctionnaire stagiaire.

75      Enfin, il convient de rappeler que la légalité d’un acte s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant au moment de son adoption et que, par conséquent, la prise en compte d’éléments postérieurs à cette date est en principe exclue (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, point 325). Aussi n’y a-t-il pas lieu de prendre en considération d’éventuelles nominations intervenues après le recrutement du requérant ni la décision du secrétaire général adjoint du Conseil, du 30 août 2005, portant création du « secteur », postérieure d’un an au classement en grade du requérant.

76      L’exception d’illégalité tirée d’une méconnaissance du principe d’équivalence « nature des fonctions/rémunération » n’est donc pas fondée.

 L’exception d’illégalité de l’article 12 de l’annexe XIII du statut, tirée de la violation du principe de proportionnalité et du détournement de pouvoir

–       Arguments des parties

77      Le requérant fait valoir qu’il n’était pas nécessaire de prévoir, à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, un tableau d’équivalence spécifique pour les lauréats inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2004 et recrutés entre cette date et le 30 avril 2006 afin d’assurer la transition entre les anciennes et les nouvelles dispositions du statut. Il aurait suffi de garantir à ces lauréats un traitement identique à celui réservé aux fonctionnaires déjà nommés en appliquant le tableau d’équivalence figurant à l’article 2 de la même annexe. L’article 12, paragraphe 3, susmentionné, méconnaîtrait ainsi le principe de proportionnalité.

78      Cette disposition poursuivrait en réalité un objectif budgétaire et non celui d’assurer la transition entre anciennes et nouvelles dispositions statutaires. Elle serait, donc, également entachée de détournement de pouvoir.

79      S’agissant du principe de proportionnalité, le Conseil soutient que, ayant décidé de modifier le système de classement des fonctionnaires à partir du 1er mai 2004, le législateur devait prévoir un régime transitoire pour les concours dont les listes d’aptitude étaient encore valables à cette date, puisque ces concours tendaient au recrutement dans des grades n’existant plus. En outre, il n’aurait pas été possible d’appliquer le tableau figurant à l’article 2 de l’annexe XIII du statut dans la mesure où cette disposition visait seulement à renommer les grades des fonctionnaires déjà recrutés au 1er mai 2004, conformément aux grades prévus dans le nouveau système, et non à assurer une transition vers le nouveau régime de classement lors de l’engagement des nouvelles recrues, postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme statutaire.

80      Selon le Conseil, la nécessité, ainsi démontrée, d’établir un régime transitoire spécifique contredirait aussi toute allégation de détournement de pouvoir.

–       Appréciation du Tribunal

81      S’agissant du respect du principe de proportionnalité, il y a lieu de relever que la légalité d’une réglementation est subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient aptes à atteindre l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et qu’ils n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (arrêts du Tribunal de première instance du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, Rec. p. II‑427, point 69, et du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, RecFP p. I‑A‑2‑55 et II‑A‑2‑357, point 131).

82      Toutefois, il est également de jurisprudence constante que, s’agissant d’un domaine où le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure par rapport à l’objectif poursuivi peut affecter la légalité de celle-ci (voir arrêts NMB France e.a./Commission, précité, point 70, et Angé Serrano e.a./Parlement, précité, point 132).

83      Or, le Conseil disposait, en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation pour instaurer des règles transitoires, tel l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, destinées à assurer le passage de l’ancien vers le nouveau système de carrières des fonctionnaires.

84      En l’occurrence, le requérant invoque comme seul argument à l’encontre de cette disposition qu’il aurait suffi de garantir aux lauréats inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2004 un traitement identique aux fonctionnaires déjà nommés en appliquant le tableau d’équivalence figurant à l’article 2 de l’annexe XIII du statut. Toutefois, de nouvelles dispositions législatives, répondant par hypothèse à un besoin, ont vocation à produire leurs effets le plus rapidement possible. Or, la mesure suggérée par le requérant aurait eu pour conséquence inévitable de priver une partie essentielle de la réforme des carrières de toute portée pratique pendant toute la durée de validité des listes d’aptitude, et ce alors qu’il n’existe pas de droit pour les lauréats d’un concours au maintien de la réglementation en vigueur au moment de l’annonce de celui-ci.

85      Dans ce contexte, caractérisé, de surcroît, par l’envergure du remplacement de quatre catégories d’emplois (A, B, C et D) par deux groupes de fonctions (AD et AST), l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII ne saurait être considéré comme manifestement inapproprié pour atteindre l’objectif consistant, selon le considérant 37 du règlement no 723/2004, à mettre en œuvre progressivement les nouvelles dispositions et mesures statutaires, sans préjudice des droits acquis du personnel et en prenant en compte ses attentes légitimes.

86      Il convient, au demeurant, de rappeler que le Tribunal de première instance a précisément jugé que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne va pas au-delà de ce qui découle de la nomination comme fonctionnaires, dans le cadre des nouvelles règles statutaires, de personnes sélectionnées par des procédures de concours ouvertes et closes sous l’empire des anciennes dispositions (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 114).

87      S’agissant de l’allégation de détournement de pouvoir, il convient de rappeler qu’un acte n’est entaché d’un tel vice que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité (voir arrêts de la Cour du 21 juin 1958, Groupement des hauts fourneaux et aciéries belges/Haute Autorité, 8/57, Rec. p. 223, 256, et du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, Rec. p. I‑1975, point 64 ; arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, RecFP p. I‑A‑1‑207 et II‑A‑1‑1187, points 119 à 127).

88      En l’espèce, si l’objectif des dispositions transitoires de l’annexe XIII a été de mettre progressivement en œuvre les nouvelles dispositions statutaires, comme cela a été exposé au point 85 ci-dessus, il ressort aussi du considérant 10 du règlement no 723/2004 que des préoccupations liées au respect de la discipline budgétaire n’ont pas été absentes de la réforme du système de carrières.

89      Cependant, le requérant ne précise pas, et le Tribunal n’aperçoit pas, en quoi il serait illégitime, pour le législateur, de tenir compte de considérations budgétaires dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont il dispose afin de définir le cadre applicable à la fonction publique de l’Union.

90      De surcroît, le requérant ne fournit pas d’indice que ces considérations budgétaires auraient, de manière exclusive ou tout au moins déterminante, dicté le contenu de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut.

91      Il s’ensuit que l’exception d’illégalité tirée de la violation du principe de proportionnalité et du détournement de pouvoir doit être rejetée.

 Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

–       Arguments des parties

92      Le requérant prétend que l’AIPN aurait dû lui réserver un traitement personnalisé en raison de son parcours professionnel en n’appliquant pas l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Il en déduit une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

93      Le Conseil répond que le règlement no 723/2004 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne avant que le requérant reçoive et accepte l’offre d’emploi sur la base de laquelle il a été nommé. De plus, cette offre aurait clairement mentionné les conditions auxquelles il serait recruté. Pour ces raisons, le Conseil estime avoir respecté le principe de bonne administration.

–       Appréciation du Tribunal

94      Il convient de relever que le principe de bonne administration n’a pas une intensité de force obligatoire supérieure à celle d’un règlement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, RecFP p. I‑A‑159 et II‑511, point 104, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2‑297 et II‑A‑2‑1527, point 149 ; arrêt du Tribunal du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, RecFP p. I‑A‑1‑27 et II‑A‑1‑139, point 111). Il en va de même du devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, devoir qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public et qui, dès lors, doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, Rec. p. II‑131, point 32).

95      Par conséquent, en raison de la place qu’occupent ainsi le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude dans la hiérarchie des normes, la requérante ne peut prétendre obtenir sur leur base un résultat différent de celui découlant de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, dès lors que la compétence du Conseil est liée par celui-ci (voir, en ce qui concerne le devoir de sollicitude, arrêt du Tribunal de première instance du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, Rec. p. II‑597, point 37).

96      Le grief tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude n’est, par conséquent, pas fondé.

97      Au vu de tout de ce qui précède, le recours en annulation doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le recours en indemnité

 Arguments des parties

98      Le requérant prétend avoir subi un préjudice en raison de son classement au grade A*6 au lieu du grade A*8.

99      Il évalue, à titre provisoire, son préjudice financier à la différence entre la rémunération et les allocations attachées au grade A*8 et celles que lui vaut son classement au grade A*6. Il subirait, en outre, un préjudice résultant d’une carrière qui sera moins profitable et d’une pension moins élevée que celle à laquelle il pouvait s’attendre. Il aurait, de plus, été, en quelque sorte, traité comme un fonctionnaire de « seconde catégorie », dans la mesure où il a été classé à un grade inférieur à celui de certains de ses collègues recrutés avant le 1er mai 2004, dont certains étaient plus jeunes et moins expérimentés que lui.

100    Il aurait, enfin, été atteint dans son droit à la dignité dans ses conditions de travail, consacré par l’article 31 de la charte des droits fondamentaux, et réclame provisoirement un euro symbolique au titre de ce préjudice moral.

101    Le Conseil répond, en substance, que sa responsabilité ne peut être engagée dans la mesure où il ressort de l’examen du recours en annulation que la décision attaquée n’est pas illégale.

 Appréciation du Tribunal

102    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30 ; arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Aayhan e.a./Parlement, F‑65/07, RecFP p. I‑A‑1‑1054 et II‑A‑1‑567, point 142).

103    Or, il ressort de l’examen du recours en annulation que le Conseil n’a commis aucune irrégularité susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard du requérant.

104    En conséquence, la condition relative à l’existence d’un comportement illégal de la part du Conseil faisant défaut, il y a lieu de rejeter le recours en indemnité.

 Sur les dépens

105    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

106    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Tagaras

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2010.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.