Language of document : ECLI:EU:T:2003:283

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

23 octobre 2003(1)

«Fonctionnaires - Rapport de notation - Établissement tardif - Recours en indemnité»

Dans l'affaire T-279/01,

Giorgio Lebedef, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Senningerberg (Luxembourg), représenté par Mes G. Bouneou et F. Frabetti, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions de la Commission rejetant partiellement les réclamations du requérant visant à obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par le retard dans l'établissement des rapports de notation le concernant pour les périodes 1995/1997 et 1997/1999 et, d'autre part, une demande de dommages-intérêts en réparation dudit préjudice moral,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge: Mme V. Tiili,

greffier: M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 29 avril 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») prévoit:

«La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l'exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d'y joindre toutes observations qu'il juge utiles.»

2.
    Les dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut (ci-après les «DGE»), adoptées le 15 mai 1997, précisent les modalités d'établissement des rapports de notation.

3.
    L'article 3, sixième alinéa, deuxième tiret, des DGE dispose:

«Le fonctionnaire/agent temporaire ‘détaché à temps partiel', ‘élu', ‘mandaté', ou ‘délégué' est noté par le notateur du service d'affectation après consultation du groupe ad hoc de notation de la représentation du personnel (voir annexe II).»

4.
    Selon l'article 5 des DGE:

«Après avoir procédé, s'il y a lieu, aux opérations prévues aux articles 2 et 3, le notateur poursuit la procédure de notation par un dialogue avec le fonctionnaire/agent temporaire noté. Le notateur et le noté vérifient les tâches attribuées au noté et effectuées par celui-ci pendant la période de référence afin d'évaluer sa compétence, son rendement ainsi que sa conduite dans le service, sur [la] base des éléments d'appréciation correspondant à sa situation professionnelle. La notation doit porter sur la période de référence.

[.]

Le notateur établit ensuite le rapport de notation et le communique, dans les dix jours ouvrables (à partir du 1er juillet), au fonctionnaire/agent temporaire noté. Celui-ci est appelé à le compléter, pour les rubriques qui lui incombent, et à le viser dans un délai de dix jours ouvrables.

Le fonctionnaire/agent temporaire noté a le droit, dans ce délai, de demander un second dialogue avec son notateur. Dans ce cas, le notateur est tenu de lui accorder un nouveau dialogue et peut, le cas échéant, modifier le rapport de notation et, enfin, il doit communiquer sa décision dans les dix jours ouvrables suivant la demande du fonctionnaire/agent temporaire noté. Un nouveau délai de dix jours ouvrables court alors, pendant lequel le fonctionnaire/agent temporaire noté est invité à viser son rapport de notation ou à demander au notateur l'intervention du notateur d'appel. Cette demande doit être transmise sans délai au notateur d'appel.»

5.
    Aux termes de l'article 6, troisième alinéa, des DGE:

«Le notateur d'appel doit entendre le notateur et le fonctionnaire/agent temporaire noté, et procéder à toutes consultations utiles. Le notateur d'appel a la faculté de confirmer la première notation attribuée, ou de la modifier. Après la prise de position du notateur d'appel, qui doit intervenir dans un délai de dix jours ouvrables après la réception de la demande du fonctionnaire/agent temporaire noté, dans les conditions prévues à l'article 5, dernier alinéa, le rapport de notation est communiqué à ce dernier qui dispose d'un délai de dix jours ouvrables pour le viser ou pour demander l'intervention du comité paritaire des notations (CPN).»

6.
    En vertu de l'article 7 des DGE:

«[.]

Sans se substituer au notateur dans l'appréciation des qualités professionnelles du noté, le [CPN] veille au respect de l'esprit d'équité et d'objectivité qui doit présider à l'établissement de la notation, ainsi qu'à l'application correcte des procédures (notamment dialogue, consultations, procédure d'appel, délais).

Le CPN est assisté dans ses travaux par un ou plusieurs rapporteurs chargés d'instruire les procédures et d'en faire rapport au [CPN]. Les rapporteurs disposent d'un délai de quinze jours ouvrables pour porter à terme leurs travaux et transmettre le dossier au CPN. Ils sont nommés par le CPN à chaque exercice de notation parmi les fonctionnaires de l'institution au moins de grade A 5/LA 5.

Le CPN doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la date de [la] transmission du dossier [par le] rapporteur.

L'avis du CPN est transmis sans retard au fonctionnaire/agent temporaire noté et au notateur d'appel. Celui-ci arrête le rapport de notation et le notifie au fonctionnaire/agent temporaire noté dans un délai de dix jours ouvrables; il en transmet copie au CPN. La notation est alors considérée comme définitive.

Toute la procédure doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre.»

7.
    L'annexe II des DGE dispose:

«[.]

Le groupe ad hoc [de notation de la représentation du personnel] est consulté pour la notation des détachés à temps partiel, des élus, des mandatés et des délégués.

Il est constitué un comité paritaire ad hoc d'appel qui émet un avis en cas de notation d'appel des détachés à temps partiel, élus, mandatés et délégués: son avis est pris en compte par le notateur d'appel lors de l'établissement de la notation.»

Faits à l'origine du litige

8.
    M. Lebedef, le requérant, est fonctionnaire de grade B 2, affecté à l'Office statistique des Communautés européennes (Eurostat). Le requérant est élu au comité local du personnel et secrétaire général du syndicat Action & Défense.

Rapport de notation pour la période 1995/1997

9.
    Le 13 novembre 1997, le notateur, M. De Geuser, chef de l'unité «Industrie, sidérurgie et coordination des enquêtes industrielles» de la direction «Statistiques des entreprises» d'Eurostat, a établi le projet de rapport de notation du requérant pour la période 1995/1997.

10.
    Le 17 novembre 1997, après dialogue avec son notateur, le requérant a demandé la consultation du groupe ad hoc de notation de la représentation du personnel (ci-après le «groupe ad hoc de notation»), prévue par l'article 3 des DGE, au sujet de ce rapport de notation. Le 22 décembre 1997, le groupe ad hoc de notation a communiqué à M. De Geuser son avis, dont une copie a été envoyée au requérant.

11.
    Le second dialogue a eu lieu le 16 juin 1998. Le 17 juin 1998, le requérant a demandé l'intervention du notateur d'appel. Le 29 juin 1998, le requérant a eu un entretien avec le notateur d'appel, M. Franchet, directeur général d'Eurostat. Le 30 septembre 1998, le notateur d'appel a demandé l'avis du comité paritaire ad hoc d'appel, après avoir été informé par un courrier électronique du 15 juillet 1998, envoyé par M. Vancampenhout, coordinateur du groupe ad hoc de notation, que le comité paritaire ad hoc d'appel ne se réunirait pas pour délibérer avant septembre 1998. Ce dernier a donné son avis le 22 mars 1999. Le 5 mai 1999, cet avis a été communiqué au requérant, au notateur et au notateur d'appel. Le 21 mai 1999, M. Franchet, le notateur d'appel, a confirmé le rapport de notation pour la période 1995/1997. Le requérant l'a visé le 7 juin 1999.

12.
    Le même jour, le requérant a demandé l'intervention du comité paritaire des notations (ci-après le «CPN»), qui a rendu son avis le 6 octobre 2000, lequel a été communiqué au requérant le 13 octobre 2000.

13.
    Le 24 novembre 2000, le notateur d'appel, M. Franchet, a informé le requérant qu'il avait décidé de modifier le rapport de notation pour la période 1995/1997 et que, partant, la notation du requérant était devenue définitive. M. Vancampenhout a visé la communication de M. Franchet le 19 décembre 2000 et a établi une note à l'attention de celui-ci ce même jour. Il ressort du dossier individuel du requérant qu'il a accusé réception du rapport de notation pour la période 1995/1997 le 10 janvier 2001. Par une note du 18 janvier 2001, M. Crocicchi, chef de l'unité «Affaires administratives et de personnel» de la direction «Ressources» d'Eurostat, a transmis la nouvelle notation à la direction générale «Personnel et administration» de la Commission, pour l'insérer dans le dossier individuel du requérant.

Rapport de notation pour la période 1997/1999

14.
    Le requérant n'a fourni aucun travail pour Eurostat pour la période 1997/1999.

15.
    Le 18 janvier 2001, le notateur, M. Langevin, chef de l'unité «Statistiques structurelles des entreprises» de la direction «Statistiques des entreprises» d'Eurostat, a consulté M. Vancampenhout. Ce dernier a établi sa proposition de rapport de notation pour la période 1997/1999 le 21 février 2001. M. Langevin a transcrit cette évaluation et s'est entretenu avec le requérant le 23 mars 2001. Le requérant a signé ce rapport le 23 mars 2001. Ce même jour, le notateur a envoyé le rapport, avec accord du requérant, à M. Vancampenhout afin qu'il le vise, ce qui a été fait le 26 mars 2001. Le 28 mars 2001, le notateur, M. Langevin, a envoyé ce rapport, la procédure de notation étant terminée, à M. Crocicchi.

Procédure précontentieuse

16.
    Le 13 juin 2000, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, enregistrée par le secrétariat général de la Commission le 20 juin 2000 (ci-après la «réclamation du 13 juin 2000»), visant à l'annulation de la décision de ne pas le promouvoir lors de l'exercice de promotion 2000, ainsi qu'à l'obtention de dommages-intérêts d'un montant de 150 000 francs belges (BEF), équivalant à 3 718,40 euros, en réparation du préjudice moral qu'il estimait avoir subi pour chaque rapport de notation non établi à la date du 13 juin 2000.

17.
    Le 9 octobre 2000, le requérant a introduit une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, enregistrée par le secrétariat général de la Commission le 12 octobre 2000 (ci-après la «demande du 9 octobre 2000»), visant à l'obtention de dommages-intérêts d'un montant de 300 000 BEF (7 436,81 euros), en réparation du préjudice moral qui lui aurait été causé par l'absence d'établissement, jusqu'à la date de l'introduction de cette demande, de son rapport de notation pour la période 1995/1997, ainsi qu'à l'obtention de dommages-intérêts d'un montant de 100 000 BEF (2 478,94 euros), en réparation du préjudice moral qui lui aurait été causé par l'absence d'établissement, jusqu'à la date de l'introduction de cette demande, de son rapport de notation pour la période 1997/1999.

18.
    Par décision du 13 novembre 2000, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'AIPN) a répondu au requérant, en faisant référence à la réclamation du 13 juin 2000 (ci-après la «décision du 13 novembre 2000»). Par cette décision, l'AIPN a «décidé d'annuler la décision de ne pas [le] promouvoir et de [lui] octroyer une indemnisation de 25 000 BEF [619,73 euros] à titre de compensation du préjudice moral résultant du retard dans l'établissement de [ses] notations définitives pour 1995/1997 et 1997/1999».

19.
    Le 14 février 2001, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 22 février 2001 (ci-après la «réclamation du 14 février 2001»), pour obtenir l'annulation de la décision du 13 novembre 2000, en ce qu'elle ne lui octroyait que 25 000 BEF en réparation du préjudice moral causé par les retards dans l'établissement des rapports de notation concernant les périodes 1995/1997 et 1997/1999, pour obtenir également l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 9 octobre 2000 et pour se voir allouer un montant de 300 000 BEF (7 436,81 euros), en réparation du préjudice moral causé par le retard dans l'établissement du rapport de notation concernant la période 1995/1997, ainsi que des dommages-intérêts d'un montant de 100 000 BEF (2 478,94 euros), en réparation du préjudice moral causé par l'absence d'établissement, jusqu'à la date de l'introduction de cette réclamation, du rapport de notation concernant la période 1997/1999.

20.
    Le 10 septembre 2001, le requérant a reçu la décision de l'AIPN, en date du 30 juillet 2001, rejetant la réclamation du 14 février 2001 (ci-après la «décision du 30 juillet 2001»).

21.
    Le 27 septembre 2001, l'AIPN a annulé, en réponse à une réclamation du requérant en date du 27 avril 2001, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 4 mai 2001, les décisions relatives aux promotions intervenues au titre de l'exercice 2001, pour la partie concernant le requérant.

Procédure et conclusions des parties

22.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 novembre 2001, le requérant a introduit le présent recours.

23.
    En application de l'article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé qu'un deuxième échange de mémoires n'était pas nécessaire en l'espèce. Sur rapport du juge rapporteur, il a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties ont été invitées à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites du Tribunal. Elles ont déféré à ces demandes.

24.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure du Tribunal, la quatrième chambre du Tribunal a attribué l'affaire à Mme V. Tiili, siégeant en qualité de juge unique. Entendues conformément à l'article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties ont déclaré qu'elles n'avaient aucune objection à présenter à cet égard.

25.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique du 29 avril 2003.

26.
    Le requérant demande à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision du 13 novembre 2000, répondant à la réclamation du 13 juin 2000, en ce qu'elle n'octroie au requérant qu'un montant de 25 000 BEF (619,73 euros), pour le préjudice moral causé par le retard dans l'établissement des rapports de notation le concernant, pour les périodes allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997 et du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999;

-    annuler la décision implicite rejetant la demande du 9 octobre 2000;

-    condamner la Commission à lui verser le montant de 300 000 BEF (7 436,81 euros), en réparation du préjudice moral causé par le retard dans l'établissement du rapport de notation portant sur la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, ainsi que le montant de 100 000 BEF (2 478,94 euros), en réparation du préjudice moral causé par le retard dans l'établissement du rapport de notation portant sur la période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999;

-    condamner la Commission aux dépens.

27.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

Sur les premier et deuxième chefs de conclusions

28.
    Dans le cadre du premier chef de conclusions, le requérant demande l'annulation de la décision du 13 novembre 2000, faisant suite à la réclamation du 13 juin 2000, en ce qu'elle n'octroie au requérant qu'un montant de 25 000 BEF (619,73 euros), pour le préjudice moral causé par l'établissement tardif des rapports de notation pour les périodes 1995/1997 et 1997/1999. Dans le cadre du deuxième chef de conclusions, il demande l'annulation de la décision implicite rejetant la demande du 9 octobre 2000.

29.
    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision d'une institution portant rejet d'une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, de telles conclusions ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, l'acte contenant la prise de position de l'institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d'une demande en indemnité (arrêts du Tribunal du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T-90/95, RecFP p. I-A-471 et II-1231, point 45; du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T-77/99, RecFP p. I-A-61 et II-293, point 68, et du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T-209/99, non encore publié au Recueil, point 32). Par conséquent, il n'y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation.

Sur les conclusions en indemnité

Sur la recevabilité

30.
    À titre liminaire, il y a lieu de noter que la Commission a, lors de l'audience, déclaré qu'elle n'insistait pas sur la prétendue irrecevabilité des conclusions en indemnité. À cet égard, il suffit de constater que, étant donné que la réclamation du 13 juin 2000 peut être considérée comme contenant également une demande de dommages-intérêts d'un montant de 150 000 BEF (3 718,40 euros), en réparation du préjudice moral que le requérant aurait subi à raison de chaque rapport de notation non établi à la date du 13 juin 2000, la réponse de la Commission du 13 novembre 2000 constitue une décision de rejet partiel de cette demande, contre laquelle le requérant a pu valablement former une réclamation, en l'occurrence la réclamation du 14 février 2001. Cette réclamation a été rejetée par la décision du 30 juillet 2001, reçue par le requérant le 10 septembre 2001. Ainsi, le présent recours, formé le 5 novembre 2001, a été introduit dans les délais. La procédure précontentieuse, conforme aux dispositions statutaires, a été respectée par le requérant dans le cas d'espèce et, dès lors, le recours est recevable.

Sur le fond

- Arguments des parties

31.
    Le requérant soutient que la Commission a violé l'article 43, premier alinéa, du statut, les DGE ainsi que les principes de bonne administration et de sollicitude, en ne faisant pas en sorte que les rapports de notation le concernant, pour les périodes allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997 et du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999, soient définitivement établis, respectivement, le 31 décembre 1997 et le 31 décembre 1999. La Commission aurait commis des fautes de service répétitives en n'ayant pas régulièrement établi, à l'occasion des exercices de promotion 1998, 1999, 2000 et 2001, lesdits rapports de notation.

32.
    Le requérant fait valoir que, selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire qui ne possède qu'un dossier individuel incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel. En l'espèce, le requérant se serait trouvé précisément dans un tel état en raison, notamment, de l'absence des rapports de notation le concernant lors des réunions du comité de promotion.

33.
    En ce qui concerne le rapport de notation pour la période 1995/1997, il est incontestable, selon le requérant, que, lors des exercices de promotion 1998, 1999 et 2000, ce rapport n'a pas été régulièrement établi et n'a pas été versé à son dossier individuel. Le requérant fait valoir qu'il a toujours sollicité les entretiens ou interventions prévus par la procédure de notation ou envoyé ses observations sur les projets de rapport dans un délai de dix jours ouvrables.

34.
    En outre, conformément au statut et à l'accord-cadre du 20 septembre 1974 concernant les relations entre la Commission et les organisations syndicales et professionnelles, ses activités syndicales auraient dû être considérées comme faisant partie des services qu'il est tenu d'assurer à la Commission et, partant, les consultations du groupe ad hoc de notation et du comité paritaire ad hoc d'appel auraient été nécessaires, puisque prévues par les DGE. Dès lors, l'absence, lors des exercices de promotion 1998, 1999 et 2000, du rapport de notation pour la période 1995/1997 ne lui serait pas imputable.

35.
    Le requérant fait valoir que les retards en cause sont dus à l'insouciance absolue des services de la Commission, voire à leur intention de nuire. Preuve en serait le fait que, malgré l'annulation, par la décision du 13 novembre 2000, du refus de promotion du requérant au titre de l'exercice 2000 à cause des retards de la Commission dans l'établissement de ses notations, le rapport de notation pour la période 1997/1999 n'était toujours pas disponible pour l'examen de la promotion du requérant lors de l'exercice 2001.

36.
    Le requérant invoque également un harcèlement moral visant à entraver la liberté syndicale. Il fait valoir que ses notateurs n'ont pas tenu compte de ses activités syndicales et qu'ils n'ont pas pris en compte les avis présentés par le groupe ad hoc de notation, le comité paritaire ad hoc d'appel ou le CPN.

37.
    En ce qui concerne la jurisprudence issue de l'arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Liao/Conseil (T-15/96, RecFP p. I-A-329 et II-897), le requérant indique, dans son mémoire en réplique, que les retards engendrés par le CPN et, par analogie, par le groupe ad hoc de notation et le comité paritaire ad hoc d'appel ne doivent pas être imputés à l'AIPN, sauf dans le cas où l'AIPN elle-même serait responsable de ces retards. Or, il serait difficile de nier la responsabilité de l'AIPN en présence d'un retard de trois ans dans l'établissement des rapports de notation, comme ce serait le cas du rapport de notation concernant la période 1995/1997, ou lorsque lesdits rapports commencent à être rédigés avec un retard de 18 mois, comme ce serait le cas du rapport de notation concernant la période 1997/1999. Lors de l'audience, le requérant a précisé que, comme les consultations des différents comités sont incluses dans les délais impartis par les DGE et que lesdits délais doivent être respectés, on ne saurait prétendre que l'AIPN n'est pas ultimement responsable de leur respect. Partant, il estime que la jurisprudence issue de l'arrêt Liao/Conseil, précité, n'est pas applicable dans le cas d'espèce.

38.
    Quant à l'étendue du préjudice allégué, le requérant rappelle que, dans son arrêt du 19 septembre 2000, Stodtmeister/Conseil (T-101/98 et T-200/98, RecFP p. I-A-177 et II-807, points 50, 57 et 58), le Tribunal a évalué le préjudice moral subi par l'intéressée à 70 000 BEF (1 735,25 euros) pour 17 mois de retard dans l'établissement du rapport de notation. Dans l'arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission (T-27/90, Rec. p. II-35, points 50 et 51), le préjudice a été évalué à 50 000 BEF (1 239,47 euros) pour presque 17 mois de retard et, dans l'arrêt du même jour, Latham/Commission (T-63/89, Rec. p. II-19, points 38 et 39), il a été évalué à 100 000 BEF (2 478,94 euros) pour 40 mois de retard.

39.
    Le requérant en déduit que la jurisprudence évaluait, en moyenne, la réparation du préjudice moral à une somme d'environ 35 000 BEF (867,63 euros) par année de retard dans l'établissement du rapport de notation en 1991 et à une somme d'environ 50 000 BEF (1 239,47 euros) en 2000.

40.
    En l'espèce, le rapport de notation du requérant pour la période 1995/1997 aurait subi un retard de trois années, ce qui conduirait à une réparation d'environ 150 000 BEF (3 718,40 euros).

41.
    Quant au rapport de notation du requérant pour la période 1997/1999, il aurait déjà subi un retard d'une année, ce qui conduirait à une réparation supplémentaire d'environ 50 000 BEF (1 239,47 euros).

42.
    En outre, le requérant estime que, compte tenu de circonstances aggravantes en l'espèce, il est en droit de demander le double des montants susdits au titre de la réparation du préjudice moral subi.

43.
    La Commission fait tout d'abord valoir que le fond du recours ne concerne que l'aspect indemnitaire et les retards éventuels dont aurait fait l'objet l'établissement de la notation du requérant, indépendamment de tout débat sur l'incertitude que le requérant aurait pu ressentir quant à leurs conséquences pour sa promotion. En effet, l'AIPN aurait déjà compensé le préjudice principal du requérant en annulant les décisions de refus de promotion en ce qui le concerne.

44.
    La Commission tire argument des procédures particulières régissant les fonctionnaires élus mais non détachés, en indiquant que la procédure relative au rapport de notation pour la période 1995/1997 impliquait le nombre théorique maximal d'étapes et de consultations internes.

45.
    Ensuite, la Commission invoque le fait que la situation administrative particulière du requérant engendrait des difficultés objectives pour le service d'affectation qui devait le noter. En effet, dans le rapport de notation définitif pour la période 1995/1997, la notation d'appel indique, à la troisième page, que, s'agissant de la période postérieure à l'élection du requérant au comité local du personnel à Luxembourg, «il [était] alors impossible de porter un jugement sur le travail au sein de l'unité, dans la mesure où le fonctionnaire lui-même demand[ait] à ce que soit jugé son travail syndical». En ce qui concerne le rapport de notation pour la période 1997/1999, le notateur a déclaré, dans sa note du 28 mars 2001, n'être «pas [...] en mesure de juger [les] prestations faites par le noté dans un autre cadre que celui d'Eurostat» et a précisé que «M. Lebedef n'a[vait] fourni aucun travail pour Eurostat pour la période de référence».

46.
    En ce qui concerne la détermination des retards éventuels, la Commission fait valoir que l'essentiel du retard est dû aux procédures de consultation de différents groupes et comités entamées par le requérant. Bien qu'elle ne conteste pas que le requérant soit en droit d'utiliser ces procédures, elle fait observer que le recours qui y est fait allonge d'autant l'établissement définitif du rapport de notation et que, par suite, un éventuel retard ne pourra pas être imputable d'office à la seule AIPN. La Commission rappelle la jurisprudence issue de l'arrêt Liao/Conseil, précité, selon laquelle le retard dans l'établissement du rapport de notation, postérieur à la saisine du comité des rapports par le fonctionnaire concerné, n'est pas imputable à la Commission. Lors de l'audience, la Commission a précisé qu'il s'agissait de retards neutres, imputables à la procédure.

47.
    S'agissant du rapport de notation concernant la période 1995/1997, la Commission soutient que le projet était bien prêt à temps, en novembre 1997, et que le premier dialogue a eu lieu à cette époque. Elle fait observer que l'avis du groupe ad hoc de notation a été notifié le 22 décembre 1997, donc sans retard. Le fait que le second dialogue n'a été organisé que le 16 juin 1998 ne pourrait donc pas être imputable à l'administration, étant donné que seul le noté peut demander ce dialogue. Partant, l'inaction de l'AIPN pendant les six premiers mois de 1998 serait à exclure de l'évaluation du retard, étant précisé par ailleurs qu'aucune perte de temps n'aurait été constatée entre le 16 juin 1998 et le 30 juin 1998, ni d'un côté ni de l'autre. Elle fait de plus valoir que, si le notateur d'appel n'a consulté le comité paritaire ad hoc d'appel que le 30 septembre 1998, c'est en raison du fait que ce comité lui-même lui avait indiqué qu'il ne devait pas le faire avant le mois de septembre. Elle estime, dès lors, que cette période doit être également neutralisée. Ensuite, le délai supplémentaire résultant du fait que le comité a mis six mois pour rendre son avis, le 22 mars 1999, ne saurait pas plus être imputable à l'administration, en application de la jurisprudence issue de l'arrêt Liao/Conseil, précité. Partant, jusqu'au 22 mars 1999, aucun retard ne relèverait de la responsabilité de l'administration.

48.
    En revanche, selon la Commission, le retard mis dans la communication de cet avis aux intéressés, le 5 mai 1999, sous la responsabilité du directeur du personnel, serait imputable à l'administration en ce qu'il dépasse un délai raisonnable de deux semaines. Dès lors, un retard de cinq semaines, compris entre le début du mois d'avril 1999 et le 5 mai 1999, serait imputable à l'administration.

49.
    La Commission rappelle que, deux semaines après la communication de l'avis du comité paritaire ad hoc d'appel, le notateur d'appel a informé le requérant de sa décision de maintenir intégralement le rapport de notation établi par le notateur. Or, comme le requérant a pris ensuite le même laps de temps pour demander la saisine du CPN, il ne saurait critiquer ce délai. Il s'ensuit, selon la Commission, que la période allant du 5 mai 1999 au 7 juin 1999 ne peut être prise en compte dans la détermination du retard qui lui est imputable. Ensuite, le notateur d'appel aurait agi dans un délai raisonnable en introduisant la demande formelle de consultation du CPN le 7 juin 1999. Le fait que le CPN n'a donné son avis que le 6 octobre 2000, lequel a été communiqué aux intéressés le 13 octobre 2000, ne relèverait pas de la responsabilité de l'administration, toujours en vertu de la jurisprudence issue de l'arrêt Liao/Conseil, précité, et, partant, la période comprise entre le 7 juin 1999 et le 13 octobre 2000 ne pourrait pas être comptabilisée dans le retard qui lui est imputable.

50.
    La Commission soutient que, bien que le notateur d'appel n'ait pu établir sa note que le 24 novembre 2000, informant ainsi le requérant de la modification qu'il entendait apporter au rapport de notation à la suite de l'avis du CPN, une partie au moins de ce délai est à l'évidence raisonnable, étant donné que le notateur d'appel se devait bien d'étudier l'avis du CPN avant d'arrêter sa position. Par conséquent, un délai de trois semaines au moins devrait en l'espèce être considéré comme raisonnable, le retard maximal imputable à l'administration étant ainsi de deux semaines, entre la première semaine de novembre et le 24 novembre 2000. L'administration ne serait pas responsable non plus du temps écoulé entre le 24 novembre 2000 et le 19 décembre 2000, date à laquelle M. Vancampenhout a visé le rapport, ni du fait que le requérant ne l'a finalement reçu que le 10 janvier 2001.

51.
    Par conséquent, selon la Commission, loin de révéler un retard de trois ans et dix jours, comme le calcule le requérant, l'examen de la période en cause ferait apparaître que les seuls retards pouvant être imputés à l'administration s'élèvent à cinq semaines en 1999 et à deux semaines en 2000. Ces retards minimes ne donneraient pas lieu à réparation.

52.
    En ce qui concerne le rapport de notation pour la période 1997/1999, la Commission constate que le déroulement des faits antérieurs au 18 janvier 2001, date à laquelle le notateur a demandé la consultation du groupe ad hoc de notation, n'est pas clairement établi, de même que les raisons pour lesquelles cette consultation n'est pas intervenue auparavant. Une partie du retard s'expliquerait sans doute par les difficultés objectives liées à la situation particulière du requérant et devrait, de ce fait, être neutralisée. La Commission admet, cependant, que ces considérations ne peuvent justifier que trois mois de retard environ. Si cette appréciation est juste, force est de conclure, selon la Commission, que la période comprise entre le début du mois d'avril 2000 et le 18 janvier 2001 représente un retard dont la responsabilité incombe à l'administration. En revanche, la procédure postérieure à la saisine du comité ad hoc de notation se serait déroulée dans des délais raisonnables.

53.
    La Commission en conclut que la procédure suivie pour l'établissement du rapport de notation pour la période 1995/1997 ne devrait donner lieu à aucune indemnisation et que, pour l'établissement de celui pour la période 1997/1999, le retard de neuf mois a été amplement compensé, compte tenu de l'annulation de la décision de refus de promotion du requérant au titre de l'exercice 2000, par l'octroi d'un montant de 25 000 BEF (619,73 euros). En effet, l'annulation des décisions de ne pas promouvoir le requérant neutraliserait quant au déroulement de sa carrière tout préjudice effectif qui aurait pu résulter des retards qu'il dénonce.

- Appréciation du Tribunal

54.
    Aux termes de l'article 43, premier alinéa, du statut, «la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [...] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110». L'article 7, dernier alinéa, des DGE prévoit, en outre, que «toute la procédure doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre».

55.
    Selon une jurisprudence constante, l'administration doit veiller à la rédaction périodique des rapports de notation aux dates imposées par le statut et à leur établissement régulier (arrêt de la Cour du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, point 15), tant pour des motifs de bonne administration que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires (arrêts du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T-59/96, RecFP p. I-A-109 et II-331, point 44, et du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T-187/01, RecFP p. I-A-81 et II-389, point 77).

56.
    En effet, le retard survenu dans l'établissement des rapports de notation est de nature, en lui-même, à porter préjudice au fonctionnaire, du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d'un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, point 36). Un fonctionnaire qui ne possède qu'un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel (arrêt du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, T-73/89, Rec. p. II-619, point 41). En l'absence de circonstances particulières justifiant les retards constatés, l'administration commet une faute de service de nature à engager sa responsabilité (arrêts Burban/Parlement, précité, point 50, et Mellone/Commission, précité, point 78).

57.
    En revanche, un fonctionnaire ne saurait se plaindre du retard apporté dans l'élaboration du rapport de notation le concernant lorsque ce retard lui est imputable, à tout le moins partiellement, ou lorsqu'il y a concouru de façon notable (arrêts du Tribunal du 16 décembre 1993, Moritz/Commission, T-20/89, Rec. p. II-1423, point 50, et Mellone/Commission, précité, point 79).

58.
    En l'espèce, le rapport de notation pour la période 1995/1997 aurait dû, en vertu de l'article 5 des DGE, être établi et lui être adressé à partir du 1er juillet 1997. Or, M. De Geuser, le notateur, n'a établi le projet de rapport de notation que le 13 novembre 1997. De plus, le requérant exerçant des activités syndicales et de représentation du personnel, le groupe ad hoc de notation devait être consulté, conformément à l'article 3 des DGE. C'est la raison pour laquelle, le 17 novembre 1997, le requérant a demandé que cette consultation ait lieu. L'avis du groupe ad hoc de notation a été établi le 22 décembre 1997. Le même jour, une copie de cet avis a été envoyée au requérant.

59.
    Ensuite, il ressort du dossier que le second dialogue n'a eu lieu que le 16 juin 1998. Selon la Commission, la période antérieure au second dialogue ne peut lui être imputable. En réponse à une question écrite du Tribunal, le requérant a affirmé qu'il n'y avait jamais eu de sa part de demande pour le second dialogue. En effet, le requérant aurait sollicité oralement, plusieurs fois, de son notateur qu'il fasse avancer la procédure, mais en vain. Selon le requérant, ce n'est que le 16 juin que le notateur, après avoir décidé de ne pas modifier son rapport malgré l'avis du groupe ad hoc de notation, l'a invité à se présenter dans son bureau pour lui demander d'accepter la notation. Le requérant affirme que c'est ensuite d'un commun accord que cette rencontre informelle a été considérée comme un «second dialogue». Lors de l'audience, la Commission a fait valoir à ce sujet que, comme il appartient au noté de demander le second dialogue, s'il n'y a pas de demande explicite en ce sens de la part du requérant, le temps écoulé entre l'émission de l'avis du groupe ad hoc de notation et la date du second dialogue ne peut être imputable à l'administration.

60.
    Il convient de relever à cet égard que la Commission omet totalement le fait que le notateur n'a pas communiqué au requérant un nouveau rapport après la consultation du groupe ad hoc de notation. Comme l'a souligné le requérant lors de l'audience, il ne lui était pas possible de décider s'il lui fallait ou non demander un second dialogue, étant donné qu'il n'avait pas reçu le rapport, tel qu'établi après avis du groupe ad hoc de notation. Par conséquent, le retard est à cet égard imputable à la Commission.

61.
    Par la suite, après ce second dialogue, le requérant a demandé le 17 juin 1998 l'intervention du notateur d'appel, qui devait à son tour demander l'avis du comité paritaire ad hoc d'appel, conformément à l'annexe II des DGE.

62.
    En ce qui concerne l'argument de la Commission selon lequel il s'agirait en l'occurrence de retards neutres, qui ne peuvent être imputables à l'administration, il y a lieu de constater que la saisine du notateur d'appel et du comité paritaire ad hoc d'appel et, par la suite, celle du CPN ont, certes, concouru à l'allongement de la procédure. Toutefois, la saisine de ces instances lors de la procédure de notation est expressément prévue dans les DGE. Les articles 6 et 7 des DGE prévoient, respectivement, des délais précis pour le notateur d'appel et le CPN. Partant, la Commission doit suivre ces délais de façon que la notation définitive soit établie avant le 31 décembre de l'année en question. Dès lors, tout dépassement de ce délai doit, en principe, et en l'absence de circonstances exceptionnelles ou de comportement dilatoire du requérant lui-même, être imputé à la Commission.

63.
    Or, il n'est pas imparti de délai précis au comité paritaire ad hoc d'appel, dans le cas où il est amené à se prononcer sur la notation d'un fonctionnaire exerçant des activités de représentation du personnel. Toutefois, étant donné que, en vertu de l'article 7 des DGE, toute la procédure doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre de l'année en question, ce même délai est nécessairement applicable pour les fonctionnaires exerçant des activités de représentation du personnel, pour lesquels les DGE prévoient la consultation, tout d'abord, du groupe ad hoc de notation et, en cas d'appel, celle du comité paritaire ad hoc d'appel. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 1er, dernier alinéa, de l'annexe II du statut, le fonctionnaire ne peut subir de préjudice du fait de l'exercice des fonctions de représentation du personnel. En effet, si la date butoir du 31 décembre n'était pas applicable à la procédure de notation de ces fonctionnaires, il y aurait lieu de considérer qu'ils subissent un préjudice du fait de leurs activités en ne recevant pas la notation définitive en même temps que les fonctionnaires qui n'assument pas les fonctions de représentation du personnel.

64.
    Dans le cas d'espèce, il est constant que l'avis du comité paritaire ad hoc d'appel n'a été rendu que le 22 mars 1999, et communiqué au requérant, au notateur et au notateur d'appel le 5 mai 1999. Ainsi, sept mois se sont écoulés entre la consultation du comité paritaire ad hoc d'appel, présentée trois mois après la demande de l'intervention du notateur d'appel, et la communication de l'avis dudit comité. Par ailleurs, le requérant n'ayant pas été satisfait du rapport établi par le notateur d'appel, seize mois se sont écoulés entre la saisine du CPN et l'avis émis par celui-ci, le 6 octobre 2000, le rapport de notation définitif n'ayant été reçu par le requérant que le 10 janvier 2001. Dès lors, alors que l'arrêt définitif de la notation par le notateur d'appel aurait dû être effectué, selon les délais impartis, avant le 31 décembre 1997, cet événement a eu lieu, en l'espèce, plus de trois ans plus tard.

65.
    Il apparaît donc que la Commission a pris un retard particulièrement important dans l'établissement du rapport de notation en cause, sans qu'il puisse être établi que le requérant ait été, pour une part notable, responsable de ce retard. Il convient de relever que le fait que le requérant exerce des activités syndicales et de représentation du personnel ne peut pas justifier ce retard, étant donné que la procédure de notation des fonctionnaires élus et mandatés est prévue par les DGE et qu'il ne s'agit pas d'une circonstance exceptionnelle.

66.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que, s'agissant du rapport de notation pour la période 1995/1997, l'administration a commis à l'égard du requérant une faute de service donnant droit à la réparation du dommage moral subi par l'intéressé.

67.
    En ce qui concerne le rapport de notation pour la période 1997/1999, qui, par application de l'article 5 des DGE, aurait dû être établi et lui être adressé à partir du 1er juillet 1999, il convient de relever que la procédure de notation n'a débutée que le 18 janvier 2001, date à laquelle le notateur, M. Langevin, a demandé la consultation du groupe ad hoc de notation. Le dialogue a eu lieu le 23 mars 2001, le requérant ayant signé le rapport le même jour, et, le 26 mars 2001, M. Vancampenhout a visé ce rapport. Dès lors, alors que l'arrêt définitif de la notation aurait dû être effectué, selon les délais impartis, avant le 31 décembre 1999, cet événement a eu lieu, en l'espèce, presque un an et trois mois plus tard.

68.
    Il apparaît donc que la Commission a également pris un retard important dans l'établissement du rapport de notation portant sur la période 1997/1999, sans qu'il puisse être établi que le requérant ait été responsable de ce retard. Ainsi qu'il a été constaté ci-dessus au point 65, le fait que le requérant exerce des activités syndicales et de représentation du personnel ne peut être qualifié de circonstance exceptionnelle.

69.
    Dès lors, il y a lieu de considérer que, s'agissant du rapport de notation pour la période 1997/1999, l'administration a commis à l'égard du requérant une faute de service donnant droit à la réparation du dommage moral subi par lui.

70.
    En ce qui concerne l'argument de la Commission, selon lequel l'essentiel du préjudice allégué par le requérant a été réparé par l'annulation des décisions refusant la promotion du requérant au titre des exercices 2000 et 2001, il est vrai que ces annulations ont pour effet que les retards dans l'établissement des rapports de notation litigieux ne sont plus susceptibles d'affecter la carrière du requérant, étant donné que l'AIPN pourra reprendre les procédures de promotion sur la base des rapports de notation définitifs. Cependant, il convient de constater que l'annulation du refus de promotion pour l'année 2000 n'est intervenue qu'en novembre 2000, de sorte que le requérant s'est trouvé dans un état d'inquiétude, au regard de l'exercice de promotion 2000, jusqu'en novembre 2000. Quant à l'annulation du refus de promotion pour l'année 2001, elle n'est intervenue qu'en septembre 2001, de sorte que l'état d'inquiétude du requérant a perduré jusqu'en septembre 2001.

71.
    S'agissant du prétendu harcèlement moral lié aux activités syndicales du requérant, il suffit de constater que le requérant n'a aucunement établi, dans le cadre du présent recours, avoir subi un harcèlement moral lui ayant causé un quelconque préjudice.

72.
    En ce qui concerne la réparation adéquate du préjudice moral subi par le requérant, il convient de rappeler que l'AIPN a accordé au requérant 619,23 euros pour la réparation du préjudice moral causé par les retards dans l'établissement des rapports de notation portant sur les périodes 1995/1997 et 1997/1999.

73.
    Il y a lieu de considérer qu'un tel montant n'est pas suffisant pour la réparation du préjudice moral causé par les retards dans l'établissement de ces deux rapports, eu égard aux circonstances de l'espèce, en particulier eu égard à la durée importante du retard dans l'établissement des rapports.

74.
    Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice moral subi ex aequo et bono, estime que l'allocation d'un montant de 1 500 euros, s'ajoutant aux 619,73 euros déjà alloués par l'AIPN, constitue une indemnisation adéquate du préjudice global subi par le requérant.

Sur les dépens

75.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    La Commission est condamnée à verser au requérant une somme de 1 500 euros, s'ajoutant à la somme de 619,73 euros déjà allouée par l'AIPN.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le français.