Language of document : ECLI:EU:F:2007:175

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

17 octobre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Devoir d’assistance incombant à l’administration – Article 24 du statut – Harcèlement moral de la part du supérieur hiérarchique – Enquête de l’IDOC – Article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance »

Dans l’affaire F‑63/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Mascheroni, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Vergiate (Italie), représenté par Mes A. Vianello et G. Orelli, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, assisté par Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 5 mai 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 8 mai suivant), M. Mascheroni demande notamment l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN »), du 14 juillet 2005 (ci‑après la « décision attaquée »), portant rejet de sa demande d’assistance, du 26 mars 2004, fondée sur un prétendu comportement vexatoire et diffamatoire qu’aurait eu M. V. H., son supérieur hiérarchique (ci‑après la « demande d’assistance »).

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 24, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le « statut ») :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

 Faits à l’origine du litige

3        Le 26 mars 2004, le requérant a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, enregistrée le 26 avril 2004 auprès de l’unité « Recours » de la direction générale (DG) « Personnel et administration » de la Commission des Communautés européennes. Dans sa demande d’assistance, il se plaignait du comportement de son supérieur hiérarchique, M. V. H., lequel aurait pris une connotation outrageuse.

4        La Commission apporte les précisions suivantes.

5        Le requérant a travaillé en qualité de fonctionnaire au Centre commun de recherche (CCR) à Ispra (Italie), à compter de 1977 et, au fil des années, est passé du grade B au grade AD 11.

6        Initialement, le requérant avait travaillé à l’unité « Services techniques » du CCR, où il s’occupait de la gestion des activités de maintenance des différents bâtiments de ce dernier. Depuis le 1er janvier 2000, M. V. H. est le chef de cette unité.

7        Le 1er août 2003, le requérant a été transféré à l’unité « Démantèlement et gestion des implantations nucléaires » du CCR. Il a également présidé le comité local du personnel de 2002 à 2005, y restant actif après cette période.

8        En réponse à la demande d’assistance, le directeur de la DG « Personnel et administration » a, par note du 9 septembre 2004, informé le requérant du fait que la Commission avait chargé l’Office d’Investigation et de discipline (IDOC) d’une enquête administrative interne, afin de vérifier si ses allégations étaient fondées ou non.

9        Par note du 4 novembre 2004, enregistrée le 11 novembre suivant auprès de l’unité « Recours » de la DG « Personnel et administration », le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à la suite du rejet implicite de la demande d’assistance, censé être intervenu le 26 août 2004, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut.

10      Aucun recours n’a été introduit contre le rejet implicite de cette réclamation, censé être intervenu le 11 mars 2005, conformément à l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut.

11      Par une note du 7 mars 2005, le directeur général faisant fonction du CCR s’adressait au requérant en ces termes :

« [V]otre avocat demande à [M. V. H.] le paiement du préjudice que vous auriez subi suite à un possible harcèlement moral dont vous auriez pu faire l’objet dans le cadre de votre activité au sein de la Commission.

Je vous demande instamment de demander à votre conseil d’arrêter l’envoi de tels courriers à l’adresse privé de [M. V. H.].

Comme vous le savez, il existe dans le statut des voies de recours (notamment les articles 24 et 90 du statut) qui sont prévus pour régler de tels problèmes. […]

Enfin, je relève qu’une enquête administrative est en cours sur le même sujet que celui qui fait l’objet des lettres que votre conseil a envoyées à [M. V. H.] »

12      En outre, dans une note du 25 avril 2005, le même directeur général faisant fonction du CCR informait le requérant que l’enquête administrative menée par l’IDOC était sur le point d’être finalisée et que, dans le cas où le harcèlement moral serait prouvé, l’institution pourrait lui prêter assistance et pourrait, le cas échéant, entamer une procédure disciplinaire à l’encontre de l’auteur du harcèlement. Il précisait ensuite :

« Il convient d’attendre la fin de l’enquête administrative. À défaut d’en attendre les résultats, vous prenez le risque de priver votre demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut d’effet utile. »

13      Par note du 17 juin 2005, l’IDOC a transmis à l’unité « Recours » de la DG « Personnel et administration », le rapport final de l’enquête rejetant toute forme de harcèlement moral ou d’autres agissements préjudiciables commis par M. V. H. à l’encontre du requérant. Aussi, l’IDOC suggérait-il à l’AIPN de rejeter la demande d’assistance.

14      Par lettre du 14 juillet 2005, l’AIPN a rejeté la demande d’assistance.

15      Par note du 5 octobre 2005, le requérant a introduit une nouvelle réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre le rejet explicite de sa demande d’assistance. L’AIPN a rejeté la réclamation par décision du 6 février 2006.

16      Auparavant, par lettre du 28 octobre 2005, adressée à Me V., avocat du requérant, le directeur général de la DG « Personnel et administration », après avoir indiqué que le rapport final de l’enquête de l’IDOC avait conclu à l’inexistence de harcèlement moral de la part de M. V. H. à l’encontre du requérant, avait précisé :

« Dans la mesure où [le requérant] n’est pas resté satisfait de la suite qui a été réservée à sa demande d’assistance, il a introduit une réclamation contre [la décision attaquée]. À cet égard, la Commission dispose d’un délai de quatre mois pour signifier [au requérant] la décision qui sera adoptée à la suite de cette réclamation. Contre une éventuelle réponse négative, dans les trois mois qui suivent, un recours pourrait être introduit devant le Tribunal de la fonction publique [de l’Union européenne].

Pour cette raison, je vous saurais gré de bien vouloir attendre le résultat de ces procédures et de bien vouloir éviter, pour le futur, de vous adresser directement à [M. V. H.]. » (traduction libre)

 Conclusions des parties

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater et déclarer l’illicéité du comportement de M. V. H. ;

–        constater et déclarer le caractère blessant de ce comportement ;

–        constater et déclarer l’existence d’un grave préjudice qu’il a subi de ce fait ;

–        annuler la décision de l’AIPN du 6 février 2006 ;

–        condamner la Commission aux dépens et aux frais de la procédure.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

19      À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens, tirés, d’une part, de l’irrégularité de la délégation du pouvoir de décision de l’AIPN à l’IDOC et de la violation de l’obligation de motivation, ainsi que, d’autre part, de l’erreur manifeste d’appréciation.

20      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application dudit article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Observation liminaire

22      Même formellement dirigé contre la décision de l’AIPN, du 6 février 2006, rejetant la réclamation du requérant, le présent recours a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel cette réclamation a été présentée. Le recours doit donc être considéré comme dirigé exclusivement contre la décision du 14 juillet 2005, par laquelle l’AIPN a rejeté la demande d’assistance (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8).

 Sur les deux premiers chefs de conclusions

23      S’agissant des deux premiers chefs de conclusions du requérant, il suffit de relever que, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation introduit au titre de l’article 91 du statut, de prononcer des injonctions ou des déclarations de principe (voir arrêts du Tribunal de première instance du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, point 33 ; du 2 juillet 1997, Chew/Commission, T‑28/96, RecFP p. I‑A‑165 et II‑497, point 17 ; du 11 juillet 2000, Skrzypek/Commission, T‑134/99, RecFP p. I‑A‑139 et II‑633, point 16, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 63).

24      Sont par conséquent manifestement irrecevables les chefs de conclusions du requérant visant à ce que le Tribunal déclare l’illicéité du comportement de M. V. H. ainsi que le caractère blessant de celui-ci.

 Sur la demande d’annulation de la décision du 14 juillet 2005

 Sur l’irrégularité de la délégation du pouvoir de décision de l’AIPN à l’IDOC et sur la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

25      Le requérant considère que la décision attaquée manque d’un contenu propre, dans la mesure où elle se limite à faire référence aux conclusions de l’IDOC, lequel n’était pas habilité à prendre une décision de rejet de sa demande d’assistance. Ainsi, ladite décision serait dépourvue de toute motivation.

26      Par sa demande d’assistance, le requérant aurait clairement indiqué les différents agissements, considérés comme vexatoires et diffamatoires, que son supérieur hiérarchique, M. V. H., aurait eus envers lui.

27      Le requérant ajoute que, dans le suivi de sa demande d’assistance, l’administration aurait, elle aussi, eu une attitude vexatoire et que la procédure administrative préalable n’aurait pas été conduite dans le respect du devoir d’impartialité qui doit la caractériser.

28      Le requérant prétend qu’il n’a eu connaissance de remarques et de documents que par allusions et a posteriori.

29      Le requérant précise en particulier les faits suivants :

–        par la note du 7 mars 2005, le directeur général faisant fonction du CCR lui aurait intimé de demander à son avocat d’arrêter immédiatement l’envoi à M. V. H. de demandes d’indemnisation assorties d’invitations à cesser ses agissements, ce qui aurait suscité chez le requérant une vive émotion et de l’inquiétude ;

–        par la note du 25 avril 2005, le même directeur général faisant fonction du CCR lui aurait réitéré sa demande, sur un ton moins péremptoire, en laissant néanmoins entendre que s’il « ne patientait pas », sa demande d’assistance serait privée d’effet utile ;

–        par la lettre du 28 octobre 2005, adressée à Me V., le directeur général de la DG « Personnel et administration » aurait invité le requérant à attendre le résultat de la procédure en cours et à éviter à l’avenir de s’adresser directement à M. V. H.

30      La Commission rappelle que, selon la jurisprudence constante, au titre de son devoir d’assistance, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. En l’espèce, elle aurait estimé opportun d’ordonner l’ouverture d’une enquête administrative et de confier à l’IDOC la mission d’établir les faits.

31      Or, selon la Commission, l’IDOC aurait accompli sa mission en fournissant à l’institution un cadre complet des faits, sur la base duquel celle-ci a pu, dans l’exercice de son pouvoir décisionnel, fonder ses propres conclusions sur les faits de l’espèce.

32      Quant aux faits, particulièrement allégués par le requérant, qui se seraient produits au cours de la procédure précontentieuse, la Commission, qui affirme ne pas saisir la raison pour laquelle la note du 7 mars 2005 pourrait susciter des craintes chez le requérant, souligne que le but de cette note n’était certainement pas de limiter les droits de la défense de ce dernier à l’égard du prétendu comportement préjudiciable imputé à M. V. H., mais, au contraire, de faciliter l’exercice de tels droits en lui indiquant les instruments statutaires prévus à cet effet et en l’informant, en vertu du principe de transparence, qu’une procédure administrative ayant pour objet de faire la lumière sur ce comportement était en cours.

33      Les mêmes considérations sont avancées par la Commission à propos de la note du 25 avril 2005 produite par le requérant, dans laquelle l’institution, contrairement à ce que soutient l’intéressé, entendait simplement suggérer à ce dernier d’attendre la fin de l’enquête administrative dès lors que ce n’était que si l’existence de prétendues vexations à son égard devait être établie que le droit à une assistance de la part de l’institution lui aurait été reconnu.

34      En tout état de cause, les documents communiqués par le requérant seraient dénués de toute pertinence pour apprécier la légalité de la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

35      S’agissant du grief tiré de la délégation du pouvoir de décision de l’AIPN à l’IDOC, il convient tout d’abord de rappeler que, aux termes de l’article 24 du statut, « [l]es Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions ».

36      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, en vertu de l’obligation d’assistance, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêt de la Cour du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, points 15 et 16 ; arrêts du Tribunal de première instance du 21 avril 1993, Tallarico/Parlement, T‑5/92, Rec. p. II‑477, point 31, et du 5 décembre 2000, Campogrande/Commission, T‑136/98, RecFP p. I‑A‑267 et II‑1225, point 42).

37      En l’espèce, en vue d’établir la réalité des faits allégués et d’en tirer en connaissance de cause les conséquences appropriées, l’AIPN a sollicité une enquête de l’IDOC, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la décision de la Commission C(2004)1588, du 28 avril 2004, portant dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiée aux Informations administratives n° 86‑2004, du 30 juin 2004.

38      Il ressort de la procédure de consultation de l’IDOC mise en place par la Commission que, dans le contexte des demandes d’assistance au titre de l’article 24 du statut, l’IDOC intervient sur demande de l’unité « Recours » de la DG « Personnel et administration », cette dernière devant délimiter au préalable le champ des investigations à entreprendre par l’IDOC. Les enquêtes effectuées par ce dernier au titre de l’article 24 du statut ont pour finalité d’établir les faits, sur la base desquels l’AIPN pourra se prononcer en connaissance de cause quant à la demande d’assistance.

39      Dans ce contexte, le reproche du requérant selon lequel l’AIPN aurait délégué l’adoption de la décision devant être prise sur la demande d’assistance à un organisme incompétent est manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

40      Loin de s’agir d’une délégation de pouvoir à un organisme incompétent, l’AIPN a demandé à un service chargé, au sein de la Commission, d’effectuer des enquêtes administratives avec impartialité, de vérifier la réalité des faits allégués, afin de lui permettre de se prononcer en pleine connaissance de cause sur la demande d’assistance qui lui avait été adressée.

41      En l’espèce, le rapport final de l’IDOC ne constitue nullement une prise de décision sur la demande d’assistance mais la réponse à la demande d’enquêter sur les faits, qui lui avait été adressée par l’AIPN.

42      C’est en exerçant sa pleine compétence que l’AIPN a rejeté la demande d’assistance. Ainsi que la Commission l’a souligné, le fait que la décision attaquée contient un renvoi aux conclusions du rapport final de l’IDOC ne signifie pas qu’elle a été adoptée par ledit IDOC.

43      Par conséquent, le grief tiré de la prétendue délégation du pouvoir de décision de l’AIPN à l’IDOC doit être rejeté comme manifestement non fondé.

44      S’agissant du grief tiré de la violation du devoir de motivation, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, inscrite à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal de première instance du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41, et du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A‑301 et II‑1457, point 46).

45      Il importe également pour apprécier le caractère suffisant d’une motivation de la replacer dans le contexte dans lequel s’est inscrite l’adoption de l’acte attaqué (arrêts du Tribunal de première instance du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T‑283/97, RecFP p. I‑A‑69 et II‑353, point 77, et Morello/Commission, précité, point 47).

46      Il ressort du dossier que l’AIPN a annexé à la décision attaquée le rapport final d’enquête de l’IDOC. De même, dans la réponse de rejet de la réclamation dirigée contre la décision attaquée, l’AIPN a expliqué dans le détail, pour chaque fait allégué, les raisons qui permettaient d’écarter l’existence d’un harcèlement moral. Le requérant n’est donc pas fondé à prétendre que les motifs au soutien de la décision attaquée ne lui étaient pas connus ou ne lui permettaient pas d’apprécier le bien‑fondé de celle-ci et l’opportunité d’introduire un recours.

47      Il en résulte que le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme manifestement non fondé.

48      Compte tenu de tout ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur l’erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

49      Le requérant renvoie au texte de la demande d’assistance, qui contiendrait des indications sur le caractère diffamatoire et outrageux du comportement reproché à M. V. H.

50      Selon le requérant, pour apprécier la façon avec laquelle M. V. H. aurait usé ou abusé des ses pouvoirs, l’AIPN se serait fondée sur des affirmations non étayées, ce en contradiction avec des principes de droit, tels que l’interdiction de discrimination, le principe de proportionnalité, l’interdiction d’abus de pouvoir, le devoir d’impartialité et d’objectivité, le principe de cohérence et d’équité, ainsi qu’avec la raison. L’administration aurait même négligé l’offre, faite par le requérant, de fournir d’autres éléments de preuve.

51      La Commission, après avoir rappelé que son appréciation des faits repose sur les documents et témoignages rassemblés par l’IDOC et est adéquatement motivée dans ses réponses, demande que ce moyen soit déclaré irrecevable au motif qu’il ne serait soutenu par aucune argumentation, ce en violation de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

–       Appréciation du Tribunal

52      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal de première instance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 29).

53      Ainsi qu’il découle de la jurisprudence, la partie requérante ne saurait se limiter à faire une énonciation abstraite de ses moyens, notamment en se bornant à affirmer que l’acte attaqué méconnaît une disposition donnée du statut, sans étayer plus avant cette affirmation en explicitant en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est basé (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 18 novembre 1992, Rendo e.a./Commission, T‑16/91, Rec. p. II‑2417, point 130 ; du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, points 64 et 65, et du 17 mars 1994, Hoyer/Commission, T‑43/91, RecFP p. I‑A‑91 et II‑297, points 22).

54      Or, en l’espèce, ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission, le moyen ici visé n’est pas, même sommairement, argumenté dans la requête. Celle-ci ne fait qu’énoncer une liste de droits ou de principes prétendument violés, sans que soit apportée la moindre argumentation au soutien de cette énonciation, permettant au Tribunal de comprendre en quoi ces droits auraient été lésés.

55      Il en est de même en ce qui concerne les arguments qui devraient étayer l’affirmation selon laquelle le comportement de M. V. H. aurait eu une connotation outrageuse et diffamatoire. Cette affirmation n’est ni clairement ni de manière cohérente exposée dans le cadre de la requête, qui renvoie sur ce point au texte de la demande d’assistance, annexé à la requête.

56      Or, conformément à une jurisprudence constante, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, en revanche, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui doivent figurer dans la requête. Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (ordonnances du Tribunal de première instance De Hoe/Commission, précitée, point 20 ; du 8 décembre 2005, Just/Commission, T‑91/04, RecFP. p. I‑A‑395 et II‑1801, point 35 ; du 8 décembre 2005, Moren Abat/Commission, T‑92/04, RecFP p. I‑A‑399 et II‑1817, point 31, et arrêt du Tribunal de première instance du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑424/04, non encore publié au Recueil, points 39 à 42).

57      Or, en l’espèce, la simple lecture de la requête ne permet pas au Tribunal de trouver le moindre indice concernant le caractère prétendument vexatoire, outrageux ou diffamatoire du comportement du supérieur hiérarchique du requérant, qui n’est même pas sommairement décrit.

58      En conséquence, le second moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

59      Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de vérifier d’office le respect des délais de réclamation et de recours prévus aux articles 90 et 91 du statut, et en particulier de s’interroger sur la question de savoir si le requérant a pu valablement attaquer, par la réclamation du 5 octobre 2005, la décision de l’AIPN du 14 juillet 2005, portant rejet explicite de la demande d’assistance du 26 avril 2004, alors qu’une première réclamation avait déjà été introduite le 11 novembre 2004 contre le rejet implicite de ladite demande, sans qu’un recours subséquent ait été dirigé contre le rejet implicite de cette dernière réclamation, censé être intervenu le 11 mars 2005.

 Sur le chef de conclusions visant à ce que le Tribunal constate et déclare l’existence d’un préjudice grave subi par le requérant

60      À supposer que ce chef de conclusions puisse être interprété comme une demande indemnitaire et non comme une simple demande visant à ce que le Tribunal prononce un « dire pour droit », de telles conclusions doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées (arrêts du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 69, et du 13 juillet 2005, Scano/Commission, T‑5/04, RecFP p. I‑A‑205 et II‑931, point 77).

61      En effet, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation, puisque le requérant demande à être indemnisé en raison du prétendu préjudice subi du fait de la prétendue illicéité du comportement de M. V. H. L’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation n’ayant révélé aucune illégalité et donc aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.

62      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son entièreté.

 Sur la demande de production de documents

63      Le requérant demande au Tribunal d’ordonner à la Commission la production de toute la documentation en possession de l’AIPN concernant ses rapports avec M. V. H.

64      À ce sujet, il convient de considérer que l’appréciation de la pertinence de cette demande, eu égard aux éléments du dossier et à l’objet du litige, ne permet pas de conclure à la nécessité d’une telle production de documents (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P, C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 68).

65      La demande de production de documents ne saurait donc être accueillie.

 Sur les dépens

66      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens, ne sont pas encore entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie comme manifestement non fondé et en partie comme manifestement irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.