Language of document : ECLI:EU:T:2006:397

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 décembre 2006 (*)

« Marque communautaire − Procédure d’opposition – Demandes de marques communautaires figuratives VENADO avec cadre, VENADO et VENADO ESPECIAL − Marques communautaires figuratives antérieures représentant une tête de cerf vue de face inscrite dans un cercle – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans les affaires jointes T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03,

Mast-Jägermeister AG, établie à Wolfenbüttel (Allemagne), représentée par Me C. Drzymalla, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Licorera Zacapaneca SA, établie à Santa Cruz (Guatemala), représentée par Mes L. Corno Caparrós et B. Uriarte Valiente, avocats,

ayant pour objet trois recours formés contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI du 19 décembre 2002 (affaire R 412/2002‑1 et affaire R 382/2002‑1) et du 14 janvier 2003 (affaire R 407/2002‑1), relatives à des procédures d’opposition entre Licorera Zacapaneca SA et Mast‑Jägermeister AG,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 3 (affaires T‑81/03 et T‑82/03) et 19 mars 2003 (affaire T‑103/03),

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal les 14 (affaires T‑81/03 et T‑82/03) et 15 décembre 2004 (affaire T‑103/03),

vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 15 décembre 2004,

vu les suspensions décidées les 16 juin, 5 décembre 2003 et 22 avril 2004,

vu la jonction décidée le 1er juin 2006,

vu la procédure orale et à la suite de l’audience du 13 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 novembre 1998, Licorera Zacapaneca SA a présenté trois demandes d’enregistrement de marques communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les trois marques dont l’enregistrement a été demandé (ci‑après, prises ensemble, les « marques demandées ») sont les signes figuratifs reproduits ci-après, pour lesquels les couleurs revendiquées étaient le noir, le doré et le blanc, ainsi que, s’agissant uniquement des marques demandées dans les affaires T‑81/03 et T‑103/03, le rouge :


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(affaire T-81/03) (affaire T-82/03)          (affaire T-103/03)

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement des marques a été demandé sont les mêmes dans les trois cas et relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juillet 1957, tel que révisé et modifié. Plus particulièrement, la liste de produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, telle que limitée par l’intervenante le 7 février 2000, contient les produits suivants :

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Rhum, liqueurs de rhum et eaux-de-vie ».

4        Les deux demandes de marques communautaires, qui font l’objet des affaires T‑81/03 et T‑82/03, ont été publiées au Bulletin des marques communautaires n° 88/99, du 8 novembre 1999.

5        Le 24 novembre 1999, Mast-Jägermeister AG a formé deux oppositions à l’encontre de ces demandes, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Les oppositions étaient fondées sur la marque figurative communautaire antérieure de la requérante, enregistrée le 16 octobre 1998 sous le numéro 337 337 (ci-après la « marque antérieure ») et reproduite ci-après :

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6        Les produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée relèvent des classes 18, 25, 32 et 33, au sens de l’arrangement de Nice et correspondent à la description suivante :

–        classe 18 : « Parapluies, parasols » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 32 : « Boissons non alcooliques » ;

–        classe 33 : « Vins, vins mousseux, vins de fruits, vins mousseux de fruits, spiritueux ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de chaque opposition étaient l’identité de la marque demandée et de la marque antérieure et le risque de confusion entre elles, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94.

8        La troisième demande de marque communautaire de l’intervenante, qui fait l’objet de l’affaire T‑103/03, a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 38/2000, du 15 mai 2000.

9        Le 31 mai 2000, la requérante a formé une opposition à l’encontre de cette demande fondée sur la marque antérieure, évoquée au point 5 ci‑dessus, ainsi que sur sa marque figurative communautaire antérieure, enregistrée le 15 octobre 1998 sous le numéro 135 228 (ci-après la « seconde marque antérieure ») et reproduite ci-après :

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10      Les produits pour lesquels la seconde marque antérieure est enregistrée relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent à la description suivante : « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

11      Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient l’identité de la marque demandée et des deux marques antérieures et le risque de confusion entre elles, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94.

12      Dans ses communications sur les motifs de ses trois oppositions, présentées les 2 juin (affaire T‑81/03), 27 avril (affaire T‑82/03) et 3 novembre 2000 (affaire T‑103/03), ainsi que par courriers du 27 septembre 2000 (affaires T‑81/03 et T‑82/03), la requérante a invoqué les résultats de deux sondages d’opinion, réalisés en 1994 et en 1999 en Allemagne. Le sondage de 1994 aurait conclu que, pour 88 % de la population adulte allemande, la marque Jägermeister serait associée à des boissons alcooliques. Selon les conclusions du sondage de 1999, 70 % de la population allemande serait capable de faire le lien entre le nom « Jägermeister » et une représentation en noir et blanc d’une tête de cerf.

13      Par trois décisions des 25 mars (affaire T‑81/03), 27 février (affaire T‑82/03) et 14 mars 2002 (affaire T‑103/03), les divisions d’opposition ont fait droit aux oppositions et rejeté les trois demandes d’enregistrement dans leur ensemble, au motif qu’il existait un risque de confusion en Espagne, compte tenu de la similitude des signes litigieux et du fait que les produits en cause sont pour partie identiques et pour partie similaires. En ce qui concerne les deux sondages d’opinion produits par la requérante, les divisions d’opposition ont estimé que celui de 1994 n’était pas pertinent, car il se référait à la reconnaissance sur le marché de la marque Jägermeister et non de la marque antérieure. Pour ce qui est du second sondage d’opinion réalisé en 1999, les divisions d’opposition, dans leurs décisions sur les oppositions faisant l’objet des affaires T‑81/03 et T‑82/03, ont constaté que la requérante n’avait pas apporté, dans le délai imparti pour compléter ses oppositions, la représentation du dessin montré aux personnes sondées. Dans sa décision sur l’opposition faisant l’objet de l’affaire T‑103/03, la division d’opposition n’a pas davantage pris en considération ce sondage, dont tous les éléments avaient été produits en temps utile, aux motifs, d’une part, qu’il n’avait pas été démontré que dans d’autres territoires pertinents, en dehors de l’Espagne, l’élément verbal « venado especial » aurait un impact identique à celui qu’il aurait sur le public de ce pays et, d’autre part, que l’existence d’un risque de confusion en Espagne était suffisante pour rejeter la demande de marque contestée dans son intégralité. Enfin, dans la même décision, la division d’opposition a concentré son analyse sur le risque de confusion entre la marque demandée dans cette affaire et la marque antérieure et n’a pas procédé à une comparaison de la marque demandée avec la seconde marque antérieure.

14      Les 25 avril (affaire T‑82/03) et 10 mai 2002 (affaires T‑81/03 et T‑103/03), l’intervenante a formé trois recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre les décisions des divisions d’opposition précitées.

15      Par décisions des 19 décembre 2002 (affaire R 412/2002‑1 faisant l’objet du recours T‑81/03 et affaire R 382/2002‑1 faisant l’objet du recours T‑82/03) et 14 janvier 2003 (affaire R 407/2002‑1 faisant l’objet du recours T-103/03) (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’OHMI a fait droit aux recours de l’intervenante et a, par conséquent, rejeté les oppositions de la requérante. Les décisions attaquées ont été notifiées à la requérante les 2 (affaires T‑81/03 et T‑82/03) et 20 janvier 2003 (affaire T‑103/03).

16      En substance, la chambre de recours a considéré que, malgré l’identité de certains produits litigieux, compris dans les classes 32 et 33, il n’y avait aucune raison impérieuse de croire qu’il existerait un risque de confusion entre les marques demandées et la marque antérieure auprès du grand public dans une quelconque partie de la Communauté, et ce en raison de la différence desdites marques sur les plans visuel et phonétique ainsi que de l’absence de grande similitude conceptuelle entre elles. Cette conclusion, fondée essentiellement sur la comparaison des signes en conflit par la chambre de recours, serait corroborée par la fréquence du dessin d’un cerf ou d’une tête de cerf pour protéger un éventail de boissons, ainsi qu’en attesteraient huit enregistrements de marques communautaires et une recherche auprès du registre des marques du Royaume-Uni effectuée motu proprio par la chambre de recours.

17      En ce qui concerne les deux sondages d’opinion produits par la requérante, la chambre de recours, dans ses décisions du 19 décembre 2002 (affaires T‑81/03 et T‑82/03), a confirmé, essentiellement et pour les mêmes motifs, les positions des divisions d’opposition. Dans sa décision du 14 janvier 2003 (affaire T‑103/03), la chambre de recours a également confirmé la conclusion de la division d’opposition sur l’absence de pertinence du sondage de 1994. S’agissant du sondage de 1999, la chambre de recours a estimé que ses résultats ne donnaient pas d’indication sur la perception du consommateur allemand confronté à l’image d’une tête de cerf différente de l’image de tête de cerf de la marque de la requérante et accompagnée des mots étrangers « venado especial ». Selon la chambre de recours, il est difficile, dans ce cas, de croire que les consommateurs continueront à associer l’image en question à un produit de la requérante (Mast-Jägermeister). Par conséquent, même si la chambre admettait que la marque antérieure possède un caractère distinctif plus fort en Allemagne, cela n’impliquerait nullement que le public allemand confondrait la marque demandée avec la tête de cerf caractérisant les produits de la requérante. Enfin, dans la même décision, la chambre de recours a validé le raisonnement de la division d’opposition consistant à ne tenir compte, pour l’appréciation du risque de confusion dans cette affaire, que de la marque antérieure, évoquée au point 5 ci‑dessus, celle‑ci étant plus proche de la marque demandée. En effet, en cas de risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure, il serait inutile d’évaluer la seconde marque antérieure. Inversement, en cas d’absence de risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure, ledit risque serait a fortiori exclu entre la marque demandée et la seconde marque antérieure.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner le défendeur aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’intervenante aux dépens ou condamner chaque partie respectivement à ses propres dépens ;

–        à titre subsidiaire :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Lors de l’audience, l’OHMI a renoncé à sa conclusion visant à ce que la partie intervenante soit condamnée aux dépens, au cas où il serait fait droit au recours et a précisé que, dans ce cas, chaque partie devait être condamnée à supporter ses propres dépens. Le Tribunal a pris acte de cette modification dans le procès‑verbal de l’audience.

22      Lors de l’audience, l’intervenante a ajouté une conclusion sur les dépens consistant à ce que l’OHMI soit condamné à supporter les dépens de l’intervenante en cas d’annulation des décisions attaquées. L’intervenante a motivé cette conclusion en invoquant le fait que l’OHMI s’est rallié, par sa conclusion principale, à la conclusion de la requérante visant à l’annulation des décisions attaquées. Or, il ressortirait de l’arrêt de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI (C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, point 26), que cette position de l’OHMI porte atteinte à la confiance légitime de l’intervenante, laquelle s’attendrait à ce que l’OHMI défende, devant le Tribunal, les décisions de ses propres chambres de recours. Le Tribunal a pris acte de cette modification dans le procès‑verbal de l’audience.

 Sur la recevabilité des conclusions principales de l’OHMI

 Arguments des parties

23      L’OHMI considère que ses conclusions principales, visant à ce que les décisions attaquées soient annulées, sont recevables. Il invoque, à cet égard, la jurisprudence selon laquelle il n’est pas tenu de défendre systématiquement toute décision d’une chambre de recours, mais peut se rallier à une conclusion de la partie requérante ou encore s’en remettre à la sagesse du Tribunal [arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, Rec. p. II‑1845, points 34 et 36].

 Appréciation du Tribunal

24      Il convient de relever que, par ses conclusions principales, l’OHMI demande au Tribunal d’annuler les décisions attaquées. Au soutien de ces conclusions, l’OHMI présente des arguments qui tendent à démontrer que la chambre de recours a commis une erreur en niant l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

25      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans une procédure relative à un recours contre une décision d’une chambre de recours ayant statué dans le cadre d’une procédure d’opposition, l’OHMI n’a pas le pouvoir de modifier, par la position qu’il adopte devant le Tribunal, les termes du litige tels qu’ils résultent des prétentions respectives du demandeur de l’enregistrement et de la partie opposante [arrêt Vedial/OHMI, point 22 supra, point 26 ; voir arrêt du Tribunal du 1er février 2006, Dami/OHMI – Stilton Cheese Makers (GERONIMO STILTON), T‑466/04 et T‑467/04, non encore publié au recueil, point 29, et la jurisprudence citée].

26      Toutefois, il ne découle pas de cette jurisprudence que l’OHMI est tenu de conclure au rejet d’un recours introduit à l’encontre d’une décision d’une de ses chambres de recours. En effet, si l’OHMI ne dispose pas de la légitimation active requise pour introduire un recours contre une décision d’une chambre de recours, inversement, il ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision (arrêts BIOMATE, point 23 supra, point 34, et GERONIMO STILTON, point 25 supra, point 30).

27      Rien ne s’oppose donc à ce que l’OHMI se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal [arrêts du Tribunal BIOMATE, point 23 supra, point 36 ; du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, Rec. p. II‑4633, point 22, et GERONIMO STILTON, point 25 supra, point 31].

28      En revanche, l’OHMI ne peut formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête (arrêts Vedial/OHMI, point 22 supra, point 34 ; Cloppenburg, point 27 supra, point 22, et GERONIMO STILTON, point 25 supra, point 32).

29      En l’espèce, force est de constater que, dans le cadre de ses conclusions principales, l’OHMI a avancé exclusivement des arguments venant au soutien des conclusions de la requérante, selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, à tout le moins en Espagne. Dès lors, les conclusions principales présentées par l’OHMI et les arguments avancés à leur appui sont recevables dans la mesure où ceux-ci ne sortent pas du cadre des conclusions et moyens avancés par la requérante.

 Sur le fond

30      La requérante invoque, dans chacune des affaires, deux moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, deuxièmement, de la violation de l’article 73 du même règlement. Il convient d’examiner, en premier lieu, le premier moyen.

 Arguments des parties

31      La requérante, se référant à la jurisprudence relative à l’appréciation du risque de confusion, relève que, la marque antérieure étant une marque communautaire, il faut, pour apprécier ledit risque, se placer dans la perspective du public concerné dans l’ensemble de l’Union européenne. Cependant, ainsi qu’il résulterait de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il suffirait que le risque de confusion existe au moins dans une partie pertinente de l’Union européenne, telle que l’ensemble du territoire d’un État membre.

32      La requérante considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté l’identité ou la similitude des produits concernés. Elle critique, en revanche, la comparaison entre les signes effectuée par la chambre de recours.

33      À cet égard, la requérante soutient, en premier lieu, que la chambre de recours a conféré une importance excessive au terme « venado » ou, dans l’affaire T‑103/03, aux mots « venado especial ». Eu égard à la signification du terme « venado » en espagnol (cerf), il ne ferait, pour le consommateur hispanophone, que décrire l’image contenue dans les marques demandées. Cette image aurait, par sa seule taille, une position dominante dans les marques demandées. Ainsi, de par sa fonction purement descriptive de l’élément figuratif, le mot « venado » ne pourrait se voir conférer de caractère marquant pour le public hispanophone. Le terme « especial », qui apparaîtrait uniquement dans la marque demandée faisant l’objet de l’affaire T‑103/03, n’aurait d’autre signification que celle de « spécial » et, par conséquent, serait compris par le public concerné comme une indication de ce que le produit visé serait un produit amélioré, ou modifié, du même fabricant. De pareils concepts seraient couramment utilisés et n’auraient pas de caractère distinctif.

34      Même en dehors du public hispanophone, on ne saurait nier la similitude entre les signes en conflit, en raison de la présence dans les marques demandées de l’élément « venado ». Selon la requérante, lorsque la marque antérieure consiste uniquement en un signe figuratif, c’est l’élément figuratif d’une marque postérieure mixte, à savoir verbale et figurative, qui provoquerait des confusions. L’élément verbal de cette dernière marque pourrait, certes, encore aggraver le risque de confusion, comme en l’espèce, où cet élément correspondrait, conceptuellement, à l’élément figuratif des marques demandées. En revanche, la requérante considère que l’élément verbal d’un signe postérieur mixte ne saurait, en aucun cas, accentuer la différence entre ce signe et la marque antérieure qui ne contient pas d’élément verbal, dès lors qu’une comparaison de cet élément verbal avec la marque figurative antérieure est exclue d’emblée. En effet, selon la requérante, le public comparera l’image qu’il a en mémoire de la marque figurative antérieure avec l’élément figuratif de la marque postérieure. Une appréciation différente de cette question conduirait, purement et simplement, à permettre la reprise, à l’identique ou presque, du signe figuratif antérieur dans un signe postérieur, dès lors qu’un quelconque mot y serait accolé, y compris celui correspondant à la simple description verbale du signe figuratif.

35      Selon la requérante, la présente espèce se distingue du cas où tant la marque antérieure que la marque demandée consistent en une combinaison d’éléments verbaux et figuratifs. Dans ce cas, il pourrait, parfois, arriver que l’élément verbal de la marque antérieure soit tellement marquant que le public concerné ne garde en mémoire cette marque qu’à travers son élément verbal et que, étant confronté à un signe verbal et figuratif postérieur, ne prenne en compte de façon déterminante que les éléments verbaux contenus dans les signes en conflit.

36      Il s’ensuivrait que, pour la comparaison des signes en conflit, il convient de tenir compte de l’élément figuratif des marques demandées comme élément déterminant, et ce d’autant plus que les produits visés par celles‑ci sont d’usage quotidien, principalement achetés à vue, ce qui conférerait à l’élément figuratif une importance particulière.

37      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a, à tort, tenu compte, dans ce contexte, de l’arrangement des couleurs dans les marques demandées. En effet, l’enregistrement de la marque antérieure en noir et blanc couvrirait tout arrangement en couleur, y compris l’utilisation de la couleur dorée pour la bordure sous forme de cercle et pour les contours de la tête de cerf. Le fait que la marque demandée dans l’affaire T‑103/03 serait inscrite dans un cadre en lignes noires et rouges et pourrait, ainsi, donner l’impression d’une étiquette, serait également dépourvu de pertinence. Ce cadre étant une figure géométrique de base, le public concerné n’y attacherait aucune importance. En outre, la seconde marque antérieure consisterait, elle aussi, en une étiquette, tandis que la marque antérieure serait également reproduite fréquemment sur une étiquette.

38      En troisième lieu, la requérante considère que la chambre de recours a attaché une trop grande importance aux différences de détail entre les marques demandées et la marque antérieure, par rapport aux très grandes similitudes existant entre elles. Or, le public concerné ne garderait en mémoire qu’une impression approximative des signes figuratifs et non de leurs détails, tels que le fait que, dans la marque antérieure, la fourrure du cerf serait ébauchée et sa tête dessinée à la manière d’une gravure alors que les marques demandées ne présenteraient pas de telles caractéristiques. Il en irait de même s’agissant des bois du cerf, qui seraient coupés dans les marques demandées alors que, dans la marque antérieure, ils seraient représentés dans leur intégralité et de l’absence, dans les marques demandées, d’une croix dans une auréole qui serait présente dans la marque antérieure.

39      La requérante relève que l’impression d’ensemble de la marque antérieure se caractérise par la représentation, à la manière d’un portrait, d’une tête de cerf, qui, à l’intérieur d’un cercle, fait directement face à celui qui la contemple. La ligne imaginaire allant du front en passant par le nez jusqu’au museau du cerf surplomberait verticalement le cou de l’animal. Les oreilles se situeraient à 45 degrés environ de cette ligne verticale, le départ des bois se faisant directement derrière les oreilles.

40      Les marques demandées se caractériseraient aussi par une telle ligne droite imaginaire, surplombant le cou, allant du front en passant par le nez jusqu’au museau du cerf. De plus, les oreilles du cerf se situeraient aussi à 45 degrés environ de cette ligne verticale et le départ des bois se ferait également directement derrière les oreilles. Enfin, tant dans les marques demandées que dans la marque antérieure, la tête du cerf serait coupée au niveau du cou par un cercle et les deux dessins se caractériseraient par leur grande symétrie et montreraient, tous les deux, une représentation stylisée de la tête de cerf, le degré d’abstraction étant seulement un peu plus important dans les marques demandées. Contrairement à l’opinion de la chambre de recours, les cercles dans lesquels seraient inscrites les deux têtes de cerf ne seraient pas un simple accessoire décoratif, mais délimiteraient les deux images et leur conféreraient leur forme. Cet élément renforcerait la ressemblance entre les impressions d’ensemble des signes en conflit. En revanche, le cadre rectangulaire contenu dans deux des marques demandées (affaires T‑81/03 et T‑103/03) ne serait effectivement qu’un accessoire décoratif non perceptible par le public concerné.

41      Il serait, en outre, frappant que la tête de cerf contenue dans les marques demandées apparaîtrait comme une image légèrement rapprochée de la tête de cerf contenue dans les marques antérieures. En effet, si l’on procédait à un agrandissement de l’image de la tête de cerf contenue dans la marque antérieure, en « zoomant » la tête du cerf, les bois du cerf y disparaîtraient aussi derrière le cercle. Cet effet aggraverait le risque de confusion entre les signes en conflit, en raison de l’image imparfaite que le public concerné conserverait desdits signes.

42      La requérante soutient également que l’absence, dans les marques demandées, du motif de la croix entouré d’une auréole ne saurait fonder une différenciation suffisante des signes. D’une part, l’impression de rayons serait présente dans les marques demandées, plus particulièrement dans le cercle qui fait partie de l’élément figuratif de ces marques. D’autre part, les marques demandées pourraient être perçues comme une modernisation de la marque antérieure. La chambre de recours aurait à tort rejeté ce dernier argument, au motif que les différences entre les signes seraient trop marquées. Selon la requérante, au vu des éléments qu’elle a développés, ces différences n’ont que peu de poids par rapport à la ressemblance entre les signes. En outre, les anciennes marques de l’intervenante démontreraient que celle-ci aurait elle-même modernisé son signe.

43      De surcroît, la présente affaire se distinguerait de celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, Rec. p. I‑6191). Premièrement, dans cette dernière affaire, la Cour aurait eu à répondre à une question préjudicielle et n’aurait pas eu à juger du risque de confusion entre les signes qui s’opposaient. Deuxièmement, contrairement à ce qui serait le cas avec le terme « sabèl » dans cette affaire, en l’espèce, le mot « venado » serait compris dans le monde hispanophone comme signifiant « cerf » et, par conséquent, n’aurait pas de signification autonome dans le cadre d’une comparaison entre les marques en cause, puisqu’il serait descriptif de l’image contenue dans les marques demandées. Troisièmement, le terme « sabèl » serait intégré dans l’élément figuratif de la marque, tandis que le mot « venado » apparaîtrait séparément de l’élément figuratif dans les marques demandées. Quatrièmement et surtout, la similitude des marques en l’espèce ne se limiterait pas à une ressemblance des motifs en cause, mais il existerait une très forte similitude dans la manière dont lesdits motifs seraient représentés.

44      Par ailleurs, le fait que trois différentes divisions d’opposition de l’OHMI, avec des compositions différentes, seraient parvenues, indépendamment les unes des autres, à la conclusion qu’il existe une similitude entre les marques demandées et la marque antérieure démontrerait que les meilleurs arguments plaideraient en faveur d’un risque de confusion. En outre, la décision n° 3006/2000 de la troisième division d’opposition, du 12 décembre 2002, serait parvenue à une conclusion similaire.

45      En dernier lieu, la requérante considère que, compte tenu de la similitude des signes en conflit, il n’est pas nécessaire de prouver un caractère distinctif accru de la marque antérieure.

46      En tout état de cause, la requérante relève que s’il est certes vrai que, dans les affaires T‑81/03 et T‑82/03, elle n’a pas produit, dans les délais, le signe figuratif qui était à la base du second sondage d’opinion réalisé en 1999, elle l’aurait cependant décrit, dans ses observations du 27 septembre 2000 devant les divisions d’opposition, de sorte qu’il n’existerait aucune ambiguïté sur cette question entre les parties. L’intervenante aurait, d’ailleurs, parfaitement compris le contenu et la base de ce sondage et n’aurait pas contesté son résultat, s’étant uniquement bornée à invoquer le fait qu’il se limiterait à l’Allemagne. Dans l’affaire T‑103/03, dans le cadre de laquelle le signe objet du sondage a été produit dans les délais, la requérante soutient que la chambre de recours a fait une mauvaise application du droit en refusant de prendre en considération le résultat dudit sondage au motif qu’il n’aborderait pas la question de la réaction du public à un signe contenant l’élément verbal « venado especial ». La requérante relève, enfin, que le signe à la base du sondage, consistant en une tête de cerf sans croix, serait enregistré en sa faveur comme marque nationale en Allemagne ainsi que comme marque internationale.

47      L’OHMI estime que, dans les présentes affaires, ce sont les décisions rendues par les divisions d’opposition, ainsi que la décision rendue par la troisième chambre de recours dans l’affaire R 213/2001‑3, qui ont correctement interprété les critères jurisprudentiels applicables pour déterminer l’existence ou l’absence du risque de confusion entre les marques figuratives litigieuses.

48      L’OHMI relève, en premier lieu, que le public pertinent en l’espèce est le consommateur communautaire, en tenant compte du fait que la marque antérieure est un enregistrement communautaire. Toutefois, selon la jurisprudence, il suffirait qu’il existe un risque de confusion dans une partie de la Communauté pour que la demande soit refusée à l’enregistrement, en raison du principe du caractère unitaire de la marque communautaire. Par conséquent, l’existence d’un risque de confusion sur le territoire espagnol serait suffisante pour rejeter, dans leur totalité, les demandes d’enregistrement contestées.

49      L’OHMI procède, en deuxième lieu, à une comparaison des produits visés par les marques en conflit et se rallie à la position adoptée par la requérante au cours de la procédure devant l’OHMI, selon laquelle les différences d’application mises en évidence par l’intervenante ne pourraient être prises en considération, étant donné que les produits visés par les marques demandées compris dans la classe 33, à savoir « rhum, liqueurs à base de rhum et eaux-de-vie » sont inclus dans l’expression plus générale « spiritueux », pour lesquels la marque antérieure est enregistrée. De même, les « eaux minérales et gazeuses, et autres boissons non alcooliques ; boissons et jus de fruits » visés par les marques demandées, compris dans la classe 32, pourraient être inclus dans la catégorie plus générale couverte par la marque antérieure « boissons non alcooliques ». Par conséquent, il s’agirait, dans ces cas, de produits identiques.

50      Pour ce qui est des « sirops et autres préparations pour faire des boissons », visés par les marques demandées et compris dans la classe 32, ils présenteraient un degré très élevé de similitude avec les boissons non alcooliques couvertes par la marque antérieure, les deux catégories de produits ayant une destination identique et étant en concurrence directe sur le marché. À cet égard, l’OHMI relève que les producteurs de boissons non alcooliques peuvent vendre leurs produits sous deux formes, soit comme produits finals prêts à la consommation, soit en poudre ou à l’état liquide (sirops et préparations pour faire des boissons) auxquels il faut ajouter de l’eau, gazeuse ou non. Dans ce dernier cas, le produit qui en résulte serait une boisson non alcoolique qui, dans la plupart des cas, ne présenterait aucune différence avec le produit prêt à la consommation.

51      L’OHMI conclut que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il existerait une identité entre certains produits litigieux et il ajoute que les autres produits, qui n’ont pas été considérés comme identiques par la chambre, présentent un degré élevé de similitude. Il constate, également, que les produits litigieux sont des articles de consommation courante.

52      En ce qui concerne, en troisième lieu, la comparaison des signes en conflit, l’OHMI relève que, sur le plan visuel, tant la marque antérieure que les marques demandées présentent des éléments figuratifs consistant, essentiellement, en la représentation d’une tête de cerf vue de face, inscrite dans un cercle. Elles différeraient dans le style des représentations, la portion de tête qui apparaît, la présence dans la marque antérieure d’une croix entourée d’une auréole, située entre les bois, l’ajout, dans les marques demandées, d’un élément verbal, à savoir « venado » ou « venado especial » et, dans les marques demandées dans les affaires T‑81/03 et T‑103/03, le cadre rectangulaire dans lequel s’inscrivent les marques demandées.

53      L’OHMI considère que, en dépit de la présence de l’élément verbal « venado » ou « venado especial » dans les marques demandées, sur le plan visuel, leur élément figuratif serait perçu comme dominant, en raison de sa position, de son apparence très voyante et de sa taille. De plus, insérer la marque dans un rectangle à la manière d’une étiquette, ainsi qu’il est fait dans les marques demandées faisant l’objet des affaires T‑81/03 et T‑103/03, serait une pratique habituelle dans le secteur des boissons. Pour ce qui est de la marque antérieure, l’OHMI est d’avis que la croix entourée d’une auréole, bien que clairement visible, n’occuperait pas une position dominante par rapport à la représentation de la tête de l’animal.

54      Sur le plan phonétique, l’OHMI constate que les marques antérieures sont exclusivement figuratives. Par conséquent, leur éventuelle évocation orale serait faite par description du dessin à l’interlocuteur, afin que ce dernier puisse identifier le signe en question. Ainsi, l’on ne saurait exclure que le public espagnol y fasse allusion en se référant à l’animal dessiné, à savoir « venado » (cerf). Les marques demandées, pour leur part, seraient évoquées oralement par les mots qu’elles comportent, à savoir, respectivement, « venado » et « venado especial ».

55      Sur le plan conceptuel, l’OHMI observe que le mot « venado » est considéré par le consommateur espagnol comme la définition d’un animal dont les caractéristiques correspondent à celui représenté dans l’élément figuratif. Dans l’impression globale des marques demandées, ce terme ne serait pas perçu, par le public espagnol, comme un élément autonome, mais serait considéré comme étant clairement lié à l’élément figuratif qui, lui, jouerait un rôle important, étant donné que l’unique élément verbal des marques demandées définirait l’animal représenté. Il s’ensuivrait que l’élément figuratif des marques demandées revêtirait une importance décisive dans la perception qu’en aurait le consommateur espagnol.

56      Compte tenu de ces considérations, l’OHMI estime que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion en l’espèce, il convient de tenir compte des éléments suivants : premièrement, de l’élément figuratif des marques demandées, qui serait perçu comme un élément attirant l’attention du consommateur, la croix entourée d’une auréole de la marque antérieure n’étant pas un élément dominant dans l’impression globale projetée par cette marque ; deuxièmement, de l’élément verbal « venado » ou « venado especial » des marques demandées, qui serait perçu par le public espagnol comme intimement lié à l’élément figuratif de ces marques, puisqu’il s’agirait du terme par lequel l’animal représenté serait identifié ; troisièmement, du fait que les signes litigieux auraient en commun, en tant qu’élément attirant l’attention du consommateur, l’idée projetée par leurs éléments figuratifs, à savoir une tête de cerf vue de face et inscrite dans un cercle, laquelle posséderait, en soi, un caractère distinctif normal ; quatrièmement, du fait que les produits litigieux seraient identiques ou fortement similaires et que, au demeurant, s’agissant de produits de consommation courante, le consommateur moyen ne prêterait pas une attention particulière lors de leur achat.

57      En conclusion, l’OHMI considère, tout comme les divisions d’opposition et contrairement à l’appréciation faite par la chambre de recours dans les décisions attaquées, que, dans le cas où le public visé ne donnerait pas, en ce qui concerne l’élément figuratif des marques demandées, une signification particulière au mot « venado », il existe un risque de confusion entre les signes litigieux étant donné que les éléments qui composent les marques demandées sont clairement liés sur le plan conceptuel.

58      Ce n’est qu’à titre subsidiaire que l’OHMI conclut au rejet des recours, pour le cas où le Tribunal confirmerait le raisonnement de la chambre de recours concernant l’absence de risque de confusion entre les signes litigieux.

59      En dernier lieu, quant à la prise en compte des deux sondages d’opinion produits par la requérante afin de prouver la notoriété des marques antérieures en Allemagne, l’OHMI se rallie, dans les affaires T‑81/03 et T‑82/03, à la position adoptée par la chambre de recours et les divisions d’opposition, qui ont considéré que le premier document n’était pas pertinent et le second pas valable en raison de sa production incomplète dans le délai imparti. En revanche, dans l’affaire T‑103/03, l’OHMI considère que le sondage réalisé en Allemagne en 1999 (voir point 12 ci-dessus), ayant été produit, dans sa totalité, dans le délai imparti, doit être pris en compte par le Tribunal au cas où il conclurait à l’absence d’un risque de confusion entre les marques en conflit sur le territoire espagnol.

60      L’intervenante rejette, en premier lieu, la thèse de la requérante selon laquelle les marques antérieures étant purement figuratives, la comparaison devrait s’opérer en faisant abstraction de l’élément verbal des marques demandées. Selon l’intervenante, une telle approche, qui ignorerait complètement les éléments verbaux, méconnaîtrait la comparaison globale des marques, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, exigée par la jurisprudence.

61      L’intervenante ne considère pas que la chambre de recours ait conféré une importance excessive aux mots « venado » ou « venado especial ». D’une part, ces éléments, qui occuperaient un tiers des marques demandées et apparaîtraient en lettres majuscules, en caractères gras et, dans les marques demandées qui font l’objet des affaires T‑81/03 et T‑103/03, de couleur rouge, seraient ainsi mis en valeur, de façon à attirer l’attention du consommateur de manière déterminante. D’autre part, le caractère distinctif de la marque antérieure serait affaibli en raison de l’existence de plusieurs marques comportant des représentations de têtes ou de corps de cerfs, utilisées pour des boissons. L’image du cerf devrait, partant, être considérée comme un élément d’utilisation courante, de sorte qu’il ne saurait être monopolisé par une seule entreprise qui, de cette manière, se verrait reconnaître un privilège inhabituel. Cette image ayant, pour ces motifs, une importance amoindrie aux fins de la comparaison, elle ne saurait être considérée comme élément dominant des marques demandées.

62      L’intervenante nie également l’existence d’une identité phonétique des marques en conflit. Elle fait valoir, à cet égard, que le consommateur moyen utilisera toujours les termes « venado » ou « venado especial » pour demander ses produits, indépendamment des images figurant sur les bouteilles. S’agissant des produits de la requérante, l’intervenante considère que le consommateur allemand les demandera toujours en utilisant le nom « Mast-Jägermeister », au vu de la notoriété de la marque de la requérante comportant une tête de cerf, qui serait démontrée par le sondage produit par la requérante devant l’OHMI. L’intervenante ignore comment les consommateurs espagnols appelleront la marque de la requérante, mais elle considère que, probablement, ils utiliseront, eux aussi, le nom « Mast-Jägermeister » ou, s’ils l’appellent par référence au dessin, ils utiliseront l’expression « cabeza de ciervo », le terme « ciervo » étant, en langue espagnole, plus commun que « venado ».

63      Pour ce qui est des pays autres que l’Espagne, l’intervenante considère que les termes « venado » ou « venado especial » ne seront pas compris par le consommateur moyen et ne seront pas associés à l’image du cerf. Par conséquent, les marques demandées seraient considérées, dans ces pays, comme étant de fantaisie. En outre, l’intervenante fait valoir avoir enregistré auprès de l’OHMI la marque verbale VENADO, sans que la requérante s’y soit opposée. Cette dernière ne se serait pas non plus opposée à plusieurs marques verbales et figuratives contenant le même terme ainsi que l’image de la tête de cerf, enregistrées par l’intervenante en Espagne, comme cela aurait dû être le cas si l’éventuel risque de confusion était limité au territoire de cet État.

64      Sur le plan visuel, l’intervenante considère qu’il y a des différences indiscutables entre la marque antérieure et les marques demandées, relevées dans les décisions attaquées. En outre, l’intervenante soutient que l’élément verbal des marques demandées acquiert de l’importance aux fins de la comparaison, compte tenu du caractère distinctif limité de la représentation de la tête de cerf. L’élément verbal « venado » ou « venado especial » serait mis en valeur à l’aide de grandes lettres de couleur, de sorte qu’il serait susceptible d’attirer l’attention du consommateur, plus même que le dessin.

65      Selon l’intervenante, il est exclu que les consommateurs considèrent les marques demandées comme des versions modernes de la marque antérieure, dès lors que les marques demandées ne comportent pas la croix de Saint-Hubert, que la requérante considère comme un élément clairement mis en valeur dans la marque antérieure, mais comprennent un élément nouveau et caractéristique, à savoir les termes « venado » ou « venado especial ». L’intervenante remarque que, en général, les versions modernisées des marques incluent les éléments les plus caractéristiques de celles-ci et les éventuels éléments nouveaux introduits ne sont, d’habitude, pas particulièrement saillants. Enfin, le fait, invoqué par la requérante, que l’intervenante aurait elle-même modernisé ses marques, serait dépourvu de toute pertinence pour l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit.

66      Sur le plan conceptuel, l’intervenante partage la thèse de la chambre de recours, selon laquelle il n’existe pas d’identité conceptuelle, compte tenu, notamment, de ce que la marque antérieure comporte un élément additionnel, à savoir la croix de Saint-Hubert, alors que les marques demandées comprennent, en revanche, les termes « venado » ou « venado especial ».

67      L’intervenante relève que, quand bien même il existerait une certaine similitude conceptuelle entre les marques en conflit, il ressortirait de l’arrêt SABEL, point 43 supra, que cette similitude ne pourrait créer un risque de confusion que si la marque opposée possédait un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit en raison de la notoriété dont elle jouirait auprès du public. Or, la marque antérieure ne posséderait pas un tel caractère. D’une part, son caractère distinctif intrinsèque serait limité du fait de l’existence d’autres marques, portant sur les mêmes produits et comprenant des représentations de cervidés ou de cerfs, ainsi que l’intervenante l’aurait démontré devant la chambre de recours sans être contredite par la requérante. D’autre part, la notoriété de la marque antérieure n’aurait pas été prouvée, les sondages d’opinion produits par la requérante ayant été refusés.

68      En tout état de cause, l’intervenante rappelle que le sondage réalisé en 1999 se serait fondé sur la représentation d’une tête de cerf sans la croix, et non sur la marque antérieure. Il serait sans pertinence que ladite représentation aurait également été enregistrée comme marque au nom de la requérante, dès lors que cette marque, qui n’aurait pas été utilisée pour fonder les oppositions de la requérante ou invoquée devant la chambre de recours, ne saurait, selon la jurisprudence, être invoquée pour la première fois devant le Tribunal.

69      L’intervenante conclut que c’est à juste titre que la chambre de recours a jugé que, compte tenu des différences existant entre les marques litigieuses et de l’absence d’un caractère distinctif particulier des marques antérieures, il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

70      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque « en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ».

71      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 25 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17 ].

72      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, par analogie, arrêts SABEL, point 43 supra, point 22 ; Canon, point 71 supra, point 16 ; Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 71 supra, point 18, et Fifties, point 71 supra, point 26).

73      Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. Il ne saurait être exclu, dans ce contexte, que la similitude conceptuelle découlant du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique puisse créer un risque de confusion dans un cas où la marque antérieure possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public (voir, par analogie, arrêt SABEL, point 43 supra, points 23 et 24).

74      En outre, l’appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir, par analogie, arrêts Canon, point 71 supra, point 17 ; Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 71 supra, point 19, et Fifties, point 71 supra, point 27).

75      Il convient également de relever que la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [arrêts du Tribunal Fifties, point 71 supra, point 28, et du 3 mars 2004, Mülhens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec. p. II‑791, point 41 ; voir, par analogie, arrêts SABEL, point 43 supra, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 71 supra, point 25]. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (voir, par analogie, arrêts Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 71 supra, point 26, et Fifties, point 71 supra, point 28).

76      De surcroît, il résulte du caractère unitaire de la marque communautaire, consacré à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, qu’une marque communautaire antérieure est protégée de façon identique dans tous les États membres. Les marques communautaires antérieures sont, dès lors, opposables à toute demande de marque ultérieure qui porterait atteinte à leur protection, ne fût-ce que par rapport à la perception des consommateurs d’une partie du territoire communautaire. Il s’ensuit que le principe consacré à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, selon lequel il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque, qu’un motif absolu de refus n’existe que dans une partie de la Communauté, s’applique, par analogie, également au cas d’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 59 ; ZIRH, point 75 supra, points 35 et 36 ; du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 34, et du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), T‑185/03, Rec. p. II‑715, point 33].

77      Enfin, il convient de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours est à apprécier uniquement sur la base du règlement nº 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire et non sur la base d’une éventuelle pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, point 31 ; du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 61, et du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI − Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 57].

78      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de procéder à la comparaison, d’une part, des produits concernés et, d’autre part, des signes en conflit. À cet égard, il convient de préciser que les décisions de la division d’opposition et de la chambre de recours, invoquées par la requérante et l’OHMI (voir, respectivement, points 45 et 47 ci-dessus) et portant sur le risque de confusion entre d’autres marques demandées par l’intervenante et la marque antérieure, ne sont pas pertinentes pour cette analyse, dès lors qu’elles démontreraient, tout au plus, une certaine pratique décisionnelle de l’OHMI, dont le Tribunal ne saurait tenir compte, selon la jurisprudence citée au point précédent.

 Sur les marques antérieures dans l’affaire T‑103/03

79      À l’appui de son opposition faisant l’objet de l’affaire T‑103/03, la requérante a invoqué ses deux marques communautaires évoquées, respectivement, aux points 5 et 9 ci‑dessus. Il convient toutefois de constater que la seconde marque antérieure ressemble à une étiquette comportant, comme élément principal, la même représentation d’une tête de cerf que celle qui apparaît dans la marque antérieure. D’autres éléments s’y ajoutent, notamment la dénomination « jägermeister » du produit concerné, le nom et l’adresse de la requérante ainsi que des instructions, en langue anglaise, sur la consommation de son produit (serve cold – keep on ice).

80      Dans ces conditions, c’est à juste titre que tant la division d’opposition que la chambre de recours ont concentré leur analyse sur le risque de confusion entre la marque demandée dans cette affaire et la marque antérieure. En effet, si l’on conclut qu’il existe un risque de confusion entre la marque demandée dans la même affaire et la marque antérieure, il ne sera pas nécessaire de tenir compte de la seconde marque antérieure. De même, si l’on conclut à l’absence d’un tel risque, cette conclusion vaudra a fortiori pour la seconde marque antérieure, laquelle contient, outre l’image de la tête de cerf figurant également dans la marque antérieure, les éléments additionnels mentionnés au point précédent qui la distinguent davantage de la marque demandée dans cette affaire. À cet égard, il convient également de relever que la requérante a elle‑même focalisé son analyse, dans sa requête dans l’affaire T‑103/03, sur les similitudes entre la marque demandée et la marque antérieure.

81      Partant, le Tribunal concentrera son analyse, également en ce qui concerne les signes opposés dans l’affaire T‑103/03, sur le risque de confusion entre la marque demandée dans cette affaire et la marque antérieure.

 Sur le public pertinent

82      Il y a lieu de relever que les marques demandées visent des boissons, alcooliques ou non. De tels produits figurent également parmi les produits couverts par la marque antérieure. Les boissons, alcooliques ou non, étant des articles de consommation courante, c’est à bon droit que les décisions attaquées ont considéré que le public pertinent était constitué par le grand public, c’est‑à‑dire le consommateur moyen.

83      En outre, la marque antérieure étant une marque communautaire, le territoire pertinent pour l’analyse du risque de confusion est l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Cependant, il est constant que les termes « venado » et « venado especial », qui composent les marques demandées, sont des mots espagnols, dont la signification ne sera saisie que par le consommateur moyen hispanophone. L’appréciation du risque de confusion entre les marques demandées et la marque antérieure en Espagne revêt, ainsi, une importance particulière pour les présentes affaires. En effet, s’il s’avère qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques demandées et la marque antérieure en Espagne, cette conclusion sera a fortiori valable pour le consommateur moyen des autres États membres, lequel ne comprendra pas la signification des éléments verbaux susvisés des marques demandées. En revanche, conformément à la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit en Espagne serait un motif suffisant pour rejeter les demandes d’enregistrement en cause, sans qu’il soit besoin d’examiner si un tel risque existe également dans le reste de l’Union européenne.

84      Il s’ensuit que l’analyse du risque de confusion doit commencer par l’examen de la perception des marques en conflit par le public espagnol.

 Sur la comparaison des produits

85      La chambre de recours a considéré, sans être contredite par les parties, que certains produits visés par les marques en conflit sont identiques. Tel est le cas des « eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits », relevant de la classe 32 et visés par les marques demandées, lesquels sont des boissons non alcooliques et, partant, identiques aux « boissons non alcooliques » de la même classe, visées par la marque antérieure. De même, les « rhum, liqueurs de rhum et eaux‑de‑vie », relevant de la classe 33 et visés par les marques demandées, sont identiques aux « spiritueux » de la même classe, visés par la marque antérieure (décisions attaquées dans les affaires T‑81/03 et T‑103/03, point 23 ; décision attaquée dans l’affaire T‑82/03, point 20).

86      La chambre de recours ne s’est pas prononcée expressément sur la comparaison des autres produits visés par les marques demandées relevant de la classe 32, à savoir les « sirops et autres préparations pour faire des boissons » avec les produits couverts par la marque antérieure. La chambre de recours n’a toutefois pas remis en cause l’appréciation des divisions d’opposition, selon laquelle lesdits produits visés par les marques demandées et les boissons non alcooliques, relevant de la même classe 32 et couverts par la marque antérieure, sont similaires. La requérante et l’OHMI s’accordent sur le fait que ces produits sont très similaires, alors que l’intervenante ne s’est pas exprimée sur la question, dans son mémoire en réponse. Toutefois, elle a admis, lors de l’audience, que lesdits produits sont similaires. En effet, il convient de constater que les produits en question présentent un degré élevé de similitude, dès lors que, comme le relève à juste titre l’OHMI, il suffit d’ajouter aux produits visés par les marques demandées de l’eau, gazeuse ou non, pour qu’ils deviennent des boissons non alcooliques prêtes à la consommation, lesdits produits ayant ainsi une destination identique et se trouvant dans un rapport de concurrence directe sur le marché.

87      Il convient donc de conclure que les produits visés par les marques en conflit sont, en grande partie, identiques et, pour le reste, très similaires.

 Sur la comparaison des signes

88      Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a conclu à l’absence d’un risque de confusion entre les marques demandées et la marque antérieure dans une quelconque partie de la Communauté, et ce malgré l’identité de certains produits visés par les marques en cause et l’existence de « similitudes évidentes » entre elles. Cette conclusion est fondée sur certaines différences « manifestes et frappantes » entre les signes figuratifs en conflit, telles que l’absence, dans les marques demandées, de la croix de Saint‑Hubert entourée d’une auréole qui rivaliserait avec la tête de cerf elle‑même et attirerait l’attention du consommateur, les différences de représentation des têtes de cerf respectives ainsi que la présence, dans les marques demandées, d’un élément verbal (« venado » ou « venado especial ») stylisé et en couleurs. Eu égard à ces différences, la chambre de recours a estimé que les marques en conflit devaient être considérées comme étant visuellement distinctes (décision attaquée dans l’affaire T‑81/03, points 25, 26, 28 et 34 ; décision attaquée dans l’affaire T‑82/03, points 22, 23, 25 et 30 ; décision attaquée dans l’affaire T‑103/03, points 25, 26 et 31).

89      Phonétiquement, les marques en cause seraient également distinctes, seules les marques demandées contenant un élément verbal. Dans les décisions attaquées dans les affaires T‑81/03 et T‑82/03, la chambre de recours a, en outre, estimé que les divisions d’opposition avaient considéré à tort que l’élément verbal des marques demandées serait associé, en Espagne, à l’élément figuratif des signes. À cet égard, la chambre de recours, se fondant sur un argument que la requérante elle‑même aurait avancé devant les divisions d’opposition, a considéré qu’il était plus probable que la marque antérieure serait perçue phonétiquement comme renvoyant au terme et, donc, à la marque Jägermeister « qu’à une marque ‘cerf’ ou ‘VENADO’ » (décision attaquée dans l’affaire T‑81/03, points 28 et 34 ; décision attaquée dans l’affaire T‑82/03, points 25 et 30 ; décision attaquée dans l’affaire T‑103/03, point 26 et 31).

90      La chambre de recours a également estimé que les marques en conflit ne présentaient pas une grande similitude conceptuelle. En effet, bien que le concept qui les rapprocherait puisse être décrit comme une tête de cerf, la présence d’autres éléments, tels que la croix de Saint‑Hubert dans la marque antérieure et l’élément verbal « venado » ou « venado especial » dans les marques demandées, les distinguerait conceptuellement (décision attaquée dans l’affaire T‑81/03, point 34 ; décision attaquée dans l’affaire T‑82/03, point 30 ; décision attaquée dans l’affaire T‑103/03, point 31).

91      Au‑delà de ces comparaisons, la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif du motif d’un cerf ou d’une tête de cerf était atténué, étant donné son utilisation fréquente pour designer un éventail de boissons, ainsi qu’en attesteraient les huit enregistrements communautaires invoqués par l’intervenante et le résultat de la recherche effectuée par la chambre de recours elle‑même dans le registre des marques du Royaume-Uni (décision attaquée dans l’affaire T‑81/03, points 27 et 34 ; décision attaquée dans l’affaire T‑82/03, points 24 et 30 ; décision attaquée dans l’affaire T‑103/03, point 32).

92      En ce qui concerne la comparaison visuelle, le Tribunal relève que tant les marques demandées que la marque antérieure présentent des éléments figuratifs consistant, notamment, en la représentation d’une tête de cerf, vue de face et inscrite dans un cercle. Cet élément figuratif commun occupe une place dominante dans les signes en conflit, en raison de son apparence très voyante et de sa taille. Cette constatation n’est remise en cause ni par le style plus abstrait et coloré de cet élément figuratif des marques demandées ni par les contours dentelés du cercle dans lequel ledit élément est inscrit. Les éléments verbaux des marques demandées, l’insertion de deux d’entre elles dans un cadre rectangulaire et la croix entourée d’une auréole de la marque antérieure constituent, certes, des éléments visibles qui différencient les signes en conflit sur le plan visuel. Toutefois, il ne s’agit pas d’éléments dominants à la différence de l’élément figuratif commun à ces signes, à savoir la représentation d’une tête de cerf vue de face et inscrite dans un cercle. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Tribunal considère, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, que les marques en conflit présentent une similitude visuelle significative.

93      Est également erronée la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en cause sont phonétiquement distinctes même à l’égard des consommateurs espagnols.

94      En effet, il convient de relever que la marque antérieure est purement figurative. Les marques demandées contiennent, toutes les trois, le mot « venado » qui, sans doute, sera phonétiquement associé, par le consommateur hispanophone, à la partie figurative de ces marques. De par sa signification, ce mot pourrait également être associé, par le même consommateur, à la marque antérieure ou être utilisé pour la désigner, dès lors qu’elle ne contient pas d’élément verbal. Les divisions d’opposition avaient conclu, essentiellement pour ces mêmes motifs, à une identité ou à une similitude phonétique entre les signes en conflit sur le territoire de l’Espagne.

95      Dans les décisions attaquées, la chambre de recours a rejeté cette conclusion en tenant compte, notamment, de l’absence d’un élément verbal emphatique dans la marque antérieure, lequel est présent dans les marques demandées (« venado », « venado especial »). Dans les décisions attaquées dans les affaires T‑81/03 et T‑82/03, la chambre de recours s’est également fondée sur un argument que la requérante elle‑même aurait avancé devant les divisions d’opposition, selon lequel il serait plus probable que la marque antérieure soit perçue, même en Espagne, comme renvoyant à la marque Jägermeister qu’à une marque « cerf ou VENADO ».

96      Ces considérations ne sont pas fondées. À cet égard, il convient de rappeler que le terme « jägermeister » n’apparaît pas dans la marque antérieure, mais seulement dans la seconde marque antérieure, laquelle n’a pas été invoquée par la requérante au soutien de ses oppositions faisant l’objet des affaires T‑81/03 et T‑82/03. Dans ces conditions, il n’existe aucune raison valable pour laquelle le consommateur hispanophone associerait phonétiquement la marque antérieure plutôt au terme « jägermeister » qu’aux termes « cerf » ou « venado », qui correspondent à l’élément figuratif dominant de la marque antérieure. Il ne pourrait éventuellement en être autrement que s’il était établi que la marque antérieure bénéficie d’une renommée sur le territoire espagnol. L’argumentation de la requérante devant les divisions d’opposition, invoquée par la chambre de recours, visait précisément à établir une telle renommée, notamment en Allemagne et dans d’autres pays de l’Union européenne, en ce compris l’Espagne, et non à établir une distinction des marques en conflit sur le plan phonétique, comme l’a fait valoir, à tort, la chambre de recours. Or, force est de constater, d’abord, que la requérante n’a avancé aucun élément de preuve pour établir la renommée de la marque antérieure dans un pays de l’Union européenne autre que l’Allemagne. Ensuite, la chambre de recours n’a pas reconnu l’existence d’une renommée de la marque antérieure en Espagne. Enfin, la requérante elle‑même a entre‑temps abandonné cet argument, puisque dans ses requêtes, elle n’invoque qu’une renommée de la marque antérieure en Allemagne et, lors de l’audience, elle a confirmé qu’elle ne faisait valoir aucune renommée de cette marque en Espagne.

97      En tout état de cause, le seul fait qu’un consommateur hispanophone connaisse l’appellation Jägermeister du produit de la requérante ne saurait l’empêcher de penser à ce produit quand il entend parler d’une liqueur « venado », un terme qu’il pourrait concevoir comme une référence à l’image figurant dans la marque antérieure plutôt qu’au nom d’un produit distinct. Cela est d’autant plus vraisemblable que la prononciation du terme « jägermeister » n’est pas évidente pour un hispanophone, ce qui rend plus probable, dans ce pays, une référence au produit de la requérante par la description de la marque antérieure.

98      Les précédentes considérations ne sont pas susceptibles d’être remises en cause par l’affirmation de l’intervenante, selon laquelle le consommateur espagnol, lorsqu’il se réfère à l’animal figurant dans la marque antérieure, utilisera plutôt le terme « ciervo », ce terme étant prétendument plus courant, en langue espagnole, que le terme « venado ». À supposer même que tel soit le cas, l’intervenante ne conteste pas que le terme espagnol « venado » décrit également l’animal dont l’image est représentée dans la marque antérieure. Partant, ce terme peut aussi amener le consommateur concerné à penser à cette dernière marque.

99      L’ajout de l’adjectif « especial » au terme « venado » dans la marque demandée dans l’affaire T‑103/03 ne saurait conduire à une conclusion différente dans cette dernière affaire. Il est, en effet, certain que le consommateur espagnol considérera ce qualificatif comme un élément secondaire et accessoire. D’une part, il apparaît en dessous du terme « venado » et en caractères beaucoup plus petits. D’autre part, sa signification en langue espagnole (spécial) fait que le consommateur percevra le produit portant la marque VENADO ESPECIAL comme étant une variation, en termes de caractère ou de qualité, du produit de marque VENADO.

100    Sur le plan conceptuel, le concept à la base de l’élément figuratif des marques demandées peut se résumer comme étant celui d’une tête de cerf vue de face, inscrite dans un cercle ou une médaille. L’élément verbal desdites marques ne change rien à ce concept pour le consommateur espagnol, qui percevra le terme « venado » ou « venado especial » non pas de façon autonome, mais comme une référence directe à l’élément figuratif. Le même concept est essentiellement à la base de la marque antérieure. Par conséquent, les marques en conflit doivent être considérées comme étant similaires sur le plan conceptuel.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

101    En ce qui concerne l’appréciation globale du risque de confusion, le Tribunal considère, contrairement à la solution retenue par les décisions attaquées, que, compte tenu du fait que les produits concernés sont en grande partie identiques et, pour le reste, très similaires, et des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles des marques en conflit s’agissant des consommateurs moyens espagnols, les différences apparaissant entre celles‑ci ne sont pas suffisantes pour écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception du public pertinent susvisé.

102    En particulier, les différences visuelles entre les signes ne suffisent pas, à elles seules, à éviter tout risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

103    En premier lieu, le consommateur moyen ne gardant qu’une image imparfaite d’une marque en mémoire, il ne saurait être considéré qu’il puisse se rappeler de détails figuratifs des signes en cause, tels que le style plus ou moins réaliste de la tête de cerf, les dimensions des bois du cerf ou le caractère simple ou dentelé du cercle dans lequel est inscrite la tête de l’animal.

104    La présence de couleurs dans les marques demandées perd essentiellement sa signification pour la comparaison avec la marque antérieure, en raison du fait que cette dernière est une image en noir et blanc. Ainsi, confronté aux marques demandées, le consommateur moyen pourrait raisonnablement penser qu’elles ne sont que la version en couleurs de la marque antérieure.

105    La croix apparaissant entre les bois du cerf dans la marque antérieure, bien que clairement visible, ne sera pas perçue, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 92 ci‑dessus) comme l’élément dominant par le consommateur moyen hispanophone.

106    Le cadre rectangulaire des marques demandées dans les affaires T‑81/03 et T‑103/03 ne saurait, non plus, être considéré comme un élément distinctif suffisant. Ainsi que la requérante et l’OHMI l’ont fait valoir à juste titre, ce cadre est un élément secondaire qui donne aux marques concernées l’apparence d’une étiquette. De surcroît, en raison du fait que les boissons sont souvent vendues en bouteille, l’insertion de la marque dans un rectangle à la manière d’une étiquette constitue une pratique très courante dans le secteur des boissons.

107    Enfin, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les éléments verbaux (« venado », « venado especial ») apparaissant seulement dans les marques demandées seront compris, par le consommateur moyen hispanophone, comme une référence directe à la partie figurative de ces marques. Partant, ces seuls éléments ne sont pas suffisants pour distinguer les marques demandées de la marque antérieure en Espagne, dès lors que le consommateur espagnol retrouvera, également dans la marque antérieure, l’image de l’animal qu’il appelle « venado ».

108    En second lieu et surtout, les différences visuelles entre les marques en cause sont neutralisées par l’identité d’une grande partie et par la similitude des autres produits concernés ainsi que par la similitude phonétique et conceptuelle desdites marques en ce qui concerne le public hispanophone pertinent.

109    La conclusion sur l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit en Espagne ne saurait être remise en cause par l’argument de l’intervenante (voir point 63 ci‑dessus), tiré de ce qu’elle aurait enregistré le terme « venado » comme marque verbale communautaire sans que la requérante s’y soit opposée. Indépendamment de la question de la recevabilité de cet élément factuel, invoqué pour la première fois devant le Tribunal, il suffit d’observer, d’une part, que le seul fait que la requérante ne s’est pas opposée à l’enregistrement d’une marque ne l’empêche pas de former une opposition à l’encontre de l’enregistrement d’une autre marque. D’autre part, et surtout, la similitude phonétique entre les marques en conflit n’étant qu’un des éléments devant être pris en compte dans le cadre d’une appréciation globale du risque de confusion, le risque de confusion entre les marques demandées et la marque antérieure n’est pas exclu, même si l’on admet qu’il n’existe pas un tel risque en ce qui concerne la marque antérieure et la marque verbale VENADO, en dépit de leur similitude phonétique.

110    L’argument de l’intervenante, retenu par les décisions attaquées, tiré d’un caractère distinctif prétendument faible des images d’un cerf ou d’une tête de cerf, au motif que de telles images seraient fréquemment utilisées pour protéger des boissons, doit également être rejeté. Indépendamment de la question de savoir si les huit enregistrements invoqués par l’intervenante et la recherche spontanée effectuée par la chambre de recours auprès du registre des marques du Royaume-Uni sont suffisants pour parvenir à une telle conclusion, il y a lieu de constater que, en l’espèce, ce n’est pas le concept plus général d’un cerf, ou d’une tête de cerf, qui rapproche les marques en conflit, mais un concept plus spécifique, consistant en une représentation, sous forme de médaille, d’une tête de cerf vue de face et inscrite dans un cercle. Or, seulement trois des huit enregistrements communautaires invoqués par l’intervenante se rapprochent de ce concept plus spécifique. Il s’agit des marques enregistrées sous les nos 86439, 164392 et 163311, les deux dernières étant manifestement liées, puisqu’elles désignent toutes les deux le même produit, à savoir la bière de marque ANTLER. En outre, la marque enregistrée sous le n° 86439 paraît très différente des signes en conflit en l’espèce, dès lors que le cercle contenant la tête de cerf est inscrit dans un cadre additionnel, d’un contour irrégulier et fantaisiste et la marque contient un élément verbal dominant, à savoir le mot « contri », écrit en caractères proportionnellement beaucoup plus grands et sans aucun lien sémantique avec la partie figurative de la marque. Eu égard à tout ce qui précède et compte tenu de l’absence de lien sémantique évident entre un cerf ou une tête de cerf et les boissons, alcooliques ou non, le Tribunal considère que l’on ne saurait nier le caractère distinctif, à tout le moins moyen, du concept d’une tête de cerf vue de face et inscrite dans un cercle, pour désigner des boissons.

111    Enfin, il convient d’écarter l’argument de l’intervenante sur l’absence de caractère distinctif particulier de l’image d’une tête de cerf, tiré de l’arrêt SABEL, point 43 supra. Dans cette affaire, la Cour a jugé que la simple association entre deux marques que pourrait faire le public par le biais de la concordance de leur contenu sémantique n’était pas suffisante, en elle‑même, pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, s’agissant de deux marques dont l’une consistait en la combinaison d’un mot et d’une image tandis que l’autre était constituée d’une image et ne jouissait pas d’une notoriété particulière auprès du public (arrêt SABEL, point 43 supra, points 11 et 25). La Cour a indiqué qu’un tel risque ne saurait être admis que si la marque antérieure possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public (arrêt SABEL, point 43 supra, point 24). Or, force est de constater que, en l’espèce, l’élément verbal compris dans les marques demandées (« venado » et « venado especial ») constitue, pour le territoire de l’Espagne, une référence directe à l’image figurant dans lesdites marques, alors que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SABEL, point 43 supra, le mot « sabèl », qui faisait partie de la marque demandée dans cette affaire, ne présentait aucun lien sémantique avec l’image d’un guépard bondissant qu’il accompagnait. De surcroît, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SABEL, point 43 supra, la concordance sémantique entre les parties figuratives des deux marques en conflit se limitait au fait que les animaux figurant dans les marques, respectivement un guépard et un puma, appartenaient tous les deux à la famille des félins et étaient représentés en bondissant, une pose qui est typique pour ce type d’animal (conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt SABEL, point 43 supra, Rec. p. I‑6193, points 3, 4 et 13). En revanche, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les similitudes entre les signes en conflit dans les présentes affaires sont nombreuses et dépassent une simple concordance d’éléments tirés de la nature et, partant, peu imaginaires. Il convient, notamment, de rappeler que les signes en conflit comportent tous l’image partielle du même animal (un cerf) et que, dans tous les cas, c’est la même partie de cet animal qui est montrée, à savoir la tête avec les bois et le cou, vue de face et inscrite dans un cercle.

112    Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le premier moyen soulevé par la requérante doit être accueilli et que, partant, il y a lieu d’annuler les décisions attaquées, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments de la requérante tirés, respectivement, de ce que le public pertinent considérerait les marques demandées comme une version modernisée de la marque antérieure ainsi que de la prétendue renommée de cette dernière en Allemagne, ni le second moyen invoqué par la requérante et tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes du paragraphe 3, premier alinéa, du même article, le Tribunal peut repartir les dépens pour des motifs exceptionnels.

114    En l’espèce, l’intervenante a succombé dans la mesure où il y a lieu d’annuler les décisions attaquées, conformément aux conclusions de la requérante. Toutefois, cette dernière n’a pas conclu à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens, mais à ce que l’OHMI soit condamné auxdits dépens.

115    À cet égard, il y a lieu de relever que, même si l’OHMI a soutenu le premier chef de conclusions présenté par la requérante, il convient de le condamner aux dépens exposés par celle-ci, dès lors que les décisions attaquées émanent de sa chambre de recours (arrêt BIOMATE, point 23 supra, point 97).

116    S’agissant de la nouvelle conclusion de l’intervenante, présentée lors de l’audience et visant à ce que, en cas d’annulation des décisions attaquées, l’OHMI soit condamné à supporter les dépens de l’intervenante, il convient de relever que, selon la jurisprudence, il est loisible aux parties de présenter, lors de l’audience, des conclusions sur les dépens, même si elles ne l’ont pas fait antérieurement [arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185, et conclusions de l’avocat général M. Warner sous cet arrêt, Rec. p. 1212, 1274 ; arrêt du Tribunal du 21 février 2006, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Polo/Lauren (ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB), T‑214/04, non encore publié au Recueil, point 54]. Partant, cette conclusion est recevable.

117    Le Tribunal estime, toutefois, que la position adoptée par l’OHMI par rapport aux décisions de sa propre chambre de recours ne constitue pas un motif exceptionnel, susceptible de justifier la répartition des dépens aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure. En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 24 à 29 ci‑dessus, l’OHMI n’est pas tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée de ses chambres de recours et a la possibilité de se rallier à une conclusion de la partie requérante. Une telle position de l’OHMI n’est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la confiance légitime de l’intervenante. L’arrêt Vedial/OHMI, point 22 supra, invoqué par l’intervenante à cet égard, n’est pas pertinent. Au point 36 de cet arrêt, la Cour s’est uniquement référée à la confiance de la partie ayant obtenu gain de cause devant la chambre de recours dans le fait que la procédure devant le Tribunal vise à examiner la légalité de la décision de ladite chambre, conformément à l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Cette confiance légitime n’a pas été enfreinte en l’espèce, le Tribunal ayant procédé à un tel examen, indépendamment de la position adoptée par l’OHMI. Il convient, dès lors, d’ordonner que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 19 décembre 2002 (affaire R 412/2002‑1 et affaire R 382/2002‑1) et du 14 janvier 2003 (affaire R 407/2002‑1) sont annulées.

2)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) est condamné aux dépens exposés par la requérante.

3)      L’intervenante supportera ses propres dépens.

Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe



Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’espagnol.