Language of document : ECLI:EU:F:2007:14

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)

23 janvier 2007 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Frais de voyage annuel – Dispositions applicables aux fonctionnaires originaires d’un département d’outre-mer français – Article 8 de l’annexe VII du statut modifié »

Dans l’affaire F‑43/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Olivier Chassagne, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et Y. Minatchy, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Berscheid et V. Joris, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par le

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme I. Šulce, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta et M. H. Tagaras (rapporteur), juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 10 juin 2005, M. Chassagne demande en substance, d’une part, l’annulation de la décision implicite par laquelle la Commission des Communautés européennes a rejeté sa réclamation introduite le 20 novembre 2004 contre son bulletin de rémunération du mois d’août 2004, ainsi que l’annulation dudit bulletin de rémunération (ci-après les « décisions attaquées ») et, d’autre part, la réparation du préjudice moral et financier qu’il prétend avoir subi.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 71 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tant dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er mai 2004 (ci-après le « statut ») que dans sa rédaction en vigueur à compter de cette date (ci-après le « statut modifié ») :

« Dans les conditions fixées à l’annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu’il a exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, de sa mutation ou de la cessation de ses fonctions, ainsi que des frais qu’il a exposés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. »

3        L’article 8 de l’annexe VII du statut était ainsi rédigé :

« 1. Le fonctionnaire a droit pour lui-même et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à charge au sens de l’article 2, au paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine défini à l’article 7, dans les conditions suivantes :

–        une fois par année civile, si la distance en chemin de fer entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine est supérieure à 50 kilomètres et inférieure à 725 kilomètres,

–        deux fois par année civile, si la distance en chemin de fer entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine est d’au moins 725 kilomètres,

ces distances étant calculées selon les modalités prévues à l’article 7 paragraphe 2.

[...]

2. Le paiement forfaitaire est effectué sur la base du prix d’un billet de chemin de fer aller-retour en première classe pour les fonctionnaires des catégories A et B, ainsi que du cadre linguistique, et en seconde classe pour les autres fonctionnaires. Toutefois, si le voyage porte sur une distance aller-retour égale ou supérieure à 800 kilomètres, le paiement pour les fonctionnaires des catégories C et D est effectué sur la base du prix en première classe. Si le calcul ne peut être effectué sur ces bases, une décision spéciale de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixe les modalités.

Lorsque la distance en chemin de fer entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine est supérieure à 500 kilomètres et dans les cas où l’itinéraire usuel comporte la traversée d’une mer, l’intéressé a droit, sur présentation des billets, au remboursement des frais de voyage en avion, en classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou la première classe.

3. [...]

4. Les dispositions qui précèdent sont applicables au fonctionnaire dont le lieu d’affectation et le lieu d’origine se trouvent en Europe. Le fonctionnaire dont le lieu d’origine et/ou le lieu d’affectation est situé en dehors de l’Europe a droit, pour lui-même et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à charge au sens de l’article 2, une fois par année civile et sur présentation de pièces justificatives, au remboursement des frais de voyage à son lieu d’origine ou, dans la limite de ces frais, au remboursement des frais de voyage à un autre lieu.

[...] »

4        L’article 7, paragraphe 2, de la même annexe du statut disposait, quant à lui :

« Le remboursement s’effectue sur les bases suivantes :

–        itinéraire usuel le plus court et le plus économique, en chemin de fer, entre le lieu d’affectation et le lieu de recrutement ou le lieu d’origine,

–        tarif de première classe pour les fonctionnaires des catégories A et B ainsi que du cadre linguistique ; tarif de seconde classe pour les autres fonctionnaires. Toutefois, si le voyage porte sur une distance aller-retour égale ou supérieure à 800 kilomètres, le tarif pour les fonctionnaires des catégories C et D est celui de première classe,

–        si le voyage comporte un trajet de nuit d’une durée d’au moins six heures compris entre 22 heures et 7 heures, wagon-lit jusqu’à concurrence du prix en classe ‘touriste’ ou du prix ‘couchette’ et sur présentation du bulletin.

Lorsque l’itinéraire visé au premier alinéa premier tiret dépasse la distance de 500 kilomètres et dans les cas où l’itinéraire usuel comporte la traversée d’une mer, l’intéressé a droit, sur présentation des billets, au remboursement des frais de voyage en avion en classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou à la première classe.

Si un moyen de transport différent de ceux prévus ci-avant est employé, le remboursement est effectué sur la base du prix en chemin de fer dans la classe de voyage, wagon-lit exclu. Si le calcul ne peut être effectué sur cette base, une décision spéciale de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixera les modalités du remboursement. »

5        L’article 8 de l’annexe VII du statut modifié dispose :

« 1. Le fonctionnaire a droit annuellement pour lui-même et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à charge au sens de l’article 2, de la présente annexe au paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine défini à l’article 7 de la présente annexe.

[…]

Les frais de voyage des enfants âgés de deux à dix ans sont calculés sur la base de la moitié de l’indemnité kilométrique et de la moitié du montant forfaitaire supplémentaire, ces enfants étant pour ledit calcul à considérer comme ayant accompli leur deuxième et dixième année au 1er janvier de l’année en cours.

2. Le paiement forfaitaire est effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance séparant le lieu d’affectation du fonctionnaire de son lieu de recrutement ou d’origine ; cette distance est calculée conformément à la méthode fixée à l’article 7, paragraphe 2, premier alinéa.

L’indemnité kilométrique est de :

0 euro par kilomètre pour la tranche de distance entre : 0 et 200 km

0,3320 euro par kilomètre pour la tranche de distance entre : 201 et 1 000 km

0,5533 euro par kilomètre pour la tranche de distance entre : 1 001 et 2 000 km

0,3320 euro par kilomètre pour la tranche de distance entre : 2 001 et 3 000 km

0,1106 euro par kilomètre pour la tranche de distance entre : 3 001 et 4 000 km

0,0532 euro par kilomètre pour la tranche de distance entre : 4 001 et 10 000 km

0 euro par kilomètre pour la distance supérieure à : 10 000 km

Un montant forfaitaire supplémentaire est ajouté à l’indemnité kilométrique ci-dessus :

166 euros si la distance en chemin de fer entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine est entre 725 km et 1 450 km,

331,99 euros si la distance en chemin de fer entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine est égale ou supérieure à 1 450 km.

L’indemnité kilométrique et le montant forfaitaire supplémentaire ci-dessus sont adaptés chaque année dans la même proportion que la rémunération.

3. […]

4. Les dispositions qui précèdent sont applicables au fonctionnaire dont le lieu d’affectation est situé sur le territoire d’un État membre. Le fonctionnaire dont le lieu d’affectation se situe en dehors du territoire d’un État membre a droit, pour lui-même, et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à charge au sens de l’article 2, chaque année civile, au remboursement des frais de voyage jusqu’à son lieu d’origine ou au remboursement des frais de voyage jusqu’à un autre lieu, dans la limite des frais de voyage jusqu’à son lieu d’origine. Toutefois, si le conjoint et les personnes à charge au sens de l’article 2, paragraphe 2, ne vivent pas avec le fonctionnaire sur son lieu d’affectation, ils ont droit, chaque année civile, au remboursement des frais de voyage du lieu d’origine au lieu d’affectation ou au remboursement des frais de voyage jusqu’à un autre lieu, dans la limite des frais de voyage du lieu d’origine au lieu d’affectation.

Le remboursement de ces frais de voyage est effectué sous la forme d’un paiement forfaitaire correspondant au coût du voyage aérien dans la classe immédiatement supérieure à la classe économique. »

6        Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe VII du statut modifié, auquel le paragraphe 2 de l’article 8 de la même annexe renvoie pour le calcul de la distance, dispose :

« Le remboursement s’effectue sur la base de l’itinéraire usuel le plus court et le plus économique, en chemin de fer première classe, entre le lieu d’affectation et le lieu de recrutement ou le lieu d’origine. »

 Faits à l’origine du litige

7        Le requérant est entré en fonctions à la Commission le 1er juillet 2002 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade A 6. Son lieu d’origine a été fixé à Saint-Denis de la Réunion (France). Depuis le 1er mai 2004, date d’entrée en vigueur du statut modifié, son grade est dénommé A*10.

8        Par courriel daté du 1er mars 2004, la direction générale (DG) « Personnel et administration » a informé le requérant que, dans la mesure où il effectuerait son voyage annuel avant le 1er mai 2004, il pourrait au choix se voir rembourser, au titre de l’année 2004, les frais correspondants soit selon le régime résultant du statut ou soit selon celui résultant du statut modifié. Par un deuxième courriel, en date du 12 mars 2004, la DG « Personnel et administration » lui a fait connaître que ce choix pouvait s’effectuer individuellement pour chacun des membres de sa famille.

9        Le requérant a choisi le régime du statut pour son épouse et lui-même et il a sollicité le bénéfice des dispositions du statut modifié pour leurs deux enfants à charge, âgés à l’époque de 3 et 6 ans.

10      Le paiement forfaitaire relatif aux frais de voyage des deux enfants, d’un montant total de 1 880,77 euros, a été effectué en même temps que celui de sa rémunération du mois d’août 2004.

11      Par lettre du 20 novembre 2004, le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une réclamation à l’encontre de son bulletin de rémunération du mois d’août 2004, au motif que le calcul du montant remboursable pour les frais de voyage de ses deux enfants à charge était entaché de plusieurs illégalités. Cette réclamation a été enregistrée le 22 novembre 2004.

12      Le requérant n’a pas reçu de réponse à sa réclamation dans le délai réglementaire de quatre mois, prévu par l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut modifié, qui expirait le 22 mars 2005. Il a attaqué, le 10 juin 2005, le rejet implicite de sa réclamation par un recours introduit devant le Tribunal de première instance. C’est à cette même date que la Commission lui a fait parvenir une décision explicite de rejet de sa réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

13      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous la référence T‑224/05.

14      Le Conseil de l’Union européenne a introduit auprès du même Tribunal, en date du 9 septembre 2005, une demande à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal de première instance du 12 octobre 2005, le Conseil a été admis à intervenir.

15      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous la référence F‑43/05.

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable et fondée ;

–        prononcer l’illégalité et en conséquence l’inapplicabilité à son cas de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié ;

–        lui octroyer un euro symbolique pour réparation du dommage moral subi ainsi que la somme de sept mille trois cent soixante douze euros à titre de réparation du préjudice financier subi ;

–        condamner la partie défenderesse en tout dépens.

17      La partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation comme non fondée ;

–        rejeter la demande en indemnité comme non fondée, ou, à titre subsidiaire, réduire la réparation du préjudice financier à un montant de deux mille sept cent quarante six euros ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

18      Par son mémoire en intervention parvenu au greffe le 7 décembre 2005, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

19      Par lettres du 7 juin 2006, le Tribunal a demandé à la partie défenderesse ainsi qu’à la partie intervenante, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en application de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, de répondre à des questions et de produire des documents dans un délai expirant le 28 juin 2006.

20      Les parties concernées ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

21      Le requérant entend obtenir l’annulation des décisions attaquées, au motif que l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié, qui lui sert de base juridique, est contraire à plusieurs règles et principes supérieurs du droit communautaire. Il résulte de ses écrits que le requérant conteste la légalité de la disposition précitée dans la mesure, notamment, où elle ne permet pas le remboursement des frais de voyage annuel réellement exposés et où elle introduit un système de remboursement forfaitaire qui n’est pas, selon lui, objectif.

22      Afin d’établir la contrariété de la dite disposition au droit communautaire, le requérant fait valoir qu’elle produit une inégalité de traitement, conduisant à des discriminations indirectes, elles-mêmes aggravées par des violations répétées de principes généraux du droit communautaire.

23      Pour ce qui est des inégalités relevées, qu’il distingue des discriminations, le requérant soutient que, même si elles ne devaient pas être considérées comme prohibées au regard des traités et du droit international, elles ne sont pas, en l’espèce, objectivement justifiables et, partant, violent le principe fondamental d’égalité de traitement en droit communautaire. L’inégalité de traitement serait, en l’occurrence, une inégalité selon le lieu d’origine des fonctionnaires entre, d’une part, les fonctionnaires originaires d’un département d’outre-mer français (ci-après le « DOM »), ce qui est le cas du requérant, d’une île, d’un pays et territoire d’outre-mer français (ci-après le « PTOM ») ou d’un pays tiers et, d’autre part, les fonctionnaires originaires de l’Europe continentale.

24      Une première forme d’inégalité de traitement résulterait de ce que l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié traiterait des situations différentes de manière identique. Le requérant fait en particulier valoir que la suppression de la règle du remboursement des frais réellement exposés, combinée avec l’introduction de la règle soumettant tous les fonctionnaires à un même système de remboursement forfaitaire, méconnaîtrait, premièrement, le caractère insulaire de certains lieux d’origine et la cherté des traversées maritimes, deuxièmement, l’existence de lieux d’origine, comme les DOM, qui ne sont accessibles que par un mode de transport, alors que la plupart des lieux d’origine situés sur le territoire continental de l’Europe seraient accessibles par au moins trois modes de transport, ce qui permettrait aux fonctionnaires concernés d’utiliser le mode de transport le moins cher, troisièmement, la circonstance que les résidents de certaines îles recevraient des aides à caractère social pour les traversées maritimes ou aériennes et bénéficieraient ainsi de tarifs préférentiels, ce qui ne serait pas le cas pour la Réunion.

25      Une deuxième forme d’inégalité résiderait dans le traitement différent de situations comparables, exprimé, primo, par le maintien de la règle du remboursement des frais réels aux fonctionnaires affectés dans des pays tiers proches du lieu d’origine du requérant, en ce qui concerne les voyages annuels entre leur lieu d’affectation et leur lieu d’origine. Il en serait de même, secundo, lorsque, en raison des règles relatives au montant forfaitaire supplémentaire prévu par l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut modifié, une différence d’un seul kilomètre – à savoir le 725e et le 1 450e – quant à la distance prise en compte conduirait à une différenciation substantielle du montant total remboursable. Cette forme d’inégalité se retrouverait, tertio, dans le calcul « à vol d’oiseau » de la distance totale séparant les lieux d’origine et les lieux d’affectation des fonctionnaires qui, comme le requérant, sont originaires des DOM, alors que pour les voyages vers d’autres lieux insulaires de la Communauté européenne, le calcul « à vol d’oiseau » serait limité à la traversée de mer la plus courte, le reste de la distance étant calculé sur la base de l’itinéraire de chemin de fer, forcément plus long et, partant, plus avantageux dans le cadre d’un remboursement calculé en fonction de la distance. Ce dernier système serait d’ailleurs exclusivement applicable au calcul de la distance entre deux villes continentales.

26      L’article 8 de l’annexe VII du statut modifié comporterait également une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne le droit d’accès à la fonction publique, consacré notamment par la déclaration universelle des droits de l’homme (ci-après la « DUDH »).

27      En ce qui concerne les discriminations alléguées, qui sont, selon le requérant, indirectes, au sens de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22), et interdites par le droit communautaire et le droit international, il relève en tout premier lieu la discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires qui, comme lui, sont originaires des DOM. Il insiste en particulier sur le système de calcul du montant forfaitaire remboursable, auquel il reproche d’être discriminatoire, en ce sens que les fonctionnaires concernés reçoivent en définitive un remboursement par kilomètre nettement inférieur à celui dont bénéficient la grande majorité des autres fonctionnaires. Par ailleurs, cette discrimination serait d’autant plus grave en raison de la cherté des billets d’avion pour les DOM.

28      Le requérant fait état d’autres discriminations à l’encontre des personnes originaires des DOM, lesquelles sont cependant sans rapport avec la question du remboursement des frais de voyage annuel, mais qui comportent selon lui une violation de l’article 299 CE. Il en serait ainsi de l’absence d’organisation dans les DOM de concours de recrutement de fonctionnaires. Il relève aussi cinq autres formes de discrimination : la discrimination à l’encontre des fonctionnaires originaires des PTOM ; la discrimination à l’encontre des nationalités chypriote, irlandaise ou maltaise ; la discrimination à l’encontre des fonctionnaires originaires des pays tiers non-européens ; la discrimination à l’encontre de minorités linguistiques et la discrimination fondée sur l’origine ethnique ou sur la race.

29      Les autres principes du droit communautaire dont la violation est alléguée par le requérant sont ceux de l’obligation de motivation, de proportionnalité, de transparence et de bonne administration, ainsi que de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

30      En ce qui concerne le premier de ces principes, le requérant soutient que la seule motivation des nouvelles règles de remboursement des frais de voyage annuel, qui figure au considérant 26 du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), est insuffisante et contradictoire en ce qu’elle justifie la modification opérée par une plus grande simplicité et une plus grande transparence, alors qu’en fait ces nouvelles règles sont plus compliquées et moins transparentes que les précédentes et qu’elles exigent, de surcroît, une gestion plus lourde. Le requérant relève en particulier que cette motivation n’offre aucune explication, d’une part, à la suppression du mode de remboursement selon les frais réellement exposés, en dépit de la référence expresse du considérant précité à l’ajustement plus étroit du remboursement des frais de voyage aux frais réels, et d’autre part, à l’absence de mesures de transition ou au caractère discriminatoire, selon lui, du barème de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié.

31      La violation du principe de proportionnalité résulterait de l’unicité du barème, en ce qu’il est applicable à tous les fonctionnaires, ainsi que de sa forte dégressivité, de son indexation indépendante du coût du transport aérien, de la neutralisation des 200 premiers kilomètres, de l’effet important de la « forfaitisation » supplémentaire pour le 750e et le 1 450e kilomètres, de la suppression du remboursement des frais réels, du non‑paiement des frais occasionnés par le voyage d’enfants âgés de moins de 2 ans, de la méthode erronée de calcul de la distance aux fins du remboursement, le tout étant aggravé par le détournement de la finalité de l’article 71 du statut modifié qui, selon le requérant, vise à donner aux fonctionnaires le droit au remboursement des frais réellement exposés. En rapport avec le principe de proportionnalité ainsi qu’avec les exigences de motivation, le requérant soutient que, dans la mesure où certains lieux d’origine comme le sien ne sont pas accessibles par train, l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié, en ce qu’il se réfère à la méthode fixée à l’article 7, paragraphe 2, premier alinéa, de cette même annexe, pour déterminer le remboursement des frais de voyage annuel, crée un vide juridique dès lors que ce dernier article prévoit un remboursement sur la base d’un itinéraire effectué en chemin de fer.

32      Les principes de transparence et de bonne administration seraient quant à eux violés du fait de la technique législative suivie pour la réforme statutaire et de l’inexistence de versions consolidées du statut, ainsi que de l’absence d’études sur les effets des modifications statutaires, tandis que la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique résulterait de la détérioration du régime de remboursement des frais de voyage annuel par rapport au régime qui était applicable lors de l’entrée en fonctions du requérant à la Commission.

33      En rapport avec les allégations d’inégalités de traitement, la partie défenderesse rappelle à titre liminaire la jurisprudence communautaire relative au principe d’égalité de traitement, notamment celle suivant laquelle ce principe n’interdit pas au législateur communautaire de tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles les intéressés se trouvent.

34      Par la suite, elle réfute les allégations d’inégalité de traitement, considérant que la modification apportée à l’article 8 de l’annexe VII du statut a été motivée par la volonté du législateur de simplifier les procédures et de réduire les coûts administratifs.

35      Elle poursuit en insistant sur le caractère forfaitaire du nouveau système, dont une des conséquences est, selon elle, que les différences marginales en résultant n’équivalent pas à des inégalités de traitement incompatibles avec la jurisprudence.

36      En ce qui concerne en particulier l’inégalité qui résulterait du traitement identique de situations différentes, la Commission estime :

–        que l’abandon de l’ancien système de remboursement sur présentation des billets se justifie par des raisons de bonne gestion financière, vu que ce système permettait de rembourser aux fonctionnaires qui n’étaient pas originaires d’Europe, au sens géographique, un voyage annuel vers des lieux autres que leurs lieux d’origine, notamment vers des destinations touristiques ; en toute hypothèse, les griefs tirés des inégalités de traitement entre les fonctionnaires dont les lieux d’origine sont insulaires et uniquement accessibles par la voie maritime et ceux dont le lieu d’origine est sur le continent ne correspondraient pas à la situation du requérant et seraient, partant, irrecevables ;

–        que l’allégation de discrimination par rapport aux fonctionnaires dont le lieu d’origine est accessible par plusieurs modes de transport équivaudrait à la présentation d’arguments dans l’intérêt de la loi, étant donné qu’il n’existe pas de lieu d’origine situé à la même distance du lieu d’affectation que celui du requérant, à savoir 9 392 km, qui soit accessible par des moyens de transport autres que l’avion ;

–        que le subventionnement des billets d’avion existe aussi pour une grande partie des vols vers l’île de la Réunion.

37      Concernant la deuxième inégalité alléguée, à savoir celle consistant dans le traitement différent de situations comparables, la Commission répond en substance comme suit au requérant :

–        la situation des fonctionnaires affectés dans des pays tiers n’est pas comparable à celle des fonctionnaires affectés dans un État membre ;

–        le requérant n’a pas intérêt à faire valoir l’argument tiré du montant forfaitaire supplémentaire car son lieu d’origine est distant de plus de 1 450 km de son lieu d’affectation ;

–        dans la mesure où la tranche supérieure à 10 000 km ne donne lieu à aucun remboursement et que la distance retenue, dans le cas du requérant est de 9 392 km, l’avantage pécuniaire résultant de l’utilisation de tout autre mode de calcul serait marginal, puisqu’il serait de l’ordre de 1,67 %, la méthode retenue se justifiant par la simplification administrative introduite par ce mode de calcul.

38      S’agissant de la troisième inégalité invoquée par le requérant, celle relative à l’accès à la fonction publique, la Commission, après avoir relevé au préalable que la DUDH n’est pas applicable en tant que telle à la Communauté européenne, fait remarquer que le paiement des frais de voyage ne constitue pas un élément essentiel du droit d’accès à la fonction publique.

39      La Commission réfute également les allégations de discriminations indirectes. Elle fait notamment valoir, s’agissant en particulier de la première forme de discrimination invoquée, que la méthode de calcul du montant remboursable tient compte de ce que, à partir d’une certaine distance, le coût du transport aérien n’augmente plus proportionnellement, le bien-fondé de cette méthode étant corroboré par le fait que le paiement forfaitaire actuel reste supérieur aux coûts réels pour une même destination, en l’occurrence la Réunion. À l’appui de ce dernier argument, la Commission présente une note de son agence de voyage, selon laquelle il existerait des billets d’avion pour la Réunion à des prix inférieurs au montant remboursé au requérant au titre des frais de voyage de ses enfants. Elle relève par ailleurs que le requérant n’est pas originaire de l’île de la Réunion, dès lors qu’il n’y est pas né et qu’il n’y a pas vécu toute sa vie avant d’être recruté à Bruxelles, son lieu d’origine ayant été simplement fixé en fonction de son lieu de recrutement. Ensuite, elle admet, comme le soutient le requérant, que la limite des 10 000 km a été retenue dans le statut modifié sur demande de la France, précisément au bénéfice des fonctionnaires originaires des DOM.

40      La Commission conteste, en outre, la recevabilité des griefs tirés des cinq autres formes de discrimination alléguées, au motif qu’il s’agit en réalité de griefs totalement étrangers à la situation personnelle du requérant et qu’ils doivent, dès lors, être regardés comme présentés dans l’intérêt de la loi.

41      La Commission conteste enfin la prétendue violation des autres principes supérieurs du droit communautaire invoqués par le requérant.

42      En réponse aux griefs tirés de la violation alléguée de l’obligation de motivation, la Commission, après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour relative aux exigences de motivation des actes communautaires, explique tout d’abord que l’introduction dans le statut modifié d’indemnités kilométriques différenciées selon les tranches de distance parcourue poursuit un but d’ajustement du remboursement aux frais réels, dès lors que le coût kilométrique croîtrait à partir de la distance à laquelle la majorité des gens prennent l’avion – 1 000 km selon la Commission – puis décroîtrait. Elle expose par la suite que l’introduction du montant forfaitaire supplémentaire, avec une augmentation du montant remboursé pour les distances supérieures à 725 km, vise à compenser partiellement la suppression du deuxième voyage remboursable, qui était prévu par le statut pour les trajets supérieurs à cette distance. Pour ce qui est du souci de simplification administrative, la Commission relève qu’il est reflété, primo, par l’abandon du système précédent qui reposait sur les tarifs de chemin de fer, nécessitait des mises à jour fréquentes et avait donné lieu à des écarts de remboursement importants lors des dernières années de son application, secundo, par la suppression de la possibilité de remboursement des frais réels sur présentation des billets.

43      S’agissant du principe de proportionnalité, la Commission rappelle aussi d’emblée la jurisprudence de la Cour, en insistant sur le fait que, dans des domaines impliquant des évaluations financières complexes, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du juge communautaire devant se limiter à la question de savoir si le législateur s’est tenu dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée. Le Conseil aurait respecté le principe de proportionnalité dans son choix de la méthode de calcul du remboursement des frais de voyage annuel, l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié assurant un bon équilibre entre l’objectif de simplification administrative et la nécessité de tenir compte de la diversité des situations.

44      La partie défenderesse expose également les raisons, tenant à la simplification de la gestion administrative, qui l’ont amenée à s’écarter de la méthode de calcul de la distance selon la règle fixée par l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut modifié, en faveur d’un calcul beaucoup plus simple des remboursements afférents à la destination en question, et rappelle que l’avantage, pour le requérant, de tout autre mode de calcul serait marginal.

45      Elle réfute au surplus les griefs tirés de la violation des principes de transparence, de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Le premier serait en toute hypothèse irrecevable, car non formulé dans la réclamation, tandis que les autres ne seraient pas fondés en droit. Plus particulièrement, la Commission relève que l’absence de régime transitoire n’est pas de nature à constituer une violation du principe de bonne administration et que les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’empêchaient pas le législateur communautaire de modifier le précédent système de remboursement des frais de voyage annuel pour mettre en place un système tel que celui applicable depuis le 1er mai 2004.

46      Dans son mémoire en réplique, le requérant réfute les positions de la Commission, notamment en ce qui concerne le subventionnement des billets d’avion pour la Réunion et la fiabilité de la note de l’agence de voyage produite en défense. Il critique surtout la méthode de calcul retenue par la Commission pour déterminer la distance entre son lieu d’origine et son lieu d’affectation, en faisant valoir que cette méthode comporterait une violation des modalités prévues par les articles 8 et 7 de l’annexe VII du statut modifié. Il insiste sur le fait que la Commission aurait dû, pour calculer cette distance, retenir un trajet ferroviaire jusqu’au port le plus proche de la Réunion, à savoir Cochin en Inde, et y ajouter la distance « à vol d’oiseau » de ce port jusqu’à la Réunion. Il fait enfin valoir que le montant mis à sa disposition en application du système forfaitaire ne permet pas de couvrir les frais réels.

47      Dans son mémoire en intervention, le Conseil rappelle la finalité de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut modifié, qui a motivé le choix d’un système forfaitaire visant à simplifier les règles administratives et à supprimer les relatives inégalités qui découlaient de la complexité de l’ancien système de remboursement. Il conteste l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement consacré par le droit international en ce qui concerne l’accès à la fonction publique et réfute la violation du principe de non-discrimination ainsi que des autres principes généraux du droit communautaire. Le Conseil estime que, en toute hypothèse, l’appréciation du Tribunal doit se limiter à la question de savoir, d’une part, si le législateur s’est tenu dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée, et d’autre part, si les inégalités de traitement marginales qui résultent forcément de l’application d’un système de paiements forfaitaires tel que celui mis en place par l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié ne sont pas disproportionnées par rapport au but recherché par un tel système.

48      Le requérant, en réponse au mémoire en intervention du Conseil, conteste surtout le choix du législateur de ne pas inclure l’alternative du remboursement des frais réels dans le nouveau système de calcul des frais de voyage.

49      Enfin, dans son mémoire en duplique, la Commission revient sur le mode de calcul utilisé, en insistant sur les difficultés administratives qui résulteraient de l’adoption d’un mode de calcul tel que celui proposé dans le mémoire en réplique, lequel serait non seulement inapproprié, mais manquerait aussi au caractère « usuel » de l’itinéraire, pourtant exigé par l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut modifié. La partie défenderesse tente par ailleurs de justifier le traitement différent réservé aux fonctionnaires affectés dans les pays tiers. En se référant à l’annexe X du statut modifié, relative aux dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers, elle fait valoir que la situation des fonctionnaires placés dans cette catégorie particulière est à bien des égards différente de celle du requérant, du fait, notamment, de la durée relativement courte de leur affectation dans ces mêmes pays, tout en notant qu’ils reçoivent eux aussi un paiement forfaitaire.

 Appréciation du Tribunal

50      Il résulte de ce qui précède que, à l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève pour l’essentiel une exception d’illégalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié, fondée sur des moyens tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, ainsi que des principes d’obligation de motivation, de proportionnalité, de transparence et de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Par ailleurs, dans le cadre de son moyen relatif au principe de proportionnalité, il fait valoir que le montant mis à sa disposition en application du système forfaitaire au titre de ses deux enfants à charge pour l’année 2004 n’était pas suffisant pour couvrir leurs frais réels de voyage annuel pour l’année en question.

51      En revanche, et en dépit des critiques qu’il formule à l’égard du mode d’application par la partie défenderesse de l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut modifié, il ne soulève pas, ainsi qu’il l’a d’ailleurs expressément confirmé lors de l’audience, de grief tiré d’une prétendue violation de ladite disposition.

 Observations liminaires

52      Le droit au remboursement des frais de voyage annuel du fonctionnaire et des membres de sa famille à charge entre son lieu d’affectation et son lieu d’origine est reconnu par l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié. La reconnaissance de ce droit constitue une expression de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du législateur communautaire, étant donné que, contrairement à ce que le requérant prétend, aucune règle supérieure du droit communautaire ou de l’ordre international ne l’obligeait à reconnaître un tel droit aux fonctionnaires et aux membres de leurs familles.

53      Il en est en particulier ainsi de l’article 21 de la DUDH, quelle que soit sa valeur contraignante dans l’ordre juridique communautaire. À titre liminaire, il importe de signaler que, selon la technique d’interprétation systémique, le droit reconnu par l’article 21, paragraphe 2, de la DUDH, qui, dans ce texte, trouve place entre le droit de participer à la direction des affaires publiques de son pays et le droit de participer à des élections, implique avant tout une interdiction de toute discrimination fondée sur les opinions politiques dans l’accès de toute personne à la fonction publique de son propre pays. En outre, le champ d’application de cette disposition est explicitement limité aux conditions d’accès aux fonctions publiques de chaque pays et ne s’étend pas nécessairement aux organismes et institutions supranationaux, qui ont leur propre personnalité juridique et une compétence en la matière bien distincte de celle des États. Par ailleurs, et à supposer même que cette disposition ait le champ d’application que le requérant lui attribue, elle n’englobe pas, contrairement à ce que ce dernier prétend, la question du remboursement de frais, tels que les frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine, avant tout parce que, de par sa nature, un tel remboursement ne relève aucunement des conditions d’accès au fonctionnariat, qui, seules, sont visées par la disposition susmentionnée ; il constitue en revanche, et quel que soit le but poursuivi, un avantage de nature pécuniaire. Certes, dans la mesure où cet avantage pécuniaire conditionnerait la décision d’accepter une offre d’emploi, l’inégalité à l’égard des conditions de son octroi pourrait être comprise comme une inégalité à l’égard des conditions d’accès aux fonctions publiques, contraire audit article, qui commande précisément que cet accès se fasse dans des conditions d’égalité. À cet effet, le Tribunal renvoie, cependant, aux considérations qu’il développe dans les points 58 à 104 ci-dessous, notamment à celles relatives aux moyens tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et d’interdiction des discriminations.

54      Par ailleurs, l’article 71 du statut modifié, invoqué par le requérant, ne se réfère qu’aux frais exposés par le fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et ne mentionne pas expressément les frais de voyages privés du lieu d’affectation au lieu d’origine. Certes, la possibilité pour le fonctionnaire de garder ses relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux a été érigée par la jurisprudence en principe général du droit de la fonction publique européenne (arrêt de la Cour du 2 mai 1985, de Angelis/Commission, 144/84, Rec. 1985 p. 1301, point 13 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T‑48/89, Rec. p. II‑493, point 27 ; Mavrakos/Conseil, T‑49/89, Rec. p. II‑509, publication sommaire, et Piemonte/Conseil, T‑52/89, Rec. p. II‑513, publication sommaire) ; cependant, cette jurisprudence est fondée sur les prescriptions de l’annexe VII du statut et non pas sur un droit que tout fonctionnaire aurait de se faire rembourser annuellement des frais de voyage vers son lieu d’origine.

55      Or, si c’est dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire que le législateur communautaire a décidé que les membres de la fonction publique européenne se verraient rembourser les frais de voyage exposés à l’occasion de leur congé annuel, il dispose à plus forte raison d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination des conditions et des modalités d’un tel remboursement.

56      Il est de jurisprudence constante que, dans les domaines où le législateur communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle de légalité exercé par le juge communautaire doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêts de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 80, et la jurisprudence citée ; du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, Rec. p. I‑7285, point 96 ; voir également, en matière de fonction publique, arrêt du Tribunal de première instance du 30 septembre 1998, Busacca e.a./Cour des comptes, T‑164/97, RecFP p. I‑A‑565 et II‑1699, point 48).

57      Ce pouvoir d’appréciation reconnu au législateur doit être exercé en conformité avec les règles et principes supérieurs du droit communautaire. À cet égard, le Tribunal entend examiner ensemble, et en premier lieu, les moyens du requérant tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et d’interdiction des discriminations ainsi que du principe de proportionnalité, car ils traitent en substance, quoique parfois sous un angle quelque peu différent, de la même problématique.

 Sur les moyens tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et d’interdiction des discriminations ainsi que du principe de proportionnalité

–       Remarques introductives

58      Le principe d’égalité de traitement interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec. p. I‑2801, point 71 ; arrêt du Tribunal de première instance du 11 décembre 2003, Breton/Cour de justice, T‑323/02, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1587, point 99).

59      Il ressort de la jurisprudence citée au point précédent qu’il en va de même du principe de non-discrimination, lequel n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7) et constitue, conjointement avec ce dernier, un des droits fondamentaux du droit communautaire dont la Cour assure le respect (arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero, C‑442/00, Rec. p. I‑11915, point 32).

60      Le principe de proportionnalité exige, quant à lui, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêts de la Cour du 20 février 1979, Buitoni, 122/78, Rec. p. 677, points 16 et 20 ; du 23 février 1983, Fromançais, 66/82, Rec. p. 395, point 8 ; du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25 et du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 60 ; arrêts du Tribunal de première instance du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 39, et du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, point 99).

61      Cependant, comme le Tribunal l’a relevé au point 55 ci-dessus, la fixation des conditions et des modalités d’application du remboursement des frais de voyage annuel relève d’un domaine de la réglementation dans lequel le législateur jouit d’un large pouvoir d’appréciation. Par conséquent, les principes susmentionnés doivent être interprétés à la lumière de ce large pouvoir d’appréciation tout en tenant compte de la nécessité de mettre en œuvre les choix du législateur en matière de politique du personnel.

62      Dans un tel domaine, le juge se limite à vérifier, s’agissant du principe d’égalité, ainsi que de celui de non-discrimination, que l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate (arrêts du Tribunal de première instance du 30 septembre 1998, Losch/Cour de justice, T‑13/97, RecFP p. I‑A‑543 et II‑1633, points 113, 121 et 122 ; Busacca e.a./Cour des comptes, précité, points 49, 58 et 59 ; du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑623, points 127 et 132 et du 8 janvier 2003, Hirsch e.a./BCE, T‑94/01, T‑152/01 et T‑286/01, RecFP p. I‑A‑1 et II‑27, point 51) et, en rapport avec le principe de proportionnalité, si la mesure arrêtée n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif de la réglementation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Rau/Commission, 279/84, 280/84, 285/84 et 286/84, Rec. p. 1069, point 34 ; du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 22 et du 26 juin 1990, Zardi, C‑8/89, Rec. p. I‑2515, point 10 ; arrêt du Tribunal de première instance du 13 septembre 2006, Sinaga/Commission, T‑217/99, T‑321/00 et T‑222/01, non publié au Recueil, point 144).

63      Or, selon une jurisprudence constante, l’objectif de l’article 8 de l’annexe VII du statut est de permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, à son lieu d’origine, afin d’y conserver des liens familiaux, sociaux et culturels. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, la possibilité pour le fonctionnaire de garder des relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux est en effet devenu un principe général du droit de la fonction publique européenne.

64      Pour atteindre ce but, le législateur avait le choix entre deux solutions principales, à savoir soit le remboursement des frais réellement exposés par le fonctionnaire, soit l’application d’un système forfaitaire.

65      Jusqu’à la réforme statutaire de 2004, l’article 8 de l’annexe VII du statut permettait l’application des deux systèmes en parallèle. En effet, si le statut se basait principalement sur la logique du remboursement forfaitaire, il laissait aux fonctionnaires dont le lieu d’origine était distant de plus de 500 km de leur lieu d’affectation ou dont l’itinéraire usuel comportait une traversée de mer la possibilité d’opter pour le remboursement des frais réels de voyage en avion. Seuls les fonctionnaires dont le lieu d’origine et/ou d’affectation se trouvaient hors d’Europe étaient obligatoirement soumis au système de remboursement des frais réels. Avec l’augmentation substantielle et constante du nombre des fonctionnaires, le législateur communautaire a, pour des motifs légitimes, notamment budgétaires, administratifs et de politique du personnel, choisi de se limiter au seul remboursement forfaitaire et a adopté de nouvelles règles à cet effet.

66      Le Tribunal considère que, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, le Conseil était entièrement en droit de procéder de la sorte, sous la seule réserve de la sauvegarde de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, laquelle, ainsi qu’il vient d’être indiqué, consiste à permettre à chaque fonctionnaire de garder ses relations personnelles avec les lieux de ses intérêts principaux.

67      Or, dans le cadre de son moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, le requérant fait précisément grief à l’acte attaqué d’avoir méconnu la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, le remboursement forfaitaire étant, selon lui, insuffisant pour couvrir ses frais réels.

68      Il convient dès lors d’examiner ce grief séparément des autres griefs invoqués par le requérant à l’appui de son moyen relatif à la violation du principe de proportionnalité et d’y répondre en premier lieu. Si celui-ci s’avère fondé, le Tribunal devra déterminer par la suite si, et dans quelles conditions, cette conclusion doit emporter annulation de l’acte attaqué, tandis que, en cas de rejet de ce grief, il lui appartiendra de poursuivre l’examen des autres griefs invoqués à l’encontre du système de remboursement de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié.

–       Sur le grief tiré de la prétendue insuffisance du montant forfaitaire pour couvrir les frais réels de voyage annuel

69      Pour l’année 2004, le requérant a reçu un remboursement forfaitaire de 1 880,77 euros au titre des frais de voyage de ses deux enfants de Bruxelles à la Réunion. Il n’a pas produit de billets d’avion permettant d’établir que le prix qu’il aurait payé était supérieur à ce montant.

70      Certes, il fait valoir que ce montant forfaitaire ne lui permet pas de couvrir ses frais de voyage en classe de référence. Or, la notion de classe de référence, qui, conformément à l’article 7, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VIII du statut, correspondait à la classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou à la première classe, n’existe plus dans le système introduit par le statut modifié pour le remboursement des frais de voyage des fonctionnaires dont le lieu d’affectation est situé sur le territoire d’un État membre. L’argument manque ainsi de pertinence. En effet, les dispositions du statut modifié doivent être interprétées en tenant compte de leur économie et de leur finalité et non à la lumière d’une réglementation abrogée (arrêt de la Cour du 25 novembre 1982, Evens/Cour des comptes, 79/82, Rec. p. 4033, point 10).

71      Il est vrai que, dans sa réplique, le requérant fait valoir que le remboursement d’un montant forfaitaire ne permet pas « toujours » de couvrir les frais réels de voyage, même en classe économique. Cet argument est cependant à écarter. À supposer qu’une telle allégation puisse être présentée de manière recevable au stade de la réplique, force est de constater que le requérant se limite à prétendre que le montant forfaitaire ne suffit pas « toujours » à couvrir les frais réels de voyage, admettant ainsi implicitement qu’il peut également s’avérer suffisant selon, bien entendu, les dates et conditions de réservation. Par ailleurs, les exemples de prix qu’il annexe à sa réplique, d’une part, portent sur une période autre que la période en cause, à savoir l’année 2004, et d’autre part, s’agissant au moins des vols Air France, ces tarifs sont le plus souvent inférieurs au montant forfaitaire reçu. Certes, les prix augmentent durant les périodes de vacances et dépassent le montant forfaitaire reçu, mais la liste des tarifs donnés en exemple par le requérant ne permet pas de comprendre les conditions auxquelles ceux-ci sont soumis et, notamment, si, à des conditions de vente plus restrictives, il existe des tarifs inférieurs. Or, il appartient au fonctionnaire intéressé de se comporter de manière diligente, afin de profiter des conditions avantageuses offertes par les compagnies aériennes, de façon à ce que, même durant les périodes d’affluence, le montant forfaitaire puisse couvrir les frais réels.

72      Par ailleurs, les exemples de prix fournis par la Commission tant en annexe à son mémoire en défense, à savoir, pour deux enfants, 1 106 euros par la compagnie Air France et 858 euros par la compagnie Air Mauritius, que lors de l’audience, dont la réalité n’a pas été remise en question par le requérant, font état de prix bien inférieurs à ceux invoqués par ce dernier. Certes, le requérant a contesté lors de l’audience la pertinence de ces exemples, en invoquant l’épidémie de « Chikungunya », laquelle aurait conduit, selon lui, à une chute considérable des prix des billets d’avion pour la Réunion. Cependant, cette épidémie et la chute des prix qui en aurait résulté sont, de l’aveu même du requérant, des événements nettement postérieurs à l’année 2004, sur laquelle portent les exemples donnés par la Commission dans son mémoire en défense. De surcroît, cette situation perdure et, s’il est possible, comme le requérant l’a fait valoir lors de l’audience, que les prix augmentent à nouveau dans l’avenir, le Tribunal n’est pas en mesure de se prononcer sur des situations futures et hypothétiques (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 11).

73      À la lumière de tous ces éléments de preuve, le Tribunal parvient à la conclusion que le montant forfaitaire résultant de l’application de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié suffisait à assurer le remboursement des frais réels du voyage des deux enfants du requérant entre Bruxelles et la Réunion, dans le respect de la finalité de cet article.

74      Par conséquent, l’exception d’illégalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié doit être rejetée dans la mesure où elle se fonde sur des griefs tirés du caractère exclusivement forfaitaire du nouveau système et de la prétendue insuffisance du montant qui, en application de ce système, a été versé au requérant pour ses deux enfants à charge, en méconnaissance, selon lui, de la finalité dudit article 8.

–       Sur les autres griefs formulés par le requérant

75      Les autres griefs formulés par le requérant à l’appui des moyens relatifs à la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, ainsi que du principe de proportionnalité portent, premièrement, sur le prétendu traitement identique de situations différentes, deuxièmement, sur le prétendu traitement différent de situations comparables, troisièmement, sur l’introduction, comme modalité de remboursement, d’une indemnité kilométrique prétendument discriminatoire pour les fonctionnaires originaires des DOM, quatrièmement, sur les autres discriminations invoqués par le requérant, ainsi que, cinquièmement, sur des aspects du principe de proportionnalité autres que celui du caractère suffisant du montant forfaitaire, examiné aux points 69 à 74 ci-dessus.

76      Il convient d’examiner, en premier lieu, les griefs relatifs à l’introduction d’une indemnité kilométrique prétendument discriminatoire pour les fonctionnaires originaires des DOM et, par la suite, dans l’ordre dans lequel ils sont mentionnés au point précédent, les autres griefs du requérant.

 a. Sur les griefs tirés de l’introduction d’une indemnité kilométrique prétendument discriminatoire pour les fonctionnaires originaires des DOM

77      Il est constant que le mode de calcul du montant forfaitaire remboursable se fonde sur le critère de la distance entre, d’une part, le lieu d’affectation, et d’autre part, le lieu de recrutement ou d’origine, et que ce montant consiste en une indemnité kilométrique dont le taux varie par tranche de distance, selon le barème établi par l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut modifié. Le total obtenu est majoré d’un montant forfaitaire supplémentaire qui est également fonction de la même distance.

78      Il est également constant que le requérant ne critique pas le critère de la distance, mais les taux d’indemnité kilométrique appliqués aux différentes tranches de distance, ainsi que les conditions d’octroi du montant forfaitaire supplémentaire, notamment l’application d’un même montant forfaitaire supplémentaire pour toute distance supérieure à 1 450 km. Il fait valoir que, de la sorte, il est fortement discriminé en termes proportionnels par rapport aux fonctionnaires pour lesquels la distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine est inférieure à celle résultant de sa situation. Selon lui, le remboursement qu’il perçoit est proportionnellement – c’est-à-dire en termes d’indemnité kilométrique moyenne – très inférieur à celui reçu par ses autres collègues.

79      Il ne fait pas de doute que le montant remboursable pour chaque membre de la famille du requérant est, en termes proportionnels, inférieur aux montants que reçoit la grande majorité de ses collègues et notamment ceux pour lesquels la distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine se situe entre 200 et 4 000 km. En effet, et en se limitant aux distances représentatives du milieu de chacune des tranches de distance reprises à l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut modifié, et en tenant également compte du montant forfaitaire supplémentaire, on constate que les fonctionnaires reçoivent les montants suivants :

–        pour une distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine de 500 km, le montant remboursable est de 99,6 euros, ce qui correspond à une indemnité kilométrique moyenne de 0,1992 euro/km,

–        pour une distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine de 1 500 km, le montant remboursable est de 874,24 euros, ce qui correspond à une indemnité kilométrique moyenne de 0,5828 euro/km,

–        pour une distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine de 2 500 km, le montant remboursable est de 1 316,86 euros, ce qui correspond à une indemnité kilométrique moyenne de 0,526744 euro/km,

–        pour une distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine de 3 500 km, le montant remboursable est de 1 538,19 euros, ce qui correspond à une indemnité kilométrique moyenne de 0,439 euro/km,

–        pour une distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine de 7 000 km, le montant remboursable est de 1 753,09 euros, ce qui correspond à une indemnité kilométrique moyenne de 0,2504 euro/km,

–        pour une distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine de 9 392 km, qui correspond au cas du requérant, le montant remboursable est de 1 880,77 euros, ce qui correspond à une indemnité kilométrique moyenne de 0,20 euro/km.

80      Les montants ci-dessus, réduits de moitié, correspondent aux montants remboursables aux fonctionnaires pour les frais de voyage d’enfants âgés de 2 à 10 ans et à leur charge, ce qui est le cas du requérant.

81      Le Conseil et la Commission relèvent essentiellement que la différenciation entre l’indemnité kilométrique moyenne perçue par le requérant et celle perçue par les fonctionnaires dont les lieux d’affectation et d’origine sont séparés par une distance moindre est objectivement justifiée par la circonstance que le prix kilométrique des billets d’avion n’est pas proportionnel à la distance parcourue, mais croît à partir de la distance à laquelle la majorité des gens prennent l’avion – 1 000 km selon la Commission – puis décroît. Εn d’autres termes, selon ces institutions, le fait que l’indemnité kilométrique prévue pour certaines tranches de distance soit supérieure à celle dont bénéficie le requérant ne fait que compenser le prix kilométrique des billets d’avion pour les destinations comprises dans ces tranches de distance précises, lequel est plus élevé que le prix kilométrique des billets pour les destinations plus lointaines. Ainsi, la circonstance selon laquelle l’indemnité kilométrique moyenne accordée à certains fonctionnaires est supérieure à celle perçue par le requérant, loin de constituer une inégalité de traitement, voire une discrimination, viserait précisément à garantir le respect de ce principe ainsi que celui de proportionnalité.

82      Une telle argumentation, sous réserve de la pertinence des prémisses sur lesquelles elle repose, notamment celles relatives au rapport entre le prix kilométrique des billets d’avion et la distance parcourue, constituerait une justification suffisante de la différence entre l’indemnité kilométrique moyenne perçue par le requérant et celle octroyée à la plupart de ses collègues, en particulier ceux dont le lieu d’origine se trouve à une distance de 1 500 à 2 500 km de leur lieu d’affectation.

83      Il ne saurait cependant pas être requis des institutions qu’elles démontrent que l’écart entre l’indemnité kilométrique moyenne perçue par le requérant et celle perçue par d’autres fonctionnaires est proportionnellement le même ou est très proche de l’écart entre le prix kilométrique du billet d’avion pour son lieu d’origine et le prix kilométrique des billets d’avion des autres fonctionnaires pour les leur.

84      En effet, toute tentative pour effectuer une telle comparaison, qui requerrait un certain degré de précision et d’exactitude, se heurterait à l’impossibilité d’établir de manière objective et fiable la deuxième branche de la comparaison, à savoir l’écart entre le prix kilométrique du billet d’avion pour le lieu d’origine du requérant et le prix kilométrique des billets d’avion pour les lieux d’origine des autres fonctionnaires. Tout d’abord, il est acquis que, pour une même date et pour une même destination, il existe des différences de prix entre les billets d’avion, parfois même sous des conditions de réservation et de voyage identiques ou avec la même compagnie aérienne. De surcroît, pour ce qui est des billets d’avion à comparer à celui du requérant, il convient d’observer que, pour chaque tranche de distance, il existe non pas une ou deux, mais plusieurs destinations correspondant aux différents lieux d’origine des fonctionnaires, pour lesquelles, même si elles se trouvent à une distance presque égale de leur lieu d’affectation respectif, les prix des billets d’avion diffèrent très sensiblement. Enfin, il est tout aussi notoire que les prix de ces billets connaissent des fluctuations très importantes dans le temps, de sorte que les calculs faits pour une année donnée ne sont plus forcément valables l’année suivante. Or, des raisons évidentes de sécurité juridique, ainsi que des raisons liées à la charge de travail administratif, s’opposent à une adaptation continue des bases de calcul du montant forfaitaire remboursable, ce d’autant plus que cette prestation pécuniaire n’est pas un élément essentiel des droits du fonctionnaire et que, sauf cas exceptionnels, dont le requérant ne relève pas, ne constitue qu’un faible pourcentage des revenus annuels des fonctionnaires.

85      Dans ces conditions, la reconnaissance d’un très large pouvoir d’appréciation au législateur se justifie tout particulièrement et, conformément à la jurisprudence citée au point 62, le juge communautaire se limite à vérifier si l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif de la réglementation en cause et si la mesure arrêtée par l’institution n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à cet objectif.

86      Pour ce qui est de la condition relative à la différenciation arbitraire, force est de constater que, si l’application de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié aboutit à une différenciation entre la situation du requérant et celle de la grande majorité des autres fonctionnaires, en lui accordant une indemnité kilométrique moyenne inférieure à la leur, une telle différenciation trouve son origine dans le prix kilométrique plus élevé des billets d’avion pour les destinations situées à moyenne distance. Il est vrai, le Conseil l’ayant d’ailleurs expressément admis lors de l’audience, que l’établissement du barème de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié, fondé sur la prémisse du caractère croissant du prix kilométrique moyen des billets d’avion jusqu’à 2 000 km et décroissant au-delà, n’a pas été précédé d’une étude du marché des billets d’avion, mais a été uniquement fondé sur la perception générale de la structure des prix kilométriques. Cependant, au vu de la longue expérience des institutions en matière de gestion des demandes de remboursement des frais de voyage, le législateur communautaire pouvait à bon droit constater l’existence d’une telle structure de prix et en tenir compte lors de l’élaboration et de la mise en place du nouveau système.

87      Par ailleurs, les exemples donnés par le Conseil et la Commission en réponse aux questions que le Tribunal leur a posées à titre de mesures d’organisation de la procédure confirment la tendance à la baisse du prix kilométrique des billets d’avion lorsque la distance parcourue croît, même si cette tendance n’apparaît pas de façon aussi marquée que le caractère décroissant de l’indemnité kilométrique moyenne, certains exemples révélant même une tendance inverse, notamment pour des destinations telles que Tbilissi, Addis-Abeba, Kinshasa et Erevan.

88      Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, le Tribunal, au regard du large pouvoir d’appréciation du législateur communautaire en la matière, parvient à la conclusion que la différenciation opérée par ce dernier n’est pas arbitraire.

89      Par ailleurs, nonobstant la différenciation constatée entre les indemnités kilométriques moyennes applicables à la situation du requérant et à celles d’autres fonctionnaires, le système de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié n’apparaît ni manifestement inadéquat ni manifestement inapproprié par rapport à son objectif, lequel est de permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, à leur lieu d’origine. Afin de s’assurer du respect de la finalité de cet article, le législateur ne pouvait se contenter de fixer des montants de remboursement correspondant exactement ou dépassant de peu les prix considérés comme habituels pour les voyages entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine des fonctionnaires. Ainsi, en raison de la volatilité du marché des billets d’avion et du fort impact des conjonctures politique et économique sur le prix de ces derniers, le législateur a, en règle générale, fixé les taux d’indemnité kilométrique de manière à ce que les montants forfaitaires résultant de leur application soient largement suffisants pour couvrir les frais de voyage réels ainsi que, dans certaines situations, les frais d’un deuxième voyage voire plus. Une telle approche apparaît d’autant plus justifiée et raisonnable que les lieux d’origine de très nombreux fonctionnaires ne se situent pas à un endroit disposant d’un aéroport et que ceux-ci doivent, par conséquent, se rendre à un aéroport situé à proximité et supporter par la suite des frais supplémentaires pour se rendre à leurs lieux d’origine. Or, si la distance entre leur lieu d’affectation et leur lieu origine est inférieure à la distance entre leur lieu d’affectation et le lieu où est situé l’aéroport en question, ils recevront un paiement forfaitaire moindre, tout en s’exposant à des frais supérieurs à ceux auxquels se sont exposés leurs collègues dont le lieu d’origine correspond au lieu où est situé l’aéroport en question et auxquels le requérant compare sa situation. Dans ces conditions, dans la mesure où il a été établi que le montant remboursé au requérant lui suffit pour financer le voyage vers son lieu d’origine, la circonstance que d’autres fonctionnaires recevraient une indemnité kilométrique moyenne supérieure à la sienne n’est pas de nature à entacher le système d’illégalité, à supposer même que, en raison du niveau de prix des billets d’avion à un moment donné, certains de ces fonctionnaires puissent se rendre plus souvent à leur lieu d’origine que le requérant au sien. En effet, ainsi que le fait remarquer le Conseil, un système forfaitaire s’avèrera par définition toujours plus avantageux pour certains fonctionnaires que pour d’autres. Par ailleurs, le cercle des fonctionnaires qui sont avantagés change selon la conjoncture. Ainsi, il est symptomatique que la survenance de l’épidémie de « Chikungunya » a, de l’aveu du requérant, conduit à une chute historique et sans précédent des prix des billets d’avion vers la Réunion depuis le début de l’année 2006, ce qui le place, au cas où il effectuerait ce voyage, parmi les fonctionnaires aujourd’hui avantagés par le système forfaitaire. En outre, il ne faut pas perdre de vue que le requérant reçoit en toute hypothèse un montant nominal supérieur à celui de ses collègues et que, en n’effectuant pas son voyage annuel, son bénéfice pécuniaire serait plus important que celui de ses collègues, au cas où ceux-ci n’effectueraient pas non plus leurs voyages annuels.

90      Par conséquent, eu égard à la logique du système dans son ensemble, et au vu du large pouvoir d’appréciation du législateur communautaire, le Tribunal considère que le système n’est ni manifestement inadéquat ni manifestement inapproprié par rapport à son objectif.

91      Dans ce contexte, il convient en outre de rappeler que, même s’il doit résulter dans des situations marginales des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors qu’elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit (arrêt de la Cour du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, point 14) et qu’il suffit à cet égard que les différences de traitement entre différentes catégories de fonctionnaires soient justifiées sur la base d’un critère objectif et raisonnable et que cette différence soit proportionnée au but poursuivi par cette différenciation (arrêts du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 83, et du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, RecFP p. I‑A‑65 et II‑267, point 65).

 b. Sur les griefs relatifs au traitement identique de situations différentes

92      Le requérant reproche en substance à l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié d’avoir introduit un système de remboursement forfaitaire qui, fondé sur la distance, s’applique de manière unique à tous les fonctionnaires, sans tenir compte des différences tenant au caractère insulaire de certains lieux d’origine, à l’impossibilité pour certains fonctionnaires d’utiliser des modes de transport autres que l’avion et au caractère subventionné ou non des billets d’avion pour certaines destinations.

93      Or, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, le législateur était en droit de considérer que, aux fins du calcul du montant forfaitaire pour le remboursement des frais de voyage annuel, tous les fonctionnaires pour lesquels la distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine était la même se trouvaient dans une situation identique au sens des exigences du principe d’égalité de traitement, ce en dépit des trois différences susmentionnées. Il leur a ainsi réservé un traitement égal, en conformité avec les exigences de ce même principe.

94      Par ailleurs, si les différences mises en avant par le requérant avaient imposé un traitement différencié des fonctionnaires pour lesquels la distance entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine était la même, le législateur aurait également dû tenir compte de toute une série d’autres paramètres, comme par exemple, l’existence ou non d’un aéroport proche du lieu d’origine, la desserte ou non par des compagnies aériennes à bas coût, ainsi que d’autres éléments de même nature, ce qui rendrait impossible l’application d’un système forfaitaire. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 66 ci-dessus, le législateur était parfaitement en droit de remplacer le système précédent par un système forfaitaire.

95      En toute hypothèse, il n’a pas été établi ni même suggéré que le fait pour le législateur de ne pas avoir tenu compte des éléments indiqués au point 92 ci-dessus conduise à des différenciations arbitraires ou rende le système de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié manifestement inadéquat par rapport à son objectif. Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 62 ci-dessus, dans les domaines où, comme en l’espèce, le législateur dispose d’une très large marge d’appréciation, le juge communautaire se limite à vérifier que l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif de la réglementation en cause. À titre surabondant, le Tribunal renvoie aux considérations développées dans les points 77 à 91 ci-dessus.

  c. Sur les griefs relatifs au traitement différent de situations comparables

96      Les considérations qui précèdent, et qui visent les allégations de traitement identique de situations différentes, valent également pour les allégations de traitement différent de situations comparables.

97      De surcroît, s’agissant de la première hypothèse par laquelle le requérant considère comme comparables la situation des fonctionnaires dont le lieu d’affectation est situé sur le territoire d’un État membre et celle des fonctionnaires affectés en dehors d’un tel territoire, le Tribunal relève que les différences entre ces deux catégories de fonctionnaires sont suffisamment importantes pour que le législateur ait pu, sans dépasser sa marge d’appréciation, leur réserver un traitement différent. Il en est par exemple ainsi, comme la Commission le relève à juste titre, de la durée d’affectation des fonctionnaires en poste en dehors du territoire d’un État membre, celle-ci étant limitée dans le temps, ainsi que du caractère « difficile » de certains de ces lieux d’affectation, où les fonctionnaires ne sont le plus souvent pas accompagnés de leur famille.

98      Pour ce qui est de la deuxième hypothèse relative à des situations comparables, celle-ci concerne les fonctionnaires pour lesquels la distance prise en compte est de peu inférieure ou supérieure à 725 km ou à 1 450 km, les remboursements forfaitaires dont ils bénéficient se différenciant substantiellement sans raison objective, il suffit de constater, à titre surabondant, premièrement, que le requérant ne fait partie d’aucune de ces catégories de fonctionnaires et, deuxièmement, que tout préjudice qui résulterait pour lui de ces circonstances se traduirait dans le calcul de son indemnité kilométrique moyenne. Or, les griefs soulevés par le requérant à l’encontre de cette dernière ont été écartés aux points 77 à 91 ci-dessus.

99      Les troisième et quatrième griefs invoqués par le requérant, tirés de la violation du principe d’égalité de traitement, à les supposer établis, ne portent pas sur l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié, mais trouvent leur origine dans le mode d’application par la Commission de l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut modifié. Or, les écritures du requérant ne présentent pas de moyen tiré d’une violation quelconque de cette dernière disposition, ce qu’il a d’ailleurs expressément confirmé à l’audience.

 d. Sur les discriminations indirectes alléguées par le requérant, autres que celles à l’encontre des fonctionnaires originaires des DOM

100    Selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que les griefs qui lui sont personnels (arrêt de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, point 14 ; arrêt du Tribunal de première instance du 25 septembre 1991, Sebastiani/Parlement, T‑163/89, Rec. p. II‑715, points 24 et 25 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 10 décembre 1997, Smets/Commission, T‑134/96, Rec. p. II‑2333, point 47 ; ordonnance du Tribunal du 14 juin 2006, Lebedef e.a./Commission, F‑34/05, RecFP p. I‑A‑1‑33 et II‑A‑1‑105, points 21 et suivants).

101    Ainsi, les moyens tirés de l’existence de discriminations à l’encontre des fonctionnaires originaires des PTOM, des fonctionnaires irlandais, maltais et chypriotes et des fonctionnaires ressortissants de pays tiers dont le requérant n’est pas lui-même ressortissant, ainsi que de discriminations à l’encontre des minorités linguistiques ou encore fondées sur l’origine ethnique ou raciale, ne sont pas personnels au requérant et, par conséquent, ne peuvent être accueillis.

 e. Sur les autres griefs relatifs au principe de proportionnalité

102    Dans le cadre de son moyen relatif à une prétendue violation du principe de proportionnalité, exception faite du grief tirée de la prétendue insuffisance du montant forfaitaire au regard des frais réels supportés, auquel il a été répondu aux points 69 à 74 ci-dessus, le requérant reprend certains griefs qu’il a déjà soulevés à l’appui de ses moyens tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination et que le Tribunal a déjà écartés. En toute hypothèse, pour faire droit à l’exception d’illégalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut modifié, en tant qu’elle résulterait d’une violation du principe de proportionnalité, il faudrait, ainsi qu’il a été relevé au point 62 ci-dessus, que les griefs formulés par le requérant permettent d’établir que le système de remboursement instauré par cette disposition est manifestement inapproprié par rapport à son objectif. Or, le requérant n’a ni établi ni même allégué que la prétendue violation du principe de proportionnalité présentait un tel caractère manifeste. À titre surabondant, le Tribunal renvoie également aux considérations développées dans les points 77 à 91 ci-dessus.

103    Partant, les griefs relatifs à la violation du principe de proportionnalité, autres que celui visant la prétendue insuffisance du montant forfaitaire au regard des frais réels supportés, doivent eux aussi être écartés.

 f. Conclusion

104    Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés d’une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité doivent être écartés dans leur ensemble.

 Sur la violation alléguée des autres principes du droit communautaire

–       Sur le défaut de motivation

105    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’un acte à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (voir, arrêts de la Cour du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil, C‑150/94, Rec. p. I‑7235, points 25 et 26 ; du 7 novembre 2000, Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑168/98, Rec. p. I‑9131, point 62 ; du 9 septembre 2003, Kik/OHMI, C‑361/01 P, Rec. p. I‑8283, point 102 et du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, Rec. p. I‑1975, point 55 ; voir, également en matière de fonction publique, arrêt de la Cour du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission, 3/83, Rec. p. 1995, points 30 et 31 ; arrêt du Tribunal de première instance du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, RecFP p. I‑A‑159 et II‑511, points 49 et suivants).

106    Par ailleurs, la Cour a itérativement jugé que, si un acte à portée générale fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (voir, notamment, arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Espagne/Conseil, C‑284/94, Rec. p. I‑7309, point 30), comme les aspects techniques de modalités de calcul (arrêt du Tribunal de première instance du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, RecFP p. I‑A‑271 et II‑815, point 89).

107    Il a, par ailleurs, également été jugé que la motivation exigée à l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction communautaire d’exercer son contrôle. Ainsi, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑26/00, Rec. p. I‑6527, point 113, et la jurisprudence citée).

108    Le Tribunal estime que, conformément aux principes établis par la jurisprudence précitée, la motivation du règlement litigieux, bien que succincte, est suffisante (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance, Rijnoudt et Hocken/Commission, précité, point 52, et du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/97, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1023, points 54 et 55).

–       Sur la violation des principes de transparence et de bonne administration

109    Le Tribunal observe que l’adoption d’un règlement communautaire modifiant le statut ne pourrait être viciée du fait de l’absence de publication d’une version consolidée des dispositions régissant la situation des fonctionnaires des institutions de l’Union européenne. La validité d’une réglementation dépend de sa publication régulière au Journal officiel de l’Union européenne, formalité qui a été respectée tant pour le règlement d’origine fixant le statut que pour les règlements l’ayant modifié ultérieurement, y inclus en dernier lieu le règlement n° 723/2004. En outre, le Tribunal note que, comme la Commission le relève d’ailleurs à juste titre, le règlement n° 723/2004 modifie en fait le règlement d’origine, tel que modifié ultérieurement, et que, en toute hypothèse, la version consolidée du statut est accessible sur le site intranet de la Commission, une version imprimée étant par ailleurs normalement remise à chaque fonctionnaire lors de son entrée en fonctions.

110    Au surplus, le Tribunal considère, par analogie à ce qui a été jugé dans un autre domaine (voir, en matière d’accord entre la Communauté et un État membre portant sur le transfert de droits à pension, arrêt du Tribunal de première instance du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 45), qu’aucune règle de droit n’introduit l’obligation de publier des textes consolidés du statut ou des études sur les effets d’une réforme statutaire future, ni ne prévoit les formes selon lesquelles doit s’effectuer la publicité des informations à l’intention du personnel, tout comme aucune disposition ne fait dépendre la validité des règles statutaires d’une telle publication.

111    Par ailleurs, le Tribunal relève que la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêts du Tribunal de première instance du 7 juillet 1998, Mongelli e.a./Commission, T‑238/95, T‑239/95, T‑240/95, T‑241/95 et T‑242/95, RecFP p. I‑A‑319 et II‑925, points 52 à 54, et Telchini e.a./Commission, T‑116/96, T‑212/96 et T‑215/96, RecFP p. I‑A‑327 et II‑947 points 83 à 85), vaut également pour le principe de bonne administration (arrêt Rijnoudt et Hocken/Commission, précité, point 104).

112    Pour ce qui est en particulier du moyen tiré de la violation du principe de transparence et des griefs relatifs à l’absence de versions consolidées du statut, le Tribunal constate, à titre surabondant, qu’ils ne figurent pas dans la réclamation précontentieuse du requérant, même lue dans un esprit d’ouverture, et qu’ils sont, partant, selon une jurisprudence constante, irrecevables, ainsi que la Commission le relève d’ailleurs à juste titre dans ses écritures (arrêt du Tribunal de première instance du 26 avril 2005, O’Bradaigh/Commission, T‑431/03, non publié au Recueil, point 53 ; arrêt du Tribunal du 26 avril 2006, Falcione/Commission, F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, point 75 ; ordonnance du Tribunal du 13 décembre 2006, Aimi e.a./Commission, F‑47/06, RecFP p. I‑A‑1‑165 et II‑A‑1‑639, point 57).

–       Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

113    Le Tribunal rappelle en premier lieu la jurisprudence constante, citée dans le point 111, selon laquelle un fonctionnaire ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique.

114    Le Tribunal estime également que, dans un domaine comme celui de l’espèce, le respect du principe de protection de la confiance légitime ne saurait empêcher l’application d’une réglementation nouvelle aux effets futurs de situations nées sous l’empire d’une réglementation antérieure en l’absence d’engagements pris par l’autorité publique (voir arrêt de la Cour du 5 mai 1981, Dürbeck, 112/80, Rec. p. 1095, point 48 ; arrêt du Tribunal de première instance du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, point 85).

115    À titre surabondant, le Tribunal relève que, si, pour les fonctionnaires ou agents de grades inférieurs ou ayant des familles nombreuses, le montant du remboursement des frais de voyage annuel correspond à un pourcentage élevé de l’ensemble des revenus qu’ils tirent de leurs fonctions durant une année civile, et qu’il pourrait être soutenu qu’une diminution brutale et imprévisible de ce montant risquerait d’affecter dans certaines circonstances et sous certaines conditions leur confiance légitime, tel n’est certainement pas le cas du requérant, fonctionnaire de grade A*10 et père de deux enfants, qui invoque un préjudice matériel de 7 372 euros. De surcroît, ce montant est calculé sur la base de deux voyages annuels, tandis que, même en application des règles en vigueur avant le 1er mai 2004, le requérant et les membres de sa famille n’avaient droit au remboursement que d’un seul voyage annuel. Certes, le requérant allègue que l’élément décisif dans sa décision d’accepter un poste au sein de la fonction publique de l’Union européenne était la garantie de pouvoir rentrer deux fois par an à la Réunion en classe de référence, en application des paragraphes 1 à 3 de l’article 8 de l’annexe VII du statut. Cependant, cette allégation repose sur une prémisse erronée, car, étant originaire de la Réunion, le requérant relevait du paragraphe 4 de l’article précité, applicable aux fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé hors d’Europe et ne donnant droit au remboursement que d’un seul voyage annuel. S’il est vrai que le requérant fait valoir que la référence à l’Europe dans ledit paragraphe 4 n’a pas le sens géographique que la Commission lui attribuait, force est de constater que l’interprétation et la pratique de la Commission sur cette question étaient constantes et que, à supposer que la question des frais de voyage ait été aussi décisive que le requérant le prétend dans sa décision d’accepter un poste à la Communauté, on aurait raisonnablement pu s’attendre de sa part, en tant que personne susceptible d’être nommée à un poste de catégorie A, qu’il vérifie bien ce point. En toute hypothèse, le Tribunal renvoie aux points 69 à 74 ci-dessus, d’où il ressort que le montant effectivement versé au requérant était suffisant pour permettre à ses enfants de se rendre à la Réunion au titre de l’année 2004.

116    Pour ce qui est, en outre, du principe de sécurité juridique, le Tribunal tout en rappelant la jurisprudence suivant laquelle on ne peut placer sa confiance dans l’absence totale de modification législative, mais uniquement mettre en cause les modalités d’application d’une telle modification (arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 81), et en concluant à l’absence, en l’espèce, de violation de ce principe, relève que, pour les mêmes raisons que celles exposées dans le point 112 ci-dessus, le moyen est en toute hypothèse irrecevable.

–       Conclusion

117    Il résulte des considérations qui précèdent que les moyens tirés d’une violation de l’obligation de motivation, ainsi que des principes de transparence, de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique sont également non fondés, les moyens relatifs à la transparence et à la sécurité juridique étant en toute hypothèse irrecevables, à défaut d’avoir été présentés dans la réclamation.

 Sur les conclusions indemnitaires

118    Pour ce qui est des conclusions indemnitaires, le montant de 7 372 euros demandé par le requérant résulte d’un devis qu’il a présenté en janvier 2004 à l’AIPN, selon lequel le billet d’avion « enfant » pour la classe de référence coûterait 2 313 euros. Le requérant multiplie ce montant deux fois par deux du fait qu’il a deux enfants à charge et, que, en application du statut, chaque enfant aurait eu droit à deux voyages annuels. Ensuite, il déduit du total le remboursement des 1 880,77 euros qu’il a reçu.

119    La Commission considère que, à défaut pour le requérant de prouver l’illégalité des décisions attaquées, la demande d’indemnité doit être rejetée. À titre subsidiaire, pour le cas où le Tribunal ferait droit aux conclusions en annulation, elle rappelle que l’article 8, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut n’accordait au fonctionnaire dont le lieu d’origine était, comme pour le requérant, situé en dehors de l’Europe géographique que le remboursement d’un seul voyage par an et par membre de la famille à charge. Elle soutient, dès lors, qu’il conviendrait de calculer le prétendu préjudice matériel en se basant sur l’hypothèse d’un seul voyage annuel pour chacun des enfants du requérant. De la sorte, et sur la base du prix que celui-ci a lui-même indiqué, à savoir 2 313 euros par enfant, le préjudice final, eu égard au remboursement forfaitaire de 1 880 euros déjà perçu par l’intéressé, serait de 2 746 euros.

120    En l’espèce, la demande en réparation des préjudices matériel et moral, dans la mesure où elle se réfère à la décision de rejet de la réclamation déposée par le requérant pour contester le remboursement effectif de ses frais de voyage, présente un lien direct avec la demande d’annulation dirigée contre cette même décision. Par conséquent, le rejet des conclusions en annulation comme non fondées entraîne également le rejet des conclusions indemnitaires (arrêt du Tribunal de première instance du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, points 34 à 36, et ordonnance du Tribunal de première instance du 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, RecFP p. II‑771, point 39).

 Sur les dépens

121    Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt Falcione/Commission, précité, points 77 à 86, aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal, et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

122    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dudit Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Boruta

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      P.Mahoney


* Langue de procédure : le français.