Language of document : ECLI:EU:T:1998:88

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

14 mai 1998 (1)

«Concurrence — Article 85, paragraphe 1, du traité CE — Preuve de la participation à des collusions — Amende — Détermination du montant — Motivation»

Dans l'affaire T-295/94,

Buchmann GmbH, société de droit allemand, établie à Rinnthal (Allemagne), représentée par Me Helmut Braun, avocat à Dresde, Bergmannstraße, 21, Dresde (Allemagne),

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Bernd Langeheine et Richard Lyal, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Me Dirk Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après «décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2.
    Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton, désignés comme relevant des qualités «GC», «GD» et «SBS», sont mentionnés dans la décision.

3.
    Le carton de qualité GD (ci-après «carton GD») est un carton à intérieur gris (papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non alimentaires.

4.
    Le carton de qualité GC (ci-après «carton GC») est un carton présentant une couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD. Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.

5.
    SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après «carton SBS»). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui

du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations graphiques.

6.
    Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée dans le courant du mois de décembre 1990.

7.
    Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux de la plainte déposée par la BPIF.

8.
    Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

9.
    A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous les destinataires de la décision.

10.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

11.
    En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.

12.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard — the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

—    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

—    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

—    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

—    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

—    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

—    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

—    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

—    se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

—    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

—    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

i)    Buchmann GmbH, une amende de 2 200 000 écus;

[...]»

13.
    Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé «Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de plusieurs groupes ou comités.

14.
    Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

15.
    Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

16.
    Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

17.
    A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après «JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

18.
    Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

19.
    Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par

l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

20.
    La requérante Buchmann GmbH (ci-après «Buchmann») a, selon la décision, participé à certaines réunions du JMC et à une réunion du COE. Elle est tenue pour responsable d'une participation à l'infraction à partir de mars 1988 environ jusqu'à la fin de 1990 au moins.

Procédure

21.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 1994, la requérante aintroduit le présent recours.

22.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 14 octobre 1994, elle a également introduit une demande de sursis à l'exécution de la décision. Par ordonnance du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission (T-295/94 R, Rec. p. II-1265), le président du Tribunal a rejeté ladite demande.

23.
    Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-301/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).

24.
    La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).

25.
    Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).

26.
    Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non publiée au Recueil).

27.
    Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94,

T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.

28.
    Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-334/94.

29.
    Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337/94 relativement à un document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.

30.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

31.
    Les parties dans les affaires mentionnées au point 27 ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.

Conclusions des parties

32.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision;

—    condamner la Commission aux dépens.

33.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la partie requérante aux dépens de l'instance, y compris ceux liés à la procédure de référé.

Sur la demande d'annulation de la décision

Sur le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure

Arguments des parties

34.
    La requérante fait valoir que, selon le procès-verbal de l'audition devant la Commission, un représentant de celle-ci a affirmé à cette occasion que la

requérante figurait parmi les producteurs de carton ayant plus ou moins admis pratiquement toutes les allégations contenues dans la communication des griefs. La requérante, qui n'a pas participé à cette audition, souligne que cette affirmation est fausse.

35.
    Dès lors, toutes les preuves produites lors de l'audition et ultérieurement auraient été obtenues de manière illégale, car les autres entreprises auraient présenté leurs observations sur la base de la prétendue reconnaissance des allégations de la part de la requérante.

36.
    La Commission fait valoir que la remarque formulée par son représentant lors de l'audition est correcte, car la requérante aurait effectivement reconnu l'essentiel des allégations de fait soulevées par la Commission. En toute hypothèse, le représentant de la Commission aurait expressément formulé ses remarques sous réserve de corrections.

37.
    Enfin, rien ne permettrait de conclure que la Commission n'a pas correctement apprécié la participation de la requérante à l'entente en cause.

Appréciation du Tribunal

38.
    Le moyen soulevé ne peut être accueilli. En effet, à supposer même que l'affirmation contestée du représentant de la Commission, énoncée lors de l'audition devant la Commission, ait été fausse, la requérante se contente de soutenir, sans fournir aucun indice au soutien de son allégation, que les preuves invoquées dans la décision ont été obtenues par la Commission en conséquence de cette affirmation.

39.
    En tout état de cause, le représentant de la Commission a expressément formulé ses remarques sous réserve de corrections (procès-verbal de l'audition, p. 12), de sorte que les entreprises présentes à l'audition ont dû comprendre qu'elles ne pouvaient pas se fier à l'indication en cause.

Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation des éléments de fait individuels reprochés à la requérante

Arguments des parties

40.
    Selon la requérante, la décision révèle que la Commission s'est fondée, sur plusieurs points, sur des constatations de fait erronées ou imprécises. Or, en se fondant sur des constatations générales, la Commission aurait commis une erreur. En effet, la motivation de la décision aurait dû faire apparaître la manière dont la Commission a apprécié les éléments constitutifs de l'infraction à l'égard de la requérante, d'une part, et des autres entreprises, d'autre part. Dès lors, la décision devrait être considérée comme illégale.

41.
    La Commission rappelle que l'infraction concerne un nombre important d'entreprises et vise une période d'infraction de près de cinq ans. Dans de telles circonstances, la décision aurait nécessairement dû contenir des remarques de caractère plutôt général concernant l'entente. Cependant, la décision et ses annexes contiendraient une description des éléments de fait reprochés à la requérante (voir points 44 et suivants, 49 et suivants, 74 et suivants et 167 et suivants des considérants de la décision).

42.
    En outre, la Commission se réfère aux points 116 et suivants des considérants de la décision, dans lesquels il est précisé que la démonstration détaillée de la participation de chaque entreprise à chaque manifestation de l'entente n'est pas nécessaire. Chaque manifestation se serait inscrite dans un plan global poursuivant un objectif commun et les entreprises ayant souscrit au plan global auraient, dès lors, nécessairement participé à l'entente dans son ensemble. En effet, les différents éléments de l'infraction auraient été des éléments inextricables d'un même plan global.

Appréciation du Tribunal

43.
    L'argumentation de la requérante doit être comprise en ce sens que la décision serait insuffisamment motivée en ce qui concerne sa participation à l'infraction.

44.
    A cet égard, conformément à une jurisprudence constante (arrêts de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 129, 143, du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22, et arrêt du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 42), la motivation d'une décision faisant grief doit permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité et à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée.

45.
    Il s'ensuit que le défaut ou l'insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l'inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l'examen du bien-fondé de cette décision.

46.
    En l'espèce, la décision contient des références directes à la requérante dans le contexte de la description des augmentations de prix concertées (points 76, 78 et 79 des considérants). En outre, les points de la décision dans lesquels sont décrites les discussions à objet anticoncurrentiel menées au sein du JMC (notamment, points 44 à 46, 58, 71, 73, 84, 85 et 87 des considérants) visent nécessairement la requérante, qui ne conteste pas avoir participé à des réunions de cet organe. Enfin, la décision expose de manière claire le raisonnement suivi par la Commission pour considérer qu'elle a participé à une entente globale (points 116 à 119 des considérants).

47.
    Dans ces conditions, la motivation de la décision a donné à la requérante une indication suffisante pour connaître les principaux éléments de fait et de droit qui étaient à la base du raisonnement ayant conduit la Commission à la tenir pour responsable d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

48.
    Il s'ensuit que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision doit être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation concernant la durée de la participation à l'entente de la requérante

49.
    La requérante a fait valoir dans ses écritures que la Commission aurait considéré à tort qu'elle avait participé à l'entente à partir du milieu de 1986 (point 2 des considérants de la décision), alors que la période durant laquelle elle aurait participé à l'entente n'aurait commencé qu'en 1988.

50.
    Il y a cependant lieu de constater que, lors de l'audience, la requérante n'a pas maintenu ce moyen.

Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation quant à la participation de la requérante aux différents organes et comités du GEP Carton

Arguments des parties

51.
    La requérante fait valoir que la Commission a apprécié de manière erronée sa participation aux différents organes du GEP Carton. Elle n'aurait participé que sporadiquement aux réunions du JMC à partir de 1988. Elle n'aurait donc pas participé à «une série de réunions secrètes et institutionnalisées» (voir point 2, premier tiret, des considérants de la décision). En particulier, elle n'aurait pas participé à la réunion du JMC du 16 octobre 1989, à laquelle se rapporte l'annexe 109 à la communication des griefs (point 82 des considérants de la décision).

52.
    Elle n'aurait pas pris part aux réunions du PWG ni à celles de la PC. S'agissant de l'affirmation de la Commission, contenue dans ses écritures devant le Tribunal, selon laquelle le point 42 des considérants de la décision contiendrait une erreur rédactionnelle en tant qu'il indique que tous les producteurs ont participé aux réunions de la PC, la requérante relève que la participation aux réunions du PWG et de la PC a été considérée comme un élément essentiel de l'infraction.

53.
    Enfin, la requérante n'aurait participé qu'à une réunion du COE, dont l'objet aurait été la visite des nouvelles installations de la cartonnerie de Cascades.

54.
    La Commission ne conteste pas les allégations de la requérante concernant sa participation aux réunions des différents organes et comités du GEP Carton. Il découlerait de la décision que la requérante n'a pas été considérée comme ayant

participé aux réunions des organes du GEP Carton dans une mesure plus large que celle qu'elle a admise.

55.
    En ce qui concerne les réunions de la PC, la Commission admet que le point 42 des considérants de la décision indique erronément que tous les destinataires de la décision participaient à cet organe. Il ne s'agirait toutefois que d'une erreur rédactionnelle, comme en attesteraient le point 119 des considérants et le tableau 7 annexé à la décision. Au demeurant, la participation aux réunions de la PC ne serait pas un élément essentiel de l'entente.

56.
    La Commission soutient ensuite que le fait que la requérante n'ait peut-être pas participé à la réunion du JMC du 16 octobre 1989 est sans pertinence.

57.
    Enfin, elle affirme avoir correctement considéré que la requérante n'avait participé qu'à une seule réunion du COE.

Appréciation du Tribunal

58.
    Il est constant que la Commission n'a pas considéré que la requérante avait participé aux réunions du PWG.

59.
    Selon le tableau 7 annexé à la décision, la requérante a participé au JMC. Par ailleurs, la décision relève que la requérante a participé au COE une seule fois depuis 1986.

60.
    La fréquence de sa participation aux réunions du JMC est relatée dans le tableau 4 annexé à la décision. Il en ressort qu'elle a pris part à cinq réunions de cet organe durant la période allant du milieu de 1986 à la fin de 1990, étant précisé que ces cinq participations s'inscrivent dans la période allant de février 1990 au mois de novembre de la même année. Il est en outre spécifié en note de bas de page que «Buchmann reconnaît avoir participé aux réunions à partir de 1988, mais aucune information n'est disponible jusqu'en 1990». Le tableau 4 fait également apparaître que la Commission n'a pas considéré que la requérante avait participé à la réunion du JMC du 16 octobre 1989.

61.
    Enfin, quant à la participation aux réunions de la PC, il ressort d'une lecture d'ensemble de la décision que la phrase du point 42, premier alinéa, des considérants selon laquelle «toutes les entreprises destinataires de la présente décision étaient représentées à la 'President Conference‘» constitue, comme le reconnaît la Commission, une erreur rédactionnelle. Il suffit à cet égard de constater que la requérante ne figure pas, dans les tableaux 3 et 7 annexés à la décision, parmi les entreprises ayant participé aux réunions de la PC.

62.
    La participation de la requérante aux réunions du JMC, les dates des réunions de cet organe auxquelles la Commission a considéré qu'elle avait participé et la

participation à une réunion du COE n'étant pas contestées, le Tribunal considère que la Commission a correctement établi la participation de l'entreprise en cause aux organes du GEP Carton.

63.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation quant à la participation de la requérante aux manifestations de l'entente

Arguments des parties

64.
    La requérante soutient que la Commission a considéré à tort qu'elle avait participé aux mesures visant au contrôle des volumes et au gel des parts de marché au niveau existant. Au cours de la période considérée, la requérante aurait toujours travaillé à pleine capacité et n'aurait jamais arrêté ses machines ni vendu ses produits en dehors de la Communauté. Au contraire, elle aurait été en mesure de doubler son chiffre d'affaires sur le marché français en pratiquant une politique de prix agressive. De plus, elle n'aurait jamais participé au PWG, organe du GEP Carton au sein duquel, selon le point 56 des considérants de la décision, les parts de marché auraient été discutées.

65.
    En ce qui concerne sa prétendue participation aux initiatives en matière de prix, elle souligne, en se référant au point 38 des considérants de la décision et à sa propre lettre à la Commission du 2 novembre 1991, qu'elle n'a jamais sollicité les informations relatives aux augmentations de prix reçues de Feldmühle. En outre, les informations communiquées unilatéralement par cette entreprise n'auraient eu aucune influence sur le comportement de la requérante et les augmentations de prix de Feldmühle auraient souvent été diminuées ou reportées par rapport aux informations communiquées. A cet égard, la requérante conteste avoir eu, comme la Commission l'affirme, une pleine connaissance du comportement de ses concurrents.

66.
    La requérante n'aurait pas non plus été soumise à une quelconque discipline de prix. Cela serait confirmé par le fait qu'elle a été en mesure d'augmenter ses parts de marché en Allemagne et à l'étranger. Par conséquent, l'affirmation contenue au point 136, dernier alinéa, des considérants de la décision selon laquelle, lors des réunions du JMC, «les leaders du marché pressaient les supposés 'traînards‘ de soutenir les augmentations de prix» ne serait pas correcte en ce qui la concerne.

67.
    Plus particulièrement, la requérante ne se trouverait pas parmi les entreprises censées, selon le point 77 des considérants de la décision, avoir participé à l'augmentation des prix mise en oeuvre entre février et avril 1988 en France. De même, elle ne serait pas concernée par le rapport sur les prix décrit dans une note découverte chez FS-Karton (annexe 115 à la communication des griefs), puisqu'elle n'y serait pas mentionnée dans le contexte de l'exposé des prix appliqués aux principaux clients en Allemagne.

68.
    Enfin, elle n'aurait jamais participé aux échanges d'informations concernant les entrées de commandes et les commandes en carnet, n'aurait pas rapporté de telles informations à la Fides ni à aucune autre personne et n'aurait reçu aucune de ces statistiques. Toutefois, le point 82 des considérants de la décision indiquerait que l'échange d'informations relatives aux commandes en carnet était un élément important de l'entente. De plus, la Commission se serait fondée sur la constatation erronée selon laquelle la requérante avait effectivement participé à l'échange d'informations en cause (voir points 2, 116 et 134 des considérants) et, en particulier, à la surveillance du niveau des commandes en carnet.

69.
    La Commission estime que, pour ce qui est des mesures visant au contrôle de l'offre et à la fixation des parts de marché, la décision et ses annexes contiennent une description des éléments de fait reprochés à la requérante (voir points 44 et suivants, 49 et suivants, 74 et suivants et 167 et suivants des considérants de la décision).

70.
    En outre, elle se réfère aux points 116 et suivants des considérants de la décision, dans lesquels il est précisé que la démonstration détaillée de la participation de chaque entreprise à chaque manifestation de l'entente n'est pas nécessaire. Chaque manifestation se serait inscrite dans un plan global poursuivant un objectif commun et les entreprises ayant souscrit au plan global auraient, dès lors, nécessairement participé à l'entente dans son ensemble.

71.
    Le JMC aurait rempli une fonction extrêmement importante au sein de l'entente, étant donné qu'il lui aurait notamment appartenu de déterminer si et, le cas échéant, comment il était possible d'imposer des augmentations de prix. Au sein du JMC, les aspects pratiques de la mise en oeuvre des augmentations de prix proposées auraient également été discutés et mis au point. Il aurait également incombé à cet organe de faire appliquer effectivement les initiatives en matière de prix. La participation régulière de la requérante aux réunions de cet organe justifierait, dans ces conditions, le grief formulé contre elle. En effet, étant donné le caractère des discussions au sein du JMC, les réunions de cet organe auraient nécessairement porté sur le contrôle des volumes et la répartition des marchés. Faute d'indices permettant de soutenir le contraire, il faudrait donc conclure que la requérante avait souscrit aux accords adoptés pendant ces réunions (arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, Rec. p. II-867, points 56, 66 et suivants).

72.
    A cet égard, le fait que la requérante n'ait peut-être pas participé à toutes les mesures concernées serait sans pertinence, car ces mesures, si elles concernaient essentiellement les grands fabricants, ne pourraient être séparées des mesures prises en matière d'augmentation des prix (voir arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 287, et du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 272). En effet, la raison pour laquelle, d'une part, l'entente s'est étendue au contrôle des volumes

et, d'autre part, une politique du «prix avant le tonnage» a été expressément évoquée serait précisément que tous les producteurs avaient conscience de ce que les augmentations de prix ne pouvaient pas être imposées dans un contexte de surcapacité de l'offre.

73.
    Les allégations de la requérante relatives à l'absence d'arrêts des machines et à l'utilisation de ses capacités seraient également dénuées de pertinence, les points 70 et suivants des considérants de la décision décrivant expressément la manière dont l'industrie a tourné à pleine capacité en 1988 et en 1989 et la façon dont les producteurs ont encouragé l'application de temps d'arrêt au cours de l'année 1990. De plus, les accords adoptés ayant incontestablement concerné le contrôle des volumes, la contribution individuelle de la requérante au respect de ces accords n'aurait aucune pertinence en ce qui concerne la question de sa participation aux accords (arrêts du Tribunal Rhône-Poulenc/Commission, précité, point 125, et du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, points 291, 293 et 305).

74.
    La Commission souligne que la requérante ne conteste pas sa participation aux initiatives en matière de prix, telles qu'elles ont été détaillées dans les annexes à la décision. Plus particulièrement, la Commission n'aurait jamais prétendu que la requérante avait participé à l'augmentation des prix mise en oeuvre entre février et avril 1988 en France. Au demeurant, la requérante aurait participé à l'ensemble des augmentations de prix au cours de la période pertinente en Allemagne.

75.
    En outre, l'affirmation de la requérante selon laquelle les informations reçues de Feldmühle n'auraient eu aucune influence sur son comportement ne changerait rien au fait qu'elle savait toujours, en raison de sa participation aux réunions du JMC, comment se comporteraient ses concurrents.

76.
    Enfin, en ce qui concerne l'échange d'informations, la Commission admet que larequérante n'a pas informé la Fides de ses entrées de commandes et de ses commandes en carnet. Elle soutient cependant qu'il était d'usage, comme précisé au point 69 des considérants de la décision, que les producteurs révèlent des informations sur les commandes en carnet lors des réunions du JMC. Cette affirmation serait confirmée par une note découverte dans les locaux de la société FS-Karton (annexe 115 à la communication des griefs; voir point 92 des considérants de la décision), laquelle comprendrait des données relatives aux parts de marché exprimées en pourcentage et au niveau des commandes en carnet de certaines entreprises ainsi que des données relatives aux prix et aux augmentations de prix envisagées.

77.
    Elle souligne que la requérante conteste uniquement avoir reçu des statistiques de la Fides, mais ne nie pas avoir reçu de telles informations d'une autre source [(lettre à la Commission du 5 août 1991, point 6, sous c)].

Appréciation du Tribunal

78.
    Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, dans le cas de la requérante de mars 1988 environ jusqu'à la fin de 1990 au moins, à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté ont notamment «décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale» et «ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté», «se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles» et «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées».

79.
    Il s'ensuit que, selon la décision, chacune des entreprises mentionnées à l'article 1er de celle-ci a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à une seule infraction constituée par des collusions portant sur trois sujets différents mais poursuivant un objectif commun. Ces collusions doivent être considérées comme les éléments constitutifs de l'entente globale.

80.
    Il est constant que la requérante n'a pas participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant mars 1988. De plus, la requérante ne conteste pas sa participation à cinq réunions du JMC durant la période allant de février 1990 à la fin de cette même année, ni sa participation à une réunion du COE en février 1990.

81.
    S'agissant du comportement effectif de la requérante sur le marché durant la période allant de mars 1988 à la fin de 1990, il ressort de la décision que la Commission estime disposer d'éléments de preuve démontrant que cette entreprise a pris part aux augmentations de prix concertées en Allemagne de mars/avril 1988, d'octobre 1988, d'avril 1989, d'octobre 1989 et d'avril 1990.

82.
    A la lumière de ces éléments, il convient de vérifier si la Commission a établi que la requérante a pris part aux trois éléments constitutifs de l'infraction pendant la période pertinente, à savoir une collusion sur les prix, une collusion sur les temps d'arrêt et une collusion sur les parts de marché, avant d'examiner les arguments développés par la requérante en ce qui concerne le système d'échange d'informations de la Fides.

— Sur la participation de la requérante à une collusion sur les prix

83.
    Selon la Commission, l'objet principal du JMC était, dès le départ, le suivant:

«—    déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre, et faire part de ses conclusions au PWG,

—    définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent (c'est-à-dire uniforme) en Europe [...]» (point 44, dernier alinéa, des considérants de la décision).

84.
    Plus particulièrement, la Commission soutient, au point 45, premier et deuxième alinéas, des considérants de la décision:

«Ce comité examinait marché par marché la manière dont les augmentations de prix décidées par le PWG devaient être mises en oeuvre par chaque producteur. Les aspects pratiques de l'application des augmentations envisagées étaient traités au cours de 'tables rondes‘, où chaque participant avait l'occasion de commenter l'augmentation proposée.

Les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des augmentations de prix décidées par le PWG ou les éventuels refus de coopérer étaient rapportés au PWG, qui s'efforçait alors (comme l'a déclaré Stora) 'd'obtenir le degré de coopération jugé nécessaire‘. Le JMC faisait des rapports distincts pour les qualités GC et GD. Lorsque le PWG modifiait une décision en matière de prix en se fondant sur les rapports transmis par le JMC, les mesures à prendre pour appliquer la décision en cause étaient discutées à la réunion suivante du JMC.»

85.
    Il doit être constaté que la Commission se réfère à bon droit, à l'appui de ces indications relatives à l'objet des réunions du JMC, aux déclarations de Stora (annexes 35 et 39 à la communication des griefs).

86.
    En outre, même si elle ne dispose d'aucun compte rendu officiel d'une réunion du JMC, elle a obtenu auprès de Mayr-Melnhof et de Rena certaines notes internes portant sur les réunions des 6 septembre 1989, 16 octobre 1989 et 6 septembre 1990 (annexes 117, 109 et 118 à la communication des griefs). Ces notes, dont le contenu est décrit aux points 80, 82 et 87 des considérants de la décision, relatent les discussions détaillées menées au cours de ces réunions sur les initiatives concertées en matière de prix. Elles constituent donc des éléments de preuve corroborant clairement la description des fonctions du JMC donnée par Stora.

87.
    A cet égard, il suffit de renvoyer, à titre d'exemple, à la note obtenue de Rena sur la réunion du JMC du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la communication des griefs) et dans laquelle il est notamment indiqué:

«Une augmentation de prix sera annoncée la semaine prochaine, en septembre.

France        40 FF

Pays-Bas        14

Allemagne        12 DM

Italie            80 LIT

Belgique         2,50 BFR

Suisse              9 FS

Royaume-Uni    40 UKL

Irlande        45 IRL

Toutes les qualités devraient faire l'objet de la même augmentation, GD, UD, GT, GC, etc.

Une seule augmentation de prix par an.

Pour les livraisons à partir du 7 janvier.

Au plus tard le 31 janvier.

Lettre du 14 septembre avec augmentation de prix (Mayr-Melnhof).

19 septembre, envoi par Feldmühle de sa lettre.

Cascades avant fin septembre.

Tous doivent avoir envoyé leur lettre avant le 8 octobre.»

88.
    Comme la Commission l'explique aux points 88 à 90 des considérants de la décision, elle a en outre été en mesure d'obtenir des documents internes permettant de conclure que les entreprises, et notamment celles nommément citées dans l'annexe 118 à la communication des griefs, ont effectivement annoncé et mis en oeuvre les augmentations de prix convenues.

89.
    Même si les documents invoqués par la Commission ne concernent qu'un petit nombre des réunions du JMC tenues au cours de la période couverte par la décision, toutes les preuves documentaires disponibles corroborent l'indication de Stora selon laquelle l'objet principal du JMC était de déterminer et de planifier la mise en oeuvre des augmentations de prix concertées. A cet égard, l'absence presque totale de comptes rendus, officiels ou internes, des réunions du JMC doit être considérée comme une preuve suffisante de l'allégation de la Commission selon laquelle les entreprises ayant participé aux réunions se sont efforcées de dissimuler la véritable nature des discussions au sein de cet organe (voir, notamment, point 45 des considérants de la décision). Dans ces circonstances, la charge de la preuve a été renversée et il incombait aux entreprises destinataires de la décision ayant participé aux réunions de cet organe de prouver qu'il avait un objet licite. Une telle preuve n'ayant pas été apportée par ces entreprises, la Commission a considéré à bon droit que les discussions auxquelles les entreprises se sont livrées au cours des réunions de cet organe avaient un objet principalement anticoncurrentiel.

90.
    En ce qui concerne la situation individuelle de la requérante, sa participation à cinq réunions du JMC au cours d'une période d'environ onze mois doit, à la lumière de ce qui précède et nonobstant l'absence de preuve documentaire relative aux discussions menées lors de ces cinq réunions, être considérée comme constituant

une preuve suffisante de sa participation, pendant cette période, à la collusion sur les prix.

91.
    Cette constatation est corroborée par la documentation invoquée par la Commission, relative au comportement effectif de la requérante en matière de prix. A cet égard, la requérante ne conteste pas les données figurant dans les tableaux annexés à la décision, relatifs aux montants des augmentations de prix, à la date de leur annonce et à celle de leur entrée en vigueur. Or, il ressort de ces tableaux que la requérante a, pendant la période pour laquelle elle est tenue pour responsable de l'infraction, annoncé et mis en oeuvre des augmentations de prix sur le marché allemand qui correspondaient, quant aux montants, aux dates des annonces et de la mise en oeuvre, aux décisions prises au sein du GEP Carton.

92.
    L'argument de la requérante selon lequel son comportement n'aurait pas été influencé par les informations relatives aux augmentations de prix reçues de Feldmühle doit être écarté. En effet, d'une part, le fait de reconnaître avoir reçu des informations sur les prix conforte la déclaration de Stora en vertu de laquelle «[l]es sociétés allemandes plus petites produisant des qualités GD qui n'étaient pas représentées lors des réunions du PWG, dont Buchmann et [Laakmann], étaient de temps à autre informées du résultat de ces réunions par l'une des sociétés de langue allemande assistant à ces réunions, à savoir Feldmühle, Mayr-Melnhof, Weig» (annexe 38 à la communication des griefs). D'autre part, l'allégation d'un prétendu comportement autonome sur le marché n'est pas confirmée par les données, non contestées par la requérante, contenues sur ce point dans la décision.

93.
    Sur cette base, il convient de conclure que la Commission a établi que la requérante a participé à une collusion sur les prix pendant la période allant de mars 1988 à la fin de 1990.

— Sur la participation de la requérante à une collusion sur les temps d'arrêt

94.
    Selon la décision, les entreprises présentes aux réunions du PWG ont participé, à partir de la fin de 1987, à une collusion sur les temps d'arrêt des installations, et des temps d'arrêt ont été effectivement appliqués à partir de 1990.

95.
    En effet, il ressort du point 37, troisième alinéa, des considérants de la décision que la véritable tâche du PWG, telle que décrite par Stora, «consistait notamment dans 'la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités‘». Par ailleurs, se référant à «l'accord conclu au sein du PWG en 1987» (point 52, premier alinéa, des considérants), la Commission expose qu'il visait notamment au maintien «des niveaux d'approvisionnement constants» (point 58, premier alinéa, desconsidérants).

96.
         Quant au rôle joué par le PWG dans la collusion sur le contrôle de l'approvisionnement, que caractérisait l'examen des temps d'arrêt des machines, la

décision énonce que cet organe du GEP Carton a joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre des temps d'arrêt lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue et que la demande a décliné: «[...] au début de 1990, les principaux fabricants [...] ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquer des temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroître la demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités [...]» (Point 70 des considérants de la décision.)

97.
    La décision relève en outre: «Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il n'existait qu''un système relâché d'encouragement‘.» (Point 71 des considérants de la décision.)

98.
    Il convient de souligner que Stora, dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs, point 24), explique: «Avec l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le tonnage et la mise en oeuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir de 1988, les membres du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des temps d'arrêt en vue de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la demande. Faute pour les fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été impossible de maintenir les niveaux de prix convenus face à une capacité excédentaire croissante.»

99.
    Au point suivant de sa déclaration, elle ajoute: «En 1988 et 1989, l'industrie pouvait fonctionner pratiquement à pleine capacité. Les temps d'arrêt autres que la fermeture normale pour les réparations et les vacances sont devenus nécessaires à partir de 1990. [...] Par la suite, il s'est avéré nécessaire de pratiquer des temps d'arrêt lorsque le flot de commandes s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix avant le tonnage. Les temps d'arrêt à respecter par les producteurs (pour assurer le maintien de l'équilibre entre la production et la consommation) pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Le PWG n'indiquait pas formellement le temps d'arrêt à respecter, bien qu'il existât un système relâché d'encouragement [...]»

100.
    La Commission fonde également ses conclusions sur l'annexe 73 à la communication des griefs, note confidentielle datée du 28 décembre 1988, adressée par le directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof en Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M. Gröller) et ayant pour objet la situation du marché.

101.
    Selon ce document, cité aux points 53 à 55 des considérants de la décision, la coopération plus étroite au sein du «cercle des présidents» («Präsidentenkreis»), décidée en 1987, avait fait des «gagnants» et des «perdants». L'expression «cercle des présidents» a été interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2.a), interprétation qu'il n'y a pas lieu de discuter dans le présent contexte.

102.
    Les raisons fournies par l'auteur pour expliquer qu'il considère Mayr-Melnhof comme «perdant» à l'époque de la rédaction de la note constituent des éléments de preuve importants de l'existence d'une collusion entre les participants aux réunions du PWG sur les temps d'arrêt.

103.
    En effet, l'auteur constate:

«4)    C'est sur ce point que la conception des parties intéressées quant à l'objectif poursuivi commence à diverger.

[...]

    c) Toutes les forces de vente et agents européens ont été libérés de leur budget en termes de volume et une politique de prix rigide, ne souffrant quasiment aucune exception, a été suivie (nos collaborateurs n'ont souvent pas compris notre changement d'attitude à l'égard du marché — auparavant, la seule exigence était celle du tonnage, alors que, désormais, seule compte la discipline en matière de prix avec le risque d'un arrêt des machines).»

104.
    Mayr-Melnhof soutient (annexe 75 à la communication des griefs) que le passage ci-dessus reproduit vise une situation interne à l'entreprise. Cependant, analysé à la lumière du contexte plus général de la note, cet extrait traduit la mise en oeuvre, au niveau des équipes commerciales, d'une politique rigoureuse arrêtée au sein du «cercle des présidents». Le document doit donc être interprété comme signifiant que les participants à l'accord de 1987, c'est-à-dire au moins les participants aux réunions du PWG, ont indéniablement mesuré les conséquences de la politique arrêtée, dans l'hypothèse où celle-ci serait appliquée avec rigueur.

105.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission a établi l'existence d'une collusion sur les temps d'arrêt de la production entre les participants aux réunions du PWG.

106.
    Selon la décision, les entreprises ayant participé aux réunions du JMC, dont la requérante, ont également pris part à cette collusion.

107.
    A ce sujet, la Commission indique notamment:

«En plus du système géré par la Fides, qui donnait des données agrégées, il était d'usage que chaque producteur révèle à ses concurrents le niveau de ses commandes en carnet lors des réunions du JMC.

Les informations concernant les commandes converties en journées de travail étaient utiles à la fois:

—    pour décider si les conditions étaient propices à la mise en oeuvre d'une augmentation des prix concertée.

—    pour déterminer les temps d'arrêt nécessaires pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande [...]» (Point 69, troisième et quatrième alinéas, des considérants de la décision.)

108.
    Elle relève également:

«Les comptes rendus non officiels de deux réunions du JMC qui ont eu lieu respectivement en janvier 1990 (considérant 84) et en septembre 1990 (considérant 87), ainsi que d'autres documents (considérants 94 et 95), confirment [...] que, dans le cadre du GEP Carton, les grands producteurs tenaient leurs concurrents plus petits constamment informés de leurs projets d'appliquer des temps d'arrêt supplémentaires pour éviter de diminuer les prix.» (Point 71, troisième alinéa, des considérants de la décision.)

109.
    Les preuves documentaires se rapportant aux réunions du JMC (annexes 109, 117 et 118 à la communication des griefs) confirment que des discussions relatives à des temps d'arrêt ont eu lieu dans le contexte de la préparation des augmentations de prix concertées. En particulier, l'annexe 118 à la communication des griefs, note de Rena datée du 6 septembre 1990 (voir également ci-dessus point 87), mentionne les montants des augmentations de prix dans plusieurs pays, les dates des annonces futures de ces augmentations, ainsi que l'état des commandes en carnet exprimé en jours de travail pour plusieurs fabricants. L'auteur du document note que certains fabricants prévoyaient des temps d'arrêt, ce qu'il exprime par exemple de la manière suivante:

«Kopparfors    5-15 days

            5/9 will stop for five days.»

110.
    En outre, bien que les annexes 117 et 109 à la communication des griefs ne contiennent pas d'indications portant directement sur les temps d'arrêt prévus, elles révèlent que l'état des commandes en carnet et l'état des entrées des commandes ont été discutés au cours des réunions du JMC du 6 septembre et du 16 octobre 1989.

111.
    Ces documents, lus ensemble avec les déclarations de Stora, constituent une preuve suffisante de la participation à la collusion sur les temps d'arrêt des fabricants représentés aux réunions du JMC. En effet, les entreprises participant à la collusion sur les prix ont nécessairement été conscientes de ce que l'examen de l'état des commandes en carnet et des entrées des commandes ainsi que les discussions sur les éventuels temps d'arrêt n'avaient pas seulement pour objet de déterminer si les conditions du marché étaient propices à une augmentation de prix concertée mais également de déterminer si des temps d'arrêt des installations s'imposaient pour éviter que le niveau de prix convenu ne soit compromis par un excédent d'offre. En particulier, il ressort de l'annexe 118 à la communication des griefs que les participants à la réunion du JMC du 6 septembre 1990 se sont mis d'accord sur l'annonce d'une prochaine augmentation des prix, bien que plusieurs fabricants aient déclaré qu'ils s'apprêtaient à arrêter leur production. Par suite, les conditions du marché ont été telles que l'application effective d'une future augmentation des prix allait nécessiter, selon toute vraisemblance, que des temps d'arrêt (supplémentaires) soient appliqués, ce qui constitue donc une conséquence acceptée, au moins implicitement, par les fabricants.

112.
    Sur cette base, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision (annexes 102, 113, 130 et 131 à la communication des griefs), il doit être considéré que la Commission a prouvé que les entreprises participant aux réunions du JMC et à la collusion sur les prix ont pris part à une collusion sur les temps d'arrêt.

113.
    La requérante doit donc être considérée comme ayant participé, pendant la période allant de mars 1988 à la fin de 1990, à une collusion sur les temps d'arrêt.

— Sur la participation de la requérante à une collusion sur les parts de marché

114.
    La requérante conteste sa participation à une collusion sur les parts de marché sans toutefois contester l'affirmation, contenue dans la décision, selon laquelle les producteurs ayant participé aux réunions du PWG ont conclu un accord prévoyant «le 'gel‘ au niveau existant des parts de marché détenues par les principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par une politique agressive en matière de prix» (point 52, premier alinéa, des considérants).

115.
    Dans ces conditions, il doit être souligné que, en ce qui concerne les entreprises n'ayant pas participé aux réunions du PWG, la Commission expose ce qui suit:

«Si les autres producteurs de carton qui assistaient aux réunions du JMC n'étaient pas dans le secret des discussions approfondies sur les parts de marché qui avaient lieu au PWG, ils étaient néanmoins parfaitement informés, dans le cadre de la politique du 'prix avant le tonnage‘ à laquelle ils souscrivaient tous, de l'accord général conclu entre les principaux producteurs pour maintenir 'des niveaux d'approvisionnement constants‘ et, cela ne fait aucun doute, de la nécessité d'y

adapter leur propre conduite.» (Point 58, premier alinéa, des considérants de la décision.)

116.
    Bien que cela ne ressorte pas expressément de la décision, la Commission entérine, sur ce point, les déclarations de Stora selon lesquelles:

«D'autres fabricants qui ne participaient pas au PWG n'étaient pas informés, enrègle générale, du détail des discussions relatives aux parts de marché. Néanmoins, dans le cadre de la politique du prix avant le tonnage, à laquelle ils participaient, ils auraient dû avoir connaissance de l'entente des principaux fabricants visant à ne pas baisser les prix en maintenant des niveaux d'offre constants.

Pour ce qui est de l'offre [de carton] GC, en tout état de cause, les parts de fabricants qui ne participaient pas au PWG avaient un niveau tellement peu significatif que leur participation ou non-participation aux ententes sur les parts de marché n'avait pratiquement aucune incidence dans un sens ou dans l'autre.» (Annexe 43 à la communication des griefs, point 1.2.)

117.
    La Commission se fonde donc principalement, comme Stora, sur la supposition selon laquelle, même en l'absence de preuves directes, les entreprises n'ayant pas assisté aux réunions du PWG mais dont il est prouvé qu'elles ont souscrit aux autres éléments constitutifs de l'infraction décrits à l'article 1er de la décision doivent avoir eu conscience de l'existence de la collusion sur les parts de marché.

118.
    Un tel raisonnement ne saurait être retenu. En premier lieu, la Commission n'invoque aucun élément de preuve susceptible de démontrer que les entreprises n'ayant pas assisté aux réunions du PWG ont souscrit à un accord général prévoyant, notamment, le gel des parts de marché des principaux producteurs.

119.
    En second lieu, le seul fait que lesdites entreprises ont participé à une collusion sur les prix et à la collusion sur les temps d'arrêt n'établit pas qu'elles aient également pris part à une collusion sur les parts de marché. A cet égard, la collusion sur les parts de marché n'était pas, contrairement à ce que semble affirmer la Commission, intrinsèquement liée à la collusion sur les prix et/ou à celle sur les temps d'arrêt. Il suffit de constater que la collusion sur les parts de marché des principaux producteurs réunis au sein du PWG visait, selon la décision (points 52 et suivants des considérants de la décision), à maintenir des parts de marché à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles, même au cours des périodes pendant lesquelles les conditions du marché, et notamment l'équilibre entre l'offre et la demande, étaient telles qu'aucune régulation de la production n'était nécessaire pour garantir la mise en oeuvre effective des augmentations de prix convenues. Il s'ensuit que l'éventuelle participation à la collusion sur les prix et/ou à celle sur les temps d'arrêt ne démontre pas que les entreprises n'ayant pas assisté aux réunions du PWG ont participé directement à la collusion sur les parts

de marché, ni qu'elles en avaient ou devaient nécessairement en avoir connaissance.

120.
    En troisième lieu, il convient de constater que, au point 58, deuxième et troisième alinéas, des considérants de la décision, la Commission invoque, en tant qu'élément de preuve supplémentaire de l'affirmation en cause, l'annexe 102 à la communication des griefs, note obtenue de Rena concernant, selon la décision, une réunion spéciale du Nordic Paperboard Institute (ci-après «NPI») tenue le 3 octobre 1988. A cet égard, il suffit de constater, d'une part, que la requérante n'était pas membre du NPI et, d'autre part, que la référence, dans ce document, à l'éventuelle nécessité d'appliquer des temps d'arrêt ne saurait, pour les raisons déjà évoquées, constituer la preuve d'une collusion sur les parts de marché.

121.
    Or, pour que la Commission puisse tenir chacune des entreprises visées par une décision comme celle de l'espèce pour responsable, pendant une période déterminée, d'une entente globale, il lui faut établir que chacune d'elles soit a consenti à l'adoption d'un plan global recouvrant les éléments constitutifs de l'entente, soit a participé directement, pendant cette période, à tous ces éléments. Une entreprise peut également être tenue pour responsable d'une entente globale même s'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des éléments constitutifs de cette entente dès lors qu'elle savait, ou devait nécessairement savoir, d'une part, que la collusion à laquelle elle participait s'inscrivait dans un plan global et, d'autre part, que ce plan global recouvrait l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente. Lorsqu'il en est ainsi, le fait que l'entreprise concernée n'ait pas participé directement à tous les éléments constitutifs de l'entente globale ne saurait la disculper pour la responsabilité de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Une telle circonstance peut néanmoins être prise en considération lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée dans son chef.

122.
    En l'espèce, force est de constater que la Commission n'a pas prouvé que la requérante savait, ou devait nécessairement savoir, que son propre comportement infractionnel s'inscrivait dans un plan global recouvrant, en sus de la collusion sur les prix et de la collusion sur les temps d'arrêt auxquelles elle a effectivement participé, une collusion sur les parts de marché des principaux fabricants.

123.
    Il convient dès lors d'annuler, à l'égard de la requérante, l'article 1er, huitième tiret, de la décision selon lequel l'accord et la pratique concertée auxquels elle a participé ont eu pour objet de «maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles».

— Sur les arguments de la requérante portant sur le système d'échange d'informations de la Fides

124.
    Selon l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à un accord et une

pratique concertée en vertu desquels les entreprises ont, notamment, «échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées», à savoir une collusion sur les prix, une collusion sur les parts de marché et une collusion sur les temps d'arrêt.

125.
    Pour ce qui est du système d'échange d'informations de la Fides, la décision doit, au vu de son dispositif et du point 134, troisième alinéa, des considérants, être interprétée en ce sens que la Commission a considéré ce système comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que support de l'entente constatée.

126.
    Le point 134, troisième alinéa, des considérants de la décision précise que le système d'échange d'informations de la Fides «était un instrument essentiel pour:

—    surveiller l'évolution des parts de marché,

—    surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine utilisation des capacités,

—    décider si des augmentations de prix concertées pouvaient être mises en oeuvre,

—    déterminer les temps d'arrêt nécessaires».

127.
    La Commission ne conteste pas l'affirmation de la requérante selon laquelle celle-ci n'a fourni aucune information à la Fides concernant les entrées de commandes et les commandes en carnet. A cet égard, il convient de souligner que la décision ne contient aucune affirmation selon laquelle la requérante aurait fourni de telles informations à la Fides. En effet, la Commission s'est bornée à constater, au point 61, deuxième alinéa, des considérants de la décision, que «la plupart des membres du GEP Carton» fournissaient des informations à la Fides.

128.
    Le système d'échange d'informations de la Fides n'ayant été considéré comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité qu'en tant que support de l'entente constatée, le fait que la requérante n'a pas fourni des données à ce système n'est pas, en soi, pertinent. En revanche, il convient d'examiner si la requérante a participé, afin de soutenir les agissements anticoncurrentiels auxquels sa participation est établie, aux discussions portant sur les statistiques de la Fides.

129.
    Il convient de relever sur ce point que la requérante a admis, dans une lettre du 13 août 1991 adressée à la Commission en réponse à une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, avoir participé à des discussions portant sur les statistiques de la Fides, faits qu'elle a reconnus à nouveau lors de l'audience. En effet, concernant les discussions menées dans le cadre des réunions du JMC, elle indique dans ladite lettre (point 6, sous c.): «Les

discussions portaient avant tout sur les statistiques de la Fides [...] Outre ces points, les rapports relatifs à l'activité des différentes entreprises prenaient beaucoup de temps. Les statistiques actuelles de la Fides relatives aux entrées de commandes, aux commandes en carnet, au stock vendu et non vendu par rapport à la capacité de production des sociétés qui transmettaient des informations, revêtaient pour nous un grand intérêt; comme nous ne participions pas à ces transmissions d'informations à la Fides, cet organisme ne nous communiquait pas ces statistiques.»

130.
    Par ailleurs, la requérante ne conteste pas l'exactitude des affirmations contenues dans la décision relatives à l'utilisation, à des fins anticoncurrentielles, des statistiques de la Fides (voir ci-dessus point 126).

131.
    Dans ces conditions, il est prouvé qu'elle a participé à un échange d'informations portant notamment sur les entrées des commandes et les commandes en carnet, afin de soutenir les agissements anticoncurrentiels auxquels sa participation est établie.

132.
    Il ressort des considérations qui précèdent que l'article 1er, huitième tiret, de la décision doit être annulé à l'égard de la requérante et que le moyen doit être rejeté pour le surplus.

Sur le moyen tiré de ce que la Commission aurait considéré à tort que la requérante n'avait pas contesté les principales allégations de fait

133.
    La requérante soutient que la Commission a affirmé à tort qu'elle entrait dans la catégorie des fabricants destinataires de la décision qui n'avaient «pas cherché, dans leurs observations écrites, à contester les principales allégations de fait présentées contre eux dans la communication des griefs» (point 107 des considérants de la décision).

134.
    Ce moyen doit être écarté.

135.
    En effet, la requérante n'a pas expliqué en quoi une éventuelle inexactitude de la décision sur ce point aurait pu en affecter la légalité. Il convient de souligner à cet égard que la requérante ne soutient pas avoir été empêchée de contester les allégations factuelles de la Commission lors de la procédure devant elle ni lors de la procédure devant le Tribunal.

Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant

Sur les moyens portant sur les sujets traités dans le cadre des plaidoiries communes

136.
    Lors de la réunion informelle du 29 avril 1997, les entreprises ayant introduit des recours contre la décision ont été invitées à considérer, dans l'hypothèse d'une éventuelle jonction des affaires aux fins de la procédure orale, la possibilité de la

présentation de plaidoiries communes à plusieurs d'entre elles. Il a été souligné que de telles plaidoiries communes ne pourraient être présentées que par des parties requérantes ayant effectivement invoqué dans leurs requêtes introductives d'instance des moyens correspondant aux thèmes à plaider en commun.

137.
    Par télécopie du 14 mai 1997, déposée au nom de l'ensemble des parties requérantes, celles-ci ont communiqué leur décision de traiter six sujets dans le cadre de plaidoiries communes, et notamment les sujets suivants:

a)    la description du marché et l'absence d'effets de l'entente;

b)    le niveau général des amendes et la motivation de la décision à cet égard;

c)    la question de la légalité des réductions du montant des amendes accordées par la Commission.

138.
    Dans sa requête introductive d'instance, la requérante a formulé certaines remarques relatives à la motivation de la décision concernant les amendes (voir ci-après point 158). En revanche, la requête ne contient pas de moyens ou d'arguments portant sur la description du marché et l'absence d'effets de l'entente, ni sur le niveau général des amendes, ni sur la légalité des réductions du montant des amendes accordées par la Commission. La requérante a néanmoins indiqué, lors de l'audience, qu'elle se ralliait aux plaidoiries communes concernées.

139.
    Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En l'espèce, la requérante n'a invoqué aucun élément de droit ou de fait révélé pendant la procédure de nature à justifier la production des nouveaux moyens concernés.

140.
    Dès lors, les moyens en cause, invoqués par la requérante pour la première fois lors de l'audience, ne sont pas recevables.

Sur le moyen tiré de la prise en compte erronée, aux fins du calcul de l'amende, du chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes de carton gris

Arguments des parties

141.
    Lors de l'audience, la requérante a fait valoir que la Commission avait pris en compte, aux fins du calcul de l'amende, un chiffre d'affaires erroné. Elle a rappelé qu'il ressort de la réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal que le montant de chaque amende a été fixé à partir du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises mentionnées à l'article 1er de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990.

142.
    Dans le cas de la requérante, la Commission aurait erronément pris en compte le chiffre d'affaires réalisé en 1990 au moyen d'un produit non visé par la décision, à savoir le carton gris (voir point 4, deuxième alinéa, des considérants).

143.
    Par une lettre du 28 août 1991 adressée à la Commission en réponse à une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, la requérante aurait, en effet, communiqué des renseignements relatifs au chiffre d'affaires réalisé, notamment en 1990, au moyen de ses ventes de carton. Elle aurait indiqué, dans cette lettre, avoir réalisé un chiffre d'affaires mondial relatif aux produits de carton s'élevant à environ 156 millions de DM, dont environ 154 millions de DM réalisés sur le marché communautaire. Il ressortirait clairement de cette lettre qu'environ 17 % des montants communiqués étaient constitués par des ventes de produits de carton autres que le carton «FBB» (voir, dans ce contexte, les définitions des différentes qualités de carton figurant au point 4 des considérants de la décision). La Commission aurait donc dû lui poser des questions supplémentaires afin d'obtenir des renseignements plus précis concernant le chiffre d'affaires réalisé au moyen des seuls produits visés par la procédure.

144.
    La requérante, faute de connaître la manière dont les amendes avaient été calculées avant de recevoir la réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal concernant la méthode de fixation du montant des amendes, n'aurait pas pu dénoncer l'erreur commise par la Commission dans sa requête introductive d'instance.

145.
    La Commission a répondu que la lettre de la requérante du 28 août 1991 ne contient aucune ventilation du chiffre d'affaires par qualité de carton. En outre, s'il ressort de cette lettre que le chiffre d'affaires communiqué n'a pas été réalisé par les ventes du seul carton «FBB», il n'en resterait pas moins que la décision ne porte pas uniquement sur ce carton (voir le point 4 des considérants de la décision). Enfin, il aurait été expressément indiqué dans la communication des griefs que le carton gris n'était pas visé par la procédure. Dans ces conditions, elle aurait été en droit de se fonder sur le chiffre communiqué par la requérante.

Appréciation du Tribunal

146.
    Comme cela a déjà été rappelé, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

147.
    En l'espèce, il convient de rejeter l'argument de la requérante selon lequel le présent moyen est fondé sur des éléments révélés dans la réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal.

148.
    En effet, il ressort du point 169, premier alinéa, troisième tiret, des considérants de la décision que la Commission a notamment pris en compte, afin de déterminer

l'amende à infliger à chacune des entreprises, le chiffre d'affaires dans le domaine du carton. En outre, la Commission souligne, au point 4, premier et deuxième alinéas, des considérants, que les produits visés par la décision sont le carton GC, le carton GD et le carton SBS, alors que d'autres produits, tels que le carton gris, «ne sont pas couverts par la définition du 'carton‘ utilisée par les producteurs eux-mêmes et ne font pas l'objet de la présente procédure».

149.
    La requérante n'a donc pas pu ignorer que la Commission avait déterminé le montant de chaque amende à partir du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises «dans le domaine du carton», à savoir le chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises au moyen des ventes des seuls produits visés par la décision, à l'exclusion, notamment, du chiffre d'affaires réalisé par les ventes de carton gris.

150.
    Par ailleurs, les renseignements individuels joints à la communication des griefs contiennent une indication des chiffres d'affaires réalisés par la requérante dans le domaine du carton au cours des années 1988 à 1990. Il en découle que la Commission a compris la lettre de la requérante du 28 août 1991 en ce sens que les chiffres d'affaires communiqués par celle-ci se rapportaient aux seuls produits visés par la procédure. A cet égard, il y a lieu de constater que les chiffres d'affaires transmis par la requérante ne faisaient apparaître aucune distinction selon les produits de carton.

151.
    Enfin, la requérante n'ayant pas soutenu que la Commission disposait d'informations, éventuellement concernant une période autre que celle de l'année 1990, relatives au chiffre d'affaires réalisé par la requérante au moyen des ventes des seuls produits visés par la décision, il doit être constaté que, au moment de l'introduction du présent recours, la requérante disposait de tous les renseignements nécessaires pour faire valoir le présent moyen.

152.
    Par conséquent, celui-ci doit être rejeté comme irrecevable.

Sur le moyen tiré de la prise en compte erronée du chiffre d'affaires mondial de la requérante

153.
    Lors de l'audience, la requérante a fait valoir qu'il ressort du tableau relatif à la fixation du montant des amendes fourni par la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal que l'amende qui lui a été infligée a été fixée à partir du chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes mondiales de carton (76,2 millions d'écus ou environ 156 millions de DM) et non à partir de celui réalisé par les ventes de carton dans la Communauté (75,1 millions d'écus ou environ 154 millions de DM).

154.
    La Commission s'est bornée à contester l'exactitude de cette affirmation.

155.
    Il convient de constater que le tableau fourni par la Commission indique que celle-ci s'est fondée, afin de déterminer le montant de l'amende à infliger à la requérante, sur un chiffre d'affaires s'élevant à 76,2 millions d'écus. Il ressort des renseignements individuels joints à la communication des griefs que ce chiffre d'affaires correspond au chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes mondiales de carton de la requérante en 1990. La Commission disposait également du chiffre d'affaires réalisé par la requérante dans la Communauté dans le domaine du carton au cours de l'année 1990, ainsi que cela résulte de ces mêmes renseignements individuels.

156.
    Dès lors, conformément au principe d'égalité de traitement, qui impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée, la Commission aurait dû se fonder, comme elle l'a fait à l'égard des autres entreprises visées par l'article 1er de la décision, sur le chiffre d'affaires réalisé par la requérante dans le domaine du carton dans la Communauté en 1990, soit 75,1 millions d'écus, et non sur celui réalisé sur le marché mondial. Il convient d'ajouter que ce n'est qu'en prenant connaissance de la manière dont la Commission a procédé afin de déterminer le montant de chacune des amendes que la requérante a été en mesure de constater que la Commission s'était fondée, dans son cas, sur un chiffre d'affaires différent de celui retenu à l'égard des autres entreprises visées par la décision. Compte tenu du fait que le chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes de carton dans la Communauté en 1990 était inférieur de 1,1 million d'écus à celui réalisé par les ventes de ce produit dans le monde en 1990, une réduction du montant de l'amende est donc justifiée.

157.
    Le Tribunal tiendra compte de cette constatation dans le cadre de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction en matière d'amendes (voir ci-après point 181).

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité concernant les amendes

Arguments des parties

158.
    La requérante évoque, dans ses écritures devant le Tribunal, l'insuffisance de l'examen par la Commission des faits ayant donné lieu à l'imposition d'une amende et la nécessité qu'il y aurait eu de préciser, dans la décision, la manière dont la Commission avait apprécié les faits et les motifs retenus pour calculer l'amende.

159.
    Lors de l'audience, la requérante a précisé qu'elle entendait soulever un moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation de la décision concernant les amendes (voir ci-dessus point 138).

160.
    La Commission ne répond pas spécifiquement à ces arguments dans ses écritures. Lors de l'audience, elle a fait valoir, dans le cadre de sa réponse aux plaidoiries communes portant sur la motivation de la décision quant aux amendes, que les points 167 à 172 des considérants contiennent une motivation suffisante des

éléments pris en considération par la Commission afin de déterminer le montant des amendes.

Appréciation du Tribunal

161.
    Il convient de souligner, à titre liminaire, que la requérante n'a pas expressément soulevé, dans ses écritures, un moyen tiré d'un vice de motivation de la décision concernant les amendes. Elle a cependant précisé, lors de l'audience, qu'elle entendait soulever un tel moyen et elle s'est ralliée, à cet égard, aux plaidoiries communes portant sur ce sujet. Le moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité étant d'ordre public, il convient en l'espèce, sans qu'il soit nécessaire de prendre position sur la question de sa recevabilité, d'en examiner le bien-fondé.

162.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

163.
    Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

164.
    De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

165.
    Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. Enfin, aux points 171 et

172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission, et que huit autres entreprises, dont la requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.

166.
    Dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.

167.
    Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.

168.
    Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des «chefs de file» et à celles considérées comme des «membres ordinaires» ne figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.

169.
    En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt Petrofina/Commission, précité, point 264). De même, le point 168 des considérants, qui doit être lu à la lumière des considérations générales sur les amendes figurant au point 167 des considérants, contient une indication suffisante des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer le niveau général des amendes.

170.
    En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.

171.
    La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 136).

172.
    Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057, publication sommaire), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

173.
    Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.

174.
    Dans les circonstances particulières relevées au point 172 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées.

175.
    Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.

176.
    Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que l'article 1er, huitième tiret, de la décision doit être annulé à l'égard de la requérante.

177.
    En ce qui concerne l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision, il convient d'abord de déterminer si le fait que l'infraction commise par la requérante ne peut pas être considérée comme comportant une collusion sur les parts de marché doit entraîner une réduction du montant de cette amende.

178.
    Le Tribunal estime, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, que l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité constatée dans le chef de la requérante reste d'une gravité telle qu'il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'amende.

179.
    A cet égard, il convient de relever que la requérante n'a pas participé aux réunions du PWG et n'a donc pas été sanctionnée en tant que «chef de file» de l'entente. N'ayant pas joué, selon les termes mêmes de la Commission, un rôle de «moteur» de l'entente (point 170, premier alinéa, des considérants de la décision), le niveau de l'amende retenu contre elle s'est élevé à 7,5 % de son chiffre d'affaires communautaire réalisé dans le secteur du carton en 1990. Or, ce niveau général des amendes, non contesté par la requérante, apparaît justifié.

180.
    En outre, même si la Commission a considéré à tort que les producteurs non représentés au sein du PWG étaient «parfaitement informés» de la collusion sur les parts de marché (point 58, premier alinéa, des considérants), il n'en reste pas moins qu'il ressort de la décision elle-même que ce sont les entreprises réunies au sein du PWG qui se sont concertées au sujet du «gel» des parts de marché (notamment, point 52 des considérants), et qu'aucune discussion n'a porté sur les parts de marché détenues par les producteurs qui n'y étaient pas représentés. D'ailleurs, ainsi que la Commission l'a déclaré au point 116, deuxième alinéa, des

considérants de la décision, «par leur nature même, les accords de répartition des marchés (en particulier le gel des parts de marché décrit aux considérants 56 et 57) concernent principalement les gros producteurs». La collusion sur les parts de marché erronément imputée à la requérante n'a donc revêtu, selon la Commissionelle-même, qu'un caractère accessoire par rapport, notamment, à la collusion sur les prix.

181.
    S'agissant des moyens visant à l'annulation de l'amende ou à la réduction de son montant, le Tribunal a constaté que la Commission s'est erronément fondée, lors de la détermination de son montant, sur le chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes mondiales de carton de la requérante en 1990, au lieu de celui réalisé grâce aux seules ventes dans la Communauté au cours de cette même année. Les autres moyens ayant été rejetés, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, fixera à 2 150 000 écus le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision.

Sur les dépens

182.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    L'article 1er, huitième tiret, de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton), est annulé à l'égard de la requérante.

2)    Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision 94/601 est fixé à 2 150 000 écus.

3)    Le recours est rejeté pour le surplus.

4)    La partie requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Vesterdorf             Briët     Lindh

     Potocki      Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'allemand.