Language of document : ECLI:EU:T:2013:376

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 juillet 2013(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire – Extrémités rouges de lacets de chaussures – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑208/12,

Think Schuhwerk GmbH, établie à Kopfing (Autriche), représentée par Me M. Gail, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 février 2012 (affaire R 1552/2011-1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe constitué par des extrémités rouges de lacets de chaussures comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mai 2012,

vu l’absence de dépôt de mémoire en réponse dans le délai imparti,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 mai 2010, la requérante, Think Schuhwerk GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé, identifiée par la requérante en tant que marque « autre », est reproduite ci-après :

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3        Dans la demande d’enregistrement, la marque en cause est décrite de la manière suivante : « La protection est demandée pour des chaussures avec lacets présentant des pointes rouges aux extrémités des lacets. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Chaussures, en particulier lacets ».

5        Par décision du 22 juin 2011, l’examinateur a refusé l’enregistrement pour tous les produits, au motif que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

6        Le 26 juillet 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 23 février 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours a indiqué que le marché de la chaussure était marqué par une énorme variété de configurations, en particulier concernant les couleurs, et que les chaussures présentaient les designs les plus variés, ce qui incluait aussi la configuration des lacets. Elle a estimé que l’utilisation d’extrémités rouges de lacets ne produirait pas une impression qui diffèrerait fortement de la configuration habituelle des chaussures à lacets et que le consommateur n’y verrait qu’une autre variante du design de la chaussure, une décoration colorée qui ne s’arrête pas aux extrémités des lacets. Elle a considéré que le consommateur ne percevrait pas la marque demandée comme une indication de l’origine des produits. La chambre de recours a conclu que la marque demandée ne présentait pas le minimum de caractère distinctif nécessaire au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions de la requérante

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

9        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2012, la requérante a demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, quatre moyens, tirés, premièrement, d’un défaut de motivation au sens de l’article 75 du règlement n° 207/2009, deuxièmement, de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009, troisièmement, de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, quatrièmement, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation au sens de l’article 75 du règlement n° 207/2009

11      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soulève deux griefs.

12      Par un premier grief, la requérante fait valoir une violation de son droit d’être entendue et, partant, un défaut de motivation de la décision attaquée, du fait qu’elle n’a pas eu la possibilité de s’exprimer sur l’affirmation de la chambre de recours suivante :

« Indépendamment de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre [de recours] a des doutes quant à la clarté de la représentation du signe, en ce qui concerne les chaussures demandées qui ne présentent pas de lacets. On ne peut comprendre en quoi doit consister le signe sur de tels produits. Il y a donc déjà des raisons de penser que pour des chaussures qui ne sont pas des chaussures à lacets, la marque serait également critiquable conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 4 du même règlement. »

13      Il y a lieu de relever qu’il ressort de cette partie de la décision attaquée que la chambre de recours s’est interrogée, uniquement à titre surabondant, sur la capacité à représenter la marque demandée, consistant en des extrémités rouges de lacets, lorsque les produits visés sont des chaussures sans lacets. Par rapport à de tels produits, elle a indiqué qu’il lui semblait que le signe demandé ne serait pas susceptible d’une représentation graphique au sens de l’article 4 du règlement n° 207/2009 et qu’il pourrait relever du motif absolu de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

14      Cependant, la décision de l’examinateur et la décision attaquée ne sont fondées que sur le motif absolu de refus de l’article 7, paragraphe l, sous b), du règlement n° 207/2009, tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. Dès lors, le grief tiré de ce que la requérante n’a pas eu la possibilité de s’exprimer sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 est inopérant et doit être rejeté.

15      Par un second grief, la requérante conteste l’affirmation dans la décision attaquée selon laquelle la chambre de recours se fondait sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de consommation générale, tels que les chaussures, lesquels faits sont connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits, et selon laquelle elle n’était pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique. Selon la requérante, la chambre de recours n’ayant pas précisé quels seraient ces faits résultant de l’expérience pratique de la commercialisation de ces produits, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation.

16      Toutefois, la requérante ajoute que, certes, la chambre de recours a relevé que le marché de la chaussure, en tant que partie de l’industrie de la mode, était marqué par une énorme variété de configurations, en particulier en ce qui concerne les couleurs. La requérante fait également valoir que, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours, il importe peu que les chaussures puissent être unicolores ou multicolores et présenter les designs les plus variés.

17      Il en ressort que la requérante a clairement identifié elle-même quels étaient les faits résultant de l’expérience pratique de la commercialisation des chaussures sur lesquels la chambre de recours se fondait dans la décision attaquée, à savoir l’utilisation, sur le marché de la chaussure, de designs et de couleurs variés à la fois pour les chaussures et les lacets.

18      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans le cadre de ce moyen, la requérante soulève des arguments visant à démontrer non pas l’insuffisance de la motivation de l’appréciation de la chambre de recours mais son caractère erroné, en contestant la variété des designs de chaussures possibles concernant la marque demandée. Il en ressort que la requérante conteste en réalité le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours et qu’elle ne saurait faire valoir un défaut de motivation.

19      Partant, le second grief, tiré d’un défaut de motivation, doit être rejeté. Les arguments visant à contester le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours seront examinés dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

20      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009

21      La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé le principe de l’examen d’office des faits, prévu à l’article 76 du règlement n° 207/2009, en constatant dans la décision attaquée :

« Si l’on tient compte de ces éléments, il apparaît que le consommateur ne percevra pas comme une indication de l’origine la configuration revendiquée de chaussures à lacets présentant des lacets dont les extrémités sont rouges contrairement au reste de la chaussure. À cet égard, la demanderesse n’a pas non plus produit de preuves contraires. »

22      La requérante soutient qu’il ne lui incombait pas de prouver, de façon exhaustive, le caractère distinctif de la marque demandée et qu’elle aurait néanmoins joint des éléments de preuve montrant qu’une marque présentant des extrémités rouges de lacets serait comprise par le public pertinent comme une indication de l’origine.

23      En vertu de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 207/2009, l’OHMI procède à l’examen d’office des faits pour les motifs absolus de refus.

24      Il y a lieu de constater que, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [arrêts du Tribunal du 3 février 2011, Gühring/OHMI (Combinaison de jaune genêt et de gris argent et combinaison de jaune ocre et de gris argent), T‑299/09 et T‑300/09, non publié au Recueil, point 36, et du 19 septembre 2012, Fraas/OHMI (Motif à carreaux gris foncé, gris clair, bleu clair, bleu foncé, ocre et beige), T‑231/11, non publié au Recueil, point 27].

25      En l’espèce, les produits visés par la demande d’enregistrement sont des produits de large consommation. Il convient de constater que la chambre de recours s’est appuyée sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause pour constater que le consommateur moyen percevrait la marque demandée comme une variante de design de la chaussure, une décoration colorée et non comme une indication de l’origine du produit. Partant, aucune violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 ne saurait lui être reprochée à cet égard.

26      En outre, selon la jurisprudence, dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur l’expérience susvisée, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage, étant donné qu’elle est beaucoup mieux à même de le faire, au vu de sa connaissance approfondie du marché [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Hartmann/OHMI (E), T‑302/06, non publié au Recueil, point 46, et la jurisprudence citée]. La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours un renversement de la charge de la preuve à son détriment.

27      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, la requérante se contentant d’affirmer sans précision qu’elle a présenté devant la chambre de recours des éléments de preuve montrant qu’une marque présentant des extrémités rouges de lacets serait comprise par le public pertinent comme une indication de l’origine, cette simple affirmation ne saurait prospérer.

28      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

29      La requérante soutient que la chambre de recours a considéré à tort que la marque demandée n’avait pas de caractère distinctif au regard des produits pour lesquels l’enregistrement était sollicité.

30      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

31      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et arrêt du Tribunal du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d’une chaussette), T‑547/08, Rec. p. II‑2409, point 23].

32      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts de la Cour Henkel/OHMI, point 31 supra, point 35, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25 ; arrêt Coloration orange de la pointe d’une chaussette, point 31 supra, point 24).

33      La perception du public pertinent est susceptible d’être influencée par la nature du signe dont l’enregistrement a été demandé. Ainsi, dans la mesure où les consommateurs moyens n’ont pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur des signes qui se confondent avec l’aspect de ces mêmes produits, de tels signes sont distinctifs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 seulement s’ils divergent, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur (voir arrêt Coloration orange de la pointe d’une chaussette, point 31 supra, point 25, et la jurisprudence citée).

34      L’élément déterminant pour l’applicabilité de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus n’est pas la qualification du signe concerné en tant que signe figuratif, tridimensionnel ou autre, mais le fait qu’il se confonde avec l’aspect du produit désigné. Ainsi, ce critère a été appliqué, outre aux marques tridimensionnelles, à des marques figuratives consistant en une reproduction bidimensionnelle du produit désigné, ou encore à un signe constitué par un motif appliqué à la surface du produit. De même, la jurisprudence considère que les couleurs et leurs combinaisons abstraites ne peuvent se voir reconnaître un caractère distinctif intrinsèque que dans des circonstances exceptionnelles, étant donné qu’elles se confondent avec l’aspect des produits désignés et qu’elles ne sont pas, en principe, utilisées comme moyens d’identification d’origine commerciale (voir arrêt Coloration orange de la pointe d’une chaussette, point 31 supra, point 26, et la jurisprudence citée).

35      En l’espèce, la marque demandée, telle que décrite dans la demande d’enregistrement, se compose d’extrémités rouges de lacets pour des chaussures à lacets. Comme l’a relevé la chambre de recours, la marque demandée est une « marque de position », ce que la requérante reconnaît. Cette marque consiste en la couleur rouge, située à un emplacement spécifique des lacets, leur extrémité, sur des chaussures à lacets.

36      Les extrémités rouges de lacets constituent une partie des lacets de chaussures, lesquelles sont les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé. Il en ressort que la marque demandée vise à la protection d’un signe spécifique placé sur une partie déterminée de la surface du produit désigné et qu’elle n’est pas constituée par un signe indépendant de l’aspect du produit qu’elle entend désigner. Ainsi, la marque demandée ne peut être dissociée de la forme d’une partie de ce produit, à savoir de la forme des lacets de chaussures. Partant, il y a lieu de considérer que la marque demandée se confond avec l’aspect du produit désigné et que, par conséquent, la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus est applicable.

37      La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours de s’être appuyée, dans la décision attaquée, sur la jurisprudence constante selon laquelle, d’une part, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et, d’autre part, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (arrêt Henkel/OHMI, point 31 supra, points 38 et 39 ; voir, également, arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, non encore publié au Recueil, points 46 et 47, et la jurisprudence citée).

38      Contrairement à ce que prétend la requérante, cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ou par l’emballage du produit, qui est emballé dans le commerce pour des raisons liées à sa nature même, vaut également lorsque, comme en l’espèce, la marque dont l’enregistrement est demandé est une marque « autre » constituée par l’aspect spécifique d’une partie du produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (voir, en ce sens, arrêt Freixenet/OHMI, point 37 supra, point 48).

39      Il en ressort que la requérante ne saurait prétendre que la marque demandée est indépendante du produit qu’elle désigne et il convient de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait appliqué à tort, dans son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, un critère plus strict que pour les marques verbales ou figuratives.

40      Il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle a considéré que le marché de la chaussure était marqué par une énorme variété de configurations, en particulier en ce qui concerne les couleurs, et que les chaussures pouvaient être unicolores ou multicolores et présenter des designs variés, ce qui incluait la configuration des lacets. Elle a ajouté que le rouge pouvait être utilisé dans le choix des couleurs des chaussures et des lacets. La chambre de recours a estimé que l’utilisation d’extrémités rouges de lacets sur des chaussures à lacets d’une autre couleur n’influençait que dans une faible mesure l’impression d’ensemble qu’avait le public de ces chaussures et que le consommateur n’y verrait qu’une variante de design de la chaussure.

41      Aucun des arguments soulevés par la requérante ne permet de remettre en cause cette appréciation de la chambre de recours.

42      Premièrement, quant à l’argument selon lequel le niveau d’attention du public pertinent, s’agissant d’articles de mode tels que les chaussures, est élevé, étant donné que, avant l’achat, le consommateur essaye les chaussures pour s’assurer qu’elles ont la bonne taille et sont confortables, il suffit de relever que les chaussures sont des produits de grande consommation, fréquemment achetés et utilisés par le consommateur moyen, dont le degré d’attention lors de l’achat de ces produits ne sera pas supérieur à la moyenne. Le degré d’attention accordé à ces produits ne sera pas supérieur à la moyenne, étant donné que ces produits ne sont ni onéreux ni rares, que leur acquisition et leur utilisation ne nécessitent pas de connaissances spécifiques et qu’ils n’ont pas d’impact grave sur la santé, le budget ou la vie du consommateur [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 octobre 2009, Aldi Einkauf/OHMI – Goya Importaciones y Distribuciones (4 OUT Living), T‑307/08, non publié au Recueil, point 21].

43      Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le public pertinent est composé du grand public faisant preuve d’un degré d’attention moyen.

44      Deuxièmement, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon lequel certains designs de chaussures sont exclus en l’espèce, parce qu’elle fabrique des chaussures de confort, il suffit de relever que, lors de l’examen du caractère enregistrable d’un signe, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits telle qu’elle découle de la demande de marque concernée, sous réserve des modifications éventuelles de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Coloration orange de la pointe d’une chaussette, point 31 supra, point 42). Or, en l’espèce, la liste des produits visés par la marque demandée mentionne seulement les « chaussures, en particulier lacets », sans autre spécification.

45      En tout état de cause, cette affirmation ainsi que l’argument selon lequel les designs possibles sont limités par le fait que seules les chaussures à lacets sont visées en l’espèce et que certains designs de chaussures sans lacets sont exclus ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les chaussures à lacets présentent des designs et des couleurs variés et que cela inclut les lacets.

46      Troisièmement, la requérante fait valoir que, sur le marché, il n’existe pas de chaussures qui sont vendues avec des extrémités rouges de lacets qui se distinguent du reste de la chaussure par la couleur. Elle ajoute que les lacets dont les extrémités se distinguent du reste du lacet par la couleur sont rares. Elle considère que, dès lors, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours, la marque demandée diffère considérablement de la norme et des habitudes du secteur, car les extrémités de lacets ont en général un design qui n’est pas voyant.

47      À cet égard, il y a lieu de relever que la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes [voir arrêt du Tribunal du 14 septembre 2009, Lange Uhren/OHMI (Champs géométriques sur le cadran d’une montre), T‑152/07, non publié au Recueil, point 71, et la jurisprudence citée].

48      En outre, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve du caractère usuel de la forme dans le commerce pour établir le manque de caractère distinctif de la marque demandée [arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Evonik Industries/OHMI (Rectangle pourpre avec un côté convexe), T‑499/09, non publié au Recueil, point 30]. À cet égard, est inopérante l’affirmation de la requérante selon laquelle il serait inhabituel que, pour des chaussures pour hommes, les extrémités de lacets soient de couleur rouge ou que, parmi les chaussures pour femmes, il existe peu de chaussures rouges à lacets.

49      La chambre de recours ayant relevé que, sur le marché de la chaussure, il existe une grande variété de configurations, en particulier en ce qui concerne les couleurs, et que cela inclut la configuration des lacets, ce que la requérante ne conteste pas, cette dernière ne saurait prétendre que les extrémités rouges de lacets se distinguent de manière significative de la norme et des habitudes du secteur. En outre, la requérante n’apporte pas d’éléments suggérant que la coloration de certaines parties des lacets d’une chaussure est habituellement perçue par le public pertinent en tant qu’indication de l’origine commerciale.

50      Quatrièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel il n’existe pas d’intérêt général visant à préserver la disponibilité de la marque demandée pour les autres entreprises du secteur.

51      En effet, selon la jurisprudence, il y a lieu d’interpréter chaque motif absolu de refus à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 interdit l’enregistrement en tant que marque communautaire de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, car il poursuit un but d’intérêt général exigeant que de tels signes ou de telles indications puissent être librement utilisés par tous et demeurent ainsi disponibles. En revanche, si ce critère, en vertu duquel ne peuvent être enregistrées les marques qui sont susceptibles d’être communément utilisées dans le commerce pour présenter les produits ou les services concernés, est pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), il n’est pas celui à l’aune duquel le point b) de ce même paragraphe doit être interprété (arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, points 62 et 63, et la jurisprudence citée ; arrêt Rectangle pourpre avec un côté convexe, point 48 supra, point 38).

52      Cinquièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait refusé de prendre en compte différents enregistrements de marques de position par l’OHMI pour des chaussures ou d’autres produits relevant de la classe 25, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif minimal requis aux fins de l’enregistrement ou de la protection dans l’Union doit être apprécié dans chaque cas au regard des circonstances de l’espèce. Les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement ou la protection d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47, et arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 36].

53      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

54      Par son moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé le principe d’égalité de traitement en ne prenant pas en compte des décisions antérieures de l’OHMI ayant autorisé l’enregistrement de diverses marques de position, notamment pour des chaussures.

55      Certes, la Cour a jugé que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, point 74).

56      Toutefois, elle a ajouté que, cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité, rappelé au point 52 ci-dessus. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 55 supra, points 75 à 77).

57      En l’espèce, la demande de marque communautaire présentée par la requérante se heurtait à l’un des motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Dans la mesure où il a été considéré que la chambre de recours avait conclu à bon droit que l’enregistrement du signe demandé en tant que marque pour les produits en cause était incompatible avec le règlement n° 207/2009, la requérante ne peut utilement invoquer, aux fins d’infirmer ces conclusions, des décisions antérieures de l’OHMI.

58      Dès lors, le quatrième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

59      L’OHMI n’ayant pas répondu à la requête dans les formes et le délai prescrits, il suffit de décider que la requérante, qui succombe en ses conclusions, supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Think Schuhwerk GmbH supportera ses propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.