Language of document : ECLI:EU:T:2022:123

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

9 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure en déchéance – Marque de l’Union européenne verbale STONES – Déclaration de déchéance partielle – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Usage sérieux dans l’Union – Article 19, paragraphe 1, et article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 »

Dans l’affaire T‑766/20,

PrenzMarien GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes M. Kloth, R. Briske et D. Habel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Molson Coors Brewing Company (UK) Ltd, établie à Burton Upon Trent (Royaume-Uni), représentée par Mes H.-M. Elo et E. Hodge, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 29 septembre 2020 (affaire R 274/2020-2), relative à une procédure en déchéance entre PrenzMarien et Molson Coors Brewing Company (UK),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 mars 2021,

à la suite de l’audience du 17 novembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 janvier 2010, Coors Brewing Company a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal STONES.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bières ; bière anglaise ; lager ».

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 34/2010, du 22 février 2010, et la marque a été enregistrée le 13 juin 2010.

5        La marque a ensuite été cédée à l’intervenante, Molson Coors Brewing Company (UK) Limited. Le transfert de la marque a été enregistré et publié par l’EUIPO le 2 octobre 2010.

6        Le 21 août 2018, la requérante, PrenzMarien GmbH, dont la dénomination sociale a été auparavant Stone Brewing GmbH, a demandé la déchéance de la marque contestée dans son intégralité. Elle a invoqué le motif visé à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, prétendant que, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits pour lesquels elle était enregistrée.

7        L’intervenante a fait valoir que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union au cours de la période pertinente, à savoir du 21 août 2013 au 20 août 2018 inclus (ci-après la « période pertinente ») et a produit des preuves d’usage.

8        Le 5 décembre 2019, la division d’annulation a prononcé la déchéance partielle de la marque contestée pour le produit suivant relevant de la classe 32 : « Lager ». Elle a rejeté la demande en déchéance pour les autres produits relevant de la classe 32, à savoir « Bières, bière anglaise ». À cet égard, elle a considéré que la période durant laquelle l’usage de la marque contestée avait été prouvé s’inscrivait dans la période pertinente. Elle a également considéré que l’usage prouvé au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord satisfaisait à l’exigence du lieu de l’usage. La division d’annulation a conclu que les éléments de preuve produits, en particulier le matériel publicitaire et les factures, démontraient un usage sérieux de la marque contestée pour les produits « Bières, bière anglaise ».

9        Le 4 février 2020, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

10      Le 29 septembre 2020, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours (ci-après la « décision attaquée »). Elle a notamment souligné que les éléments de preuve, examinés dans leur ensemble, attestaient d’un usage suffisamment important en l’espèce pour être qualifié de sérieux dans l’Union. Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ne remettait pas en cause cette conclusion, étant donné que, au cours de la période pertinente, le Royaume-Uni était toujours membre de l’Union et le droit de l’Union était applicable sur son territoire.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        prononcer la déchéance de l’intégralité de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de cette même disposition, lue conjointement avec l’article 19, paragraphe 1, et l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1) (ci‑après le « règlement délégué »).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001

14      La requérante soutient, en substance, que l’EUIPO a effectué une application erronée de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 en ce qu’un usage sérieux dans l’Union est requis à l’égard des produits et des services pour lesquels la marque de l’Union européenne contestée est enregistrée.

15      La requérante soutient, en particulier, que le fait de qualifier l’usage de la marque contestée au Royaume-Uni au cours de la période pertinente en tant qu’usage dans l’Union au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 constitue une qualification juridique erronée, dans le contexte spécifique lié au retrait du Royaume-Uni de l’Union. Selon elle, le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne correspond au concept de l’Union en tant que territoire unitaire doté d’un marché unique. En principe, la marque doit être utilisée dans la zone géographique pertinente au regard de son enregistrement. Pour ne pas brider le marché unique avec des droits de marque « vides », le terme « union », inclus dans la disposition susvisée, doit être compris au sens de « territoire de l’Union européenne à la date de la dernière décision rendue dans l’affaire », c’est-à-dire à la date de la décision concernant la présente affaire.

16      La requérante avance que l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci‑après l’« accord de retrait ») doit être pris en considération au regard de l’éventualité qu’il existe à l’avenir d’autres dispositions en matière de traitement des marques de l’Union européenne existantes et des procédures d’opposition en cours.

17      Or, selon la requérante, aucune disposition de l’accord de retrait ne régit le cas où la marque contestée n’a été utilisée qu’au Royaume-Uni et non dans les autres États membres de l’Union. L’article 54, paragraphe 1, sous a), de l’accord de retrait lu en commun avec son article 54, paragraphe 5, sous b), prévoit le cas contraire, à savoir que ne constitue pas un motif de déchéance le fait qu’une marque de l’Union européenne enregistrée conformément au règlement 2017/1001, dont le titulaire devient titulaire d’une marque au Royaume-Uni, constituée du même signe, pour les mêmes produits ou services, n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire du Royaume-Uni avant la fin de la période de transition.

18      La requérante prétend que, si la marque n’a été utilisée que sur le territoire du Royaume-Uni, aucune raison économique après sa sortie de l’Union ne justifie un conflit en matière de marques dans l’Union. Selon elle, les exceptions au principe du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne doivent être expressément réglementées, comme l’indique l’article 1er, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 lu conjointement avec son article 209. Il serait erroné de supposer que la titulaire de la marque serait libre d’importer les produits en cause dans le (nouveau) marché unique. L’intervenante en aurait eu la possibilité au cours du délai de grâce de cinq ans.

19      Enfin, selon la requérante, une erreur additionnelle aurait été commise par la chambre de recours dans la motivation de ne pas suspendre la procédure, au point 17 de la décision attaquée.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

21      À titre liminaire, il convient de constater que le Royaume-Uni était membre de l’Union durant l’ensemble de la période pertinente. Par conséquent, l’usage prouvé par l’intervenante de la marque contestée au cours de cette période a bien eu lieu dans l’Union, comme l’exige l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

22      Par ailleurs, il y a également lieu de relever, à titre conservatoire et sans que cette circonstance soit décisive afin évaluer l’usage sérieux de la marque en cause durant la période pertinente (voir points 23 à 32 ci-dessous), qu’il est constant que, à la date de l’adoption de la décision attaquée par la chambre de recours, à savoir le 29 septembre 2020, la période de transition prévue par l’accord de retrait n’était pas encore arrivée à échéance.

23      La requérante tente de se fonder sur la logique économique des procédures en déchéance des marques de l’Union européenne ainsi que sur l’accord de retrait, et notamment sur l’absence d’une disposition spécifique dans celui-ci régissant le cas d’espèce, pour soutenir qu’un usage démontré uniquement sur le territoire du Royaume-Uni ne saurait plus être pertinent après la date du 1er janvier 2021 et, plus particulièrement, à la date de l’arrêt du Tribunal de céans pris dans la présente affaire.

24      À cet égard, selon la jurisprudence, pour apprécier l’existence d’un usage sérieux, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il convient de faire abstraction des frontières du territoire des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 44). Conformément aux points 49 et 50 de cet arrêt, applicables par analogie à la disposition de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, même un usage dans un seul État membre de l’Union peut, dans certaines circonstances, être considéré comme usage sérieux permettant de maintenir les droits sur une marque de l’Union européenne.

25      Comme le soutient, à juste titre, l’EUIPO devant le Tribunal, aucune disposition spécifique dans l’accord de retrait ne prévoit que l’usage d’une marque de l’Union européenne au Royaume-Uni avant le retrait de ce dernier de l’Union le 1er février 2020, ainsi que pendant la période de transition suivante qui a duré jusqu’au 31 décembre 2020, ne doive plus être considéré comme un usage dans l’Union au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. Or, en l’absence de disposition contraire explicite et eu égard à la clarté de la disposition de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, il convient d’estimer que le législateur a implicitement admis de maintenir la protection conférée à une marque de l’Union européenne même dans le cas où son usage sérieux ne serait démontré que sur le territoire du Royaume-Uni, tant que celui-ci demeurerait membre de l’Union.

26      Cette considération n’est pas invalidée par l’argumentation a contrario effectuée par la requérante, qui renvoie au fait que l’accord de retrait prévoyait une disposition spécifique selon laquelle ne constitue pas un motif de déchéance le fait qu’une marque de l’Union européenne – dont le titulaire devient titulaire d’une marque au Royaume-Uni après le retrait de ce dernier de l’Union, constituée du même signe, pour les mêmes produits ou services – n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire du Royaume-Uni avant la fin de la période de transition [article 54, paragraphe 1, sous a), de l’accord de retrait lu en commun avec son paragraphe 5, sous b)], si un tel usage était démontré sur le reste du territoire de l’Union.

27      En effet, cet exemple renforce plutôt l’importance accordée par le législateur à la prise en compte d’un usage d’une marque de l’Union européenne sur une partie du territoire de l’Union, dans la mesure où un tel usage suffit pour exclure une déchéance du nouveau droit de marque correspondant au Royaume-Uni, alors même que cette marque n’y a pas été auparavant utilisée et qu’il s’agit d’un territoire ne faisant plus partie de l’Union à la date des effets des dispositions visées au point 26 ci-dessus.

28      En l’espèce, en revanche, l’usage de la marque contestée au Royaume-Uni doit être considéré comme pertinent d’autant plus qu’il s’agissait bien d’un usage sur le territoire de l’Union durant la période pertinente, dont le caractère sérieux sera apprécié dans le cadre du second moyen. Pour cette raison, d’une part, il convient également d’écarter comme non fondé l’argument de la requérante, tiré de l’article 209 du règlement 2017/1001 et faisant valoir que les exceptions au principe du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne devraient être expressément indiquées. En effet, le présent cas ne constitue, précisément, pas une exception, mais une application directe de l’article 58, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

29      D’autre part, la requérante n’a pas invoqué de base juridique au soutien de son allégation selon laquelle la date de la dernière décision rendue dans la présente affaire, c’est-à-dire une décision du Tribunal de céans ou, en cas de pourvoi, de la Cour de justice de l’Union européenne, était décisive (voir points 15 et 18 ci-dessus), excepté une référence purement indicative, à l’audience, à une prétendue pratique des tribunaux en Allemagne, sans lien avec la présente procédure.

30      S’agissant de l’allégation d’ordre économique invoquée à cet égard dans la requête, liée au départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, tirée notamment du fondement que, au moment de la décision finale dans la présente procédure, tous les acteurs du marché unique seraient prétendument soumis à une interdiction d’utiliser un signe qui n’aurait pourtant jamais été utilisé au sein du marché unique dans sa nouvelle configuration, il convient de constater qu’un tel raisonnement ne saurait avoir priorité, en l’espèce, par rapport au libellé clair de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 s’appliquant à la période pertinente. Ainsi, contrairement à ce que la requérante a soutenu à l’audience, il ne saurait être considéré que la protection de la marque contestée est devenue « superflue », au regard des changements significatifs de la situation, ou encore qu’il n’existait aucun intérêt légitime à maintenir la marque en cause.

31      Au demeurant, la logique économique sous-jacente à cette disposition est perceptible même dans le contexte particulier du retrait du Royaume-Uni de l’Union, dont la chambre de recours avait connaissance à la date de l’adoption de la décision attaquée. En effet, dans la mesure où l’usage sérieux dans l’Union constitue la condition pour qu’une marque de l’Union européenne reste protégée, ce nouveau contexte devra être pris en considération, le cas échéant, dans d’éventuelles futures procédures, à savoir dans l’hypothèse où la période pertinente des cinq ans, prévue par ladite disposition, serait située, en partie ou dans l’ensemble, après le 1er janvier 2021 (voir également articles 126 et 127 de l’accord de retrait).

32      Au regard de ces éléments, il convient de rejeter le premier moyen de la requérante, sans qu’il soit nécessaire de prendre position sur la question de la motivation de la décision attaquée quant à la suspension de la procédure administrative sollicitée par la requérante (voir point 19 ci-dessus), qui ne constitue pas un grief indépendant et n’influence pas les conclusions qui précèdent.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 19, paragraphe 1, et l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625

33      La requérante fait valoir, en substance, que l’EUIPO a fait une application erronée de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 19, paragraphe 1, et l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, en ce que les éléments de preuve de l’usage produits par l’intervenante ne sont pas suffisants pour prouver un usage sérieux pendant la période pertinente comprise entre le 21 août 2013 et le 20 août 2018. La décision attaquée aurait notamment ignoré que le marché de la bière était un marché de masse, alors que la requérante a amplement étayé ce fait. Dans le contexte d’un tel marché de masse, l’usage allégué sur la base des factures produites ne peut, au mieux, être considéré que comme symbolique. La requérante conteste également l’authenticité de certains éléments de preuve, notamment des brochures présentées par l’intervenante, en raison des dates manuscrites, et elle considère que les preuves prises dans leur ensemble ne démontrent pas un usage sérieux. Dès lors que les éléments de preuve ne suffisent pas à prouver l’usage de la marque contestée pour de la « bière amère », ils sont, selon elle, certainement insuffisants pour prouver un usage pour les produits couverts par le terme général « bière ».

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

35      À cet égard, aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Cet article précise toutefois que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.

36      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et services dans la vie économique [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 20 et jurisprudence citée].

37      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 19 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43, et ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 27].

38      Ainsi, la Cour a jugé que l’analyse de l’usage sérieux d’une marque antérieure ne pouvait pas se limiter au seul constat d’un usage de celle-ci dans la vie des affaires, puisqu’il devait, en outre, s’agir d’un usage sérieux conformément aux dispositions du règlement 2017/1001. Dès lors, toute exploitation commerciale avérée ne peut être qualifiée automatiquement d’usage sérieux de la marque en cause (arrêt du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, non publié, EU:C:2014:2089, point 32).

39      L’usage sérieux de la marque suppose donc une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. L’usage de la marque doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente [arrêts du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 39, et du 14 mars 2017, IR/EUIPO – Pirelli Tyre (popchrono), T‑132/15, non publié, EU:T:2017:162, point 88 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

40      S’agissant des critères d’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, il convient de rappeler qu’une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 22 et jurisprudence citée).

41      En outre, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 23 et jurisprudence citée).

42      L’usage sérieux ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 26 et jurisprudence citée).

43      Quant à l’importance ou à l’étendue de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 31 et jurisprudence citée).

44      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage a ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minima, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 32 et jurisprudence citée).

45      En effet, dans l’interprétation de la notion de l’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, non publié, EU:T:2012:263, point 18 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, TVR Automotive/OHMI – TVR Italia (TVR ITALIA), T‑398/13, EU:T:2015:503, point 45 et jurisprudence citée].

46      Il convient également de rappeler qu’une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou de groupes de mots, sans élément figuratif spécifique. La protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte ainsi sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects figuratifs ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir. Par conséquent, il n’y a pas lieu de prendre en compte la typographie que le signe verbal serait susceptible de présenter. Il en résulte qu’une marque verbale peut être utilisée sous quelque forme que ce soit, quelles que soient la couleur ou la police de caractères [voir arrêt du 28 juin 2017, Josel/EUIPO – Nationale-Nederlanden Nederland (NN), T‑333/15, non publié, EU:T:2017:444, points 37 et 38 et jurisprudence citée].

47      Enfin, selon la jurisprudence, il n’existe aucune règle en matière de marque de l’Union européenne obligeant à prouver l’usage de la marque de manière isolée, indépendamment de toute autre marque ou de tout autre signe. Dès lors, il est possible que deux ou plusieurs marques fassent l’objet d’un usage conjoint et autonome avec ou sans le nom de la société du fabricant [arrêt du 6 novembre 2014, Popp et Zech/OHMI – Müller-Boré & Partner (MB), T‑463/12, non publié, EU:T:2014:935, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, points 33 et 34, et du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, EU:T:2011:739, point 100].

48      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante.

49      En l’espèce, ainsi qu’il ressort d’une lecture conjointe des points 5 et 28 de la décision attaquée, la preuve de l’usage sérieux consiste en un témoignage sous serment, daté du 17 décembre 2018, signé par le responsable des marques auprès de l’intervenante, selon lequel la marque contestée a été utilisée au Royaume-Uni pour le produit « Bière anglaise » pendant la période pertinente, ce que confirmerait un tableau indiquant le volume de la bière STONES vendue chaque année de la période pertinente.

50      Ce témoignage est accompagné de plusieurs annexes, énumérées au point 5 de la décision attaquée, consistant, premièrement, en de multiples factures datées de la période allant de 2013 à 2018, adressées à divers clients au Royaume-Uni ou encore à l’entreprise du Royaume-Uni de grande distribution ASDA, renvoyant à la marque en cause et, pour certaines, suivies d’indications concernant le type de bière, à savoir « anglaise », deuxièmement, en deux captures d’écran de sites Internet, datées de 2017, mentionnant cette marque en ce qui concerne des cannettes de bière anglaise proposées à la vente à des prix en livres sterling ou encore en une capture d’écran présentant la marque stones bitter apposée sur un verre de bière rempli, qui datait, selon l’intervenante, de 2014, troisièmement, en quatre brochures portant des dates manuscrites comprises dans la période allant de 2012 à 2015 et mentionnant la marque en cause ou stones bitter en ce qui concerne les bières, quatrièmement, en une impression extraite de Facebook avec une image de verres à bière portant la marque en cause et, enfin, en une impression d’un journal avec des photos d’une équipe de hockey sponsorisée par stones.

51      Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, conformément à l’article 19, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, les indications et les preuves de l’usage doivent établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

52      S’agissant du témoignage du 17 décembre 2018, la chambre de recours a constaté, aux points 29 à 32 de la décision attaquée, en substance, que l’article 10, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, relatif aux pièces justificatives qui peuvent être produites pour prouver l’usage d’une marque, faisait référence, notamment, aux déclarations écrites faites sous serment ou solennellement visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

53      La chambre de recours, tout en reconnaissant que, conformément à la jurisprudence constante, le témoignage du 17 décembre 2018 ne pouvait pas, à lui seul, constituer une preuve d’usage suffisante [arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, points 40 à 42, du 16 juillet 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Stal-Florez Botero (la nana), T‑196/13, non publié, EU:T:2014:674, point 32], a toutefois confirmé l’analyse effectuée par la division d’annulation, selon laquelle les informations fournies étaient corroborées par des éléments de preuve supplémentaires.

54      Au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a mis en avant que les éléments de preuve devaient être pris en considération dans leur ensemble. Au point 34 de ladite décision, elle s’est référée aux points 4 et 5 du témoignage du 17 décembre 2018 fournissant, d’une part, des chiffres de volume concernant les ventes de bière STONES pour les clients « sur site » (par exemple, pubs, bars, restaurants) et, d’autre part, pour les clients « hors établissement » (par exemple, les commerces de détail). Selon la chambre de recours, tout au long de la période pertinente, les ventes totales se sont élevées à 1,5 million de litres par an au minimum et ont dépassé, sur plusieurs années, 3 millions de litres par an.

55      Aux points 36 et 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a renvoyé aux factures présentées par l’intervenante. Elle a indiqué que « les 18 factures relatives à la bière STONES datées de 2013 à 2018 (trois factures par an) adressées à des clients ‘sur site’ dans plusieurs régions du Royaume-Uni étay[ai]ent et corrobor[ai]ent les preuves des volumes au point 4 du témoignage ». Ensuite, elle a avancé que « les 36 factures relatives à la bière STONES datées de 2013 à 2018 (six factures par an) adressées à ASDA étay[ai]ent et corrobor[ai]ent les preuves des volumes au point 5 du témoignage ». Les factures font, selon elle, référence à des ventes de bière STONES bitter en cannettes à deux centres de distribution d’ASDA (Lutterworth et Doncaster).

56      En particulier, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé que le montant élevé des ventes indiqué sur les factures adressées à ASDA a permis de conclure que l’importance de l’usage de la marque contestée était suffisante.

57      Aux points 39 et 40 de la décision attaquée, en réponse aux allégations de la requérante, qui a fait valoir que l’intervenante n’avait produit que des factures pour des ventes d’un montant total de 133 754,23 livres sterling (GBP) en six ans (151 570,293 euros), soit un chiffre d’affaires moyen présumé de 22 292,38 GBP par an, la chambre de recours a considéré que, même sur la base de ces seuls chiffres, un tel usage ne saurait être qualifié de symbolique, compte tenu également des autres éléments de preuve qui confirmaient, selon elle, la présence de la marque contestée sur le marché.

58      À ce dernier égard, la chambre de recours a souligné notamment l’importance des éléments suivants :

–        le témoignage du 17 décembre 2018, auquel est joint l’échantillon de factures, indique que ces factures ne sont que des exemples des ventes importantes de bière réalisées sous la marque contestée chaque année au cours de la période pertinente ; en outre, les numéros de factures ne sont pas consécutifs (point 41 de la décision attaquée) ;

–        les captures d’écran des sites Internet « www.groceries.asda.com » et « www.drinksdirect.co.uk », datées de 2017, montrant la marque STONES apposée sur des canettes de bière en vente au Royaume-Uni (avec des prix libellés en livres sterling), corroborent également la réalité des ventes de bière STONES à des clients « hors établissement » (point 42 de la décision attaquée) ;

–        divers éléments de preuve relatifs à la promotion de la marque contestée, incluant quatre brochures datées de 2012 (hors période pertinente), de 2014 et de 2015, l’extrait d’un journal du Royaume-Uni daté de 2014 faisant la promotion de la bière STONES, la photographie d’un bar avec un robinet de bière STONES prise en juin 2017 (extraite de Facebook), les deux photographies (l’une extraite de Facebook datant de 2017, l’autre extraite d’un journal national datant du 19 février 2018) montrant une équipe de hockey portant la marque STONES sur son uniforme corroborent également le témoignage ; cela s’appliquerait également aux brochures susvisées, nonobstant le fait qu’elles ne contiennent qu’une date indiquée en manuscrit ; elles ne sauraient être ignorées étant donné qu’elles doivent être considérées conjointement avec les autres éléments de preuve (points 43 et 44 de la décision attaquée).

59      Dans ces circonstances, la chambre de recours a conclu que, nonobstant les allégations de la requérante relatives aux marchés de grande consommation dont relevait la bière, le volume des ventes en l’espèce sous la marque contestée était suffisant pour prouver l’usage sérieux, dans la mesure où il était démontré que l’intervenante avait créé et avait maintenu une part de marché pour les produits vendus sous la marque au cours de la période pertinente. Les éléments de preuve portaient, selon la chambre de recours, tant sur les ventes de bière que sur la publicité de la marque contestée. La chambre de recours a écarté comme n’étant pas comparables au présent cas, au regard des volumes des ventes en question, diverses références de la requérante faites à certaines décisions antérieures des chambres de recours de l’EUIPO, ainsi qu’aux arrêts du Tribunal (points 45 à 50 de la décision attaquée).

60      En ce qui concerne la nature de l’usage, la chambre de recours a confirmé, au point 51 de la décision attaquée, le raisonnement et la conclusion non contestés de la division d’annulation selon lesquels la marque a été utilisée telle qu’elle a été enregistrée ou sous une forme qui n’altère pas son caractère distinctif.

61      Au point 52 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la marque contestée avait été utilisée pour de la « bière anglaise » (correspondant au produit enregistré), qui appartient à la catégorie des produits enregistrés « Bières ». En ce qui concerne la « bière », l’intervenante n’était pas, selon elle, tenue de prouver l’usage de la marque pour différents types de bières.

62      Enfin, selon la chambre de recours, l’usage au Royaume-Uni a été prouvé, étant donné que les factures étaient adressées à des clients établis au Royaume-Uni, que les sites Internet proposaient les produits en livres sterling et que le matériel promotionnel était en anglais et les prix étaient indiqués en livres sterling. La chambre de recours a avancé que, indépendamment des quantités considérables de bière vendues chaque année dans l’Union européenne, l’usage seulement au Royaume-Uni pouvait être suffisamment important pour constituer un usage sérieux, et a considéré que c’était effectivement le cas en l’espèce « pour les raisons exposées dans la décision [de la division d’annulation] » (la chambre de recours fait également référence à la décision de la quatrième chambre de recours du 31 janvier 2020, R 1524/2018-4, Stone brewing/Stones et al., § 33) (points 53 et 54 de la décision attaquée).

63      Aucune des allégations de la requérante (voir point 33 ci-dessus) n’invalide la conclusion de la chambre de recours portant sur l’usage sérieux de la marque contestée, effectuée à la suite d’une analyse d’ensemble des éléments de preuve.

64      Premièrement, s’agissant des critiques de la requérante portant sur le fait que les brochures présentées ne contiennent que des dates manuscrites, ce qui serait atypique dans le secteur pertinent et mettrait en doute leur valeur probante, dans la mesure où ces dates ont pu être ajoutées rétroactivement, ce à quoi s’ajoutaient, selon la requérante, des incertitudes quant au lieu où les brochures ont été produites, il convient de constater, d’une part, que lesdites brochures doivent être évaluées en tenant compte du fait qu’une référence y est faite dans le témoignage du 17 décembre 2018 et, d’autre part, qu’elles ne constituent que l’un des éléments de preuve sur l’usage de la marque contestée en l’espèce, tels que rappelés au point 58 ci-dessus. En outre, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que certaines pages des brochures précisaient que les prix étaient indiqués en livres sterling et étaient donc destinées aux consommateurs du Royaume-Uni. Partant, bien qu’il ne soit pas possible d’accorder une valeur probante décisive auxdites brochures, elles constituent à tout le moins un des indices dont il convient de tenir compte dans l’évaluation d’ensemble.

65      Deuxièmement, s’agissant des critiques de la requérante visant les chiffres présentés dans les tableaux aux points 4 et 5 du témoignage du 17 décembre 2018, portant sur les volumes des ventes sous la marque contestée, il suffit de constater que, à l’instar de la chambre de recours et conformément à ce que soutient l’EUIPO devant le Tribunal, les échantillons de factures qui ont été présentés comme éléments de preuve démontrent déjà un volume de ventes qui ne saurait être jugé uniquement comme symbolique, ce à quoi s’ajoutent les éléments publicitaires confirmant un usage sérieux.

66      Plus particulièrement, même s’il convenait de ne tenir compte que des volumes de ventes ressortant des factures présentées, comme le soutient la requérante (voir également point 57 ci-dessus) – nonobstant le fait que celles-ci ne forment pas une numérotation consécutive, ce qui est une indication qu’il s’agissait uniquement d’un échantillon de factures [voir, par analogie, arrêt du 13 juin 2019, Pielczyk/EUIPO – Thalgo TCH (DERMÆPIL SUGAR EPIL SYSTEM), T‑398/18, non publié, EU:T:2019:415, points 69 et 70] – ce volume dépasse, conformément aux chiffres non contestés par la requérante, néanmoins 22 000 GBP en moyenne par an et, dans l’ensemble, se situe à 151 570,293 euros (voir point 39 de la décision attaquée). Même pour un secteur de grande consommation et d’alimentation comme celui de la bière, il ne peut être exclu, conformément à la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus, que des produits, sans même constituer des produits de niche, puissent néanmoins être vendus sous une marque de manière constituant un usage sérieux, alors que le volume pourrait sembler relativement modeste par rapport aux volumes de l’ensemble du secteur du produit pertinent.

67      En effet, il convient de rappeler que, selon ladite jurisprudence, l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes. Or, il ne saurait être exclu, en particulier dans le secteur de la bière, que des usages réels et sérieux se situent dans des volumes qui ne sauraient pourtant être comparés au volume de l’ensemble dudit secteur au niveau de l’Union, notamment dans un contexte où les brasseries peuvent être artisanales ou familiales. La finalité de créer ou de conserver un marché pour les produits en cause doit être évaluée au cas par cas et relève d’une stratégie dont l’entreprise titulaire de la marque décide, dès lors que sa réalité ne peut être contestée et que la vente se situe dans la durée sur la période pertinente, comme en l’espèce. De surcroît, d’autres éléments de preuve tels que les captures d’écran des sites Internet montrent que les produits vendus aux centres de distribution d’ASDA ont été proposés à la vente au grand public ou encore que des accords de parrainage ont été conclus avec des équipes sportives, ce qui permettait une publicité de la marque contestée. Dans ces circonstances, il convient également d’écarter les différentes références jurisprudentielles effectuées par la requérante aux points 40 à 44 de la requête, qui portent sur des exemples d’usage en des volumes qui ne sont pas comparables avec le cas d’espèce.

68      Enfin, il convient de rejeter l’allégation de la requérante, selon laquelle, en substance, la « bière anglaise » devrait être considérée comme une sous-catégorie indépendante de la « bière » et que la chambre de recours a commis une erreur en reconnaissant sur cette base qu’il s’agissait également d’un usage pour la « bière ». À cet égard, d’une part, il est constant que la bière anglaise constitue une sorte de bière. D’autre part, les critères pertinents pour déterminer si un produit pour lequel l’usage a été établi constitue ou non une sous-catégorie cohérente de produits susceptible d’être envisagée de manière autonome, sont la finalité et la destination (arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 44). Or, il n’y a pas de différence de finalité ou de destination entre les produits « Bières » et les produits « Bières anglaises » ni, d’ailleurs, une délimitation suffisamment claire permettant de circonscrire ces dernières comme formant une catégorie à part. Dès lors, le fait que la « bière anglaise » soit une bière du Royaume-Uni traditionnelle qui possède son propre style et sa propre histoire de brassage, comme l’affirme la requérante, est dénué de pertinence, de sorte qu’il n’est pas non plus nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe no 9 de la requête, intitulée « What is an English bitter » (Qu’est-ce-que la bière anglaise ?), visant à démontrer ce fait.

69      Partant, il y a lieu de rejeter également le second moyen de la requérante et le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PrenzMarien GmbH est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.