Language of document : ECLI:EU:T:1998:181

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 juillet 1998 (1)

«Décision de la Commission constatant que le remboursement de droits àl'importation n'est pas justifié — Recours en annulation —

Article 239 du code des douanes — Obligation de motivation»

Dans l'affaire T-195/97,

Kia Motors Nederland BV, société de droit néerlandais, établie à Vianen(Pays-Bas),

Broekman Motorships BV, société de droit néerlandais, établie à Rotterdam(Pays-Bas),

représentées par Me Annetje-Theckla Ottow, avocat au barreau d'Amsterdam,ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Claude Medernach, 8-10, rueMathias Hardt,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Hendrik VanLier, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Mes Marc van der Woude,avocat au barreau de Bruxelles, et Rita Wezenbeek-Geuke, avocat au barreau de

Rotterdam, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de laCruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du8 avril 1997 adressée au royaume des Pays-Bas et relative à une demande deremboursement de droits à l'importation,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. C. P. Briët et A. Potocki, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 12 mai 1998,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 20, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1,ci-après «code des douanes»), dispose: «Les droits légalement dus en cas denaissance d'une dette douanière sont fondés sur le tarif douanier des Communautéseuropéennes.» Le paragraphe 3 du même article précise: «Le tarif douanier desCommunautés européennes comprend: [...] d) les mesures tarifaires préférentiellescontenues dans des accords que la Communauté a conclus avec certains pays ougroupes de pays et qui prévoient l'octroi d'un traitement tarifaire préférentiel; e)les mesures tarifaires préférentielles arrêtées unilatéralement par la Communautéen faveur de certains pays, groupes de pays ou territoires [...]»

2.
    L'article 66 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993,fixant certaines dispositions d'application du règlement n° 2913/92, du 12 octobre1992, précité (JO 1993 L 253, p. 1, ci-après «règlement d'application»), dispose:«Pour l'application des dispositions relatives aux préférences tarifaires généraliséesoctroyées par la Communauté à certains produits originaires de pays endéveloppement, sont considérés comme originaires d'un pays bénéficiaire desditespréférences [...], sous réserve qu'ils aient été transportés directement, au sens de

l'article 75, dans la Communauté: a) les produits entièrement obtenus dans ce pays[...]»

3.
    L'article 75 du règlement d'application précise: «Sont considérés commetransportés directement du pays d'exportation bénéficiaire dans la Communauté:a) les produits dont le transport s'effectue sans emprunt du territoire d'un autrepays, exception faite, en cas d'application de l'article 70, d'un autre pays du mêmegroupe régional; b) les produits dont le transport s'effectue avec emprunt duterritoire de pays autres que celui du pays d'exportation bénéficiaire ou, en casd'application de l'article 70, autre que le territoire d'autres pays du même grouperégional, avec ou sans transbordement ou entreposage temporaire dans ces pays,pour autant que la traversée de ces derniers soit justifiée par des raisonsgéographiques ou tenant exclusivement aux nécessités du transport et que lesproduits [...] soient restés sous la surveillance des autorités douanières du pays detransit ou d'entreposage, [...] n'y aient pas été mis dans le commerce ou à laconsommation et [...] n'y aient pas subi, le cas échéant, d'autres opérations que ledéchargement et le rechargement ou toute autre opération destinée à assurer leurconservation en l'état.»

4.
    Selon l'article 76, second alinéa, du règlement d'application: «Si des produitsoriginaires exportés du pays bénéficiaire vers un autre pays y sont retournés, cesproduits doivent être considérés comme étant non originaires, à moins qu'il puisseêtre démontré à la satisfaction des autorités compétentes [...] que les marchandisesretournées sont les mêmes que celles qui ont été exportées [et] qu'elles n'ont passubi d'opérations allant au-delà de ce qui était nécessaire pour en assurer laconservation en l'état pendant leur séjour dans ce pays.»

5.
    L'article 77, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 3254/94 de la Commission, du19 décembre 1994, modifiant le règlement d'application (JO L 346, p. 1, ci-après«règlement n° 3254/94»), prévoit: «Les produits originaires au sens de la présentesection sont admis à l'importation dans la Communauté au bénéfice despréférences tarifaires [...], pour autant qu'ils aient été transportés directement dansla Communauté au sens de l'article 78 [...]»

6.
    L'article 78, paragraphe 1, du même règlement, précise: «Sont considérées commetransportées directement du pays d'exportation bénéficiaire dans la Communauté[...] b) les marchandises constituant un seul envoi, dont le transport s'effectue avecemprunt du territoire de pays autre que celui du pays d'exportation bénéficiaire ouque celui de la Communauté, le cas échéant avec transbordement ou entreposagetemporaire dans ces pays, pour autant que les marchandises en question soientrestées sous la surveillance des autorités douanières du pays de transit oud'entreposage et qu'elles n'y aient pas subi d'autres opérations que ledéchargement, le rechargement ou toute autre opération destinée à assurer leurconservation en l'état [...]»

7.
    Les articles 235 à 242 du code des douanes déterminent les conditions danslesquelles il peut être procédé à un remboursement ou à une remise des droits àl'importation.

8.
    L'article 236, paragraphe 1, du code des douanes, prévoit: «Il est procédé auremboursement des droits à l'importation [...] dans la mesure où il est établi qu'aumoment de leur prise en compte leur montant n'était pas légalement dû [...]» Selon le paragraphe 2 du même article: «Le remboursement [...] est accordé surdemande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l'expiration d'undélai de trois ans à compter de la date de la communication desdits droits audébiteur.» L'article 235, sous a), du code des douanes précise qu'il est entendu par«remboursement» la «restitution totale ou partielle des droits à l'importation [...]qui ont été acquittés».

9.
    L'article 239, paragraphe 1, du code des douanes, dispose: «Il peut être procédéau remboursement [...] dans des situations autres que celles visées aux articles 236,237 et 238 [...] à déterminer selon la procédure du comité, [...] qui résultent decirconstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part del'intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cettedisposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définiesselon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent êtresubordonnés à des conditions particulières.» Selon le paragraphe 2 du mêmearticle, le remboursement doit, dans ces cas, être demandé avant l'expiration d'undélai de douze mois à compter de la date de la communication desdits droits audébiteur.

10.
    L'article 899 du règlement d'application permet à l'autorité douanière nationalesaisie d'une demande de remboursement d'accorder le remboursement lorsqu'elleconstate que les conditions de remboursement prévues par la législation sontremplies. L'article 905 du règlement d'application ajoute: «Lorsque l'autoritédouanière de décision, saisie de la demande de remboursement ou de remise autitre de l'article 239, paragraphe 2 du code, n'est pas en mesure, sur la base del'article 899, de décider et que la demande est assortie de justifications susceptiblesde constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant nimanoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé, l'État membre dontrelève cette autorité transmet le cas à la Commission pour être réglé conformémentà la procédure prévue aux articles 906 à 909.»

11.
    Selon l'article 906 du règlement d'application, la Commission doit, dès que possible,inscrire l'examen du dossier à l'ordre du jour d'une réunion du comité du code desdouanes. L'article 907 du même règlement dispose: «Après consultation d'ungroupe d'experts composé de représentants de tous les États membres réunis dansle cadre du comité afin d'examiner le cas d'espèce, la Commission prend unedécision établissant soit que la situation particulière examinée justifie l'octroi duremboursement [...], soit qu'elle ne le justifie pas. Cette décision doit intervenirdans un délai de six mois à compter de la date de réception par la Commission du

dossier visé à l'article 905, paragraphe 2. Lorsque la Commission a été amenée àdemander à l'État membre des éléments d'information complémentaires pourpouvoir statuer, le délai de six mois est prolongé du temps qui s'est écoulé entrela date de l'envoi par la Commission de la demande d'éléments d'informationcomplémentaires et la date de réception de ceux-ci par la Commission.»

12.
    Selon l'article 908, paragraphe 2, du règlement d'application: «Sur la base de ladécision de la Commission, notifiée [...], l'autorité de décision statue sur lademande qui lui a été présentée.»

13.
    L'article 243 du code des douanes dispose que toute personne concernéedirectement et individuellement par une décision prise par une autorité douanièreen application de la réglementation douanière a le droit d'introduire un recourscontre cette décision dans l'État membre où la décision a été prise.

Faits à l'origine du litige

14.
    La requérante Kia Motors Nederland BV (ci-après «Kia Motors Nederland»)distribue des véhicules Kia d'origine coréenne aux Pays-Bas. La requéranteBroekman Motorships BV (ci-après «Broekman Motorships») est un agent endouane, qui effectue les déclarations en douane à la place de ses clients, lesquelss'engagent contractuellement à lui verser les droits de douane qu'elle acquitte pourleur compte.

15.
    Il n'est pas contesté entre les parties que, à l'époque des faits à l'origine du présentlitige, des mesures tarifaires préférentielles au sens de l'article 20 du code desdouanes étaient applicables à l'importation de véhicules de Corée du Sud vers laCommunauté.

16.
    Au printemps de 1994, un importateur établi en Turquie, IHLAS Industry andForeign Trade (ci-après «IHLAS»), a commandé à la Kia Motors Corporation(ci-après «Kia Motors»), constructeur automobile établi en Corée du Sud, un lotde 300 voitures d'entreprise. Cependant, avant l'arrivée des véhicules, IHLAS s'estrendu compte qu'ils étaient invendables en Turquie en raison de la mauvaiseconjoncture économique. Lors de l'arrivée des véhicules, IHLAS les a placés soussurveillance douanière et a pris contact avec Kia Motors afin de trouver unesolution. Les véhicules sont restés sous surveillance douanière et n'ont donc pas étédédouanés en Turquie.

17.
    Lorsque Kia Motors Nederland a pris connaissance de cette situation, elle s'estmontrée intéressée par la distribution des véhicules en cause aux Pays-Bas, et lesa rachetés. Par souci d'efficacité, les véhicules n'ont pas été repris matériellementpar Kia Motors avant d'être livrés à Kia Motors Nederland, mais ont été expédiésdirectement de la Turquie vers les Pays-Bas le 1er juillet 1994. Broekman

Motorships s'est chargée de la déclaration d'importation de Kia Motors Nederland.Dans la déclaration, qui date du 18 juillet 1994, elle a revendiqué le tarifpréférentiel applicable aux véhicules originaires de Corée du Sud. Elle a produità cet effet un certificat d'origine, délivré par les autorités sud-coréennes .

18.
    Le 5 octobre 1994, les autorités douanières néerlandaises ont imposé à BroekmanMotorships des droits d'importation non préférentiels, pour un montant total de474 584,30 HFL . Elles ont refusé d'accorder le tarif préférentiel au motif que lesvéhicules n'avaient pas fait l'objet d'un «transport direct» au sens de l'article 75,paragraphe 1, du règlement d'application. Kia Motors Nederland a versé la sommeimposée à Broekman Motorships qui s'en est acquittée auprès des autoritésdouanières.

19.
    Le 10 juillet 1995, Kia Motors Nederland a adressé au contrôleur des douanes dudistrict de Rotterdam une demande de remboursement sur la base de l'article 239du code des douanes et des articles 899 et suivants du règlement d'application.Dans sa demande, elle a expliqué que, en Turquie, les véhicules n'avaient été nidédouanés ni soumis à quelque transformation que ce soit. Elle a soulignéégalement que l'origine sud-coréenne des véhicules était incontestable et que lesvéhicules avaient été transportés directement de la Turquie vers les Pays-Bas dansle but évident d'éviter des coûts de transport superflus. Elle estimait que, dans cescirconstances et à la lumière de l'objectif des mesures préférentielles, l'exigence de«transport direct» était bien remplie, même si, formellement, les véhiculesn'avaient pas été transportés directement de Corée du Sud aux Pays-Bas et qu'ilexistait donc une situation particulière justifiant le remboursement des droitsimposés.

20.
    Par lettre du 30 novembre 1995, le contrôleur des douanes du district deRotterdam a sollicité des renseignements complémentaires en vue d'adresser unedemande à la Commission au titre de l'article 239 du code des douanes et del'article 905 du règlement d'application. Il a, notamment, demandé la productiond'un document des autorités turques attestant que les véhicules n'avaient fait l'objetd'aucun changement lorsqu'ils se trouvaient en Turquie. Il a également formulécertaines réserves concernant le certificat d'origine annexé à la demande deremboursement, au motif que la valeur du lot de véhicules indiquée sur ce certificatétait différente de celle indiquée sur les factures d'IHLAS. Le contrôleur a accordéun délai de réponse à sa lettre d'une durée de trois mois.

21.
    Par lettre du 28 mars 1996, le contrôleur a reçu des pièces complémentaires, parmilesquelles, notamment, des attestations des autorités douanières établissant que lesvéhicules n'avaient pas été dédouanés en Turquie, et une attestation de Kia Motorsdéclarant que le certificat d'origine portait bien sur les 300 véhicules transportésvers Rotterdam via la Turquie. L'authenticité et l'exactitude du certificat d'origineont également été confirmées par le Seoul Metropolitan Government. IHLAS,quant à elle, a déclaré par écrit que les véhicules n'avaient fait l'objet d'aucunchangement en Turquie .

22.
    Par lettre datée du 1er octobre 1996, le directeur des douanes de Rotterdam acommuniqué à la Commission, en vertu de l'article 239 du code des douanes et del'article 905 du règlement d'application, la demande de remboursement desrequérantes.

23.
    Par décision du 8 avril 1997 adressée aux Pays-Bas (ci-après «décision litigieuse»),la Commission a déclaré que le remboursement des droits à l'importation demandén'était pas justifié. La décision litigieuse a été prise après consultation d'«un grouped'experts composé de représentants de tous les États membres». Dans sa décision,la Commission expose, tout d'abord, que les Pays-Bas lui ont demandé de statuersur la demande de remboursement en cause et qu'elle a reçu cette demande le14 octobre 1996. Elle déclare ensuite que le tarif préférentiel ne pouvait êtreappliqué à l'importation litigieuse au motif que «les produits en cause ont ététransportés via la Turquie» et «que, puisque la traversée de ce pays n'était justifiéeni par des raisons géographiques ni par des raisons tenant exclusivement auxnécessités du transport au sens de l'article 75, paragraphe 1, du règlement[d'application], le régime préférentiel ne pouvait pas être accordé». Elle ajoute,enfin, que sa conclusion ne saurait être infirmée par l'entrée en vigueur, peu aprèsl'importation des véhicules en cause aux Pays-Bas, du règlement n° 3254/94, dansla mesure où il n'a pas d'effet rétroactif.

24.
    Par lettre du 9 avril 1997, la Commission a communiqué la décision litigieuse à lareprésentation permanente du royaume des Pays-Bas auprès de l'Unioneuropéenne. Sur la base de la décision de la Commission, le contrôleur desdouanes du district de Rotterdam a adopté, le 28 avril 1997, une décision de rejetde la demande de Kia Motors Nederland. A cette décision était annexée une copiede la décision de la Commission.

Procédure et conclusions des parties

25.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le27 juin 1997, les requérantes ont introduit le présent recours.

26.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure oralesans procéder à des mesures d'instruction préalables. Les parties ont été entenduesen leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors del'audience publique qui s'est déroulée le 12 mai 1998.

27.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision litigieuse;

—    condamner la défenderesse aux dépens.

28.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     rejeter le recours;

—     condamner les requérantes aux dépens.

En droit

29.
    Les requérantes invoquent quatre moyens à l'appui de leur recours. Le premiermoyen est tiré d'une violation de l'article 190 du traité. Le deuxième moyen est prisd'une violation de l'article 75 du règlement d'application. Le troisième moyen esttiré d'une violation de l'article 76 du règlement d'application. Le quatrième moyenest tiré d'une violation de l'article 239 du code des douanes.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

30.
    Les requérantes exposent que la décision litigieuse est fondée sur la simpleaffirmation que les exigences de l'article 75 du règlement d'application n'étaient pasremplies. La Commission aurait donc omis de rechercher, notamment sur la basedes pièces justificatives annexées à la demande de remboursement, s'il existait descirconstances particulières qui pouvaient justifier un remboursement. Lesrequérantes rappellent, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de laCour, il appartient à la Commission d'indiquer dans chaque cas si de tellescirconstances existent et de motiver sa décision à cet égard (arrêt de la Cour du13 novembre 1984, Van Gend & Loos/Commission, 98/83 et 230/83, Rec. p. 3763).

31.
    Selon la défenderesse, la décision litigieuse répond aux exigences de motivationdéfinies par la jurisprudence. Notamment, la Commission aurait indiqué tous leséléments de fait et de droit sur lesquels elle a fondé son appréciation. Enparticulier, il est indiqué dans la décision que les marchandises en cause n'avaientpas fait l'objet d'un «transport direct» au sens de l'article 75 du règlementd'application, puisqu'elles avaient été transportées via la Turquie sans que cettecirconstance soit justifiée par des raisons géographiques ou pour des motifs liés auxexigences découlant de ce transport. La défenderesse estime que, dans cescirconstances, les requérantes ont pu prendre connaissance des motifs de ladécision et ont été en mesure de défendre leurs droits.

32.
    Ensuite, la défenderesse souligne que la décision répond rigoureusement à lademande de remboursement tel que celle-ci avait était formulée par le directeurdes douanes de Rotterdam. Elle fait en particulier observer que l'argumentationprésentée dans cette demande portait sur l'application par les autorités douanièresnéerlandaises de l'article 75 du règlement d'application.

Appréciation du Tribunal

33.
    Le Tribunal relève liminairement que l'article 239 du code des douanes constitueune «clause générale d'équité» au sens de la jurisprudence portant sur ladisposition équivalente antérieurement en vigueur, à savoir l'article 13, paragraphe1, du règlement (CEE) n° 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif auremboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation(JO L 175, p. 1, ci-après «règlement n° 1430/79»), modifié par l'article 1er,paragraphe 6, du règlement (CEE) n° 3069/86 du Conseil, du 7 octobre 1986(JO L 286, p. 1), qui disposait qu'«[i]l peut être procédé au remboursement ou àla remise des droits à l'importation dans des situations particulières, autres quecelles visées aux sections A à D, qui résultent de circonstances n'impliquant nimanoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé» (voir, pour cettejurisprudence, l'arrêt de la Cour du 26 mars 1987, Coopérative agricoled'approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 22, et, en dernier lieu,l'arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T-42/96, Rec.p. II-401, point 132). La similitude entre l'article 239 du code des douanes etl'article 13 du règlement n° 1430/79 ressort notamment du fait que cette dispositioncouvre les «situations autres que celles visées aux article 236, 237 et 238» du codedes douanes, qui doivent, selon l'article 905 du règlement d'application, êtrecomprises comme des «situation[s] particulière[s]». Il est, par ailleurs, affirmé parles parties au présent litige que l'article 239 du code des douanes doit recevoir lamême interprétation que l'article 13 du règlement n° 1430/79.

34.
    Il convient de rappeler ensuite que, selon une jurisprudence constante, lamotivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître de façon claire etnon équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière àpermettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au jugecommunautaire d'exercer son contrôle. Il résulte en outre de cette jurisprudencequ'il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droitpertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un actesatisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée non seulementau regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble desrègles juridiques régissant la matière concernée (voir, par exemple, l'arrêt de laCour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86, etl'arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214/95, nonencore publié au Recueil, points 62 et 63).

35.
    Le Tribunal constate que, de l'ensemble des règles juridiques régissant leremboursement de droits à l'importation (voir les points 1 à 13 ci-dessus), seull'article 905 attribue une compétence décisionnelle à la Commission. Cette dernièredisposition l'habilite à prendre position sur les demandes de remboursementintroduites en vertu de l'article 239 du code des douanes qui lui sont transmises parles autorités douanières nationales. Comme la Cour l'a constaté dans le contextedes procédures menées sur le fondement de l'article 13 du règlement n° 1430/79,

il incombe à la Commission d'indiquer, pour chaque demande de remboursementqui lui est soumise, si des circonstances particulières au sens de cette dispositionexistent, et de motiver sa décision à cet égard (arrêt Van Gend &Loos/Commission, précité, point 18).

36.
    En l'espèce, force est de constater que la Commission a considéré que la situationde l'espèce ne résultait pas de circonstances particulières, sans avoir exposé lesmotifs la conduisant à cette conclusion. Dans sa décision, en effet, la Commissiona constaté que l'importation en cause ne satisfaisait pas à la condition relative autransport direct définie par l'article 75 du règlement d'application et que, parconséquent, la demande de remboursement n'était pas fondée. Or, comme ladéfenderesse l'a elle-même souligné dans ses écritures, les demandes adressées àla Commission en vertu des articles 239 du code des douanes et 905 du règlementd'application combinés ne concernent pas la question de savoir si les dispositionsde droit matériel douanier, comme l'article 75 du règlement d'application, ont étécorrectement appliquées par les autorités douanières nationales. En effet, une tellequestion relève de la compétence exclusive des autorités douanières nationales, surla base de l'article 236 du code des douanes, dont les décisions peuvent êtreattaquées devant les juridictions nationales en vertu de l'article 243 du code desdouanes, ces dernières pouvant saisir la Cour de justice en vertu de l'article 177 dutraité.

37.
    Interrogée, lors de la procédure orale, sur la question de savoir si,indépendamment du non-respect par les requérants des conditions techniquesdéfinies par l'article 75 du règlement d'application, il existait des circonstancesparticulières qui auraient pu justifier, du point de vue de l'équité, unremboursement, et plus particulièrement sur la réponse qu'elle avait apporté àcette question dans la décision litigieuse, la défenderesse a renvoyé au considérantde ladite décision selon lequel «l'entrée en vigueur, quelques mois aprèsl'importation en cause du 18 juillet 1994, des dispositions plus souples du règlement(CEE) n° 3254/94, modifiant le règlement (CEE) n° 2454/93, n'est pas de natureà créer une situation telle que celle visée à l'article 239 du règlement (CEE)n° 2913/92, parce que ces dispositions ne sont que l'expression d'une nouvellepolitique commerciale de la Communauté à l'égard des pays bénéficiaires dusystème des préférences généralisées. Étant donné que cette nouvelle politiquecommerciale n'a aucun effet rétroactif, la politique qui était suivie précédemmentpar les autorités communautaires jusqu'au moment de son entrée en vigueur nes'en trouve pas affectée». Le Tribunal estime que, par ce considérant, laCommission a seulement voulu souligner que les conditions techniques de l'article75 du règlement d'application devaient être appliquées à l'importation en cause,en dépit de l'entrée en vigueur ultérieure de critères plus souples (voir, pour cescritères, le point 6 ci-dessus). Cette partie des motifs de la décision litigieuseconcerne donc, comme toutes les autres parties de celle-ci, la question de savoir sil'importation des véhicules en cause aux Pays-Bas remplissait ou non l'exigence de«transport direct». Il convient de rappeler que cette question ne relève pas del'article 239 du code des douanes.

38.
    Il en résulte que la Commission s'est employée, en réalité, à expliquer dans lesmotifs de la décision litigieuse pourquoi elle estimait que les droits à l'importationimposés par l'autorité douanière néerlandaise aux requérants était légalement dûs,alors que le dispositif de ladite décision, rejetant la demande introduite sur la basede l'article 239 du code des douanes, répond à la question de savoir si lacirconstance que les véhicules avaient été placés sous surveillance douanière enTurquie et étaient donc toujours d'origine coréenne lors de leur importation auxPays-Bas permettait, en vertu de la clause générale d'équité, d'exonérer lesrequérants du paiement des droits qui étaient, selon les dispositions législativestechniques, légalement dûs (voir, à cet égard, l'arrêt de la Cour du 12 mars 1987,Cerealmangimi et Italgrani/Commission, 244/85 et 245/85, Rec. p. 1303, point 11).Par conséquent, il y a lieu de conclure que, au regard de l'ensemble des règlesjuridiques régissant la matière concernée, la Commission n'a pas motivé sa décision.

39.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argumentation de la défenderesse selonlaquelle la décision litigieuse était suffisamment motivée dans la mesure oùl'argumentation présentée dans la demande de remboursement se référait, elleaussi, à l'article 75 du règlement d'application. A cet égard, il convient de rappelerque la motivation d'une décision doit toujours être telle que le juge communautairesoit en mesure d'exercer son contrôle de légalité. Cette condition n'est pas remplieen l'espèce. En effet, la Commission a fondé sa décision de rejet de la demandede remboursement sur un raisonnement que le Tribunal ne peut pas contrôler. Ladéfenderesse elle-même a souligné, pendant la procédure écrite, qu'il n'appartientpas au Tribunal de se prononcer sur les questions que soulève l'exigence de«transport direct», étant donné que les décisions concernant l'interprétation etl'application de l'article 75 du règlement d'application sont soumises aux voies derecours nationales.

40.
    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d'une violation de l'article 190du traité est fondé. Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer surles autres moyens, il y a lieu d'annuler la décision litigieuse.

Sur les dépens

41.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie quisuccombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commissionayant succombé en ses conclusions et les requérantes ayant conclu à lacondamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de condamner laCommission aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 8 avril 1997, adressée au royaume desPays-Bas et relative à une demande de remboursement de droits àl'importation, est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Tiili                        Briët                    Potocki

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le néerlandais.