Language of document : ECLI:EU:T:2016:540

ORDONNANCE DU PRESIDENT DE LA QUATRIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL

8 septembre 2016 (1)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑186/15,

CSTP Azienda della Mobilità SpA, établie à Salerne (Italie), représentée par Mes G. Capo et L. Visone, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati et MM. G. Conte et P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision (UE) 2015/1074 de la Commission, du 19 janvier 2015, relative à l’aide SA.35842 (2014/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Italie – Compensation complémentaire de service public en faveur de CSTP (JO L 179, p. 112),

LE PRESIDENT DE LA QUATRIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Le 5 décembre 2012, les autorités italiennes ont notifié, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une aide d’État consistant en une compensation complémentaire accordée à CSTP – Azienda della Mobilità SpA. (ci-après la « CSTP »), en exécution de l’arrêt n° 5649 du 7 novembre 2012, rendu par le Consiglio di Stato (Conseil d’État italien), saisi dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du Consiglio di Stato n° 4683/2009. La compensation dont il est question était imposée à la Région de Campanie pour les charges supportées par CSTP dans la prestation de services de transport de voyageurs par autobus sur la base de concessions délivrées par ladite Région durant la période allant de 1997 à 2002, pour un montant de 4 951 838 euros.

2        La Commission a cependant qualifié ladite mesure d’aide non notifiée dès lors que la Région de Campanie était tenue de verser la compensation due à CSTP à partir du 7 décembre 2012, sans respecter l’obligation de suspension prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

3        Par lettre du 20 février 2014, la Commission a communiqué à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

4        Par décision (UE) 2015/1074 du 19 janvier 2015 relative à l’aide d’État SA.35842 (2014/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Italie — Compensation complémentaire de service public en faveur de CSTP (JO L 179, p. 112), notifiée sous le numéro C(2015) 74 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a déclaré ladite compensation incompatible avec le marché intérieur et a ordonné sa récupération.

5        Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la compensation complémentaire en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’elle ne remplissait pas les deux premières conditions précisées par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415).

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 avril 2015, CSTP (ci-après également la « requérante ») a introduit un recours visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2015 (affaire T‑187/15) Trasporti Pubblici Spa (ci-après « CTP »), ATAP-Azienda Trasporti Pubblici delle Province di Biella e Vercelli (ci-après « ATAP »), A.C.T.V. Spa (ci-après « ACTV »), Ferrovie Appulo Lucane Srl (ci-après « FAL »), Ass.Tra-Associazione Trasporti (ci-après « Ass.Tra ») et ANAV-Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ci-après « ANAV ») ont également demandé l’annulation de la décision attaquée. Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 10 novembre 2015 (Compagnia Trasporti Pubblici e.a./Commission, T‑187/15, non publiée, EU:T:2015:846) ledit recours a été rejeté comme manifestement irrecevable.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2015, CTP, ATAP, ACTV, FAL, Ass.Tra et ANAV (ci-après également les « demanderesses en intervention ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de CSTP.

9        La demande susvisée a été signifiée à la requérante ainsi qu’à la Commission, conformément à l’article 144, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2015, la Commission a indiqué qu’elle s’opposait à l’intervention demandée. La requérante n’a pas déposé d’observations.

 En droit

11      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir dans ce litige.

12      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnances du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2003:38, point 26 et jurisprudence citée, et du 4 novembre 2014, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, non publiée, EU:T:2014:936, point 12 et jurisprudence citée).

13      Il ressort également de la jurisprudence qu’il convient d’établir une distinction entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (voir ordonnance du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2003:38, point 27 et jurisprudence citée). Dans le cas contraire, toute personne affectée de manière indéfinie par un litige pourrait justifier d’un intérêt à la solution. Un tel résultat ne serait pas conforme aux exigences d’économie de procédure (voir, en ce sens, ordonnance du 15 juin 1993, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1993:46, points 20 et 21).

14      En l’espèce, les demanderesses en intervention estiment avoir un intérêt à la solution du litige.

15      Les quatre demanderesses en intervention, CTP, ATAP, Actv et FAL étant des entreprises, elles estiment avoir un intérêt à la solution du litige du fait qu’elles ont engagé devant les juridictions italiennes des procédures juridictionnelles afin d’obtenir la reconnaissance de compensations pour les charges économiques de service public au titre du règlement nº 1191/69. Elles souhaitent obtenir les compensations que la requérante a obtenu et qu’elle devrait restituer, sur la base de la décision attaquée. Leur intérêt à voir annuler la décision attaquée découlerait du fait que ladite décision constitue pour les juridictions nationales un précédent faisant autorité propre à faire rejeter leurs demandes judiciaires initiées sur la seule base de la qualification comme aides d’État des compensations demandées. L’issue du litige engagé par la requérante commanderait donc celle des litiges nationaux engagés par les demanderesses en intervention. Seule l’annulation de la décision en cause pourrait permettre aux demanderesses en intervention de défendre leurs intérêts de manière adéquate dans les procédures nationales.

16      Toutefois, force est de constater, à la lumière de la jurisprudence citée au point 13 ci-dessus, que l’intérêt invoqué par les entreprises demanderesses en intervention est un intérêt indirect. En effet, l’éventuelle annulation de la décision attaquée qui contraint la requérante à rembourser les aides illégalement perçues n’avantagerait pas les demanderesses en intervention. Ces dernières invoquent en effet un intérêt purement indirect à ce qu’il soit fait droit au recours en estimant qu’un rejet inciterait peut-être les juges nationaux à rejeter leurs demandes, ce qui représenterait un préjudice à leur encontre.

17      De plus, il y a lieu de constater que ce prétendu préjudice éventuel est futur et incertain. En effet, les juges nationaux ne sont pas liés par les conclusions de la décision attaquée, décision qui a été adoptée dans un contexte factuel propre à l’affaire en l’espèce. Comme l’a fait remarquer la Commission, même si les juges nationaux s’alignaient sur l’approche juridique sous-tendant la décision attaquée, ils pourraient toujours parvenir à d’autres conclusions en raison du contexte factuel différent concernant, par exemple, l’imposition unilatérale d’obligations de service public, la fixation ex ante des critères pour la compensation ou l’existence d’une séparation compatible précise.

18      Eu égard aux considérations qui précédent, il y a lieu de conclure que les entreprises demanderesses en intervention ne disposent pas d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour.

19      S’agissant des demanderesses en intervention, Ass.Tra et ANAV, en tant qu’associations professionnelles, elles font référence à leurs statuts respectifs. Ass.Tra se présente comme une confédération patronale des entreprises de transport local en Italie. Selon ses statuts son but est « de protéger en général les intérêts des associés, entre autres, dans les domaines financier, économique, technique, industriel, juridique, administratif, contractuel et syndical » et de « représenter à tous les niveaux les associés dans leurs relations avec les institutions, les administrations publiques, dans les organisations économiques, techniques, politiques, sociales et syndicales ». L’ANAV se représente comme une association d’entreprises de transport de passagers par autobus qui font partie du système Confindustria. Il ressort de ses statuts qu’elle a pour but de « promouvoir l’avancement des entreprises de transport en favorisant une solidarité et une collaboration accrues entre les associés et en fournissant l’assistance et la protection de leurs intérêts pour tous les problèmes syndicaux, juridiques, économiques et culturels qui directement ou indirectement les concernent ». Afin d’atteindre lesdits objectifs, elle représente ses membres devant toute institution nationale ou internationale en liaison avec leurs activités.

20      Certes, selon une jurisprudence constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers. Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (voir ordonnance du 16 mars 2016, One of Us e.a./Commission, T‑561/14, non publiée, EU:T:2016:173, point 24 et jurisprudence citée).

21      Toutefois, quant à l’ANAV, il y a lieu de constater que cette association n’a que fait référence à ses statuts. Elle n’a pas invoqué un intérêt propre à ce qu’il soit fait droit au recours. Elle prétend donc avoir un intérêt à la solution du litige afin de sauvegarder les intérêts de ses membres. À cet égard, il convient de relever qu’elle n’a pas tenté de démontrer que certains de ses membres auraient un intérêt certain, direct et actuel à la solution du recours formé par CSTP. Elle n’a même pas fait valoir que certains de ses membres auraient introduit un recours tendant à obtenir des compensations similaires à celles accordées à la requérante. En tout état de cause, dans l’hypothèse où certains de ses membres auraient introduit un recours devant les tribunaux nationaux afin de réclamer une compensation, il suffit de constater que, comme c’est le cas pour les quatre entreprises demanderesses en intervention mentionnées au point 15 ci-dessus, cette circonstance ne constituerait qu’un intérêt indirect à la solution du litige.

22      Partant, au vu de ce qui précède, il convient de considérer que les membres de l’ANAV ne disposent pas d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

23      Quant à Ass.Tra, il est constant que la requérante est un membre de cette association. Alors que le recours évoqué au point 7 ci-dessus a été déclaré irrecevable, entre autres, au motif qu’Ass.Tra ne disposait pas d’un intérêt propre à l’encontre de la décision attaquée du fait que la requérante avait introduit un recours autonome, rien ne s’oppose à ce que ladite association intervienne dans ce recours au soutien de son membre vu la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus et l’objet statutaire de cette association incluant la protection des intérêts de ses membres.

24      Par conséquent, il convient d’accueillir la demande d’intervention d’Ass.Tra.

 Sur les dépens

25      En vertu de l’article 133, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de CTP, ATAP, Actv, FAL et ANAV, il convient de statuer sur les dépens afférents à leur demande d’intervention.

26      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

27      En l’espèce, CTP, ATAP, Actv, FAL et ANAV ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE PRESIDENT DE LA QUATRIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande d’intervention de Trasporti Pubblici Spa, ATAP-Azienda Trasporti Pubblici delle Province di Biella e Vercelli, A.C.T.V. Spa, Ferrovie Appulo Lucane Srl et ANAV-Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori est rejetée.

2)      Trasporti Pubblici Spa, ATAP-Azienda Trasporti Pubblici delle Province di Biella e Vercelli, A.C.T.V. Spa, Ferrovie Appulo Lucane Srl et ANAV-Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori sont condamnées à supporter les dépens de la Commission relatifs à leur demande d’intervention, ainsi que leur propres dépens.

3)      Ass.Tra-Associazione Trasporti est admise à intervenir dans l’affaire T‑186/15, au soutien des conclusions de CSTP – Azienda della Mobilità Spa.

4)      Le greffier communiquera à la partie intervenante tous les actes de procédure signifiés aux parties principales.

5)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour exposer, par écrit, ses moyens à l’appui des conclusions de CSTP – Azienda della Mobilità Spa.

6)      En ce qui concerne la partie intervenante admise, les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 8 septembre 2016.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek


1 Langue de procédure : l’italien.