Language of document : ECLI:EU:T:2022:859

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

20 décembre 2022 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 29 mars 2023]

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un scooter – Recours incident – Demande de réformation – Demande d’injonction – Irrecevabilité partielle – Incompétence partielle »

Dans l’affaire T‑19/22,

Piaggio & C. SpA, établie à Pontedera (Italie), représentée par Mes F. Jacobacci et B. La Tella, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno et M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd, établie à Taizhou (Chine), représentée par Mes M. Spolidoro, M. Gurrado, L. Mendola et M. Balestriero, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2022,

vu les mémoires en réponse de l’EUIPO et de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal respectivement le 30 mars et le 15 avril 2022,

vu le recours incident de l’intervenante déposé, par acte séparé, au greffe du Tribunal le 15 avril 2022,

vu le mémoire de la requérante en réponse au recours incident déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2022,

vu l’exception d’irrecevabilité relative au recours incident ou d’incompétence du Tribunal à connaître dudit recours soulevée par l’EUIPO par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2022,

vu les observations de l’intervenante sur l’exception d’irrecevabilité ou d’incompétence déposées au greffe du Tribunal le 11 août 2022,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Piaggio & C. SpA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 octobre 2021 (affaire R 359/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »). Par son recours incident fondé sur l’article 182 du règlement de procédure du Tribunal, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd, demande, en substance et dans l’hypothèse où le recours principal serait accueilli, à titre principal, la réformation de cette même décision en ce sens que soit déclarée nulle la marque contestée sur le fondement de causes de nullité absolue non examinées par la chambre de recours ou, à titre subsidiaire, que, après renvoi de l’affaire à la chambre de recours, il soit enjoint à cette dernière d’examiner ces autres causes de nullité.

 Antécédents du litige

2        Le 25 mars 2013, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après, correspondant à la forme du scooter « Vespa », dont la représentation est fournie en cinq vues orthogonales et une vue en perspective :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 12 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour la classe 12, aux « scooters » et, pour la classe 28, aux « modèles réduits de scooters ».

5        Le 4 avril 2013, l’EUIPO a informé la requérante que la marque demandée n’était pas enregistrable en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], au motif que la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif permettant de distinguer les produits visés au point 4 ci-dessus.

6        Le 2 août 2013, la requérante a déposé des observations en réponse au refus provisoire de l’EUIPO d’enregistrer la marque demandée, en invoquant le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001).

7        Le 9 octobre 2013, la demande de marque a été publiée par l’EUIPO et, le 16 janvier 2014, la marque contestée a été enregistrée, avec la mention expresse de ce qu’elle disposait d’un « [c]aractère distinctif acquis [par l’usage] ».

8        Le 29 avril 2014, l’intervenante a introduit une demande en nullité de la marque contestée pour les produits visés au point 4 ci-dessus. Cette demande était fondée, d’une part, sur les causes de nullité relative visées à l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 2, sous d), du règlement 2017/1001] sur la base du modèle communautaire antérieur no 17 836 55-0 002 enregistré le 19 novembre 2010 pour les « motocycles [et les] cyclomoteurs » relevant de la classe 12.11 au sens de la classification de Locarno et, d’autre part, sur les causes de nullité absolue visées à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et sous e), ii) et iii), du règlement 2017/1001], ainsi qu’à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        Par décision du 21 décembre 2020, la division d’annulation a rejeté intégralement la demande en nullité de l’intervenante.

10      Le 17 février 2021, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation, prise dans son intégralité, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001.

11      [Tel que rectifié par ordonnance du 29 mars 2023] Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a fait droit à ce recours, annulé la décision de la division d’annulation et prononcé la nullité de la marque contestée, pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus, sur le fondement de la cause de nullité visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, sans examiner l’existence des autres causes de nullité, absolue et relative, invoquées par l’intervenante. Après avoir précisé quelles étaient les dispositions matérielles et procédurales applicables et vérifié que les éléments de preuve présentés par l’intervenante au stade du recours introduit devant elle étaient recevables, la chambre de recours a commencé par examiner la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Ayant observé que, en l’espèce, le territoire pertinent était l’Union européenne dans son ensemble et que le public pertinent était, en substance, le grand public dont le niveau d’attention serait élevé pour l’achat des « scooters » relevant de la classe 12, tandis qu’il serait moyen pour l’achat des « modèles réduits de scooters » relevant de la classe 28, elle a, d’une part, infirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle la marque contestée avait un caractère distinctif intrinsèque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et, d’autre part, constaté que les preuves et les arguments de la requérante ne permettaient pas de démontrer que la marque contestée avait acquis, dans l’ensemble du territoire de l’Union, un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en avait été fait, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

12      Dans le recours incident, l’intervenante conclut, en substance et dans l’hypothèse où le recours principal en annulation de la décision attaquée introduit par la requérante serait intégralement ou partiellement accueilli, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée en déclarant nulle la marque contestée sur le fondement des causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009 ;

–        à titre subsidiaire, enjoindre à la chambre de recours de l’EUIPO, après renvoi de la procédure devant celle-ci, de se prononcer sur les causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e, ii) et iii), du règlement no 207/2009 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      Dans son mémoire en réponse au recours incident, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter, dans son intégralité, le recours incident ;

–        condamner l’intervenante aux dépens relatifs au recours incident.

14      Dans son exception d’irrecevabilité du recours incident ou d’incompétence du Tribunal à connaître de ce recours, l’EUIPO conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter, dans son intégralité, le recours incident comme étant irrecevable ou pour incompétence du Tribunal à en connaître ;

–        condamner l’intervenante aux dépens qu’il a exposés dans le cadre du recours incident.

15      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, l’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter ladite exception ;

–        faire droit aux conclusions du recours incident.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

16      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 mars 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

17      En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le fond

18      Conformément à l’article 173, paragraphe 3, du règlement de procédure, dans le contentieux relatif aux droits de la propriété intellectuelle, l’intervenant dispose des mêmes droits procéduraux que les parties principales.

19      En vertu de l’article 182 du règlement de procédure, les parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO autres que le requérant peuvent présenter, par acte séparé, un recours incident dans le même délai que celui prévu pour la présentation du mémoire en réponse.

20      En outre, au regard de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable au contentieux relatif aux droits de la propriété intellectuelle en vertu de l’article 191 de ce même règlement, le défendeur peut demander, par acte séparé et déposé dans le délai fixé à l’article 81 de ce même règlement, que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité du recours ou l’incompétence du Tribunal à en connaître, sans engager le débat au fond. Conformément à l’article 130, paragraphe 6, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider d’ouvrir ou non la phase orale de la procédure sur la demande du défendeur.

21      En l’espèce, l’intervenante a présenté, par acte séparé, un recours incident dans le délai imparti et l’EUIPO a, également par acte séparé déposé dans le délai imparti, excipé de l’irrecevabilité de ce recours incident.

22      Le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, n’estime pas nécessaire d’ouvrir la phase orale de la procédure.

23      Au soutien de son exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, l’EUIPO fait valoir, en substance, que l’intervenante n’a pas qualité pour former le recours incident, au sens de l’article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de la jurisprudence qui y est relative, dans la mesure où, dans la décision attaquée, la chambre de recours a entièrement fait droit à ses prétentions, en déclarant la nullité de la marque contestée pour l’ensemble des produits visés par celle-ci. En ce sens, selon la jurisprudence, il devrait être considéré qu’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO fait droit aux prétentions de la partie demanderesse lorsqu’elle accueille sa demande sur le fondement d’un motif de refus ou de nullité, quand bien même elle n’examine pas les autres motifs ou arguments invoqués par celle-ci.

24      Selon l’EUIPO, l’intervenante n’avait pas non plus, au regard de la jurisprudence, intérêt à former le recours incident, dans la mesure où ce dernier n’était pas susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice autre que celui résultant de l’annulation par la chambre de recours, dans la décision attaquée, de la marque contestée, pour l’ensemble des produits visés par celle-ci.

25      En tout état de cause, l’EUIPO fait observer que le Tribunal n’a pas compétence pour répondre à la demande de l’intervenante, dans son recours incident, de réformer la décision attaquée en déclarant nulle la marque contestée sur le fondement des causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009. En effet, selon la jurisprudence, le pouvoir de réformation qui serait reconnu au Tribunal par l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 n’aurait pas pour effet de lui conférer le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’aurait pas encore pris position. Or, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’aurait pas examiné la question d’une éventuelle déclaration de nullité de la marque contestée sur le fondement des causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009.

26      Enfin, l’EUIPO soutient que le Tribunal n’a pas non plus compétence pour répondre à la demande de l’intervenante, dans son recours incident, d’enjoindre à la chambre de recours, après renvoi de la procédure devant celle-ci, de se prononcer sur les causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009. En effet, conformément à la jurisprudence, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier serait tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporterait l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union et il n’appartiendrait pas, dès lors, au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incomberait de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union.

27      L’intervenante, sans aborder la question de sa qualité pour agir, prétend disposer d’un intérêt à ce que le Tribunal statue sur le recours incident, dans l’hypothèse où le recours principal serait accueilli et où, partant, les effets de la décision attaquée deviendraient caduques ex tunc, dans la mesure où le Tribunal ou la chambre de recours à laquelle l’affaire serait renvoyée pourraient examiner les causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009, qu’elle avait également invoquées devant l’EUIPO.

28      Concernant la demande de réformation de la décision attaquée, l’intervenante estime que, au vu de le jurisprudence, le Tribunal est compétent pour réformer la décision d’une chambre de recours lorsque, après avoir contrôlé l’appréciation portée par cette chambre, il est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, quelle décision celle-ci était tenue de prendre.

29      S’agissant de la demande d’injonction adressée à l’EUIPO, l’intervenante soutient qu’il n’existe aucune obligation pour une chambre de recours de reprendre la procédure qui s’est déroulée devant elle et, dans ce cadre, d’examiner des causes de nullité, relative ou absolue, qu’elle n’a pas examinées antérieurement au motif qu’un tel examen aurait été surabondant. Le respect de ses droits à la défense impliquerait qu’elle puisse demander au Tribunal d’adresser, à cet égard, une injonction à l’EUIPO, afin qu’il ouvre une nouvelle procédure dans laquelle ces autres causes de nullité devraient être examinées.

30      Hormis la demande de condamnation de la requérante aux dépens, le recours incident comporte deux chefs de conclusions, le premier formulé à titre principal et, le second, à titre subsidiaire, qu’il convient d’examiner successivement à la lumière de l’exception d’irrecevabilité ou d’incompétence soulevée par l’EUIPO.

 Sur le premier chef de conclusions, formulé à titre principal, tendant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée

31      Par le premier chef de conclusions du recours incident, formulé à titre principal, l’intervenante demande au Tribunal de réformer la décision attaquée en déclarant nulle la marque contestée sur le fondement des causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009.

32      À cet égard, il ressort de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que, s’agissant des recours introduits contre les décisions des chambres de recours, « [l]e Tribunal a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée ».

33      Étant donné que l’annulation de tout ou partie de la décision de la chambre de recours qui est contestée devant le Tribunal constitue une condition préalable et nécessaire pour que ce dernier puisse faire droit à une demande de réformation de celle-ci, au sens de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, il ne peut être fait droit à une telle demande en l’absence de conclusions en annulation à l’encontre de cette décision [voir ordonnance du 1er février 2018, ExpressVPN/EUIPO (EXPRESSVPN), T‑265/17, EU:T:2018:79, point 15 et jurisprudence citée].

34      En l’espèce, il ressort clairement du recours incident que, par ce dernier, l’intervenante ne conteste la légalité ni du dispositif de la décision attaquée, par lequel la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation et prononcé la nullité de la marque contestée, pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus, ni même les motifs sur lesquels ce dispositif est fondé, à savoir la cause de nullité visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement. Elle se borne, en substance et dans l’hypothèse où le recours principal en annulation de la décision attaquée introduit par la requérante serait intégralement ou partiellement accueilli, à inviter le Tribunal à réformer la décision attaquée en déclarant nulle la marque contestée sur le fondement des causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009.

35      Dans un tel contexte, il n’est pas possible, pour le Tribunal, d’interpréter le premier chef de conclusions en ce sens qu’il tendrait aussi bien à l’annulation qu’à la réformation de la décision attaquée.

36      En tout état de cause, comme le rappelle à bon droit l’EUIPO, il ressort d’une jurisprudence constante que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. Par conséquent, l’exercice du pouvoir de réformation doit, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit, tels qu’ils sont établis, la décision que ladite chambre était tenue de prendre [arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72, voir, également, arrêt du 2 décembre 2020, Monster Energy/EUIPO – Nanjing aisiyou Clothing (Représentation d’une griffure), T‑35/20, non publié, EU:T:2020:579, point 91 et jurisprudence citée ; ordonnance du 7 avril 2022, Dr. August Wolff/EUIPO – Combe International (Vagisan), T‑679/20, non publiée, EU:T:2022:232, point 27]. La demande en réformation d’une décision d’une chambre de recours qui impliquerait que le Tribunal procède à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position doit donc être rejetée comme étant irrecevable [voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2021, H&H/EUIPO – Giuliani (Swisse), T‑486/20, non publiée, EU:T:2021:619, point 41].

37      À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours a fondé la décision attaquée uniquement sur la cause de nullité visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement.

38      Dans ces circonstances, il n’appartient pas, en l’espèce, au Tribunal de procéder à l’examen de l’argumentation présentée par la requérante tendant à obtenir la nullité de la marque contestée sur le fondement des causes de nullité énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009.

39      Il s’ensuit que le premier chef de conclusions du recours incident, par lequel l’intervenante demande au Tribunal de réformer la décision attaquée, doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le deuxième chef de conclusions du recours incident, formulé à titre subsidiaire, tendant à ce que le Tribunal adresse une injonction à l’EUIPO

40      Par le deuxième chef de conclusions du recours incident, formulé à titre subsidiaire, l’intervenante demande au Tribunal, dans l’hypothèse où le recours principal en annulation de la décision attaquée introduit par la requérante serait intégralement ou partiellement accueilli et où l’affaire serait renvoyée devant la chambre de recours de l’EUIPO, d’enjoindre à celle-ci de se prononcer sur les causes de nullité absolue visées à l’article 7, paragraphe 1, sous e, ii) et iii), du règlement no 207/2009.

41      Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union, contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée, et ordonnance du 25 juin 2019, Eaglestone/EUIPO – Eaglestone (EAGLESTONE), T‑82/19, non publiée, EU:T:2019:484, point 18 et jurisprudence citée].

42      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions du recours incident, par lequel l’intervenante demande au Tribunal d’adresser une injonction à l’EUIPO, doit être rejeté pour incompétence du Tribunal à en connaître.

43      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours incident doit être rejeté pour partie comme étant irrecevable et pour partie pour incompétence du Tribunal à en connaître.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en sens.

45      L’intervenante ayant succombé en ses conclusions figurant dans le recours incident, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et par la requérante, conformément aux conclusions de ces derniers, afférents au recours incident.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours incident est rejeté pour partie comme étant irrecevableet pour partie pour incompétence du Tribunal à en connaître.

2)      Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd est condamnée aux dépens afférents au recours incident.

Fait à Luxembourg, le 20 décembre 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

F. Schalin


*      Langue de procédure : l’italien.