Language of document : ECLI:EU:T:2021:212

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

21 avril 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale APO – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑282/20,

Apologistics GmbH, établie à Markkleeberg (Allemagne), représentée par Mes H. Hug et S. Schreiber, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl et Mme A. Söder, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Markus Kerckhoff, demeurant à Bergisch Gladbach (Allemagne), représenté par Me M. Douglas, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 25 février 2020 (affaire R 982/2019-5), relative à une procédure de nullité entre M. Kerckhoff et Apologistics,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 23 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 4 août 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 juillet 2010, la requérante, Apologistics GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal APO.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, à la description suivante :

–         « Services de vente en gros et au détail sur Internet (vente par correspondance en ligne) dans les domaines : produits chimiques, produits de droguerie, produits cosmétiques, produits du secteur de la santé ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2010/180, du 24 septembre 2010, et la marque contestée a été enregistrée le 29 juillet 2015 pour les services mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 25 septembre 2017, l’intervenant, M. Markus Kerckhoff, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001].

6        Par décision du 7 mars 2019, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité en déclarant nulle la marque contestée pour les services énumérés au point 3 ci-dessus.

7        Le 7 mai 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 25 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Plus particulièrement, elle a considéré que la marque contestée était purement descriptive et non distinctive dans le contexte des services litigieux, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêts du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix-Energetics), T‑313/11, non publié, EU:T:2013:603, point 47 et jurisprudence citée, et du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée), T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297, point 17 et jurisprudence citée].

12      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 juillet 2010, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties aux dispositions du règlement 2017/1001, comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

14      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, des violations combinées de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et le second, des violations combinées de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours d’avoir procédé à une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque contestée et d’avoir considéré à tort que cette dernière possédait un caractère descriptif.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), conjointement avec celle de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

15      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours relative au caractère descriptif de la marque contestée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Elle fait valoir qu’il n’existe pas un rapport suffisamment direct et concret entre le signe et les services en cause.

16       L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

17      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

18      Ainsi, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de services, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

19      En outre, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 s’oppose à ce que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31, et du 27 février 2015, Universal Utility International/OHMI (Greenworld), T‑106/14, non publié, EU:T:2015:123, point 14].

20      Ainsi, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [voir arrêt du 14 juillet 2017, Klassisk investment/EUIPO (CLASSIC FINE FOODS), T‑194/16, non publié, EU:T:2017:498, point 22 et jurisprudence citée].

21      Il en résulte que, pour qu’un signe relève de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits et de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 14 juillet 2017, CLASSIC FINE FOODS, T‑194/16, non publié, EU:T:2017:498, point 20 et jurisprudence citée).

22      En outre, la chambre de recours n’a pas l’obligation de prouver que le signe dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé figure dans le dictionnaire. Le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation pertinente telle qu’interprétée par le juge de l’Union [arrêts du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, EU:T:2004:227, point 54 ; du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 34, et du 23 octobre 2007, BORCO-Marken-Import Matthiesen/OHMI (Caipi), T‑405/04, non publié, EU:T:2007:315, point 42].

23      C’est à la lumière de ces principes communs au motif absolu de refus de l’enregistrement, tel que prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, et à la cause de nullité absolue, telle que prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement, qui renvoie à l’article 7 de celui-ci, qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision attaquée, la marque contestée ne présente pas un caractère descriptif.

 Sur le public pertinent

24      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté aux points 25 et 26 de la décision attaquée que les services en cause étaient destinés au grand public ainsi qu’aux professionnels, notamment les professionnels de la médecine, les infirmiers, le personnel de gériatrie, le personnel hospitalier ou les esthéticiens. Le niveau d’attention dudit public peut dès lors varier, comme ladite chambre l’a également relevé au point 27 de la décision attaquée, de moyen à élevé, selon que ces services portent sur des produits qui peuvent avoir des conséquences sur la santé des consommateurs finaux ou portent sur des produits qui peuvent avoir une influence directe ou indirecte sur leur santé.

25      Comme l’a indiqué la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, tous les services concernés s’adressent en premier lieu ou également au public professionnel. En l’espèce, il suffit que, du point de vue de ce public, il existe un motif de refus, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, pour que la chambre de recours annule la marque contestée [arrêts du 17 septembre 2008, Prana Haus/OHMI (PRANAHAUS), T‑226/07, non publié, EU:T:2008:381, points 26, 29 et 35, et du 18 novembre 2015, Research Engineering & Manufacturing/OHMI – Nedschroef Holding (TRILOBULAR), T‑558/14, non publié, EU:T:2015:858, point 22].

26      En outre, dès lors que la marque contestée est, comme il est exposé ci-après, l’abréviation du mot allemand « Apotheke », la chambre de recours a retenu au point 28 de ladite décision que l’appréciation de son caractère descriptif devait s’effectuer au regard du public des États membres de l’Union d’expression germanophone.

27      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

 Description de la marque

28      S’agissant de la question de savoir si le public pertinent percevra la marque verbale contestée comme étant descriptive au regard des services en cause, il y a lieu de relever que celle-ci se compose du seul élément « apo », composé de trois lettres.

 Caractère descriptif de la marque

29      La chambre de recours a considéré, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, que, quand bien même il ressortirait de la jurisprudence que l’EUIPO n’a pas l’obligation de prouver que la marque contestée figurait dans le dictionnaire, en l’espèce, les preuves soumises par l’intervenant démontraient que cette abréviation faisait partie du vocabulaire allemand. En outre, elle a estimé que la communication et la décision du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques, ci-après le « DPMA »), produites par l’intervenant dans les annexes 1 et 2 de son mémoire du 20 novembre 2018 (dossier EUIPO, pages 329 et suivants ainsi que pages 335 et suivants), indiquaient que le public professionnel ciblé par tous les services comprendrait le terme « apo » dans le sens de « Apotheke ».

30      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation sur l’usage fréquent de l’élément verbal « apo » pour différentes pharmacies effectuant de la vente  par correspondance et leur adresse URL, et non sur l’usage linguistique normal. À cet égard, elle soutient que tous les exploitants de pharmacies effectuant de la vente  par correspondance en ligne qui ont fait figurer l’élément « apo » dans leur signe y ont parallèlement introduit une indication explicative selon laquelle il s’agit d’une pharmacie effectuant de la vente  par correspondance ou d’une pharmacie en ligne.

31      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément aux articles 52 et 55 du règlement no 207/2009, une marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. La marque contestée bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement. Dans ces circonstances, il appartient à la partie ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque contestée, comme son prétendu caractère descriptif [voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, points 27 à 29].

32      En l’espèce, l’intervenant a soutenu devant les instances de l’EUIPO que le mot « apo » serait perçu comme étant l’abréviation du mot allemand « Apotheke », soit « pharmacie ». Aux fins d’étayer son argument quant au caractère descriptif de la marque contestée, l’intervenant a produit, comme il a été relevé au point 29 ci-dessus, d’une part, une communication du DPMA datée du 6 août 2010 (dossier EUIPO, pages 329 et suivants), et d’autre part, une décision du DPMA datée du 19 juin 2012 (dossier EUIPO, page 335 et suivants).

33      Premièrement, la communication du DPMA datant de 2010 était accompagnée d’un extrait du dictionnaire Duden « Das Wörterbuch der Abkürzungen » (Dictionnaire des abréviations). Dans cet extrait, les termes « ApoG » et « ApoGÄG » y étaient recensés comme signifiant respectivement la « loi sur les pharmacies » et la « loi d’amendement de la loi sur les pharmacies ». En outre, dans la décision du DPMA datant de 2012, l’examinatrice faisait référence au « Beckers Abkürzungslexikon Medizinischer Begriffe » (Lexique Becker d’abréviations de termes médicaux, 5e édition, page 42), pour établir que le terme « apo » signifiait « Apotheke ».

34      Deuxièmement, les mêmes éléments de preuve produits par l’intervenant montrent que l’élément verbal « apo » est fréquemment utilisé en tant qu’abréviation du terme « Apotheke » dans des adresses URL de pharmacies effectuant de la vente  par correspondance domiciliées en Allemagne et liées à des pharmacies en ligne. Ainsi, comme il a été relevé à juste titre par l’intervenant, plusieurs pharmacies sous un nom qui se compose du terme « apo » et d’un autre élément offrent leurs services en ligne en Allemagne.

35      Troisièmement, ainsi qu’il a été relevé par la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, il est notoire que les « produits chimiques, produits de droguerie, produits cosmétiques, produits du secteur de la santé » sont habituellement vendus par des pharmacies au client final et achetés par des pharmacies à des grossistes afin qu’ils soient revendus. Cette constatation est ainsi confirmée par le Code de la déontologie des pharmacies allemand (annexe 1 du mémoire de l’intervenant du 25 septembre 2017, dossier EUIPO, pages 23 et 24) qui cite lesdits produits en tant que « Produits habituellement vendus en pharmacie ».

36      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que les personnes qui utilisent ce signe, à savoir le public professionnel, considèrent que ledit terme est une indication descriptive des services en cause.

37      Quatrièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que certaines pharmacies effectuant de la vente  par correspondance utilisent le terme « apo » parallèlement à l’indication « Apotheke » ne modifie pas la perception qu’en a le public pertinent, au regard des services litigieux. À cet égard, comme il a été relevé à juste titre par l’EUIPO dans son mémoire, la requérante admet elle-même qu’il existe des pharmacies en ligne qui n’utilisent pas le mot « Apotheke » en parallèle avec l’abréviation « apo », mais uniquement cette dernière abréviation. En outre, ainsi qu’il a été relevé aux points 24 et 25 ci-dessus, le public pertinent étant composé au moins des professionnels, ces derniers pourraient identifier le terme « Apotheke » dans le signe en cause par rapport aux services revendiqués, ceux-ci étant fournis dans le contexte d’une pharmacie en ligne.

38      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a pu considérer, sans commettre d’erreur d’appréciation, que les preuves produites étaient suffisantes pour établir un usage généralisé du terme « apo » comme abréviation du terme « Apotheke » et comme indication des services de vente en ligne des produits qui y sont habituellement vendus.

39      Par conséquent, il convient de constater que, au moins le public professionnel ciblé, comprend immédiatement et sans autre réflexion la marque contestée comme une indication purement descriptive concernant la nature et les fournisseurs des services litigieux. Ce caractère descriptif de ladite marque est suffisant pour l’application de la cause de nullité absolue prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement. Il n’y a donc pas lieu d’accueillir le grief de la requérante à cet égard.

40      Les autres arguments de la requérante ne permettent pas de remettre en cause cette conclusion.

 Autres arguments de la requérante

41      En premier lieu, la requérante fait valoir que l’EUIPO a déjà enregistré la marque verbale advo, abréviation du terme néerlandais « advocaat » qui signifie avocat, pour des conseils juridiques et des services juridiques. Ledit terme était également utilisé dans des adresses URL. Dans ce cas, l’EUIPO avait considéré que l’utilisation dudit élément était allusive et suggestive, et non pas descriptive.

42      En l’espèce, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 48 de la décision attaquée, que les circonstances de la présente affaire se distinguent de celles de l’affaire ayant donné lieu à la décision de la division d’annulation du 10 mars 2016 en ce que les marques et les services en cause sont différents. Au surplus, il convient de rappeler que l’EUIPO n’est pas tenu par sa pratique décisionnelle et l’application des principes d’égalité de traitement et de bonne administration doit se concilier avec le principe de légalité, chaque cas concret devant faire l’objet d’un examen rigoureux [voir, par analogie, arrêt du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 50 et jurisprudence citée].

43      En deuxième lieu, la requérante soutient que l’élément verbal « apo » est rarement utilisé par des pharmacies en ligne. Dans le cadre d’une comparaison de pharmacies effectuant de la vente  par correspondance, ledit élément ne figurait que rarement dans le nom des pharmacies (annexe A.12 de la requête). Par conséquent, une association directe entre la marque contestée et les services concernés par le public pertinent ne serait pas établie.

44      En l’espèce, il résulte de l’extrait du registre du Deutsches Institut für Medizinische Dokumentation und Information (Institut allemand de documentation et d’information médicales) produit par la requérante et l’intervenant (respectivement l’annexe A.12 de la requête et l’annexe 3 du mémoire en réponse de l’intervenant), qu’il y a plus de 50 pharmacies ayant une autorisation de vente par correspondance dont le nom commence par l’abréviation « apo ». Il existe également des pharmacies en ligne dont les adresses URL comprennent ledit élément.

45      À cet égard, ainsi qu’il a été relevé à juste titre au point 46 de la décision attaquée, le fait que certains acteurs du marché n’utilisent pas l’élément « apo » est dépourvu de pertinence pour déterminer si ledit terme est susceptible d’être perçu par le public pertinent comme une indication descriptive évoquant les services en cause. Selon la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, le caractère descriptif d’un signe est apprécié, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux services visés.

46      Par conséquent, ainsi qu’il résulte du point 39 ci-dessus, le public pertinent pouvant reconnaître immédiatement et sans autre réflexion le signe en cause comme une abréviation du terme « Apotheke » dans le contexte des services litigieux et, partant, comme une simple indication de la nature des services concernés, l’argument de la requérante doit donc être écarté.

47      En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’il existe une multitude de sens en ce qui concerne le terme « apo », aussi bien en tant qu’abréviation qu’en tant que préfixe. À l’appui de son argument, elle présente plusieurs exemples (annexes A.8 et A.10 de la requête), tels que l’expression « außerparlamentarische opposition » (opposition extraparlementaire) ou les termes « apoptose », « apostroph » (apostrophe) et « apokalypse ». En raison de ces multiples significations et utilisations de l’élément « apo », le public pertinent ne pourrait pas établir un lien direct et immédiat avec les services de vente par correspondance en ligne dans les domaines des produits chimiques, des produits de droguerie, des produits cosmétiques et des produits du secteur de la santé.

48      En l’espèce, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, compte tenu de la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, le public pertinent, au regard des services litigieux, n’est pas susceptible de percevoir le signe en cause comme l’abréviation de l’expression « außerparlamentarische opposition » (opposition extraparlementaire) ou comme le préfixe du terme « apoptose », par exemple.

49      Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir arrêt du 11 mai 2017, Bammer/EUIPO – mydays (MÄNNERSPIELPLATZ), T‑372/16, non publié, EU:T:2017:331, points 18 et 54 et jurisprudence citée].

50      Or, force est de constater que la chambre de recours a établi, à juste titre, au point 42 de la décision attaquée, que le public pertinent, confronté au signe en cause et au regard des services litigieux, le comprenait directement comme une abréviation du terme « Apotheke ». Il y a donc lieu d’écarter l’argument de la requérante relatif à la pluralité des significations du signe contesté.

51      En quatrième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte l’arrêt du 14 décembre 2017, GeoClimaDesign/EUIPO – GEO (GEO) (T‑280/16, non publié, EU:T:2017:913), dans lequel le Tribunal a conclu à l’absence de caractère descriptif du signe verbal en cause, au motif que le terme « geo » a plusieurs significations potentielles et est utilisé dans un très grand nombre de contextes différents.

52      En l’espèce, il y a lieu de relever que les circonstances de la présente affaire se distinguent de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2017, GEO (T‑280/16, non publié, EU:T:2017:913). Tant le signe que les services en cause, qui relèvent des classes 35, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice, ne sont pas comparables au présent cas. Ainsi, dans l’affaire précitée, le Tribunal a jugé que le public concerné devra procéder à une réflexion en plusieurs étapes pour parvenir à la signification du terme en cause quant aux produits revendiqués. Il a également été jugé que le préfixe « geo » connaissait de multiples utilisations dans des contextes différents (géomarketing, terre et espace, réserves naturelles, sciences de la terre), en conjonction avec d’autres termes qui en précisent la portée. En outre, les éléments de preuve fournis n’étaient pas suffisants à démontrer que ce terme était communément utilisé, en tant que tel, en association avec les services en cause.

53      Par conséquent, vu les différences mentionnées ci-dessus entre ces deux affaires, il convient d’écarter le grief de la requérante sur ce point.

54      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque contestée présentait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

55      Par conséquent, le moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), conjointement avec celle de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

56      La requérante soutient que la marque contestée, en tant que marque « évocatrice », dispose d’un caractère distinctif suffisant.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus prévus dans l’article 7 dudit règlement s’applique pour que la nullité de la marque de l’Union européenne soit déclarée.

58      Par conséquent, dès lors que, ainsi que cela ressort de l’examen du premier moyen, le signe en cause revêt un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et que ce motif justifie à lui seul de déclarer la nullité, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Apologistics GmbHest condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.