Language of document : ECLI:EU:T:2014:681

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 juillet 2014(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’une bouteille de boisson alcoolisée – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, article 75, article 76, paragraphe 1, et article 77 du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑66/13,

Franz Wilhelm Langguth Erben GmbH & Co. KG, établie à Traben-Trarbach (Allemagne), représentée par Mes R. Kunze et G. Würtenberger, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. G. Marten, G. Schneider et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 22 novembre 2012 (affaire R 129/2012‑1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une bouteille de boisson alcoolisée comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 mai 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 10 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 mai 2011, la requérante, Franz Wilhelm Langguth Erben GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque demandée est le signe suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières), liqueur de mûre ».

4        Par décision du 18 novembre 2011, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

5        Le 18 janvier 2012, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 22 novembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens d’annulation tirés, premièrement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, deuxièmement, de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du même règlement, troisièmement, de la violation de l’article 77 du même règlement et, quatrièmement, d’un détournement de pouvoir.

 Considérations liminaires

 Sur la recevabilité du mémoire en réponse

10      Lors de l’audience, la requérante a soulevé l’irrecevabilité du mémoire en réponse au motif que ce mémoire ne serait pas signé, contrairement aux exigences de l’article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      Aux termes de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, « [l]’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat de la partie ».

12      L’article 43, paragraphe 7, du règlement de procédure dispose :

« Sans préjudice des dispositions des paragraphes 1, premier alinéa, et des paragraphes 2 à 5, le Tribunal peut, par décision, déterminer les conditions dans lesquelles un acte de procédure transmis au greffe par voie électronique est réputé être l’original de cet acte. Cette décision est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. »

13      Par décision du 14 septembre 2011 relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO C 289, p. 9), le Tribunal a institué un mode de dépôt et de signification d’actes de procédure par voie électronique.

14      L’article 3 de cette décision du 14 septembre 2011 dispose :

« Un acte de procédure déposé par e-Curia est réputé être l’original de cet acte, au sens de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque l’identifiant et le mot de passe du représentant ont été utilisés pour effectuer ce dépôt. Cette identification vaut signature de l’acte en cause. »

15      En l’espèce, le mémoire en réponse a été déposé par la voie de l’application e-Curia, par M. G. Schneider, représentant de l’OHMI, conformément à la disposition mentionnée au point 14 ci-dessus.

16      Le mémoire en réponse répondant donc aux conditions de l’article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’exception d’irrecevabilité est rejetée.

 Sur le renvoi global aux arguments présentés dans la procédure administrative

17      À la fin de la requête, la requérante indique que, pour éviter toute répétition, elle renvoie également à l’ensemble des arguments ayant déjà fait l’objet de la procédure administrative, c’est-à-dire, en particulier, au mémoire du 4 novembre 2011 ainsi qu’à l’exposé des motifs du 19 mars 2012, qu’elle indique inclure dans le présent recours.

18      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui [voir arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, Rec. p. II‑1113, point 17, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 2012, Scandic Distilleries/OHMI – Bürgerbräu, Röhm & Söhne (BÜRGER), T‑460/11, non publié au Recueil, point 16].

19      Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de la disposition susvisée, doivent figurer dans la requête [arrêts du Tribunal ECA, point 18 supra, point 18 ; du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, Rec. p. II‑3113, point 11, et du 19 octobre 2006, Bitburger Brauerei /OHMI – Anheuser-Busch (BUD, American Bud et Anheuser Busch Bud), T‑350/04 à T‑352/04, Rec. p. II‑4255, point 33].

20      Dès lors que la requérante se contente de renvoyer globalement, dans la requête, aux arguments exposés dans une procédure précédente, sans identifier ni les points spécifiques de la requête qu’elle souhaite compléter par ce renvoi ni les extraits des annexes où seraient exposés ces éventuels arguments, le Tribunal n’a pas à rechercher dans les annexes les arguments auxquels la requérante pourrait faire référence ni à les examiner, de tels arguments étant irrecevables.

 Sur la nature de la marque demandée

21      Aux termes de l’article 4 du règlement n° 207/2009, « [p]euvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment […] la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ».

22      En l’espèce, il ressort du formulaire de demande de marque déposé par la requérante devant l’OHMI que la marque demandée l’a été en tant que marque figurative. La requérante n’a pas fait formellement référence, dans sa demande, à un caractère tridimensionnel de la marque demandée.

23      Toutefois, il ressort tant de la représentation graphique de la marque demandée, constituée d’une photographie d’une bouteille révélant clairement ses formes tridimensionnelles, que des échanges entre les parties dans la procédure administrative puis devant le Tribunal, échanges relatifs non à un signe simplement bidimensionnel, mais à une bouteille prise en tant que forme ou conditionnement du produit, que la protection sollicitée par la requérante – et refusée par l’OHMI – ne vise, en réalité, pas un signe figuratif bidimensionnel, mais la forme de la bouteille elle-même.

24      C’est donc bien, suivant d’ailleurs la perception correcte et partagée par les parties dans leurs écritures et lors de l’audience, au regard d’un signe tridimensionnel qu’il convient d’examiner, au vu des moyens et arguments du présent recours, la légalité de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009

25      La requérante soutient que la chambre de recours s’est trompée en concluant au défaut de caractère distinctif de la marque demandée.

26      La chambre de recours considèrerait à tort que la forme de la marque demandée s’intègre bien parmi les formes de bouteilles invoquées par la requérante et représentées au point 23 de la décision attaquée. Elle contredirait les faits en affirmant ne pas avoir connaissance d’une pratique des consommateurs consistant à acheter les bouteilles de liqueur en fonction de leur forme, pratique qui existerait nonobstant l’existence d’un étiquetage. La requérante critique la référence effectuée par la chambre de recours au fait que la marque demandée serait utilisée avec une étiquette.

27      Cette marque se distinguerait nettement, par ses formes, des bouteilles de liqueurs et de boissons alcoolisées classiques.

28      Au surplus, elle comporterait l’élément distinctif supplémentaire constitué de l’élément verbal « echte kroatzbeere », dont le second terme ne serait pas un terme allemand courant et ne renverrait donc pas suffisamment concrètement le public pertinent au contenu de la bouteille. La chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié cet élément verbal, tout en le jugeant, par ailleurs et de manière contradictoire, non reconnaissable par le public pertinent. En outre, la chambre de recours spéculerait sur l’utilisation possible de la marque demandée.

29      Des enregistrements communautaires antérieurs existeraient pour des formes de bouteilles tout aussi distinctives que la marque demandée et comportant des inscriptions tout aussi facilement ou difficilement identifiables que celle figurant sur la marque demandée.

30      La chambre de recours méconnaitrait le droit que la requérante tirerait de la marque communautaire verbale Echte Kroatzbeere déjà enregistrée et, par ses appréciations au sujet de l’expression « echte kroatzbeere », priverait la requérante de son statut de titulaire de cette marque verbale.

31      L’OHMI conteste la position de la requérante.

32      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

33      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, Rec. p. I‑10205, point 42, et la jurisprudence citée).

34      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 33 supra, point 43, et la jurisprudence citée).

35      En l’espèce, il est constant que les produits visés par la demande de marque s’adressent aux consommateurs finals et sont des produits de consommation courante. En conséquence et eu égard au fait que l’expression « echte kroatzbeere » en allemand figure, de manière discrète, mais reconnaissable, sur la bouteille, le public pertinent est, ainsi que l’a constaté en substance la chambre de recours, le consommateur germanophone moyen de l’Union européenne normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

36      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 33 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

37      Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 33 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

38      Plus particulièrement, l’emballage d’un produit liquide étant un impératif de commercialisation, le consommateur moyen lui attribue, en premier lieu, une simple fonction de conditionnement. Une marque tridimensionnelle constituée d’un tel conditionnement n’est distinctive que si elle permet au consommateur moyen d’un tel produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer le produit concerné de ceux des autres entreprises [arrêt de la Cour du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, Rec. p. I‑1725, point 53 ; arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 24].

39      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’indication de l’origine commerciale n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 33 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

40      En l’espèce, la marque demandée consiste dans la forme d’une bouteille, de corps cylindrique s’élargissant régulièrement jusqu’à l’épaule et surmonté d’un goulot long et légèrement arrondi en partie basse. Le bas du corps de la bouteille comporte l’inscription en relief « Echte Kroatzbeere ».

41      Tout d’abord, le Tribunal considère, à l’instar de la chambre de recours, que la forme de la bouteille en cause, si elle diffère certes, à certains égards, des formes de bouteilles fournies par la requérante à la chambre de recours et reproduites au point 23 de la décision attaquée, ne diverge pour autant pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur. Au contraire, la marque demandée présente des formes relativement banales dans le contexte des bouteilles de liqueur ou de boissons alcoolisées classiques. C’est donc à tort que la requérante prétend que la forme de la bouteille en cause se distingue fortement des formes présentes sur le marché.

42      Ensuite, s’agissant de l’expression « echte kroatzbeere » figurant en relief au bas du corps de la bouteille, la chambre de recours a correctement considéré, dans les appréciations circonstanciées des points 31 à 34 de la décision attaquée, que cette expression, pour autant qu’elle fût reconnaissable, renvoyait le public pertinent au contenu de la bouteille et était, donc, dépourvue de caractère distinctif. Les définitions du dictionnaire allemand Duden invoquées par la requérante à l’encontre de la position de la chambre de recours corroborent d’ailleurs cette position plus qu’elles ne l’infirment. Ce dictionnaire connait le terme « kroatzbeere » et le définit comme renvoyant au terme « kratzbeere », lui-même définit comme un régionalisme principalement synonyme de « brombeere » (mûres).

43      Ainsi et comme l’a relevé la chambre de recours, le consommateur germanophone de l’Union présumera que la bouteille contient de la liqueur à base de mûres ou, s’il n’identifie pas exactement la sorte de baie désignée sous le terme « kroatzbeere », de la liqueur à base d’une certaine sorte de baie, la Kroatzbeere.

44      En outre et comme l’a relevé la chambre de recours, l’élément verbal « echte », adjectif qualificatif banal associé au terme « kroatzbeere », n’a pas pour effet de rendre l’expression distinctive, mais seulement d’informer le consommateur, dans un but promotionnel, qu’il est question d’une liqueur à base de « véritables » baies.

45      La requérante fait cependant valoir que, ce faisant, la chambre de recours spécule sur une possible utilisation de la marque, bien qu’il n’existe aucun motif pour cela, s’il est considéré que les produits pour lesquels la protection est demandée sont constitués de tous les produits de la classe 33.

46      Cet argument revient à soutenir que l’appréciation de la chambre de recours s’agissant du caractère descriptif de l’expression « echte kroatzbeere » ne pourrait valoir à l’égard de l’ensemble des « boissons alcoolisées (sauf les bières) » visées dans la demande de marque, lequel ensemble comporterait de nombreux alcools d’autres types que la liqueur de mûres.

47      Force est, toutefois, de constater que les produits intitulés « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) » mentionnés dans la demande de marque englobent déjà la liqueur de mûres (ainsi d’ailleurs que toutes les boissons alcoolisées à base de mûres). Compte tenu de la généralité de cette première partie de la liste des produits, la mention « liqueur de mûres » ajoutée à sa suite par la requérante n’étend en rien le champ de la demande de marque à des produits qui ne seraient pas déjà couverts par cette première partie de la liste.

48      Or, la requérante n’a procédé à aucune limitation de sa demande de marque aux fins d’exclure de son champ la liqueur de mûres. Dans ces conditions, la chambre de recours n’avait pas, pour son appréciation de l’expression « echte kroatzbeere » dans le cadre de son examen du motif absolu de refus, à étendre son analyse au-delà de ce produit. L’appréciation de la chambre de recours relative au caractère descriptif de l’expression « echte kroatzbeere » était suffisamment fondée sur la base d’un examen limité à la liqueur de mûres.

49      À cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’un signe verbal soit descriptif par rapport à une partie seulement des produits ou des services relevant d’une catégorie mentionnée en tant que telle dans la demande d’enregistrement n’empêche pas que ce signe soit refusé à l’enregistrement. En effet, si, dans un tel cas, le signe en question était enregistré en tant que marque communautaire pour la catégorie visée, rien n’empêcherait son titulaire de l’utiliser également pour les produits ou services de cette catégorie pour lesquels il est descriptif [voir arrêt du Tribunal du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, non publié au Recueil, point 27].

50      Il découle des considérations qui précèdent que l’argument de la requérante mentionné au point 45 ci-dessus doit être rejeté comme non fondé.

51      S’agissant, enfin, de la combinaison de la forme de la bouteille et de l’inscription « Echte Kroatzbeere » figurant à sa base, la chambre de recours a correctement considéré qu’elle n’était pas un signe susceptible, en lui-même, de constituer une indication d’origine commerciale.

52      Cette conclusion de la chambre de recours sur l’absence de caractère distinctif de la marque demandée n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

53      S’agissant de la circonstance, relevée par la requérante, selon laquelle l’OHMI a déjà enregistré comme marque communautaire le signe verbal Echte Kroatzbeere pour les mêmes produits que ceux visés par la marque demandée, il convient de rappeler que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union et que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, que les chambres de recours sont amenées à prendre en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Ainsi, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise antérieurement afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement d’une marque doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’une marque en tant que marque communautaire dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si la marque en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêts du Tribunal du 22 novembre 2011, LG Electronics/OHMI (DIRECT DRIVE), T‑561/10, non publié au Recueil, point 31, et du 8 novembre 2012, Hartmann/OHMI (Nutriskin Protection Complex), T‑415/11, non encore publié au Recueil, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, points 73 à 77, et la jurisprudence citée].

54      Ainsi et contrairement à ce que suggère la requérante, la chambre de recours n’était pas strictement liée par l’enregistrement antérieur de la marque verbale « Echte Kroatzbeere ». C’est logiquement que, après avoir examiné l’expression « chte roatzbeere » et avoir, à juste titre, considéré qu’elle était seulement susceptible d’être perçue par le public pertinent comme une information sur la nature et la qualité du contenu de la bouteille, la chambre de recours a rappelé que l’enregistrement d’une marque qui ne peut bénéficier de protection ne donne pas droit à l’enregistrement d’une autre marque dépourvue de caractère distinctif.

55      À cet égard, il convient d’ajouter que la présente procédure concerne uniquement la marque demandée. Dès lors et contrairement à ce que soutient la requérante, les appréciations de la chambre de recours au sujet de l’expression « chte roatzbeere », de même que la considération de la chambre de recours évoquée en dernière phrase du point précédent, n’ont pas pour effet d’annuler l’enregistrement de la marque communautaire verbale « Echte Kroatzbeere », ni de priver la requérante de son statut de titulaire de cette marque.

56      S’agissant des enregistrements antérieurs de bouteilles par l’OHMI invoqués par la requérante et présentés en annexe B à son mémoire du 4 novembre 2011 devant l’OHMI, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que toutes ces bouteilles présentent des éléments distinctifs. Cela ressort sinon des formes de ces bouteilles, du moins de la présence, dans chaque cas, sur le corps de la bouteille, d’une dénomination ou d’un autre signe – acronyme ou initiale stylisés – distinctifs.

57      Par contraste, en l’espèce, non seulement la forme de la marque demandée ne se distingue pas suffisamment de la norme ou des habitudes du secteur, mais encore l’inscription « Echte Kroatzbeere » qu’elle comporte ne présente pas de caractère distinctif mais est seulement perceptible par le public pertinent comme une indication de la nature et de la qualité du produit.

58      S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle les producteurs de liqueurs auraient pour habitude d’utiliser toujours les mêmes formes de bouteilles, dans le but qu’elles acquièrent un caractère reconnaissable avec le temps, il suffit de relever que, quoi qu’il en soit de cette affirmation, la requérante ne s’est, de toute manière, pas prévalue, dans la procédure devant l’OHMI, d’un caractère distinctif acquis par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, dans le cas de la marque demandée. La référence de la requérante à la célèbre bouteille de Coca-Cola est, dans ce contexte, dénuée de pertinence.

59      Par ailleurs et pour autant, comme le soutient la requérante, que cette prétendue habitude des producteurs de liqueurs entrainerait que le consommateur doit être considéré comme a priori conscient que la forme d’une bouteille de liqueur peut constituer une indication d’origine commerciale, une telle considération générale, au demeurant discutable, n’implique nullement que, en l’espèce, la marque demandée présentait un caractère distinctif intrinsèque.

60      D’une part, le public pertinent, composé des consommateurs moyens, excède largement le cercle des amateurs de liqueurs, plus particulièrement susceptible d’avoir éventuellement connaissance d’une telle prétendue habitude des producteurs de liqueurs, et d’en tirer des conséquences.

61      D’autre part, même dans l’hypothèse où le consommateur moyen connaitrait cette prétendue habitude et serait a priori conscient que la forme d’une bouteille de liqueur peut constituer une indication d’origine commerciale, encore faudrait-il, pour qu’il perçoive spontanément une telle indication dans la forme d’une bouteille, que cette forme s’écarte suffisamment des formes habituelles.

62      Or, et ainsi qu’il l’a été considéré correctement par la chambre de recours, quand bien même certains consommateurs se baseraient, lors de l’acquisition de liqueurs, sur la forme de la bouteille pour présumer son origine commerciale, il leur serait impossible de le faire dans le cas d’espèce, compte tenu du fait que la forme de la marque demandée ne se distingue pas des bouteilles de liqueurs et de boissons alcoolisées classiques.

63      S’agissant de la référence effectuée par la requérante à l’enregistrement international n° 280381 correspondant à la marque demandée et couvrant dix États membres, enregistrement dont la requérante s’est prévalue de l’ancienneté devant l’OHMI aux fins de l’article 34 du règlement n° 207/2009, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par les décisions intervenues au niveau des États membres, qui ne constituent qu’un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 16 décembre 2010, Ilink Kommunikationssysteme/OHMI (ilink), T‑161/09, non publié au Recueil, point 40 ; du 7 février 2012, Dosenbach-Ochsner/OHMI – Sisma (Représentation d’éléphants dans un rectangle), T‑424/10, non encore publié au Recueil, point 35, et du 30 mai 2013, DHL International/OHMI – Service Point Solutions (SERVICEPOINT), T‑218/10, non publié au Recueil, point 56].

64      Or, en l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours, qui n’a au demeurant pas ignoré ces enregistrements nationaux, a considéré que la marque demandée ne présentait pas de caractère distinctif intrinsèque pour le public pertinent.

65      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait considéré successivement, de manière contradictoire, que la mention « Echte Kroatzbeere » n’était pas, puis était, reconnaissable par le public pertinent, il convient de le rejeter. En effet, si la chambre de recours a, certes, exprimé des doutes sur le caractère reconnaissable de cette mention et même invoqué une jurisprudence relative à un signe non reconnaissable, elle n’en a pas moins expressément envisagé que cette mention était reconnaissable et elle a, en définitive, fondé son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée sur cette dernière prémisse.

66      S’agissant, enfin, de la critique par la requérante de la référence au fait que la marque demandée serait utilisée avec une étiquette, effectuée par la chambre de recours, elle n’est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des appréciations cette dernière.

67      En effet, s’il est vrai que la marque demandée est la forme d’une bouteille et non celle d’une bouteille revêtue d’une étiquette, il est également exact que la chambre de recours, après avoir évoqué la pratique générale de l’étiquetage des bouteilles de liqueur et noté que la marque demandée figurait étiquetée sur le site Internet de la requérante, a poursuivi son appréciation du caractère distinctif et fondé sa conclusion, à suffisance de droit, sur la seule base de la marque demandée, à savoir la forme nue de la bouteille comprenant l’inscription en relief « Echte Kroatzbeere ».

68      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’établit pas que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la marque demandée ne présentait pas de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. Le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

69      Selon la requérante, la chambre de recours, par sa méconnaissance de l’enregistrement antérieur de la marque verbale Echte Kroatzbeere, aurait méconnu la pratique de l’OHMI, ce qui constituerait un défaut de motivation au sens de l’article 75 du règlement n° 207/2009. Elle aurait manqué, tant par sa prise en considération insuffisante des enregistrements antérieurs que par son examen d’éléments non pertinents, à son obligation d’examen d’office au sens de l’article 76 du même règlement.

70      Il serait contradictoire d’affirmer à la fois que l’inscription « Echte Kroatzbeere » est non reconnaissable et que le public l’identifie sans en comprendre le sens. Soit le public reconnaitrait l’inscription, soit il ne la reconnaitrait pas. Serait également contradictoire le fait d’accepter l’enregistrement d’autres formes de bouteilles contenant des inscriptions tout autant identifiables ou non identifiables que celle de la marque demandée et ensuite de refuser l’enregistrement de cette marque. Ces contradictions constitueraient un grave défaut de motivation. Enfin, l’adoption d’une décision de transformation de la demande de marque communautaire en demande de marque nationale ne serait pas possible sur la base de la motivation de la décision attaquée.

71      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

72      Selon une jurisprudence constante, en vertu de l’article 75 du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du Tribunal du 19 septembre 2012, Fraas/OHMI (Motif à carreaux gris foncé, gris clair, bleu clair, bleu foncé, ocre et beige), T‑231/11, non publié au Recueil, point 14, et la jurisprudence citée].

73      Lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante pour satisfaire aux exigences évoquées au point 72 ci-dessus [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 46].

74      S’agissant de l’obligation d’examen d’office, s’il est vrai que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer un motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, du même règlement, il n’en demeure pas moins que, dans la mesure où une partie requérante se prévaut du caractère distinctif d’une marque demandée, en dépit de l’analyse de l’OHMI, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage (arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, points 49 et 50). En outre, au vu de la compétence liée et du principe de légalité évoqués au point 53 ci-dessus, l’examen d’office auquel est tenu l’OHMI doit être concentré sur les conditions d’application de l’article 7 dudit règlement et il ne saurait en être déduit que les instances de l’Office sont tenues par les conditions d’enregistrement de marques antérieures [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2011, i-content/OHMI (BETWIN), T‑258/09, Rec. p. II‑3797, point 81].

75      En l’espèce, la décision attaquée fait apparaître clairement le raisonnement de la chambre de recours, tant sur la définition du public pertinent (points 12 à 14 de la décision attaquée) que sur l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée (points 15 à 41 de la décision attaquée).

76      Ainsi que cela ressort déjà, en substance, des considérations opérées dans le cadre du premier moyen, la chambre de recours n’a ignoré dans sa motivation ni la marque communautaire verbale Echte Kroatzbeere antérieurement enregistrée par la requérante (point 37 de la décision attaquée), ni la marque internationale enregistrée sous le numéro 280381 (points 38 et 39 de la décision attaquée), ni les autres enregistrements antérieurs de marques communautaires concernant des bouteilles et invoqués par la requérante (point 40 de la décision attaquée). Il se trouve que, pour les motifs clairs et suffisants fournis dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque. Ainsi qu’elle l’a relevé, l’enregistrement d’une marque qui ne peut bénéficier d’une protection, ou l’existence de marques nationales antérieures, ne donne aucun droit à l’enregistrement d’une marque communautaire dépourvue de caractère distinctif.

77      S’agissant, par ailleurs, de la critique par la requérante de la référence effectuée par la chambre de recours à des éléments prétendument non pertinents, à savoir la présence sur le site Internet de la requérante de la bouteille en cause revêtue d’une étiquette, il convient de relever que la requérante n’établit pas en quoi cette référence, opérée dans une procédure ex parte, viole l’obligation d’examen d’office tel qu’elle est définie à l’article 76, paragraphe 1, 1ère phrase, du règlement n° 207/2009. En tout état de cause et comme il l’a déjà été relevé, la chambre de recours a suffisamment fondé son appréciation et sa conclusion sur la seule base de la marque demandée, à savoir la forme nue de la bouteille (voir points 66 et 67 ci-dessus).

78      S’agissant de l’argument selon lequel l’adoption d’une décision de transformation de la demande de marque communautaire en demande de marque nationale en vertu de l’article 112 du règlement n° 207/2009 ne serait pas possible sur la base de la motivation de la décision attaquée, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours, de ne pas avoir examiné si la marque demandée jouissait d’un caractère distinctif auprès d’autres publics de l’Union que le public germanophone. Ce faisant, la requérante suggère que, comme elle ne pourrait demander de transformation de sa demande de marque communautaire en demande de marque nationale que dans les États membres où le motif de refus d’enregistrement par l’OHMI ne s’applique pas, une analyse détaillée de la situation juridique concernant les différents États membres aurait été nécessaire. En ne fournissant pas une telle analyse détaillée, la chambre de recours aurait violé l’article 75 du règlement n° 207/2009, mais également manqué à son obligation d’examen d’office des faits.

79      Aux termes de l’article 112, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 207/2009, une transformation de demande de marque communautaire ou de marque communautaire en demande de marque nationale n’a pas lieu en vue d’une protection dans un État membre où, selon la décision de l’OHMI, la demande ou la marque communautaire est frappée d’un motif de refus d’enregistrement, de révocation ou de nullité [arrêt du Tribunal du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12 , non encore publié au Recueil, point 56].

80      Il convient toutefois de rappeler que cette disposition impose uniquement à l’OHMI de respecter le contenu d’une telle décision lorsqu’elle existe. En revanche, cette disposition ne saurait déroger à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, qui prévoit que les motifs absolus de refus énoncés au paragraphe 1 de ladite disposition sont applicables même si ces motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union (arrêt NEO, point 79 supra, point 57).

81      Or, une interprétation de l’article 112, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 207/2009 selon laquelle la chambre de recours, statuant sur un recours contre le refus d’une demande d’enregistrement par l’examinateur pour absence de caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe l, sous b), du règlement n° 207/2009, serait obligée de procéder à une analyse détaillée du caractère distinctif du signe dans tous les États membres même s’il est évident qu’il ne présente pas, dans la perception du public pertinent et pour les produits ou les services visés par la demande d’enregistrement, un tel caractère distinctif, dénaturerait le contenu de la règle prévue par l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (arrêt NEO, point 79 supra, point 57).

82      Il s’ensuit que rien ne permet de supposer que l’article 112, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 75 et l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du même règlement, vise également à imposer à la chambre de recours, statuant sur un recours contre le refus d’une demande d’enregistrement par l’examinateur à cause de l’absence de caractère distinctif de la marque demandée dans une partie de l’Union au sens de l’article 7, paragraphe l, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, de procéder à une analyse détaillée du caractère distinctif du signe pour les services ou les produits visés dans la demande dans tous les États membres (arrêt NEO, point 79 supra, point 58). L’argument tiré de l’article 112 du règlement n° 2009/207 est donc erroné.

83      Pour le reste, il convient de relever que les contestations soulevées dans le cadre du présent moyen relatives aux prétendues contradictions qui affecteraient la décision attaquée ne visent pas tant la question de la motivation que le fond du litige et ont déjà été examinées et écartées dans le cadre de l’examen du premier moyen.

84      Il résulte des considérations qui précèdent que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 77 du règlement n° 207/2009

85      Selon la requérante, la chambre de recours aurait violé l’article 77 du règlement n° 207/2009 en n’organisant pas une procédure orale.

86      L’OHMI conteste avoir méconnu les limites de son pouvoir d’appréciation à cet égard.

87      En vertu de l’article 77, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, l’OHMI recourt à la procédure orale soit d’office, soit sur requête d’une partie à la procédure, à condition qu’il le juge utile.

88      Il ressort tant du libellé de cette disposition que de la jurisprudence que la chambre de recours dispose d’une marge d’appréciation quant à la question de savoir si, lorsqu’une partie demande qu’une procédure orale soit organisée, celle‑ci est réellement nécessaire [ordonnance de la Cour du 14 mars 2011, Ravensburger/OHMI, C‑370/10 P, non publiée au Recueil, point 77, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 30].

89      En l’espèce, force est de constater que si la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir organisé une procédure orale, elle n’établit pas concrètement en quoi elle n’aurait pas eu suffisamment l’occasion de faire valoir sa position dans le cadre de la procédure écrite devant l’OHMI, ni en quoi une procédure orale aurait été réellement nécessaire. En outre, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours manquait d’éléments nécessaires afin de fonder le dispositif de la décision attaquée.

90      Dès lors, il n’est pas établi que la chambre de recours a méconnu les limites de son pouvoir d’appréciation en ne donnant pas suite à la demande de la requérante visant à la tenue d’une procédure orale.

91      Le présent moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

92      La requérante soutient que la chambre de recours a poursuivi un autre but que celui de vérifier si la marque demandée remplissait les conditions d’enregistrement. Elle aurait poursuivi le but de priver la marque communautaire verbale Echte Kroatzbeere de tout effet juridique, ce qui constituerait un détournement de pouvoir.

93      L’OHMI conteste la position de la requérante. La procédure en cause en l’espèce, et les appréciations effectuées dans son cadre, n’auraient d’effets juridiques que sur la marque demandée.

94      Il y a lieu de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit de l’Union et vise la situation dans laquelle une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées [arrêt de la Cour du 25 juin 1997, Italie/Commission, C‑285/94, Rec. p. I‑3519, point 52, et arrêt du Tribunal du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié au Recueil, point 334].

95      En l’espèce, la requérante n’apporte aucun élément permettant de considérer que la décision attaquée a été adoptée pour atteindre des fins autres que celles excipées.

96      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

97      Aucun des moyens soulevés par la requérante n’étant fondé, il convient de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

99      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Franz Wilhelm Langguth Erben GmbH & Co. KG supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Considérations liminaires

Sur la recevabilité du mémoire en réponse

Sur le renvoi global aux arguments présentés dans la procédure administrative

Sur la nature de la marque demandée

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 77 du règlement n° 207/2009

Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.