Language of document : ECLI:EU:C:2021:662

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

2 septembre 2021 (*)

« Manquement d’État – Marché intérieur de l’électricité et du gaz naturel – Directive 2009/72/CE – Article 2, point 21 – Article 19, paragraphes 3, 5 et 8 – Article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b) – Directive 2009/73/CE – Article 2, point 20 – Article 19, paragraphes 3, 5 et 8 – Article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b) – Notion d’“entreprise verticalement intégrée” – Découplage effectif entre les réseaux et les activités de production et de fourniture d’électricité et de gaz naturel – Gestionnaire de réseau de transport indépendant – Indépendance du personnel et des dirigeants de ce gestionnaire – Périodes transitoires – Participations détenues dans le capital de l’entreprise verticalement intégrée – Autorités de régulation nationales – Indépendance – Compétences exclusives – Article 45 TFUE – Libre circulation des travailleurs – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 15 – Droit de travailler et d’exercer une profession – Article 17 – Droit de propriété – Article 52, paragraphe 1 – Limitations – Principe de démocratie »

Dans l’affaire C‑718/18,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 16 novembre 2018,

Commission européenne, représentée par M. M. Noll-Ehlers et Mme O. Beynet, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. J. Möller et T. Henze, en qualité d’agents, puis par M. J. Möller et Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par :

Royaume de Suède, représenté initialement par Mmes C. Meyer-Seitz, A. Falk, H. Shev, J. Lundberg et H. Eklinder, en qualité d’agents, puis par Mmes C. Meyer‑Seitz, H. Shev et H. Eklinder, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la quatrième chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur), D. Šváby et S. Rodin, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 octobre 2020,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant omis de transposer correctement :

–        l’article 2, point 21, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55), ainsi que l’article 2, point 20, de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94) ;

–        l’article 19, paragraphes 3 et 8, de la directive 2009/72 et de la directive 2009/73 ;

–        l’article 19, paragraphe 5, de la directive 2009/72 et de la directive 2009/73 ainsi que

–        l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73,

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2009/72

2        Aux termes des considérants 1, 4, 9, 11, 12, 16, 24, 25, 33, 34 et 36 de la directive 2009/72 :

« (1)      Le marché intérieur de l’électricité, dont la mise en œuvre progressive dans toute [l’Union européenne] est en cours depuis 1999, a pour finalité d’offrir une réelle liberté de choix à tous les consommateurs de l’Union européenne, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, de créer de nouvelles perspectives d’activités économiques et d’intensifier les échanges transfrontaliers, de manière à réaliser des progrès en matière d’efficacité, de compétitivité des prix et de niveau de service et à favoriser la sécurité d’approvisionnement ainsi que le développement durable.

[...]

(4)      Cependant, à l’heure actuelle, il existe des obstacles à la vente de l’électricité dans des conditions identiques et sans subir de discrimination ni de désavantages dans [l’Union]. Il reste notamment à mettre en place un accès non discriminatoire aux réseaux et un niveau comparable de surveillance réglementaire dans chaque État membre.

[...]

(9)      Sans une séparation effective des réseaux par rapport aux activités de production et de fourniture (“découplage effectif”), il existe un risque de discrimination non seulement dans l’exploitation du réseau, mais aussi dans les éléments qui incitent les entreprises verticalement intégrées à investir suffisamment dans leurs réseaux.

[...]

(11)      Seule la suppression des éléments qui incitent les entreprises verticalement intégrées à pratiquer des discriminations à l’encontre de leurs concurrents en matière d’accès au réseau et d’investissements est de nature à garantir un découplage effectif. La dissociation des structures de propriété, qui implique que le propriétaire du réseau soit désigné comme gestionnaire de réseau et qu’il soit indépendant des structures de fourniture et de production, est clairement un moyen efficace et stable de résoudre le conflit d’intérêts intrinsèque et d’assurer la sécurité de l’approvisionnement. [...] Conformément au principe de la dissociation des structures de propriété, les États membres devraient par conséquent être tenus de faire en sorte que la ou les mêmes personnes ne puissent exercer un contrôle sur une entreprise de production ou de fourniture et, simultanément, un contrôle ou des pouvoirs sur un réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de transport. Inversement, il ne devrait pas être possible d’exercer un contrôle ou des pouvoirs sur une entreprise de production ou de fourniture en même temps qu’un contrôle sur un réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de transport. Dans le respect de ces limites, une entreprise de production ou de fourniture devrait pouvoir détenir une participation minoritaire dans un gestionnaire de réseau de transport ou dans un réseau de transport.

(12)      Tout système de dissociation devrait être capable de supprimer tout conflit d’intérêt entre les producteurs, les fournisseurs et les gestionnaires de réseau de transport, afin de créer des incitations à la réalisation des investissements nécessaires et de garantir l’accès des nouveaux venus sur le marché dans le cadre d’un régime réglementaire transparent et efficace, et ne devrait pas créer un régime réglementaire trop onéreux pour les autorités de régulation nationales.

[...]

(16)      La mise en place d’un gestionnaire de réseau ou de transport indépendant des structures de fourniture et de production devrait permettre à une entreprise verticalement intégrée de conserver la propriété des actifs du réseau en garantissant par ailleurs une séparation effective des intérêts, pour autant que le gestionnaire de réseau ou de transport indépendant assume toutes les fonctions d’un gestionnaire de réseau et qu’il existe une réglementation précise et des mécanismes de contrôle réglementaire complets.

[...]

(24)      Il est nécessaire que la séparation pleinement effective des activités de réseau et des activités de fourniture et de production s’applique dans l’ensemble de [l’Union], tant aux entreprises de [l’Union] qu’aux entreprises n’appartenant pas à [l’Union]. Pour garantir le maintien, dans toute [l’Union], de l’indépendance entre les activités de gestion de réseau et les activités de fourniture et de production, les autorités de régulation devraient être habilitées à refuser la certification des gestionnaires de réseau de transport qui ne respectent pas les règles de découplage. [...]

(25)      La sécurité de l’approvisionnement énergétique est un élément essentiel de la sécurité publique, et est, de ce fait, intrinsèquement liée au fonctionnement efficace du marché intérieur de l’électricité et à l’intégration des marchés de l’électricité isolés des États membres. L’électricité ne peut être fournie aux citoyens de l’Union qu’au moyen du réseau. Des marchés de l’électricité qui fonctionnent, et en particulier les réseaux et autres actifs qui sont associés à la fourniture d’électricité, sont essentiels pour la sécurité publique, pour la compétitivité de l’économie et pour le bien-être des citoyens de l’Union. Par conséquent, des personnes de pays tiers ne devraient être autorisées à exercer un contrôle sur un réseau de transport ou un gestionnaire de réseau de transport que si elles se conforment aux exigences relatives à la séparation effective applicables dans [l’Union]. [...]

[...]

(33)      La directive 2003/54/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO 2003, L 176, p. 37)] a instauré l’obligation pour les États membres d’établir des régulateurs dotés de compétences spécifiques. Pourtant, l’expérience montre que l’efficacité de la régulation est souvent entravée du fait que les régulateurs ne sont pas assez indépendants des pouvoirs publics et que leurs compétences et leur marge de manœuvre ne sont pas suffisantes. C’est la raison pour laquelle le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 a invité la Commission à élaborer des propositions législatives de nature à assurer une plus grande harmonisation des pouvoirs et le renforcement de l’indépendance des régulateurs nationaux de l’énergie. Il devrait être possible que ces autorités de régulation nationales couvrent tant le secteur de l’électricité que celui du gaz.

(34)      Pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur de l’électricité, il convient que les régulateurs de l’énergie soient en mesure de prendre des décisions concernant tous les aspects réglementaires pertinents et qu’ils disposent d’une indépendance totale par rapport aux autres intérêts publics ou privés. Ceci n’empêche ni l’exercice d’un contrôle juridictionnel, ni l’exercice d’un contrôle parlementaire conformément au droit constitutionnel des États membres. [...]

[...]

(36)      Les autorités de régulation nationales devraient pouvoir fixer ou approuver les tarifs, ou les méthodes de calcul des tarifs, sur la base d’une proposition du gestionnaire de réseau de transport ou du ou des gestionnaires de réseau de distribution, ou sur la base d’une proposition agréée par ces gestionnaires et les utilisateurs du réseau. Dans l’exécution de ces tâches, les autorités de régulation nationales devraient veiller à ce que les tarifs de transport et de distribution soient non discriminatoires et reflètent les coûts, et devraient tenir compte des coûts de réseau marginaux évités à long terme grâce à la production distribuée et aux mesures de gestion de la demande. »

3        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », énonce, à ses points 21 et 35 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

21.      “entreprise verticalement intégrée”, une entreprise d’électricité ou un groupe d’entreprises d’électricité qui confie directement ou indirectement à la même personne ou aux mêmes personnes l’exercice du contrôle, et qui assure au moins une des fonctions suivantes : transport ou distribution, et au moins une des fonctions suivantes : production ou fourniture d’électricité ;

[...]

35.      “entreprise d’électricité”, toute personne physique ou morale qui remplit au moins une des fonctions suivantes : la production, le transport, la distribution, la fourniture ou l’achat d’électricité et qui assure les missions commerciales, techniques ou de maintenance liées à ces fonctions, à l’exclusion des clients finals. »

4        L’article 9 de ladite directive, intitulé « Dissociation des réseaux de transport et des gestionnaires de réseau de transport », prévoit, à ses paragraphes 1 et 8 :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, à compter du 3 mars 2012 :

a)      chaque entreprise qui possède un réseau de transport agisse en qualité de gestionnaire de réseau de transport ;

b)      la ou les mêmes personnes ne soient pas autorisées :

i)      ni à exercer de contrôle direct ou indirect sur une entreprise assurant une des fonctions suivantes : production ou fourniture, et à exercer de contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur un gestionnaire de réseau de transport ou un réseau de transport ;

ii)      ni à exercer un contrôle direct ou indirect sur un gestionnaire de réseau de transport ou un réseau de transport et à exercer un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise assurant une des fonctions suivantes : production ou fourniture ;

c)      la ou les mêmes personnes ne soient pas autorisées à désigner les membres du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou des organes représentant légalement l’entreprise d’un gestionnaire de réseau de transport ou d’un réseau de transport, et à exercer un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise assurant une des fonctions suivantes : production ou fourniture ; et

d)      la même personne ne soit pas autorisée à être membre du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou des organes représentant légalement l’entreprise à la fois d’une entreprise assurant une des fonctions suivantes : production ou fourniture, et d’un gestionnaire de réseau de transport ou d’un réseau de transport.

[...]

8.      Lorsque, le 3 septembre 2009, le réseau de transport appartient à une entreprise verticalement intégrée, un État membre peut décider de ne pas appliquer le paragraphe 1.

En pareil cas, l’État membre concerné :

a)      désigne un gestionnaire de réseau indépendant, conformément à l’article 13 ; ou

b)      se conforme aux dispositions du chapitre V [intitulé “Gestionnaire de réseau de transport indépendant”]. »

5        L’article 19 de la même directive, intitulé « Indépendance du personnel et des dirigeants du gestionnaire de réseau de transport », dispose, à ses paragraphes 3, 5 et 8 :

« 3.      Aucune activité ou responsabilité professionnelle ne peut être exercée, aucun intérêt ne peut être détenu ni aucune relation commerciale entretenue, directement ou indirectement, avec l’entreprise verticalement intégrée, ou une partie de celle‑ci ou ses actionnaires majoritaires autres que le gestionnaire de réseau de transport, pendant une période de trois ans avant la nomination des responsables de la direction et/ou des membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport qui font l’objet du présent paragraphe.

[...]

5.      Les personnes responsables de la direction et/ou les membres des organes administratifs et les employés du gestionnaire de réseau de transport ne peuvent posséder aucun intérêt ni recevoir aucun avantage financier, directement ou indirectement, d’une partie de l’entreprise verticalement intégrée autre que le gestionnaire de réseau de transport. Leur rémunération n’est pas liée à des activités ou résultats de l’entreprise verticalement intégrée autres que ceux du gestionnaire de réseau de transport.

[...]

8.      Le paragraphe 3 s’applique à la majorité des personnes responsables de la direction et/ou des membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport.

Les personnes responsables de la direction et/ou les membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport qui ne sont pas visés par le paragraphe 3 ne peuvent avoir exercé d’activité de direction ou autres activités pertinentes au sein de l’entreprise verticalement intégrée pendant une période d’au moins six mois avant leur nomination.

Le premier alinéa du présent paragraphe et les paragraphes 4 à 7 s’appliquent à toutes les personnes appartenant à la direction générale ainsi qu’à celles qui leur rendent directement compte à propos de questions liées à la gestion, à la maintenance ou au développement du réseau. »

6        L’article 35 de la directive 2009/72, intitulé « Désignation et indépendance des autorités de régulation », énonce, à ses paragraphes 4 et 5 :

« 4.      Les États membres garantissent l’indépendance de l’autorité de régulation et veillent à ce qu’elle exerce ses compétences de manière impartiale et transparente. À cet effet, les États membres veillent à ce que, dans l’exécution des tâches de régulation qui lui sont conférées par la présente directive et la législation connexe :

a)      l’autorité de régulation soit juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de toute autre entité publique ou privée ;

b)      l’autorité de régulation veille à ce que son personnel et les personnes chargées de sa gestion :

i)      agissent indépendamment de tout intérêt commercial ; et

ii)      ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions directes d’aucun gouvernement ou autre entité publique ou privée dans l’exécution des tâches de régulation. Cette exigence est sans préjudice d’une étroite concertation, le cas échéant, avec les autres autorités nationales concernées ou d’orientations générales édictées par le gouvernement qui ne concernent pas les missions et compétences de régulation visées à l’article 37. 

5.      Afin de protéger l’indépendance de l’autorité de régulation, les États membres veillent notamment à ce que :

a)      l’autorité de régulation puisse prendre des décisions de manière autonome, indépendamment de tout organe politique, bénéficie de crédits budgétaires annuels séparés et d’une autonomie dans l’exécution du budget alloué, et dispose de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter de ses obligations ; [...]

[...] »

7        L’article 37 de cette directive, intitulé « Mission et compétences de l’autorité de régulation », prévoit, à ses paragraphes 1, 6, 8, 10 et 17 :

« 1.      L’autorité de régulation est investie des missions suivantes :

a)      fixer ou approuver, selon des critères transparents, les tarifs de transport ou de distribution ou leurs méthodes de calcul ; [...]

[...]

6.      Les autorités de régulation se chargent de fixer ou d’approuver, suffisamment à l’avance avant leur entrée en vigueur, au moins les méthodes utilisées pour calculer ou établir :

a)      les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux nationaux, y compris les tarifs de transport et de distribution ou leurs méthodes. Ces tarifs ou méthodes permettent de réaliser les investissements nécessaires à la viabilité des réseaux ;

b)      les conditions de la prestation de services d’ajustement, qui sont assurés de la manière la plus économique possible et qui fournissent aux utilisateurs du réseau des éléments d’incitation appropriés pour qu’ils équilibrent leur apport et leur consommation. Les services d’ajustement sont équitables et non discriminatoires et fondés sur des critères objectifs ; [...]

[...]

8.      Lors de la fixation ou de l’approbation des tarifs ou des méthodes et des services d’ajustement, les autorités de régulation prévoient des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu’à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseau de transport et de distribution à améliorer les performances, à favoriser l’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement et à soutenir les activités de recherche connexes.

[...]

10.      Les autorités de régulation sont habilitées à demander que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution modifient au besoin les conditions, y compris les tarifs ou les méthodes visés au présent article, pour faire en sorte que ceux-ci soient proportionnés et appliqués de manière non discriminatoire. En cas de retard dans l’établissement des tarifs de transport et de distribution, les autorités de régulation sont habilitées à fixer ou approuver provisoirement des tarifs de transport et de distribution ou des méthodes de calcul et à arrêter des mesures compensatoires appropriées si les tarifs ou méthodes finaux de transport et de distribution s’écartent de ces tarifs ou méthodes provisoires.

[...]

17.      Les États membres veillent à ce que des mécanismes appropriés, à l’échelon national, permettent à une partie lésée par une décision d’une autorité de régulation d’exercer un recours auprès d’un organisme indépendant des parties concernées et de tout gouvernement. »

8        La directive 2009/72 a été abrogée avec effet au 1er janvier 2021 par la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (JO 2019, L 158, p. 125). Elle demeure cependant applicable ratione temporis au présent litige.

 La directive 2009/73

9        Les considérants 1, 4, 6, 8, 9, 13, 21, 22, 29, 30 et 32 de la directive 2009/73 correspondent mutatis mutandis, s’agissant du secteur du gaz naturel, aux considérants précités de la directive 2009/72.

10      L’article 2, points 1 et 20, l’article 9, paragraphes 1 et 8, l’article 19, paragraphes 3, 5 et 8, l’article 39, paragraphes 4 et 5, l’article 41, paragraphe 1, sous a), paragraphe 6, sous a) et b), paragraphes 8, 10 et 17, de la directive 2009/73 correspondent mutatis mutandis, s’agissant du secteur du gaz naturel, aux dispositions précitées de la directive 2009/72.

 Le droit allemand

11      L’article 3, point 38, de l’Energiewirtschaftsgesetz (loi sur la gestion de l’énergie), du 7 juillet 2005 (BGBl. I, p. 1970 et 3621), telle que modifiée par l’article 2, paragraphe 6, de la loi du 20 juillet 2017 (BGBl. I, p. 2808, 2018 I p. 472) (ci‑après l’« EnWG »), définit une « entreprise verticalement intégrée de fourniture d’énergie » comme « une entreprise opérant dans les secteurs de l’électricité ou du gaz, ou un groupe d’entreprises du secteur de l’électricité ou du gaz qui sont liées, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 139/2004, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24 du 29.1.2004, p. 1), l’entreprise concernée ou le groupe concerné exerçant, dans l’Union européenne, dans le secteur de l’électricité, au moins l’une des fonctions suivantes : transport ou distribution, et au moins l’une des fonctions suivantes : production ou distribution d’électricité, ou dans le secteur du gaz, au moins l’une des fonctions suivantes : transport, distribution, exploitation d’une installation de [gaz naturel liquéfié (GNL)] ou stockage, et simultanément l’une des fonctions suivantes : production ou distribution de gaz naturel. »

12      Aux termes de l’article 10c de cette loi, intitulé « Indépendance du personnel et des dirigeants du gestionnaire de réseau de transport indépendant » :

« [...]

2.      Au cours des trois dernières années avant leur nomination, la majorité des membres de la direction du gestionnaire de réseau de transport ne peuvent avoir exercé aucune activité professionnelle, détenu aucun intérêt ni entretenu aucune relation commerciale dans ou avec une entreprise de l’entreprise verticalement intégrée (ou auprès d’un actionnaire majoritaire de ces entreprises) exerçant l’une des fonctions suivantes dans le secteur de l’électricité : production, distribution, fourniture ou achat d’électricité, ou l’une des fonctions suivantes dans le secteur du gaz naturel : production, distribution, fourniture, achat ou stockage de gaz naturel, ou accomplissant des missions commerciales, techniques ou de maintenance liées à ces fonctions. Au cours des six derniers mois avant leur nomination, les autres membres de la direction du gestionnaire de réseau de transport indépendant ne peuvent avoir accompli, dans une entreprise de l’entreprise verticalement intégrée (ou auprès d’un actionnaire majoritaire de ces entreprises) exerçant l’une des fonctions suivantes dans le secteur de l’électricité : production, distribution, fourniture ou achat d’électricité, ou l’une des fonctions suivantes dans le secteur du gaz naturel : production, distribution, fourniture, achat ou stockage de gaz naturel, ou accomplissant des missions commerciales, techniques ou de maintenance liées à ces fonctions, de missions de direction ou une mission comparable à la mission accomplie auprès du gestionnaire de réseau de transport indépendant. Les première et deuxième phrases ne sont pas applicables aux nominations devenues effectives avant le 3 mars 2012.

[...]

4.      Le gestionnaire de réseau de transport indépendant et l’entreprise verticalement intégrée de fourniture d’énergie garantissent que les personnes responsables de la direction et les autres salariés du gestionnaire de réseau de transport indépendant n’acquièrent pas de participations dans le capital de l’entreprise verticalement intégrée de fourniture d’énergie ou de l’une de ses parties après le 3 mars 2012, à moins qu’il s’agisse de participations dans le capital du gestionnaire de réseau de transport indépendant. Les personnes responsables de la direction cèdent, au plus tard le 31 mars 2016, leurs participations dans le capital de l’entreprise verticalement intégrée de fourniture d’énergie ou de l’une de ses parties acquises avant le 3 mars 2012. Le gestionnaire de réseau de transport indépendant garantit que la rémunération des personnes appartenant à sa direction ne dépend pas de la réussite économique, et notamment du résultat d’exploitation, de l’entreprise verticalement intégrée de fourniture d’énergie ou de l’une de ses filiales, à l’exception du gestionnaire de réseau de transport indépendant.

[...]

6.      Le paragraphe 2, première phrase, et les paragraphes 3 et 5 s’appliquent mutatis mutandis aux personnes directement subordonnées à la direction générale et responsables de la gestion, de la maintenance ou du développement du réseau. »

13      L’article 24 de ladite loi, intitulé « Dispositions relatives aux conditions d’accès au réseau, aux redevances d’accès au réseau ainsi qu’à la prestation et à l’acquisition de services d’ajustement ; pouvoir réglementaire », est ainsi libellé :

« Le gouvernement fédéral peut, par voie de règlement, avec le consentement du Bundesrat [Conseil fédéral, Allemagne] :

1. fixer les conditions d’accès au réseau, y compris l’acquisition et la prestation de services d’ajustement, ou des méthodes de détermination desdites conditions, ainsi que des méthodes de détermination des redevances d’accès au réseau [...] ;

2. disposer dans quels cas et à quelles conditions l’autorité de régulation peut fixer lesdites conditions ou méthodes ou les approuver à la demande du gestionnaire de réseau ;

3. disposer dans quels cas particuliers d’utilisation du réseau et à quelles conditions l’autorité de régulation peut, ponctuellement, approuver ou interdire des redevances individuelles d’accès au réseau [...] »

 La procédure précontentieuse

14      Le 20 mai 2014, dans le cadre d’un examen d’office de la transposition des directives 2009/72 et 2009/73 en droit allemand, destiné à vérifier l’existence d’éventuelles incompatibilités avec le droit de l’Union, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne une série de questions relatives à la transposition de ces directives, auxquelles les autorités allemandes ont répondu par lettre du 12 septembre 2014.

15      Estimant que le droit national n’était pas conforme auxdites directives sur plusieurs points, la Commission a, le 27 février 2015, adressé à la République fédérale d’Allemagne une lettre de mise en demeure dans la procédure d’infraction no 2014/2285, à laquelle cet État membre a répondu par lettre du 24 juin 2015.

16      Le 29 avril 2016, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne un avis motivé, dans lequel elle a maintenu que certaines dispositions du droit allemand n’étaient pas conformes aux directives 2009/72 et 2009/73. Cet État membre a répondu, par lettre du 29 août 2016, que des modifications législatives portant sur certains des griefs soulevés dans l’avis motivé étaient en cours d’adoption et, le 19 septembre 2017, a transmis le texte de l’EnWG, entré en vigueur le 22 juillet 2017.

17      Estimant que les dispositions juridiques adoptées par la République fédérale d’Allemagne continuaient à ne pas être conformes aux directives 2009/72 et 2009/73, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

18      La Commission fonde son recours sur quatre griefs qui portent tous sur la transposition incorrecte, par la République fédérale d’Allemagne, des directives 2009/72 et 2009/73 dans l’EnWG.

 Sur le premier grief, tiré d’uneméconnaissance de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et de l’article 2, point 20, de la directive 2009/73

 Argumentation des parties

19      Par ce grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir transposé correctement, dans son droit interne, la notion d’« entreprise verticalement intégrée » (ci-après l’« EVI »), au sens de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et de l’article 2, point 20, de la directive 2009/73, en ce que la définition de cette notion figurant à l’article 3, point 38, de l’EnWG est limitée aux entreprises exerçant leurs activités dans l’Union.

20      Selon la Commission, la limitation du champ d’application territorial de la notion d’« EVI », à laquelle procède l’EnWG, est contraire tant au libellé de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et de l’article 2, point 20, de la directive 2009/73 qu’à la finalité des règles de découplage effectif, prévues par ces directives, entre, d’une part, les réseaux de transport d’électricité et de gaz naturel et, d’autre part, les activités de production et de fourniture de ces produits énergétiques.

21      En effet, si le législateur de l’Union avait entendu limiter la définition de la notion d’« EVI » à des activités exercées au sein de l’Union, il l’aurait indiqué expressément, ainsi qu’il l’a fait dans d’autres dispositions des directives 2009/72 et 2009/73. Une telle interprétation serait confirmée par le considérant 24 de la directive 2009/72 et par le considérant 21 de la directive 2009/73, lesquels rappelleraient le principe général conformément auquel des entreprises ayant leur siège hors de l’Union sont soumises au droit de l’Union dès lors qu’elles exercent une activité au sein de celle-ci.

22      Par ailleurs, les conflits d’intérêts entre, d’une part, les gestionnaires de réseau de transport et, d’autre part, les producteurs ou les fournisseurs, que les règles de découplage mentionnées viseraient à prévenir, en disposant que ces gestionnaires n’obtiennent la certification que s’ils exploitent les réseaux respectifs de manière indépendante et non discriminatoire, pourraient survenir tant lorsque les activités relevant des définitions de la notion d’« EVI » se déroulent dans l’Union que lorsqu’elles se déroulent en dehors de celle-ci.

23      La Commission souligne encore que l’inclusion dans le champ d’application de la notion d’« EVI » des activités exercées en dehors de l’Union n’implique pas que des entreprises non européennes deviennent des sujets de droits et d’obligations résultant de la réglementation européenne et n’élargit pas la compétence de l’Union. En effet, les gestionnaires des réseaux de transport soumis aux règles de découplage effectif opéreraient toujours au sein de l’Union. Inclure des activités exercées en dehors de l’Union dans la définition de la notion d’« EVI » permettrait d’évaluer les effets de ces activités dans l’Union. Aucun principe de droit de la concurrence ou de droit international ne s’opposerait à une telle interprétation.

24      La République fédérale d’Allemagne soutient, premièrement, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour (arrêts du 25 mai 1985, Commission/Allemagne, 29/84, EU:C:1985:229, point 9, et du 30 juin 2016, Commission/Pologne, C‑648/13, EU:C:2016:49, point 73) que les États membres n’ont pas l’obligation de procéder à une transposition littérale des directives, pour autant que la teneur juridique de celles-ci est respectée. Cet État membre fait valoir que la définition de la notion d’« EVI », figurant à l’article 3, point 38, de l’EnWG, n’est pas contraire au libellé de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et de l’article 2, point 20, de la directive 2009/73. En effet, ces dispositions ne donneraient aucune indication quant à leur champ d’application territorial et requerraient donc une clarification à cet égard, lors de leur transposition dans le droit interne des États membres.

25      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que l’esprit et la finalité des règles de découplage effectif prévues par ces directives n’exigent pas que les activités exercées en dehors de l’Union par des entreprises de production ou de fourniture d’énergie soient prises en compte dans la définition de la notion d’« EVI ». De telles activités ne produiraient pas d’effets qualifiés sur l’exploitation efficace et non discriminatoire des réseaux de transport d’électricité et de gaz naturel dans l’Union, dès lors qu’un conflit d’intérêts entre les gestionnaires de ces réseaux et les parties d’entreprises exerçant une activité dans les secteurs concurrentiels qui y sont liés n’existerait que dans l’hypothèse où ces dernières souhaitent utiliser les réseaux pour transporter les énergies qu’elles produisent ou fournissent. S’il résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C-413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 et suivants) que le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application du droit de l’Union lorsque le comportement en cause produit un effet immédiat et substantiel dans l’Union, ce critère est suffisamment pris en considération par la définition établie à l’article 3, point 38, de l’EnWG.

26      Troisièmement, une extension de la définition de la notion d’« EVI » à des activités exercées en dehors de l’Union par des entreprises de pays tiers aurait pour conséquence une extension, contraire au droit international, de la compétence réglementaire de l’Union. En effet, ces entreprises de pays tiers deviendraient titulaires de droits et d’obligations sans opérer sur le territoire de l’Union.

27      Quatrièmement, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’une interprétation de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et de l’article 2, point 20, de la directive 2009/73 en ce sens que la notion d’« EVI » englobe des activités en dehors de l’Union, exercées par des entreprises de pays tiers, est contraire à l’obligation d’interpréter un acte de droit dérivé conformément au droit primaire de l’Union. En effet, ces directives, étant fondées sur l’article 47, paragraphe 2, ainsi que sur les articles 55 et 95 du traité CE (devenus, respectivement, article 53, paragraphe 2, ainsi que articles 62 et 114 TFUE), doivent viser à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement et de prestation de services, ainsi qu’à harmoniser les réglementations des États membres ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Or, ces dispositions de droit primaire ne sauraient constituer une base juridique appropriée pour l’adoption des dispositions applicables aux activités économiques des entreprises exercées dans un pays tiers.

28      Par ailleurs, les activités d’entreprises de pays tiers exercées en dehors de l’Union ne produisant pas d’effets sur le marché intérieur, il n’y aurait pas lieu de leur imposer les restrictions à la libre circulation des capitaux, au sens de l’article 63 TFUE, ainsi qu’à la liberté professionnelle des entreprises et de leurs travailleurs et au droit de propriété, consacrés, respectivement, à l’article 15, paragraphe 1, à l’article 16 et à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), prévues par les directives 2009/72 et 2009/73, aux fins de la réalisation de l’objectif consistant à assurer une exploitation efficace et non discriminatoire des réseaux de transport au sein de l’Union.

 Appréciation de la Cour

29      Dès lors que la République fédérale d’Allemagne fait valoir que la définition de la notion d’« EVI » figurant à l’article 3, point 38, de l’EnWG ne s’oppose pas à celle figurant à l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 ainsi qu’à l’article 2, point 20, de la directive 2009/73, mais précise cette dernière, il y a lieu d’examiner le bien-fondé de l’interprétation retenue par cet État membre de ladite définition, au regard non seulement des termes des articles 2, point 21, et 2, point 20, de ces directives, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ces dispositions font partie (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2017, Kamin und Grill Shop, C-289/16, EU:C:2017:758, point 22 et jurisprudence citée).

30      Il convient de rappeler, à cet égard, que, aux termes de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72, une EVI est définie comme « une entreprise d’électricité ou un groupe d’entreprises d’électricité qui confie directement ou indirectement à la même personne ou aux mêmes personnes l’exercice du contrôle, et qui assure au moins une des fonctions suivantes : transport ou distribution, et au moins une des fonctions suivantes : production ou fourniture d’électricité ». L’article 2, point 20, de la directive 2009/73 définit, en termes analogues, une EVI dans le domaine du gaz naturel.

31      En premier lieu, il importe de relever que ni l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 ni l’article 2, point 20, de la directive 2009/73 ne renvoient au droit des États membres pour définir la notion d’« EVI » aux fins de ces directives.

32      Dans ces conditions, la notion d’« EVI » constitue une notion autonome du droit de l’Union qui doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme, eu égard aux exigences de l’application uniforme de ce droit, imposées par le principe d’égalité. La portée de cette notion ne saurait donc être déterminée par référence aux notions connues du droit des États membres ou des classifications opérées sur le plan national [voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2020, RL (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑199/19, EU:C:2020:548, point 27 et jurisprudence citée].

33      Par ailleurs, dans la mesure où le libellé de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et de l’article 2, point 20, de la directive 2009/73 ne mentionne aucun élément relatif au territoire sur lequel une EVI exerce son activité ou au lieu de son siège, il s’ensuit que ces dispositions n’imposent aucune limitation territoriale expresse concernant la notion d’« EVI », qui reviendrait à circonscrire cette notion aux seules activités exercées à l’intérieur de l’Union.

34      En deuxième lieu, s’agissant du contexte dans lequel s’insère la notion d’« EVI », il importe de relever que celle-ci fait partie, ainsi qu’il ressort notamment de l’article 9, paragraphes 1 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73, lu à la lumière du considérant 9 de la première directive et du considérant 6 de la seconde, des dispositions de ces directives visant à assurer un « découplage effectif » entre, d’une part, les réseaux de transport et, d’autre part, les activités de production et de fourniture, respectivement, de l’électricité et du gaz naturel.

35      En troisième lieu, s’agissant des objectifs de la réglementation en cause, il y a lieu de relever que les directives 2009/72 et 2009/73 visent à mettre en œuvre le marché intérieur de l’électricité et du gaz naturel, dans lequel la garantie d’un accès non discriminatoire aux réseaux est l’élément de base. Or, il résulte du considérant 9 de la première directive et du considérant 6 de la seconde que, sans le découplage effectif indiqué au point précédent du présent arrêt, il existe un risque de discrimination dans cet accès. L’élimination de ce risque, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 11, 12 et 16 de la directive 2009/72 ainsi que des considérants 8, 9 et 13 de la directive 2009/73, exige la suppression de tout conflit d’intérêts entre, d’une part, les producteurs ou les fournisseurs et, d’autre part, les gestionnaires de réseaux de transport des produits énergétiques.

36      Les exigences de découplage effectif imposées par les directives 2009/72 et 2009/73 sont donc destinées à assurer une indépendance totale et effective des gestionnaires de réseau de transport par rapport aux activités de production et de fourniture (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa, C-347/16, EU:C:2017:816, point 34). Ainsi qu’il ressort du considérant 24 de la directive 2009/72 et du considérant 21 de la directive 2009/73, ces exigences de découplage effectif s’appliquent dans l’ensemble de l’Union, tant aux entreprises appartenant à l’Union qu’à celles n’appartenant pas à celle-ci.

37      En effet, il ne saurait être exclu qu’il existe des conflits d’intérêts entre un gestionnaire de réseau de transport situé dans l’Union et des producteurs ou des fournisseurs de l’électricité ou du gaz naturel exerçant des activités dans ces domaines en dehors de celle-ci. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 44 de ses conclusions, dans une situation où le gaz naturel ou l’électricité produits en dehors de l’Union par une entreprise sont transportés au sein de l’Union au moyen d’un réseau de transport appartenant à la même entreprise, le risque de comportements discriminatoires dans l’exploitation de ce réseau, susceptibles de défavoriser le transport de produits énergétiques de concurrents, apparaît clairement.

38      Il en découle, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général, au point 45 de ses conclusions, que l’interprétation restrictive de la notion d’« EVI », préconisée par la République fédérale d’Allemagne, met en péril l’effet utile des dispositions des directives 2009/72 et 2009/73 relatives au découplage effectif, dès lors qu’elle permet à une EVI qui produit ou fournit du gaz naturel ou de l’électricité en dehors de l’Union de les contourner. Ainsi, une telle interprétation restrictive n’est pas conforme aux objectifs poursuivis par ces dispositions en ce qu’elle est susceptible d’exclure du champ d’application de cette notion des situations de conflit d’intérêts potentiel, telles que celles mentionnées aux point précédent du présent arrêt, en raison de la limitation de la portée de ladite notion aux seules activités exercées à l’intérieur de l’Union.

39      Il s’ensuit qu’il convient de retenir une interprétation large de la notion d’« EVI » qui permette d’inclure, le cas échéant, des activités exercées en dehors du territoire de l’Union. Dès lors, la limitation aux seules activités exercées dans l’Union apporte une restriction indue à la portée de cette notion.

40      Contrairement aux arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne, cette constatation n’implique pas une extension de la compétence réglementaire de l’Union au-delà du marché intérieur, contraire à l’obligation d’interpréter un acte de droit dérivé conformément au droit primaire, en l’occurrence à l’article 53, paragraphe 2, et aux articles 62 et 114 TFUE, ainsi qu’au droit international.

41      Il importe de relever, à cet égard, que l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et l’article 2, point 20, de la directive 2009/73 ne réglementent pas un marché situé à l’extérieur de l’Union, mais se bornent à énoncer une définition de la notion d’« EVI », qui assure l’application effective de ces directives en évitant le contournement de certaines prescriptions qui sont nécessaires pour garantir un découplage effectif et, partant, pour améliorer les conditions de fonctionnement des marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel.

42      Or, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner qu’un acte de l’Union adopté sur le fondement de l’article 95 du traité CE (devenu article 114 TFUE) peut incorporer des dispositions visant à éviter le contournement des prescriptions ayant pour objet l’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C-547/14, EU:C:2016:325, point 131 et jurisprudence citée).

43      Par ailleurs, une EVI qui produit ou fournit du gaz naturel ou de l’électricité en dehors de l’Union peut se trouver en situation de conflit d’intérêts, telle que celles mentionnées au point 37 du présent arrêt, dès lors que des comportements discriminatoires sur le marché intérieur de l’Union peuvent se produire même lorsque la production d’une EVI est située en dehors de l’Union. Dans ces conditions, la compétence de celle-ci pour appliquer ses règles à l’égard de tels comportements n’est donc pas exclue par le droit international (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 18).

44      En conséquence, il y a lieu d’accueillir le premier grief invoqué par la Commission au soutien de son recours et de constater que, en ayant omis de transposer correctement l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et l’article 2, point 20, de la directive 2009/73, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.

 Sur le deuxième grief, tiré d’uneméconnaissancede l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73

 Argumentation des parties

45      Par ce grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir transposé correctement les dispositions relatives aux périodes transitoires énoncées à l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73. Selon la Commission, ces dispositions s’appliquent à tous les emplois occupés ou missions accomplies, intérêts détenus ou relations commerciales entretenues, de manière directe ou indirecte, au sein de, auprès de ou avec l’EVI, des parties de celle-ci et ses actionnaires majoritaires autres que le gestionnaire de réseau de transport. Or, l’article 10c, paragraphes 2 et 6, de l’EnWG limiterait l’application de ces dispositions des deux directives aux parties de l’EVI qui exercent leurs activités dans le domaine de l’énergie.

46      La Commission fait valoir qu’une EVI sous la forme d’un groupe de sociétés comprend toutes les entités juridiques du groupe, indépendamment du secteur économique dans lequel ces entités exercent leur activité. Cette conception correspondrait aussi à la notion d’« entreprise » telle qu’elle est employée en droit de la concurrence, notamment aux articles 101 et 102 TFUE.

47      De plus, la limitation opérée par les dispositions combinées de l’article 10c, paragraphes 2 et 6, de l’EnWG serait contraire aux objectifs des règles de découplage effectif prévues par les directives 2009/72 et 2009/73. En effet, selon le modèle du gestionnaire de réseau de transport indépendant, un tel gestionnaire ne pourrait demeurer en tant que partie d’une EVI que sous certaines conditions strictes relatives à l’organisation, à la direction et aux investissements, visant à garantir l’indépendance effective de ce gestionnaire par rapport à l’EVI dans son ensemble.

48      Or, l’exclusion des parties de l’EVI qui ne sont pas directement actives dans le domaine énergétique du champ d’application des règles relatives aux périodes transitoires permettrait de contourner les règles de découplage effectif. Les parties de l’EVI non actives dans le secteur énergétique pourraient, elles aussi, être concernées par les intérêts de l’EVI dans la production et la fourniture d’électricité et de gaz naturel. Ce serait précisément pour éviter ce risque et pour garantir une indépendance du transport et de la distribution à l’égard des intérêts afférents à la production et à la fourniture dans le domaine de l’énergie que le législateur de l’Union aurait décidé d’inclure l’ensemble de l’EVI, y compris ses parties n’exerçant pas des activités en rapport avec le domaine de l’énergie, dans le champ d’application de l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73 et ne pas le limiter aux seules parties de l’EVI exerçant ces activités.

49      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que les dispositions des directives en cause, relatives aux périodes transitoires, et celles de l’EnWG qui les ont transposées ont la même portée. En effet, aux termes de l’article 2, point 21, de la directive 2009/72, une EVI serait constituée de différentes entreprises d’électricité, au sens de l’article 2, point 35, de cette directive, et non pas d’entreprises opérant dans d’autres secteurs de l’économie. Il en irait de même, s’agissant du secteur du gaz naturel, en vertu de l’article 2, points 1 et 20, de la directive 2009/73. Ainsi, les salariés relevant de l’article 19, paragraphe 3, des directives 2009/72 et 2009/73 seraient seulement ceux ayant exercé une activité dans le secteur de l’électricité ou du gaz naturel au sein de l’EVI, avant leur engagement par le gestionnaire de réseau de transport.

50      Par ailleurs, selon la République fédérale d’Allemagne, la référence au secteur de l’énergie figurant à l’article 10c, paragraphe 2, de l’EnWG est conforme au champ d’application ainsi qu’à l’esprit et à la finalité des directives transposées. En effet, il serait nécessaire, mais aussi suffisant, que l’indépendance du gestionnaire de réseau de transport indépendant – dont la mise en place est autorisée à l’article 9, paragraphe 8, des directives 2009/72 et 2009/73, lorsque, au 3 septembre 2009, un tel réseau appartient à une EVI – soit assurée par rapport aux seuls secteurs énergétiques de cette EVI. Ainsi, afin de prévenir des conflits d’intérêts dans le cadre du modèle de gestionnaire de réseau de transport indépendant, il serait suffisant de suspendre temporairement les transferts de salariés entre les différentes parties d’entreprises actives dans ces secteurs.

51      Les restrictions à la libre circulation des travailleurs, consacrée à l’article 45 TFUE, lorsque les parties d’entreprises concernées de l’EVI sont implantées dans plusieurs États membres, ainsi qu’au droit fondamental au libre choix de la profession, consacré à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, lorsque ces parties sont cantonnées à un seul État membre, découlant des règles relatives aux périodes transitoires ne seraient, en outre, justifiées que si l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73 s’applique exclusivement à ces transferts de salariés.

 Appréciation de la Cour

52      Aux termes de l’article 19, paragraphe 3, des directives 2009/72 et 2009/73, « [a]ucune activité ou responsabilité professionnelle ne peut être exercée, aucun intérêt ne peut être détenu ni aucune relation commerciale entretenue, directement ou indirectement, avec l’[EVI], ou une partie de celle-ci ou ses actionnaires majoritaires autres que le gestionnaire de réseau de transport, pendant une période de trois ans avant la nomination des responsables de la direction et/ou des membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport qui font l’objet du présent paragraphe ». Conformément au paragraphe 8 de cet article, ce paragraphe 3 s’applique « à la majorité des personnes responsables de la direction et/ou des membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport ».

53      Le libellé de l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73 ne contient donc aucune limitation, concernant l’application des périodes transitoires qu’il prévoit, au seul personnel des parties de l’EVI qui exercent leurs activités dans les domaines de l’électricité ou du gaz naturel.

54      L’objectif de ces règles, pour sa part, conduit à les interpréter en ce sens qu’elles excluent une telle limitation. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, aux points 61 et 62 de ses conclusions, l’objectif desdites règles est celui de garantir un « découplage effectif », ce qui permet une indépendance totale et effective entre le gestionnaire de réseau de transport et l’EVI, afin d’éliminer les conflits entre les intérêts liés, d’une part, aux activités de production et de fourniture d’électricité ou de gaz naturel et, d’autre part, à l’exploitation du réseau de transport. Ce découplage s’avère nécessaire pour assurer le fonctionnement du marché intérieur de l’énergie, énoncé à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, ainsi que la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

55      En effet, ainsi qu’il a été relevé, au point 35 du présent arrêt, un tel « découplage effectif » vise à permettre un accès non discriminatoire aux réseaux, lequel constitue un élément de base d’un marché intérieur de l’énergie fonctionnel. En outre, il ressort du considérant 25 de la directive 2009/72 et du considérant 22 de la directive 2009/73 que la sécurité de l’approvisionnement énergétique est intrinsèquement liée au fonctionnement efficace du marché intérieur de l’énergie.

56      Il en découle que les « périodes transitoires » établies à l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73 trouvent à s’appliquer aux responsables de la direction et/ou aux membres des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport ayant exercé, avant leur engagement, une activité au sein de l’EVI, ou dans une entreprise actionnaire majoritaire d’une des entreprises de l’EVI, même si ces activités n’étaient pas exercées dans le secteur énergétique de l’EVI ou dans une entreprise actionnaire majoritaire d’une des entreprises du secteur énergétique de l’EVI.

57      En effet, il ne saurait être exclu qu’un responsable de la direction et/ou un membre des organes administratifs du gestionnaire de réseau de transport qui, avant sa nomination, a exercé son activité au sein d’une EVI dans un secteur autre que l’énergétique puisse avoir été influencé par l’activité de cette entreprise dans les domaines de la production ou de la fourniture d’électricité et de gaz naturel.

58      Certes, la notion d’« EVI », telle que définie à l’article 2, point 21, de la directive 2009/72 et à l’article 2, point 20, de la directive 2009/73 se réfère, respectivement, à des « entreprises d’électricité » et à des « entreprises de gaz naturel », au sens, respectivement, des points 35 et 1 de ces articles. Toutefois, ainsi que l’a fait observer M. l’avocat général, au point 64 de ses conclusions, ces définitions ne permettent pas de conclure que les parties de l’EVI qui ne sont pas actives dans les domaines de l’électricité ou du gaz naturel sont exclues de cette notion, de sorte qu’elles ne relèvent pas du champ d’application des dispositions des directives 2009/72 et 2009/73 relatives au découplage effectif, au sens de l’article 9, paragraphe 8, de celles-ci. Une telle interprétation restrictive non seulement remettrait en cause l’objectif de garantir un découplage effectif, mais encore donnerait lieu à une scission artificielle de l’entreprise qui ne correspond pas à la réalité économique.

59      En outre, si l’interprétation des règles relatives aux périodes transitoires figurant au point 56 du présent arrêt peut, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, donner lieu à une restriction à la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 45 TFUE ainsi qu’à une limitation à l’exercice du droit fondamental au libre choix de la profession, prévu à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, il importe de relever que ces libertés ne constituent pas des prérogatives absolues, mais peuvent être limitées sous certaines conditions.

60      Certes, l’interdiction des restrictions à la libre circulation des travailleurs vaut non seulement pour les mesures nationales, mais également pour les mesures émanant des institutions de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil, C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 87 ainsi que jurisprudence citée).

61      Toutefois, les mesures de coordination adoptées par le législateur de l’Union, sur le fondement de l’article 53 TFUE, lu en combinaison avec l’article 62 TFUE, doivent non seulement avoir pour objectif de faciliter l’exercice de la liberté de prestation des services, mais également d’assurer, le cas échéant, la protection d’autres intérêts fondamentaux que cette liberté peut affecter (arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil, C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

62      Ainsi, une mesure restrictive de la libre circulation des travailleurs peut être admise si elle poursuit l’un des objectifs légitimes énoncés dans le traité FUE ou si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, en pareil cas, que cette mesure soit apte à garantir la réalisation de l’objectif en cause et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre [voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2020, Land Niedersachsen (Périodes antérieures d’activité pertinente), C‑710/18, EU:C:2020:299, point 34 et jurisprudence citée].

63      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’exercice du droit au libre choix de la profession, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard de ceux-ci, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2012, Deutsches Weintor, C‑544/10, EU:C:2012:526, point 54 et jurisprudence citée).

64      En l’occurrence, ainsi qu’il a été relevé, aux points 54 et 55 du présent arrêt, les règles relatives aux périodes transitoires prévues à l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73 poursuivent l’objectif d’intérêt général de garantir un « découplage effectif ».

65      Ces règles sont aptes à réaliser un tel objectif, dans la mesure où, en fixant des périodes au cours desquelles les personnes qui seront nommées à des postes de responsabilité ou de direction du gestionnaire de réseau de transport indépendant ne peuvent exercer aucune activité ou responsabilité professionnelle, ni détenir aucun intérêt, ni entretenir aucune relation commerciale directement ou indirectement avec l’EVI, ou une partie de celle-ci ou ses actionnaires majoritaires autres que le gestionnaire de réseau de transport, donnant accès à des informations que ces personnes obtiendraient dans l’exercice d’une fonction de gestion au sein de l’EVI, elles garantissent l’indépendance de ce gestionnaire à l’égard des structures de production et de fourniture de produits énergétiques.

66      Par ailleurs, lesdites règles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. En effet, les limitations à la liberté de circulation des travailleurs garantie à l’article 45 TFUE ainsi qu’au droit au libre choix de la profession garanti à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, résultant de l’ensemble de règles spécifiques relatives audit gestionnaire, y compris celles concernant les périodes transitoires, en tant que garantie de l’indépendance de celui-ci, sont limitées dans le temps, de telle sorte qu’elles ne produisent d’effets qu’au cours d’une période clairement circonscrite.

67      Dans ces conditions, l’exclusion du champ d’application subjectif des dispositions de l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73, de personnes ayant exercé une activité professionnelle, détenu un intérêt ou entretenu une relation commerciale dans ou avec une EVI en dehors des secteurs énergétiques de celle-ci, résultant de l’article 10c, paragraphe 2, de l’EnWG, s’avère contraire à ces dispositions.

68      Dès lors, il y a lieu d’accueillir le deuxième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours et de constater que, en ayant omis de transposer correctement l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.

 Sur le troisième grief, tiré d’uneméconnaissance de l’article 19, paragraphe 5, des directives 2009/72 et 2009/73

 Argumentation des parties

69      Par ce grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne d’avoir transposé l’article 19, paragraphe 5, des directives 2009/72 et 2009/73 de manière insuffisante, en ce que l’obligation de céder les participations détenues dans le capital de l’EVI acquises avant le 3 mars 2012, établie à l’article 10c, paragraphe 4, de l’EnWG, s’applique seulement aux participations détenues par les membres de la direction du gestionnaire de réseau de transport, et non pas à celles détenues par les employés de celui-ci. Selon la Commission, même si les employés d’un gestionnaire de réseau de transport ne peuvent pas prendre des décisions de gestion, ils sont à même d’influencer les activités de leur employeur, ce qui justifie que ces employés doivent aussi céder leurs participations dans le capital de l’EVI, acquises avant le 3 mars 2012.

70      Une telle obligation ne porterait pas atteinte aux droits de propriété desdits employés, dès lors qu’elle ne s’applique que pour le futur, si bien que les dividendes déjà distribués ne seraient pas concernés. En outre, de telles participations ne seraient cédées que moyennant le consentement de leur titulaire et contre une rémunération appropriée. Ce dernier garderait la possibilité de conserver sa participation, à condition qu’il renonce à sa position au sein du gestionnaire de réseau de transport.

71      La République fédérale d’Allemagne rappelle que l’article 10c, paragraphe 4, première phrase, de l’EnWG interdit tant aux personnes responsables de la direction du gestionnaire de réseau de transport qu’aux autres salariés d’acquérir des participations dans le capital de l’EVI ou de l’une de ses parties après le 3 mars 2012, alors que la deuxième phrase de la même disposition prévoit que seules les personnes responsables de la direction doivent céder, au plus tard le 31 mars 2016, leurs participations dans le capital de l’EVI ou de l’une de ses parties, acquises avant le 3 mars 2012.

72      Cette distinction serait justifiée par le fait que, avant l’entrée en vigueur des exigences d’indépendance renforcée du gestionnaire de réseau de transport, le 3 mars 2012, des actions de l’EVI étaient fréquemment distribuées en tant qu’« actions de salariés » et faisaient partie intégrante de la constitution du patrimoine ou de l’épargne individuelle de ces salariés pour leur retraite.

73      Une obligation imposée auxdits salariés de céder de telles participations constituerait une restriction disproportionnée de leurs droits de propriété protégés par le Grundgesetz (loi fondamentale, ci-après le « GG »), car ils ne pourraient pas exercer une influence significative sur la gestion de l’exploitation du réseau. Le personnel de direction serait soumis à un traitement différent en raison de l’importance de sa position. En effet, ce personnel disposerait d’une influence stratégique décisive sur le gestionnaire de réseau de transport, laquelle donnerait lieu à un risque particulier de conflit d’intérêts.

74      Par ailleurs, dès lors que les directives 2009/72 et 2009/73 ne préciseraient pas le traitement à donner aux participations dans le capital de l’EVI que les salariés du gestionnaire de réseau de transport ont acquises avant la date limite, il incomberait aux États membres d’adopter des dispositions transitoires appropriées à cet égard.

 Appréciation de la Cour

75      Aux termes de l’article 19, paragraphe 5, de la directive 2009/72 et de la directive 2009/73, « [l]es personnes responsables de la direction et/ou les membres des organes administratifs et les employés du gestionnaire de réseau de transport ne peuvent posséder aucun intérêt ni recevoir aucun avantage financier, directement ou indirectement, d’une partie de l’[EVI] autre que le gestionnaire de réseau de transport. Leur rémunération n’est pas liée à des activités ou résultats de l’[EVI] autres que ceux du gestionnaire de réseau de transport ».

76      Il ressort clairement du libellé de cette disposition qu’il est interdit tant aux dirigeants qu’aux employés du gestionnaire de réseau de transport de posséder des intérêts ou de recevoir des avantages financiers directement ou indirectement d’une partie de l’EVI autre que le gestionnaire de réseau de transport.

77      Cette interprétation est corroborée par les objectifs de la réglementation dans laquelle ladite disposition s’inscrit. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 77 de ses conclusions, dans les cas où, afin de garantir un découplage effectif entre, d’une part, les réseaux de transport et, d’autre part, les activités de production et de fourniture d’électricité et de gaz naturel, il est opté, conformément à l’article 9, paragraphe 8, des directives 2009/72 et 2009/73, pour la mise en place d’un gestionnaire de réseau de transport indépendant, l’obligation d’assurer une indépendance totale et effective de ce gestionnaire au sein de l’EVI justifie que l’article 19, paragraphe 5, de la directive 2009/72 et de la directive 2009/73 soit interprété en ce sens que l’interdiction, qui y est prévue, de détenir des participations dans l’EVI comprend une obligation de cession pour les employés qui détiennent de telles participations. En effet, même dans le cas où ces employés ne participent pas à la gestion courante du gestionnaire de réseau de transport, il ne saurait être exclu qu’ils puissent être en mesure d’influencer les activités de leur employeur et que, dès lors, des situations de conflit d’intérêts puissent se créer s’ils détiennent des participations dans l’EVI ou dans des parties de celle‑ci.

78      En l’espèce, bien que la législation allemande en cause prévoie l’obligation de céder les participations détenues dans le capital de l’EVI, acquises avant le 3 mars 2012, elle limite toutefois cette obligation aux seuls membres de la direction du gestionnaire de réseau de transport. Dès lors que la République fédérale d’Allemagne allègue que cette limitation permet de respecter le droit de propriété des salariés concernant leur participation au capital de l’EVI, garanti par le GG, il importe de rappeler que ce droit est également protégé par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

79      Cependant, l’interprétation de l’article 19, paragraphe 5, de la directive 2009/72 et de la directive 2009/73 figurant aux points 76 et 77 du présent arrêt est conforme au droit de propriété tel que consacré à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. En effet, ce droit n’est pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, à condition que ces restrictions, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas, au regard de ceux-ci, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P, EU:C:2016:701, points 69 et 70 ainsi que jurisprudence citée).

80      Or, l’obligation en cause vise à répondre à l’objectif d’intérêt général, rappelé au point 54 du présent arrêt, consistant à garantir un découplage effectif des réseaux de transport à l’égard des activités de production et de fourniture d’électricité et de gaz naturel, nécessaire à assurer le fonctionnement du marché intérieur de l’énergie et la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

81      Par ailleurs, les interdictions énoncées à l’article 19, paragraphe 5, de la directive 2009/72 et de la directive 2009/73 ne portent pas atteinte, de manière démesurée et intolérable, au droit de propriété au point d’affecter la substance même de ce droit. En effet, ces dispositions prévoient seulement que les personnes qui possèdent un intérêt dans une partie de l’EVI autre que le gestionnaire de réseau de transport ou en reçoivent un avantage financier ne peuvent pas acquérir ou conserver la qualité de responsable de la direction du gestionnaire de réseau de transport, ou de membre des organes administratifs et d’employé de celui‑ci.

82      Dès lors, les détenteurs d’un intérêt dans une autre partie de l’EVI doivent choisir entre la conservation de leur droit de propriétaire et la cession de celui‑ci, afin de pouvoir exercer des fonctions dans le gestionnaire de réseau de transport. En outre, lesdites dispositions ne s’opposent pas à la vente de ces participations à leur prix du marché ou à leur échange par des participations dans le capital du gestionnaire de réseau de transport.

83      Partant, compte tenu de l’objectif d’intérêt général rappelé aux points 54 et 80 du présent arrêt, l’obligation en cause ne constitue pas une intervention excessive et intolérable susceptible de porter atteinte à la substance même du droit de propriété de ces salariés, garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

84      Eu égard aux considérations qui précèdent, le troisième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours doit être accueilli. Il y a donc lieu de constater que, en ayant omis de transposer correctement l’article 19, paragraphe 5, des directives 2009/72 et 2009/73, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.

 Sur le quatrième grief, tiré d’une violation des compétences exclusives de l’autorité de régulation nationale

 Argumentation des parties

85      Par ce grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir transposé correctement l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73, en ce que l’article 24, première phrase, de l’EnWG attribuerait au gouvernement fédéral des compétences pour fixer des tarifs de transport et de distribution, ainsi que pour déterminer les conditions d’accès aux réseaux nationaux et les conditions de services d’ajustement, alors que, en vertu de ces dispositions, de telles compétences relèveraient exclusivement des autorités de régulation nationales (ci‑après les « ARN »).

86      La Commission fait valoir que les règlements adoptés par le gouvernement fédéral au titre de l’article 24, première phrase, de l’EnWG constituent des instructions détaillées adressées à l’ARN sur l’exercice des compétences de régulation de celle-ci. Ces règlements fixeraient la procédure et les modalités de détermination des redevances de réseau en prévoyant des éléments détaillés, tels que des méthodes d’amortissement et l’indexation, et contiendraient des règles détaillées concernant les conditions d’accès au réseau.

87      Or, l’établissement de dispositions aussi détaillées par le gouvernement fédéral empêcherait l’ARN d’exercer son propre pouvoir d’appréciation, de sorte qu’elle serait privée des compétences que les directives 2009/72 et 2009/73 lui attribueraient à titre exclusif. Le droit de l’Union établirait des principes clairs s’agissant des redevances de réseaux, à savoir ceux figurant à l’article 37, paragraphe 10, de la directive 2009/72 et, dans le domaine du gaz naturel, dans le règlement (UE) 2017/460 de la Commission, du 16 mars 2017, établissant un code de réseau sur l’harmonisation des structures tarifaires pour le transport du gaz (JO 2017, L 72, p. 29). En outre, s’agissant des conditions de raccordement au réseau et des conditions d’accès, les codes de réseau européens respectifs contiendraient des dispositions détaillées concernant, entre autres, les points de charge, les producteurs et les installations à haute tension.

88      Tout en admettant que les missions de l’ARN doivent, conformément au droit allemand, être définies et fixées dans des dispositions juridiques, la Commission reproche au législateur allemand d’avoir prévu que les conditions sous lesquelles l’ARN doit accomplir ces missions soient déterminées par voie de règlement du gouvernement fédéral, au lieu d’avoir reconnu à l’ARN une compétence exclusive pour exécuter les missions définies à l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72, ainsi qu’à l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73.

89      Dans ce contexte, la Commission souligne que l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2009/72 et l’article 39, paragraphe 4, de la directive 2009/73 ont renforcé l’indépendance des ARN par rapport à la législation précédente de l’Union.

90      En outre, selon la Commission, à supposer que les principes établis par l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), en matière de délégation de compétence aux agences de l’Union soient également applicables aux ARN, en l’occurrence, le droit de l’Union lui-même a établi de manière suffisante les critères et les conditions qui, conformément à l’arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, points 41 à 54), doivent encadrer la compétence attribuée aux ARN et limiter la marge d’appréciation de celles-ci, de manière à ce que l’exercice de cette compétence puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

91      La République fédérale d’Allemagne, soutenue par le Royaume de Suède, fait valoir, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 194, paragraphe 2, TFUE, les États membres restent compétents pour déterminer les conditions d’exploitation de leurs ressources énergétiques. Eu égard à l’objectif, notamment, d’arrêter la production d’énergie nucléaire jusqu’à l’année 2022, il serait nécessaire de procéder à une « extension substantielle » des réseaux de transport d’électricité et de gaz naturel, tout en assurant que les coûts y afférents ne dépassent pas un ordre de grandeur acceptable pour les consommateurs.

92      Dans ce contexte, l’article 24 de l’EnWG autoriserait le gouvernement fédéral « à exercer un pouvoir réglementaire, avec le [consentement] du Bundesrat, au sens de l’article 80, paragraphe 1, du GG ». En effet, si l’ARN dispose d’une « marge de manœuvre considérable », le principe de légalité, dans son volet de principe de réserve de loi, corollaires du principe de l’État de droit, imposerait que l’exercice du pouvoir administratif de cette autorité soit « structuré d’avance », de manière à garantir, conformément aux exigences du GG, que la chaîne de légitimation démocratique ne soit pas interrompue.

93      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’article 24, première phrase, de l’EnWG est compatible avec les dispositions des directives 2009/72 et 2009/73 relatives aux missions de l’ARN. En effet, le libellé de ces dernières dispositions ne permettrait pas de considérer que l’ARN doit être obligatoirement compétente pour fixer tant les tarifs de transport ou de distribution que les méthodes de calcul de ces tarifs. Une interprétation en sens contraire s’opposerait à l’esprit, aux finalités et à la genèse de ces directives.

94      Conformément au principe de l’autonomie procédurale des États membres, ceux‑ci disposeraient d’un pouvoir d’appréciation s’agissant de la transposition des dispositions des directives 2009/72 et 2009/73 portant sur les compétences des ARN. Dans le cas de la République fédérale d’Allemagne, les méthodes de calcul seraient déterminées en termes généraux et abstraits par le législateur et l’autorité réglementaire, alors que l’ARN serait compétente pour compléter ces méthodes et, en partie, les modifier ainsi que pour adopter des décisions concrètes sur la base desdites méthodes de calcul. En l’absence de prescriptions matérielles suffisamment précises sur la détermination des méthodes d’accès au réseau et de tarification, et afin d’assurer une transposition correcte des directives, les États membres seraient tenus d’élaborer leurs propres critères pour encadrer le pouvoir réglementaire des ARN.

95      Cette conception ne serait pas infirmée par l’arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Belgique (C‑474/08, non publié, EU:C:2009:681), dans la mesure où, en l’espèce, les règlements adoptés sur le fondement de l’article 24 de l’EnWG sont des lois au sens matériel et non des instructions du gouvernement fédéral adoptées dans l’exercice de sa fonction de pouvoir exécutif hiérarchiquement supérieur à l’ARN. En effet, lorsque le gouvernement fédéral adopte des règlements sur ce fondement, « il n’agit pas en tant que branche du pouvoir exécutif, mais accomplit une mission législative » avec le consentement du Bundesrat. Ces règlements ne constitueraient donc pas une atteinte à l’indépendance de l’ARN, celle-ci n’étant pas soumise à des instructions du gouvernement ou d’autres autorités.

96      Enfin, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que les principes établis par l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), sont aussi applicables lorsque le législateur de l’Union confie des compétences aux autorités nationales indépendantes. Selon ces principes, l’attribution de compétence à ces autorités ne serait possible que si le législateur de l’Union a adopté, au préalable, des dispositions suffisamment précises sur les missions et la compétence de telles autorités. Lorsque ce législateur n’a pas adopté de telles dispositions, il reviendrait aux États membres de les adopter. Cette même exigence résulterait des principes démocratiques et de l’État de droit, qui font partie des structures fondamentales politiques et constitutionnelles de la République fédérale d’Allemagne, que l’Union doit respecter en vertu de l’article 4, paragraphe 2, TUE.

97      Dans son mémoire en duplique, la République fédérale d’Allemagne reproche à la Commission un élargissement irrecevable de l’objet du litige, en ce qu’elle aurait, dans son mémoire en réplique, avancé un grief supplémentaire, tiré d’une violation de l’indépendance de l’ARN, ou modifié le grief initial.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

98      Il y a lieu de rappeler, d’emblée, qu’une partie ne peut, en cours d’instance, modifier l’objet du litige et que le bien-fondé d’un recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance (voir, notamment, arrêt du 11 novembre 2010, Commission/Portugal, C-543/08, EU:C:2010:669, point 20 et jurisprudence citée).

99      En outre, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour, il incombe à la Commission, dans toute requête déposée au titre de l’article 258 TFUE, d’indiquer les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Bulgarie, C-145/14, non publié, EU:C:2015:502, point 28 et jurisprudence citée).

100    Par son quatrième grief, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir transposé correctement l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73, dans la mesure où l’article 24, première phrase, de l’EnWG attribuerait au gouvernement fédéral des compétences qui, en vertu de ces dispositions, seraient des compétences exclusives de l’ARN.

101    Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 100 de ses conclusions, tant l’attribution à une entité autre que l’ARN du pouvoir d’intervenir dans des domaines relevant de la compétence de l’ARN que l’assujettissement de cette dernière à des dispositions adoptées par d’autres entités, encadrant de manière détaillée l’exercice des compétences qui lui sont réservées, sont de nature à limiter la possibilité pour l’ARN d’adopter, dans ces domaines, des décisions de manière autonome et sans influence extérieure.

102    Il s’ensuit que le quatrième grief vise des questions qui sont étroitement liées, dans la mesure où l’attribution à une entité autre que l’ARN de compétences réservées à cette dernière est, selon la Commission, susceptible de constituer une violation de l’indépendance de cette autorité, dès lors que, conformément à l’article 35 de la directive 2009/72 et à l’article 39 de la directive 2009/73, ces compétences doivent être exercées de façon autonome. Dès lors, les arguments soulevés par la Commission concernant l’indépendance des ARN ne sauraient être considérés comme constituant un grief nouveau, différent de celui invoqué initialement, ni comme une modification du grief initial. Partant, ces arguments sont recevables.

–       Sur le fond

103    L’article 37, paragraphe 1, de la directive 2009/72 et l’article 41, paragraphe 1, de la directive 2009/73 confèrent à l’ARN des compétences variées, dont, notamment, au point a) de ces paragraphes, celles de fixer ou d’approuver, selon des critères transparents, les tarifs de transport et de distribution ou leurs méthodes de calcul.

104    L’article 37, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 et l’article 41, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73, pour leur part, confèrent, en particulier, à l’ARN la compétence pour fixer ou approuver au moins les méthodes utilisées pour calculer ou établir les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux nationaux, y compris les tarifs applicables, ainsi que les conditions de la prestation de services d’ajustement, dans le cadre de la première directive, et d’équilibrage, dans le cadre de la seconde.

105    L’expression « au moins » figurant au libellé de ces dispositions, lues à la lumière, respectivement, du considérant 36 de la directive 2009/72 et du considérant 32 de la directive 2009/73, indique que la détermination des méthodes pour calculer ou établir les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux nationaux, y compris les tarifs applicables, fait partie des compétences réservées aux ARN directement par ces directives.

106    À cet égard, la Cour a déjà jugé, en interprétant l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2003/54, lequel contenait des dispositions analogues à celles mentionnées au point 104 du présent arrêt, que l’attribution à une autorité autre que l’ARN de la compétence pour la détermination d’éléments importants s’agissant de la fixation des tarifs, tels que la marge bénéficiaire, n’était pas conforme à ces dispositions, dans la mesure où une telle attribution réduisait l’étendue des compétences réservées à l’ARN par cette directive (voir, par analogie, arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Belgique, C‑474/08, non publié, EU:C:2009:681, points 29 et 30).

107    Par ailleurs, l’article 35, paragraphe 4, sous a), et paragraphe 5, sous a), de la directive 2009/72, ainsi que l’article 39, paragraphe 4, sous a), et paragraphe 5, sous a), de la directive 2009/73 prévoient que les ARN exercent leur compétence de manière indépendante de toute entité publique ou de tout organe politique.

108    S’agissant de la notion d’« indépendance », qui n’est définie ni par la directive 2009/72 ni par la directive 2009/73, la Cour a déjà jugé que, en ce qui concerne les organes publics, cette notion désigne, dans son sens habituel, un statut qui assure à l’organe concerné la possibilité d’agir en toute liberté par rapport aux organismes à l’égard desquels l’indépendance de cet organe doit être assurée, à l’abri de toute instruction et de toute influence extérieure (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Prezident Slovenskej republiky, C-378/19, EU:C:2020:462, points 32 et 33).

109    La Cour a précisé que cette indépendance décisionnelle implique que, dans le cadre des missions et des compétences de régulation visées à l’article 37 de la directive 2009/72, l’ARN adopte ses décisions de manière autonome, sur le seul fondement de l’intérêt public, pour assurer le respect des objectifs poursuivis par cette directive, sans être soumise à des instructions externes provenant d’autres organes publics ou privés (arrêt du 11 juin 2020, Prezident Slovenskej republiky, C‑378/19, EU:C:2020:462, point 54).

110    Certes, en vertu de l’article 35, paragraphe 4, sous b), ii), de la directive 2009/72 et de l’article 39, paragraphe 4, sous b), ii), de la directive 2009/73, l’exigence d’indépendance qui y est visée est sans préjudice d’orientations générales édictées par le gouvernement. Toutefois, il ressort clairement du libellé de ces dispositions que de telles orientations générales ne concernent pas les missions ni les compétences de régulation visées, respectivement, à l’article 37 de la directive 2009/72 et à l’article 41 de la directive 2009/73.

111    Il importe de souligner, dans ce contexte, que ces directives visent aussi, conformément au considérant 33 de la première et au considérant 29 de la seconde, à renforcer l’indépendance des ARN à l’égard du régime prévu par la réglementation antérieure.

112    Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 112 de ses conclusions, la pleine indépendance des ARN à l’égard des entités économiques et des entités publiques, que celles‑ci soient des organes administratifs ou des organes politiques et, dans ce dernier cas, titulaires du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif, est nécessaire pour garantir que les décisions prises par les ARN soient impartiales et non discriminatoires, en excluant la possibilité de privilégier les entreprises et les intérêts économiques liés au gouvernement, à la majorité ou, en tout cas, au pouvoir politique. En outre, la stricte séparation à l’égard du pouvoir politique permet aux ARN d’inscrire leur action dans une perspective à long terme, qui est nécessaire pour réaliser les objectifs des directives 2009/72 et 2009/73.

113    Il s’ensuit qu’une interprétation de l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que de l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73, en ce sens qu’il est loisible à un gouvernement national de fixer ou d’approuver les méthodes de calcul des tarifs d’accès au réseau et des services d’ajustement ou d’équilibrage à utiliser par les ARN mettrait à mal les objectifs poursuivis par ces directives.

114    Or, en l’espèce, l’article 24, première phrase, de l’EnWG attribue au gouvernement fédéral, moyennant le consentement du Bundesrat, la compétence non seulement pour fixer les conditions d’accès au réseau, y compris la prestation de services d’ajustement, ou des méthodes de détermination de ces conditions, ainsi que des méthodes de détermination des redevances d’accès au réseau, mais également pour décider dans quels cas et sous quel encadrement l’ARN peut fixer lesdites conditions ou méthodes, ou les approuver à la demande du gestionnaire de réseau ainsi que dans quels cas particuliers d’utilisation du réseau et sous quelles conditions l’ARN peut, ponctuellement, approuver ou interdire des redevances individuelles d’accès à ce réseau.

115    L’article 24, première phrase, de l’EnWG confère ainsi directement au gouvernement fédéral certaines compétences exclusivement réservées à l’ARN, de même qu’elle lui attribue le pouvoir d’habiliter l’ARN à exercer ces compétences, en violation des dispositions de l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que de l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73.

116    Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 106 de ses conclusions, l’indépendance conférée par les directives 2009/72 et 2009/73 à l’ARN dans le cadre des missions et des compétences qui lui sont confiées, à titre exclusif, à l’article 37 de la première directive et à l’article 41 de la seconde, ne peut pas être limitée par des actes tels que, en l’occurrence, les règlements adoptés par le gouvernement fédéral, avec le consentement du Bundesrat, au titre de l’article 24 de l’EnWG.

117    Cette appréciation ne saurait être infirmée par aucun des arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne.

118    Premièrement, s’agissant du principe de l’autonomie procédurale des États membres, il résulte de l’article 288 TFUE que ceux-ci sont obligés, lors de la transposition d’une directive, d’assurer le plein effet de celle-ci, tout en disposant d’une ample marge d’appréciation quant au choix des voies et des moyens destinés à en assurer la mise en œuvre. Cette liberté laisse ainsi entière l’obligation, pour chacun des États membres destinataires, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le plein effet de la directive concernée, conformément à l’objectif que celle-ci poursuit (arrêt du 19 octobre 2016, Ormaetxea Garai et Lorenzo Almendros, C-424/15, EU:C:2016:780, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

119    Il s’ensuit que, si les États membres jouissent d’une autonomie dans l’organisation et la structuration de leurs ARN, cette autonomie doit cependant être exercée dans le plein respect des objectifs et des obligations fixés par les directives 2009/72 et 2009/73 (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Prezident Slovenskej republiky, C‑378/19, EU:C:2020:462, point 38 et jurisprudence citée), visant à garantir que, dans l’exercice des compétences réservées aux ARN, ces dernières adoptent leurs décisions de manière autonome.

120    Deuxièmement, s’agissant du manque allégué de précision des dispositions matérielles des directives en cause quant à la détermination des méthodes d’accès au réseau et de tarification, il ressort de l’article 37, paragraphe 1, de la directive 2009/72 et de l’article 41, paragraphe 1, de la directive 2009/73 que les tarifs de transport et de distribution ou leurs méthodes de calcul doivent être déterminés selon des critères transparents. En vertu du paragraphe 6, sous a), de ces deux articles, ces tarifs et leurs méthodes de calcul ainsi que les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux nationaux, doivent être déterminés en tenant compte de la nécessité de réaliser les investissements nécessaires à la viabilité des réseaux. Il ressort, par ailleurs, du paragraphe 10 desdites dispositions que de tels tarifs et méthodes de calcul doivent être proportionnés et appliqués de manière non discriminatoire.

121    En outre, s’agissant des services d’ajustement et d’équilibrage, l’article 37 de la directive 2009/72 et l’article 41 de la directive 2009/73 prévoient respectivement, à leur paragraphe 6, sous b), que ces services doivent être assurés de la manière la plus économique possible, doivent fournir aux utilisateurs du réseau des éléments d’incitation appropriés pour qu’ils équilibrent leur apport et leur consommation et doivent être équitables, non discriminatoires et fondés sur des critères objectifs. Enfin, en vertu du paragraphe 8 de ces articles, lors de la fixation ou de l’approbation des tarifs ou des méthodes et des services d’ajustement, dans le cadre de la première directive, et d’équilibrage, dans le cadre de la seconde, les ARN doivent prévoir des mesures incitatives appropriées, à court et à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseau de transport et de distribution à améliorer les performances, à favoriser l’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement et à soutenir les activités de recherche connexes.

122    Les critères prévus dans les directives 2009/72 et 2009/73 sont précisés par d’autres actes normatifs, à savoir, respectivement, le règlement (CE) nº 714/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) nº 1228/2003 (JO 2009, L 211, p. 15), ainsi que le règlement (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) no 1775/2005 (JO 2009, L 211, p. 36), qui sont applicables aux échanges transfrontaliers [voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Commission/Belgique (Marchés de l’électricité et du gaz naturel), C‑767/19, EU:C:2020:984, point 112]. Ces règlements sont complétés par différents codes de réseau institués au moyen de règlements de la Commission.

123    Eu égard à un cadre normatif aussi détaillé à l’échelle de l’Union, dont il ressort, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 118 de ses conclusions, que les tarifs et méthodes de calcul pour les échanges internes et transfrontaliers doivent être déterminés sur la base de critères uniformes, l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle, aux fins de la transposition des directives 2009/72 et 2009/73, il serait nécessaire d’élaborer, à l’échelle nationale, des critères de calcul des tarifs, ne saurait donc prospérer.

124    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la réglementation adoptée au titre de l’article 24 de l’EnWG est de nature législative, ce qui serait nécessaire pour garantir la légitimation démocratique, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, TUE, le fonctionnement de l’Union est fondé sur le principe de démocratie représentative, qui concrétise la valeur de démocratie mentionnée à l’article 2 TUE (arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies, C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 63 et jurisprudence citée).

125    Ce principe est pleinement reflété par la procédure législative au cours de laquelle les directives 2009/72 et 2009/73 ont été adoptées. En tant que principe commun aux États membres, il doit être pris en compte lors de l’interprétation de ces directives et notamment des dispositions de celles-ci qui sont en cause (voir, par analogie, arrêt du 9 mars 2010, Commission/Allemagne, C‑518/07, EU:C:2010:125, point 41).

126    La Cour a déjà jugé que le principe de démocratie ne s’oppose pas à l’existence d’autorités publiques situées en dehors de l’administration hiérarchique classique et plus ou moins indépendantes du gouvernement, qui exercent souvent des fonctions régulatrices ou des missions qui doivent être soustraites à l’influence politique, tout en restant soumises au respect de la loi, sous le contrôle des juridictions compétentes. Le fait de conférer aux ARN un statut indépendant de l’administration générale n’est pas en soi de nature à priver ces autorités de leur légitimité démocratique, dans la mesure où elles ne sont pas soustraites à toute influence parlementaire (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, Commission/Allemagne, C‑518/07, EU:C:2010:125, points 42, 43 et 46).

127    Or, les directives 2009/72 et 2009/73 ne s’opposent pas à ce que les personnes assumant la direction des ARN soient nommées par le parlement ou par le gouvernement (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Prezident Slovenskej republiky, C‑378/19, EU:C:2020:462, points 36 à 39). Elles ne s’opposent pas non plus, ainsi qu’il ressort du considérant 34 de la première directive et du considérant 30 de la seconde, à ce que ces autorités soient soumises au contrôle parlementaire conformément au droit constitutionnel des États membres.

128    Par ailleurs, l’article 37, paragraphe 17, de la directive 2009/72 et l’article 41, paragraphe 17, de la directive 2009/73 imposent aux États membres d’établir, au niveau national, des mécanismes appropriés permettant à une partie lésée par une décision de l’ARN de saisir un organisme indépendant des parties concernées et des gouvernements. Une telle exigence est un corollaire du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 47 de la Charte [arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Hongrie (Redevances d’accès aux réseaux de transport d’électricité et de gaz naturel), C‑771/18, EU:C:2020:584, point 61 ainsi que jurisprudence citée].

129    Dans ces conditions, la République fédérale d’Allemagne ne saurait invoquer le principe de la démocratie, garanti dans l’Union, pour attribuer à une autorité autre que l’ARN des compétences incombant exclusivement à cette dernière, en vertu de l’article 37, paragraphe 1, sous a) et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que de l’article 41, paragraphe 1, sous a) et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73.

130    En outre, même si les règlements adoptés par le gouvernement fédéral, en vertu de l’article 24 de l’EnWG, revêtent le caractère de « lois matérielles », il convient de relever, à l’instar de M. l’avocat général, au point 124 de ses conclusions, que la compétence attribuée par les directives 2009/72 et 2009/73 exclusivement aux ARN et l’indépendance de celles‑ci doivent être garanties à l’égard de tout organe politique, et donc non seulement à l’égard du gouvernement, mais également à l’égard du législateur national, lequel ne saurait soustraire une partie de ces pouvoirs aux ARN et les attribuer à d’autres organes publics.

131    Quatrièmement, quant à l’argument tiré de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si cette jurisprudence est applicable dans un cas tel que celui de l’espèce, relatif à des autorités nationales désignées par les États membres en application d’une directive, il y a lieu de relever, à l’instar de M. l’avocat général, au point 134 de ses conclusions, que l’interprétation de l’article 37 de la directive 2009/72 et de l’article 41 de la directive 2009/73 résultant notamment des points 105 et 113 du présent arrêt est, en tout état de cause, conforme à une telle jurisprudence. Selon celle-ci, il n’est pas permis de déléguer à des entités de nature administrative une marge d’appréciation qui soit susceptible de traduire, par l’usage qui en est fait, de véritables choix de nature politique, en substituant les choix de l’autorité délégataire à ceux de l’autorité délégante, opérant ainsi un « véritable déplacement de responsabilité ». En revanche, est autorisée une délégation de pouvoirs d’exécution nettement délimités et dont l’usage est ainsi susceptible d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs fixés par l’autorité délégante (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2014, Royaume‑Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, points 41, 42 et 54).

132    En effet, d’une part, les compétences réservées aux ARN relèvent du domaine de l’exécution, sur la base d’une appréciation technique spécialisée de la réalité. D’autre part, ainsi qu’il découle des points 120 à 123 du présent arrêt, dans l’exercice de ces compétences, les ARN sont subordonnées à des principes et à des règles établis par un cadre normatif aussi détaillé à l’échelle de l’Union, qui limitent leur marge d’appréciation et les empêchent de faire des choix de nature politique.

133    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le quatrième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours et de constater que, en ayant omis de transposer correctement l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

135    La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

136    Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, il convient de décider que le Royaume de Suède supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1)      En ayant omis de transposer correctement :

–        l’article 2, point 21, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, et l’article 2, point 20, de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE,

–        l’article 19, paragraphes 3 et 8, des directives 2009/72 et 2009/73,

–        l’article 19, paragraphe 5, des directives 2009/72 et 2009/73,

–        l’article 37, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/72 ainsi que l’article 41, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2009/73,

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.

2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

3)      Le Royaume de Suède supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.