Language of document : ECLI:EU:T:2015:160

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 mars 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure en déchéance – Marque communautaire verbale SMART WATER – Usage sérieux – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation de motivation – Article 75 du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑250/13,

Naazneen Investments Ltd, établie à Limassol (Chypre), représentée par Mes P. Goldenbaum, I. Rohr et T. Melchert, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Pohlmann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Energy Brands, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par MM. S. Malynicz, barrister, et D. Stone, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 18 février 2013 (affaire R 1101/2011‑2), relative à une procédure en déchéance entre Energy Brands, Inc. et Naazneen Investments Ltd,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mai 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 24 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2013,

vu la décision du 4 novembre 2013 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu la question écrite du Tribunal aux parties,

vu les observations des parties déposées au greffe du Tribunal les 23 juillet, 1er et 7 août 2014,

à la suite de l’audience du 17 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 juin 1999, Water Concepts, Inc. a obtenu, auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), l’enregistrement sous le numéro 781153 de la marque communautaire verbale SMART WATER, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons, à savoir de l’eau avec des compléments diététiques ».

3        Le 25 février 2002, l’OHMI a été informé du transfert de la marque contestée à Gondwana Trade Getränke GmbH & Co. KG, qui est devenue par la suite Gondwana Trade International Brands GmbH & Co. KG (ci-après « Gondwana »).

4        Le 21 juin 2007, l’OHMI a été informé du transfert de la marque contestée à la requérante, Naazneen Investments Ltd.

5        Le 31 mars 2008, l’enregistrement de la marque contestée a été renouvelé jusqu’au 24 mars 2018.

6        Le 3 juillet 2009, l’intervenante, Energy Brands, Inc., a présenté une demande en déchéance, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

7        Par décision du 18 mai 2011, la division d’annulation a fait droit à la demande en déchéance de l’intervenante.

8        Le 25 mai 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 18 février 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’annulation. Elle a relevé que la demande en déchéance ayant été déposée le 3 juillet 2009, la période de cinq ans à prendre en considération pour apprécier l’usage sérieux de la marque contestée était comprise entre le 3 juillet 2004 et le 2 juillet 2009 (ci-après la « période pertinente »). Elle a considéré, d’une part, que les éléments de preuve produits par la requérante ne permettaient pas d’établir que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux. D’autre part, elle a considéré qu’il n’y avait pas de justes motifs pour le non-usage.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante ;

–        condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

13      Il y a lieu d’examiner tout d’abord le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009

14      En vertu de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 13 décembre 2011, Meica/OHMI – Bösinger Fleischwaren (Schinken King), T‑61/09, EU:T:2011:733, point 17 et jurisprudence citée].

15      La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Schinken King, point 14 supra, EU:T:2011:733, point 18 et jurisprudence citée).

16      Lorsque la chambre de recours entérine la décision de la division d’annulation dans son intégralité, et compte tenu de la continuité fonctionnelle entre divisions d’annulation et chambres de recours, dont atteste l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, cette décision ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision de la chambre de recours a été adoptée, contexte qui est connu des parties et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien‑fondé de l’appréciation de la chambre de recours (voir arrêt Schinken King, point 14 supra, EU:T:2011:733, point 19 et jurisprudence citée).

17      Enfin, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec, EU:T:2008:268, point 55].

18      En l’espèce, la requérante soutient que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas pris en compte certains éléments de preuve de l’usage de la marque contestée. Il ressort du premier moyen que ces éléments de preuve sont les suivants : des publicités (annexes 22, 25, 26 et 45), la facture d’un photographe (annexe 30), des preuves d’activités promotionnelles (annexe 27, pièces jointes 4 à 7, 15 et 16), des preuves relatives à la production de boissons et d’étiquettes (annexes 16, 20, 21, 28 et 29), des preuves d’accords de confidentialité conclus entre Gondwana et des fabricants de boissons (pièces jointes 11 et 12) et des extraits du site Internet de Gondwana (annexe 35).

19      À cet égard, il y a lieu de relever que, au vu de la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus, étant donné que la chambre de recours a entériné la décision de la division d’annulation dans son intégralité, il convient de tenir compte de la motivation relative à ces éléments de preuve figurant dans la décision de la division d’annulation. Il ressort de la décision de la division d’annulation que cette dernière a analysé l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante et notamment ceux mentionnés au point 18 ci-dessus. La chambre de recours mentionne expressément l’analyse faite par la division d’annulation. Le fait que la décision attaquée ne mentionne pas l’annexe 45 n’est pas pertinent dans la mesure où cette annexe vise uniquement à compléter l’annexe 22 en précisant le nombre d’exemplaires du magazine allemand qui y figure.

20      La requérante reproche également à la chambre de recours d’avoir violé l’obligation de motivation en reprenant, dans les motifs de la décision attaquée (points 28, 35, 36 et 39 à 41), certains passages de la motivation de la décision de la division d’annulation et certains passages de la décision de la chambre de recours de l’OHMI du 9 mars 2010 dans l’affaire R 764/2009-4, sans avoir examiné les circonstances particulières de l’espèce.

21      À cet égard, force est de constater que la chambre de recours, entérinant la décision de la division d’annulation, pouvait reprendre les appréciations faites par cette dernière, qui sont évidemment des appréciations des circonstances de l’espèce. En outre, rien ne s’oppose à ce que la chambre de recours reprenne des raisonnements figurant dans une décision antérieure qui étaient pertinents en l’espèce. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que la chambre de recours n’a pas fourni de traduction de cette décision antérieure dans la langue de procédure ne saurait constituer un défaut de motivation adéquate. En effet, la chambre de recours ne s’est pas contentée de renvoyer à cette décision antérieure, mais a reproduit les passages pertinents de cette décision dans la décision attaquée.

22      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas répondu à tous les arguments visant à contester l’appréciation de la division d’annulation relative à certains éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, il y a lieu de relever, d’une part, que la chambre de recours, en confirmant l’analyse faite par la division d’annulation selon laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été apportée, a implicitement rejeté les arguments de la requérante et, d’autre part, que, au vu de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, la chambre de recours n’était pas tenue de répondre à chacun des arguments soulevés par la requérante.

23      Il s’ensuit que le second moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009

24      Le premier moyen est divisé, en substance, en deux griefs. Par le premier grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort qu’elle n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union pendant la période pertinente. Par le second grief, soulevé à titre subsidiaire, elle soutient que la chambre de recours a considéré à tort qu’il n’existait pas de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée.

 Sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union pendant la période pertinente

25      Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 39].

26      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 25 supra, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 25 supra, EU:C:2003:145, point 43).

27      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts VITAFRUIT, point 25 supra, EU:T:2004:225, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec, EU:T:2004:223, point 35].

28      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous cette marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts VITAFRUIT, point 25 supra, EU:T:2004:225, point 42, et HIPOVITON, point 27 supra, EU:T:2004:223, point 36).

29      En premier lieu, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a confirmé à tort la conclusion de la division d’annulation selon laquelle la valeur probante des déclarations sous serment qu’elle avait produites était contestable.

30      Selon la jurisprudence constante, les déclarations sous serment qui émanent d’une personne qui a des liens étroits avec la partie concernée sont d’une valeur probante de moindre importance que celles des tiers et ne peuvent dès lors, à elles seules, constituer une preuve suffisante de l’usage de la marque [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Biotronik SE/OHMI – Cardios Sistemas (CARDIO MANAGER), T‑416/11, EU:T:2013:559, point 41 et jurisprudence citée]. En l’espèce, les déclarations sous serment émanent de M. S. R. qui est le Chief Executive Officer de Gondwana et de M. J. R., qui, bien que consultant externe de Gondwana, a eu un lien contractuel avec Gondwana. Prenant en compte l’existence d’un lien entre les auteurs des déclarations sous serment et le titulaire de la marque, la chambre de recours a confirmé, à juste titre, l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle la valeur probante des déclarations sous serment était moindre que si ces déclarations avaient émané de tiers. En tout état de cause, la chambre de recours les a prises en compte et a estimé qu’elles ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque contestée.

31      En deuxième lieu, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir correctement apprécié les preuves de l’existence de ventes réelles.

32      Ainsi, premièrement, elle fait valoir que la chambre de recours aurait dû considérer que la commande de douze palettes de bouteilles pour réaliser des « ventes tests », mentionnée dans la lettre figurant à l’annexe 23 de la déclaration sous serment de M. S. R., était pertinente pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée. Il ressortirait en effet de la jurisprudence que la gratuité de produits couverts par une marque n’exclut pas que l’usage sérieux de cette marque soit démontré.

33      À cet égard, il suffit de constater que la chambre de recours a pris en compte comme étant des preuves de ventes réelles susceptibles de prouver l’usage sérieux de la marque contestée la livraison de ces mêmes douze palettes de bouteilles établie par deux factures (pièce jointe 9) (point 29 de la décision attaquée). Partant, l’argument de la requérante ne saurait prospérer.

34      Deuxièmement, la requérante, en insistant sur le fait que les ventes tests de ces douze palettes de bouteilles représentaient 15 552 bouteilles, semble soutenir que ces ventes étaient suffisantes pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée.

35      Il y a lieu de rappeler que les produits en cause sont des boissons relevant de la classe 32, qui sont des produits de consommation de masse destinés au grand public. Le marché des produits en cause ayant une taille considérable, ainsi que l’a relevé la chambre de recours (point 28 de la décision attaquée), une quantité de 15 552 bouteilles ne peut être considérée que comme faible. Partant, la chambre de recours a estimé à juste titre que, sur la base des preuves produites, la quantité de produits vendus était si limitée qu’il ne saurait être conclu qu’il y a eu un usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause (point 29 de la décision attaquée).

36      Par ailleurs, s’agissant de l’annexe 19 et de l’annexe 24 de la déclaration sous serment de M. S. R., également invoquées par la requérante comme éléments de preuve de ventes réelles, il est manifeste que ces annexes ne prouvent pas l’existence de telles ventes. En effet, l’annexe 19 contient seulement une offre de prix faite à Gondwana pour des minéraux et de l’acide ascorbique accompagnée d’une explication relative au dosage de ces minéraux et de cet acide pour qu’ils se dissolvent dans l’eau. L’annexe 24 est un courrier électronique du 9 août 2007, qui a pour objet l’« envoi d’échantillons », dans lequel M. J. R. demande à un employé de Gondwana de « veiller à la livraison d’un plateau de chaque SMART WATER à l’entreprise [X] ». Cette annexe ne donne aucune précision sur cette livraison ou sur la réponse donnée à M. J. R., ainsi que l’avait relevé la division d’annulation. C’est donc à juste titre que la chambre de recours n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve comme preuves de ventes réelles.

37      Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a correctement apprécié les preuves de l’existence de ventes réelles qu’elle a produites.

38      En troisième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir considéré que certains éléments de preuve qu’elle a produits devant l’OHMI démontraient une commercialisation imminente des produits en cause. À cet égard, la requérante invoque les éléments de preuve suivants : des publicités (annexes 22, 25, 26 et 45), la facture d’un photographe (annexe 30), des preuves d’activités promotionnelles (annexe 27, pièces jointes 4 à 7, 15 et 16) et des preuves relatives à la production de boissons et d’étiquettes (annexes 16, 20, 21, 28 et 29).

39      À cet égard, ainsi que la requérante l’a souligné, la Cour a jugé, au point 37 de l’arrêt Ansul, point 25 supra (EU:C:2003:145), que l’usage d’une marque devait porter sur des produits et des services qui étaient déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, était imminente.

40      Toutefois, en l’espèce, les activités publicitaires, promotionnelles, de production de boissons et d’étiquettes de la requérante attestées par les preuves énumérées au point 38 ci-dessus ne concernent que les années 2006 et 2007. Or, la requérante n’a apporté aucune preuve d’une commercialisation des produits en cause entre 2007 et la fin de la période pertinente, à savoir le 2 juillet 2009.

41      En outre, s’agissant des publicités qui ont été publiées dans un numéro du magazine allemand « Auto Mobiles », de 2007 (annexe 22), et dans cinq numéros du magazine allemand « Motor Sport Magazin », de 2007 (annexe 26), elles ne peuvent pas être assimilées à une campagne publicitaire. Une campagne publicitaire supposant d’utiliser différents supports, d’avoir une certaine intensité et de permettre d’avoir une large audience, des publicités dans deux magazines allemands spécialisés ne sauraient suffire.

42      Partant, force est de constater que ces preuves ne peuvent pas être considérées comme des preuves d’une commercialisation imminente et que c’est à juste titre que la chambre de recours ne les a pas appréciées en tant que telles.

43      En quatrième lieu, la requérante soutient que des preuves de l’existence d’accords de confidentialité conclus entre Gondwana et des fabricants de boissons (pièces jointes 11 et 12) et des extraits du site Internet de Gondwana (annexe 35) prouvaient également l’usage de la marque contestée pour les produits en cause.

44      S’agissant des accords de confidentialité, il suffit de relever que la requérante reconnaît elle-même que ces accords de confidentialité n’ont pas été suivis de contrats portant sur la fabrication et la livraison des produits en cause. Quant aux extraits du site Internet, il suffit de relever que la requérante n’avait pas avancé d’argument, devant la chambre de recours, permettant de remettre en cause la constatation faite par la division d’annulation selon laquelle ces extraits affichaient uniquement le message « site en construction, veuillez essayer plus tard ! » et ne montraient aucune activité commerciale réelle (point 9 de la décision attaquée).

45      C’est donc à tort que la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû considérer que les accords de confidentialité et les extraits du site Internet de Gondwana prouvaient également l’usage de la marque contestée.

46      En cinquième lieu, la requérante fait valoir que, en vertu de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, l’usage d’une marque est considéré comme symbolique s’il a pour seul objet le maintien des droits conférés par l’enregistrement de la marque. La chambre de recours se contredirait en affirmant, d’une part, au point 31 de la décision attaquée, que le montant total des transactions au cours de la période pertinente semblait symbolique et en affirmant, d’autre part, au point 42 de la décision attaquée, qu’elle ne doutait pas de l’intention du titulaire de la marque contestée de faire réellement usage de cette marque pour les produits en cause.

47      À cet égard, il suffit de relever que l’argument de la requérante repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours a utilisé le terme « symbolique » pour qualifier le montant total des transactions, d’environ 800 euros, et non pour qualifier l’usage de la marque contestée.

48      En sixième lieu, la requérante soutient que la chambre de recours, en se fondant uniquement sur l’usage insuffisant de la marque contestée, n’a pas respecté la jurisprudence selon laquelle il n’existe pas de seuil quantitatif, établi a priori et de façon abstraite, qui doive être retenu pour déterminer si l’usage est sérieux ou non. Elle aurait également méconnu la jurisprudence selon laquelle un usage même minime peut être suffisant pour être qualifié de sérieux.

49      Selon la jurisprudence, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque contestée soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (voir, en ce sens, arrêts VITAFRUIT, point 25 supra, EU:T:2004:225, point 42, et HIPOVITON, point 27 supra, EU:T:2004:223, point 36). Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’OHMI ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir, en ce sens, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec, EU:C:2004:50, points 25 et 27, et arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec, EU:C:2006:310, point 72).

50      En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas fixé un seuil minimal « a priori et de façon abstraite » permettant d’établir si l’usage est sérieux. Conformément à la jurisprudence, elle a examiné le volume de vente des produits en cause en rapport avec d’autres facteurs, à savoir le secteur économique concerné et la nature des produits en cause.

51      Ainsi, la chambre de recours a estimé que le marché des produits en cause avait une taille considérable (point 28 de la décision attaquée). Elle a également considéré que les produits en cause, à savoir des boissons non alcoolisées, étaient destinés à un usage quotidien, qu’ils étaient vendus à un prix très raisonnable et qu’ils n’étaient pas des produits de luxe, chers et vendus en nombre limité sur un marché restreint (point 29 de la décision attaquée). En outre, elle a estimé que le montant total des transactions au cours de la période pertinente, d’un montant de 800 euros, semblait tellement symbolique qu’il suggérait que, en l’absence de pièces justificatives ou d’explications convaincantes démontrant le contraire, l’usage de la marque contestée ne pouvait être considéré comme suffisant, dans le secteur économique concerné, aux fins de maintenir ou de créer des parts de marché pour les produits couverts par cette marque (point 31 de la décision attaquée).

52      Il en ressort que, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est en application de la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus que la chambre de recours a estimé que, en l’espèce, un usage minime n’était pas suffisant pour être qualifié de sérieux.

53      En septième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que seul un usage intensif et très régulier de la marque contestée était susceptible de compenser un faible volume des ventes. La chambre de recours aurait dû prendre en considération les raisons pour lesquelles la marque contestée n’avait pas été utilisée de manière plus importante et pendant toute la période pertinente et examiner si ces raisons pouvaient justifier un faible volume des ventes. Elle explique que, après l’échec du lancement de la marque contestée en 2003 et en 2004, le titulaire de cette marque a fait une nouvelle tentative de lancement de cette marque en 2006 et en 2007. Or, il résulterait de l’arrêt HIPOVITON, point 27 supra (EU:T:2004:223, point 53), que la circonstance que des preuves de l’usage portent sur une phase de lancement des produits concernés pouvait expliquer un faible volume commercial et par conséquent pouvait être pertinente pour apprécier le caractère sérieux de l’usage. En outre, la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû examiner si le fait que les bouteilles produites par un tiers pour Gondwana se sont révélées être défectueuses et si le fait qu’une procédure en déchéance avait été engagée par un tiers à l’encontre de la marque contestée ne justifiaient pas le faible volume commercial des produits en cause.

54      Certes, il ressort du point 53 de l’arrêt HIPOVITON, point 27 supra (EU:T:2004:223), invoqué par la requérante, que l’indication selon laquelle le titulaire de la marque avait relancé la commercialisation des produits concernés et que, partant, le volume commercial représenté par ceux-ci était faible peut être pertinente dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage qui a été fait de cette marque, la phase initiale de commercialisation d’un produit pouvant être supérieure à quelques mois.

55      Toutefois, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt se distinguent des circonstances du cas d’espèce. En effet, dans cette affaire, les quelques mois précédant l’expiration de la période pertinente, pendant laquelle la marque en cause avait commencé à être utilisée, pouvaient être considérés comme une phase de lancement. Il ne saurait en être de même pour la période de près de trois ans séparant la tentative de lancement invoquée par la requérante et la fin de la période pertinente.

56      Quant aux autres raisons invoquées par la requérante pour justifier le faible volume commercial des ventes, il y a lieu de relever que, lorsque la chambre de recours apprécie l’usage sérieux d’une marque, elle prend en compte les preuves de l’existence d’un tel usage et non les preuves justifiant le non-usage de cette marque, telles que celles relatives au caractère défectueux des produits en cause et à la procédure en déchéance engagée par un tiers à l’encontre de la marque contestée. Ces preuves ont d’ailleurs été prises en compte par la chambre de recours dans le cadre de son appréciation des motifs pour le non-usage de cette marque.

57      En huitième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir procédé à une appréciation globale des éléments de preuve.

58      À cet égard, il y a lieu de relever que, la chambre de recours, prenant en compte la déclaration sous serment de M. S. R. (pièce jointe 1), les deux factures (pièce jointe 9) et une commande (annexe 23 de la pièce jointe 1) (point 28 de la décision attaquée), a indiqué que, même si les deux factures devaient être considérées comme des preuves de ventes réelles des produits en cause aux clients, le volume de vente très limité indiqué par ces factures n’était pas compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de la marque contestée (points 29 à 31 de la décision attaquée). Elle a souligné que, même en tenant compte des déclarations sous serment, de M. S. R. et de M. J. R, et des publicités produites par la requérante, l’ensemble des preuves produites ne permettaient pas de justifier la conclusion que la marque contestée était objectivement présente sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable (point 32 de la décision attaquée).

59      Enfin, la chambre de recours a conclu que, compte tenu des preuves extrêmement réduites concernant l’étendue de l’usage qui avaient été présentées et du fait qu’aucune preuve concrète et objective n’avait été présentée permettant de déduire l’étendue de l’usage pour la période pertinente et sur la base d’une appréciation globale des preuves présentées, la division d’annulation n’avait pas commis d’erreur en estimant que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période pertinente dans l’Union pour les produits en cause (point 33 de la décision attaquée).

60      Partant, la requérante ne saurait soutenir que la chambre de recours s’est contentée d’apprécier les éléments de preuve séparément et n’a pas procédé à une appréciation globale des éléments de preuve.

61      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le premier grief du premier moyen doit être rejeté.

 Sur l’existence de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée

62      En vertu de l’article 15 du règlement n° 207/2009 et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, le non-usage d’une marque peut être justifié par de justes motifs.

63      Selon la jurisprudence, seuls des obstacles qui présentent une relation suffisamment directe avec une marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de celle-ci et qui sont indépendants de la volonté du titulaire de cette marque peuvent être qualifiés de justes motifs pour le non-usage de cette marque. Il convient d’apprécier cas par cas si un changement de la stratégie d’entreprise pour contourner l’obstacle considéré rendrait déraisonnable l’usage de cette marque (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2007, Häupl, C‑246/05, Rec, EU:C:2007:340, point 54).

64      En l’espèce, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que les problèmes rencontrés en 2007 relatifs à la fabrication des boissons constituant les produits en cause et la procédure en déchéance engagée en 2008 par un tiers ne constituaient pas des justes motifs pour le non-usage de la marque contestée.

65      S’agissant des problèmes relatifs à la fabrication des boissons, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir estimé qu’il s’agissait de difficultés et de défaillances du marché faisant naturellement partie de la conduite d’une entreprise. Ces boissons ayant été produites par un tiers, l’interruption de leur commercialisation aurait été indépendante de la volonté du titulaire de la marque contestée. En outre, les produits étant défectueux, il aurait eu le choix soit d’arrêter d’utiliser la marque contestée soit de mettre en danger la santé des consommateurs. Enfin, la requérante fait valoir, en invoquant l’arrêt Häupl, point 63 supra (EU:C:2007:340, point 54), qu’un changement de stratégie pour contourner l’obstacle considéré rendait déraisonnable l’usage de la marque contestée.

66      Selon la jurisprudence, la notion de justes motifs se réfère plutôt à des circonstances externes au titulaire de la marque qu’aux circonstances liées à ses difficultés commerciales [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO AIRE), T‑156/01, Rec, EU:T:2003:198, point 41]. Or, les problèmes liés à fabrication des produits d’une entreprise font partie des difficultés commerciales rencontrées par cette entreprise.

67      En l’espèce, la commercialisation des produits en cause a été arrêtée car ces produits étaient défectueux. Prenant en compte qu’il incombait à Gondwana de superviser et de contrôler la fabrication des produits en cause, bien que ces produits aient été fabriqués par un tiers, l’interruption de leur commercialisation ne peut être considérée comme indépendante de la volonté de Gondwana.

68      En outre, la requérante soutient à tort qu’elle n’avait d’autre choix que d’arrêter d’utiliser la marque contestée ou de mettre en danger la santé des consommateurs. En effet, il y a lieu de relever, à l’instar de l’OHMI, que de nouveaux produits auraient pu être fabriqués et mis sur le marché dans un délai raisonnable. Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que le changement de stratégie du titulaire de la marque contestée rendait déraisonnable l’usage de cette marque. Les investissements économiques supplémentaires nécessaires pour la fabrication de nouveaux produits font, comme le souligne l’OHMI, partie des risques auxquels doit faire face une entreprise.

69      Partant, la requérante ne saurait soutenir que la chambre de recours a estimé, à tort, que la difficulté rencontrée par Gondwana relative à la fabrication des produits en cause ne constituait pas un juste motif pour le non-usage de la marque contestée (point 36 de la décision attaquée).

70      S’agissant de la procédure en déchéance engagée le 5 décembre 2008 par un tiers contre la marque contestée, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir estimé que le titulaire de la marque contestée devait apprécier et calculer les risques, c’est-à-dire soit utiliser la marque malgré le risque de devoir payer des dommages-intérêts, soit renoncer et s’abstenir d’utiliser la marque, et en conséquence pouvoir être attaqué en annulation. Selon la requérante, tant qu’une procédure en déchéance contre la marque était pendante et que sa validité était mise en doute, il aurait été déraisonnable d’effectuer des investissements supplémentaires, des activités de commercialisation ou de vente et des négociations avec les partenaires commerciaux intéressés ou les licenciés ou sous-licenciés potentiels.

71      À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le fait qu’une procédure en déchéance soit engagée contre une marque n’empêche pas le titulaire de cette marque de l’utiliser.

72      D’autre part, certes, il est toujours possible que, dans l’hypothèse où une telle procédure aboutisse à la déchéance de la marque, un recours en indemnité soit intenté. Toutefois, la condamnation à verser une indemnité n’est pas une conséquence directe de la procédure en déchéance.

73      En outre, c’est à juste titre que l’OHMI souligne qu’il appartient au titulaire d’une marque de procéder à une évaluation adéquate de ses chances de l’emporter dans la procédure en déchéance et de tirer de cette évaluation les conclusions qui s’imposent quant à la question de savoir s’il doit continuer ou non à faire usage de sa marque.

74      Partant, la requérante ne saurait soutenir que la chambre de recours a estimé, à tort, que la procédure en déchéance engagée en 2008 par un tiers ne constituait pas un juste motif pour le non-usage de la marque contestée.

75      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le second grief du premier moyen doit être rejeté.

76      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Naazneen Investments Ltd est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mars 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.