Language of document : ECLI:EU:T:2005:125

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

13 avril 2005 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) nº 1049/2001– Demande portant sur un très grand nombre de documents – Refus total d’accès – Obligation de procéder à un examen concret et individuel – Exceptions »

Dans l’affaire T-2/03,

Verein für Konsumenteninformation, établi à Vienne (Autriche), représenté par Me  A. Klauser, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. S. Rating et P. Aalto, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Bank für Arbeit und Wirtschaft AG, établie à Vienne, représentée par Me H.‑J. Niemeyer, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

Österreichische Volksbanken AG, établie à Vienne,

et

Niederösterreichische Landesbank-Hypothekenbank AG, établie à Sankt Pölten (Autriche),

représentées par Mes R. Roniger, A. Ablasser et W. Hemetsberger, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 18 décembre 2002, D (2002) 330472, relative à une demande d’accès au dossier administratif dans l’affaire COMP/36.571/D‑1, Banques autrichiennes – « club Lombard »,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, M. Jaeger, P. Mengozzi, Mmes M. E. Martins Ribeiro et I. Labucka, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 septembre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       Le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE. Ce règlement est applicable depuis le 3 décembre 2001.

2       La décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94), a abrogé la décision 94/90/CECA, CE, Euratom, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58), qui assurait la mise en œuvre, en ce qui concerne la Commission, du code de conduite concernant l’accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO 1993, L 340, p. 41, ci-après le « code de conduite »).

3       L’article 2 du règlement n° 1049/2001 dispose :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[…]

3. Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.

[…] »

4       L’article 3 du règlement n° 1049/2001 pose certaines définitions dans les termes suivants :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)      ‘document’ : tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution ;

b)      ‘tiers’ : toute personne physique ou morale ou entité extérieure à l’institution concernée, y inclus les États membres, les autres institutions et organes communautaires ou non communautaires, et les pays tiers. »

5       Selon l’article 4 du règlement n° 1049/2001 relatif aux exceptions au droit d’accès susvisé :

« 1. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

[…]

b)      de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–       des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–       des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–       des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3. L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

4. Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

[…]

6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties des documents sont divulguées […] »

 Antécédents du litige

6       Le Verein für Konsumenteninformation (ci-après le « VKI » ou le « requérant ») est une association de consommateurs de droit autrichien. Afin de lui faciliter sa mission de sauvegarde des intérêts des consommateurs, le droit autrichien reconnaît au VKI la faculté de saisir les juridictions civiles autrichiennes pour faire valoir certains droits de nature pécuniaire des consommateurs que ces derniers lui ont préalablement cédés.

7       Par la décision 2004/138/CE, du 11 juin 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (dans l’affaire COMP/36.571/D‑1, Banques autrichiennes – « club Lombard ») (JO 2004, L 56, p. 1), la Commission a considéré que huit banques autrichiennes avaient participé, durant plusieurs années, à l’entente dite « club Lombard » s’appliquant sur presque tout le territoire autrichien (ci-après la « décision club Lombard »). Selon la Commission, dans le cadre de cette entente, les banques visées ont notamment fixé en commun les taux d’intérêt de certains placements et crédits. La Commission a, par conséquent, infligé des amendes d’un montant total de 124,26 millions d’euros à ces banques, parmi lesquelles figurent notamment la Bank für Arbeit und Wirtschaft AG (ci-après la « BAWAG »), l’Österreichische Volksbanken AG (ci-après l’« ÖVAG ») et la Niederösterreichische Landesbank-Hypothekenbank AG (ci-après la « NÖ-Hypobank »).

8       Le VKI mène actuellement plusieurs procédures contentieuses contre la BAWAG devant les tribunaux autrichiens. Dans le cadre desdites procédures, le VKI fait valoir que, en raison d’une adaptation incorrecte des taux d’intérêt applicables aux crédits à intérêt variable accordés par la BAWAG, cette dernière a facturé pendant plusieurs années des intérêts trop élevés à ses clients.

9       Par lettre du 14 juin 2002, le requérant a demandé à la Commission l’autorisation de consulter le dossier administratif relatif à la décision club Lombard (ci‑après le « dossier club Lombard »). À l’appui de sa demande, le VKI a notamment indiqué que, afin d’obtenir des dommages et intérêts pour les consommateurs au nom desquels il agissait, il devait être en mesure d’avancer des allégations concrètes sur l’illicéité du comportement de la BAWAG au regard du droit de la concurrence ainsi que sur les effets dudit comportement. À cet effet, la consultation du dossier club Lombard lui aurait été d’une aide importante, voire indispensable.

10     Par lettre du 3 juillet 2002, la Commission a demandé au VKI de préciser sa demande et, plus particulièrement, son fondement juridique. En réponse à ce courrier, le VKI a précisé, par lettre du 8 juillet 2002, que sa demande était fondée notamment sur l’article 255, paragraphes 1 et 2, CE, sur le règlement nº 1049/2001, sur les dispositions de mise en œuvre de ce règlement et sur l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte des droits fondamentaux »), ainsi que sur les articles 5 CE et 10 CE.

11     Le 24 juillet 2002, lors d’une réunion avec les services de la Commission, les représentants du VKI ont évoqué la possibilité pour le requérant de s’engager, par écrit, à utiliser les informations obtenues dans l’unique but de faire valoir les droits de consommateurs dans le cadre des procédures nationales contre la BAWAG.

12     Par lettre du 12 août 2002, le VKI a complété sa demande en confirmant qu’il était disposé à prendre l’engagement évoqué lors de la réunion du 24 juillet 2002.

13     Par courrier du 12 septembre 2002, la Commission a, sur le fondement du règlement n° 1049/2001, rejeté en totalité la demande du VKI.

14     Le 26 septembre 2002, le VKI a déposé une demande confirmative au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, dans laquelle il précisait notamment, tout en maintenant sa demande, qu’il n’était pas intéressé au premier chef par les documents internes de la Commission.

15     Le 14 octobre 2002, la Commission a accusé réception de cette demande confirmative et indiqué au requérant que, en raison du nombre de documents demandés, le délai de réponse applicable au traitement de sa demande était prolongé de quinze jours ouvrables.

16     Le 18 décembre 2002, la Commission a adopté la décision D (2002) 330472 relative à une demande d’accès au dossier administratif dans l’affaire COMP/36.571/D‑1, Banques autrichiennes – « club Lombard » (ci-après la « décision attaquée »). La décision attaquée confirme la décision de rejet du 12 septembre 2002.

17     Dans la décision attaquée, la Commission a divisé, en premier lieu, les documents du dossier club Lombard, à l’exception des documents internes, en onze catégories distinctes. À l’exclusion des documents internes, ce dossier contient plus de 47 000 feuillets.

18     En deuxième lieu, la Commission a détaillé les raisons pour lesquelles, selon elle, chacune des catégories précédemment identifiées était couverte par une ou plusieurs des exceptions prévues par le  règlement n° 1049/2001.

19     En troisième lieu, la Commission a estimé que, dans les hypothèses où l’application de certaines exceptions rendrait nécessaire une pondération des intérêts en présence, le VKI n’aurait pas fait état d’un intérêt public supérieur de nature à justifier l’accès demandé.

20     En quatrième lieu, la Commission a énuméré les raisons pour lesquelles un accès partiel n’était pas possible en l’espèce. Selon la Commission, l’examen détaillé de chaque document, nécessaire en vue d’une éventuelle consultation partielle, aurait représenté pour elle une charge de travail excessive et disproportionnée.

21     En cinquième lieu, la Commission a considéré qu’une consultation des tiers afin d’envisager un accès éventuel aux documents dont ils sont les auteurs n’était pas nécessaire en l’espèce dans la mesure où, conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001, il était clair que lesdits documents ne devaient pas être divulgués.

22     La Commission a conclu dans la décision attaquée que la demande d’accès du requérant devait être rejetée dans son intégralité.

 Procédure devant le Tribunal

23     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2003, le VKI a introduit un recours en annulation contre la décision attaquée. Par acte séparé déposé le même jour, il a demandé qu’il soit statué sur ce recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

24     Par acte séparé déposé le 8 janvier 2003, le VKI a introduit une demande d’assistance judiciaire.

25     Le 20 janvier 2003, la Commission a déposé ses observations sur la demande de procédure accélérée.

26     La première chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire a été attribuée par décision du 20 janvier 2003, a rejeté la demande de procédure accélérée par une décision en date du 28 janvier 2003, notifiée le lendemain au requérant.

27     Le 18 février 2003, la Commission a déposé ses observations sur la demande d’assistance judiciaire.

28     Le 10 mars 2003, la Commission a déposé son mémoire en défense.

29     La demande d’assistance judiciaire du requérant a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal en date du 14 mars 2003.

30     Par lettre du 1er avril 2003, le requérant a renoncé au dépôt d’un mémoire en réplique.

31     Le 15 avril 2003, la BAWAG a déposé une demande d’intervention à l’appui des conclusions de la Commission. Le Royaume de Suède et la République de Finlande ont demandé, respectivement les 16 et 25 avril 2003, à intervenir au soutien des conclusions du VKI. Enfin, le 29 avril 2003, l’ÖVAG et la NÖ-Hypobank ont conjointement demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

32     Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 1er août 2003, la République de Finlande et le Royaume de Suède ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du requérant. Dans cette même ordonnance, la BAWAG, d’une part, et l’ÖVAG et la NÖ-Hypobank, d’autre part, ont été admises à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

33     Ces demandes ayant été introduites dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, les intervenants ont, en application de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, reçu communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties.

34     La République de Finlande et le Royaume de Suède ont déposé, respectivement les 10 et 12 septembre 2003, des demandes de retrait de leur intervention.

35     Le 26 septembre 2003, la BAWAG, d’une part, et l’ÖVAG et la NÖ‑Hypobank, d’autre part, ont déposé leur mémoire en intervention.

36     Le VKI et la Commission n’ayant pas déposé d’observations sur les demandes de retrait déposées par la République de Finlande et par le Royaume de Suède, le président de la première chambre a, par ordonnance du 6 novembre 2003, radié de la présente affaire les interventions desdites parties intervenantes et a ordonné au VKI et à la Commission de supporter leurs propres dépens relatifs à ces interventions.

37     Le 14 novembre 2003, le requérant a déposé ses observations écrites sur les mémoires en intervention, tandis que celles de la Commission ont été déposées le 11 novembre 2003.

38     En application de l’article 14 du règlement de procédure et sur proposition de la première chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

39     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit certaines questions à la Commission et aux parties intervenantes.

40     Le 6 juillet 2004, la Commission et les parties intervenantes ont répondu par écrit aux questions du Tribunal.

41     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 28 septembre 2004.

 Conclusions des parties

42     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       ordonner la production et procéder à l’examen du dossier en cause aux fins d’établir le bien-fondé des conclusions du VKI ;

–       condamner la Commission aux dépens.

43     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

44     La BAWAG, au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.

45     Enfin, l’ÖVAG et la NÖ‑Hypobank, au soutien de la Commission, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur le cadre du litige et sur la recevabilité de certains arguments soulevés par les parties intervenantes

46     Il est constant que la Commission a adopté la décision attaquée sur la base du règlement nº 1049/2001.

47     Par ailleurs, le recours du VKI est fondé, en substance, sur six moyens. Par son premier moyen, le VKI soutient qu’il est incompatible avec le droit d’accès aux documents et, en particulier, avec le règlement nº 1049/2001, de refuser l’accès à la totalité d’un dossier administratif sans avoir, au préalable, examiné concrètement chacun des documents contenus dans ledit dossier. Dans son deuxième moyen, le VKI prétend que la Commission a appliqué ou interprété d’une manière erronée plusieurs des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1049/2001. Dans son troisième moyen, le VKI avance que la Commission a conclu illégalement que la mise en balance des intérêts en présence ne penchait pas en faveur d’une divulgation du dossier administratif visé par sa demande. Dans son quatrième moyen, le VKI soutient que la Commission aurait dû, à tout le moins, lui accorder un accès partiel au dossier. Par son cinquième moyen, le VKI prétend que le défaut de consultation des banques auteurs de certains documents constitue une violation de l’article 4, paragraphe 4, du règlement nº 1049/2001. Enfin, dans son sixième moyen, le requérant dénonce la violation par la Commission de l’article 255 CE, de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux et des articles 5 CE et 10 CE.

48     Or, dans leurs mémoires en intervention respectifs, la BAWAG, d’une part, et l’ÖVAG et la NÖ-Hypobank, d’autre part, ont soulevé plusieurs arguments (ci‑après les « arguments complémentaires ») visant à démontrer, en premier lieu, que le règlement nº 1049/2001 s’applique uniquement aux documents produits lors du processus législatif communautaire, en deuxième lieu, que le droit d’accès aux documents concernant des affaires de concurrence était, à l’époque des faits, régi uniquement par le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), en troisième lieu, qu’une association jouissant d’un statut de droit public ne bénéficie pas du droit d’accès prévu par le règlement nº 1049/2001, en quatrième lieu, que la demande d’accès du VKI était irrégulière au regard du règlement nº 1049/2001, en cinquième lieu, que le règlement nº 1049/2001 est contraire à l’article 255 CE en ce qu’il autorise l’accès aux documents émanant de tiers et, en sixième lieu, que ledit règlement ne saurait s’appliquer qu’aux documents qui sont entrés en possession des institutions après son entrée en application, soit à partir du 3 décembre 2001.

49     Les arguments complémentaires visent ainsi à démontrer soit, premièrement, que le règlement n° 1049/2001 n’était pas applicable en l’espèce, soit, deuxièmement, qu’il a été appliqué incorrectement par la Commission, soit, troisièmement, qu’il constitue, pour la décision attaquée, une base juridique illégale.

50     En conséquence, à supposer que l’un ou plusieurs des arguments complémentaires doivent être accueillis par le Tribunal, ceux-ci permettraient de constater que la décision attaquée est illégale. Or, il convient de rappeler que les parties intervenantes ont été admises à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission et que, par ailleurs, cette dernière conclut au rejet du recours en annulation.

51     Interrogées par écrit et lors de l’audience sur la compatibilité des arguments complémentaires avec les conclusions qu’elles soutiennent, les parties intervenantes ont répondu en substance que, en application de la jurisprudence, une partie intervenante est en droit d’invoquer des arguments différents ou même contraires à ceux de la partie qu’elle soutient (arrêt de la Cour du 23 février 1961, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 3, 37, et arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 145).

52     Cependant, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. En outre, selon l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Or, si ces dispositions ne s’opposent pas à ce que l’intervenant fasse état d’arguments différents de ceux de la partie qu’il soutient, c’est néanmoins à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission, C‑245/92 P, Rec. p. I‑4643, point 32 ; du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C‑248/99 P, Rec. p. I‑1, point 56, et arrêt du Tribunal du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T‑119/02, Rec. p. II‑1433, points 203 et 212).

53     En l’espèce, dès lors que, d’une part, à les supposer fondés, les arguments complémentaires permettraient de constater l’illégalité de la décision attaquée et que, d’autre part, les conclusions de la Commission visent au rejet du recours en annulation et ne sont pas soutenues par des moyens visant à faire constater l’illégalité de la décision attaquée, il apparaît que l’examen des arguments complémentaires aurait pour effet de modifier le cadre du litige tel qu’il a été défini dans la requête et le mémoire en défense (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, Rec. p. II‑1971, point 122, et du 24 octobre 1997, British Steel/Commission, T‑243/94, Rec. p. II‑1887, points 72 et 73).

54     Au surplus, doit être écartée l’argumentation des parties intervenantes visant à démontrer que les arguments complémentaires soutiennent, en substance, les conclusions de la Commission selon lesquelles l’accès aux documents demandé par le requérant doit être refusé. En effet, d’une part, dans le cadre de la présente affaire, la Commission n’a nullement conclu à ce que l’accès demandé aux documents litigieux soit refusé indépendamment des motifs de la décision attaquée mais, uniquement, au rejet du recours en annulation. D’autre part, il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité, de se substituer à la Commission afin de déterminer si l’accès aux documents litigieux devrait être refusé pour d’autres motifs que ceux mentionnés dans la décision attaquée.

55     Les arguments complémentaires doivent donc être rejetés comme irrecevables.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’examen concret des documents visés dans la demande et sur le quatrième moyen, tiré d’une méconnaissance du droit à un accès partiel

56     Il convient d’analyser tout d’abord et de façon conjointe les premier et quatrième moyens soulevés par le requérant.

 Arguments des parties

–       Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’examen concret des documents visés dans la demande

57     Dans son premier moyen, le VKI soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a, en contradiction avec le règlement nº 1049/2001, soustrait la totalité du dossier club Lombard au droit d’accès, sans pour autant procéder à un examen concret de chacun des documents contenus dans ce dossier. Or, seules des circonstances concrètes concernant des documents en particulier pourraient justifier une exception au droit d’accès à ces documents.

58     En réponse au premier moyen du requérant, la Commission soutient que, en l’espèce, il n’importe pas de déterminer si elle a refusé l’accès à tous les documents visés dans la demande mais, uniquement, si elle a correctement motivé son refus pour tous ces documents. Or, la Commission n’aurait, en l’espèce, nullement exclu l’ensemble du dossier club Lombard du droit d’accès mais, au contraire, aurait expliqué pourquoi les motifs de refus énumérés à l’article 4 du règlement nº 1049/2001 s’opposaient à une divulgation des documents figurant dans ledit dossier.

59     La Commission ajoute qu’il n’est pas contraire au droit communautaire de refuser l’accès à diverses catégories de documents sans examiner chacun des documents qui s’y trouvent dès lors que, comme en l’espèce, les raisons du refus de la Commission sont indiquées pour chaque catégorie. Le Tribunal aurait expressément jugé que la Commission est en droit de subdiviser un dossier en catégories, auxquelles elle peut ensuite refuser globalement l’accès, à condition qu’elle mentionne les raisons de son refus (arrêt du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T‑105/95, Rec. p. II‑313, point 64).

60     La Commission précise enfin que l’examen des divers documents et des parties de documents au sein de ces catégories n’a pas eu lieu dans la mesure où l’effort requis pour une telle opération aurait été disproportionné.

–       Sur le quatrième moyen, tiré d’une méconnaissance du droit à un accès partiel

61     Le VKI soutient qu’un refus total d’accès au dossier ne se justifierait que si l’ensemble des documents y figurant était couvert par l’une au moins des exceptions de l’article 4 du règlement n° 1049/2001. Cette condition n’étant pas vérifiée en l’espèce, le requérant aurait dû au moins bénéficier d’un accès partiel. Le souci « respectable » de la Commission de limiter sa charge de travail ne saurait avoir pour résultat d’annihiler les chances de réparation des dommages subis par les consommateurs en raison d’une entente.

62     La Commission conteste ces arguments. Elle admet que la jurisprudence de la Cour et du Tribunal reconnaît l’existence d’un droit d’accès partiel aux documents. La Commission souligne néanmoins qu’un tel accès peut être refusé dès lors qu’il implique un effort disproportionné pour l’institution concernée.

63     Or, l’effort requis pour un dossier de plus de 47 000 pages serait nécessairement disproportionné. Ce serait à tout le moins le cas lorsque, d’une part, le nombre de documents susceptibles d’être communiqués dans chaque catégorie pertinente serait très faible et, d’autre part, ces documents seraient manifestement inutiles. Le dossier étant classé de façon chronologique, tout accès partiel impliquerait qu’il soit révisé dans son intégralité. Par ailleurs, la tâche consistant à dresser une table des matières pour l’intégralité du dossier serait, compte tenu de l’application des exceptions de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, tout aussi disproportionnée qu’un accès partiel. La Commission reconnaît que le caractère disproportionné de l’effort requis ne constitue pas un motif de refus en soi. Cependant, lorsqu’il résulte de l’analyse de catégories de documents étroitement définies que l’accès doit être refusé, un examen supplémentaire de chaque document au sein de la catégorie correspondante ne se justifierait pas.

64     La BAWAG ainsi que l’ÖVAG et la NÖ-Hypobank soutiennent en substance les arguments de la Commission. Elles précisent que lorsqu’un demandeur a expressément indiqué son intérêt dans sa demande d’accès, il serait disproportionné d’exiger de l’institution à laquelle cette demande est présentée de donner un accès partiel aux documents qui ne servent pas l’objectif de la demande.

 Appréciation du Tribunal

65     Il est constant que la Commission n’a pas procédé à un examen concret et individuel des documents composant le dossier club Lombard. Lors de l’audience, la Commission a confirmé que, en réponse à la demande confirmative du requérant, elle avait divisé le dossier club Lombard, à l’exclusion des documents internes, en onze catégories distinctes de documents, sans pour autant examiner chacun d’entre eux. Il ressort en outre de la décision attaquée que, après avoir défini lesdites catégories, la Commission a considéré que « une ou plusieurs exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 s’appliqu[ai]ent à chaque catégorie de document, sans qu’un intérêt public supérieur ne justifie leur divulgation ». La Commission a ensuite précisé que, « [p]our des raisons de proportionnalité, il n’appar[aissait] ni nécessaire ni utile de procéder à un examen des documents qui dépasserait le cadre des catégories susmentionnées ». La Commission a également indiqué, « à titre subsidiaire », que la publication de la décision club Lombard suffisait à « préserver » les intérêts du requérant.

66     Au regard de ces éléments, il convient donc de déterminer si la Commission était tenue, en principe, de procéder à un examen concret et individuel des documents visés dans ladite demande puis, dans l’affirmative, d’examiner dans quelle mesure cette obligation d’examen pouvait être tempérée par certaines exceptions liées, notamment, à la charge de travail qui en résultait.

–       Sur l’obligation de procéder à un examen concret et individuel

67     L’article 2 du règlement n° 1049/2001 définit le principe du droit d’accès aux documents des institutions. L’article 4 du règlement n° 1049/2001 énonce plusieurs exceptions au droit d’accès. Enfin, les articles 6 à 8 du règlement n° 1049/2001 définissent certaines modalités selon lesquelles une demande d’accès doit être traitée.

68     Il résulte de ces dispositions que l’institution saisie d’une demande d’accès à des documents fondée sur le règlement n° 1049/2001 a l’obligation d’examiner et de répondre à cette demande et, en particulier, de déterminer si l’une des exceptions visées à l’article 4 dudit règlement est applicable aux documents en cause.

69     Or, selon une jurisprudence constante, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2000, Denkavit Nederland/Commission, T‑20/99, Rec. p. II‑3011, point 45). Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document aurait porté concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. D’autre part, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Kuijer/Conseil, T‑211/00, Rec. p. II‑485, point 56, ci-après l’« arrêt Kuijer II »). Par conséquent, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, Rec. p. II‑1959, point 38, ci‑après l’« arrêt Kuijer I », et du 19 juillet 1999, Hautala/Conseil, T‑14/98, Rec. p. II‑2489, point 67).

70     Cet examen concret doit, par ailleurs, être réalisé pour chaque document visé dans la demande. En effet, il résulte du règlement n° 1049/2001 que toutes les exceptions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de son article 4 sont énoncées comme devant s’appliquer « à un document ».

71     La nécessité d’un tel examen concret et individuel, par opposition à un examen abstrait et global, est d’ailleurs confirmée par la jurisprudence concernant l’application du code de conduite.

72     En effet, d’une part, le code de conduite, dont les principes ont été partiellement repris par l’article 4 du règlement nº 1049/2001, comportait une première catégorie d’exceptions imposant à l’institution de refuser l’accès à un document lorsque sa divulgation « pourrait porter atteinte » aux intérêts protégés par ces exceptions. Or, le Tribunal a jugé de façon constante qu’il résultait de l’utilisation du verbe pouvoir au mode conditionnel que la Commission était tenue, avant de statuer sur une demande d’accès à des documents, d’examiner, « pour chaque document sollicité », si, au regard des informations dont elle dispose, sa divulgation était effectivement susceptible de porter atteinte à l’un des intérêts protégés par le régime des exceptions (arrêts du Tribunal du 6 février 1998, Interporc/Commission, T‑124/96, Rec. p. II‑231, point 52, et du 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission, T‑123/99, Rec. p. II‑3269, point 64). Compte tenu du maintien du mode conditionnel dans les paragraphes 1 à 3 de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, la jurisprudence développée dans le cadre du code de conduite est transposable au règlement n° 1049/2001. Il y a lieu, dès lors, de constater qu’une institution est tenue d’apprécier de façon concrète et individuelle l’application des exceptions au droit d’accès à chacun des documents visés dans une demande.

73     D’autre part, comme le souligne à juste titre la Commission, le Tribunal a effectivement jugé, en substance, dans son arrêt WWF UK/Commission, point 59 supra (point 64), qu’une institution est tenue d’indiquer, à tout le moins par catégorie de documents, les raisons pour lesquelles elle considère que les documents mentionnés dans la demande qui lui est adressée sont liés à une catégorie d’informations couvertes par une exception. Néanmoins, indépendamment de la question de savoir si le point sur lequel s’appuie la Commission pose seulement une règle de motivation, un examen concret et individuel est en tout état de cause nécessaire dès lors que, même dans l’hypothèse où il est clair qu’une demande d’accès vise des documents couverts par une exception, seul un tel examen peut permettre à l’institution d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel au demandeur, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. Dans le cadre de l’application du code de conduite, le Tribunal a d’ailleurs déjà rejeté comme insuffisante une appréciation de documents réalisée par catégories plutôt que par rapport aux éléments d’information concrets contenus dans ces documents, l’examen requis de la part d’une institution devant lui permettre d’apprécier concrètement si une exception invoquée s’applique réellement à l’ensemble des informations contenues dans lesdits documents (arrêt JT’s Corporation/Commission, point 72 supra, point 46).

74     Il y a donc lieu de conclure qu’une institution, lorsqu’elle reçoit une demande fondée sur le règlement n° 1049/2001, est tenue, en principe, de procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans la demande.

75     Cette solution de principe ne signifie cependant pas qu’un tel examen est requis en toutes circonstances. En effet, dès lors que l’examen concret et individuel auquel l’institution doit en principe procéder en réponse à une demande d’accès formulée sur le fondement du règlement n° 1049/2001 a pour objet de permettre à l’institution en cause, d’une part, d’apprécier dans quelle mesure une exception au droit d’accès est applicable et, d’autre part, d’apprécier la possibilité d’un accès partiel, ledit examen peut ne pas être nécessaire lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est manifeste que l’accès doit être refusé ou bien au contraire accordé. Tel pourrait être le cas, notamment, si certains documents soit, tout d’abord, étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception au droit d’accès, soit, à l’inverse, étaient manifestement accessibles dans leur intégralité, soit, enfin, avaient déjà fait l’objet d’une appréciation concrète et individuelle par la Commission dans des circonstances similaires.

76     En l’espèce, il est constant que la Commission a fondé la décision attaquée sur une analyse générale par catégories de documents du dossier club Lombard. Il est également constant que la Commission n’a pas procédé à un examen concret et individuel des documents visés dans la demande d’accès afin d’apprécier l’application des exceptions invoquées ou la possibilité d’un accès partiel.

77     Il convient donc d’examiner si la demande du requérant portait sur des documents pour lesquels, en raison des circonstances de l’espèce, il n’était pas nécessaire de procéder à un tel examen concret et individuel.

78     À cet égard, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les documents visés dans la demande du requérant relevaient de quatre exceptions distinctes au droit d’accès.

79     La première des exceptions invoquées par la Commission concerne la protection des objectifs des activités d’inspection visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. Dans la décision attaquée, la Commission a justifié l’application de cette exception en s’appuyant, en substance, sur deux éléments.

80     Premièrement, selon la Commission, la décision club Lombard fait l’objet de plusieurs recours en annulation devant le Tribunal qui sont toujours pendants et sur lesquels ce dernier ne s’est donc pas encore prononcé. Par conséquent, l’accès à ces documents par des tiers pourrait affecter la nouvelle appréciation qu’elle pourrait être amenée à faire en cas d’annulation et pourrait amener les parties requérantes à soulever dans ces recours certains moyens de droit.

81     Deuxièmement, selon la Commission, un grand nombre des documents contenus dans le dossier auraient été communiqués par les entreprises sanctionnées dans la décision club Lombard soit au titre de la communication de la Commission sur la non‑imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4), qui était applicable à l’époque des faits, soit dans le cadre de demandes de renseignements ou de vérifications sur les fondement des articles 11 et 14 du règlement nº 17. Par conséquent, reconnaître à des tiers la possibilité d’y accéder dissuaderait les entreprises de coopérer avec la Commission et serait préjudiciable à ses activités d’inspection et d’enquête dans des affaires futures. Le même raisonnement serait applicable aux documents établis par des tiers.

82     Le Tribunal estime cependant que la Commission ne pouvait pas formuler une conclusion aussi générale, s’appliquant à l’ensemble du dossier club Lombard sans avoir, au préalable, procédé à un examen concret et individuel des documents qui le composent.

83     En effet, tout d’abord, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait vérifié concrètement que chaque document visé dans la demande était bien compris dans l’une des onze catégories identifiées. Au contraire, les motifs de la décision attaquée, confirmés par la Commission lors de l’audience, indiquent que c’est au moins partiellement de façon abstraite que la Commission a procédé à cette répartition. Il semble que la Commission ait davantage agi sur la base des idées qu’elle se faisait du contenu des documents du dossier club Lombard plutôt que sur le fondement d’un examen réel. Dès lors, cette division en catégories reste approximative, tant du point de vue de son exhaustivité que du point de vue de son exactitude.

84     Ensuite, les considérations exposées par la Commission dans la décision attaquée, comme d’ailleurs dans son mémoire en défense, restent vagues et générales. En l’absence d’examen individuel, c’est-à-dire document par document, elles ne permettent pas de considérer avec suffisamment de certitude et de façon circonstanciée que l’argumentation de la Commission, à la supposer fondée dans son principe, est applicable à l’ensemble des documents du dossier club Lombard. Les craintes exprimées par la Commission restent à l’état de simples affirmations et sont, par conséquent, exagérément hypothétiques.

85     Rien n’indique, en effet, que la totalité des documents visés dans la demande est clairement couverte par l’exception invoquée. Au point 1 de la décision attaquée, la Commission note elle-même que « l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, s’applique en grande partie à certains documents, voire intégralement à toutes les catégories ».

86     Certes, dans le tableau qu’elle a joint à son mémoire en défense, la Commission a indiqué que, selon elle, l’exception invoquée s’appliquait à l’ensemble des documents visés dans le dossier. Cependant, ainsi qu’il ressort des considérations exposées au point précédent, ce tableau contredit les motifs de la décision attaquée.

87     Enfin, et en tout état de cause, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée que chacun des documents composant le dossier club Lombard, pris individuellement, soit couvert dans sa totalité par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. Il n’apparaît pas en effet que la divulgation de toute information qui y est contenue porterait atteinte aux objectifs des activités d’inspection et d’enquête de la Commission.

88     L’absence d’examen concret et individuel des documents visés par la demande du requérant n’est donc pas justifiée s’agissant des documents prétendument couverts par la première exception invoquée par la Commission.

89     Le même constat s’impose s’agissant des documents couverts, aux termes de la décision attaquée, par les deuxième, troisième et quatrième exceptions. Ces exceptions sont relatives à la protection des intérêts commerciaux (article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001), à la protection des procédures juridictionnelles (article 4, paragraphe 2, deuxième tiret) et à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu [article 4, paragraphe 1, sous b)]. Or, il ressort des points 2, 3, 10, 12 et 13 de la décision attaquée que, selon la Commission, ces exceptions ne concerneraient qu’une partie seulement des documents visés dans la demande. Notamment, au point 13 de la décision attaquée, la Commission indique qu’« il est possible qu’une grande partie des documents établis par les banques concernées ou des tiers comporte également des informations dont la divulgation pourrait affecter la vie privée et l’intégrité de l’individu ».

90     Il ressort donc de la décision attaquée que les exceptions invoquées par la Commission ne concernent pas nécessairement l’ensemble du dossier club Lombard et que, même pour les documents qu’elles pourraient éventuellement concerner, elles pourraient ne porter que sur certains passages de ces documents.

91     Enfin, les parties intervenantes invoquent l’exception de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. Elles soutiennent que la décision club Lombard a fait l’objet de plusieurs recours en annulation et qu’elle n’est donc pas encore une décision « prise » au sens de l’article 4, paragraphe 3, ce qui justifierait un refus d’accès dans son ensemble. Cependant, cette exception n’ayant pas été invoquée par la Commission dans la décision attaquée, il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à cette institution pour déterminer si elle est effectivement applicable aux documents visés par la demande.

92     Par conséquent, la Commission ne pouvait pas, en principe, se dispenser d’un examen concret et individuel de chacun des documents visés dans la demande pour apprécier l’application d’exceptions ou la possibilité d’un accès partiel.

93     Néanmoins, dès lors que, en l’espèce, la Commission s’est abstenue de cet examen, il convient de déterminer si une institution est en droit de justifier un refus total d’accès en raison de la charge de travail très importante qui, selon elle, résulte dudit examen.

–       Sur l’application d’une exception liée à la charge de travail requise pour procéder à un examen concret et individuel

94     Selon l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, « [e]n cas de demande portant sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, l’institution concernée peut se concerter avec le demandeur de manière informelle afin de trouver un arrangement équitable ».

95     En l’espèce, il ressort du dossier que le requérant et la Commission se sont rencontrés, le 24 juillet 2002, mais que cette réunion et les contacts qui l’ont suivie n’ont pas abouti à un arrangement.

96     Or, le règlement n° 1049/2001 ne comporte aucune disposition permettant expressément à l’institution, en l’absence d’arrangement équitable avec le demandeur, de limiter la portée de l’examen qu’elle est normalement tenue de réaliser en réponse à une demande d’accès.

97     Dans la partie introductive de la décision attaquée, la Commission a cependant justifié en substance l’absence d’examen concret et individuel des documents en cause par l’application du principe de proportionnalité. La Commission a notamment indiqué que « [p]our des raisons de proportionnalité, il n’apparaît ni nécessaire ni utile de procéder à un examen des documents qui dépasserait le cadre des catégories [mentionnées] ». La Commission a également invoqué l’application du principe de proportionnalité aux points 10, 13 et 24 de la décision attaquée.

98     Il convient donc d’examiner si le principe d’un examen concret et individuel des documents visés dans une demande d’accès fondée sur le règlement n° 1049/2001 peut effectivement être écarté en raison du principe de proportionnalité.

99     Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 60, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 39). Le principe de proportionnalité exige également que les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 38, et arrêt Hautala/Conseil, point 69 supra, point 85).

100   Dès lors, le refus opposé par une institution d’examiner concrètement et individuellement les documents faisant l’objet d’une demande d’accès constitue, en principe, une violation manifeste du principe de proportionnalité. En effet, un examen concret et individuel des documents en cause permet à l’institution d’atteindre le but poursuivi par les exceptions visées à l’article 4, paragraphes 1 à 3 du règlement n° 1049/2001 et conduit, par ailleurs, à l’identification des seuls documents couverts, en totalité ou en partie, par lesdites exceptions. Il constitue donc, pour le droit d’accès du demandeur, une mesure moins contraignante qu’un refus complet d’examen.

101   Il convient cependant de tenir compte de la possibilité qu’un demandeur présente, sur le fondement du règlement n° 1049/2001, une demande d’accès portant sur un nombre manifestement déraisonnable de documents, le cas échéant pour des motifs futiles, et impose ainsi, du fait du traitement de sa demande, une charge de travail qui serait susceptible de paralyser de façon très substantielle le bon fonctionnement de l’institution. Il convient également de relever que, dans l’hypothèse où une demande porte sur un très grand nombre de documents, le droit pour l’institution de rechercher un « arrangement équitable » avec le demandeur, en application de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, reflète la possibilité de prendre en compte, même si c’est de façon particulièrement limitée, la nécessité éventuelle de concilier les intérêts du demandeur et ceux d’une bonne administration.

102   Une institution doit donc garder la possibilité, dans des cas particuliers où l’examen concret et individuel des documents entraînerait pour elle une tâche administrative inappropriée, de mettre en balance, d’une part, l’intérêt de l’accès du public aux documents et, d’autre part, la charge de travail qui en découlerait, afin de préserver, dans ces cas particuliers, l’intérêt d’une bonne administration (voir, par analogie, arrêt Hautala/Conseil, point 69 supra, point 86).

103   Cette possibilité reste, cependant, d’application exceptionnelle.

104   En effet, premièrement, l’examen concret et individuel des documents visés dans une demande d’accès sur le fondement du règlement n° 1049/2001 constitue l’un des devoirs élémentaires d’une institution en réponse à ladite demande.

105   Deuxièmement, l’accès du public aux documents des institutions constitue une solution de principe, alors que la possibilité de refus est l’exception (voir, par analogie avec le principe posé pour l’application du code de conduite, arrêt Kuijer II, point 55).

106   Troisièmement, les exceptions au principe de l’accès aux documents doivent être interprétées de façon restrictive [voir, par analogie avec le code de conduite, arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, British American Tobacco International (Investments)/Commission, T‑111/00, Rec. p. II‑2997, point 40]. Or, cette jurisprudence justifie à plus forte raison que soient conçues de façon particulièrement restrictive les limitations apportées à la diligence dont une institution doit normalement faire preuve afin de déterminer l’application d’une exception, dans la mesure où de telles limitations augmentent, dès la réception de la demande, le risque qu’il soit porté atteinte au droit d’accès.

107   Quatrièmement, dans de nombreuses circonstances, la faculté pour la Commission de ne pas procéder à un examen concret et individuel, alors que cela est nécessaire, irait à l’encontre du principe de bonne administration, qui figure parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives et auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, Rec. p. II‑1, point 86, et du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a./Commission, T‑528/93, T‑542/93, T‑543/93 et T‑546/93, Rec. p. II‑649, point 93).

108   Cinquièmement, la prise en compte de la charge de travail requise par l’exercice du droit d’accès et de l’intérêt du demandeur n’est en principe pas pertinente pour moduler l’étendue dudit droit.

109   En effet, s’agissant de l’intérêt du demandeur, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, ce dernier n’est pas tenu de justifier sa demande et n’a donc normalement pas à démontrer un quelconque intérêt.

110   Quant à la charge de travail nécessaire pour traiter une demande, le règlement n° 1049/2001 a expressément prévu la possibilité qu’une demande d’accès puisse concerner un très grand nombre de documents, puisque son article 7, paragraphe 3, et son article 8, paragraphe 2, disposent que les délais de traitement respectifs des demandes initiales et des demandes confirmatives peuvent être prorogés à titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents.

111   Sixièmement, la charge de travail nécessaire pour procéder à l’examen d’une demande dépend non seulement du nombre de documents visés dans la demande et de leur volume, mais également de leur nature. Par conséquent la nécessité de procéder à un examen concret et individuel de très nombreux documents ne préjuge nullement, à elle seule, la charge de travail nécessaire pour traiter une demande d’accès, puisque ladite charge de travail dépend également de la profondeur requise de cet examen.

112   En conséquence, c’est à titre exceptionnel et uniquement lorsque la charge administrative provoquée par l’examen concret et individuel des documents se révélerait particulièrement lourde, dépassant ainsi les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, qu’une dérogation à cette obligation d’examen peut être admise (voir, par analogie, arrêt Kuijer II, point 57).

113   En outre, dans la mesure où le droit à l’accès des documents détenus par les institutions constitue une solution de principe, c’est sur l’institution qui se prévaut d’une exception liée au caractère déraisonnable de la tâche requise par la demande que repose la charge de la preuve de son ampleur.

114   Enfin, lorsque l’institution a apporté la preuve du caractère déraisonnable de la charge administrative requise par l’examen concret et individuel des documents visés dans la demande, elle est dans l’obligation d’essayer de se concerter avec le demandeur afin, d’une part, de prendre connaissance ou de lui faire préciser son intérêt à l’obtention des documents en cause et, d’autre part, d’envisager concrètement les options qui se présentent à elle pour l’adoption d’une mesure moins contraignante qu’un examen concret et individuel des documents. Dès lors que le droit d’accès aux documents représente le principe, l’institution reste néanmoins tenue, dans ce contexte, de privilégier l’option qui, tout en ne constituant pas elle-même une tâche dépassant les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, reste la plus favorable au droit d’accès du demandeur.

115   Il en résulte que l’institution ne peut se dispenser de tout examen concret et individuel qu’après avoir réellement étudié toutes les autres options envisageables et expliqué de façon circonstanciée, dans sa décision, les raisons pour lesquelles ces diverses options impliquent, elles aussi, une charge de travail déraisonnable.

116   Il convient donc, en l’espèce, d’examiner si la Commission se trouvait dans une situation où l’examen concret et individuel des documents visés dans la demande lui imposait une charge dépassant les limites de ce qui pouvait être raisonnablement exigé, de sorte qu’elle pouvait prendre en compte l’intérêt du requérant et envisager concrètement d’autres options pour le traitement de la demande afin, le cas échéant, d’adopter une mesure moins contraignante pour sa charge de travail.

117   S’agissant, tout d’abord, du caractère déraisonnable d’un examen concret et individuel de chacun des documents visés dans la demande, il convient de noter que la décision attaquée ne mentionne pas le nombre précis des documents contenus dans le dossier club Lombard, mais simplement le nombre de pages qu’il contient. Une simple référence à un nombre de pages n’est pas suffisante, en tant que telle, pour évaluer la charge de travail requise par un examen concret et individuel. Néanmoins, au regard, d’une part, des catégories identifiées par la Commission dans la décision attaquée et, d’autre part, de la nature du dossier en cause, il ressort clairement du dossier que les documents visés sont très nombreux.

118   En outre, la consultation d’un dossier de plus de 47 000 pages comprenant de nombreux documents tels que ceux appartenant aux catégories identifiées par la Commission est de nature à constituer une tâche extrêmement importante.

119   En effet, premièrement, il apparaît que les documents du dossier club Lombard sont classés par ordre chronologique. À cet égard, lors de l’audience, la Commission a précisé que, compte tenu de la date de la décision attaquée, les documents visés dans la demande du requérant n’avaient pas encore fait l’objet d’un classement dans le registre prévu par l’article 11 du règlement nº 1049/2001, dont la couverture doit être, d’après l’article 8, paragraphe 1, de la décision de la Commission du 5 décembre 2001 modifiant son règlement intérieur, élargie graduellement.

120   Deuxièmement, au regard des principales catégories identifiées par la Commission et des motifs de la décision attaquée, il peut être admis que les documents visés par la demande du requérant contiennent de nombreuses informations devant faire l’objet d’une analyse concrète au regard des exceptions au droit d’accès et, notamment, des informations pouvant porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux des banques mises en cause dans le dossier club Lombard.

121   Troisièmement, au regard des principales catégories identifiées par la Commission, il peut également être admis que le dossier club Lombard est constitué d’un nombre important de documents émanant de tiers. Par conséquent, l’importance du travail requis pour examiner concrètement et individuellement les documents contenus dans ce dossier pourrait être accrue par la nécessité éventuelle de consulter lesdits tiers en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement nº 1049/2001.

122   Il existe donc en l’espèce plusieurs indices permettant de penser que l’examen concret et individuel de tous les documents du dossier club Lombard pourrait constituer une charge de travail très importante. Néanmoins, sans qu’il soit besoin de juger de façon définitive si ces indices démontrent à suffisance de droit que le travail requis dépassait les limites de ce qui pouvait être raisonnablement exigé de la part de la Commission, il convient de rappeler que la décision attaquée, qui refuse globalement tout accès au requérant, ne pourrait en tout état de cause être légale que dans l’hypothèse où la Commission aurait préalablement expliqué, de façon concrète, les raisons pour lesquelles les options alternatives à un examen concret et individuel de chacun des documents visés constituaient, également, une charge de travail déraisonnable.

123   Or, en l’espèce, le requérant a fait savoir à la Commission, le 14 juin 2002, que sa démarche visait à lui permettre de produire certaines preuves dans le cadre de procédures lancées contre la BAWAG devant les tribunaux autrichiens.

124   Il apparaît également que, le 24 juillet 2002, lors d’une réunion avec les services de la Commission, les représentants du VKI ont évoqué la possibilité pour le requérant de s’engager, par écrit, à n’utiliser les informations obtenues que dans le but de faire valoir les droits de consommateurs.

125   En outre, dans sa demande confirmative du 26 septembre 2002, le requérant a indiqué qu’il n’était pas intéressé, au premier chef, par les documents internes de la Commission, ce qui a d’ailleurs amené cette dernière à exclure lesdits documents du champ de son analyse dans la décision attaquée.

126   En dépit de ces éléments, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée que la Commission ait envisagé de façon concrète et exhaustive les diverses options qui s’offraient à elle afin d’entreprendre des diligences qui ne lui imposeraient pas une charge de travail déraisonnable, mais augmenteraient en revanche les chances que le requérant puisse bénéficier, au moins pour une partie de sa demande, d’un accès aux documents concernés.

127   Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué « à titre subsidiaire » que la publication de la décision club Lombard suffisait à « préserver » les intérêts du requérant.

128   En outre, au point 24 de la décision attaquée, la Commission a refusé d’accorder un accès partiel aux documents compris dans le dossier club Lombard en s’exprimant dans les termes suivants :

« Nous avons entrepris en l’espèce, aux fins d’apprécier votre demande, une catégorisation de l’ensemble des documents du dossier ainsi, pour partie, qu’une sous-catégorisation. L’alternative serait d’examiner chaque document, éventuellement après consultation de tiers. Dans ce cas précis, le dossier comporte plus de 47 000 pages, sans compter les documents internes. Étant entendu qu’il ressort d’un examen par catégories que les documents figurant dans le dossier sont − exception faite de quelques documents déjà publiés − très largement soumis aux exceptions prévues par le règlement, un examen séparé de chaque document imposerait à la Commission une charge de travail inadaptée et disproportionnée. D’autant que les autres parties des documents ou certains d’entre eux qui pourraient éventuellement être divulgués ne serviraient très probablement ni les intérêts [du] VKI à prouver l’illégalité du comportement des banques concernées dans le cadre de procédures civiles, ni d’autres intérêts publics. »

129   Il apparaît donc que la Commission a pris en compte l’intérêt du requérant à titre très subsidiaire pour comparer les effets probables de deux types de pratiques, à savoir, en premier lieu, un examen individuel des documents compris dans le dossier club Lombard et, en second lieu, un examen limité aux catégories établies parmi ces mêmes documents selon leur nature.

130   Il ne ressort pas en revanche des motifs de la décision attaquée que la Commission ait apprécié, de façon concrète, précise et circonstanciée, d’une part, les autres options envisageables pour limiter sa charge de travail et, d’autre part, les raisons qui pouvaient lui permettre de se dispenser de tout examen plutôt que d’adopter, le cas échéant, une mesure moins restrictive pour le droit d’accès du requérant. En particulier, il ne ressort pas de la décision attaquée que, s’agissant de l’identification de documents contenus dans un dossier classé par ordre chronologique, la Commission ait étudié concrètement l’option consistant à demander aux banques mises en cause dans le dossier club Lombard de lui communiquer les dates des documents transmis par elles, ce qui, éventuellement, aurait pu lui permettre de retrouver plus facilement certains d’entre eux dans son dossier. En outre, si la Commission a indiqué dans son mémoire en défense que l’établissement d’une table des matières aurait constitué une tâche disproportionnée, l’étude de cette option n’est nullement mentionnée dans la décision attaquée et ne saurait donc être considérée comme ayant fait l’objet d’un examen concret. Enfin, il ne ressort pas non plus de la décision attaquée que la Commission ait évalué la charge de travail consistant à identifier puis examiner, de façon individuelle et concrète, les quelques documents qui seraient les plus susceptibles de satisfaire immédiatement et, le cas échéant, partiellement dans un premier temps les intérêts du requérant.

131   Le refus pur et simple d’accès opposé par la Commission au requérant est, par conséquent, entaché d’une erreur de droit. Les premier et quatrième moyens doivent donc être accueillis. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le requérant, la décision attaquée doit être annulée.

 Sur la demande de production de documents

132   Il appartient au juge communautaire de décider de la nécessité de la production d’un document, en fonction des circonstances du litige, conformément aux dispositions du règlement de procédure applicables aux mesures d’instruction (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, Rec. p. I‑11049, point 67).

133   Les premier et quatrième moyens du requérant devant être accueillis sans qu’il soit nécessaire d’examiner les documents en cause, il n’est, en l’espèce, nullement besoin d’ordonner la production demandée.

 Sur les dépens

134   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens supportés par le VKI, conformément aux conclusions de cette dernière.

135   Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision D (2002) 330472 relative à une demande d’accès au dossier administratif dans l’affaire COMP/36.571/D‑1, Banques autrichiennes – « club Lombard » est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.






3)      Les parties intervenantes supporteront chacune leurs propres dépens.

Vesterdorf

Jaeger

Mengozzi

Martins Ribeiro

 

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 avril 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       B. Vesterdorf       


* Langue de procédure : l'allemand.