Language of document : ECLI:EU:T:2005:135


ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 avril 2005 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque figurative Faber – Opposition du titulaire des marques nationales verbale et figuratives NABER – Refus d’enregistrement »

Dans l’affaire T‑211/03,

Faber Chimica Srl, établie à Fabriano (Italie), représentée par Mes P. Tartuferi et M. Andreano, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme M. Capostagno et M. O. Montalto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Industrias Quimicas Naber, SA Nabersa, établie à Valence (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 19 mars 2003 (affaire R 620/2001‑4), relative à une procédure d’opposition entre Faber Chimica Srl et Industrias Quimicas Naber, SA Nabersa,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 septembre 2003,

à la suite de l’audience du 11 janvier 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 14 novembre 1997, la requérante a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2       La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif Faber, tel que reproduit ci-après :

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3       Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1, 2 et 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–       classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’industrie et aux sciences ; résines artificielles brutes ; matières tannantes ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie » ;

–       classe 2 : « Couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants ; résines naturelles brutes ; métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes » ;

–       classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».

4       Le 11 janvier 1999, cette demande a été publiée dans le Bulletin des marques communautaires n° 2/99.

5       Le 12 avril 1999, Industrias Quimicas Naber, SA Nabersa (ci-après l’« opposante »), a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés par la demande de marque. Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était le risque de confusion visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. L’opposition était fondée sur l’existence des marques nationales antérieures suivantes, dont l’opposante est titulaire :

–       la marque verbale NABER, enregistrée en Espagne sous le n° 801 202 pour des produits de la classe 1 (« Produits chimiques et substances adhésives pour l’industrie, décolorants ; résines artificielles et synthétiques ») ;

–       les trois marques figuratives Naber, dont la représentation graphique est reproduite ci-après, enregistrées en Espagne sous les n°s 2 072 120, 2 072 121 et 2 072 122 pour désigner respectivement des produits des classes 1 [« Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences (à l’exception de ceux destinés aux sciences médicales), à la photographie, ainsi qu’à l’agriculture, à l’horticulture et à la sylviculture ; résines artificielles à l’état brut, matières plastiques à l’état brut ; engrais pour les terres (naturels et artificiels) ; compositions extinctrices ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; produits chimiques destinés à conserver les aliments ; matières tannantes ; substances adhésives destinées à l’industrie »], 2 (« Couleurs, vernis, laques ; peintures, préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants ; résines naturelles à l’état brut ; métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes ») et 3 (« Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; déodorants à usage personnel »).

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6       Par décision du 23 avril 2001, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif qu’il n’y avait pas de similitude visuelle, auditive ou intellectuelle entre les marques en cause ni, dès lors, de risque de confusion entre elles.

7       Le 25 juin 2001, l’opposante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

8       Par décision du 19 mars 2003 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante par lettre du 3 avril 2003, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a, d’une part, confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle il n’existait pas de similitude entre la marque demandée et les marques figuratives antérieures de l’opposante. D’autre part, la chambre de recours, après avoir écarté la pertinence, en l’espèce, de l’élément intellectuel de la comparaison, a reconnu l’existence d’une similitude visuelle et auditive entre la marque demandée et la marque verbale antérieure de l’opposante, ainsi que d’une similitude entre les produits désignés par ces deux marques. En conséquence, la chambre de recours a fait droit au recours et annulé partiellement la décision de la division d’opposition.

 Conclusions des parties

9       La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler ou réformer la décision attaquée, en ce que celle-ci reconnaît l’existence d’une similitude et, donc, d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque verbale antérieure de l’opposante ;

–       condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux exposés au cours de la procédure administrative devant l’OHMI ;

–       ordonner, à titre de mesure d’instruction, une expertise technique visant à établir que toute similitude phonétique entre les vocables « naber » et « faber » est exclue en langue espagnole.

10     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

11     La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

12     À cet égard, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir raisonné de manière contradictoire en appréciant différemment, dans la décision attaquée, la similitude entre la marque demandée et les marques antérieures de l’opposante, selon que celles-ci étaient figuratives ou verbale. Ainsi, après avoir correctement conclu à l’absence de tout risque de confusion entre la marque demandée et les marques figuratives antérieures, en attribuant une valeur décisive à l’élément visuel des signes en cause (points 14 à 25 de la décision attaquée), la chambre de recours aurait erronément conclu à l’existence d’un tel risque entre ladite marque et la marque verbale antérieure de l’opposante, au motif, notamment, que cette dernière était « susceptible d’adopter tout type de graphisme » (point 26 de la décision attaquée). En raisonnant de la sorte, la chambre de recours se serait fondée, à tort, sur une « transformation potentielle, hypothétique et future » de la marque en question.

13     Quant à la comparaison entre les signes en conflit, tels qu’ils se présentent actuellement, la requérante fait valoir qu’il n’existe entre eux aucune similitude visuelle, auditive ou intellectuelle, étant entendu, selon elle, que l’aspect visuel est à considérer comme prépondérant aux fins de cette comparaison, de sorte que tout risque de confusion devrait être exclu en l’absence de similitude visuelle.

14     La requérante remet aussi en cause la comparaison entre les produits désignés par les marques en conflit ainsi que l’appréciation globale du risque de confusion auxquelles il a été procédé dans la décision attaquée. Elle fait de surcroît valoir certains arguments quant à l’absence de concurrence effective sur le marché entre les entreprises concernées, ainsi qu’à l’absence de preuve de la renommée des marques antérieures de l’opposante en Espagne.

15     L’OHMI soutient que la décision attaquée n’est entachée d’aucune contradiction ni d’erreur d’appréciation. Plus spécifiquement, la chambre de recours aurait correctement comparé la marque demandée et les marques antérieures en distinguant ces dernières selon leur typologie, celle-ci étant de nature à avoir une influence significative sur leur impression d’ensemble. En effet, il serait irréfutable que les marques antérieures présentent des caractéristiques morphologiques différentes, qui justifient et même imposent une appréciation distincte et conduisent à des conclusions différentes.

16     Ce serait à juste titre, par ailleurs, que la chambre de recours a estimé que la marque verbale antérieure, ayant été enregistrée indépendamment de toute caractéristique graphique spécifique, pouvait être utilisée sous différentes formes de stylisation, de sorte que l’on ne pouvait exclure la possibilité d’une stylisation qui la rende similaire, dans son usage concret, à la marque demandée.

17     Quant à la comparaison entre les signes en conflit en l’espèce, plus particulièrement sous l’aspect visuel, l’OHMI considère que la chambre de recours était fondée à retenir l’identité de quatre lettres sur cinq, constituant le suffixe « aber », et le faible impact de la lettre « F » par laquelle commence la marque demandée, dont la stylisation particulière affaiblirait l’intelligibilité immédiate.

18     S’agissant, ensuite, de l’aspect auditif, l’OHMI adhère à l’appréciation de la chambre de recours qui, tout en reconnaissant la différence entre les lettres initiales « F » et « N », jugée à tort décisive par la division d’opposition, a accordé une plus grande importance à l’identité de la finale commune « aber ». Cette appréciation serait fondée sur l’incidence des voyelles, dont la portée phonétique serait généralement plus importante que celle des consonnes, en particulier dans les langues romanes comme l’espagnol. Dans le cas des deux marques, la présence de la lettre « A » et du suffixe « ber » donnerait lieu à une sonorité globalement absorbante et plus forte que celle de la lettre d’attaque « F » ou « N ».

19     L’OHMI réfute également les arguments par lesquels la requérante remet en cause la comparaison entre les produits désignés par les marques en conflit ainsi que l’appréciation globale du risque de confusion auxquelles il a été procédé dans la décision attaquée. L’OHMI réfute pareillement les arguments de la requérante en rapport avec la prétendue absence de concurrence effective sur le marché entre les entreprises concernées, ainsi qu’avec l’absence de preuve de la renommée des marques antérieures de l’opposante en Espagne.

 Appréciation du Tribunal

20     Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

21     Selon une jurisprudence constante, le risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits ou services doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 29 à 33, et la jurisprudence citée].

22     En l’espèce, la marque verbale antérieure de l’opposante, seule en cause dans le cadre du présent litige, est enregistrée en Espagne, qui constitue donc le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

23     S’agissant de la définition du public pertinent en l’espèce, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours (point 31 de la décision attaquée), que les produits désignés par la marque verbale antérieure de l’opposante relèvent de la classe 1 et qu’ils sont essentiellement destinés à une clientèle industrielle (« Produits chimiques et substances adhésives pour l’industrie, décolorants ; résines artificielles et synthétiques »).

24     Partant, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, du point de vue du public pertinent, essentiellement constitué par les consommateurs industriels en Espagne. En tant que professionnels, ceux-ci sont susceptibles de manifester un degré d’attention plus élevé que la moyenne lors du choix des produits en cause [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 avril 2003, Durferrit/OHMI – Kolene (NU‑TRIDE), T‑224/01, Rec. p. II‑1589, point 52, et du 30 juin 2004, M+M/OHMI – Mediametrie (M+M EUROdATA), T‑317/01, non encore publié au Recueil, point 52].

25     À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de vérifier la comparaison, d’une part, des signes en conflit et, d’autre part, des produits concernés, opérée par la chambre de recours.

26     S’agissant, en premier lieu, de la comparaison des signes en cause, il y a lieu de relever, de façon générale, que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, sont pertinents les aspects visuel, auditif et conceptuel (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25). Il ressort également de cette jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, en particulier, de leurs éléments distinctifs et dominants.

27     En outre, contrairement à la thèse de la requérante selon laquelle l’aspect visuel serait à considérer comme prépondérant, la Cour a considéré qu’il ne saurait être exclu que la seule similitude phonétique entre deux marques puisse créer un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 26 supra, point 28, et arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 42].

28     En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que les signes en conflit ont été considérés comme similaires par la chambre de recours au terme d’une analyse visuelle et auditive. Par ailleurs, il est constant (voir point 16 de la décision attaquée, non remis en cause par la requérante dans le cadre du présent recours) que, les signes en cause n’ayant aucune signification dans la langue espagnole, ils ne sont pas comparables sur le plan conceptuel.

29     En ce qui concerne, tout d’abord, la comparaison visuelle, la chambre de recours est partie du principe qu’une marque verbale est « susceptible d’adopter tout type de graphisme » (point 26 de la décision attaquée). Selon les écritures de l’OHMI, elle a envisagé par là l’éventualité d’une utilisation future de la marque verbale de l’opposante sous une forme stylisée qui la rendrait graphiquement similaire à la marque demandée.

30     La requérante soutient que, en raisonnant de la sorte, la chambre de recours s’est fondée, à tort, sur une « transformation potentielle, hypothétique et future » de la marque en question. Selon elle, il convient au contraire d’effectuer la comparaison par rapport au signe tel qu’il se présente actuellement, et non pas en conjecturant des modifications futures qui n’ont aucun rapport avec l’appréciation globale actuelle. La requérante ajoute que, si l’opposante devait modifier à l’avenir le graphisme de sa marque, il en résulterait un autre signe distinctif non protégé que ses clients ne reconnaîtraient plus et qui ne pourrait donc plus indiquer l’origine commerciale de ses produits.

31     L’OHMI rétorque que le critère d’appréciation retenu par la chambre de recours est connu et couramment appliqué, dès lors que l’enregistrement d’une marque purement verbale confère à son titulaire un droit exclusif non limité à une configuration stylistique prédéfinie du signe. Il ne porterait nullement atteinte à l’actualité du constat d’un risque de confusion, posé en l’espèce par la chambre de recours. A contrario, les marques figuratives seraient, par nature, exclusivement protégées dans la morphologie exacte faisant l’objet de leur enregistrement. En l’espèce, c’est précisément cette « fixité » de leur morphologie qui aurait permis de distinguer les marques figuratives antérieures de l’opposante, de manière à exclure tout risque de confusion avec la marque demandée.

32     À cet égard, il importe de relever que, en l’espèce, la comparaison visuelle doit se faire entre une marque verbale, constituée par le vocable « naber », et une marque figurative complexe, comprenant à la fois un élément verbal, à savoir le vocable « faber », et un élément graphique. Cette marque figurative complexe est décrite comme suit dans la demande de marque :

« Dénomination ‘faber’ en caractères d’imprimerie minuscules, avec le trait horizontal du ‘f’ qui se prolonge en surmontant tout le mot et descend au-dessus du trait vertical du ‘r’, sans le toucher, et le trait horizontal inférieur du ‘f’ qui traverse le trait vertical de cette même lettre ‘f’ avec un prolongement qui descend et souligne ensuite le mot tout entier et remonte enfin pour terminer devant le trait horizontal du ‘r’, sans le toucher, la dénomination et les prolongements étant inscrits dans une ellipse. »

33     Comme l’OHMI le mentionne à juste titre sur son site Internet, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique. Une marque figurative, en revanche, est une représentation particulière de caractéristiques verbales ou graphiques ou une combinaison d’éléments verbaux et graphiques, en couleurs ou non. Une marque figurative complexe est composée de deux ou plusieurs catégories de signes, combinant par exemple des lettres et un graphisme, comme en l’espèce la marque demandée.

34     Au vu de ces considérations liminaires, ni le raisonnement de la requérante ni celui de l’OHMI ne peuvent être suivis.

35     D’une part, la requérante méconnaît les caractéristiques de la marque verbale antérieure en ne voulant voir en elle qu’un type particulier de marque figurative, figée dans une morphologie donnée. De surcroît, la requérante commet une deuxième erreur en omettant de prendre en compte l’élément verbal de la marque complexe demandée.

36     D’autre part, l’OHMI semble conférer à la marque verbale un élément graphique dont elle est, par définition, dépourvue. De surcroît, l’OHMI adopte une perspective tronquée en justifiant la protection conférée à la marque verbale antérieure par son aptitude à imiter à l’avenir la forme particulière de la marque complexe demandée.

37     Aux fins d’apprécier la similitude entre une marque figurative complexe et une marque verbale antérieure, les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette dernière pourrait éventuellement adopter ne sont pas pertinents. En tout cas, il n’y a pas lieu de substituer à l’appréciation de la similitude avec la marque verbale antérieure, seule pertinente en l’espèce, une appréciation de la similitude avec un élément figuratif qui ne fait pas partie de la protection conférée par l’enregistrement antérieur.

38     En réalité, ce n’est pas parce qu’une marque verbale antérieure est susceptible d’adopter à l’avenir une graphie qui la rendrait identique ou similaire à une marque complexe demandée que celle-ci doit être refusée à l’enregistrement, mais parce que cette marque complexe est actuellement constituée, outre son aspect figuratif singulier, d’un élément verbal identique ou similaire à celui constituant la marque antérieure, et que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, cet élément verbal ne peut pas être considéré comme subsidiaire par rapport à l’autre composant du signe [voir, a contrario, le raisonnement du Tribunal aux points 50 et suivants de l’arrêt du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275].

39     Ainsi, en l’espèce, il convient de commencer par analyser la similitude visuelle entre les éléments verbaux « naber » et « faber », puis, au cas où une telle similitude serait constatée, de vérifier si l’élément graphique ou figuratif additionnel, propre à la marque demandée, est susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’une similitude visuelle des signes en conflit aux yeux du public de référence (voir, en ce sens, arrêt HUBERT, point 38 supra).

40     S’agissant, tout d’abord, de la comparaison visuelle des éléments purement verbaux « faber » et « naber », il est vrai que ces deux vocables ont en commun les quatre lettres « aber ». Toutefois, comme le relève la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, ce n’est pas parce qu’il existe un élément commun aux deux marques comparées que cet élément est nécessairement le plus attractif dans l’une et l’autre marque. L’appréciation de leur similitude dépendra donc essentiellement de la plus ou moins grande importance accordée à la lettre initiale, qui les distingue l’un de l’autre, par rapport aux quatre lettres finales, qu’ils ont en commun non seulement entre eux, mais aussi, selon les indications fournies par la requérante au cours de la procédure administrative, avec un grand nombre d’autres marques présentes sur le marché espagnol (voir point II de la décision de la division d’opposition et point 4 de la décision attaquée). Eu égard à ce dernier élément, la balance ne penche pas nettement en faveur de l’une ou l’autre opinion. Il convient donc de conclure qu’il existe une certaine similitude visuelle entre ces deux signes, sans que celle-ci paraisse particulièrement déterminante.

41     S’agissant, ensuite, de la prise en compte de l’élément figuratif additionnel, propre à la marque demandée, le Tribunal souscrit à l’appréciation de la division d’opposition, selon laquelle cet élément n’est pas secondaire, dès lors qu’il « consiste en une composition fantaisiste requérant un effort conceptuel de composition ». La division d’opposition a plus particulièrement relevé que « [la] lettre d’attaque ‘F’ est fortement stylisée puisqu’elle couvre, d’une part, l’ensemble de l’élément verbal dans sa partie supérieure et, d’autre part, la barre du ‘F’ souligne l’élément verbal en le contournant par le bas pour finalement coïncider avec la barre de la lettre finale ‘R’ ». Par ailleurs, l’ellipse dans laquelle est enchâssée cette composition accentue fortement son aspect figuratif particulier.

42     La chambre de recours a reconnu elle aussi, au point 27 de la décision attaquée, l’« important aspect figuratif » de la marque demandée.

43     La combinaison de ces deux appréciations, dans le cadre de l’appréciation globale de la similitude visuelle, amène le Tribunal à considérer que l’élément graphique ou figuratif additionnel propre à la marque demandée est susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’une similitude visuelle des signes en conflit aux yeux du public de référence, constitué de professionnels.

44     C’est donc à tort que la chambre de recours a conclu, au point 27 de la décision attaquée, à la similitude visuelle des signes en conflit, en dépit de l’« important aspect figuratif » de la marque demandée, au motif que la finale « aber » y était « clairement discernable ».

45     Il convient, par ailleurs, de souligner la contradiction, également relevée par la requérante, entre cette dernière appréciation et celle, portée au point 21 de la décision attaquée, selon laquelle la finale « aber » « ne se distingue pas particulièrement » dans la marque en cause.

46     Quant à la comparaison auditive, la division d’opposition avait relevé, d’une part, que la lettre d’attaque est davantage perçue par le public du fait de sa position première et, d’autre part, que le son « F » est clairement distinct du son « N ». Cette seule différence suffisait, selon elle, à exclure toute similarité phonétique entre les marques en conflit.

47     En revanche, au point 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que cette différence n’était pas décisive. Elle a relevé que, d’un point de vue phonétique, les mots sont découpés en syllabes et que, au sein d’une syllabe, notamment dans la langue espagnole, l’intensité de la voix augmente sur les voyelles, conformément au phénomène de l’accentuation. En l’espèce, dans la syllabe initiale des vocables « naber » et « faber », la lettre « A » serait, par conséquent, plus sonore que la consonne initiale. La seconde syllabe « ber » étant, par ailleurs, identique dans les deux vocables, la chambre de recours a conclu qu’il existait une certaine ressemblance phonétique entre les signes en conflit.

48     Sans qu’il soit besoin de recourir à la mesure d’expertise sollicitée par la requérante en vue de réfuter cette thèse, le Tribunal considère qu’il existe incontestablement une certaine ressemblance phonétique entre les signes en conflit. Toutefois, même en tenant compte du phénomène d’accentuation invoqué par l’OHMI, cette ressemblance ne suffit pas à neutraliser la différenciation phonétique induite par la lettre d’attaque, dès lors que, comme l’a relevé la division d’opposition, les sons produits par les consonnes « F » et « N » sont clairement distincts.

49     D’une part, en effet, la consonne « F » est sourde, c’est-à-dire que les cordes vocales ne vibrent pas lors de l’émission du son, à la différence de la consonne « N », qui est sonore. D’autre part, la consonne « F » est fricative, c’est-à-dire que son articulation produit une impression de frottement, tandis que la consonne « N » est nasale, autrement dit son articulation produit une impression de résonance.

50     Eu égard au fait que le public pertinent est un public spécialisé, doté d’une attention plus élevée que celle du consommateur moyen, cette différenciation phonétique des deux signes en conflit et, surtout, la différenciation visuelle marquée résultant de l’important aspect figuratif propre à l’un d’eux sont suffisantes pour conclure, au terme d’une appréciation globale, que les signes constituant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants, ne sont pas similaires.

51     Il résulte de ce qui précède que l’une des conditions indispensables pour appliquer l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’est pas satisfaite.

52     Partant, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et de faire droit aux conclusions de la requérante, sans qu’il soit besoin de procéder à la comparaison des produits en cause ni d’examiner les autres arguments de la requérante.

 Sur les dépens

53     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

54     Conformément à l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

55     L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris les frais indispensables de la procédure devant la chambre de recours, exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 19 mars 2003 (affaire R 620/2001‑4) est annulée pour autant qu’elle fait droit à l’opposition du titulaire de la marque verbale espagnole NABER.

2)      La partie défenderesse est condamnée aux dépens.


Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 avril 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’italien.