Language of document : ECLI:EU:T:2022:694

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

9 novembre 2022 (*)

« Mesures de sauvegarde – Marché du riz – Importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie – Règlement (UE) no 978/2012 – Notion de “producteurs de l’Union” – Notion de “produits similaires ou directement concurrents” – Difficultés graves – Droits de la défense – Faits et considérations essentiels – Erreurs manifestes d’appréciation »

Dans l’affaire T‑246/19,

Royaume du Cambodge,

Cambodia Rice Federation (CRF), établie à Phnom Penh (Cambodge),

représentés par Mes R. Antonini, E. Monard et B. Maniatis, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, H. Leupold et Mme E. Schmidt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Ente Nazionale Risi, établi à Milan (Italie), représenté par Mes F. Di Gianni et A. Scalini, avocats,

et par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Papasavvas, président, D. Spielmann, U. Öberg (rapporteur), R. Mastroianni et R. Norkus, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 30 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, le Royaume du Cambodge et Cambodia Rice Federation (CRF), demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/67 de la Commission, du 16 janvier 2019, instituant des mesures de sauvegarde en ce qui concerne les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie (JO 2019, L 15, p. 5), par lequel la Commission européenne a rétabli les droits du tarif douanier commun sur les importations de ce riz pour une période de trois ans et a mis en place une réduction progressive du taux des droits applicables (ci-après le « règlement attaqué »).

 Antécédents du litige

2        Dans le cadre du règlement (UE) no 978/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE) no 732/2008 du Conseil (JO 2012, L 303, p. 1, ci-après le « règlement SPG »), l’Union européenne accorde aux pays en développement un accès préférentiel à son marché sous la forme de réduction sur les droits ordinaires du tarif douanier commun, lequel se compose d’un régime général et de deux régimes spéciaux.

3        En vertu du régime spécial dit « Tout sauf les armes », les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie (ci-après le « produit concerné ») dans l’Union bénéficiaient, au titre de l’article 18, paragraphe 1, du règlement SPG, d’une suspension totale des droits du tarif douanier commun.

4        Le 16 février 2018, la République italienne, ultérieurement soutenue par d’autres États membres, a introduit une demande auprès de la Commission, au titre de l’article 22 et de l’article 24, paragraphe 2, du règlement SPG, sollicitant l’adoption de mesures de sauvegarde à l’égard du produit concerné.

5        Le 16 mars 2018, la Commission a ouvert une enquête de sauvegarde concernant les importations du produit concerné, afin de recueillir les informations nécessaires à la réalisation d’une évaluation approfondie.

6        L’enquête a porté sur les cinq dernières campagnes de commercialisation, c’est-à-dire sur une période comprise entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2017 (ci-après la « période d’enquête »).

7        Le 5 novembre 2018, la Commission a communiqué un document d’information générale, visant à informer les parties intéressées, dont le gouvernement cambodgien, des faits et considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé de rétablir temporairement les droits du tarif douanier commun sur les importations du produit concerné, à la suite de l’enquête de sauvegarde réalisée sur le fondement de l’article 22 du règlement SPG (ci-après le « document d’information générale »).

8        En particulier, dans le document d’information générale, tout d’abord, la Commission a défini le produit concerné comme étant le riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, importé en vrac ou en conditionnements, et relevant, à ce moment-là, des sous-positions de la nomenclature combinée (NC) 1006 30 27, 1006 30 48, 1006 30 67 et 1006 30 98.

9        La Commission a également établi que le riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit dans l’Union était similaire au, ou directement concurrent du, produit concerné, celui-ci présentant les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles, étant destiné aux mêmes utilisations et vendu par l’intermédiaire de circuits de ventes similaires ou identiques, au même type de clients, de détaillants ou de transformateurs, établis dans l’Union.

10      S’agissant de la définition de l’industrie de l’Union, la Commission a indiqué que celle-ci se composait des usiniers de riz qui transformaient le riz cultivé/produit dans l’Union, qui était en concurrence directe avec le produit concerné. Contrairement à la demande de la République italienne, elle a écarté les riziculteurs de cette définition et de l’évaluation du préjudice, les considérant comme des fournisseurs de matières premières, et non comme des usiniers de produits similaires ou directement concurrents, bien qu’elle ait relevé qu’il était possible que les importations du produit concerné aient aussi des répercussions importantes sur la situation de ces derniers. Elle a également signalé que des questionnaires avaient été envoyés à certains riziculteurs, mais que, du fait de la fragmentation importante du secteur, les résultats ne brossaient qu’un tableau très imparfait de la situation.

11      Ensuite, la Commission a établi l’évolution de la consommation de riz Indica dans l’Union sur la base de données converties en équivalent de riz blanchi et collectées auprès des États membres, ainsi que de statistiques sur les importations mises à disposition par Eurostat. Elle a constaté un recul de 6 % au cours de la période d’enquête.

12      Dans le cadre de l’analyse de l’évolution des importations du produit concerné, elle a retenu une augmentation significative du volume des importations en provenance du Cambodge, ainsi qu’une augmentation de 9,7 points de pourcentage des parts de marché détenues par le Cambodge, et a indiqué que ce dernier totalisait 25 % de l’ensemble des importations à la fin de la période d’enquête.

13      Dans le cadre de la comparaison des prix, la Commission a procédé à une analyse de la sous-cotation. Elle a tenu compte des prix moyens à l’importation en provenance du Cambodge et des prix de vente unitaires de l’industrie de l’Union et a mis en évidence une sous-cotation importante des prix de l’Union par les prix desdites importations correspondant à 22 %.

14      La Commission a ainsi considéré que les importations en provenance du Cambodge avaient considérablement augmenté en chiffres absolus ainsi qu’en parts de marché au cours de la période d’enquête. Elle a ajouté que le prix à l’importation moyen pondéré combiné avait diminué au cours de la période d’enquête, ce qui dénotait une sous-cotation importante par rapport aux prix de l’Union.

15      Aux fins de déterminer l’existence de difficultés graves subies par l’industrie de l’Union, la Commission a évalué les indicateurs macroéconomiques, tels que l’évolution des parts de marché de l’industrie de l’Union, qui ont perdu plus de 20 points de pourcentage, des volumes de production, qui ont chuté de près de 40 %, des stocks, qui ont augmenté de 4 %, et de la superficie consacrée à la culture de riz Indica, qui s’est réduite de 37 %.

16      La Commission a également indiqué avoir évalué les indicateurs microéconomiques, tels que l’évolution des capacités de production, difficile à évaluer au vu de la possibilité pour les usiniers d’utiliser leur capacité d’usinage tant pour le riz Indica que pour le riz Japonica, que le riz soit cultivé dans l’Union ou importé, de la rentabilité des usiniers de l’Union, qui s’est maintenue à un niveau stable, bien que faible, ainsi que des prix unitaires du riz Indica des usiniers inclus dans l’échantillon, qui ont augmenté de 7 %. Elle a précisé que, sous la pression des importations du produit concerné à bas prix, les usiniers de l’Union avaient concentré leurs ventes sur des volumes moins importants de riz Indica blanchi et semi-blanchi et avaient mis l’accent sur des produits de marque, ce qui avait permis de préserver un niveau de rentabilité stable, au détriment de la part de marché.

17      Enfin, la Commission a écarté la possibilité que d’autres facteurs, tels que les importations en provenance de pays tiers et les difficultés structurelles rencontrées par le secteur italien du riz, aient affaibli le lien de causalité entre les graves difficultés rencontrées par l’industrie de l’Union et les importations du produit concerné.

18      Dans ses observations du 16 novembre 2018 sur le document d’information générale, le gouvernement cambodgien a notamment contesté les calculs de la Commission portant sur l’analyse de la sous-cotation. Il a fait valoir, notamment, que les coûts postérieurs à l’importation n’avaient pas été ajoutés pour calculer le prix à l’exportation pour le Royaume du Cambodge, et que la sous-cotation des prix avait été déterminée en se fondant sur une comparaison entre des prix moyens, sans tenir compte des différences de stade commercial.

19      Aux termes de l’enquête de sauvegarde, la Commission a conclu que le produit concerné était importé dans des volumes et à des prix qui causaient de graves difficultés à l’industrie de l’Union. Elle a adopté le règlement attaqué en se fondant, outre sur les définitions et informations présentes dans le document d’information générale et reprises dans ledit règlement, sur les éléments suivants.

20      Ainsi, tout d’abord, la Commission a précisé, en réponse aux commentaires des parties intéressées à la suite de la communication du document d’information générale, que, s’agissant de la définition du produit similaire ou directement concurrent, le riz Indica aromatique ou naturellement parfumé devait également être inclus dans le champ de l’enquête.

21      Ensuite, en ce qui concerne l’analyse de la sous-cotation, la Commission a, aux considérants 35 à 39 du règlement attaqué, indiqué avoir revu ses calculs de la sous-cotation afin de tenir compte des commentaires du Royaume du Cambodge faisant suite à la communication du document d’information générale. Elle a ainsi ajusté les prix de l’industrie de l’Union pour tenir compte des coûts de transport du riz entre le sud, qu’elle a indiqué comme étant l’Italie et Espagne, et le nord de l’Europe, ayant considéré que la concurrence relative au riz Indica semi-blanchi et blanchi s’exerçait essentiellement dans le nord de l’Europe. Elle a tenu compte d’un montant de 49 euros par tonne, qu’elle aurait estimé sur la base d’informations figurant dans la plainte de la République italienne et vérifiées lors de l’enquête sur place. Elle a également ajusté les prix à l’importation en tenant compte des coûts postérieurs à l’importation, estimés à environ 2 % du prix à l’importation, en se fondant sur les données obtenues dans le cadre d’une enquête antérieure concernant un autre produit alimentaire (les satsumas). La Commission a ajouté avoir tenu compte des différences de stade commercial et comparé les prix de vente du riz blanchi commercialisé en vrac à ceux du riz vendu en conditionnements. Elle est parvenue à la conclusion que la sous-cotation des prix était de 13 % pour les ventes en vrac et de 14 % pour les ventes en conditionnements.

22      Enfin, s’agissant de la situation des riziculteurs de l’Union, la Commission a précisé, au considérant 74 du règlement attaqué, que, s’il était vrai que ces derniers pouvaient basculer leur production du riz Indica vers le riz Japonica, et inversement, un tel changement était toutefois motivé par des considérations économiques, notamment la demande et le prix du marché. Dans ce contexte, elle a indiqué que l’enquête avait confirmé que, face à la concurrence accrue des importations à bas prix du produit concerné, certains riziculteurs n’avaient pas eu d’autre choix que de passer à la production de riz Japonica, de sorte qu’il ne s’agissait ni d’une réorientation cyclique ni d’un choix délibéré, mais d’une mesure défensive. Selon la Commission, cette solution n’est pas viable à moyen terme, car le passage du riz Indica au riz Japonica a entraîné une offre excédentaire de riz Japonica sur le marché, qui a pesé sur les prix de ce type de riz. Elle en a conclu que les riziculteurs se trouvaient donc, de manière générale, en situation difficile, bien que cette constatation n’ait eu qu’un poids limité, étant donné que c’étaient les usiniers de riz qui constituaient l’industrie de l’Union, et non les riziculteurs, lesquels fournissaient la matière première.

 Conclusions des parties

23      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission, soutenue par la République italienne et par Ente Nazionale Risi, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

25      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent six moyens.

26      Les premier, deuxième et troisième moyens sont tirés d’une violation de l’article 22, paragraphes 1 et 2, et de l’article 23 du règlement SPG, en ce que, en premier lieu, la Commission aurait erronément interprété la notion de « producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents », en deuxième lieu, les facteurs et les calculs ayant servi de fondement à la conclusion relative aux « difficultés graves » causées à l’industrie de l’Union seraient entachés d’erreurs et, en troisième lieu, l’analyse de la sous-cotation et les ajustements qui y ont été apportés seraient erronés.

27      Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 22 du règlement SPG, en ce que l’analyse, effectuée par la Commission, du lien de causalité entre les importations en cause et les difficultés graves causées à l’industrie de l’Union serait entachée d’irrégularités.

28      Les cinquième et sixième moyens sont tirés d’une violation des droits de la défense des requérants et des articles 14 et 17 du règlement délégué (UE) no 1083/2013 de la Commission, du 28 août 2013, établissant les règles relatives à la procédure de retrait temporaire des préférences tarifaires et à la procédure d’adoption de mesures de sauvegarde générales au titre du règlement SPG (JO 2013, L 293, p. 16, ci-après le « règlement délégué »), lu conjointement avec l’article 38 du règlement SPG, en ce que la Commission aurait omis de communiquer certains faits et considérations essentiels, ou les détails les sous-tendant, ayant fondé sa décision de rétablir les droits du tarif douanier commun sur les importations du produit concerné.

29      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord l’argumentation des requérants tirée, en premier lieu, d’une interprétation erronée de la notion de « producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents », en deuxième lieu, d’erreurs qui entacheraient l’analyse de la sous-cotation et les ajustements qui y ont été apportés et, en troisième lieu, d’une violation des droits de la défense et de l’article 17 du règlement délégué.

 Sur les griefs relatifs à la notion de « producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents »

30      Les requérants allèguent une violation de l’article 22, paragraphes 1 et 2, et de l’article 23 du règlement SPG, en ce que la Commission aurait erronément interprété la notion de « producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents » en la limitant par référence à l’origine des matières premières. Elle n’aurait ainsi considéré que les producteurs de riz Indica blanchi ou semi-blanchi transformé à partir de riz paddy produit ou cultivé dans l’Union.

31      Or, selon les requérants, si le produit pouvant faire l’objet de mesures de sauvegarde est un produit « originaire d’un pays bénéficiaire », il n’en va pas de même des « produits similaires ou directement concurrents ». L’article 22, paragraphe 1, du règlement SPG ne justifierait aucune restriction fondée sur la matière première utilisée pour fabriquer le produit similaire ou directement concurrent. La Commission aurait dû tenir compte uniquement des caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles du produit concerné, de son utilisation, des circuits de vente et des types de clients.

32      Tous les usiniers de riz de l’Union seraient donc visés, y compris ceux qui fabriquent du riz blanchi ou semi-blanchi à partir de riz paddy qui ne provient pas de l’Union. Or, en ne tenant compte que des producteurs de l’Union de produits similaires ou directement concurrents fabriqués à partir de matières premières produites dans l’Union, la Commission n’aurait recueilli d’informations sur les difficultés graves qu’auprès d’une partie des producteurs concernés.

33      La Commission soutient que, en vertu de l’article 22, paragraphe 2, du règlement SPG, les « produits similaires ou directement concurrents » sont déterminés sur le fondement du « produit considéré ».

34      Le « produit considéré » serait le riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie. Or, pour être considéré comme étant originaire d’un pays, le riz doit y avoir été cultivé ou récolté. Dès lors, le corolaire du « produit considéré » serait le riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit dans l’Union à partir de riz cultivé ou récolté dans l’Union. Les arguments des requérants devraient donc être rejetés comme étant non fondés.

35      La Commission ajoute que, même si elle avait commis une erreur dans la définition de l’industrie de l’Union et qu’elle avait considéré que les producteurs de l’Union de riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit à partir de riz importé devaient être inclus dans la définition de l’industrie de l’Union, l’enquête aurait abouti à la même conclusion.

36      La République italienne fait valoir que, aux termes de l’article 22, paragraphe 3, du règlement SPG, la notion de « producteurs de l’Union » est purement économique. Il conviendrait donc de se concentrer sur ceux des producteurs qui subissent une détérioration économique ou financière de leur situation. L’origine de la matière première serait ainsi fondamentale. Elle soutient également que l’argument des requérants à cet égard est nouveau, car non soulevé au cours de la procédure administrative, de sorte qu’il est irrecevable.

37      Ente Nazionale Risi renvoie en substance aux arguments de la Commission.

38      À titre liminaire, s’agissant de l’allégation de la République italienne selon laquelle certains arguments des requérants devraient être écartés car soulevés pour la première fois devant le Tribunal, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, rien n’empêche une partie intéressée de développer à l’encontre d’une décision attaquée un moyen juridique non soulevé au stade de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, EU:T:2005:166, points 67 et 68 et jurisprudence citée).

39      Partant, les arguments des requérants portant sur la prise en compte des producteurs de l’Union qui utilisent du riz paddy produit ou cultivé en dehors de l’Union ne peuvent être écartés comme irrecevables.

40      Ensuite, le Tribunal relève que les mesures de sauvegarde en cause en l’espèce font partie des mesures de défense commerciale visées à l’article 207, paragraphe 1, TFUE [voir, en ce sens, avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017, EU:C:2017:376, points 10, 42 et 43, et arrêt du 20 octobre 2021, Novolipetsk Steel/Commission, T‑790/19, non publié, EU:T:2021:706, points 43, 44, 68 et 76], ainsi qu’il ressort par ailleurs de l’avis d’ouverture de l’enquête de sauvegarde émis par la Commission.

41      Or, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner, de telle sorte que le contrôle juridictionnel de ce large pouvoir d’appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

42      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 37 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39).

43      En vertu de l’article 22, paragraphe 1, du règlement SPG, si un produit originaire d’un pays bénéficiaire d’un des régimes préférentiels visés à l’article 1er, paragraphe 2, est importé dans des volumes et/ou à des prix tels que des difficultés graves sont ou risquent d’être causées aux producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents, les droits du tarif douanier commun peuvent être rétablis pour ce produit.

44      Il ressort de cette disposition que la détermination de l’existence ou du risque de difficultés graves rencontrées par les producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif d’une part, du volume et/ou des prix des importations en cause et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur lesdits producteurs.

45      La notion de « producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents », telle que visée à l’article 22 du règlement SPG, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. S’agissant d’une question de droit, le juge de l’Union doit exercer un contrôle entier en ce qui concerne l’interprétation qu’il convient d’en faire.

46      À cet égard, le Tribunal relève que, si la notion de « producteurs de l’Union » n’est pas expressément définie par le règlement SPG, elle est immédiatement présentée par référence aux produits particuliers qui doivent être fabriqués par l’industrie concernée. Ainsi, seuls les producteurs de l’Union « fabriquant des produits similaires ou directement concurrents » des importations originaires d’un pays bénéficiaire d’un des régimes préférentiels sont visés à l’article 22 dudit règlement.

47      Le choix du produit étranger faisant l’objet de l’enquête de sauvegarde détermine donc le champ de l’analyse de la branche de production nationale ou, en d’autres termes, des produits similaires ou directement concurrents des produits importés, ce qui, à son tour, permet d’identifier les « producteurs » de ces derniers. Il y a donc un lien entre les produits importés et les producteurs de l’Union bénéficiant du mécanisme de sauvegarde. C’est sur cette base que la Commission détermine si les producteurs de l’Union ont subi ou risquent de subir des difficultés graves du fait des importations faisant l’objet des mesures de sauvegarde.

48      Dans ces circonstances, l’examen du bien-fondé de la définition par la Commission des producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents doit être effectué au regard des caractéristiques du produit importé tel que défini par la Commission.

49      Le Tribunal examinera donc, en premier lieu, la définition du produit importé retenue par la Commission dans le cadre de l’enquête de sauvegarde et, en second lieu, la conformité de l’interprétation des notions de « produits similaires ou directement concurrents » et de « producteurs de l’Union », retenue par la Commission, au regard de l’article 22 du règlement SPG.

 Sur la définition du produit importé retenue par la Commission dans le règlement attaqué

50      En l’espèce, il ressort des considérants 13 et 14 du règlement attaqué que la Commission a défini le produit importé concerné comme étant le riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie et relevant des sous-positions NC 1006 30 27, 1006 30 48, 1006 30 67 et 1006 30 98.

51      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal relève que la notion de « produit concerné », retenue dans le règlement attaqué, constitue la traduction concrète de la notion générale de « produit considéré », figurant à l’article 22, paragraphe 2, du règlement SPG, le règlement attaqué ayant pour objet l’exécution de cet article dans le domaine en question. Il en résulte que les éléments constitutifs de la notion de « produit considéré », au sens du règlement SPG, déterminent nécessairement ceux à attribuer au « produit concerné », au sens du règlement attaqué (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, points 38 et 39).

52      Si le règlement SPG ne précise pas explicitement la portée de la notion de « produit considéré », il ressort du paragraphe 1 de l’article 22 dudit règlement que le point de départ pour l’adoption de mesures de sauvegarde consiste en des difficultés graves causées ou risquant d’être causées par l’importation, dans certains volumes et/ou à certains prix, d’un « produit originaire d’un pays bénéficiaire » d’un des régimes préférentiels visés par ledit règlement. Il y a donc lieu d’interpréter la notion de « produit considéré », figurant au paragraphe 2 de l’article 22 du règlement SPG, à l’aune du paragraphe 1 dudit article.

53      Le considérant 23 et l’article 33 du règlement SPG prévoient que les règles concernant la définition de la notion de produit originaire sont fixées par le règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1).

54      Le règlement no 2454/93 ayant été abrogé, il convient de lire ces dispositions comme renvoyant, actuellement, au règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p.1), qui doit être lu conjointement avec le règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement no 952/2013 au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p.1), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 952/2013 (JO 2015, L 343, p. 558). Ces derniers définissent, notamment, ce qu’il convient d’entendre par un produit « originaire » d’un pays.

55      Ainsi, aux termes de l’article 41 du règlement délégué 2015/2446, sont considérés comme originaires d’un pays bénéficiaire du système de préférences généralisées les produits entièrement obtenus dans ce pays, au sens de l’article 44 dudit règlement, et les produits obtenus dans ce pays qui contiennent des matières n’y ayant pas été entièrement obtenues, à condition que ces matières y aient fait l’objet d’ouvraisons ou de transformations suffisantes, au sens de l’article 45 dudit règlement.

56      L’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2015/2446 précise que sont considérés comme entièrement obtenus dans un pays bénéficiaire les plantes et les produits du règne végétal qui y sont cultivés ou récoltés.

57      L’article 47, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/2446 ajoute cependant que le décorticage et la mouture partielle ou totale du riz ainsi que le lissage et le glaçage des céréales et du riz sont des opérations considérées comme des ouvraisons ou transformations insuffisantes pour conférer le caractère de produits originaires, que les conditions de l’article 45 dudit règlement soient ou non remplies.

58      Il résulte de ces dispositions que, pour être considéré comme étant originaire d’un pays bénéficiaire d’un des régimes préférentiels, le riz doit y avoir été cultivé ou récolté, voire avoir fait l’objet de certaines ouvraisons ou transformations, à l’exclusion du décorticage, de la mouture partielle ou totale, du lissage et du glaçage.

59      En second lieu, le Tribunal constate qu’il existe principalement trois variétés de riz. Le riz à grain rond, le riz à grain semi-long, aussi nommé Japonica, et le riz à grain long, aussi nommé Indica.

60      Pour pouvoir être consommées, les différentes variétés de riz doivent être transformées. Ainsi qu’il ressort du chapitre 10 du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p.1), quatre stades de transformation du riz sont généralement distingués :

–        le riz paddy : le riz muni de sa balle après battage ;

–        le riz décortiqué : le riz dont la balle seule a été enlevée ;

–        le riz semi-blanchi : le riz dont on a éliminé la balle, une partie du germe et tout ou partie des couches extérieures du péricarpe, mais non les couches intérieures ;

–        le riz blanchi : le riz entièrement transformé dont la balle et la totalité des couches extérieures et intérieures du péricarpe, la totalité du germe dans le cas du riz à grains longs et du riz à grains moyens, au moins une partie dans le cas du riz à grains ronds, ont été éliminées, mais où il peut subsister des stries blanches longitudinales sur 10 % des grains au maximum.

61      Tant le riz blanchi que le riz semi-blanchi sont donc obtenus par la transformation que subit le riz paddy. Ce dernier étant un riz tel que récolté, encore muni de sa balle, cette transformation nécessite à tout le moins une opération de décorticage.

62      Le décorticage étant une opération considérée comme insuffisante pour conférer le caractère de produit originaire au riz, ainsi qu’il ressort de l’article 47, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/2446 et du point 57 ci-dessus, le riz Indica blanchi ou semi-blanchi doit être produit dans un pays bénéficiaire à partir de riz paddy cultivé ou récolté dans ce pays pour être qualifié de produit « originaire » dudit pays, au sens de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 33 du règlement SPG.

63      En l’espèce, le produit considéré est donc le riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, produit à partir de riz qui y a été cultivé ou récolté.

 Sur la notion de « produits similaires ou directement concurrents » et la définition de l’industrie de l’Union

64      À titre liminaire, le Tribunal relève que, contrairement aux domaines antidumping ou antisubventions, les enquêtes de sauvegarde ne sont pas limitées aux producteurs de l’Union de « produits similaires ». Les producteurs de produits « directement concurrents » doivent également être considérés.

65      En tout état de cause, même dans le domaine antidumping, n’ont jamais été acceptés par le Tribunal des arguments tendant à établir que le « produit considéré » faisant l’objet d’une enquête ne devait comprendre que des « produits similaires », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après, le « règlement antidumping »), à savoir des « produit[s] identique[s], c’est-à-dire semblables à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence [de] tel[s] produit[s], [de] produit[s] qui, bien qu’il[s] ne lui [soient] pas semblable[s] à tous égards, présente[nt] des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré » (conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2015:583, point 49).

66      La jurisprudence ayant ainsi confirmé que, dans le cadre d’une enquête antidumping, la notion de « produit similaire » devait être comprise de manière large, il doit en être de même de la notion de « produit similaire ou directement concurrent » dans le domaine connexe des mesures de sauvegarde.

67      En l’espèce, il ressort des considérations énoncées sous le titre 2.2 du règlement attaqué et des éléments du dossier que la Commission a considéré que le riz Indica blanchi ou semi-blanchi transformé à partir de riz paddy cultivé ou récolté dans l’Union constituait le « produit similaire ou directement concurrent », dont elle a tenu compte aux fins de l’évaluation de l’existence de difficultés graves rencontrées par les producteurs de l’Union.

68      La Commission s’est fondée sur les caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles des produits, leur utilisation finale, leurs canaux de distribution pour déterminer les produits similaires ou directement concurrents du produit concerné. Elle a cependant ajouté un critère additionnel, à savoir celui de l’origine de la matière première.

69      Ayant appliqué le critère d’origine à l’ensemble des produits similaires ou directement concurrents, la Commission a, aux considérants 22 et 23 du règlement attaqué, défini l’industrie de l’Union par référence à l’origine des approvisionnements en riz paddy des usiniers de l’Union, destiné aux opérations de transformation, et a exclu les riziculteurs, les considérant uniquement comme des fournisseurs de matières premières. Dans ses écritures et lors de l’audience, la Commission a ainsi précisé avoir exclu de l’analyse du préjudice ceux des usiniers de l’Union produisant du riz Indica blanchi ou semi-blanchi à partir de riz paddy importé.

70      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la notion de « produits similaires ou directement concurrents », le Tribunal constate que le règlement SPG se borne à définir, à son article 22, paragraphe 2, la notion de « produit similaire » comme étant un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré.

71      Au vu du libellé de l’article 22, paragraphes 1 et 2, du règlement SPG, le produit originaire d’un pays bénéficiaire, ou produit considéré, constitue le point de départ de la définition du « produit similaire ». Ainsi qu’il ressort du point 64 ci-dessus, le règlement SPG visant tant les « produits similaires » que les produits « directement concurrents », il convient d’appliquer à la détermination des « produits similaires ou directement concurrents » des critères équivalents à ceux qui sont pertinents pour la détermination du produit considéré.

72      Cependant, il convient de ne pas comprendre cette disposition comme appliquant implicitement aux produits similaires ou aux produits directement concurrents les règles d’origine du produit considéré.

73      En effet, force est de constater, comme le font valoir à juste titre les requérants, que, si le législateur de l’Union a pris la peine de préciser expressément l’importance du critère d’origine à l’égard des produits originaires d’un pays bénéficiaire d’un des régimes tarifaires préférentiels, il n’en a pas fait de même pour les produits fabriqués par les producteurs de l’Union. Le renvoi explicite aux règles d’origine à l’égard des seuls produits importés contraste avec l’absence de précision en ce sens à l’égard des produits similaires ou directement concurrents.

74      Il ressort en outre expressément du considérant 23 et de l’article 33 du règlement SPG que les règles d’origine applicables aux produits importés ont pour but de garantir que le schéma de préférences tarifaires généralisées ne bénéficie qu’aux pays qui en sont les bénéficiaires désignés.

75      Le libellé de l’article 22, paragraphes 1 et 2, du règlement SPG est tout autre, dès lors que celui-ci n’indique ni ne suggère que l’analyse de l’incidence des importations d’un produit originaire d’un pays bénéficiaire sur la situation économique ou financière des producteurs de l’Union doit, en toutes circonstances, prendre en compte l’origine des produits fabriqués par ces derniers et ainsi limiter ceux des producteurs de l’Union pouvant bénéficier de la protection prévue par cette disposition.

76      Or, l’interprétation de la Commission, selon laquelle l’origine des produits fabriqués par les producteurs de l’Union serait un facteur essentiel pour la détermination des « produits similaires ou directement concurrents », aurait pour conséquence de priver certains de ces producteurs, fabriquant des produits dont l’un des éléments est importé ou dont la matière première a subi une transformation la privant de la qualification de « produits originaires », au sens du règlement délégué 2015/2446, de la possibilité de solliciter l’adoption de mesures de sauvegarde ou d’être inclus dans une enquête de sauvegarde au seul motif que leur produit n’est pas « originaire » de l’Union au même titre que les produits considérés. Il ne saurait être admis qu’une telle limitation ait été voulue par le législateur de l’Union.

77      C’est donc à tort que la Commission considère que les « produits similaires ou directement concurrents » doivent se voir appliquer la condition d’origine des produits importés de pays bénéficiant de préférences tarifaires, au sens de l’article 33 du règlement SPG et du règlement délégué 2015/2446.

78      En deuxième lieu, afin de déterminer ce qu’il convient d’entendre par « produits similaires ou directement concurrents », au sens du règlement SPG, il convient de s’inspirer des critères pertinents pour la détermination, notamment, du « produit similaire » ou du « produit concerné », au titre du règlement antidumping, dès lors que, tout comme dans le domaine antidumping, les critères de détermination dans le cadre d’une enquête de sauvegarde visent, en substance, à s’assurer de l’existence d’un degré de concurrence suffisant entre le produit considéré et le produit similaire ou directement concurrent (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Rusal Armenal/Conseil, T‑512/09 RENV, EU:T:2017:26, point 150).

79      Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que, comme il est mentionné au points 64 et 65 ci-dessus, les enquêtes de sauvegarde ne sont pas limitées aux producteurs de l’Union de « produits similaires », les producteurs de produits « directement concurrents » devant également être considérés.

80      La définition du produit similaire ou directement concurrent dans le cadre d’une enquête de sauvegarde a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits fabriqués par les producteurs de l’Union qui feront, le cas échéant, l’objet de l’évaluation du préjudice. Aux fins de cette opération, la Commission peut tenir compte de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité (voir, par analogie, arrêts du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07, non publié, EU:T:2013:369, point 69 et jurisprudence citée, et du 25 janvier 2017, Rusal Armenal/Conseil, T‑512/09 RENV, EU:T:2017:26, point 151 et jurisprudence citée).

81      Il en découle nécessairement que des produits qui ne sont pas identiques au produit considéré peuvent être regroupés dans la même définition du produit similaire ou directement concurrent et faire l’objet, ensemble, d’une enquête de sauvegarde (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑158/14, T‑161/14 et T‑163/14, non publié, EU:T:2017:126, point 86 et jurisprudence citée).

82      La similarité des produits doit être mesurée en tenant compte, notamment, des préférences des utilisateurs finals, étant donné que la demande du produit de base de la part des entreprises de transformation est fonction de la demande des utilisateurs finals (voir, par analogie, arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, EU:T:1998:242, point 213).

83      C’est au regard de ces considérations que l’examen du bien-fondé de l’inclusion d’un produit spécifique dans la liste des produits similaires ou directement concurrents, ou de son exclusion de ladite liste, doit être effectué.

84      La question déterminante en l’espèce est donc celle de savoir si le riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit dans l’Union est, indépendamment de l’origine du riz paddy à partir duquel il est transformé, similaire ou directement concurrent du riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge. Ainsi qu’il ressort des points 71 et 78 à 82 ci-dessus, il convient pour ce faire d’examiner plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques, l’usage et les canaux de distribution de ce dernier au regard de celles du riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge, ainsi que leur interchangeabilité.

85      La Commission ayant déjà considéré qu’il en allait de la sorte du riz Indica blanchi ou semi-blanchi transformé à partir de riz paddy cultivé ou récolté dans l’Union, il convient d’examiner s’il en va de même du riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit dans l’Union à partir de riz paddy importé.

86      Or, à cet égard, le Tribunal constate que le riz Indica blanchi ou semi-blanchi transformé à partir de riz paddy importé dans l’Union présente les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles, sert aux mêmes utilisations finales, est usiné par les mêmes opérateurs, est vendu par l’intermédiaire des mêmes circuits commerciaux et est en concurrence avec le riz Indica blanchi ou semi-blanchi transformé à partir de riz paddy cultivé ou récolté dans l’Union.

87      En effet, d’une part, la Commission a indiqué, au considérant 64 du règlement attaqué, que les consommateurs ne font généralement pas la différence entre les produits de l’Union et ceux qui sont importés et que les consommateurs qui achètent du riz aux détaillants ne connaissent généralement pas l’origine du produit.

88      La Commission a en outre indiqué, au considérant 18 du règlement attaqué, que le riz Indica blanchi ou semi-blanchi qui est produit dans l’Union et celui qui est importé présentent les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles, sont destinés aux mêmes utilisations et vendus par l’intermédiaire de circuits de vente similaires ou identiques, au même type de clients. Or, force est de relever que, si le riz Indica produit dans un pays tiers à partir de riz paddy originaire de ce pays présente les mêmes caractéristiques essentielles que le riz Indica produit dans l’Union à partir de riz paddy originaire de l’Union, il doit en être de même du riz Indica produit dans l’Union à partir de riz paddy importé d’un pays tiers.

89      D’autre part, ainsi qu’il ressort des réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience ainsi que du procès-verbal d’audience, il n’est en l’espèce pas contesté que, du point de vue des usiniers, le riz Indica blanchi ou semi-blanchi est interchangeable et substituable à un autre riz Indica blanchi ou semi-blanchi, quelle que soit son origine, dans la mesure où les usiniers peuvent transformer tant le riz produit dans l’Union que le riz importé. Lors de l’audience, la Commission a par ailleurs indiqué qu’il s’agissait d’un même produit, seule l’origine étant différente.

90      Le riz Indica blanchi ou semi-blanchi, quelle que soit l’origine de la matière première ayant servi à sa transformation, présente donc des caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles et a le même usage. En d’autres termes, un riz Indica blanchi ou semi-blanchi est interchangeable ou substituable avec un autre riz Indica blanchi ou semi-blanchi, tant pour les usiniers de l’Union que pour les consommateurs.

91      Ainsi, indépendamment de l’origine de la matière première à partir de laquelle il a été transformé, le riz Indica blanchi ou semi-blanchi produit dans l’Union doit être qualifié de produit similaire ou directement concurrent du riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge.

92      L’analyse de la Commission devant prendre en compte l’ensemble des producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents afin d’obtenir une représentation fiable de leur situation économique, la Commission était tenue, dans le cadre de l’analyse des effets des importations du riz Indica en provenance du Cambodge sur les prix de l’industrie de l’Union, de prendre en considération l’ensemble des usiniers de l’Union fabriquant du riz Indica blanchi ou semi-blanchi, indépendamment de l’origine du riz paddy qu’ils transforment. Tel n’a pas été le cas en l’espèce.

93      Comme le soulèvent à juste titre les requérants, la définition erronée des producteurs de l’Union a ainsi également entaché d’erreur l’analyse de l’existence de difficultés graves, la Commission ayant exclu une partie des producteurs de l’évaluation du préjudice.

94      Toute autre interprétation reviendrait à accorder à la Commission la possibilité d’influencer, et ce de manière arbitraire, le résultat du calcul des marges de sous-cotation, en procédant à l’exclusion d’un ou de plusieurs types du produit en cause et, partant, de certains producteurs de l’Union.

95      En troisième lieu, le Tribunal relève que la limitation, faite par la Commission, de la notion de « producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents » aux seuls usiniers de l’Union transformant du riz Indica originaire de l’Union vise en réalité à inclure, et ce de manière indirecte, les riziculteurs de l’Union dans l’analyse du préjudice attribué aux usiniers de riz. En effet, en limitant la définition des producteurs de l’Union devant être pris en compte aux fins de l’évaluation du préjudice par référence à l’origine de la matière première transformée en riz Indica blanchi ou semi-blanchi, la Commission a de facto étendu le champ de protection aux riziculteurs de l’Union, seuls ces derniers étant réellement concernés par le riz cultivé dans l’Union. Or, une telle interprétation ne peut se justifier au regard de la définition de l’industrie de l’Union figurant aux considérants 22 et 23 du règlement attaqué, qui ne vise explicitement que les usiniers de l’Union.

96      La Commission aurait pu expressément élargir, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, la définition de l’industrie de l’Union aux riziculteurs de produits similaires ou directement concurrents, comme l’y avait invité la République italienne au cours de l’enquête. Cependant, elle aurait alors dû les inclure explicitement dans l’analyse du préjudice et apporter des éléments de preuve des difficultés graves qu’ils rencontrent ou risquent de rencontrer.

97      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en limitant arbitrairement le champ de son enquête portant sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union aux seuls usiniers de riz Indica blanchi ou semi-blanchi transformé à partir de riz paddy cultivé ou récolté dans l’Union.

98      Par ailleurs, les arguments de la Commission selon lesquels, malgré ces erreurs, l’enquête de sauvegarde aurait abouti à la même conclusion ne sauraient être admis.

99      En effet, selon la jurisprudence, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté, de sorte que le Tribunal ne saurait substituer aux motifs invoqués pendant la procédure d’enquête d’autres motifs invoqués pour la première fois devant lui (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 153 et jurisprudence citée). Or, constituent de tels motifs invoqués pour la première fois devant le Tribunal les appréciations formulées par la Commission dans ses écritures et lors de l’audience, portant sur le fait que les volumes des importations de riz Indica vers l’Union étaient peu élevés.

100    Les griefs des requérants portant sur une interprétation erronée de la notion de « producteurs de l’Union produisant des produits similaires ou directement concurrents » par la Commission doivent donc être accueillis.

101    À titre subsidiaire, le Tribunal examinera toutefois également les arguments des requérants portant sur l’analyse de la sous-cotation et les ajustements qui y ont été apportés ainsi que sur une violation de leurs droits de la défense.

 Sur les griefs relatifs à l’analyse de la sous-cotation et aux ajustements

102    Les requérants allèguent, en substance, une violation de l’article 22, paragraphes 1 et 2, et de l’article 23 du règlement SPG, en ce que, lors de la comparaison des prix des importations en provenance du Cambodge avec les prix de l’Union, la Commission aurait erronément ajusté les prix de l’Union et se serait fondée sur des données incertaines pour ajuster les coûts postérieurs à l’importation.

103    À cet égard, les requérants soutiennent que rien ne permet d’étayer l’allégation de la Commission selon laquelle, si la production de riz blanchi ou semi-blanchi est réalisée au sud de l’Europe, la concurrence qui y est relative s’exerce essentiellement au nord. Les données d’Eurostat sur les importations en provenance du Cambodge et certaines réponses aux questionnaires envoyés par la Commission indiqueraient qu’une part significative des importations concerne le sud de l’Europe. L’ajustement de tous les prix de l’Union rendrait ainsi inéquitable la comparaison avec les prix des importations en provenance du Cambodge, dans la mesure où ces derniers n’ont pas subi le même ajustement. Selon les requérants, la Commission aurait donc dû comparer les prix du Royaume du Cambodge après importation avec les prix départ usine des usiniers de l’Union.

104    Les requérants ajoutent que, dans le domaine antidumping, l’ajustement des coûts de transport ne peut être fait qu’en cas de circonstances exceptionnelles et doit se limiter aux ventes qui sont spécifiquement concernées par lesdites circonstances. Or, en l’espèce, aucune circonstance exceptionnelle ne justifierait de s’écarter de la méthode normale de calcul de la sous-cotation. En tout état de cause, la Commission aurait dû identifier la proportion des ventes de l’industrie de l’Union qui justifiait un ajustement.

105    Les requérants contestent par ailleurs la validité et la fiabilité des données sources sur lesquelles la Commission s’est fondée pour déterminer que les coûts de transport dans l’Union s’élevaient à un montant uniforme de 49 euros par tonne et que les coûts postérieurs à l’importation en provenance du Cambodge correspondaient à environ 2 % du prix à l’importation. S’agissant de ces derniers, ils soulèvent que, à supposer que la Commission se soit fondée sur des données recueillies dans une enquête de sauvegarde concernant les satsumas datant de 2004, les coûts considérés ne sont pas actuels et les conditions de transport des satsumas sont différentes de celles du riz.

106    La Commission soutient que le règlement SPG n’exige aucune analyse de la sous-cotation, l’article 22, paragraphe 1, dudit règlement faisant seulement état d’importations « dans des volumes et/ou à des prix » causant des difficultés graves. Dès lors, l’exigence de preuve requise et le niveau de détail d’une telle analyse seraient plus bas dans une enquête réalisée dans le cadre du règlement SPG que dans le cadre d’une enquête antidumping.

107    S’agissant de l’ajustement des prix de l’Union, la Commission soutient que la concurrence entre le riz Indica originaire de l’Union et celui originaire du Cambodge s’effectue dans le nord de l’Europe, que les circonstances de l’espèce soient considérées comme exceptionnelles ou non. Le fait que le sud de l’Europe consomme principalement du riz Japonica, tandis que le nord privilégie le riz Indica, serait un fait évident, illustré par la répartition géographique des exportations de riz Indica du Cambodge vers l’Union. Cet ajustement d’un montant de 49 euros par tonne serait en outre fondé sur des éléments de preuve objectifs et constituerait une pratique courante, y compris dans les procédures antidumping.

108    Elle ajoute que, même si l’ajustement des coûts de transport dans l’Union n’avait pas été pris en compte, les prix cambodgiens auraient, en tout état de cause, entraîné une sous-cotation des prix des producteurs de l’Union d’au moins 5,4 % pour les ventes en vrac et de 8,5 % pour les ventes en conditionnements, ce qui, conjointement avec les autres facteurs examinés par la Commission, suffirait à démontrer l’existence de difficultés graves, au sens de l’article 22 du règlement SPG.

109    S’agissant de l’ajustement des prix à l’importation, la Commission précise que, à défaut pour les requérants d’avoir indiqué un montant concret des coûts postérieurs à l’importation, elle s’est fondée sur des données datant de 2014 provenant d’un réexamen au titre de l’expiration de mesures antidumping instituées sur certains agrumes préparés ou conservés.

110    La République italienne  rejoint les arguments de la Commission et ajoute que l’appréciation des difficultés graves pourrait se fonder exclusivement sur les volumes et les parts de marchés. L’article 22 du règlement SPG n’exigerait par ailleurs pas que la cause des difficultés graves recensées par la Commission soit exclusive, ni qu’elle soit certaine.

111    Ente Nazionale Risi rejoint, en substance, les arguments de la Commission.

112    Le Tribunal constate qu’il ressort d’une lecture combinée de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 23, sous j), du règlement SPG que les prix des produits importés et des produits similaires ou directement concurrents sont l’un des facteurs essentiels que la Commission peut, notamment, prendre en compte dans le cadre de l’analyse visant à déterminer l’existence de difficultés graves causées ou risquant d’être causées aux producteurs de l’Union par les importations en cause.

113    Or, le règlement SPG ne contient pas de définition de la notion de prix et ne prévoit pas une obligation expresse de procéder à une analyse de la sous-cotation des prix ni de méthode de calcul en ce qui concerne la détermination de l’effet des importations du produit concerné sur l’industrie de l’Union.

114    En revanche, les articles 22 et 23 du règlement SPG se réfèrent aux conditions permettant d’établir que les volumes et/ou les prix des importations d’un produit considéré causent ou risquent de causer des difficultés graves aux producteurs de l’Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents et, in fine, de rétablir les droits du tarif douanier commun afin de mettre temporairement fin à la détérioration de la situation économique et/ou financière des producteurs de l’Union.

115    Il y a donc lieu de considérer qu’il n’existe pas une mais plusieurs méthodes d’analyse permettant d’examiner si les conditions posées aux articles 22 et 23 du règlement SPG sont réunies. Or, le choix entre différentes méthodes de calcul suppose l’appréciation de situations économiques complexes, de sorte que la Commission dispose d’un certain pouvoir d’appréciation lorsqu’elle choisit la méthode selon laquelle il convient de vérifier si ces conditions sont réunies.

116    Cependant, le Tribunal rappelle que, si la Cour reconnaît à la Commission une large marge d’appréciation en matière économique complexe, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique.

117    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

118    En l’espèce, il ressort des considérants 61, 64, 76 et 77 du règlement attaqué que la Commission s’est fondée tant sur les volumes que sur les prix des importations de riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge pour conclure que celles-ci causaient des difficultés graves aux producteurs de l’Union de produits similaires ou directement concurrents, ce qu’elle a par ailleurs confirmé lors de l’audience.

119    À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué aux points 13 à 21 ci-dessus, la Commission a procédé à une analyse de la sous-cotation, aux termes de laquelle elle a, dans le document d’information générale, mis en évidence une sous-cotation des prix de l’Union par les prix des importations en provenance du Cambodge correspondant à 22 %.

120    À la suite de la communication de ce document, le Royaume du Cambodge a, notamment, demandé si les coûts postérieurs à l’importation avaient été pris en compte dans le cadre du calcul de la marge de sous-cotation. En réponse aux observations des parties intéressées, dont celles du Royaume du Cambodge, la Commission a revu ses calculs de la sous-cotation et a ajusté, d’une part, les prix de l’industrie de l’Union pour tenir compte d’un montant uniforme de 49 euros par tonne au titre de coûts de transport du riz du sud vers le nord de l’Europe et, d’autre part, les prix à l’importation en tenant compte des coûts postérieurs à l’importation, estimés à environ 2 % du prix à l’importation. Après avoir indiqué qu’elle avait également tenu compte des différences de stade commercial et comparé les prix de vente du riz blanchi commercialisé en vrac à ceux du riz vendu en conditionnements, elle est parvenue à la conclusion que la sous-cotation des prix était de 13 % pour les ventes en vrac et de 14 % pour les ventes en conditionnements.

121    En premier lieu, le Tribunal constate que, en dépit de tels ajustements effectués au cours de la procédure administrative, les conclusions de la Commission portant sur la détérioration de la situation économique de l’industrie de l’Union causée par les importations du riz Indica en provenance du Cambodge sont fondées sur une sous-cotation des prix avant ajustements, soit une sous-cotation de 22 %, ainsi qu’il ressort des considérants 56, 60 et 63 du règlement attaqué.

122    Certes, la Commission a, dans ses réponses aux questions posées par le Tribunal au titre de mesures d’organisation de la procédure, indiqué avoir omis de corriger ces mentions d’une sous-cotation de 22 %, et qu’il convenait de lire les marges de sous-cotation précisées aux considérants 56, 60 et 63 du règlement attaqué comme étant de 13 % pour les ventes en vrac et de 14 % pour les ventes en conditionnements. Néanmoins, le Tribunal relève que, si les considérants 56 et 60 du règlement attaqué sont identiques aux considérants 41 et 44 du document d’information générale, le considérant 63 du règlement attaqué a été ajouté par la suite et que la sous-cotation de 22 % a été prise en compte par la Commission au moment de l’adoption du règlement attaqué.

123    La Commission a donc commis une erreur de fait en concluant, dans le règlement attaqué, que la situation de l’industrie de l’Union s’était détériorée en termes économiques en ce que celle-ci aurait été soumise à une sous-cotation importante des prix, égale à 22 %.

124    En second lieu, le Tribunal rappelle que, comme le soulève à juste titre la Commission, si une partie demande des ajustements destinés à rendre comparables les prix à l’importation et les prix de l’industrie de l’Union en vue de la détermination de la marge de sous-cotation, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. Ainsi, lorsqu’un producteur revendique l’application d’un ajustement, en principe à la baisse, il revient à cet opérateur d’indiquer et de démontrer que les conditions pour l’octroi d’un tel ajustement sont satisfaites (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 82 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2016:928, point 97 et jurisprudence citée).

125    De même, il incombe à la Commission, lorsqu’elle estime devoir effectuer un ajustement, de se fonder sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices convergents, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 58 et 61 et jurisprudence citée, et du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 180 et jurisprudence citée).

126    En l’espèce, aux considérants 34 et 35 du règlement attaqué, la Commission a indiqué que le Royaume du Cambodge « a[vait] contesté la méthode employée par [elle] pour calculer les marges de sous-cotation », que « [s]elon ses allégations, les coûts postérieurs à l’importation n’[avaient] pas été ajoutés pour calculer le prix à l’exportation pour le Cambodge » et que « [c]ompte tenu des arguments reçus […], [elle] a[vait] décidé de revoir ses calculs de la sous-cotation afin de tenir compte des coûts postérieurs à l’importation ou des coûts de transport pertinents ».

127    Force est donc de constater que la Commission avait, à la suite des observations sur le document d’information générale, accepté la nécessité d’apporter des ajustements à l’analyse de la sous-cotation. Conformément à la jurisprudence citée aux points 42 et 125 ci-dessus, il lui incombait donc de se fonder sur des preuves, ou sur des indices convergents, permettant d’établir l’existence des facteurs au titre desquels les ajustements avaient été opérés et de déterminer leur incidence sur la comparabilité des prix, et le Tribunal se doit d’examiner la fiabilité, la cohérence et la pertinence des éléments de preuve invoqués par la Commission au soutien de ses conclusions.

128    À cet égard, le calcul de la sous-cotation du prix des importations est réalisé aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice. L’examen objectif de l’incidence des importations impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de ladite industrie lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union. Afin de garantir le caractère équitable de cette comparaison, les prix doivent être comparés au même stade commercial. En effet, une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents au stade commercial dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte du préjudice de l’industrie de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice de cette industrie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 239 et jurisprudence citée).

129    Premièrement, s’agissant de l’ajustement des prix de l’Union pour tenir compte des coûts de transport du sud vers le nord de l’Europe d’un montant uniforme de 49 euros par tonne, le Tribunal rappelle que la pratique consistant à comparer les prix « départ usine », sans coûts de transport, des produits de l’industrie de l’Union aux prix « coût, assurance, fret » (CAF) à la frontière de l’Union des importations a été reconnue à plusieurs reprises par la jurisprudence (voir, par analogie, arrêts du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission, T‑107/08, EU:T:2011:704, point 55 et du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 243 à 249 ; conclusions de l’avocat général Slynn dans l’affaire France/Commission, 181/85, EU:C:1986:491, pp. 708 et 709).

130    Au stade de la procédure devant le Tribunal, la Commission se prévaut de circonstances exceptionnelles justifiant un tel ajustement, ayant pour but de tenir compte des coûts nécessaires pour amener le produit vers le lieu où s’exerce la concurrence, à savoir le nord de l’Europe, et renvoie à sa pratique mise en œuvre dans son règlement d’exécution (UE) 2019/1688, du 8 octobre 2019, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d’Amérique (JO 2019, L 258, p. 21), et son règlement d’exécution (UE) 2019/576, du 10 avril 2019, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie, de Trinité-et-Tobago et des États-Unis d’Amérique (JO 2019, L 100, p. 7).

131    Or, comme le soutiennent à juste titre les requérants, aux considérants 108 à 110 du règlement d’exécution 2019/1688 et aux considérants 127  et 129 du règlement d’exécution 2019/576, la Commission a précisé que sa pratique habituelle consistait à comparer le prix CAF frontière de l’Union des producteurs-exportateurs au prix départ usine des producteurs de l’Union. Il ressort également de ces considérants que la Commission s’écarte de cette approche standard et ajuste certaines ventes de l’industrie de l’Union lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. Elle indique pouvoir alors limiter l’ajustement à la proportion des ventes concernées par la situation exceptionnelle.

132    En l’espèce, la Commission ne fait aucunement valoir l’existence de telles circonstances exceptionnelles dans le règlement attaqué, qui justifieraient que, s’agissant des ventes de riz Indica dans l’Union, il conviendrait de tenir compte des coûts de transport du sud vers le nord de l’Europe. Elle ne se prévaut des circonstances de l’espèce qu’au stade du mémoire en duplique, alors qu’elle s’était prévalue de telles circonstances particulières dans le texte même des règlements d’exécution qu’elle cite.

133    Par ailleurs, la Commission n’a communiqué aucun élément de preuve ni indice fiable et pertinent au soutien de son affirmation selon laquelle il serait un « fait évident » que le lieu où s’exerce la concurrence du riz Indica dans l’Union est le nord de l’Europe, de sorte qu’il était nécessaire de tenir compte des prix de l’industrie de l’Union après acheminement de l’intégralité du riz Indica blanchi ou semi-blanchi du sud vers le nord de l’Europe et de ne pas ajuster les coûts de transport en fonction de la proportion des ventes de riz dans les différentes zones géographiques de l’Union.

134    En effet, tout d’abord, si, au considérant 36 du règlement attaqué, la Commission a indiqué que le « sud » de l’Europe se composait de l’Italie et de l’Espagne, elle l’a défini, dans son mémoire en défense, comme étant composé de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce, auquel elle a ajouté, par la suite, le Portugal.

135    Ensuite, en réponse aux questions posées par le Tribunal au titre de mesures d’organisation de la procédure, la Commission a présenté deux publications dans lesquelles ce fait « évident » serait mentionné et explicité par des statistiques.

136    Or, d’une part, le Tribunal constate qu’il s’agit d’une fiche de renseignement sur le riz émanant de la Commission, dans laquelle il est affirmé, sans que cette affirmation soit étayée par des éléments de preuve, que « le riz Indica (long grain) est le riz “traditionnel” asiatique, représentant [environs] 25 % de la production de riz dans l’Union et étant principalement consommé dans le nord de l’Europe ».

137    D’autre part, la Commission a produit un tableau, publié dans un article daté de décembre 1995 et relatif à la qualité du riz dans l’Union, qui établit une estimation chiffrée de la consommation de riz Indica et de riz Japonica au cours des années 1993 et 1994 pour chacun des douze pays alors membres de l’Union.

138    Si ce tableau renseigne sur les habitudes de consommation de riz dans l’Union il y a 30 ans, de telles habitudes sont susceptibles d’avoir changé de façon significative, ainsi que l’ont soulevé à juste titre les requérants dans leurs observations sur les réponses de la Commission et à l’audience. Il ressort également de ce document que l’Italie, l’Espagne, la Grèce et le Portugal conservent environ 11,8 % de la consommation de riz Indica de l’Union et la Commission elle-même a reconnu que 12 % des importations en provenance du Cambodge allaient vers ces pays du « sud ».

139    Enfin, si, au considérant 36 du règlement attaqué, la Commission indique s’être fondée sur des informations figurant dans la plainte et vérifiées lors de l’enquête sur place, force est de constater que la plainte de la République italienne ne contient aucune information relative aux coûts de transport dans l’Union d’un tel montant et que les vérifications que la Commission aurait effectuées lors de l’enquête sur place ne font pas partie du dossier.

140    Au stade du mémoire en défense, la Commission a précisé que les éléments de preuve objectifs justifiant un ajustement des coûts de transport dans l’Union d’un montant de 49 euros par tonne, à savoir une déclaration de l’association italienne des usiniers de riz (AIRI), vérifiée sur place chez deux usiniers italiens faisant partie de l’échantillon, figuraient dans le dossier, mais n’étaient pas accessibles aux requérants en raison d’une demande de traitement confidentiel. Elle a ajouté que, même en l’absence d’ajustement des coûts de transport, l’analyse aurait démontré l’existence d’une sous-cotation des prix des producteurs de l’Union d’au moins 5,4 % pour les ventes en vrac de et 8,5 % pour les ventes en conditionnements.

141    Certes, l’accès des parties aux informations concernant les décisions de la Commission est, au titre de l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué, ainsi qu’il ressort du point 171 ci-après, expressément restreint par le caractère confidentiel de ces informations. Les principes qui régissent le droit à l’information des parties doivent, par conséquent, se concilier avec le respect du principe de protection de la confidentialité, et en particulier avec l’obligation des institutions de l’Union de respecter le secret commercial (voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Donex Shipping and Forwarding, C‑104/19, EU:C:2020:159, point 61 et jurisprudence citée).

142    Néanmoins, selon la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté, de sorte que le Tribunal ne saurait substituer aux motifs invoqués pendant la procédure d’enquête d’autres motifs invoqués pour la première fois devant lui. Or, tel est le cas des appréciations de la Commission formulées dans ses écritures, par lesquelles elle affirme, sans plus de précision, que, en l’absence d’ajustement des coûts de transport, les prix des importations en provenance du Cambodge auraient tout de même entraîné une sous-cotation des prix des producteurs de l’Union d’au moins 5,4 % pour les ventes en vrac et de 8,4 % pour les ventes en conditionnements.

143    Le refus de divulguer les informations en cause ne saurait en outre être justifié par un motif invoqué au cours de la procédure devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 153).

144    En tout état de cause, il a déjà été jugé que les informations nécessaires pour apprécier si, au regard de la structure du marché, un ajustement litigieux était approprié ne sont pas des données confidentielles, dans la mesure où il s’agit de définir, en le motivant, le stade commercial des produits de l’Union correspondant à celui des produits importés et de procéder à un ajustement approprié pour tenir compte de l’ensemble des coûts s’y rapportant (voir, par analogie, arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, point 86).

145    La Commission ne peut donc valablement se prévaloir de la confidentialité de toutes les informations ayant permis de conclure à un ajustement des coûts de transport dans l’Union d’un montant uniforme de 49 euros par tonne.

146    Le Tribunal observe par ailleurs que la Commission a, le 8 février 2022, à la suite de questions et à la demande de production de document du Tribunal au titre de mesures d’organisation de la procédure, réitéré que la déclaration de l’AIRI était confidentielle.

147    Cependant, en date du 10 février 2022, elle a indiqué avoir obtenu confirmation de l’AIRI que, compte tenu du temps écoulé depuis la procédure administrative, la demande de confidentialité relative à la déclaration sur les frais de transport n’était pas maintenue. Elle a ajouté qu’elle produirait ladite déclaration le 18 février 2022, dans ses réponses aux questions du Tribunal, et que toutes les parties pourraient y accéder.

148    Or, il ressort des éléments du dossier que la Commission a uniquement produit un échange de courriels entre elle et Ente Nazionale Risi, dans lequel se trouve une capture d’écran représentant un tableau des coûts de transport du riz en gros et dans de gros sacs. Le montant de 49 euros y est visé comme correspondant aux coûts de transport du riz dans de gros sacs acheminés d’Italie vers la Belgique. En revanche, le document source duquel ces données proviennent, ou les calculs ayant permis d’y parvenir, n’a pas été communiqué au Tribunal.

149    La répartition géographique sous-tendant le « fait évident » selon lequel la concurrence du riz Indica blanchi ou semi-blanchi dans l’Union s’exercerait au nord de l’Europe n’est donc pas étayée par des éléments de preuve fiables et pertinents. Il en va de même du choix de la Commission d’appliquer à l’intégralité de la production de riz Indica dans l’Union le taux uniforme de 49 euros par tonne au titre de coûts de transport, sans limiter l’ajustement à une certaine proportion des ventes de riz Indica blanchi et semi-blanchi de l’Union nécessitant effectivement un tel transport du sud vers le nord de l’Europe.

150    Deuxièmement, s’agissant de l’ajustement des prix à l’importation, la Commission a indiqué, au considérant 36 du règlement attaqué, s’être fondée sur des « données obtenues dans le cadre d’une enquête antérieure concernant un autre produit alimentaire, à savoir les satsumas ». Elle n’a en revanche pas communiqué d’élément de preuve fiable et cohérent, ni d’indice convergent, quant à l’enquête en question et aux données ayant permis de conclure que les coûts postérieurs à l’importation devaient être estimés en l’espèce à environ 2 % du prix à l’importation.

151    En effet, si les requérants ont émis l’hypothèse qu’il s’agissait d’une enquête de 2003/2004, et soulevé des griefs quant à l’utilisation de telles données antérieures, la Commission a, au stade du mémoire en défense, réfuté cette hypothèse et précisé qu’il s’agissait de données datant de 2014 provenant d’un réexamen au titre de l’expiration de mesures antidumping instituées sur certains agrumes préparés ou conservés.

152    Certes, il a déjà été considéré, dans une affaire concernant des importations d’agrumes préparés ou conservés originaires de de Chine, qu’un ajustement à 2 % du prix à l’importation était modeste, de sorte qu’il était raisonnable de supposer qu’il n’incluait que les frais encourus jusqu’à l’arrivée de la marchandise à l’entrepôt de l’importateur (arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, point 85).

153    Toutefois, même à supposer que les requérants aient dû comprendre que l’ajustement en question était tiré d’une enquête datant de 2014 et n’incluait que les frais encourus jusqu’à l’arrivée de la marchandise à l’entrepôt de l’importateur, aucun élément parmi ceux qui leur ont été communiqués durant la procédure administrative ou qui figurent dans le règlement attaqué n’est consacré à la question de savoir pourquoi ce stade de la chaîne de distribution des produits importés est l’équivalent du niveau « nord de l’Europe » de l’industrie de l’Union, ni en quoi les prix de transport des satsumas sont équivalents à ceux du riz, produit sec moins facilement périssable, et, par voie de conséquence, pourquoi cet ajustement est en l’espèce approprié.

154    Le Tribunal constate donc que les éléments dont se prévaut la Commission pour justifier de cet ajustement ne sont pas suffisamment convaincants, ou sont inexistants, et ne peuvent pas être considérés comme des preuves, ni comme des indices convergents, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement des prix à l’importation a été opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix.

155    Troisièmement, s’agissant de l’ajustement de l’analyse de la sous-cotation afin de tenir compte des différences de stade commercial et de comparer les prix du riz blanchi vendu en vrac à ceux du riz vendu en conditionnements, force est de relever que la Commission n’a produit aucun élément de preuve au soutien de cet ajustement, ni aucun indice permettant d’établir l’existence des facteurs au titre desquels cet ajustement a été opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix.

156    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission ne s’est pas fondée sur des éléments de preuve, ou des indices, fiables et pertinents permettant d’étayer sa décision d’effectuer des ajustements dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation.

157    Partant, il convient également d’accueillir les griefs des requérants tirés de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, pour autant que la Commission a opéré des ajustements sur les prix de l’Union et les prix à l’importation.

 Sur les griefs tirés d’une violation des droits de la défense des requérants et de l’obligation de communiquer les faits et considérations essentiels ou les détails les sous-tendant

158    Les requérants invoquent, en substance, une violation de leurs droits de la défense ainsi que de l’article 17, paragraphes 1 à 4, du règlement délégué, lu conjointement avec l’article 38, paragraphe 3, du règlement SPG, en ce que la Commission aurait omis de divulguer, avant l’adoption de la décision de rétablir les droits du tarif douanier commun sur les importations du riz Indica originaire du Cambodge, certains faits et considérations essentiels, ou les détails les sous-tendant, sur la base desquels elle a pris sa décision finale.

159    Tout d’abord, les requérants soutiennent que la Commission ne leur a pas communiqué l’analyse de la sous-cotation, ni les ajustements effectués après les observations qui ont suivi la communication du document d’information générale, pas plus que les données sources qui y sont relatives, portant sur les coûts postérieurs à l’importation, les coûts de transport du riz du sud vers le nord de l’Europe, ainsi que la distinction entre les prix de vente en vrac et les prix de vente en conditionnements.

160    La Commission n’aurait pas communiqué non plus les données ayant fondé le calcul des indicateurs de consommation et de préjudice, tels que les parts de marché et les volumes de ventes, l’évolution de la production de l’Union, des importations et de leurs prix, y compris les données reçues des États membres et d’Eurostat et les chiffres établis sur leur base, ni l’analyse par le biais de laquelle elle a appliqué le taux de conversion du riz semi-blanchi en équivalent de riz blanchi.

161    Or, ces éléments seraient manifestement des faits et considérations essentiels, et les données utilisées à cet égard seraient des détails les sous-tendant, de sorte que, aux termes de l’article 17, paragraphes 1 à 4, du règlement délégué, la Commission avait l’obligation de les communiquer, y compris les données publiquement accessibles.

162    Ensuite, les requérants font valoir que, si leurs observations après la communication du document d’information générale ont permis de fortement réduire la marge de sous-cotation de 22 à 13 % pour les ventes en vrac et à 14 % pour les ventes en conditionnements, il n’est pas exclu que la communication de l’analyse de la sous-cotation et des ajustements qui y ont été faits, des données sources à cet égard ainsi que des autres éléments importants leur ait permis de formuler des observations additionnelles. En ne communiquant pas ces informations, ce que la Commission aurait reconnu, elle les aurait privées de la possibilité de faire valoir leurs observations à cet égard, ce qui aurait pu la conduire à modifier certaines de ses constatations et entraîner une baisse supplémentaire de la marge de sous-cotation, voire remettre en cause l’analyse du lien de causalité entre les difficultés graves alléguées et les importations du riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge.

163    Enfin, selon les requérants, aucun des éléments non communiqués n’était confidentiel. À supposer même que certains l’aient été, ils auraient dû, aux termes de l’article 38, paragraphes 3 et 5, du règlement SPG, avoir fait l’objet d’une demande de traitement confidentiel et, en tout état de cause, être communiqués en termes généraux ou sous forme de résumé.

164    Tout d’abord, la Commission fait valoir que l’analyse de la sous-cotation et les données qui la sous-tendent pouvaient être comprises par les requérants au vu des informations figurant dans le document d’information générale, qui portaient sur le prix des importations en provenance du Cambodge et les prix unitaires des usiniers de l’Union retenus dans l’échantillon. Si elle admet ne pas avoir communiqué les ajustements de ladite analyse et les éléments les sous-tendant, elle ajoute qu’ils ont été effectués à la suite des observations des parties intéressées sur le document d’information générale et qu’ils ont entraîné une baisse de la sous-cotation, de sorte qu’ils sont favorables aux requérants. Elle précise en outre que la sous-cotation des prix n’est qu’un élément parmi d’autres dont il a été tenu compte afin d’apprécier les graves difficultés causées à l’industrie de l’Union.

165    La Commission ajoute que les données sous-tendant l’ajustement relatif aux coûts de transport du sud vers le nord de l’Europe n’étaient pas accessibles aux requérants en raison d’une demande de traitement confidentiel.

166    Ensuite, s’agissant des indicateurs de consommation et de préjudice, si la Commission reconnaît qu’il s’agit de faits essentiels, elle allègue qu’ils étaient inclus dans le document d’information générale. Quant aux données sur la base desquelles ces indicateurs ont été calculés, il ne s’agirait aucunement de faits ni de considérations essentiels devant être communiqués aux requérants. Ces derniers auraient par ailleurs pu effectuer leurs propres calculs sur la base des informations inclues dans le document d’information générale ou publiquement accessibles.

167    À cet égard, la Commission se réfère également à l’article 16, paragraphe 1, du règlement délégué et à l’article 12, paragraphe 1, de la décision (UE) 2019/339 du président de la Commission européenne, du 21 février 2019, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans le cadre de certaines procédures commerciales (JO 2019, L 60, p. 20), qui prévoient la possibilité pour un conseiller-auditeur d’intervenir à la demande des parties, aux fins d’examiner, notamment, les refus de fournir un accès au dossier constitué et les litiges concernant la confidentialité des documents.

168    Il ressortirait de ces dispositions que les requérants auraient dû demander, pendant la procédure administrative, l’accès aux données à l’origine des indicateurs de consommation et de préjudice ainsi que du calcul relatif au taux de conversion du riz. Ils ne seraient dès lors plus fondés à se plaindre de leur non-communication devant le Tribunal.

169    Enfin, la Commission maintient que les éventuelles irrégularités dues à la non-communication aux requérants de certaines informations ne sauraient conduire à l’annulation du règlement attaqué, les requérants n’ayant pas démontré que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si de telles informations leur avaient été communiquées.

170    La République italienne et Ente Nationale Risi renvoient en substance aux arguments de la Commission.

171    L’article 17 du règlement délégué, intitulé « Communication d’informations », dispose :

« 1. La Commission communique les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle prend ses décisions.

2. Cette communication se fait par écrit. Elle contient les conclusions de la Commission et reflète son intention de rétablir ou non les droits du tarif douanier commun.

3. La communication est faite dès que possible, dans le respect de la protection des informations confidentielles ; en principe, elle intervient au plus tard 45 jours avant la décision définitive de la Commission sur toute proposition d’action finale et, en tout état de cause, à un moment approprié permettant aux parties de communiquer leurs observations et à la Commission d’examiner ces observations. Lorsque la Commission n’est pas en mesure de communiquer certains faits ou considérations à ce moment-là, elle le fait dès que possible par la suite.

4. Cette communication ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure mais, lorsque celle-ci se fonde sur des faits et considérations différents, ces derniers doivent être communiqués dans les meilleurs délais.

5. Les observations transmises après cette communication ne sont prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l’urgence de l’affaire, mais qui n’est pas inférieur à 14 jours. »

172    Tout d’abord, le Tribunal relève que cette disposition ne conditionne nullement l’obligation de communication de la Commission à une quelconque demande émanant des parties intéressées, qui viserait ceux des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels une mesure de sauvegarde est envisagée et dont les requérants souhaiteraient prendre connaissance.

173    L’interprétation que la Commission fait de cette disposition, selon laquelle les requérants auraient dû demander l’accès aux données en cause, est tirée du régime de la procédure antidumping, dans le cadre duquel le règlement antidumping confère à certaines personnes intéressées des droits et des garanties procéduraux, dont l’exercice dépend toutefois de la participation active de ces personnes à la procédure elle‑même, qui doit s’exprimer, à tout le moins, par la présentation d’une demande écrite dans un délai déterminé (arrêt du 9 juillet 2020, Donex Shipping and Forwarding, C‑104/19, EU:C:2020:539, point 70).

174    Si la possibilité de recevoir une information finale et, par la suite, de présenter des observations à cet égard est, dans le cadre du règlement antidumping, subordonnée à la présentation d’une demande à la Commission, une telle demande n’est en revanche pas requise par l’article 17 du règlement délégué.

175    Ensuite, le Tribunal constate que l’article 16 du règlement délégué et l’article 12, paragraphe 1, de la décision 2019/339 portent sur l’intervention d’un conseiller-auditeur pendant la phase administrative et visent la situation spécifique où les parties concernées ont introduit une demande d’accès au dossier constitué ou à un document particulier, que cet accès a été refusé par la Commission et qu’il convient de trancher, notamment, un litige portant sur la confidentialité de certains documents.

176    Or, ce droit des parties intéressées de demander un accès par écrit au dossier pendant la phase administrative et la question de l’intervention éventuelle du conseiller-auditeur en cas de refus ou de litige portant sur la confidentialité de certains documents sont distincts de l’obligation de la Commission de communiquer les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle a fondé sa décision définitive, au sens de l’article 17 du règlement délégué.

177    Dès lors, contrairement à ce que soutient la Commission, les requérants n’étaient soumis à aucune obligation préalable de demander, pendant la procédure administrative, l’accès aux informations visées à l’article 17 du règlement délégué afin de pouvoir se prévaloir devant le Tribunal d’une violation de cette disposition et de leurs droits de la défense.

178    Enfin, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, les droits de la défense comportent tant le droit d’être entendu que le droit d’accès au dossier et figurent au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 28 et jurisprudence citée).

179    Les procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements instituant des mesures de sauvegarde pouvant affecter les parties concernées de manière directe et individuelle et emporter pour elles des conséquences défavorables, la Commission est tenue de respecter certains principes et garanties procéduraux (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 74 et 76).

180    Ainsi, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans l’accomplissement de leur devoir d’information, les institutions de l’Union doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication. Les entreprises intéressées doivent, en tout état de cause, avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission prend ses décisions et apprécie l’existence de difficultés graves causées ou risquant d’être causées à l’industrie de l’Union qui résulteraient des importations d’un produit originaire d’un pays bénéficiaire (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76 et jurisprudence citée).

181    En particulier, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53, et du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 58).

182    Le caractère utile de la soumission du point de vue de l’intéressé requiert donc que ce point de vue ait pu être soumis en temps voulu pour que la Commission puisse en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption.

183    Dans le cadre de mesures de sauvegarde adoptées sur le fondement du règlement SPG, l’article 17 du règlement délégué établit certaines modalités quant à l’exercice du droit des parties intéressées de communiquer leurs observations et matérialise ainsi leur droit d’être entendues. Cet article prévoit, à son paragraphe 1, l’obligation pour la Commission de communiquer les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle prend ses décisions.

184    Une telle obligation s’impose, a fortiori, à l’égard des faits et considérations essentiels eux-mêmes, et ce d’autant plus que les paragraphes 3 et 4 de l’article 17 du règlement délégué mentionnent expressément la communication des « faits et considérations ».

185    Cet article dispose également, à son paragraphe 3, que la communication doit se faire dès que possible et, en principe, au plus tard 45 jours avant la décision définitive de la Commission. En tout état de cause, elle doit intervenir à un moment approprié permettant aux parties de communiquer leurs observations et à la Commission de les examiner. Cet article prévoit en outre, à son paragraphe 4, que, lorsque la Commission envisage de prendre une décision ultérieure en se fondant sur des faits et considérations différents de ceux communiqués précédemment, elle doit les communiquer dans les meilleurs délais.

186    Le libellé de l’article 17 du règlement délégué ne comporte aucune indication permettant de conférer à cette communication un caractère purement indicatif. Certaines versions linguistiques de cette disposition, telles que ses versions anglaise et française, lesquelles emploient respectivement les verbes « shall » et « doivent » ou l’indicatif présent, se réfèrent ainsi expressément à une obligation, pour la Commission, de communiquer les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels ou les faits et considérations différents sur la base desquels elle prend ses décisions, dans le respect des délais.

187    C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les griefs des requérants relatifs aux informations que la Commission n’aurait pas communiquées. À cette fin, le Tribunal décide d’analyser ceux des griefs portant sur la non-communication, premièrement, des données sous-tendant les indicateurs de consommation et de préjudice et, deuxièmement, de l’analyse de la sous-cotation et des ajustements qui y ont été apportés à la suite des observations des parties intéressées sur le document d’information générale.

 Sur les données sous-tendant les indicateurs de consommation et de préjudice

188    En l’espèce, dans le document d’information générale, la Commission avait communiqué aux parties intéressées les faits et considérations qu’elle estimait essentiels et sur la base desquels elle envisageait de rétablir temporairement les droits du tarif douanier commun sur les importations de riz Indica originaire du Cambodge, y compris les chiffres concernant les indicateurs de consommation et de préjudice et l’analyse des tendances qu’auraient démontrés ces indicateurs, ainsi qu’il ressort des points 11 à 16 ci-dessus.

189    Le Tribunal rappelle que, ainsi qu’il ressort des points 172 à 186 ci-dessus, l’article 17 du règlement délégué ne subordonne pas l’obligation de communication de la Commission à une quelconque participation active des parties intéressées à la procédure administrative. En outre, les droits de la défense, dont la Commission est tenue d’assurer le respect dans le cadre d’une enquête visant à adopter des mesures de sauvegarde sur le fondement du règlement SPG, sont mis en œuvre dans le règlement délégué par un système complet de garanties procédurales visant, notamment, à permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts.

190    À cet égard, force est de relever que l’article 17 du règlement délégué, en son paragraphe 1, ne limite pas l’obligation de communication de la Commission aux faits et considérations essentiels sur la base desquels elle prend ses décisions, mais vise expressément les détails les sous-tendant.

191    La Commission a reconnu que les indicateurs de consommation et de préjudice étaient des faits essentiels. Les renseignements et données sous-tendant ces indicateurs sont donc des détails sous-tendant des faits et considérations essentiels, qui devaient être communiqués aux requérants, conformément à l’article 17 du règlement délégué.

192    S’agissant, tout d’abord, des taux de conversion du riz semi-blanchi en équivalent de riz blanchi, il ressort de la note en bas de page n° 5 du document d’information générale que la Commission a indiqué que ce taux de conversion était fixé par le règlement (CE) no 1312/2008 de la Commission, du 19 décembre 2008, fixant les taux de conversion, les frais d’usinage et la valeur des sous-produits afférents aux divers stades de transformation du riz (JO 2008, L 344, p. 56), et qu’il s’appliquait tant aux importations qu’aux volumes produits dans l’Union. Le taux de conversion du riz semi-blanchi en riz blanchi est fixé à l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement, de sorte que les requérants ont eu accès à cette information. Aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée à cet égard.

193    S’agissant, ensuite, des données ayant permis à la Commission d’établir les chiffres relatifs à la consommation dans l’Union, aux parts de marché détenues par l’industrie de l’Union et par le Royaume du Cambodge, à l’évolution des importations de riz Indica originaire du Cambodge et de leurs prix ainsi qu’à la production, aux stocks et à la superficie consacrée par l’industrie de l’Union à la culture de riz Indica, mentionnés aux considérants 19, 21, 24, 26, 33, 35, 36 et 38 du document d’information générale ainsi qu’aux considérants 25, 27, 30, 32, 47, 49, 52 et 53 du règlement attaqué, force est de constater qu’il y est seulement indiqué que ces chiffres ont été établis par la Commission sur la base des données reçues des États membres ou des données d’Eurostat.

194    Or, il apparaît que les données d’Eurostat en question ou les données reçues des États membres ne figuraient pas dans le dossier mis à la disposition des requérants et l’hyperlien figurant dans la note en bas de page n° 4 du document d’information générale renvoie à la présentation générale de la politique agricole commune de l’Union à l’égard des « céréales, oléagineux, protéagineux et riz », sur le site de la Commission.

195    La Commission ne saurait à cet égard se fonder sur le point 372 de l’arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission (T‑329/01, EU:T:2006:268). En effet, il ressort de cet arrêt que l’ouvrage publiquement accessible en cause dans cette affaire consistait en une publication spécifique et qui avait été explicitement mentionnée en note en bas de page dans la communication des griefs. En l’espèce, en revanche, l’hyperlien en note en bas de page n° 4 du document d’information générale ne renvoie pas directement vers les données mises à disposition par Eurostat et celles-ci, de même que les données reçues des États membres, n’ont pas été communiquées aux requérants d’une autre manière.

196    En tout état de cause, même à considérer que les statistiques d’Eurostat étaient disponibles publiquement et que les requérants ont eu accès aux chiffres finals relatifs aux indicateurs de consommation et de préjudice dans le document d’information générale, la Commission n’a pas expliqué la méthodologie suivie, le cas échéant, pour combiner les données reçues des États membres avec les statistiques d’Eurostat aux fins d’établir les données finales reprises dans le document d’information générale et le règlement attaqué.

197    Par conséquent, la Commission a enfreint l’article 17 du règlement délégué en ne communiquant pas en temps utile aux parties intéressées les renseignements d’Eurostat et les données des États membres obtenus aux fins de l’enquête et du calcul des indicateurs de consommation et de préjudice.

198    Enfin, en ce qui concerne, plus particulièrement, les données utilisées pour déterminer la production de l’Union, la Commission reconnaît n’avoir communiqué qu’un calcul partiel, car les données ne reflétaient pas le stock d’ouverture ni l’utilisation du riz en tant que semences. Elle ajoute cependant que ce calcul était conforme au calcul du bilan et que les requérants auraient pu le comprendre en se fondant sur le bilan sur le riz, auquel ils avaient accès.

199    Certes, il ressort des bilans sur le riz, annexés aux écritures des requérants, que les chiffres relatifs aux stocks de clôture figurant au considérant 36 du document d’information générale, et repris au considérant 52 du règlement attaqué, correspondent à la différence entre, d’une part, la somme des stocks de départ, de la production utilisable et des importations et, d’autre part, l’utilisation intérieure totale et les exportations. Cependant, si cette formule comptable permet de calculer les stocks de clôture, elle a seulement été détaillée par la Commission dans ses écritures produites devant le Tribunal. Elle ne ressort en revanche nullement du document d’information générale et la Commission ne prétend pas l’avoir communiquée aux requérants au cours de la procédure administrative.

200    Par ailleurs, si les requérants ont eu accès à deux bilans sur le riz couvrant la période d’enquête, il ressort des réponses de la Commission aux questions posées par le Tribunal au titre de mesures d’organisation de la procédure que cette dernière s’est fondée sur un autre bilan, datant de 2018, dont les chiffres résultaient d’une compilation de données effectuées par la Commission et qui présentaient certaines différences avec les chiffres repris dans les bilans sur le riz détenus par les requérants. Ce bilan n’a pas été communiqué aux requérants au cours de la procédure administrative, ni les données le sous-tendant et la méthodologie utilisée par la Commission pour compiler ces données.

201    En outre, bien que la Commission fasse valoir qu’il aurait été clairement indiqué au considérant 18 du document d’information générale que les données relatives aux ventes des producteurs de l’Union avaient été calculées sur la base des bilans sur le riz, en ajoutant les stocks de départ et la production utilisable et en déduisant les semences, les exportations et les stocks de clôture, et qu’il s’agirait d’une « formule comptable communément admise », le Tribunal relève que ce considérant indique que « [l]a consommation de riz Indica dans l’Union a été établie sur la base des données collectées auprès des États membres par la Commission et des statistiques sur les importations mises à disposition par Eurostat ». Il n’y est fait aucune mention du volume des ventes ni de la formule comptable utilisée par la Commission.

202    De même, la méthode de calcul utilisée par la Commission pour parvenir aux chiffres finals relatifs à la consommation dans l’Union, lesquels figurent au considérant 19 du document d’information générale et sont repris au considérant 25 du règlement attaqué, n’est pas identifiable dans le document d’information générale.

203    Les requérants n’avaient donc pas à leur disposition les détails sous-tendant les indicateurs de consommation et de préjudice ni les informations utiles pour reproduire les calculs de la Commission à cet égard, cette dernière ayant manqué à son obligation de communication d’informations, au sens de l’article 17 du règlement délégué.

204    Or, il n’est pas exclu que les requérants aient pu mieux assurer leur défense en l’absence de ces irrégularités.

205    En effet, selon la jurisprudence de la Cour, s’il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente en l’absence de l’irrégularité procédurale en cause, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors que cette partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité, il n’en reste pas moins que l’existence d’une irrégularité se rapportant aux droits de la défense ne saurait conduire à l’annulation de l’acte en cause que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi atteinte concrètement aux droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 78 et 79 ainsi que jurisprudence citée).

206    Il a déjà été jugé que cette exigence est satisfaite lorsque, n’ayant pas eu accès aux pièces qui devaient lui être communiquées en application du respect dû aux droits de la défense, une partie requérante n’a pu utilement faire valoir ses observations et s’est ainsi vue privée d’une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 56).

207    Dans un tel cas, un défaut de communication de pièces du dossier sur lesquelles s’est fondée l’administration ou une institution de l’Union affecte inévitablement, au regard de la protection due aux droits de la défense, la régularité des actes pris au terme d’une procédure susceptible d’affecter défavorablement la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 78, et du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 73).

208    Dans les circonstances particulières de l’espèce, l’absence d’accès des requérants aux calculs des données de la consommation et des indicateurs de difficultés graves était donc de nature à limiter leur capacité à présenter des observations pertinentes. Le fait qu’ils ne disposaient pas, en l’espèce, de certaines informations concernant la méthodologie de calcul est pertinent pour apprécier si l’issue de la procédure aurait pu être différente dans l’hypothèse où la Commission aurait divulgué ces calculs.

209    Or, le fait de disposer de toutes les informations relatives aux indicateurs de consommation et de préjudice ainsi que des calculs détaillés effectués par la Commission et non seulement des données utilisées pour ces calculs est, de manière générale, de nature à permettre aux requérants de fournir des observations plus utiles pour leur défense. Ils peuvent alors vérifier précisément la manière dont la Commission a utilisé ces données et les comparer à leurs propres calculs, ce qui est de nature à leur permettre d’identifier d’éventuelles erreurs de la part de la Commission qui seraient autrement indétectables (voir, par analogie, arrêts du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 208, et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 156).

210    Ainsi qu’il ressort des points 196 et 199 à 202 ci-dessus, l’obtention des données et des méthodes de calcul sous-tendant les indicateurs de consommation et de préjudice aurait constitué pour les requérants un gain substantiel d’information qui, compte tenu des circonstances de l’espèce, était de nature à leur permettre de présenter des observations plus pertinentes que celles qu’ils avaient déjà présentées, notamment, à la suite de la communication du document d’information générale.

211    Partant, il est possible que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi concrètement atteinte aux droits de la défense des requérants.

 Sur l’analyse de la sous-cotation et les ajustements

212    Il ressort des considérants 33 à 42 du règlement attaqué que l’analyse de la sous-cotation et les ajustements effectués par la Commission sont des éléments essentiels des calculs de la sous-cotation. La Commission a par ailleurs indiqué, dans ses écritures, que la sous-cotation des prix constituait l’un des éléments à l’origine de la conclusion portant sur l’existence de difficultés graves causées à l’industrie de l’Union. Elle a également confirmé à l’audience s’être fondée sur l’analyse de la sous-cotation pour conclure à l’existence d’un lien de causalité entre les difficultés graves rencontrées par l’industrie de l’Union et les importations du riz Indica blanchi ou semi-blanchi originaire du Cambodge.

213    En ce qui concerne, en premier lieu, l’analyse de la sous-cotation, il convient d’observer que, dans le document d’information générale, la Commission a indiqué les prix des importations en provenance du Cambodge et les prix unitaires des usiniers de l’Union retenus dans l’échantillon.

214    Il ressort des éléments du dossier que les requérants ont correctement saisi la portée de ces informations et ont été en mesure d’effectuer leurs propres calculs en ce qui concerne la marge de sous-cotation de 22 %. L’absence de communication aux requérants du calcul de la marge de sous-cotation, telle que communiquée dans le document d’information générale, ne les a donc pas privés de toute possibilité de présenter certaines observations pertinentes.

215    Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 194 à 196 ci-dessus, la Commission n’a pas communiqué les données d’Eurostat, y compris celles lui ayant permis d’établir les chiffres relatifs à l’évolution des prix des importations en provenance du Cambodge, en violation de son obligation de communication d’informations au sens de l’article 17 du règlement délégué.

216    S’agissant des chiffres établissant l’évolution des prix de l’Union, il ressort du considérant 39 du document d’information générale ainsi que du considérant 54 du règlement attaqué qu’ils ont été établis sur la base des réponses aux questionnaires des usiniers de l’Union retenus dans l’échantillon. S’il ressort des éléments du dossier que les requérants ont eu accès à ces réponses, force est de relever que les parties portant sur les prix ont été indiquées comme étant confidentielles. Comme le soulève à juste titre les requérants, les données agrégées des usiniers de l’Union ne sont pas confidentielles et figurent au considérant 39 du document d’information générale, repris au considérant 54 du règlement attaqué. En revanche, les requérants n’allèguent pas que les données individuelles des usiniers auraient dû leur être communiquées, de sorte qu’ils ne peuvent se prévaloir d’une violation de leurs droits de la défense à cet égard.

217    En ce qui concerne, en second lieu, les ajustements apportés à l’analyse de la sous-cotation, force est de constater qu’il en a été fait mention pour la première fois dans le règlement attaqué. Il ressort en outre des considérants 34 à 37 dudit règlement qu’ils ont été adoptés par la Commission afin de répondre aux observations des parties intéressées, dont le Royaume du Cambodge, faisant suite à la communication du document d’information générale, et de garantir une comparaison équitable.

218    Les ajustements apportés à l’analyse de la sous-cotation non seulement sont donc non seulement des faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a pris la décision de rétablir temporairement les droits du tarifs douanier commun sur les importations de riz Indica originaire du Cambodge, mais en outre ont conduit à une modification des marges de sous-cotation et des conclusions finales qui avaient été précédemment communiquées aux parties intéressées dans le document d’information générale.

219    Les ajustements ont ainsi apporté des changements dans les tendances sur lesquelles l’évaluation du préjudice était fondée, la Commission ayant mentionné outre la marge de sous-cotation générale de 22 %, déjà indiquée dans le document d’information générale, une nouvelle marge de 13 % pour les ventes en vrac et de 14 % pour les ventes en conditionnements, dans le règlement attaqué.

220    Aux termes de l’article 17, paragraphe 4, du règlement délégué et au regard du droit des requérants d’être entendus, la décision de la Commission se fondant sur des faits et considérations différents de ceux communiqués précédemment, elle avait l’obligation de communiquer aux requérants les ajustements apportés à l’analyse de la sous-cotation ainsi que, a fortiori, l’analyse de la sous-cotation après ajustement, dans les meilleurs délais. Or, la Commission admet n’avoir transmis aucun élément permettant aux requérants d’en prendre connaissance avant l’adoption du règlement attaqué et de faire valoir leur point de vue à leur égard.

221    Certes, ainsi que cela a été mentionné au point 141 ci-dessus, la communication d’informations doit se faire dans le respect de la protection des informations confidentielles. Toutefois, la Commission n’a aucunement soutenu pendant la procédure administrative, ni dans le règlement attaqué, qu’il s’agissait de données confidentielles auxquelles elle ne pouvait pas donner l’accès aux requérants.

222    Elle s’est uniquement prévalue de la confidentialité des éléments de preuve justifiant l’ajustement des prix de l’Union au stade du mémoire en défense. Or, en tout état de cause, il ressort du point 145 ci-dessus que la Commission ne pouvait valablement se prévaloir de la confidentialité de toutes les informations ayant permis de conclure à un ajustement des coûts de transport dans l’Union d’un montant uniforme de 49 euros par tonne.

223    En outre, si, en vertu de l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué, la communication est faite dans le respect de la protection des informations confidentielles, le respect de ces informations confidentielles ne saurait vider de leur contenu essentiel les droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 29).

224    Par ailleurs, l’article 38, paragraphe 5, du règlement SPG précise, en substance, que les paragraphes 1 à 4 dudit article, relatifs à l’utilisation des informations, y compris celles qui ont fait l’objet d’une demande de traitement confidentiel, ne s’opposent pas à ce que la Commission fasse état d’informations à caractère général et, notamment, des motifs sur lesquels les décisions prises en vertu du règlement SPG sont fondées, tout en tenant toutefois compte des intérêts légitimes des personnes physiques et morales concernées à ce que les secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

225    Selon la jurisprudence, c’est en fonction du degré de spécificité des informations demandées qu’il convient d’apprécier le caractère suffisant des informations fournies par la Commission (voir, par analogie, arrêts du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, EU:T:1997:209, point 93, et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 143).

226    Dans ce cadre, la Commission doit chercher, dans toute la mesure compatible avec le respect du secret des affaires, à communiquer aux parties intéressées des indications utiles à la défense de leurs intérêts, en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication (voir, par analogie, arrêts du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 30, et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 141).

227    En l’espèce, il n’est pas contesté que la Commission n’a communiqué aucune information portant sur l’ajustement des prix de l’Union au cours de la procédure administrative.

228    Il en va de même de l’ajustement des prix à l’importation et de l’ajustement aux fins de tenir compte des différences de stade commercial et de comparer les prix du riz blanchi vendu en vrac à ceux du riz vendu en conditionnements, ceux-ci étant apparus dans le règlement attaqué, sans que la Commission fournisse d’informations concernant les calculs ayant été réalisés et les données utilisées pour opérer de tels ajustements. Le règlement attaqué ne fait par ailleurs référence à aucune justification valable pour fonder un éventuel refus de les communiquer.

229    Les ajustements apportés à l’analyse de la sous-cotation constituant des faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a pris la décision de rétablir les droits du tarif douanier commun sur les importations de riz Indica originaire du Cambodge, la Commission avait l’obligation de les communiquer aux requérants, ainsi que les détails les sous-tendant. L’article 17 du règlement délégué et le droit d’être entendus des requérants ont donc été méconnus.

230    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 205 à 207 ci-dessus, une violation des droits de la défense peut entraîner l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure lorsqu’il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent, et que les requérants se sont vus privés d’une chance, même réduite, de mieux assurer leur défense en l’absence de l’irrégularité procédurale.

231    Or, en l’espèce, les requérants ont présenté, lors de la procédure d’enquête, un certain nombre d’observations sur la base des informations dont ils disposaient déjà, dont certaines ont abouti à une modification des calculs de la marge de sous-cotation.

232    En effet, il ressort des considérants 34 et 35 du règlement attaqué que le Royaume du Cambodge a contesté la méthode employée par la Commission pour calculer la marge de sous-cotation figurant dans le document d’information générale et a fait valoir que les prix à l’importation devaient être ajustés en incluant les coûts postérieurs à l’importation. En réponse à ces observations, la Commission a décidé de revoir ses calculs afin de tenir compte non seulement des coûts postérieurs à l’importation, mais également des coûts de transport pertinents dans l’Union, de même que des différences de stade commercial ayant une incidence sur la comparabilité des prix, ainsi qu’il a déjà été mentionné aux points 119, 120, et 126 ci-dessus.

233    Par ailleurs, comme les requérants l’ont eux-mêmes indiqué à l’audience, ils ont produit, dans le cadre de leurs observations sur les réponses de la Commission aux questions posées par le Tribunal au titre de mesures d’organisation de la procédure, et en particulier en réponse au tableau de la Commission établissant une estimation chiffrée de la consommation de riz Indica et de riz Japonica dans l’Union pour les années 1993 et 1994, un tableau portant sur les années 1995 et 1996, qui indiquait des habitudes de consommation différentes, notamment, pour l’Italie et le Portugal.

234    Il est donc patent que les requérants auraient pu mieux assurer leur défense en l’absence des irrégularités procédurales relatives à la non-communication des données sous-tendant l’analyse de la sous-cotation et les ajustements litigieux et qu’il ne peut être exclu que leurs arguments à cet égard auraient pu influer sur le contenu de la décision de la Commission, en particulier eu égard au fait que cette dernière avait déjà changé sa position et les calculs de la sous-cotation du fait des observations qui lui avaient été soumises par les parties intéressées après la communication du document d’information générale (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 92).

235    En outre, étant donné qu’une comparaison équitable, c’est-à-dire au même stade commercial, entre le prix à l’importation et le prix de l’industrie de l’Union constitue une condition de la légalité des calculs de la sous-cotation ayant permis de déterminer l’existence de difficultés graves, il ne saurait être considéré que les requérants ont été en mesure de faire valoir utilement leur point de vue lorsqu’aucun élément justifiant ce caractère équitable ne leur avait été communiqué (voir, par analogie, arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, point 85).

236    Comme les requérants l’ont souligné, en substance, à l’audience, le fait qu’ils ne disposaient pas, en l’espèce, d’informations concernant les ajustements et les calculs des marges de sous-cotation est pertinent pour apprécier si l’issue de la procédure aurait pu être différente dans l’hypothèse où la Commission les aurait divulgués. En effet, les requérants n’avaient, à la date d’adoption du règlement attaqué, qu’une connaissance générale du calcul de la marge de sous-cotation de 22 %. Ils ignoraient en particulier, avant cette date, que les prix à l’importation et les prix de l’industrie de l’Union avaient fait l’objet d’ajustements par la Commission. Aucun élément parmi ceux leur ayant été communiqués durant la procédure administrative n’était consacré à la question de savoir comment les calculs de la sous-cotation avaient été revus pour atteindre une sous-cotation de 13 % pour les ventes en vrac et de 14 % pour les ventes en conditionnements, ni aux raisons du choix d’un ajustement à l’importation estimé à 2 % du prix à l’importation et d’un ajustement des prix de l’industrie dans l’Union d’un montant uniforme de 49 euros par tonne.

237    Or, si les requérants avaient eu en leur possession l’analyse de la sous-cotation et ses ajustements, ainsi que les calculs des marges de la sous-cotation, ils auraient été en mesure, à tout le moins, de présenter des observations sur les résultats auxquels la Commission avait abouti. Les requérants auraient pu ainsi, le cas échéant, comparer ces résultats à leurs propres résultats. De ce fait, ils auraient, le cas échéant, été en mesure de contester de manière plus précise la méthode utilisée par la Commission et auraient eu davantage de chances de voir leurs objections prises en compte par la Commission.

238    L’obtention d’informations relatives aux ajustements et aux calculs des nouvelles marges de sous-cotation ainsi qu’aux calculs détaillés effectués par la Commission aurait donc, à l’évidence, constitué pour les requérants un gain substantiel d’information qui, compte tenu des circonstances de l’espèce, était de nature à leur permettre de présenter des observations plus pertinentes que celles que le Royaume du Cambodge avait déjà présentées.

239    Dès lors, il ne saurait être exclu que, si les requérants avaient eu en leur possession les calculs des marges de sous-cotation, ils auraient pu exploiter cette information de manière utile pour l’exercice de leurs droits de la défense.

240    Partant, les requérants invoquent à juste titre une violation de leurs droits de la défense ainsi que de l’article 17 du règlement délégué, et il est possible que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi concrètement atteinte à leurs droits de la défense.

241    Dans le cadre de l’examen d’une violation des droits de la défense, ne saurait être pris en compte le fait allégué par la Commission selon lequel les requérants ont pu lui demander, après la communication du document d’information générale, de tenir compte des coûts postérieurs à l’importation. En effet, un tel élément ne saurait influer, le cas échéant, sur la question de savoir si une violation des droits de la défense a été commise. Ce qui importe pour le respect des droits de la défense est la possibilité pour l’intéressé de connaître les détails qui sous-tendent les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a pris la décision de rétablir les droits du tarif douanier commun. Pour les mêmes motifs, les éléments qui démontrent que la comparaison entre le prix à l’importation et le prix de l’industrie de l’Union a été faite au même stade commercial sont d’une importance capitale pour l’exercice effectif des droits de la défense (voir, par analogie, arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, points 90 et 91).

242    Le fait que les ajustements effectués au stade du règlement attaqué ont été favorables aux requérants, la sous-cotation étant passée de 22 % à, respectivement, 13 % pour les ventes en vrac et 14 % pour les ventes en conditionnements, est donc dépourvu d’intérêt.

243    Les griefs des requérants tirés d’une violation de leurs droits de la défense et de l’article 17 du règlement délégué doivent donc être accueillis.

244    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le règlement attaqué doit être annulé.

 Sur les dépens

245    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des requérants, conformément aux conclusions de ces derniers.

246    Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante, autre que celles mentionnées au paragraphe 1, supportera ses propres dépens.

247    Il convient donc de juger que la République italienne et Ente Nazionale Risi supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) 2019/67 de la Commission, du 16 janvier 2019, instituant des mesures de sauvegarde en ce qui concerne les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar/de la Birmanie, est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Royaume du Cambodge et par Cambodia Rice Federation (CRF).

3)      La République italienne et Ente Nazionale Risi supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Spielmann

Öberg

Mastroianni

 

      Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.