Language of document : ECLI:EU:C:2023:829

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

18 octobre 2023 (*)

« Pourvoi – Référé – Demande d’intervention – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Demande présentée par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – Intérêt à la solution du litige – Admission »

Dans l’affaire C‑585/23 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 septembre 2023,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič, MM. R. Meyer et J. Rurarz, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Nikita Dmitrievich Mazepin, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes A. Bass, T. Marembert, D. Rovetta, avocats, Mes M. Campa, M. Moretto et V. Villante, avvocati,

partie demanderesse en première instance,

République de Lettonie,

partie intervenante en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 RIII), par laquelle celui-ci a, d’une part, prononcé plusieurs mesures provisoires et, d’autre part, rapporté l’ordonnance du président du Tribunal du 7 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 RIII).

2        Par un acte déposé au greffe de la Cour le 6 octobre 2023, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant ») a, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 130 et de l’article 190, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure de la Cour, demandé à intervenir au litige, au soutien des conclusions du Conseil.

3        Par des actes déposés au greffe de la Cour le 9 octobre 2023, le Conseil et M. Nikita Dmitrievich Mazepin ont présenté des observations écrites sur cette demande.

 Sur la demande d’intervention

 Sur le bien-fondé de la demande d’intervention

4        Il ressort de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que les organes et les organismes de l’Union européenne justifiant d’un « intérêt à la solution du litige soumis à la Cour » ont le droit d’intervenir à ce litige (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 3 mars 2022, Commission/Conseil, C‑551/21, EU:C:2022:163, point 13 et jurisprudence citée).

5        Eu égard au mandat dont est investi le haut représentant à l’article 27 TUE, et, notamment, au fait que tout en s’appuyant sur le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), conformément à l’article 27, paragraphe 3, TUE, il en est juridiquement distinct, le haut représentant doit être assimilé aux « organes et aux organismes de l’Union » aux fins de l’application de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et peut donc intervenir au présent litige, à la condition qu’il justifie d’un intérêt à la solution de celui-ci (voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 3 mars 2022, Commission/Conseil, C‑551/21, EU:C:2022:163, point 14).

6        Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cette dernière disposition, doit se définir au regard de l’objet du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt ou de l’ordonnance à intervenir [ordonnance du vice-président de la Cour du 7 septembre 2022, Telefónica de España/Commission, C‑478/22 P(R)‑R, EU:C:2022:676, point 6 et jurisprudence citée].

7        Pour ce qui concerne les demandes d’intervention des organes et des organismes de l’Union, il y a lieu d’appliquer cette condition tenant à l’existence d’un intérêt direct et actuel d’une manière qui reflète la spécificité du mandat qu’un tel demandeur est appelé à exécuter en vertu du droit de l’Union (ordonnance du président de la Cour du 3 mars 2022, Commission/Conseil, C‑551/21, EU:C:2022:163, point 16 et jurisprudence citée).

8        Il ressort, en particulier, de la jurisprudence de la Cour que, s’agissant des demandes d’intervention à un litige ayant pour objet l’annulation d’un acte de l’Union présentées par des organes et des organismes de l’Union, il y a lieu de considérer que l’exigence d’un intérêt direct et actuel à la solution d’un tel litige dans le chef de cet organe ou de cet organisme est remplie, notamment, si cet organe ou organisme est en mesure d’établir que l’acte de l’Union en cause a été adopté au terme d’une procédure dans laquelle, conformément au droit de l’Union, sa participation est prévue, le cas échéant par l’adoption d’avis ou la fourniture d’évaluations (ordonnance du président de la Cour du 17 septembre 2021, Parlement/Commission, C‑144/21, EU:C:2021:757, point 13).

9        En l’espèce, dès lors que le litige qui fait l’objet du pourvoi se rapporte à une demande en référé, la demande d’intervention du haut représentant devra être admise s’il établit qu’il a, comme il le fait valoir, un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions de cette demande en référé [voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 7 septembre 2022, Telefónica de España/Commission, C‑478/22 P(R)‑R, EU:C:2022:676, point 7].

10      À cet égard, il importe de souligner, d’une part, que le point 3 du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 RIII), vise à assurer l’effectivité de l’ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 RII, EU:T:2023:406), par laquelle le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution d’actes de l’Union qui ont été adoptés sur proposition du haut représentant.

11      D’autre part, il découle de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée par la décision 2014/265/PESC du Conseil, du 12 mai 2014 (JO 2014, L 137, p. 9), que la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives figurant à l’annexe de cette décision peut être modifiée sur proposition, notamment, du haut représentant. Ce dernier dispose donc d’une compétence susceptible d’être exercée dans le cadre du processus de « relistage » annoncé de M. Mazepin, dont le président du Tribunal a ordonné le sursis à exécution au point 1 de son ordonnance du 19 septembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 RIII).

12      Il s’ensuit que le sort réservé aux conclusions de la demande en référé à laquelle se rapporte le présent pourvoi est susceptible d’avoir des effets déterminants sur l’exercice, par le haut représentant, de ses compétences, en ce qui concerne la situation de M. Mazepin.

13      Partant, il convient de considérer, au regard de la jurisprudence rappelée au point 8 de la présente ordonnance, que le haut représentant a un intérêt direct et actuel au sort réservé à ces conclusions et donc à la solution du présent pourvoi.

14      Étant donné que l’intérêt du haut représentant à intervenir au présent litige doit être apprécié, ainsi qu’il ressort du point 9 de la présente ordonnance, au regard du sort réservé auxdites conclusions, la circonstance qu’il a omis d’intervenir au recours principal auquel la demande en référé, à laquelle se rapporte la présente procédure de pourvoi, est accessoire ne saurait, contrairement à ce que soutient M. Mazepin, faire obstacle à ce que son intervention à cette procédure soit admise.

15      En conséquence, il y a lieu d’admettre le haut représentant à intervenir à ladite procédure au soutien des conclusions du Conseil.

 Sur les droits procéduraux de l’intervenant

16      Le haut représentant est, conformément à l’article 131, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, en droit de recevoir communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties.

17      Par ailleurs, si l’article 132, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que l’intervenant peut présenter un mémoire en intervention dans un délai d’un mois suivant cette communication, cette disposition n’est pas applicable à la procédure sommaire visée à l’article 39 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle est régie par des règles de procédure dérogatoires définies, notamment, aux articles 160 à 166 du même règlement [ordonnance du vice-président de la Cour du 7 septembre 2022, Telefónica de España/Commission, C‑478/22 P(R)‑R, EU:C:2022:676, point 16].

18      En l’espèce, en vue d’assurer un traitement rapide de la présente affaire et dans la mesure où celle-ci se rapporte à une ordonnance adoptée en application de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le haut représentant pourra présenter un mémoire en intervention dans un délai d’une semaine suivant ladite communication.

 Sur les dépens

19      Aux termes de l’article 137, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

20      En l’espèce, la demande d’intervention du haut représentant étant accueillie, il y a lieu de réserver les dépens liés à son intervention.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité est admis à intervenir dans l’affaire C585/23 P(R) au soutien des conclusions du Conseil de l’Union européenne.

2)      Une copie de tous les actes de procédure sera signifiée au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité par les soins du greffier.

3)      Un délai sera fixé au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour présenter un mémoire en intervention.

4)      Les dépens liés à l’intervention du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.