Language of document : ECLI:EU:T:2021:362

DOCUMENT DE TRAVAIL


ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

16 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Halloumi χαλλούμι Vermion grill cheese M BELAS PREMIUM GREEK DAIRY SINCE 1927 – Marques de certification nationales verbales antérieures ΧΑΛΛΟΥΜΙ HALLOUMI – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Motif relatif de nullité – Article 53, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenus article 60, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001] »

Dans les affaires jointes T‑281/19 et T‑351/19,

République de Chypre, représentée par MM. S. Malynicz, QC, S. Baran, barrister, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Filotas Bellas & Yios AE, établie à Alexandreia Imathias (Grèce),

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 15 février 2019 (affaire R 2298/2017‑4) et du 9 avril 2019 (affaire R 2297/2017‑4), relatives à des procédures de nullité entre la République de Chypre et Filotas Bellas & Yios,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 30 avril 2019 (affaire T‑281/19) et le 6 juin 2019 (l’affaire T‑351/19),

vu les mémoires en réponse de l’EUIPO déposés au greffe du Tribunal le 26 août 2020,

vu les ordonnances de suspension des procédures du 25 juin 2019 et du 25 juillet 2019 jusqu’aux décisions mettant fin à l’instance dans les affaires C‑608/18 P et C‑609/18 P,

vu la décision du 20 janvier 2021 portant jonction des affaires T‑281/19 et T‑351/19 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

à la suite de l’audience du 15 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 septembre 2013, Filotas Bellas & Yios AE a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; fromage halloumi ».

4        Le 7 juin 2015, la demande de marque a fait l’objet d’un enregistrement qui a donné lieu à une publication au Bulletin des marques communautaires no 206/2015, du 10 juin 2015.

5        Le 17 décembre 2015, la République de Chypre a présenté des demandes de nullité de ladite marque pour tous les produits indiqués au point 3 ci-dessus. D’une part, ces demandes étaient fondées sur le motif absolu de nullité visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], tiré de la mauvaise foi du titulaire lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. D’autre part, la République de Chypre a invoqué le motif relatif de nullité visé à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, dudit règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001], tiré de l’existence d’un risque de confusion avec des marques antérieures.

6        Les demandes de nullité étaient fondées sur les marques de certification chypriotes verbales antérieures ΧΑΛΛΟΥΜΙ HALLOUMI, enregistrées le 25 juin 1992 sous les numéros 36765 et 36766, puis régulièrement renouvelées.

7        Les marques antérieures désignaient les produits relevant de la classe 29 et correspondant, dans le cas de la marque enregistrée sous le numéro 36765, à la description suivante : « Produit laitier et, plus particulièrement, fromage de forme repliée connu sous le nom de halloumi frais » et, dans le cas de la marque enregistrée sous le numéro 36766, à la description suivante : « Produit laitier et, plus particulièrement, fromage de forme repliée connu sous le nom de halloumi affiné ».

8        Par décisions du 29 août 2017, la division d’annulation a rejeté les demandes de nullité dans leur intégralité et condamné la République de Chypre à supporter les frais.

9        Le 25 octobre 2017, la République de Chypre a formé des recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre les décisions de la division d’annulation.

10      Par décision du 15 février 2019, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a, dans l’affaire T‑281/19, rejeté le recours fondé sur la marque antérieure enregistrée sous le numéro 36765, puis, par décision du 9 avril 2019, elle a, dans l’affaire T‑351/19, rejeté le recours fondé sur la marque antérieure enregistrée sous le numéro 36766 et condamné la République de Chypre à supporter les frais exposés lors des procédures d’annulation et de recours (ci-après les « décisions attaquées »).

11      Les décisions attaquées reposent sur des motifs identiques.

12      Tout d’abord, la chambre de recours a considéré que les recours, en tant qu’ils étaient fondés sur le motif relatif de nullité visé à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, n’étaient pas fondés. En premier lieu, elle a estimé qu’une partie des produits désignés par la marque contestée étaient différents du produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné désigné par les marques antérieures et qu’il n’existait pas de risque de confusion en ce qui les concernait. En second lieu, s’agissant des produits que la chambre de recours a considéré comme étant identiques, similaires ou présentant un certain degré de similitude, en l’occurrence les produits correspondant à la description suivante : « Lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; fromage halloumi », visés par la marque contestée, d’une part, et le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, d’autre part, elle a estimé que, compte tenu du caractère distinctif faible des marques antérieures, les différences entre les signes en conflit étaient suffisantes pour les distinguer, même lorsqu’ils désignaient des produits identiques. Il n’y avait donc pas non plus de risque de confusion concernant ces derniers produits.

13      Ensuite, la chambre de recours a estimé que, s’agissant des dispositions prévues à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lues conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, les preuves produites étaient insuffisantes pour démontrer le caractère distinctif accru et, a fortiori, la renommée des marques antérieures en référence au régime de certification exploité par la République de Chypre. Dès lors, les consommateurs qui achèteraient du fromage halloumi n’étant pas en mesure de distinguer la qualité certifiée, il ne pourrait y avoir de préjudice porté aux marques antérieures. La chambre de recours a conclu à cet égard que le non-respect du règlement d’usage d’une marque de certification n’était pas un motif d’opposition et ne dépendait pas de la perception du consommateur cible.

14      Enfin, la chambre de recours a estimé que le motif de nullité absolue visé à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne s’appliquait pas en l’espèce. À cet égard, elle a considéré, tout d’abord, que la signification descriptive du mot « halloumi » s’opposait à la constatation d’un comportement de mauvaise foi chez un producteur de fromage qui utilisait un terme désignant spécifiquement le type de fromage qu’il produisait, ensuite, que les éléments composant la marque contestée ne se référaient pas au régime de certification établi par la République de Chypre, mais uniquement à la tradition de production de fromage halloumi à Chypre, qui existait bien avant ledit régime, enfin, que le simple fait de déposer une marque contenant ce mot sans être autorisé à produire du fromage halloumi au titre du régime de certification établi par la République de Chypre ne pouvait être considéré comme de la mauvaise foi. En outre, la mauvaise foi alléguée ne pouvait davantage se déduire des décisions des juridictions grecques invoquées par la République de Chypre.

 Conclusions des parties

15      La République de Chypre conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours dans leur intégralité ;

–        condamner la République de Chypre aux dépens.

 En droit

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 septembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits des deux affaires sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

18      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans les décisions attaquées et par les parties à l’instance dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, à l’article 59, paragraphe 1, sous b), et à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, l’article 52, paragraphe 1, sous b), et l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

19      Au soutien des recours, la République de Chypre invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, et, le second, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

20      L’EUIPO conclut au rejet des deux moyens soulevés par la République de Chypre.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement

21      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches.

22      La première branche est tirée d’une erreur de la chambre de recours lors de l’appréciation de la similitude entre les produits désignés par les marques en conflit.

23      La première branche comporte deux griefs.

24      Au titre du premier grief de la première branche, la République de Chypre invoque une erreur d’appréciation de la chambre de recours, lorsque cette dernière a estimé que les produits désignés par la marque contestée et correspondant à la description suivante : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs » étaient différents des produits désignés par les marques antérieures et qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion. Or, la chambre de recours aurait dû parvenir à la conclusion que tous les produits désignés par la marque contestée étaient semblables aux produits désignés par les marques antérieures.

25      En particulier, les produits mentionnés au point 24 ci-dessus désignés par la marque contestée et exclus à tort de la comparaison globale du risque de confusion et le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné désigné par les marques antérieures auraient présenté un certain degré de similitude au regard des cinq facteurs suivants : premièrement, ils seraient de même nature en ce qu’il s’agirait de produits alimentaires, deuxièmement, ils auraient la même destination, à savoir être consommés, troisièmement, ils s’adresseraient aux mêmes consommateurs, quatrièmement, ils pourraient être proposés dans les mêmes points de vente, par le biais des mêmes canaux de distribution, et, cinquièmement, ils pourraient être associés au cours d’un même repas.

26      Au titre du second grief de la première branche, la République de Chypre fait valoir que, en se fondant sur un constat erroné lors de la comparaison des produits désignés par les marques en conflit, la chambre de recours aurait considéré qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit en tenant compte de la totalité des produits désignés par la marque contestée. Or, à supposer même que le degré de similitude entre les marques en conflit ait été faible, le constat de l’existence d’un certain degré de similitude entre tous les produits désignés par la marque contestée et ceux désignés par les marques antérieures aurait nécessairement dû amener la chambre de recours à procéder à une analyse globale du risque de confusion en prenant en compte la totalité de ces produits.

27      La seconde branche est tirée d’une appréciation erronée par la chambre de recours du caractère distinctif des marques antérieures, au regard de leur nature de marques de certification.

28      La seconde branche comporte également deux griefs.

29      À titre liminaire, après avoir procédé au rappel des dispositions du règlement 2017/1001, qui régissent les marques de certification de l’Union européenne, et de l’article 28 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1), qui concerne les marques nationales de garantie ou de certification, la République de Chypre a exposé que les marques de certification ne pouvaient pas être simplement rejetées comme étant dépourvues de caractère distinctif comme s’il s’agissait de marques ordinaires, car cela était contraire à la circonstance selon laquelle elles pouvaient indiquer certaines informations qui allaient au-delà de la simple origine des produits ou des services qu’elles désignaient, en particulier le fait que certaines normes de qualité avaient été satisfaites ou que certaines modalités de fabrication, de stockage ou de traitement avaient été adoptées. Il y aurait donc lieu de considérer les marques de certification d’une manière spécifique, en particulier en ce qui concerne leur caractère distinctif, a fortiori, s’agissant des marques de certification nationales afin de préserver la compétence des offices nationaux en matière de détermination de la validité des marques nationales. Par conséquent, l’EUIPO ne pouvait pas considérer que de telles marques étaient dépourvues de caractère distinctif.

30      Au titre du premier grief de la seconde branche, la République de Chypre expose que, dans la partie des décisions attaquées consacrées à l’examen du caractère distinctif des marques antérieures, la chambre de recours s’est référée à tort à l’arrêt du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752). Or, les motifs de cet arrêt, en ce qui concerne le défaut de caractère distinctif d’une marque individuelle de l’Union européenne composée des termes « halloumi » et « χαλλούμι », compte tenu du caractère descriptif d’une telle marque, ne seraient pas transposables aux marques de certification, qui seraient des catégories distinctes et différentes de marques. En particulier, s’il y avait lieu d’apprécier les marques individuelles à la lumière de leur fonction d’indication de l’origine commerciale individuelle des produits qu’elles désignaient, tel n’aurait pas été le cas des marques de certification.

31      Au titre du second grief de la seconde branche, la République de Chypre fait valoir que la chambre de recours a fondé son appréciation globale du risque de confusion sur la considération selon laquelle les marques antérieures présentaient un caractère descriptif. Elle aurait certes formellement admis que le caractère distinctif desdites marques n’était pas nul, en le qualifiant de faible, mais elle les aurait traitées comme si elles étaient simplement descriptives et ne disposaient d’aucun caractère distinctif.

32      Or, le caractère distinctif des marques antérieures devrait être évalué au regard de leur nature de marque de certification et, à cet égard, les éléments de preuve qui ont été produits démontreraient précisément l’existence d’un tel caractère distinctif. En outre, si les marques de certification devaient être évaluées au regard des critères ordinaires applicables aux marques individuelles, cela reviendrait à rendre inopposables de nombreuses marques relevant de cette catégorie et aurait une incidence négative sur l’effectivité de l’ensemble des marques de certification nationales.

33      L’EUIPO conteste les arguments avancés par la République de Chypre et conclut au rejet du premier moyen.

34      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec cette marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

35      Lorsque, comme en l’espèce, les marques antérieures invoquées à l’appui de la demande de nullité sont des marques de certification nationales, qui ont été enregistrées en vertu d’une législation nationale découlant de la transposition de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doit s’entendre, par analogie, avec le régime des marques collectives, comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures proviennent tous de personnes habilitées par le titulaire de ces dernières à les utiliser dans le cadre du régime de certification dans lequel elles s’inscrivent ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées audites personnes ou audit titulaire (voir, par analogie, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 64).

36      En outre, en cas de demande en nullité formée par le titulaire d’une marque de certification, s’il y a lieu de tenir compte de la fonction essentielle de ce type de marque afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit concrètement être apprécié si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque de certification antérieure (voir, par analogie, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65).

37      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner l’appréciation effectuée par la chambre de recours du risque de confusion entre les signes en conflit dans l’esprit du public pertinent.

 Sur le public pertinent

38      Selon la jurisprudence, le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, entre deux marques en conflit, ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent. L’appréciation de ce risque doit, plutôt, être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑624/13, EU:T:2015:743, point 24 et jurisprudence citée].

39      Plus particulièrement, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

40      Au point 16 des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé que les produits désignés par les marques en conflit étaient destinés au grand public. Par conséquent, elle a estimé que, dans la mesure où les marques antérieures étaient enregistrées à Chypre, il y avait lieu de fonder son appréciation sur la perception du grand public dans cet État membre, dont le niveau d’attention était tout au plus moyen lors de l’achat des produits en cause, dès lors qu’il s’agissait de denrées alimentaires de consommation courante.

41      Il convient de confirmer ces appréciations, au demeurant non contestées par les parties, en ce qu’elles apparaissent bien fondées eu égard aux éléments du dossier et à la jurisprudence [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46].

 Sur la comparaison des produits désignés par les marques en conflit

42      Selon la jurisprudence, pour apprécier la similitude entre des produits et des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux et qui incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits et des services concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

43      Au point 20 des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé que, dans le domaine des denrées alimentaires, il ne suffisait pas, pour conclure à la similitude des produits en cause, qu’il se fût agi de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine ni que lesdits produits aient été proposés à la vente dans les supermarchés, mais il convenait plutôt de déterminer s’ils seraient perçus comme ayant une origine commerciale commune.

44      À cet égard, la chambre de recours a relevé, au point 23 des décisions attaquées, que le « fromage halloumi », les « produits laitiers » et le « lait », désignés par la marque contestée, étaient soit similaires soit identiques au produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné désigné par les marques antérieures. En revanche, ce dernier différerait par sa nature de la plupart des autres produits désignés par la marque contestée, en particulier de « [la] viande, [du] poisson, [de la] volaille et [du] gibier ; [ainsi que des] extraits de viande », et il ne saurait être associé aux « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ». De même, il différerait également par sa nature des « gelées, confitures, compotes », qui seraient des aliments à tartiner obtenus à partir de fruits et essentiellement consommés avec du pain.

45      Au point 24 des décisions attaquées, la chambre de recours a considéré que les « œufs » n’avaient pas non plus la même nature que le fromage. Ils ne pourraient pas être remplacés par ce dernier et seraient obtenus à partir d’espèces animales différentes, tout en devant être commercialisés séparément des produits laitiers compte tenu de leur fragilité.

46      Au point 25 des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé que les « huiles et graisses comestibles », désignées par la marque contestée, comprenaient principalement le beurre et la margarine. Le beurre serait un produit laitier très similaire au fromage en termes de matières premières utilisées et de procédés de fabrication. Il serait généralement commercialisé à côté du fromage dans le rayon des produits laitiers des supermarchés. Ainsi, les produits en cause auraient présenté un degré moyen de similitude.

47      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que, si une partie des produits désignés par la marque contestée devaient être considérés comme semblables ou identiques au produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, ce dernier ne présentait toutefois pas de similitude avec les autres produits désignés par la marque contestée, de sorte que, au regard de ce constat et à l’égard de ces autres produits, il y avait lieu d’exclure l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

48      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, si des produits, comme en l’espèce le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, d’une part, et l’ensemble des produits désignés par la marque contestée, d’autre part, appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires destinés à la consommation humaine, ce fait ne saurait suffire, à lui seul, à rendre ces produits identiques, dans la mesure où leur nature, les matières premières dont ils sont constitués, leur destination et leur utilisation peuvent être complètement différentes [voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2011, Intermark/OHMI – Natex International (NATY’S), T‑72/10, non publié, EU:T:2011:635, point 31].

49      Ensuite, dans la mesure où, comme l’a relevé à bon droit la chambre de recours sans être contredite par les parties, le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, est élaboré à partir du lait, de sorte qu’il relève, comme son intitulé l’indique, de la catégorie des produits laitiers, tout en présentant, lorsqu’il consiste en du fromage halloumi frais ou affiné, une consistance et un goût particuliers, il apparaît que sa nature, sa destination et son utilisation de même que son mode de distribution ne diffèrent pas de ceux des « fromages halloumi » désignés par la marque contestée. Il y a donc lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les produits en question sont identiques. S’agissant des « produits laitiers » et du « lait », désignés par la marque contestée, au regard de leur nature, de leur destination et de leur mode de distribution, ils présentent, quant à eux, un degré de similitude qui peut être considéré comme élevé au regard du produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures.

50      Par ailleurs, s’agissant des « huiles et graisses comestibles », désignées par la marque contestée, ces dernières comprennent à la fois des produits d’origine végétale, comme la margarine, et d’origine animale, comme le beurre, qui est lui-même un produit laitier de nature proche du fromage, à proximité duquel il est généralement commercialisé. Il y a donc lieu de retenir, ainsi que cela figure au point 25 des décisions attaquées, que ces produits, au regard de leur composition et de leur mode de distribution, présentent un degré de similitude avec le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, qui peut être considéré comme moyen.

51      En outre, en ce qui concerne la « viande, [le] poisson, [la] volaille et [le] gibier [ainsi que les] extraits de viande », compris dans la classe 29 et désignés par la marque contestée, il s’agit de produits d’origine animale, issus des tissus musculaires d’animaux sauvages ou d’élevage. S’ils ne sont certes pas identiques au produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, le Tribunal a déjà considéré que de tels produits, en particulier ceux qui, à l’instar de la viande, des jambons, des charcuteries, des plats froids et des conserves de viande, appartenaient à la catégorie des produits de charcuterie, pouvaient être considérés comme présentant un certain degré de similitude avec les fromages et les produits laitiers, et ce en raison de leur nature et de leur destination identiques ainsi que de leurs canaux de distribution semblables [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 41].

52      Si de telles conclusions trouvent à l’évidence à s’appliquer à l’égard de la « viande » et des « extraits de viande », compris dans la classe 29 et désignés par la marque contestée, elles peuvent s’étendre au « poisson », à la « volaille » et au « gibier », compris dans la classe 29 et désignés par la marque contestée. En effet, ces produits et le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, ont une nature commune de produits alimentaires composés de protéines d’origine animale, ils peuvent être préparés et consommés ensemble comme ingrédients de nombreux plats et leurs canaux de distribution peuvent être identiques, notamment dans les rayons alimentaires de la grande distribution où ils sont fréquemment vendus à proximité les uns des autres. La chambre de recours a donc commis une erreur en estimant que l’ensemble de ces produits étaient différents du produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, alors qu’il y avait lieu de constater l’existence d’un faible degré de similitude entre ceux-ci.

53      Enfin, s’agissant des « œufs », s’il s’agit certes de produits d’origine animale comme les produits laitiers et les fromages, ceux-ci proviennent généralement de la poule, voire de la cane, et non de la vache ou de la chèvre. Ils ont une destination alimentaire spécifique et, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, font généralement l’objet d’une commercialisation dans un rayon et sous un emballage particuliers en raison de leur fragilité. Bien qu’ils appartiennent à la catégorie des produits alimentaires, les « œufs » doivent néanmoins être considérés comme différents du produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures.

54      De même, en ce qui concerne les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes », désignés par la marque contestée, il s’agit de produits alimentaires d’origine végétale qui ne contiennent ni lait ni fromage et qui ont une nature spécifique liée notamment à leurs caractéristiques de conservation, puisqu’il ne s’agit pas de produits frais, qu’ils sont le plus souvent de saveur sucrée et qu’ils sont commercialisés dans des rayons spécifiques. La chambre de recours a donc estimé à bon droit que ces produits étaient différents du produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures.

55      Au regard de ces considérations, il apparaît que la chambre de recours a commis une erreur lors de la comparaison d’une partie des produits désignés par les marques en conflit, de sorte que le premier grief de la première branche est partiellement fondé. L’analyse globale du risque de confusion aurait par conséquent dû être poursuivie à l’égard de la « viande, [du] poisson, [de la] volaille et [du] gibier ainsi que des] extraits de viande », désignés par la marque contestée, à l’instar des autres produits désignés par ladite marque à l’égard desquels une identité ou un certain degré de similitude avec le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, a été admis. Les conséquences éventuelles de cette erreur au regard de la légalité des décisions attaquées seront examinées dans le cadre de l’analyse globale du risque de confusion, à laquelle il sera procédé ci-après.

56      Il ne saurait en revanche être reproché à la chambre de recours d’avoir estimé que, à l’égard des produits désignés par la marque contestée qui ne présentaient pas de similitude avec le produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, désigné par les marques antérieures, ce seul constat permettait de conclure à l’absence de risque de confusion, et ce sans qu’il y ait lieu de procéder à une analyse globale dudit risque en ce qui concernait lesdits produits. À cet égard, le second grief de la première branche n’apparaît pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le caractère distinctif des marques antérieures

57      L’appréciation du caractère distinctif d’une marque revêt une importance particulière dans la mesure où l’appréciation du risque de confusion est effectuée globalement et qu’elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en considération [arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33], de sorte que ledit risque est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure est fort (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18). Ainsi, un faible degré de caractère distinctif implique un degré de similitude entre les signes en conflit ou entre les produits et les services concernés plus important afin de conclure à l’existence d’un risque de confusion. Par conséquent, la sous-estimation du caractère distinctif des marques antérieures par la chambre de recours serait susceptible d’entacher les décisions attaquées d’une erreur quant à l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Chypre/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI), T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 36].

58      Lorsqu’une opposition est fondée sur l’existence d’une marque nationale antérieure, les vérifications portant sur le degré de caractère distinctif de cette marque ont toutefois des limites, puisqu’elles ne peuvent aboutir à la constatation d’un des motifs absolus de refus prévus notamment à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, à savoir l’absence de caractère distinctif ou le caractère purement descriptif de cette marque. Ainsi, pour ne pas enfreindre l’article 8, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, il doit être reconnu un certain degré de caractère distinctif à une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47).

59      Les considérations qui précèdent, qui concernent la procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont transposables dans le cadre d’une procédure de nullité fondée conjointement sur cette dernière disposition et sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

60      En l’espèce, en ce qui concerne le caractère distinctif des marques antérieures à l’égard du produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné, la chambre de recours a conclu, au point 36 des décisions attaquées, que leur caractère distinctif intrinsèque était faible, en raison de la signification descriptive desdites marques. En outre, à la suite d’un examen figurant aux points 30 à 32 des décisions attaquées, portant en particulier sur les éléments de preuve fournis par la République de Chypre, la chambre de recours a estimé, au point 29 de ces mêmes décisions, que l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’ancienneté de l’usage des marques antérieures n’était pas démontrée.

61      Le règlement 2017/1001, applicable à compter du 1er octobre 2017, comporte des dispositions relatives à la marque de certification de l’Union européenne qu’il définit, à son article 83, paragraphe 1, comme une marque « propre à distinguer les produits ou [les] services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d’autres caractéristiques, à l’exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou [aux] services qui ne bénéficient pas d’une telle certification ».

62      S’agissant des marques de certification nationales, les États membres, à l’instar de la République de Chypre, ont la faculté d’autoriser leur enregistrement, ainsi que cela était prévu par l’article 15 de la première directive 89/104, qui est pertinente ratione temporis au regard de la date d’enregistrement des marques antérieures.

63      Ainsi, les marques antérieures constituent, au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, des « marques enregistrées dans un État membre », qui peuvent être invoquées à l’appui d’une procédure de nullité, comme l’a fait la République de Chypre.

64      Si les marques antérieures relèvent de la catégorie des marques enregistrées dans un État membre, il y a lieu de préciser que le système des marques de l’Union européenne issu du règlement no 207/2009 est indépendant, autosuffisant et autonome par rapport à tout système national [voir, par analogie, arrêt du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47]. Ainsi, il apparaît fondé de prendre en compte le droit national en ce qu’il permet d’attester de la validité des marques antérieures. Toutefois, en ce qui concerne le caractère distinctif intrinsèque de ces dernières, même si, à la lumière de l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314), il convient de reconnaître au terme « halloumi », en caractères latins, ou au terme « χαλλούμι », en caractères grecs, enregistrés conjointement en tant que marques de certification nationale, un certain caractère distinctif, cela n’implique pas qu’il y ait lieu de reconnaître en soi aux marques composées uniquement de ces termes un caractère distinctif d’un niveau tel qu’il leur procurerait une protection inconditionnelle permettant de s’opposer à tout enregistrement de marque postérieure comportant lesdits termes (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, BBQLOUMI, T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 42).

65      Il convient d’ailleurs de rappeler que, ainsi que cela figure au point 27 des décisions attaquées, le Tribunal a déjà jugé à deux reprises que le terme « halloumi » était perçu par le public, notamment chypriote, comme désignant une spécialité fromagère de Chypre [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 41, et du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI, T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, points 20 et 21]. Si la référence à ces deux arrêts est contestée par la République de Chypre, en ce qu’ils ne prendraient pas en compte la fonction spécifique d’une marque de certification chypriote, la chambre de recours ne fait toutefois que constater que, au regard des éléments de preuve produits en l’espèce, les conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu dans ces arrêts en ce qui concernait la perception des marques antérieures par le public pertinent chypriote restent valables.

66      À cet égard, rien parmi les éléments de preuve produits par la République de Chypre devant la chambre de recours, tels qu’ils ont été analysés aux points 30 à 32 des décisions attaquées, ne vient contredire ce constat, de sorte qu’il y a lieu de rejeter comme non fondé le premier grief de la seconde branche, tiré, en substance, de l’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures par référence au régime des marques individuelles et aux principes rappelés dans l’arrêt du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752).

67      En effet, les éléments de preuve en question, constitués notamment de données sur les volumes de production et de vente pour les années 2011 à 2014, sur les efforts de promotion et de marketing, d’extraits de magazines culinaires ou d’articles de presse, concernent le fromage halloumi en tant que spécialité fromagère de Chypre depuis au moins le début du XXe siècle, voire depuis la période de la domination vénitienne de Chypre au XVIe siècle, mais sans qu’il soit possible de rattacher le terme « halloumi », en caractères latins, ou « χαλλούμι », en caractères grecs, utilisés à titre générique pour désigner un type de fromage, au régime de certification instauré à partir de 1992. Ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, il apparaît, au regard de ces divers éléments, que ce terme, et ce quel que soit le type de caractères dans lequel il est écrit, n’est perçu par le public chypriote que comme le nom d’un type de fromage produit à Chypre.

68      Ainsi, il y a lieu de considérer que le terme « halloumi » ou « χαλλούμι » sera directement compris par le public pertinent comme décrivant les caractéristiques du produit, voire sa provenance en ce qu’il s’agit d’un produit traditionnel de Chypre, et non comme une indication de sa qualité certifiée, ni même comme une indication de cette qualité. Il y a donc lieu de constater que les marques antérieures, composées exclusivement du terme « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, en ce qu’elles sont descriptives des caractéristiques et de la provenance du produit qu’elles désignent, ne possèdent qu’un faible caractère distinctif intrinsèque et que l’existence d’un caractère distinctif accru n’apparaît pas davantage démontrée.

69      En tout état de cause, il y a également lieu de relever que la question de savoir si le respect effectif par le titulaire de la marque contestée des caractéristiques garanties par la République de Chypre en tant que titulaire des marques antérieures relève de la fonction essentielle de ces marques est étrangère au champ de la protection conférée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En effet, cette question relève tout au plus de l’usage d’une marque en ce qu’elle pourrait porter préjudice à la fonction essentielle d’une marque de certification et induire le public en erreur sur la certification des caractéristiques du produit (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, BBQLOUMI, T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 48).

70      Au surplus, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 34 des décisions attaquées, que, si une demande d’appellation d’origine protégée pour le fromage halloumi a été déposée par la République de Chypre, son dépôt est intervenu le 28 juillet 2015, soit postérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, de sorte que cet élément est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées.

71      De même, rien ne permet de remettre en cause les motifs figurant au point 35 des décisions attaquées, selon lesquels les décisions des juridictions nationales invoquées par la République de Chypre devant la chambre de recours seraient dénuées de pertinence pour les cas d’espèce, en particulier parce que, lorsque les décisions attaquées ont été adoptées, elles n’étaient pas définitives, qu’elles concernaient un droit antérieur différent ou qu’elles examinaient des questions étrangères aux litiges en cause en l’espèce.

72      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le second grief de la deuxième branche, tiré en substance du fait que, lors de l’évaluation des critères destinés à l’appréciation globale du risque de confusion, les marques antérieures auraient été considérées comme présentant un caractère purement descriptif, et de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que, en raison de leur signification descriptive, les marques antérieures possédaient un caractère distinctif intrinsèque faible et que rien ne permettait de considérer qu’elles auraient acquis un caractère distinctif accru en raison de leur usage.

 Sur les éléments dominants ou les plus distinctifs de la marque contestée

73      Au point 41 des décisions attaquées, la chambre de recours a procédé à une description de la marque contestée, en exposant que cette dernière correspondait à une représentation figurative composée du mot « halloumi » écrit en grandes lettres vert clair, en dessous duquel figurait directement le mot « χαλλούμι » en bleu clair, sous lequel figurait, légèrement plus au centre du signe, le mot « vermion », écrit en lettres bleu clair légèrement plus petites et plus épaisses, sous lequel figuraient à leur tour les mots « grill cheese/grill est/grill kase », à peine lisibles, inscrits en caractères bleus de très petite taille. Ces mots apparaissent sur un fond rectangulaire blanc apposé sur une photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, au-dessus des mots « mediterranean cuisine under authentic cypriot recipe », écrits entre guillemets et en caractères bleus de très petite taille. Sous ces éléments figure un élément blanc ressemblant à une petite lettre « m » stylisée et placée sur un fond circulaire jaune, sous lequel figurent le mot « belas » en lettres majuscules grises épaisses et l’expression en lettres de petite taille « premium greek dairy since 1927 ».

74      La chambre de recours a estimé, au point 42 des décisions attaquées, que, malgré la présence du mot « halloumi » dans la partie supérieure du signe contesté, il n’y avait pas lieu de considérer qu’il formait le « début » dudit signe, qui, étant donné son caractère complexe, ne comportait pas de début à proprement parler. Ainsi, le mot « vermion », bien que légèrement plus petit que le mot « halloumi », mais plus grand que le mot « χαλλούμι », occuperait une position tout aussi frappante sur le plan visuel et serait plus proche de la partie centrale de la marque, tandis que le mot « belas » écrit en lettres majuscules grises, en caractères gras, dans la partie inférieure droite ne serait pas négligé. Étant donné que les consommateurs auraient tendance à porter leur attention sur des mots plutôt que sur des éléments figuratifs, le point jaune contenant l’élément blanc revêtirait une importance secondaire dans l’impression d’ensemble produite par la marque contestée. En raison de sa position et de sa stylisation, et contrairement à ce que la description du signe en cause laisserait entendre, il ne serait pas perçu comme étant lié au mot « belas » placé au-dessous. Le public pertinent comprendrait le mot « χαλλούμι » comme « halloumi » et ne tiendrait pas compte de sa signification descriptive. En ce qui concerne spécifiquement le terme « χαλλούμι », il ne disposerait pas d’un caractère distinctif plus élevé du fait qu’il serait l’unique élément en caractères grecs, dans la mesure où le grec est une langue officielle de Chypre et que le public pertinent ne comprendrait que sa signification descriptive, qu’il soit ou non accompagné d’autres mots en caractères latins. Ces constatations s’appliqueraient également aux expressions « grill cheese/grill est/grill kase » et « mediterranean cuisine under authentic cypriot recipe », qui revêtiraient une importance secondaire. Elles seraient comprises par le public pertinent anglophone comme de simples explications de la nature et de la qualité des produits en cause, tout comme la photographie de fromage halloumi grillé.

75      Par ailleurs, en ce qui concerne les éléments distinctifs du signe contesté, la chambre de recours a estimé, aux points 44 et 45 des décisions attaquées, que les mot « halloumi » et « χαλλούμι » étaient descriptif du fromage pour le public pertinent. Ce caractère descriptif serait renforcé par les éléments figuratifs représentant du fromage grillé et par l’intitulé « grill cheese/grill est/grill kase ». Par conséquent, les termes « vermion » et « belas », qui n’auraient pas de signification au regard des produits en cause, seraient les éléments dominants et distinctifs du signe. À cet égard, le mot « vermion » ne revêtirait aucune signification pour le public pertinent. Le nom d’une chaîne de montagnes en Grèce, connue pour son domaine skiable, ne véhiculerait aucune signification susceptible de décrire les produits demandés compris dans la classe 29, indépendamment de la question de savoir si le grand public chypriote serait ou non familiarisé avec ce nom.

76      Ces appréciations de la chambre de recours, outre qu’elles ne sont pas expressément contestées par les parties, apparaissent exactes et doivent être partiellement approuvées. Il est en effet possible de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir considéré que, pris avec les éléments « vermion » et « belas », l’élément « halloumi » dominait également l’impression visuelle globale produite par la marque contestée. La chambre de recours a néanmoins constaté à bon droit que les éléments « vermion » et « belas » figuraient parmi les éléments dominants au sein de cette marque et que, par ailleurs, ils en constituaient les éléments les plus distinctifs. S’il est exact que le terme « vermion » désigne un lieu, celui-ci est situé en Grèce, alors que le terme « halloumi » renvoie spécifiquement à un fromage produit à Chypre, de sorte que rien ne permet de considérer que le public pertinent est susceptible d’établir un lien entre le terme « vermion » et le lieu d’origine des produits en cause ou de leurs ingrédients constitutifs. Pour le public pertinent défini comme étant le grand public chypriote, les éléments verbaux « vermion » et « belas » figurent donc parmi les éléments dominants au sein de la marque contestée, dont ils constituent au surplus les éléments les plus distinctifs.

 Sur la comparaison des signes en conflit

77      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

78      En premier lieu, s’agissant de la comparaison visuelle, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

79      Selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée].

80      Les marques antérieures sont constituées du terme « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, tandis que la marque contestée est une représentation figurative composée de plusieurs éléments verbaux ainsi que d’une photographie.

81      Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’analyse de la marque contestée, parmi les éléments dont cette dernière est constituée, les mots « vermion » et « belas », qui comptent parmi les éléments dominants, sont les plus distinctifs, le mot « halloumi » ne revêt par conséquent qu’un caractère secondaire dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque.

82      Dès lors, il y a lieu d’approuver la constatation de l’existence d’une similitude visuelle très faible entre les signes en conflit, ainsi que cela est mentionné au point 46 des décisions attaquées, dans la mesure où lesdits signes ne coïncident qu’au niveau du mot « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, auxquels les consommateurs ne prêteront, dans le cas de la marque contestée, que peu d’attention en raison de leur signification descriptive.

83      En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison phonétique, la chambre de recours a retenu, au point 47 des décisions attaquées, que la similitude phonétique des signes en conflit était faible, car, en dépit de la présence des mots « halloumi » et « χαλλούμι » dans chacun de ces signes, les consommateurs abrégeraient la prononciation du signe contesté pour ne prononcer que « vermion » ou « belas ».

84      Cette appréciation doit être approuvée. En effet, si la présence commune des mots « halloumi » et « χαλλούμι » dans les marques en conflit entraîne un certain degré de similitude phonétique, celui-ci est très fortement atténué par la présence d’autres éléments verbaux dans la marque contestée, qui ont vocation à être davantage prononcés par les consommateurs quand ils se référeront à ladite marque, dès lors que, au sein de celle-ci, ces éléments font partie des éléments dominants et qu’ils constituent au surplus les éléments les plus distinctifs.

85      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé, au point 48 des décisions attaquées, qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle, car le signe contesté était dans son ensemble dépourvu de signification, et que la présence d’un terme descriptif commun ne saurait engendrer une similitude conceptuelle pertinente pour l’appréciation du risque de confusion.

86      Cette analyse de la chambre de recours ne saurait toutefois être suivie. S’il est exact que les marques antérieures véhiculent le concept d’un type de fromage chypriote, en l’occurrence le fromage halloumi, il ne saurait être exclu que, dans une certaine mesure, la marque contestée véhicule un concept comparable. En effet, pour le public pertinent, le terme « halloumi », en caractères latins, ou « χαλλούμι », en caractères grecs, associé à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, est également susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi.

87      Toutefois, dans la mesure où les éléments « halloumi » ou « χαλλούμι » ne jouent dans la marque contestée qu’un rôle secondaire, en particulier par rapport aux éléments dominants et les plus distinctifs « vermion » et « belas », il est probable que le concept qu’ils véhiculent, même associé à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, ne soit pas perçu d’emblée par le public pertinent comme un élément visant à identifier l’origine commerciale des produits visés, à l’inverse des termes « vermion » et « belas », qui sont plus distinctifs, dès lors qu’ils ne véhiculent aucun concept précis ou que, s’agissant du terme « vermion », il renvoie, tout au plus, à un lieu sans rapport direct avec les produits en cause.

88      Dans ces conditions, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours dans les décisions attaquées, les signes en conflit ne sont pas totalement différents sur le plan conceptuel, mais ils présentent sur ce plan un degré de similitude qui peut être qualifié de faible.

89      Il y a donc lieu de constater que la chambre de recours a commis une erreur lors de la comparaison des signes en conflit, en l’occurrence lors de l’évaluation de la similitude sur le plan conceptuel. L’incidence éventuelle de cette erreur sur la légalité des décisions attaquées sera examinée ci-après, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur l’analyse globale du risque de confusion

90      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

91      En l’espèce, il convient de rappeler que, au point 53 des décisions attaquées, la chambre de recours a conclu que, du fait que les marques en conflit coïncidaient uniquement par les éléments descriptifs « halloumi » et « χαλλούμι », tout en différant par des éléments qui, au sein de la marque contestée, étaient dominants, et au surplus les plus distinctifs, en l’occurrence les termes « vermion » et « belas », absents des marques antérieures, et compte tenu du faible caractère distinctif de ces dernières, les différences entre les marques en conflit étaient suffisantes pour les distinguer avec certitude, que ce soit pour désigner des produits identiques ou, a fortiori, similaires.

92      À cet égard, dans la mesure où l’existence d’un risque de confusion présuppose, à la fois, une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, le constat de l’absence d’un risque de confusion doit, en tout état de cause, être approuvé en ce qui concerne les « œufs » et les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes », visés par la marque contestée, puisqu’ils sont différents des produits couverts par les marques antérieures.

93      En revanche, en ce qui concerne les autres produits visés par la marque contestée et identiques ou semblables, à différents degrés, aux produits désignés par les marques antérieures, l’existence d’un risque de confusion ne saurait d’emblée être exclue, de sorte qu’il y a lieu de procéder à l’appréciation globale de ce risque au regard de tous les facteurs pertinents.

94      Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, celle-ci tient, d’une part, à la présence des termes « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, dans le signe contesté, alors que ces termes correspondent également aux uniques éléments dont sont composées les marques antérieures, ce qui est à l’origine d’un très faible degré de similitude sur le plan visuel et d’un faible degré de similitude sur les plans phonétique et conceptuel, et, d’autre part, au fait que ces termes, associés à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, sont susceptibles de renvoyer au concept de fromage halloumi.

95      Ces considérations doivent toutefois être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public sera en présence de l’élément verbal qui compose le signe contesté, son attention sera davantage attirée par les éléments revêtant les caractéristiques d’éléments à la fois dominants et distinctifs au sein dudit signe, en l’occurrence les termes « vermion » et « belas », qui sont absents des signes antérieurs. En outre, s’il est exact que le termes « halloumi », en caractères latins, ou « χαλλούμι », en caractères grecs, associés à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, sont susceptibles de renvoyer au concept de fromage halloumi, l’élément figuratif dans le signe contesté joue également un rôle différenciateur non négligeable dans la mesure où les signes antérieurs, de nature verbale, n’en sont pas pourvus.

96      Ainsi, les termes « halloumi », en caractères latins, ou « χαλλούμι », en caractères grecs, principaux éléments à l’origine de la similitude existant entre les signes en conflit, ne contribuent pour ainsi dire pas au caractère distinctif de la marque contestée, puisque les éléments « vermion » et « belas » de ladite marque ont été considérés comme les éléments qui retiendraient le plus l’attention du public pertinent en raison de leur caractère dominant et le plus distinctif, alors que les marques antérieures ne jouissaient, quant à elles, que d’un faible caractère distinctif intrinsèque.

97      Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas, en lui-même, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), il apparaît toutefois que, lorsque les éléments de similitude existant entre plusieurs signes tiennent au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est, lui-même, faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

98      Dans ces conditions, le faible degré de similitude qui existe en l’espèce entre les signes en conflit sera peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, puisque lesdits signes coïncident uniquement sur les termes « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, qui, tout en n’étant pas les éléments les plus distinctifs au sein de la marque contestée, sont intrinsèquement faiblement distinctifs pour le public pertinent, qui les comprendra tout au plus comme une référence au fromage halloumi et, donc, comme le type de produits désignés par ladite marque.

99      Deuxièmement, s’agissant du caractère distinctif des marques antérieures, d’une part, celles-ci sont dotées d’un degré de caractère distinctif intrinsèque faible et, d’autre part, la République de Chypre n’a pas démontré l’existence d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage, dans la mesure où les éléments de preuve versés aux débats ne permettent pas de constater que le public pertinent, en présence des marques antérieures, les associera à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elles renvoient au nom générique de ce type de fromage, plutôt qu’à l’origine commerciale des produits désignés par celles-ci, en ce qu’ils proviennent des personnes autorisés à utiliser lesdites marques ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces personnes ou au titulaire de ces mêmes marques.

100    Dans ces conditions, le niveau de protection conféré par les marques antérieures, eu égard à leur faible degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut, lui-même, qu’être faible.

101    Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait qu’une partie des produits désignés par la marque contestée, en l’occurrence les « fromages halloumi », sont identiques aux produits désignés par les marques antérieures et qu’une autre partie de ces produits, en l’occurrence le « lait » et les « produits laitiers », la « viande, [le] poisson, [la] volaille et [le] gibier [ainsi que les] extraits de viande » et les « huiles et graisses comestibles », sont similaires, à différents degrés.

102    À ce titre, il convient de rappeler que tous les produits en cause sont des produits de consommation courante, lors de l’achat desquels le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen.

103    Il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur le fait que les produits ou les services visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures proviennent tous de personnes autorisées par le titulaire de ces dernières à les utiliser dans le cadre du régime de certification dans lequel elles s’inscrivent ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées audites personnes ou audit titulaire.

104    Or, en l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, même pour les produits désignés par la marque contestée qui sont identiques au produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné désigné par les marques antérieures.

105    En effet, lorsque le public pertinent sera en présence de la marque contestée et à supposer qu’il porte également son attention sur les éléments « halloumi » ou « χαλλούμι » contenus dans celle-ci, ce qui est peu probable compte tenu du fait que ces éléments sont peu distinctifs et qu’ils présentent un caractère descriptif par rapport aux produits désignés par cette marque, voire même qu’il perçoive que la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi, il n’établira pas de lien entre cette même marque et les marques antérieures dans la mesure où, d’une part, il établira tout au plus un lien entre ces dernières et le produit qu’elles désignent, à savoir un produit laitier se présentant sous la forme de fromage halloumi frais ou affiné et, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

106    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en dépit des erreurs qu’elle a commises, tout d’abord, lors de la comparaison des produits désignés par les marques en conflit, ensuite, lors de l’évaluation des éléments dominants au sein de la marque contestée et, enfin, lors de la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a en l’espèce conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion.

107    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

108    Le second moyen comporte deux branches.

109    Premièrement, selon la République de Chypre, la chambre de recours a appliqué un critère erroné pour apprécier la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée. En effet, elle aurait en substance estimé que, dès lors que les marques antérieures étaient composées d’un terme qui désignait un type de fromage spécifique, il ne pouvait être reproché à un producteur de fromage, même s’il n’était pas autorisé à produire du fromage dans le cadre du régime de certification établi par la République de Chypre, d’utiliser ce terme afin de décrire le fromage qu’il produisait. Ce raisonnement reposerait sur la constatation erronée du caractère descriptif des marques antérieures.

110    Deuxièmement, à l’appui de sa conclusion tenant à l’absence de mauvaise foi du titulaire de la marque contestée, la chambre de recours aurait constaté l’absence d’indication d’une intention malhonnête chez ce dernier, alors que, dans la jurisprudence de la Cour, la malhonnêteté ne constituerait pas un critère d’appréciation de la mauvaise foi. La chambre de recours aurait donc commis une erreur et aurait dû conclure que la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi et était donc nulle pour ce motif.

111    L’EUIPO conteste les arguments avancés par la République de Chypre et conclut au rejet du second moyen.

112    L’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sous le titre « Causes de nullité absolue », énonce ce qui suit :

« La nullité de la marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[EUIPO] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : […]

b)      lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. »

113    Tout d’abord, il convient de rappeler que, lorsqu’une notion figurant dans le règlement no 207/2009 n’est pas définie par celui-ci, la détermination de sa signification et de sa portée doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel cette notion est utilisée et des objectifs poursuivis par ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 43 et jurisprudence citée).

114    Il en va ainsi de la notion de « mauvaise foi » figurant à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en l’absence de toute définition de cette notion par le législateur de l’Union européenne.

115    Alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et les règlements no 207/2009 et 2017/1001 adoptés successivement s’inscrivent dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

116    Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

117    Ensuite, l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 37 et 42). Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement.

118    Par ailleurs, il y a également lieu de relever que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’est nullement requis que le demandeur en nullité soit titulaire d’une marque antérieure désignant des produits ou des services identiques ou semblables à ceux de la marque dont il sollicite la nullité (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2019, Outsource Professional Services/EUIPO, C‑528/18 P, non publié, EU:C:2019:961, point 72 et jurisprudence citée).

119    Il résulte seulement de l’interprétation fournie par la Cour au point 53 de l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), que, lorsqu’il est établi qu’une utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires existait et prêtait à confusion, il y a lieu d’examiner, dans le cadre de l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce, si le demandeur d’une marque à l’enregistrement en avait connaissance. Cet élément n’est toutefois qu’un facteur pertinent parmi d’autres à prendre en considération (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 55). En effet, la circonstance que ledit demandeur savait ou devait savoir qu’un tiers utilisait, dans au moins un État membre, depuis longtemps un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 40).

120    Enfin, l’éventuel caractère descriptif d’un élément dont est constituée une marque de l’Union européenne, notamment un élément verbal, ne fait pas obstacle à la constatation de la mauvaise foi du titulaire de ladite marque lorsqu’il a demandé son enregistrement (voir, par analogie, arrêt du 13 novembre 2019, Outsource Professional Services/EUIPO, C‑528/18 P, non publié, EU:C:2019:961, point 69).

121    Au point 59 des décisions attaquées, la chambre de recours a estimé qu’elle ne voyait rien de malhonnête dans le fait qu’un producteur de fromage utilisât des mots désignant un type de fromage spécifique afin de décrire le fromage qu’il produisait et que la simple connaissance de l’existence de droits antérieurs détenus par des concurrents n’était pas constitutive de mauvaise foi. À cet égard, le libellé de la marque contestée, en particulier l’expression « mediterranean cuisine under authentic cypriot recipe », constituerait une référence à la tradition de production de fromage halloumi à Chypre et non au régime de certification instauré par la République de Chypre à partir de l’année 1992, de sorte que le simple fait que la titulaire de la marque contestée ne fût pas autorisée à produire du fromage halloumi dans le cadre de ce régime de certification n’aurait pas été constitutif de mauvaise foi. La question de savoir si d’autres sociétés laitières grecques pouvaient décider de produire du fromage halloumi à Chypre aurait donc été dénuée de pertinence. De même, il n’y aurait pas eu lieu de prendre en compte les décisions de juridictions grecques concluant à la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée.

122    En l’espèce, il est constant que, lorsque la titulaire de la marque contestée a déposé la demande d’enregistrement de ladite marque, le 26 septembre 2013, les marques antérieures étaient déjà enregistrées depuis plusieurs années, en l’occurrence depuis le 25 juin 1992. Bien que les éléments du dossier ne permettent pas de se prononcer avec certitude sur ce point, il ne saurait être exclu que, lors du dépôt de la marque contestée, la titulaire de ladite marque ait eu connaissance de l’existence des marques antérieures.

123    Toutefois, les marques antérieures présentent la particularité d’être uniquement constituée de termes, en l’occurrence « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, qui correspondent également au nom générique d’un type particulier de fromage produit à Chypre selon une recette spéciale (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 76).

124    À cet égard, il y a lieu de relever que les éléments de preuve produits par la République de Chypre lors de la procédure devant l’EUIPO afin de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage des marques antérieures, dont certains datent du début du XXe siècle, permettent de constater un usage ancien du terme « halloumi » pour désigner un type de fromage produit à Chypre, bien avant l’enregistrement des marques antérieures.

125    Dans ces conditions, bien que l’éventuel caractère descriptif d’un élément dont est constituée une marque de l’Union européenne, notamment un élément verbal, ne fasse pas obstacle à la constatation de la mauvaise foi du titulaire de ladite marque, l’usage des termes « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, parmi les éléments verbaux dont est constituée une marque figurative complexe, à l’instar de la marque contestée, doit a priori s’analyser comme l’usage d’un terme descriptif des produits désignés par ladite marque, ces produits pouvant être du fromage halloumi ou comporter ce type de fromage dans leur composition.

126    En effet, les droits que tire la République de Chypre de l’enregistrement des marques antérieures, fussent-elles des marques de certification, ne peuvent en effet lui conférer en toutes circonstances un droit d’usage exclusif sur le terme « halloumi », alors que, au demeurant, l’étendue des droits dont elle dispose en vertu desdites marques est déterminée par le caractère distinctif de celles-ci, intrinsèque ou acquis par l’usage, dont il y a lieu de rappeler qu’il est en l’espèce faible.

127    Au surplus, s’agissant de la référence par la chambre de recours au critère de la malhonnêteté, contrairement à ce que soutient la République de Chypre, il apparaît à plusieurs reprises dans la jurisprudence du Tribunal, ainsi que le fait valoir l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2019, Mouldpro/EUIPO – Wenz Kunststoff (MOULDPRO), T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 80 ; du 14 mai 2019, Moreira/EUIPO – Da Silva Santos Júnior (NEYMAR), T‑795/17, non publié, EU:T:2019:329, point 23, et du 23 mai 2019, Holzer y Cia/EUIPO – Annco (ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR), T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 31]. Ledit critère est également mentionné, en substance, au point 60 des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:148), dans le sens où l’« intention malhonnête » de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne permet d’évaluer la motivation subjective de cette personne. La chambre de recours a donc pu, sans commettre d’erreur, se fonder notamment sur ce critère pour évaluer la mauvaise foi alléguée du titulaire de la marque contestée.

128    Enfin, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 71 ci-dessus, les décisions des juridictions nationales invoquées par la République de Chypre devant la chambre de recours doivent être considérées comme dénuées de pertinence pour caractériser l’éventuelle mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée.

129    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, d’une part, la chambre de recours n’a pas appliqué un critère erroné pour apprécier l’éventuelle mauvaise foi du titulaire de la marque contestée et, d’autre part, l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce ne permet pas de parvenir au constat de la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée lors du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque.

130    Il y a donc lieu de déclarer non fondées les deux branches du second moyen et, partant, de rejeter ledit moyen et les recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

132    En l’espèce, la République de Chypre ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La République de Chypre est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.