Language of document : ECLI:EU:T:2024:195

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

20 mars 2024 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours – Concours généraux EPSO/AD/323/16 et EPSO/AD/324/16 – Décision de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve – Régime linguistique – Annulation de l’avis de concours – Conséquences – Intérêt à agir – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑623/18,

EO, représentée par Mes E. Metodieva et V. Panayotov, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme D. Milanowska, MM. L. Vernier et G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. M. Jaeger et L. Madise, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la décision du 7 janvier 2019 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251),

–        la décision du 20 décembre 2019 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409),

–        la décision du 12 janvier 2021 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98),

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, EO, demande, d’une part, l’annulation, en premier lieu, de la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le jury du concours EPSO/AD/323/16 n’a pas inscrit son nom sur la liste de réserve constituée au terme de la procédure de sélection (ci-après la « décision de non‑inscription sur la liste de réserve »), en deuxième lieu, de la décision du 9 juillet 2018 portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre de ladite décision (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation ») et, en troisième lieu, des « résultats » de cette liste de réserve et, d’autre part, la réparation des préjudices matériel et moral qu’elle aurait subis du fait de la non-inscription de son nom sur ladite liste de réserve.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le 26 mai 2016, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours généraux EPSO/AD/323/16, pour la constitution de listes de réserve d’administrateurs chargés de fonctions d’enquêteur (AD 7) dans les domaines « 1 – [e]nquêteurs : dépenses de l’[Union], lutte contre la corruption – 2 – [e]nquêteurs : douanes et commerce, tabac et contrefaçons », et EPSO/AD/324/16, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs chargés des fonctions « [e]nquêteurs (AD 9) : chefs d’équipe » (JO 2016, C 187 A, p. 1, ci‑après l’« avis de concours »). À partir des listes en question, la Commission européenne, « essentiellement l’Office européen de lutte antifraude [(OLAF)] », recruterait de nouveaux membres de la fonction publique de l’Union européenne.

3        Dans la partie de l’avis de concours intitulée « [p]uis-je poser ma candidature ? », qui définit les conditions que les personnes intéressées doivent remplir au moment de la validation de leur candidature, il est exigé, au titre des conditions particulières d’admission, un « niveau C1 au minimum dans l’une des 24 langues officielles de l’[Union] », cette langue étant désignée comme la « langue 1 » du concours, et un « niveau B2 au minimum en allemand, en anglais ou en français ». Cette deuxième langue, désignée comme la « langue 2 » du concours, doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que langue 1. Sous ce même intitulé, il était indiqué, en substance, que les deuxièmes langues choisies sont les principales langues de travail de la Commission et qu’elles ont été définies conformément à l’intérêt du service qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien. Par ailleurs, l’annexe II de l’avis de concours précisait que la limitation du choix de la deuxième langue se justifie également par la nature de la procédure de sélection et par les contraintes budgétaires et opérationnelles.

4        Dans cette même partie, l’avis de concours précise que, « [p]our être recruté dans le cadre de ces deux concours, une bonne compréhension de l’anglais (à l’écrit et à l’oral) est exigée ».

5        Il y est également prévu que « [l’]acte de candidature […] doit être rempli en allemand, en anglais ou en français ».

6        Dans la partie de l’avis de concours intitulée « [c]omment serai-je sélectionné ? », il est indiqué, au point 1, que trois tests de type « questionnaire à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, à savoir les tests de raisonnement verbal, de raisonnement numérique et de raisonnement abstrait, à caractère éliminatoire, constituent la première étape des procédures de sélection concernées. Lesdits tests sont organisés dans la langue choisie par chaque candidat comme première langue.

7        Le point 2 de cette même partie, concernant la « sélection sur titres », qui constitue la deuxième étape des concours concernés, précisait que le respect des conditions d’admission serait vérifié, dans un premier temps, sur la base des informations communiquées dans l’acte de candidature en ligne et, dans un second temps, uniquement pour les candidats admissibles, sur la base des informations communiquées dans l’onglet « [é]valuateur de talent » de l’acte de candidature.

8        En outre, selon le point 3 de ladite partie, à la suite de la « sélection sur titres », les candidats ayant obtenu les meilleures notes globales seront invités à passer, dans la langue qu’ils auront choisie comme deuxième langue de concours, les épreuves du centre d’évaluation, dernière étape du concours, visant à évaluer huit « compétences générales » ainsi que les « compétences spécifiques » requises pour chaque concours et chaque profil au moyen de cinq tests.

9        Selon l’avis de concours, lors de cette étape et pour les raisons indiquées dans la partie de l’avis de concours intitulée « [p]uis-je poser ma candidature ? » (voir point 4 ci-dessus), les candidats seront par ailleurs appelés à passer un test de compréhension linguistique en anglais. L’avis de concours précise que ce dernier test « est éliminatoire, mais [que] la note ne sera pas prise en considération dans le calcul des notes globales obtenues dans le cadre du centre d’évaluation ».

10      Le 27 juin 2016, la requérante [confidentiel] (1) s’est portée candidate au concours EPSO/AD/323/16 dans le domaine des dépenses de l’Union et lutte contre la corruption (ci-après le « concours »). Elle a choisi comme première langue le [confidentiel] et comme deuxième langue l’anglais.

11      La requérante a passé les tests de type QCM sur ordinateur avec succès, a été admise au concours et, après avoir passé la sélection sur titres, a été invitée à se présenter aux épreuves auprès du centre d’évaluation.

12      La requérante a dès lors participé aux épreuves qui se sont déroulées à Bruxelles (Belgique) le 10 mai 2017 s’agissant de la première partie, à savoir l’étude de cas et le test de compréhension linguistique, et le 6 juin 2017 s’agissant de la deuxième partie, à savoir l’exercice de groupe et l’entretien axé sur les compétences générales et spécifiques.

13      Par la décision de non‑inscription sur la liste de réserve, adressée à la requérante sur son compte EPSO, cette dernière a été informée de ses résultats aux épreuves du centre d’évaluation et du fait que le jury du concours avait décidé de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours au motif qu’elle n’avait pas obtenu la note minimale requise à une ou plusieurs épreuves relatives aux compétences générales ou spécifiques du centre d’évaluation. Annexé à cette lettre se trouvait un document intitulé « passeport de compétences », faisant état, en substance, de ce que la requérante avait obtenu un score total de 93,5 points sur 200. Il ressort également de ce document que la requérante avait obtenu pour les huit compétences générales 33,5 points sur 80 et pour les compétences spécifiques 60 points sur 120. En outre, il était indiqué que la requérante avait obtenu un score de 6,667 points sur 10 à l’épreuve de connaissance de la langue anglaise et un score de 5,5 points sur 10 pour la compétence générale « communication ».

14      Par lettre du 21 décembre 2017, la requérante a sollicité le réexamen de la décision de non‑inscription sur la liste de réserve.

15      Par lettre du 1er février 2018, adressée à la requérante sur son compte EPSO, cette dernière a été informée que le jury du concours avait décidé de confirmer la décision de non‑inscription sur la liste de réserve (ci‑après la « décision de réexamen »).

16      Le 11 mars 2018, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut ») contre la décision de non‑inscription sur la liste de réserve. Dans le cadre de cette réclamation, elle a allégué qu’elle avait été traitée de manière inégale et injuste par rapport aux autres candidats du concours en raison du comportement inadéquat d’un des membres du jury. En outre, elle a fait valoir un manque d’impartialité d’un de ses évaluateurs et un manque de compétence de ces derniers. Elle a soulevé également des irrégularités entachant l’étude de cas et une violation du principe d’égalité de traitement au motif que les candidats qui passaient les épreuves plus tard pouvaient obtenir des informations utiles sur lesdites épreuves. Enfin, la requérante a fait valoir une motivation insuffisante de ses résultats et a soutenu que la limitation de la deuxième langue à l’allemand, à l’anglais et au français constituait une inégalité de traitement.

17      Par la décision de rejet de la réclamation, l’EPSO, agissant en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, a rejeté ladite réclamation.

18      Le 13 octobre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

19      Le 9 septembre 2020, le Tribunal a prononcé l’arrêt Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409). Par cet arrêt, le Tribunal a annulé l’avis de concours au motif, en substance, que la Commission n’avait pas établi que la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français, d’une part, du choix de la deuxième langue du concours et, d’autre part, des langues de communication entre les candidats et l’EPSO fût objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel.

20      Le 20 novembre 2020, la Commission a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409). Le pourvoi a été enregistré au greffe de la Cour sous le numéro C‑635/20 P.

21      Le 16 février 2023, la Cour a prononcé l’arrêt Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), par lequel elle a rejeté le pourvoi introduit par la Commission.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de non‑inscription sur la liste de réserve ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler les « résultats de la liste de réserve du concours » ;

–        lui allouer des dommages et intérêts équivalant à la différence entre la rémunération qu’elle aurait perçue si son nom avait été inclus dans la liste de réserve à l’issue du concours et si elle avait été recrutée et la rémunération effectivement perçue jusqu’à la date de l’« annulation de la procédure » ;

–        lui allouer le remboursement des dépens exposés pour la défense de ses intérêts avant et pendant la procédure.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des nouveaux documents produits par la requérante

24      Par lettre du 27 juillet 2023, la requérante a produit six nouveaux documents visant, en substance, à démontrer qu’elle aurait eu de fortes chances d’être recrutée par la Commission si son nom avait été inscrit sur la liste de réserve du concours.

25      Par lettre du 26 septembre 2023, la Commission soutient que les documents produits par la requérante ne sont pas recevables, dès lors que, en substance, ils auraient pu être présentés au stade de la requête et de la réplique. Par ailleurs, la requérante ne prétendrait pas que ces documents soient nécessaires pour répondre aux arguments ou aux éléments de preuve avancés dans la duplique.

26      Il convient de rappeler que, selon l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure du Tribunal, les preuves et les offres de preuve sont présentés dans le cadre du premier échange de mémoires, les parties principales pouvant encore, à titre exceptionnel, produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

27      En l’espèce, la requérante a présenté, par lettre du 27 juillet 2023, les six documents suivants :

–        en annexe 1, un document daté du 6 février 2017 contenant ses missions à la Commission entre 2014 et 2017 ;

–        en annexe 2, un document daté du 14 avril 2014 comprenant une attestation relative à son détachement à la Commission en qualité d’expert national détaché de 2014 à 2016 ;

–        en annexe 3, un document daté du 8 avril 2016 comprenant une attestation relative à son détachement à la Commission en qualité d’expert national détaché de 2014 à 2018 ainsi que la décision de ne pas prolonger ledit détachement de deux années supplémentaires ;

–        en annexe 4, un document daté du 6 février 2017 contenant la description de son poste à l’OLAF ;

–        en annexe 5, un document daté du 2 juin 2017 contenant la liste des formations qu’elle a suivies à la Commission ;

–        en annexe 6, un document imprimé le 4 juillet 2019 contenant son formulaire d’évaluation établi par le Conseil de l’Europe.

28      À cet égard, il y a lieu de constater que les annexes 1 à 5 produites par la requérante datent d’avant l’introduction du présent recours (voir point 18 ci-dessus). En ce qui concerne l’annexe 6, il ressort dudit document qu’il a été imprimé le 4 juillet 2019, soit avant le 10 septembre 2019, date de dépôt de la réplique.

29      La requérante fait valoir que lesdits documents concernent des évènements postérieurs à l’introduction de la réclamation au titre de l’article 90 du statut et qu’elle n’a pas pu les présenter à un stade précoce de la procédure.

30      Or, il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que cet argument est dénué de pertinence dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 28 ci-dessus, la requérante aurait pu, en tout état de cause, produire les annexes 1 à 5 au stade de la requête et l’annexe 6 au stade de la réplique. En outre, la requérante n’explique pas pour quelles raisons les annexes 1 à 6 ont été présentées tardivement.

31      Partant, il convient d’écarter les annexes 1 à 6 produites par la requérante le 27 juillet 2023 comme étant irrecevables.

 Sur la demande d’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve et de la décision de rejet de la réclamation

 Sur l’objet de la demande

32      S’agissant du chef de conclusions visant à l’annulation de la décision de non‑inscription sur la liste de réserve, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une personne dont la demande d’admission à un concours a été rejetée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d’une disposition précise liant l’administration, c’est la décision prise par le jury, après réexamen, qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, dudit statut (voir, en ce sens, ordonnance du 7 juillet 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:509, point 21 et jurisprudence citée). La décision prise après réexamen se substitue, ce faisant, à la décision initiale du jury (voir arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, étant donné que la requérante a demandé le réexamen de la décision de non‑inscription sur la liste de réserve, c’est la décision de réexamen qui constitue l’acte faisant grief en l’espèce.

33      Dans ce contexte, il y a lieu d’observer que, par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. Or, à cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 34 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision de réexamen. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation de la requérante ait été amenée, en réponse à la réclamation, à compléter ou à modifier les motifs de la décision de réexamen ne saurait justifier que le rejet de cette réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief à la requérante, la motivation dudit rejet étant censée s’incorporer dans la décision attaquée contre laquelle cette réclamation a été dirigée (voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 35 et jurisprudence citée).

35      Partant, en application de la jurisprudence citée aux points 32 et 33 ci‑dessus, il convient de considérer que l’acte faisant grief à la requérante est la décision de réexamen (ci‑après la « décision attaquée »), dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

 Sur les conséquences de l’annulation de l’avis de concours

–       Considérations liminaires

36      En premier lieu, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 30, et du 23 octobre 2018, McCoy/Comité des régions, T‑567/16, EU:T:2018:708, point 154 et jurisprudence citée).

37      En deuxième lieu, il convient de souligner que l’annulation d’un acte de portée générale, tel que l’avis de concours en l’espèce, n’entraîne pas automatiquement l’annulation des décisions individuelles adoptées sur la base de cet acte, telles que, en l’espèce, la décision de refus d’inscription du nom d’un candidat sur la liste de réserve adoptée à l’issue du concours ou la liste de réserve elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, EU:C:1993:284, point 17 et dispositif).

38      En troisième lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union et, notamment, d’adopter, dans le respect du principe de légalité, tout acte de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté, pour la partie requérante, de l’acte annulé, sans préjudice de la possibilité pour la partie requérante d’introduire par la suite un recours à l’encontre des mesures adoptées par la Commission en exécution de l’arrêt (voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 131 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, il convient de constater que, à la suite de l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), la Commission n’a, jusqu’à présent, ni abrogé ni retiré la décision attaquée. Plus précisément, dans ses observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), la Commission fait valoir qu’une annulation de la décision attaquée sur la base des motifs avancés par le Tribunal dans cet arrêt pour l’annulation de l’avis de concours ne permettrait pas à l’EPSO d’inviter la requérante à repasser en [confidentiel] les épreuves du centre d’évaluation sans violer le principe d’égalité de traitement. En effet, tous les candidats devaient passer ces épreuves dans la deuxième langue choisie pour participer au concours. Dans le cas de la requérante, le [confidentiel] était sa première langue.

40      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner quels sont les effets de l’annulation de l’avis de concours.

–       Sur les conséquences de l’annulation de l’avis de concours sur l’intérêt à agir de la requérante

41      Dans les observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), la Commission, en s’appuyant sur l’arrêt du 20 septembre 2019, Barata/Parlement (T‑467/17, non publié, EU:T:2019:646), soutient que, à la suite de l’annulation de l’avis de concours, la décision attaquée est devenue caduque et considère que la requérante n’a plus d’intérêt à agir. Par ailleurs, en s’appuyant sur les points 54 et 55 dudit arrêt, la Commission souligne qu’un intérêt à introduire un éventuel recours en indemnité ne saurait justifier la persistance de l’intérêt de la requérante à demander l’annulation de la décision attaquée. Dès lors, à la lumière de l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), l’annulation de cette dernière serait superflue et il n’y aurait plus lieu de se prononcer.

42      Dans les observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), la  requérante reconnaît que les deux premiers chefs de conclusions pourraient être difficiles, voire impossibles à poursuivre, sans pour autant laisser entendre qu’elle renonce à ceux-ci. En effet, le résultat souhaité, à savoir, par exemple, lui permettre de poursuivre le concours au stade où les irrégularités alléguées se sont produites et l’inscription éventuelle de son nom sur la liste de réserve du concours, pourrait ne pas être atteint. De ce fait, la requérante considère qu’il serait juste que la Commission l’indemnise pour les préjudices matériel et moral subis.

43      À cet égard, il est de jurisprudence constante que, pour qu’une partie requérante puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision, il faut qu’elle conserve un intérêt personnel à l’annulation de l’acte attaqué et que, faute d’un intérêt à agir actuel, il n’y ait plus lieu de statuer sur le litige (voir arrêt du 20 septembre 2019, Barata/Parlement, T‑467/17, non publié, EU:T:2019:646, point 32 et jurisprudence citée).

44      Il ressort également de la jurisprudence que la persistance de l’intérêt à agir d’une partie requérante doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 65, et du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 45).

45      En l’espèce, il convient d’examiner si, à la suite de l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), une annulation de la décision attaquée serait susceptible de procurer un bénéfice à la requérante.

46      En premier lieu, il convient de relever que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2019, Barata/Parlement (T‑467/17, non publié, EU:T:2019:646), invoqué par la Commission, dans la présente affaire, par l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), l’avis de concours a été annulé, mais non la liste de réserve.

47      En second lieu, il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il est indiqué au point 39 ci‑dessus, la Commission n’a, jusqu’à présent, ni abrogé ni retiré la décision attaquée.

48      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante conserve un intérêt à agir en annulation de la décision attaquée. Certes, l’annulation de la décision attaquée n’impliquerait pas directement son recrutement. Cependant, pareille annulation serait susceptible de lui procurer un bénéfice. En effet, au stade de l’appréciation de l’intérêt à agir, il ne saurait être exclu que, en cas d’annulation, la Commission puisse offrir à la requérante l’opportunité de repasser les épreuves du centre d’évaluation. Dans ce cas, il ne peut être exclu qu’une annulation de la décision attaquée soit susceptible de modifier la situation juridique de la requérante en tant que candidate au concours et de lui procurer un bénéfice.

49      Par ailleurs, à cet égard, il convient de relever qu’exclure l’existence d’un intérêt à agir de la requérante contre la décision attaquée adoptée à l’issue du concours dont l’avis a été annulé risquerait de légitimer la non‑adoption par la Commission des mesures visant l’exécution de l’arrêt d’annulation au regard de la requérante et, le cas échéant, de permettre à cette institution de réitérer à l’avenir la même violation dont l’avis de concours annulé est entaché (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 50 à 52 et jurisprudence citée).

50      Compte tenu de ce qui précède, il convient de constater que la requérante conserve un intérêt à agir.

–       Sur les conséquences de l’annulation de l’avis de concours sur la légalité de la décision attaquée

51      À l’appui de son recours, la requérante invoque huit moyens, tirés, le premier, d’un comportement inadéquat d’un des membres du jury de sélection, le deuxième, d’un manque d’impartialité d’un des membres du jury de sélection, le troisième, de l’incompétence des évaluateurs, le quatrième, d’une violation du régime linguistique, le cinquième, d’irrégularités entachant l’étude de cas, le sixième, d’une violation du principe d’égalité de traitement et de traitement équitable, le septième, d’une motivation insuffisante et, le huitième, du fait que l’EPSO, agissant en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, n’aurait pas répondu à tous les arguments soulevés dans la réclamation introduite le 11 mars 2018.

52      À ce titre, il convient de préciser que, dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soulève une exception d’illégalité de l’avis de concours en raison du régime linguistique qu’il prévoit.

53      La Commission conteste tant le bien-fondé de l’ensemble de ces moyens que la recevabilité de l’exception d’illégalité de l’avis de concours soulevée par la requérante dans le cadre du quatrième moyen.

54      Or, à cet égard, l’avis de concours ayant été annulé par l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), en raison de l’illégalité du régime linguistique, il y a lieu de constater qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir dirigée contre l’exception d’illégalité de l’avis de concours.

55      Dès lors, il convient de déterminer les conséquences à tirer de l’annulation de l’avis de concours sur la légalité de la décision attaquée.

56      À cet égard, il convient d’observer ce qui suit.

57      En premier lieu, il découle de l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), notamment, que la procédure de sélection en cause a été entachée d’illégalité dans la mesure où, en substance, la Commission n’a pas établi que la limitation du choix de la deuxième langue de cette procédure et des langues de communication entre les candidats et l’EPSO aux seules langues allemande, anglaise et française était objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel.

58      En second lieu, les illégalités constatées par l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), quant au régime linguistique de l’avis de concours affectant la procédure de sélection en cause dans son ensemble (arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission, T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409, point 236) ont affecté l’ensemble des épreuves effectuées par les candidats dans le cadre de cette procédure de recrutement, y compris les épreuves écrites et orales passées au centre d’évaluation, lesquelles devaient être effectuées en allemand, en anglais ou en français (voir point 8 ci-dessus).

59      Dès lors, il y a lieu de constater que la décision attaquée, comportant l’appréciation des épreuves écrites et orales effectuées par la requérante au centre d’évaluation, est illégale.

60      Ainsi, il convient d’accueillir le quatrième moyen et d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens avancés par la requérante.

 Sur la demande d’annulation des « résultats de la liste de réserve »

61      Par le troisième chef de conclusions, la requérante demande l’annulation des « résultats de la liste de réserve ».

62      À cet égard, il convient de souligner que, ainsi que cela a déjà été rappelé au point 38 ci-dessus, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 92 et jurisprudence citée).

63      En outre, selon la jurisprudence, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé ne saurait exciper des difficultés pratiques que pourrait impliquer la remise de la partie requérante dans la situation juridique dans laquelle elle se trouvait antérieurement à l’adoption de l’acte ayant été annulé pour se soustraire à cette obligation. Ce n’est qu’à titre subsidiaire, lorsque l’exécution d’un arrêt d’annulation se heurte à des obstacles majeurs, que l’institution, l’organe ou l’organisme en cause peut satisfaire à ses obligations en prenant une décision de nature à compenser équitablement le désavantage résultant pour l’intéressé de la décision annulée (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, BZ/BCE, T‑162/21, non publié, EU:T:2023:647, points 119 et 120 et jurisprudence citée).

64      De plus, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une juridiction de l’Union statue sur les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union, elle doit chercher à concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure et les intérêts des autres candidats, de telle sorte qu’il lui incombe de prendre en considération non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits, mais également la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés (voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 132 et jurisprudence citée).

65      Pour ce faire, cette juridiction doit prendre en considération la nature de l’irrégularité en cause et ses effets, de même que les différentes mesures envisageables en vue de concilier la nécessité de rétablir la partie requérante lésée dans ses droits, la situation des tiers et l’intérêt du service. À cet effet, le nombre de personnes affectées par l’irrégularité de la procédure de sélection et le nombre de lauréats sont des éléments qui peuvent être pertinents pour cette appréciation (voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 133 et jurisprudence citée).

66      Il ressort de cette jurisprudence que les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union doivent être dégagées en tenant compte des circonstances spécifiques à chaque situation particulière (voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 134 et jurisprudence citée).

67      En l’espèce, il convient de souligner que les illégalités constatées par l’arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission (T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409), confirmé par l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), quant au régime linguistique de l’avis de concours affectent la procédure de sélection en cause dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Espagne et Italie/Commission, T‑401/16 et T‑443/16, non publié, EU:T:2020:409, point 236).

68      Cependant, compte tenu de la dimension du concours en cause dans la présente affaire ainsi que du temps particulièrement long écoulé depuis la publication de la liste de réserve, il n’y a pas lieu de mettre en cause l’ensemble des résultats de la liste de réserve (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, points 135 et 137).

69      Partant, il convient de rejeter la demande d’annulation des « résultats de la liste de réserve », tout en laissant le soin à la Commission, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 62 et 63 ci‑dessus, de prendre les mesures que l’exécution du présent arrêt procédant à l’annulation de la décision attaquée comporte au regard de la requérante.

 Sur la demande indemnitaire

70      La requérante demande des dommages et intérêts équivalant à la différence entre la rémunération qu’elle aurait perçue si son nom avait été inclus dans la liste de réserve à l’issue du concours et si elle avait été recrutée et la rémunération effectivement perçue jusqu’à la date de « l’annulation de la procédure ».

71      Par ailleurs, dans ses observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), la requérante considère qu’il serait juste que la Commission l’indemnise pour les préjudices matériel et moral subis en raison du fait que le résultat souhaité par la présente procédure pourrait ne pas être atteint (voir point 42 ci-dessus). À cet égard, la requérante précise qu’elle a investi du temps et de l’argent pour préparer le concours. En outre, le stress lié au concours et aux procédures judiciaires aurait également eu de nombreuses répercussions négatives sur sa santé et sur sa vie personnelle. La requérante demande que le calcul des dommages soit fondé sur les avantages (salaires et autres droits) pour le profil mentionné dans l’avis de concours à compter de la date d’adoption de la décision de non-inscription sur la liste de réserve et que, en tout état de cause, compte tenu de l’incidence de l’arrêt du 16 février 2023, Commission/Italie et Espagne (C‑635/20 P, EU:C:2023:98), sur le concours et la durée de la procédure contentieuse, le montant ne soit pas inférieur à 50 000 euros.

72      La Commission soutient que l’inscription du nom d’un candidat à une procédure de sélection sur la liste de réserve ne constitue pas une garantie de recrutement, de sorte que la requérante ne saurait réclamer une indemnisation en s’appuyant sur une telle inscription éventuelle.

73      Par ailleurs, la Commission rappelle la jurisprudence selon laquelle les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables, soit comme non fondées. Au vu de cette jurisprudence et tenant compte du fait que la décision attaquée serait légale, la Commission estime que la demande tendant à la réparation du préjudice devrait être rejetée au motif qu’elle présente un lien avec la prétendue illégalité de cette décision.

74      Selon une jurisprudence constante relative au contentieux indemnitaire dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas remplie, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 161 et jurisprudence citée).

75      La décision attaquée étant entachée d’illégalité, ainsi qu’il a été jugé dans le cadre de l’examen des conséquences à tirer de l’annulation de l’avis de concours sur la légalité de ladite décision (voir points 51 à 60 ci-dessus), il convient d’examiner si la requérante a subi un préjudice causé par cette décision.

76      En l’espèce, en premier lieu, la requérante demande à la Commission de lui allouer des dommages et intérêts équivalant à la différence entre la rémunération qu’elle aurait perçue si son nom avait été inclus sur la liste de réserve à l’issue du concours et si elle avait été recrutée et la rémunération effectivement perçue jusqu’à la date de « l’annulation de la procédure ».

77      Or, il convient de relever que, par cette demande, la requérante vise à demander réparation d’un préjudice matériel résultant de la perte d’une chance d’être recrutée à un emploi à pourvoir.

78      À cet égard, il convient d’observer que, ainsi que la Commission le relève (voir point 72 ci-dessus), le fait d’être inscrit sur une liste de réserve ne confère pas un droit acquis à être nommé fonctionnaire. En effet, la décision du jury arrêtant la liste de réserve ne confère pas aux lauréats du concours un droit à nomination, mais uniquement une vocation à être nommés. Par ailleurs, la vocation à être recruté ne se transforme en chance d’être recruté qu’à compter de la date à laquelle un emploi, pour lequel il est raisonnable de penser que le lauréat peut être recruté, est à pourvoir (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, CC/Parlement, T‑248/17 RENV, non publié, EU:T:2019:418, point 70 et jurisprudence citée).

79      Or, la requérante n’avance aucun argument indiquant que, à supposer que son nom eût été inscrit sur la liste de réserve, un emploi correspondant à son profil aurait été à pourvoir.

80      Partant, la requérante n’a pas apporté la preuve de l’existence d’un préjudice réel et certain, de sorte que sa demande de se voir allouer la différence entre la rémunération qu’elle aurait perçue si son nom avait été inclus sur la liste de réserve à l’issue du concours et si elle avait été recrutée et celle perçue jusqu’à la date de « l’annulation de la procédure » doit être rejetée comme étant non fondée.

81      En second lieu, en supposant que le résultat souhaité par le présent recours puisse ne pas être atteint, la requérante demande la somme d’au moins 50 000 euros à titre de réparation tant d’un préjudice matériel que d’un préjudice moral qu’elle aurait subi.

82      S’agissant du préjudice matériel, résultant d’une perte d’argent aux fins de la préparation du concours, il convient de constater que la requérante ne produit aucun document visant à étayer un tel préjudice.

83      S’agissant du préjudice moral, résultant d’une perte de temps aux fins de la préparation du concours et du stress lié à ce dernier et aux procédures judiciaires qui aurait eu de nombreuses répercussions négatives sur la santé et sur la vie personnelle de la requérante, il convient de relever que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (voir, en ce sens, ordonnance du 3 septembre 2019, FV/Conseil, C‑188/19 P, non publiée, EU:C:2019:690, point 4, et arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 86).

84      Cependant, compte tenu des circonstances de l’espèce mentionnées au point 39 ci-dessus et notamment des difficultés envisagées quant à la remise de la requérante dans la situation juridique dans laquelle elle se trouvait antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, en faisant usage de la faculté pour le Tribunal d’évaluer le préjudice ex æquo et bono, il sera fait une juste réparation du préjudice moral subi par la requérante en condamnant la Commission à lui verser la somme forfaitaire de 6 000 euros.

 Sur la demande de production de documents, la demande de désignation d’un expert graphologue et la demande d’audition formulées par la requérante

85      La requérante demande, en premier lieu, que le Tribunal ordonne à la Commission de produire certains documents et un enregistrement vidéo de son entretien, en deuxième lieu, que le Tribunal désigne un expert graphologue afin d’identifier l’auteur des mentions manuscrites des documents où apparaissent les notes d’évaluation du jury du concours et, en troisième lieu, d’auditionner des témoins.

86      La Commission fait valoir, en substance, que la demande visant à ce qu’elle produise certains documents doit être rejetée comme étant irrecevable au motif que la requérante n’a pas fourni suffisamment d’éléments accréditant l’utilité desdits documents pour les besoins de l’instance.

87      Il importe de rappeler, à cet égard, que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (ordonnance du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée, EU:C:2010:338, point 138) et qu’il lui appartient d’apprécier la pertinence d’une demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’une demande de mesure d’instruction par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 320).

88      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime que les documents demandés par la requérante, la désignation d’un expert graphologue ainsi que l’audition de témoins n’apparaissent pas utiles pour la solution du litige, le Tribunal ayant pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE, T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25, point 88 et jurisprudence citée).

89      Ainsi, la demande de production de documents, la demande de désignation d’un expert graphologue et la demande d’audition présentées par la requérante doivent être rejetées.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du concours général EPSO/AD/323/16 du 1er février 2018 rejetant la demande de réexamen de EO est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à verser à EO la somme de 6 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission est condamnée aux dépens.

Porchia

Jaeger

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.