Language of document : ECLI:EU:T:2019:788

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 novembre 2019 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant quatre trous comblés dans un motif à trous régulier – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑669/18,

Neoperl AG, établie à Reinach (Suisse), représentée par Mes H. Börjes-Pestalozza et G. Schultz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Hanf et M. Fischer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 10 septembre 2018 (affaire R 2059/2017-5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe représentant quatre trous comblés dans un motif à trous régulier comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. E. Buttigieg (rapporteur), faisant fonction de président, F. Schalin et B. Berke, juges,

greffier : Mme R. Ukelyte, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 novembre 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 février 2019,

à la suite de l’audience du 17 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 janvier 2017, la requérante, Neoperl AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe suivant :

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3        Dans la demande d’enregistrement, la marque demandée est décrite de la manière suivante :

« [L]a protection est demandée, en tant que marque de position, pour quatre trous comblés, dans un motif à trous régulier, trois des quatre trous comblés formant les angles d’un triangle au centre duquel le quatrième trou comblé est disposé de manière à former les yeux, le nez et la bouche d’un visage stylisé, similaire à un émoji. Le dessin joint pour illustrer le visage stylisé montre le signe décrit sur la face frontale d’un régulateur de jet ou formateur de jet. Il n’est pas revendiqué de protection pour le contour, dessiné en pointillés, de ce régulateur de jet ou formateur de jet. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Pièce de sortie sanitaire, notamment régulateur de jet et formateur de jet ».

5        Le 4 août 2017, l’examinateur a rejeté intégralement la demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

6        Le 21 septembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 10 septembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

8        Premièrement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé d’installateurs de sanitaires, de plombiers ou de bricoleurs informés de l’Union européenne et que leur degré d’attention était moyen étant donné que ces produits étaient peu onéreux et pouvaient aussi être installés par des non-professionnels. Deuxièmement, seule la perception de la marque demandée par le public ciblé au regard des produits concernés serait pertinente aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe et, partant, indépendamment de la perception spécifique de la marque qui serait privilégiée par la requérante.  Troisièmement, l’impression produite par la marque demandée ne différerait que faiblement de l’impression produite par les régulateurs de jet traditionnels, les trous comblés ne pouvant être perçus au mieux que comme un élément décoratif ou fonctionnel et non pas comme la représentation d’un visage étonné similaire à un émoji. Quatrièmement et dernièrement, les enregistrements de marques antérieures fournis par la requérante ne sauraient remettre en cause sa décision.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, pris d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

12      En premier lieu, la requérante fait valoir que si la décision attaquée a indiqué à juste titre que le régime des marques de position tendait à se rapprocher de celui des marques figuratives tridimensionnelles, la spécificité des marques de position, résidant dans leur position concrètement déposée, n’avait pas été suffisamment prise en compte. Ainsi, en l’espèce, le public pertinent accorderait une attention accrue à la position de la marque en cause en ce qu’elle serait placée sur le côté « sortie » d’une pièce de sortie sanitaire. Par ailleurs, il découlerait des enregistrements antérieurs des marques figuratives présentées devant la chambre de recours qu’une marque « de position » correspondante devrait, à plus forte raison, être enregistrée.

13      En deuxième lieu, la requérante relève que la chambre de recours a certes considéré, à juste titre, que le public pertinent était constitué d’utilisateurs professionnels, à savoir les plombiers et les installateurs de sanitaires, ou de bricoleurs avertis et que ce type de produit ne s’adressait pas au consommateur moyen qui n’était pas directement en contact avec des régulateurs de jet. La chambre de recours aurait toutefois commis une erreur de droit en retenant, au lieu d’un degré d’attention accru, un niveau d’attention moyen du public pertinent par rapport aux régulateurs de jet en raison du caractère peu onéreux de ces derniers et de la circonstance qu’ils pourraient être installés également par des non-professionnels. En effet, ce faisant, la chambre de recours aurait négligé, d’une part, que l’activité principale du public professionnel concerné consisterait précisément dans l’installation de nouvelles armatures et de pièces de sortie et dans leur remplacement en cas d’usure et, d’autre part, que les bricoleurs avertis accorderaient également une attention accrue aux pièces qu’ils seraient amenés à remplacer. En outre, le public ciblé et même le consommateur moyen accorderaient une attention accrue à la position spécifique demandée, à savoir au côté « sortie » des pièces de sortie sanitaires, seul visible lors de l’utilisation et de l’achat. Qui plus est, la pièce de sortie revêtirait une importance accrue dans une armature, étant donné que son dysfonctionnement provoquerait une gêne immédiate pour l’utilisateur en rendant l’armature inutilisable.

14      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que l’impression produite par la marque demandée ne différait que faiblement de l’impression produite par des régulateurs de jet classiques, si bien que le public pertinent percevrait la disposition spécifique des quatre trous comblés tout au plus comme un élément décoratif ou fonctionnel.

15      S’agissant, en premier lieu, de l’appréciation des faits, la requérante fait valoir que la chambre de recours a eu tort de ne pas percevoir la marque demandée comme unique. En effet, il n’existerait pas de produits similaires présentant un agencement de plusieurs trous comblés en forme d’alvéoles dans une disposition spécifique sur une surface de sortie de forme circulaire qui, combinée avec la disposition spécifique des quatre trous comblés, suggérerait l’image d’un visage étonné, contrairement à ce que la chambre de recours aurait affirmé au point 31 de la décision attaquée. Cette forme spécifique se différencierait de produits concurrents qui présenteraient tout au plus un épaississement des nervures et des points d’intersection ou des comblements dus à une accumulation de matière au centre de la surface de sortie en raison du procédé de fabrication utilisé. La seule illustration d’un régulateur de jet présentant plusieurs trous comblés serait sans pertinence en ce qu’elle montrerait la face arrière cachée du régulateur en cause et non pas le côté « sortie » dudit régulateur, seul pertinent pour la marque de position demandée.

16      S’agissant, en second lieu, de la qualification juridique des faits, la requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort que le public pertinent ne pouvait voir dans la disposition particulière des trous du crible une indication de l’origine du produit en cause. La marque demandée produirait une impression autonome auprès du public ciblé qui porterait une attention accrue au côté « sortie » du produit en cause et donc à la particularité de l’agencement abstrait et unique proposé par la requérante, facile à remarquer et à mémoriser, qui produirait une impression durable, détachée de la construction technique concrète du crible sur le côté « sortie » dudit produit. En effet, d’une part, le public pertinent n’associerait pas l’impression ressentie à une propriété purement fonctionnelle du produit en cause. Le public pertinent, qui ne serait pas complètement inexpérimenté sur le plan technique, n’attribuerait pas à la marque demandée une quelconque fonction technique, les trous comblés étant perçus comme un élément techniquement indésirable, et il verrait dans ces derniers un motif inhabituel qu’il pourrait mémoriser et qui pourrait donc servir d’indication de l’origine du produit. D’autre part, le public pertinent n’associerait pas non plus l’impression reçue à une propriété purement décorative, mais il distinguerait dans ledit agencement un motif unique, à savoir des trous en un triangle avec un point central fixe, propre à donner une indication de l’origine du régulateur de jet.

17      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.  

18      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

19      Il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de cet article, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, EU:C:2004:260, point 32 ; du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 ; du 26 février 2014, Sartorius Lab Instruments/OHMI (Arc de cercle jaune en bas d’un écran), T‑331/12, EU:T:2014:87, point 17, et du 16 janvier 2019, Windspiel Manufaktur/EUIPO (Représentation de la position d’une fermeture de bouteille), T‑489/17, non publié, EU:T:2019:9, point 14]. 

20      Un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif de refus défini à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [arrêt du 14 mars 2014, Lardini/OHMI (Apposition d’une fleur sur un col), T‑131/13, non publié, EU:T:2014:129, point 16].

21      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 31 ; du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche), T‑433/12, non publié, EU:T:2014:8, point 19, et du 13 septembre 2018, Leifheit/EUIPO (Position de quatre carrés verts sur une balance), T‑184/17, non publié, EU:T:2018:537, point 20].

22      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques [arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 32, et du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier gris), T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 20]. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne (arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 32, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier gris, T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 21).

23      En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 32, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier gris, T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 22).

24      Conformément à la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 33, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier gris, T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 23).

25      Cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même, vaut également lorsque la marque demandée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 34, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier gris, T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 24).

26      Ladite jurisprudence est également applicable lorsque seule une partie du produit désigné est représentée par une marque (voir arrêt du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 35 et jurisprudence citée). En effet, le public pertinent la percevra immédiatement et sans réflexion particulière comme une représentation d’un détail particulièrement intéressant ou attrayant du produit en question, plutôt que comme une indication de son origine commerciale (arrêt du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier gris, T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 25).

27      Il a encore été jugé que si les « marques de position » se rapprochent des catégories de marques figuratives et tridimensionnelles, dès lors qu’elles visent l’application d’éléments figuratifs ou tridimensionnels à la surface d’un produit, dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, la qualification d’une « marque de position » en tant que marque figurative ou tridimensionnelle ou en tant que catégorie spécifique de marques est sans pertinence [arrêts du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d’une chaussette), T‑547/08, EU:T:2010:235, points 19 à 21 ; du 26 février 2014, Arc de cercle jaune en bas d’un écran, T‑331/12, EU:T:2014:87, point 15, et du 17 janvier 2018, Deichmann/EUIPO (Représentation d’une croix sur le côté d’une chaussure de sport), T‑68/16, EU:T:2018:7, point 33].

28      Dès lors, l’élément déterminant pour l’applicabilité de la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus n’est pas la qualification du signe concerné de signe figuratif, tridimensionnel ou autre, mais le fait qu’il se confond avec l’aspect du produit désigné (arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 36, et du 13 septembre 2018, Position de quatre carrés verts sur une balance, T‑184/17, non publié, EU:T:2018:537, point 22).

29      En l’espèce, la marque demandée, telle que reproduite et décrite dans la demande d’enregistrement, vise à la protection, en tant que marque de position, de quatre trous comblés dans un motif à trous régulier, trois des quatre trous comblés formant les angles d’un triangle au centre duquel le quatrième trou comblé est disposé de manière à former les yeux, le nez et la bouche d’un visage stylisé, similaire à un émoji. Le dessin joint pour illustrer le visage stylisé montre le signe décrit sur la face frontale d’un régulateur de jet ou formateur de jet. Selon la description fournie, il n’est pas revendiqué de protection pour le contour, dessiné en pointillés, de ce régulateur de jet ou formateur de jet.

30      Ainsi, conformément aux indications fournies par la requérante dans la demande d’enregistrement, la marque demandée vise à la protection d’un signe spécifique placé sur une partie déterminée de la surface du produit désigné, à savoir une pièce de sortie sanitaire et, plus précisément, un régulateur ou un formateur de jet, dont il ne saurait être dissocié (voir, par analogie, arrêts du 15 juin 2010, Coloration orange de la pointe d’une chaussette, T‑547/08, EU:T:2010:235, point 28, et du 13 septembre 2018, Position de quatre carrés verts sur une balance, T‑184/17, non publié, EU:T:2018:537, point 32). La marque demandée, en raison des caractéristiques intrinsèques des marques de position, qui se caractérisent par la façon spécifique dont elles sont placées ou apposées sur un produit, et de la nature des produits en cause, n’existerait pas sans son rattachement à ces derniers et se confond donc nécessairement avec l’aspect desdits produits, en l’occurrence les pièces de sortie sanitaires (voir, par analogie, arrêt du 16 janvier 2019, Représentation de la position d’une fermeture de bouteille, T‑489/17, non publié, EU:T:2019:9, point 24).

31      Dès lors que la marque demandée se confond ainsi avec l’aspect des produits qu’elle désigne, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 24, 27 et 28 ci-dessus ce n’est que si ladite marque diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur qu’elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, alors que la qualification d’une « marque de position » en tant que marque figurative ou tridimensionnelle ou en tant que catégorie spécifique de marques est sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de son caractère distinctif. Par conséquent, contrairement à la thèse défendue par la requérante, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir insuffisamment pris en compte la nature même de la marque demandée en tant que « marque de position ».

32      Ainsi qu’il a été également rappelé au point 21 ci-dessus, le caractère distinctif doit être apprécié par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, EU:C:2006:421, point 23).

33      S’agissant, en premier lieu, de la détermination du public pertinent, la chambre de recours a relevé, aux points 19 à 21 de la décision attaquée, d’une part, que les produits concernés s’adressaient notamment aux installateurs de sanitaires, aux plombiers et aux bricoleurs avertis de toute l’Union et, d’autre part, que, dans la mesure où ces produits étaient peu onéreux et pouvaient aussi être installés sur des robinets par des non-professionnels, le degré d’attention du public ciblé était moyen.

34      Tout en souscrivant à l’appréciation de la chambre de recours relative à la détermination du public pertinent, en ce que celui-ci est composé de consommateurs professionnels et de bricoleurs avertis, appréciation qui doit être entérinée, la requérante conteste la conclusion, au point 20 de la décision attaquée, selon laquelle le degré d’attention de ce public est moyen et non pas élevé. En effet, le public ciblé, de par sa formation ou de par l’intérêt qu’il porterait au bricolage, accorderait une attention accrue à la position spécifique demandée, à savoir au côté « sortie » des pièces de sortie sanitaires, seul côté visible de ces pièces dont l’importance serait d’autant plus grande que leur dysfonctionnement rendrait l’ensemble de l’armature inutilisable.

35      Mais, en admettant que le degré d’attention du public pertinent doive être qualifié d’élevé plutôt que de moyen dans la mesure où les produits concernés sont destinés à un public spécialisé, cette seule circonstance ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif du signe en cause. À cet égard, il a été jugé que, s’il est certes vrai que le degré d’attention du public pertinent spécialisé est, par définition, plus élevé que celui du grand public, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe est suffisant lorsque le public pertinent est spécialisé (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 48).

36      En effet, si le public pertinent spécialisé est plus attentif que le grand public, il est aussi plus avisé. Or, comme le souligne à juste titre l’EUIPO, l’attention accrue du public pertinent peut en l’espèce se traduire, le cas échéant, par le fait qu’il percevra effectivement les quatre trous comblés du crible d’une pièce de sortie sanitaire, ainsi que le relève d’ailleurs la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, mais la prudence et l’expérience également accrues qui accompagnent ladite attention ne permettent aucunement de conclure que le public pertinent, qui est familier des normes et des habitudes du secteur, percevra nécessairement, de ce seul fait, plus facilement lesdits trous, en l’espèce, comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2016, Azur Space Solar Power/EUIPO (Représentation de lignes et de briques noires), T‑614/15, non publié, EU:T:2016:675, point 30, et du 19 juin 2019, Brita/EUIPO (Forme d’un robinet), T‑213/18, non publié, EU:T:2019:435, point 56] plutôt que comme un élément fonctionnel, voire purement décoratif, perception qui sera examinée ci-après.

37      S’agissant, en second lieu, de ladite perception de la marque demandée par le public pertinent, la chambre de recours a d’abord relevé à juste titre, aux points 23 et 24 de la décision attaquée, que ledit public était en présence uniquement de ladite marque et non pas de la description du signe telle que la privilégiait le demandeur [voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2016, August Storck/EUIPO (Représentation d’un emballage carré blanc et bleu), T‑806/14, non publié, EU:T:2016:284, point 51] ou telle qu’elle figurait dans la demande d’enregistrement, de sorte que seule la perception par le public pertinent de la marque demandée était déterminante aux fins de l’appréciation du caractère distinctif de celle-ci, et cela indépendamment de toute qualification formelle de la marque demandée en une catégorie de marque prédéterminée ainsi qu’il a été relevé au point 27 ci-dessus.

38      Conformément à la jurisprudence relevée au point 21 ci-dessus, la chambre de recours a ensuite rappelé, au point 25 de la décision attaquée, que le caractère distinctif de la marque demandée devait être apprécié par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement avait été demandé, à savoir notamment des régulateurs de jet et des formateurs de jet, avant de conclure, au point 26 de la décision attaquée, que les trous par lesquels l’eau sortait étaient un élément essentiel des régulateurs de jet, de sorte qu’il fallait examiner en l’espèce si le comblement symétrique de quatre trous du crible de la pièce de sortie sanitaire formant un triangle avec un quatrième trou comblé au centre conférait un tel caractère distinctif à la marque demandée dans sa perception par le public pertinent.

39      À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 27 de la décision attaquée, que, contrairement aux allégations de la requérante, le public pertinent percevait les quatre trous comblés de la marque demandée comme une « variante usuelle » de la configuration de la catégorie de produits concernés, alors que d’autres entreprises commercialiseraient également des régulateurs de jet avec des comblements au sein du crible, tout en relevant que l’appréciation du caractère distinctif ne dépendait pas de la constatation de l’utilisation effective de signes similaires sur le marché.

40      La chambre de recours a relevé, aux points 29 et 35 de la décision attaquée, que l’impression produite par la marque demandée ne « différait finalement que peu » de celle produite par les régulateurs de jet traditionnels et que le public pertinent percevrait au mieux la configuration spécifique des trous comblés qui fait l’objet de la marque demandée comme un élément purement décoratif ou fonctionnel en ce que lesdits trous servaient à former le jet d’eau sortant ou qu’ils rendaient le crible plus stable et le protégeaient de dommages. Au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a ajouté que la requérante n’avait pas non plus démontré qu’il y avait une pratique dans le secteur en cause selon laquelle le public pertinent était habitué à examiner en détail la configuration des trous d’un crible et surtout à déduire de l’existence et de la disposition de ceux-ci l’origine des produits. Enfin, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté la thèse de la requérante, selon laquelle la disposition spécifique des trous comblés produirait l’impression d’un visage étonné, similaire à un émoji.

41      Pour toutes ces raisons, la chambre de recours a conclu, aux points 34 et 35 de la décision attaquée, que, eu égard également aux enregistrements antérieurs, la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits concernés, à savoir les pièces de sortie sanitaires, étant donné que la configuration du crible en cause était associée, au mieux, à des qualités purement décoratives ou fonctionnelles, pour autant qu’elle était apte à produire une impression autonome.

42      La requérante fait valoir en substance que la chambre de recours a considéré à tort que l’impression produite par la marque demandée ne différait que faiblement de l’impression produite par des régulateurs de jet classiques et que le public pertinent ne percevait pas la disposition spécifique des quatre trous comblés sur un motif circulaire régulier comme une indication de l’origine du produit. Premièrement, la marque demandée serait unique et la disposition spécifique des trous ferait naître l’impression d’un visage. Deuxièmement, la marque demandée produirait une impression autonome auprès du public ciblé, composé de professionnels ou de bricoleurs spécialisés, qui porterait une attention accrue au côté « sortie » du produit en cause et donc à la particularité de l’agencement abstrait et unique proposé par la requérante, facile à remarquer et à mémoriser, qui produirait une impression durable, détachée de la construction technique concrète du crible sur le côté « sortie » dudit produit.

43      En premier lieu, ainsi qu’il ressort du point 31 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours s’est appliquée à examiner si la marque demandée, qui se confondait avec l’apparence des produits concernés, divergeait de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur, avant de conclure par la négative en considérant, aux points 27 et 29 de la décision attaquée, que le consommateur pertinent percevra le signe simplement comme une variante usuelle de la configuration de la catégorie de produits concernés et que l’impression produite ne diffère que peu de l’impression produite par les régulateurs de jet traditionnels.

44      En deuxième lieu, c’est à tort que la requérante s’appuie dans ce contexte sur le prétendu caractère « unique » de la marque demandée, la seule nouveauté ou l’originalité n’étant, en tout état de cause, pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte qu’il ne suffit pas qu’elle soit originale mais qu’elle doit aussi se différencier substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et ne pas apparaître comme une simple variante de ces formes [arrêts du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge), T‑336/08, non publié, EU:T:2010:546, point 24, et du 26 novembre 2015, Établissement Amra/OHMI (KJ Kangoo Jumps XR), T‑390/14, non publié, EU:T:2015:897, point 25]. En outre, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve du caractère usuel de la forme dans le commerce pour établir le manque de caractère distinctif de la marque demandée [arrêt du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche), T‑434/12, non publié, EU:T:2014:6, point 32].

45      Certes, la requérante affirme en substance que le jeu combiné de l’agencement spécifique de trous et du motif à trous régulier, en faisant apparaître un visage ou un agencement régulier supplémentaire, produit une impression durable et que les trous comblés ne sont pas perçus comme ayant une fonction purement décorative ou fonctionnelle mais forment un motif inhabituel que le public pertinent mémorisera. Force est toutefois de constater que la requérante ne démontre pas que la marque demandée, qui se confond avec l’apparence des produits concernés, diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur, à l’opposé des constatations de la chambre de recours selon lesquelles le public pertinent perçoit le signe simplement comme une variante usuelle de la configuration de la catégorie de produits concernés, et que l’impression d’ensemble produite par l’agencement spécifique des trous comblés en cause, perçus au mieux comme un élément purement décoratif ou fonctionnel en ce qu’ils servent à former le jet d’eau sortant ou rendent le crible plus stable et le protègent des dommages, ne diffère que peu de l’impression produite par les régulateurs de jet traditionnels, alors notamment qu’il n’est pas contesté par la requérante elle-même que ces derniers se caractérisent, le cas échéant, par la présence de comblements dus à une accumulation de matière au centre de leur surface, un épaississement des nervures ou encore des points d’intersection. Ainsi qu’il a été relevé au point 44 ci-dessus, la circonstance alléguée par la requérante, selon laquelle la configuration des trous comblés dont la protection est demandée est unique, n’est pas suffisante pour établir le caractère distinctif de la marque demandée.

46      En troisième lieu, cette conclusion ne saurait être remise en cause au motif que la chambre de recours aurait rejeté à tort, au point 31 de la décision attaquée, l’argumentation de la requérante selon laquelle le public pertinent reconnaîtrait les trous comblés du crible comme l’expression d’un visage étonné. D’abord, il y a lieu de rappeler que, comme il a été indiqué au point 37 ci-dessus, le public pertinent est en présence uniquement de la marque demandée et non pas de la description du signe telle que la privilégiait le demandeur ou telle qu’elle figurait dans la demande d’enregistrement. Ensuite, l’interprétation de la configuration spécifique des trous comblés sur le crible d’un formateur ou d’un régulateur de jet, telle qu’elle est suggérée par la requérante, n’est aucunement évidente pour le public pertinent. Enfin, même si le système d’alvéoles et de quatre trous comblés placés sur la surface du produit de manière à former un visage pourrait, de ce fait, être considéré comme différent des produits proposés par les concurrents de la requérante, ces différences ne seraient pas suffisamment significatives pour conférer à la marque demandée une fonction d’indication d’origine, mais seraient perçues au mieux comme un élément purement décoratif ou fonctionnel, ainsi que la chambre de recours l’a relevé aux points 29 et 35 de la décision attaquée, et cela contrairement aux allégations de la requérante, également pour un public spécialisé qui, comme il a été relevé au point 36 ci‑dessus, est familier des normes et des habitudes du secteur.

47      Enfin, pour autant que la requérante se réfère à la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO, il suffit de relever que, aux points 31 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a, d’une part, observé qu’elle avait pris en considération les enregistrements antérieurs et, d’autre part, rappelé à juste titre que la légalité des décisions relatives à l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne devait être appréciée uniquement sur la base de la réglementation applicable et non pas sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure. En effet, si l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration, de sorte qu’il doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, lesdits principes doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait, en tout état de cause, invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 76).

48      Pour ces différentes raisons, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les différences éventuelles de la marque demandée avec d’autres marques de pièces de sortie sanitaires étaient, tout au plus, perçues par le public pertinent comme une forme originale d’ornementation ou comme remplissant une fonction technique et qu’elles ne divergeaient pas de manière significative des normes ou des habitudes du secteur, de sorte qu’elles n’étaient pas perçues comme une indication de l’origine commerciale des produits (voir arrêt du 16 janvier 2014, Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche, T‑434/12, non publié, EU:T:2014:6, point 29 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 janvier 2019, Représentation d’une fermeture de bouteille, T‑489/17, non publié, EU:T:2019:9, point 43). En effet, la requérante est restée en défaut de démontrer que les éventuelles différences existant par rapport à la norme ou aux habitudes du secteur, voire avec les configurations les plus courantes, étaient suffisamment caractéristiques ou marquantes pour conférer à la marque demandée un degré minimal de caractère distinctif.

49      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le présent moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Neoperl AG est condamnée aux dépens.

Buttigieg

Schalin

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.