Language of document : ECLI:EU:T:2013:340

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 juillet 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ALPHAREN – Marques nationales verbales antérieures ALPHA D3 – Motif relatif de refus – Exécution par l’OHMI d’un arrêt d’annulation d’une décision de ses chambres de recours – Article 65, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 207/2009 – Composition des chambres de recours – Article 1er quinquies du règlement (CE) n° 216/96 »

Dans l’affaire T‑106/12,

Cytochroma Development, Inc., établie à Saint Michael (Barbade), représentée par MM. S. Malynicz, barrister, et A. Smith, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Teva Pharmaceutical Industries Ltd, établie à Jérusalem (Israël),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 2 décembre 2011 (affaire R 1235/2011‑1), relative à une procédure d’opposition entre Teva Pharmaceutical Industries Ltd et Cytochroma Development, Inc.,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 février 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 juin 2012,

à la suite de l’audience du 19 février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 mars 2005, Ineos Healthcare Ltd, le prédécesseur en droit de la requérante, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ALPHAREN.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires contenant de l’hydroxycarbonate de magnésium, fer ou hydrotalcite ou des dérivés de ces composants ; produits pharmaceutiques et vétérinaires pour dialyse rénale et traitement des troubles et affections des reins ; phosphates liants pour traitement de l’hyperphosphatémie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 49/2005, du 5 décembre 2005.

5        Le 6 mars 2006, Teva Pharmaceutical Industries Ltd (ci-après l’« opposante ») a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque hongroise verbale ALPHA D3, enregistrée sous le numéro 134972, désignant des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques régulant le calcium » ;

–        la marque lituanienne verbale ALPHA D3, enregistrée sous le numéro 20613, désignant des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques régulant le calcium » ;

–        la marque lettonne verbale ALPHA D3, enregistrée sous la référence M30407, désignant des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques ayant des propriétés de régulateur de calcium ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 9 octobre 2007, la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité sur la base de la marque hongroise antérieure.

9        Le 29 novembre 2007, le prédécesseur en droit de la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 24 mars 2009 (ci-après la « décision de 2009 »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que la marque hongroise antérieure ne pouvait pas être prise en considération en raison de l’absence de traduction du certificat d’enregistrement dans la langue de procédure. Le fait que l’opposition ait été accueillie sur la seule base de la marque hongroise antérieure justifiait en soi, selon la chambre de recours, l’annulation de la décision de la division d’opposition. Néanmoins, estimant qu’une décision ayant le même dispositif que celle de la division d’opposition pouvait être adoptée au moment où il a été statué sur le recours, la chambre de recours a procédé à l’examen des autres marques sur lesquelles l’opposition était fondée. À cet égard, elle a fait valoir, en particulier, que les produits couverts par les enregistrements letton et lituanien étaient identiques à ceux couverts par la marque hongroise antérieure et que les parties avaient eu l’occasion de faire connaître leurs observations sur l’ensemble des circonstances de l’espèce. Elle a relevé que les signes en conflit présentaient un certain degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. De même, elle a conclu que les produits étaient en partie identiques et en partie similaires. La chambre de recours a indiqué que ce facteur l’emportait sur le degré moindre de similitude entre les marques. Elle a conclu, en substance, qu’un risque de confusion existait dans l’esprit du consommateur moyen, lequel fait partie du public pertinent et, ne disposant pas du même niveau de connaissances et de compétences en biochimie et en pharmacologie que les professionnels dans ces domaines, est davantage exposé à un tel risque.

11      Le 1er juin 2009, le prédécesseur en droit de la requérante a introduit devant le Tribunal un recours contre la décision de 2009, enregistré sous la référence T‑222/09. À l’appui de son recours, il a invoqué quatre moyens, tirés, le premier, de l’absence de l’apport de la preuve de la similitude entre les produits par l’opposante, le deuxième, de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94 (devenu article 75 du règlement n° 207/2009), le troisième, de la violation de l’article 74 du règlement n° 40/94 (devenu article 76 du règlement n° 207/2009), et, le quatrième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

12      Par arrêt du 9 février 2011, Ineos Healthcare/OHMI – Teva Pharmaceutical Industries (ALPHAREN) (T‑222/09, Rec. p. II‑183), le Tribunal a partiellement accueilli le recours et a annulé la décision de 2009 en ce qui concerne les produits relevant des catégories suivantes : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires contenant de l’hydroxycarbonate de magnésium, fer ou hydrotalcite ou des dérivés de ces composants » (ci‑après les « produits A ») et les « Phosphates liants pour traitement de l’hyperphosphatémie » (ci‑après les « produits C »). En particulier, le Tribunal a considéré que, en s’appuyant sur des résultats de recherches sur Internet opérées de sa propre initiative afin de constater une similitude entre les produits A et C et les produits couverts par les marques lettonne et lituanienne antérieures, la chambre de recours avait violé son obligation, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, de limiter son examen aux moyens invoqués par les parties. Le recours a été rejeté pour le surplus.

13      Par décision du 16 juin 2011, le présidium des chambres de recours de l’OHMI a renvoyé l’affaire à la première chambre de recours afin qu’elle rende une nouvelle décision conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009.

14      Le 23 septembre 2011, les droits attachés à la demande ont été transférés à la requérante, Cytochroma Development, Inc.

15      Par décision du 2 décembre 2011 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté la demande de marque communautaire pour les produits A et C et a rejeté le recours formé contre la décision de la division d’opposition. En particulier, elle a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause. Afin de constater que les produits couverts par les marques en cause étaient étroitement liés et complémentaires, elle s’est appuyée sur les éléments présentés par les parties dans la procédure ayant débouché sur la décision de 2009 et ceux produits par l’opposante en réponse à la communication de la chambre de recours après l’annulation partielle de la décision de 2009.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

17      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 216/96 de la Commission, du 5 février 1996, portant règlement de procédure des chambres de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO L 28, p. 11), tel que modifié, le deuxième, de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009 et de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du règlement n° 216/96, le troisième, de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et, le quatrième, de la violation du principe de sécurité juridique et de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement n° 216/96

19      Par son premier moyen, la requérante soutient que l’OHMI a violé l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement n° 216/96 dans la mesure où Mme M. Bra, qui a fait partie de la composition de la deuxième chambre de recours de l’OHMI ayant adopté la décision de 2009, a également siégé dans la formation de la première chambre de recours qui a examiné la présente affaire après l’annulation partielle de la décision de 2009. De surcroît, Mme Bra aurait été rapporteur dans les deux décisions.

20      Elle ajoute qu’un membre ayant participé à l’adoption de deux décisions ne pouvait pas statuer de manière neutre et impartiale sur la présente affaire après l’annulation partielle de la décision de 2009 et aurait plutôt cherché à justifier a posteriori ladite décision.

21      Tout en admettant que la décision attaquée viole l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement n° 216/96, l’OHMI estime toutefois que cette irrégularité ne justifie pas l’annulation de la décision attaquée, dès lors que les parties ont été informées de la composition de la chambre de recours examinant l’affaire en question. Il rappelle, ensuite, qu’une irrégularité, telle qu’en l’espèce, ne justifierait l’annulation d’une décision que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent. Enfin, l’OHMI fait valoir que, étant donné que la première chambre de recours n’a pas fondé sa décision sur les résultats des recherches obtenus en violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, l’argument de la requérante, selon lequel un membre ayant siégé dans la chambre qui a adopté la décision de 2009 chercherait ex post facto à justifier la décision initiale, n’est pas fondé.

22      L’OHMI soutient également que, en vertu de l’article 137, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, la récusation d’un membre d’une chambre de recours n’est pas recevable lorsque la partie en cause a fait des actes de procédure alors qu’elle avait déjà eu connaissance du motif de récusation. Tel serait également le cas en l’espèce. Par ailleurs, il a affirmé, lors de l’audience, que l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement n° 216/96 constitue une règle spécifique devant être interprétée à la lumière de l’article 137, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

23      Aux termes de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du règlement n° 216/96, tel que modifié, si, en application de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt de la Cour de justice annulant en tout ou en partie la décision d’une chambre de recours ou de la grande chambre incluent un nouvel examen par les chambres de recours de l’affaire qui a fait l’objet de cette décision, le présidium décide si l’affaire est renvoyée à la chambre qui a pris cette décision, à une autre chambre ou à la grande chambre.

24      Il est précisé en son paragraphe 2 que, lorsque l’affaire est renvoyée à une autre chambre, celle-ci est composée de façon à n’inclure aucun des membres ayant pris part à la décision attaquée. Cette dernière disposition ne s’applique pas lorsque l’affaire est renvoyée à la grande chambre.

25      En l’espèce, la décision de 2009 a été adoptée par la deuxième chambre de recours. Après l’annulation partielle de cette décision par le Tribunal, le présidium des chambres de recours a, par décision du 16 juin 2011, renvoyé l’affaire à la première chambre de recours, c’est-à-dire une autre chambre de recours, conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du règlement n° 216/96. Il s’ensuit que, conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du même règlement, la première chambre de recours ne devait inclure aucun membre de la formation de la deuxième chambre de recours ayant adopté la décision de 2009.

26      Or, Mme Bra, qui faisait partie de la deuxième chambre de recours, lors de l’adoption de la décision de 2009, faisait également partie de la première chambre de recours, lors de l’adoption de la décision attaquée.

27      Force est donc de constater que l’OHMI a méconnu l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement n° 216/96 dans la mesure où Mme Bra a fait partie des deux formations qui ont adopté les décisions dans la présente affaire. De surcroît, il y a également lieu de prendre en compte le fait que Mme Bra était rapporteur dans les deux décisions.

28      S’agissant de l’article 137 du règlement n° 207/2009, invoqué par l’OHMI, il y a lieu d’observer que cette disposition concerne l’exclusion et la récusation notamment des membres des chambres de recours. En son paragraphe 1, il est notamment précisé que les membres des chambres de recours ne peuvent participer au règlement d’une affaire s’ils possèdent un intérêt personnel ou s’ils y sont antérieurement intervenus en qualité de représentants d’une des parties. De même, ils ne peuvent prendre part à une procédure de recours s’ils ont pris part à la décision qui fait l’objet du recours. Il est ensuite précisé, au paragraphe 3, que les membres d’une chambre de recours peuvent être récusés par toute partie pour l’une des raisons mentionnées au paragraphe 1 ou s’ils peuvent être suspectés de partialité. Toutefois, la récusation n’est pas recevable lorsque la partie en cause a fait des actes de procédure, bien qu’elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation.

29      En l’espèce, le renvoi par le présidium des chambres de recours de l’affaire, après l’annulation partielle de la décision initiale par le Tribunal, à une autre chambre de recours ne rentre pas dans les cas d’exclusion ou de récusation prévus par l’article 137 du règlement n° 207/2009. Il s’ensuit que les conditions de recevabilité de la récusation ne sont pas applicables au cas d’espèce.

30      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’article 1er quinquies du règlement n° 216/96, relatif à la procédure de renvoi d’une affaire à la suite de l’arrêt de la Cour de justice, n’interdit pas le renvoi de l’affaire, après l’annulation de la décision par le Tribunal, à la même chambre de recours, mais prévoit que, en cas d’un renvoi à une autre chambre de recours, cette dernière ne doit inclure aucun des membres ayant pris part à la décision. De même, la procédure à suivre en cas d’exclusion ou de récusation est prévue par l’article 3 du règlement n° 216/96. Il s’ensuit que l’OHMI ne saurait soutenir que l’article 1er quinquies du règlement n° 216/96 doit être interprété à la lumière de l’article 137 du règlement n° 207/2009.

31      Enfin, les arguments de l’OHMI, selon lequel cette irrégularité ne devrait pas entraîner l’annulation de la décision attaquée étant donné qu’il n’est pas établi que, en l’absence de cette irrégularité, la décision attaquée aurait été différente, sont inopérants en l’espèce. Étant donné que la composition de la formation adoptant une décision est une étape préalable à la prise de décision et qui a une influence primordiale sur le contenu de cette dernière, il n’est possible ni d’affirmer ni d’infirmer qu’en remplaçant un membre d’une formation de chambre de recours la décision que doit prendre ladite formation serait différente. Les arguments de l’OHMI relatifs à l’incidence de la violation de l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du règlement n° 216/96 sur le contenu de la décision attaquée sont donc de nature totalement spéculative en l’espèce.

32      Il y a donc lieu d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision attaquée. Toutefois, dès lors que le seul constat de cette illégalité entachant la décision attaquée n’amènerait l’OHMI qu’à se prononcer dans la présente affaire, par une chambre de recours d’une autre composition, le Tribunal estime opportun d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.

 Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009 et de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du règlement n° 216/96, du principe de sécurité juridique et de la charte des droits fondamentaux

33      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que, en procédant à un nouvel examen de l’affaire, l’OHMI a violé l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009. Selon elle, étant donné que rien dans le dispositif de l’arrêt ALPHAREN, précité, n’exigeait un nouvel examen, il n’appartenait pas à l’OHMI d’y procéder, dès lors qu’il suffisait que la chambre de recours rejette l’opposition pour les produits pour lesquels la décision de 2009 a été annulée.

34      Selon la requérante, la possibilité pour l’OHMI de procéder à un nouvel examen de l’affaire, à la suite d’un arrêt du Tribunal annulant la décision d’une chambre de recours, serait subordonnée à un critère de nécessité devant être interprété de manière stricte. Or, en l’espèce, ledit critère ne serait pas rempli.

35      Par son quatrième moyen, la requérante allègue que, en ayant procédé à un réexamen de l’affaire et demandé aux parties de présenter des faits, preuves et arguments au soutien de leur position, sans avoir respecté ce critère de nécessité, la chambre de recours a violé le principe de sécurité juridique et le droit de propriété consacré à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux.

36      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

37      Selon une jurisprudence constante, un arrêt d’annulation, tel que l’arrêt ALPHAREN, précité, opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 30 ; arrêts du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 46, et du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, Rec. p. II‑2967, point 50).

38      Il ressort de cette même jurisprudence que, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99 P, Rec. p. I‑6031, points 19 et 20 ; voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 56, et la jurisprudence citée).

39      Il convient également de rappeler que l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du règlement n° 216/96, tel que modifié, prévoit, en ce qui concerne le renvoi d’une affaire à la suite d’un arrêt des juridictions de l’Union, que, si, en application de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt des juridictions de l’Union annulant en tout ou en partie la décision d’une chambre de recours ou de la grande chambre de l’OHMI incluent un nouvel examen par les chambres de recours de l’affaire qui a fait l’objet de cette décision, le présidium décide si l’affaire est renvoyée à la chambre qui a pris cette décision, à une autre chambre ou à la grande chambre de l’OHMI.

40      En l’espèce, à la suite de l’annulation de la décision de 2009, le recours formé par la requérante devant la chambre de recours est redevenu pendant. Afin de se conformer à son obligation, découlant de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal, l’OHMI devait faire en sorte que le recours aboutisse à une nouvelle décision d’une chambre de recours. Tel a effectivement été le cas, dès lors que l’affaire a été renvoyée devant la première chambre de recours, qui a adopté la décision attaquée.

41      La requérante conteste la légalité du renvoi et estime que, à la lumière de l’arrêt ALPHAREN, précité, l’opposition devait être rejetée, le Tribunal ayant constaté qu’aucun risque de confusion n’existait entre les marques en cause.

42      Une telle argumentation ne saurait toutefois prospérer. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, par l’arrêt ALPHAREN, précité, le Tribunal a annulé la décision de 2009, en ce qui concerne les produits A et C, pour des seuls motifs d’ordre procédural, ainsi que cela a été rapporté au point 12 du présent arrêt, mais ne s’est aucunement prononcé sur l’existence ou non d’un risque de confusion entre les marques en cause. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 37 et 38 du présent arrêt, l’OHMI était tenu de rouvrir la procédure et de se prononcer de nouveau sur l’opposition concernant les produits A et C afin d’aboutir à une nouvelle décision tout en respectant le dispositif ainsi que les motifs de l’arrêt ALPHAREN, précité.

43      De surcroît et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur son bien‑fondé, le critère de nécessité, invoqué par la requérante, n’a pas, en tout état de cause, été enfreint, étant donné que, dans l’arrêt ALPHAREN, précité, le Tribunal n’a procédé à aucun examen sur le fond, notamment quant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en cause. En effet, il ne saurait ressortir de la constatation effectuée au point 34 de l’arrêt ALPHAREN, précité, selon laquelle il n’était pas possible de conclure à un risque de confusion entre les produits A et C et les produits couverts par les marques lettonne et lituanienne antérieures sans avoir eu recours aux recherches contestées, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre ces produits. Partant, l’OHMI était tenu de procéder à un nouvel examen de la similitude des produits, mais ce sans référence auxdites recherches.

44      S’agissant de la prétendue violation, par la chambre de recours, du principe de sécurité juridique invoquée par la requérante dans le cadre de son quatrième moyen, force est de constater que l’arrêt ALPHAREN, précité, en annulant partiellement la décision de 2009, n’a nullement donné l’assurance que la marque demandée pourrait être enregistrée pour les produits A et C. Il s’ensuit que le grief que la requérante tire d’une prétendue violation du principe de sécurité juridique doit être rejeté, en ce qu’il est manifestement dénué de tout fondement.

45      S’agissant de la prétendue violation du droit de propriété intellectuelle consacré à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux, il convient de rappeler que le caractère fondamental du droit de propriété intellectuelle, tel qu’il ressort, selon la requérante, de l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, lequel énonce que « [l]a propriété intellectuelle est protégée », n’est pas absolu et que la marque communautaire existe notamment dans les limites posées par l’article 4, combiné avec les articles 7 et 8 du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 3 mai 2006, Eurohypo/OHMI (EUROHYPO), T‑439/04, Rec. p. II‑1269, point 21].

46      Enfin, il y a lieu de préciser, en ce qui concerne l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 11 janvier 2007 Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC] (n° 73049/01, CEDH 2007‑I), invoqué par la requérante, que bien qu’une demande d’enregistrement d’une marque donne à son titulaire un ensemble des droits patrimoniaux, il ressort également dudit arrêt, en son point 78, que ces droits sont révocables dans certaines conditions et conditionnels en raison du fait que l’enregistrement ne serait devenu définitif qu’en l’absence d’atteinte aux droits légitimes d’une tierce partie. Or, en l’espèce, force est de constater que de telles conditions ne sont pas réunies, car la demande d’enregistrement de la requérante a provoqué une contestation de l’opposante, qui a fait opposition à l’enregistrement de la marque demandée. Partant, la requérante ne saurait invoquer l’existence d’un droit de propriété intellectuelle pour empêcher la chambre de recours de se prononcer de nouveau dans la présente affaire à la suite de l’annulation partielle de la décision de 2009.

47      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et quatrième moyens.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

48      Par son troisième moyen, la requérante soutient que, nonobstant l’arrêt ALPHAREN, précité, la première chambre de recours, aux points 42, 47 et 58 de la décision attaquée, ne s’est pas limitée aux faits, preuves et arguments produits par les parties et a considéré qu’elle était en droit de procéder à un examen d’office des faits, même quand il s’agissait d’une affaire de motifs relatifs de refus. Ce faisant elle aurait violé l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

49      L’OHMI conteste ces arguments.

50      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, « dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen [de l’OHMI] est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ».

51      Cette disposition vise, notamment, la base factuelle des décisions de l’OHMI, à savoir les faits et les preuves sur lesquels celles-ci peuvent être valablement fondées. Ainsi, la chambre de recours, en statuant sur un recours contre une décision mettant fin à une procédure d’opposition, ne saurait fonder sa décision que sur les faits et les preuves présentés par les parties. Toutefois, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par la chambre de recours n’exclut pas que celle-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est‑à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par le biais de sources généralement accessibles [voir arrêts du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, points 28 et 29, et la jurisprudence citée, et du 24 septembre 2008, Anvil Knitwear/OHMI – Aprile e Aprile (Aprile), T‑179/07, non publié au Recueil, point 71].

52      En l’espèce et ainsi qu’il ressort de l’arrêt ALPAHREN, précité (points 30 à 32), la décision de 2009 a été annulée en ce qui concerne les produits A et C dans la mesure où, en substance, la chambre de recours s’y était appuyée sur des résultats de recherches effectuées sur Internet ne pouvant pas être considérés comme étant des faits notoires.

53      Or, selon la requérante, la chambre de recours se serait appuyée sur les mêmes éléments aux points 42, 47 et 58 de la décision attaquée.

54      À cet égard, il y a lieu, certes, de constater que, au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que ni l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, ni l’arrêt ALPHAREN, précité, ne s’opposait à ce qu’elle s’appuie, lors de l’examen d’office d’une question de droit, sur des éléments révélées par un examen préliminaire réalisé de sa propre initiative, à condition que ces éléments aient été apportés dans la procédure par la chambre de recours et que les parties aient eu l’opportunité de soumettre des observations sur ces éléments, en application de l’article 63, paragraphe 2, et de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

55      Toutefois, d’une part, il ressort du point 59 de la décision attaquée que, selon la chambre de recours, les éléments produits par les seules parties dans la procédure ayant débouché sur la décision de 2009 et ceux produits par l’opposante en réponse à la communication de la chambre de recours étaient suffisants pour permettre à la chambre de recours de se prononcer sur la similitude des produits en cause, sans devoir s’appuyer sur les documents révélés par l’examen préliminaire de la chambre elle-même.

56      D’autre part, cette considération est corroborée par les points 65 à 78 de la décision attaquée, dont il ressort clairement que, aux fins d’apprécier la similitude des produits en cause, la chambre de recours ne s’est pas appuyée sur les éléments qui avaient entaché la décision de 2009 d’illégalité. Il s’ensuit que les considérations de la chambre de recours énoncées aux points 42, 47 et 58 de la décision attaquée doivent être considérées comme l’ayant été à titre surabondant.

57      Selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre les motifs surabondants d’une décision ne sauraient entraîner l’annulation de celle‑ci et sont donc inopérants [voir ordonnance du Tribunal du 25 septembre 2008, Stepek/OHMI – Masters Golf Company (GOLF-FASHION MASTERS THE CHOICE TO WIN), T‑294/07, non publiée au Recueil, point 17 et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 mai 2007, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanche avec un dessin floral de couleur), T‑241/05, T‑262/05 à T‑264/05, T‑346/05, T‑347/05 et T‑29/06 à T‑31/06, Rec. p. II‑1549, point 88].

58      Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme étant inopérant.

59      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 2 décembre 2011 (affaire R 1235/2011‑1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.