Language of document : ECLI:EU:T:2005:145

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

26 avril 2005 (*)

« Fonction publique – Réouverture d’un concours interne – Non-inscription sur la liste d’aptitude »

Dans l’affaire T-431/03,

Liam O’Bradaigh, agent temporaire du Comité économique et social européen (CESE), demeurant à Mechelen (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis, S. Orlandi, A. Coolen et E. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du jury du concours interne COM/TB/99 attribuant au requérant, pour son épreuve orale, une note insuffisante pour l’inscription de son nom sur la liste d’aptitude établie à la suite dudit concours,






LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge : M. J. Pirrung,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,  

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits et procédure

 Avis de concours en cause

1       Le 5 juillet 1999, la Commission a publié l’avis de concours interne COM/TB/99 sur épreuves pour la constitution d’une liste d’aptitude d’assistants adjoints de la carrière B 5/B 4, d’assistants de la carrière B 3/B 2 et d’assistants principaux de la carrière B 1 (ci-après l’« avis de concours »). Selon le point I de l’avis de concours, les fonctions correspondant à l’emploi d’assistant principal (B 1) étaient celles d’un « fonctionnaire d’application responsable d’une unité administrative, chargé d’assurer la mise en œuvre ou le contrôle d’un ensemble d’opérations comportant, le cas échéant, l’interprétation de règlements et d’instructions générales [et] chargé d’effectuer, dans le cadre de directives générales, des travaux particulièrement difficiles et complexes ».

2       L’épreuve écrite visait à évaluer l’expression écrite et les capacités de raisonnement et d’analyse des candidats, tandis que « l’épreuve orale, consist[ant] en un entretien du jury avec les candidats admis […], vis[ait] à apprécier la capacité d’expression orale et les aptitudes des candidats (y compris les connaissances linguistiques) à exercer les fonctions précisées au [point] I de [l’avis de concours] dans un des services de la Commission » (point VI de l’avis de concours).

3       L’épreuve écrite et l’épreuve orale étaient notées chacune de 0 à 50 points, le minimum requis s’élevant chaque fois à 25 points (points VII et IX de l’avis de concours).

4       À l’issue du concours, étaient inscrits sur la liste d’aptitude les 40 candidats − ce nombre a ultérieurement été porté à 60 − ayant obtenu les meilleurs notes à condition d’avoir obtenu le minimum requis pour chacune des épreuves.

 Situation du requérant et déroulement de ses épreuves

5       Le 29 juillet 1999, étant alors agent temporaire de la Commission de grade B 3, le requérant s’est porté candidat au concours en cause. Dans son acte de candidature, il a indiqué l’anglais comme étant sa première langue et qualifié (sous la rubrique « Autres langues ») sa connaissance de l’irlandais, du néerlandais et du français de bonne (good) ainsi que celle de l’allemand de suffisante (fair).

6       Par lettre du 28 janvier 2000, il a été informé que le jury l’avait admis aux épreuves écrites du concours, et ce en ce qui concerne la carrière B 1.

7       Ayant réussi l’épreuve écrite (25 sur 50 points), le requérant a été admis à participer à l’épreuve orale, qui s’est déroulée le 4 juillet 2000. Par lettre du 19 juillet 2000, il a été informé que le jury n’avait pas inscrit son nom sur la liste d’aptitude en raison du fait que la note qui lui avait été attribuée pour l’épreuve orale ne s’élevait qu’à 24 sur 50 points.

8       Il a alors demandé, par lettre du 7 août 2000, le réexamen de ses épreuves et, à la suite du rejet de cette demande, introduit une réclamation. Après le rejet de celle-ci, il a formé un recours devant le Tribunal qui a été enregistré sous le numéro T‑161/01. À la suite d’un accord intervenu entre les parties − aux termes duquel la Commission s’était engagée à rouvrir le concours pour le requérant et à organiser une nouvelle épreuve orale à son attention −, il s’est désisté de ce recours. Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 4 juin 2002, l’affaire T‑161/01 a, par conséquent, été radiée du registre du Tribunal.

9       Par une lettre non datée, la Commission a informé le requérant de la reprise des travaux du jury et l’a invité à participer à l’épreuve orale. Cette lettre a énuméré les langues du requérant comme étant l’anglais (langue principale), le français (deuxième langue), le néerlandais (troisième langue) et l’allemand (quatrième langue) ; en outre, elle a rappelé que le niveau de l’épreuve correspondait au grade B 1.

10     Le 23 janvier 2003, le requérant s’est présenté à l’épreuve orale.

11     Par lettre du 27 février 2003, communiquée le même jour, le directeur de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) a informé le requérant, au nom du président du jury, que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste d’aptitude. Il a précisé que, bien que la note du requérant obtenue lors de l’épreuve orale (28 points sur 50) fût supérieure au minimum requis, ses résultats totaux (53 points sur 100) étaient insuffisants pour l’inscrire sur cette liste, étant donné que les 60 meilleurs candidats inscrits sur la liste avaient obtenu au minimum 58,5 points.

12     Par note du 27 mai 2003, le requérant, représenté par son conseil, a introduit une réclamation par laquelle il a demandé l’annulation de cette décision (ci-après la « décision attaquée »).

13     Par décision du 4 septembre 2003, notifiée au conseil du requérant le 10 septembre 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) a rejeté la réclamation.

 Procédure juridictionnelle

14     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

15     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, de son règlement de procédure, d’attribuer l’affaire à M. J. Pirrung, statuant en tant que juge unique. En outre, il a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 25 février 2005. À cette occasion, la Commission a renoncé au moyen d’irrecevabilité qu’elle avait initialement opposé au recours en excipant d’un dépassement du délai de recours. Il en a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 Conclusions des parties

17     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

18     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

19     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève plusieurs moyens tirés d’une violation, respectivement, de l’avis de concours, du principe d’égalité de traitement et du principe de bonne administration ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation.

20     Dans le cadre de ces moyens, le requérant dénonce, premièrement, le contenu des questions orales qui lui ont été posées et, deuxièmement, la méthode utilisée par le jury pour apprécier ses connaissances linguistiques.

 Sur les griefs visant le contenu des questions posées lors de l’épreuve orale

 Arguments des parties

21     Le requérant reproche au jury d’avoir apprécié ses connaissances linguistiques en méconnaissance du point VI de l’avis de concours et du principe d’égalité de traitement. En effet, le jury aurait été obligé de tenir compte du choix des langues qu’il avait fait dans son acte de candidature, le niveau de difficulté et de spécificité des questions orales ayant dû être différent selon qu’il s’agissait de l’anglais, choisi comme première langue, ou des autres langues indiquées.

22     Le requérant précise que c’est en anglais que le jury aurait dû apprécier sa capacité d’expression orale en fonction des éléments qui s’étaient dégagés de l’épreuve écrite, alors qu’il devait vérifier ses connaissances linguistiques générales − c’est-à-dire sa connaissance des langues autres que l’anglais − à l’exclusion de toute connaissance, scientifique ou technique, spécifique à une matière précise qui nécessitait une connaissance approfondie de la langue.

23     Or, contrairement à ce qu’exigeait l’application de ces critères, tant au cours de la première partie de l’épreuve orale (dans la première langue choisie par le requérant) qu’au cours de la seconde (dans ses autres langues), les questions du jury auraient porté sur le fonctionnement technique de l’Union européenne. De plus, en vérifiant les connaissances linguistiques du requérant, le jury aurait commis de nombreuses erreurs qui l’ont profondément déstabilisé.

24     À cet égard, le requérant affirme que les premières questions ont été posées en anglais, et ce exclusivement à propos de l’Union européenne. La suite de l’épreuve se serait déroulée en néerlandais, une seule question (« Quels sont les cinq critères de convergence de l’euro ? ») ayant été posée par un membre du jury qui ne maîtrisait manifestement pas le néerlandais. Le requérant aurait répondu partiellement à la question tout en expliquant qu’il était incapable de traduire en néerlandais sans préparation les termes techniques spécifiques à la question et en précisant que, pour pouvoir traduire ces termes, il avait besoin d’un temps de réflexion, temps qui ne lui aurait cependant pas été accordé.

25     Le membre du jury se serait étonné de cette difficulté dès lors que le néerlandais était, selon lui, sa deuxième langue. Le requérant aurait alors dû préciser qu’il avait choisi comme deuxième langue le français et non pas le néerlandais, qui était sa troisième langue. Aucune autre question ne lui aurait été posée en néerlandais.

26     Une question lui aurait ensuite été posée en français, à propos des futures frontières et des influences culturelles de l’Europe. Enfin, un autre membre du jury aurait posé une dernière question en allemand (« Qu’est-ce que le Conseil ? »). Le requérant aurait signalé, en allemand, qu’il avait indiqué dans son acte de candidature qu’il possédait une connaissance passive de la langue allemande et qu’il s’étonnait donc que l’on examine sa connaissance active de cette langue.

27     Le requérant ajoute qu’il ignore comment le jury a fixé le degré de difficulté et de spécificité des questions posées au cours de l’épreuve orale pour tenir compte de la carrière de recrutement des candidats. En effet, il n’aurait été informé ni par le formulaire type de l’acte de candidature ni par une quelconque autre lettre de la Commission du niveau du concours auquel il participait. En particulier, ledit formulaire type obligatoire n’aurait comporté aucune indication ou rubrique permettant aux candidats de choisir la carrière pour laquelle ils se portaient candidats. Par conséquent, le requérant n’aurait pas pu vérifier si les questions posées par le jury au cours de l’épreuve orale du 23 janvier 2003 correspondaient au niveau B 5/B 4, au niveau B 3/B 2 ou au niveau B 1.

28     Selon la Commission, il est de jurisprudence constante que le jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux modalités des épreuves prévues dans le cadre d’un concours et qu’il n’appartient pas au juge communautaire de censurer le contenu détaillé d’une épreuve, sauf si celui-ci sort du cadre indiqué dans l’avis de concours ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve ou du concours. À ce propos, la Commission renvoie au point 35 de l’arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Felix/Commission (T‑193/00, RecFP p. I‑A‑23 et II‑101), et à la jurisprudence qui y est citée.

29     En l’espèce, l’épreuve orale du requérant aurait visé à apprécier sa capacité d’expression et ses aptitudes, y compris ses connaissances linguistiques, à exercer les fonctions correspondant à la carrière B 1, pour laquelle le requérant avait opté. Ce faisant, le jury n’aurait nullement méconnu le niveau de connaissance des différentes langues indiquées par le requérant. Par ailleurs, il n’aurait existé aucune obligation pour le jury de respecter un ordre déterminé dans l’examen des connaissances linguistiques du requérant.

 Appréciation du Tribunal

30     Il y a lieu de constater, tout d’abord, que le requérant a effectivement opté pour les épreuves de niveau B 1. En effet, dans sa lettre du 7 août 2000 sollicitant le réexamen de ses épreuves (annexe 5 au mémoire en défense, p. 3), il s’est expressément référé au fait qu’il avait été « admis au concours en tant que B 1 » et qu’il pouvait raisonnablement supposer qu’il « ferait l’objet d’un test oral en tant que B 1 ». En outre, tant le jury que l’administration étaient informés que le requérant avait opté pour le niveau B 1, ainsi qu’il ressort à la fois de la lettre du 28 janvier 2000 par laquelle celui-ci a été invité à l’épreuve écrite (annexe 3 à la requête) et de la lettre (non datée) par laquelle il a été informé de la reprise des travaux du jury et invité à participer à la nouvelle épreuve orale (annexe 9 à la requête).

31     Or, ainsi que la Commission l’a rappelé à juste titre, l’épreuve orale du requérant visait à apprécier sa capacité d’expression et ses aptitudes, y compris ses connaissances linguistiques, à exercer les fonctions correspondant à la carrière B 1, lesquelles, conformément au point I de l’avis de concours, comportaient « des travaux particulièrement difficiles et complexes ». Le requérant devait donc s’attendre à ce que son épreuve orale fût d’un niveau élevé tant sur le plan technique que sur le plan linguistique.

32     En particulier, l’avis de concours ne limitait en rien les thèmes des questions susceptibles d’être posées par le jury dans les différentes langues que les candidats avaient indiquées dans l’acte de candidature. Tout au contraire, selon les termes mêmes de cet avis, les connaissances linguistiques du requérant faisaient partie intégrante de sa capacité d’expression orale et de son aptitude à exercer les fonctions correspondant à la carrière B 1.

33     Dans ce contexte, il y a lieu de souligner la vaste marge d’appréciation dont jouissent les jurys de concours. En effet, selon une jurisprudence bien établie (voir arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, RecFP p. I‑A‑51 et II‑219, point 36, et la jurisprudence citée), les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les aptitudes des candidats, ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve, constituent l’expression d’un jugement de valeur s’insérant dans le pouvoir d’appréciation susmentionné.

34     S’agissant plus particulièrement des épreuves orales d’un concours, le pouvoir d’appréciation du jury se trouve encore élargi par l’élément de liberté et d’incertitude qui caractérise ce type d’épreuve, qui est, par sa nature même, moins uniformisé que l’épreuve écrite et dont le contenu peut varier en fonction de l’expérience et de la personnalité des différents candidats ainsi que des réponses qu’ils fournissent aux questions du jury (arrêt Gogos/Commission, précité, point 36).

35     Quant à l’appréciation des connaissances linguistiques du requérant, il convient d’ajouter que la seule obligation incombant au jury dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation quant aux modalités et au contenu détaillé des épreuves était celle d’examiner la connaissance des langues mentionnées dans l’acte de candidature (voir, en ce sens, arrêt Felix/Commission, précité, points 35 et 54). En revanche, il n’existait aucune obligation pour le jury de respecter un ordre déterminé dans l’examen des différentes langues ou de les examiner en fonction de la « difficulté » des thèmes abordés.

36     Dans ces circonstances, le jury n’était pas tenu de répartir l’épreuve orale du requérant en deux parties bien distinctes dont la première aurait été consacrée à l’appréciation de ses aptitudes scientifique et technique à exercer les fonctions correspondant à la carrière B 1, et ce exclusivement en anglais, sa langue principale, tandis que la seconde aurait visé à s’assurer de ses autres connaissances linguistiques lui permettant d’entretenir des contacts généraux avec ses collègues.

37     Le requérant ne saurait donc reprocher au jury d’avoir posé des questions sur l’euro et sur le Conseil dans une langue autre que sa première langue.

38     Quant à l’erreur commise par le jury en confondant les deuxième et troisième langues du requérant, il convient de rappeler qu’une irrégularité intervenue pendant le déroulement des épreuves d’un concours n’affecte la légalité desdites épreuves que si elle est de nature substantielle et qu’elle est susceptible de fausser les résultats de celles-ci (arrêt Felix/Commission, précité, point 45).

39     Or, dans son acte de candidature, le requérant avait, certes, indiqué l’irlandais en première et le néerlandais en deuxième position parmi les langues autres que sa langue principale (l’anglais). Cependant, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, l’irlandais ne figure pas parmi les langues visées par le règlement nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié. Dès lors, le fait, pour un membre du jury, d’avoir qualifié le néerlandais de « deuxième langue » du requérant ne saurait être considéré comme une irrégularité substantielle. En outre, l’erreur commise par le jury pouvait facilement être dénoncée et corrigée oralement par le requérant dans le cadre de son entretien, caractérisé par des éléments de liberté et d’incertitude (voir point 34 ci-dessus).

40     Le requérant a affirmé, lors de l’audience, que l’un des membres du jury avait manifesté des signes d’exaspération contre lui à cause de l’« incident du néerlandais », ce qui l’avait profondément perturbé et exposé à une épreuve particulièrement pénible, alors pour les autres candidats les épreuves s’étaient déroulées dans des conditions plus sereines.

41     À cet égard, il suffit de rappeler que la requête a présenté l’« incident du néerlandais » de manière beaucoup moins dramatique, en exposant que le membre du jury s’était « étonné » des difficultés du requérant à s’exprimer en néerlandais, sa prétendue deuxième langue. Or, ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, l’aptitude à exercer les fonctions correspondant à la carrière B 1 et comportant des « travaux particulièrement difficiles » peut raisonnablement être entendue comme comprenant la capacité de ne pas se laisser perturber par l’étonnement manifesté par un membre du jury lors de l’épreuve orale. Dans ces circonstances, il ne saurait être question d’une violation du principe d’égalité de traitement dans l’hypothèse − que le requérant n’a d’ailleurs étayée par aucun élément de preuve − où d’autres candidats du concours en cause n’auraient pas été confrontés à des incidents comparables.

42     En ce qui concerne la question portant sur le Conseil, qui a été posée au requérant en allemand, le grief pris de ce que le jury, en lui posant cette question, aurait examiné sa connaissance active de l’allemand manque en fait. Ainsi que la Commission l’a souligné, le requérant ne prétend pas que le jury lui ait indiqué qu’il serait obligé de répondre en allemand ou encore qu’il serait pénalisé s’il ne répondait pas dans cette langue. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de la fiche des questions posées lors de l’épreuve orale produite par la Commission (jointe en annexe 6 au mémoire en défense), cette question a été la seule qui ait été posée au requérant en allemand. Le requérant ayant lui-même indiqué dans son acte de candidature posséder une connaissance suffisante (fair knowledge) de cette langue, aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait donc être reprochée au jury sur ce point.

43     Enfin, quant à l’affirmation selon laquelle le jury n’a pas tenu compte des observations que le requérant lui a signalées en cours d’épreuve pour rectifier les erreurs commises au regard des langues néerlandaise et allemande, il s’agit d’une pure allégation. Le requérant n’a produit aucun élément permettant de constater que le jury n’avait pas apprécié, au titre de sa capacité d’expression orale et de ses connaissances linguistiques, ses tentatives visant à expliquer les erreurs et malentendus en la matière.

44     Il s’ensuit que, eu égard au large pouvoir d’appréciation du jury quant aux modalités et au contenu détaillé des épreuves orales d’un concours, les griefs visant le contenu des questions posées au requérant lors de son épreuve orale doivent être écartés.

 Sur les griefs visant la méthode utilisée par le jury pour apprécier les connaissances linguistiques du requérant

 Arguments des parties

45     Selon le requérant, la seconde partie de l’épreuve orale, destinée à apprécier sa connaissance des langues autres que l’anglais, s’est déroulée en violation de l’avis de concours, des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination et du principe de bonne administration. En effet, la méthode utilisée par le jury pour apprécier les connaissances linguistiques des candidats aurait eu pour effet de désavantager ceux qui indiquaient maîtriser plus de langues par rapport à ceux qui en indiquaient moins.

46     Dans ce contexte, le requérant reproche au jury d’avoir fait en sorte que le nombre de points attribuables aux candidats pour leurs connaissances linguistiques soit identique quel que soit le nombre de langues maîtrisées. Par conséquent, loin de bonifier les connaissances linguistiques du requérant en lui attribuant des points additionnels pour ses connaissances linguistiques supplémentaires, le jury l’aurait même pénalisé. Le requérant ajoute que la durée de l’épreuve orale doit logiquement être adaptée au nombre de langues qu’un candidat déclare connaître. Or, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

47     La Commission conteste ces griefs. Elle estime, notamment, qu’il relève de la responsabilité de chaque candidat de déterminer s’il souhaite mentionner, dans l’acte de candidature, toutes les langues qu’il maîtrise − le cas échéant, à des degrés différents − ou seulement le minimum de langues requis par l’avis de concours.

 Appréciation du Tribunal

48     Pour autant que le requérant reproche au jury de ne pas lui avoir attribué des points supplémentaires par langue indiquée, il y a lieu de relever qu’une bonification plus ou moins automatique des connaissances linguistiques, telle que préconisée par le requérant, ne trouve aucun appui dans les termes de l’avis de concours, qui s’imposent au jury (voir arrêt du Tribunal du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, non encore publié au Recueil, point 63, et la jurisprudence citée).

49     En effet, l’avis de concours, qui visait au recrutement d’assistants chargés de travaux administratifs et non pas linguistiques, n’exigeait que la connaissance d’une seule langue communautaire, sans considérer comme un atout la maîtrise de langues supplémentaires. Selon la page 5 du document intitulé « Avis de concours interne COM/TB/99 sur épreuves » (annexe 1 à la requête), les candidats avaient simplement la faculté de choisir, à l’oral, une langue différente de celle de l’écrit.

50     Dans ces circonstances, le jury n’a pas dépassé son large pouvoir d’appréciation quant aux modalités de déroulement et au contenu des épreuves orales (voir points 33 à 35 ci-dessus) en évaluant globalement, sur les plans quantitatif et qualitatif, les connaissances linguistiques de chaque candidat. En outre, la Commission a déclaré, sans être valablement contredite devant le Tribunal, que le jury avait bien valorisé toutes les connaissances linguistiques du requérant. Ainsi, le requérant connaissant un grand nombre de langues avait plus de chances de compenser d’éventuelles faiblesses dans l’une d’entre elles par de meilleures prestations dans une autre langue.

51     Ne saurait notamment être censuré, au regard du principe d’égalité de traitement et des termes de l’avis de concours, le fait pour le jury d’avoir évalué les connaissances linguistiques de chaque candidat à l’intérieur d’un même contingent de points à allouer et durant un espace de temps égal pour tous les candidats. Au contraire, l’approche préconisée par le requérant serait incompatible avec ce principe et avec l’avis de concours, en ce qu’elle aurait pour conséquence d’organiser la durée de l’épreuve orale en fonction du nombre de langues mentionnées par chaque candidat et de la noter sur un nombre de points variables également selon le nombre de ces langues. Ainsi, l’épreuve orale ne se déroulerait plus dans des conditions égales pour tous les candidats.

52     Lors de l’audience, le requérant a encore fait valoir que le jury s’était abstenu d’examiner sa connaissance de l’italien, bien que son curriculum vitae, joint à son acte de candidature, ait mentionné cette langue.

53     Ce grief doit être rejeté à triple titre. En premier lieu, en effet, il n’a pas été soulevé lors de la procédure écrite, de sorte qu’il s’agit d’un grief tardif et, partant, irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. En deuxième lieu, il n’avait même pas figuré dans la réclamation du requérant et ne respecte donc pas la condition de recevabilité selon laquelle il doit y avoir concordance entre la réclamation et le recours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T‑57/89, Rec. p. II‑143, points 8 à 11). En troisième lieu, le requérant ne s’est pas plaint, lors de son épreuve orale, que le jury ait omis d’apprécier sa connaissance de l’italien, ce qui peut raisonnablement être interprété comme une renonciation, au moins implicite, à cette partie de l’épreuve.

54     Il s’ensuit que les griefs visant la méthode utilisée par le jury pour apprécier les connaissances linguistiques du requérant ne sauraient non plus être accueillis.

55     Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

56     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

57     En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu pour chaque partie de supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 avril 2005.

Le greffier

 

Le juge



H. Jung

 

J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.