Language of document : ECLI:EU:T:2023:394

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale BACK-2-NATURE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑772/22,

Fibrecycle Pty Ltd, établie à Helensvale (Australie), représentée par Me T. Stein, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. R. Raponi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mmes P. Škvařilová‑Pelzl et G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Fibrecycle Pty Ltd, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 5 octobre 2022 (affaire R 1699/2020‑2) (ci‑après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 juin 2019, la requérante a obtenu auprès du Bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1485655. Cet enregistrement international a été notifié le 5 septembre 2019 à l’EUIPO en vertu de l’article 3, paragraphe 4, quatrième phrase, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989 (JO 2003, L 296, p. 22), tel que modifié le 12 novembre 2007. Il concerne le signe verbal BACK-2-NATURE.

3        Les produits pour lesquels la protection a été demandée relèvent des classes 3, 5, 16 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations de toilettage non médicamenteuses sous forme de shampooings et d’après‑shampooings pour animaux de compagnie ; désodorisants pour animaux de compagnie » ;

–        classe 5 : « Préparations désodorisantes pour boîtes à litière pour animaux de compagnie » ;

–        classe 16 : « Sacs en matières plastiques pour l’élimination de déjections d’animaux de compagnie » ;

–        classe 21 : « Outils de toilettage pour animaux de compagnie sous forme de peignes et brosses de toilettage ; caisses à litière pour animaux de compagnie ; revêtements de bacs de propreté pour animaux de compagnie ».

4        Par décision du 2 juillet 2020, l’examinatrice a refusé la protection de l’enregistrement international sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), pour l’ensemble des produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 18 août 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 3 mars 2021 (affaire R 1699/2020‑2), ce recours a été rejeté.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2021, la requérante a introduit un recours, qui a été enregistré sous le numéro T‑248/21, visant à l’annulation de cette décision.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2022, l’EUIPO, d’une part, a informé le Tribunal de la décision de sa deuxième chambre de recours du 13 octobre 2021 portant révocation de la décision du 3 mars 2021et du fait que cette décision était devenue définitive et, d’autre part, a demandé au Tribunal de conclure, conformément à l’article 130, paragraphe 2, de son règlement de procédure, que, ce recours étant devenu sans objet, il n’y avait plus lieu de statuer sur celui-ci.

9        Il ressortait de cette décision de révocation que la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 3 mars 2021 était entachée d’une erreur de procédure manifeste dans la mesure où elle avait été prise par un seul membre, en application de l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, de l’article 36 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et de l’article 7 de la décision 2020-7 du présidium des chambres de recours du 21 juillet 2020 relative à l’organisation des chambres, bien que la chambre de recours ne fût pas arrivée à la conclusion que le recours était manifestement non fondé au sens de l’article 36, paragraphe 1, sous g), du règlement délégué 2018/625.

10      Par ordonnance du 5 mai 2022, Fibrecycle/EUIPO (BACK‑2‑NATURE) (T‑248/21, non publiée, EU:T:2022:285), le Tribunal a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ledit recours.

11      L’affaire a été réattribuée à la deuxième chambre de recours sous la référence R 1699/2020‑2.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que l’enregistrement international en cause était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a notamment considéré qu’il serait compris par le public pertinent comme un slogan publicitaire et non comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience de plaidoiries est organisée.

 En droit

15      Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16      Le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée). Ce caractère doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

17      La requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles, eu égard aux produits visés par l’enregistrement international en cause et aux mots anglais dont il est composé, le public pertinent est le public anglophone dans l’Union européenne qui possède des animaux de compagnie ou s’en occupe, que ce soit de sa propre initiative ou professionnellement, et selon lesquelles son niveau d’attention est moyen s’agissant du grand public, voire plus élevé s’agissant des professionnels. Les parties conviennent également que l’expression « back-2-nature » sera perçue par ce public anglophone comme « back-to-nature », ce qui peut signifier un « retour à une vie plus simple ».

18      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35 ; du 22 mars 2017, Hoffmann/EUIPO (Genius), T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 26, et du 1er février 2023, Groschopp/EUIPO (Sustainability through Quality), T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 22].

19      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 27). Ainsi, un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [voir arrêt du 6 octobre 2021, Kondyterska korporatsiia « Roshen »/EUIPO – Krasnyj Octyabr (Représentation d’un homard), T‑254/20, non publié, EU:T:2021:650, point 116 et jurisprudence citée ; arrêt du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 23].

20      Il ressort cependant de la jurisprudence que si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories [voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 mai 2016, U-R LAB/EUIPO (THE DINING EXPERIENCE), T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 47]. En effet, il convient également de tenir compte du fait que, s’agissant des consommateurs moyens, ceux-ci n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits et services en se fondant sur des slogans (voir arrêt du 25 mai 2016, THE DINING EXPERIENCE, T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 78 et jurisprudence citée ; arrêt du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 24).

21      Si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques peuvent avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçues comme fantaisistes, surprenantes et inattendues et, par là même, être mémorisables, de sorte qu’elles ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 47, 56 et 57 ; du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 28, et du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 25).

22      Pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 45 ; du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 30, et du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 26).

23      En revanche, une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle [arrêts du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 25, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 29]. En particulier, il en est ainsi lorsqu’un signe indique au consommateur une caractéristique des produits ou services visés par celui-ci qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits ou services [arrêts du 17 mars 2016, Mudhook Marketing/OHMI (IPVanish), T‑78/15, non publié, EU:T:2016:155, point 25 ; du 14 juillet 2016, Volkswagen/EUIPO (ConnectedWork), T‑491/15, non publié, EU:T:2016:407, point 32, et du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 27].

24      La chambre de recours a estimé que la signification de « retour à un mode de vie plus simple » était dénuée de sens pour les produits en cause, de sorte que le public pertinent n’établirait pas ce lien avec ce que la requérante désigne comme « un mode de vie qui évite le consumérisme ». En revanche, ce public percevrait le signe en question comme véhiculant un message promotionnel clair servant simplement à souligner les aspects positifs des produits en cause. L’examinatrice aurait également souligné que le mot « nature » conduisait les consommateurs à comprendre que les produits étaient « naturels », par opposition aux produits transformés ou chimiques.

25      Contrairement à ce qu’aurait soutenu la requérante, bien que la nature puisse être définie comme englobant les animaux, les plantes et les autres choses dans le monde qui ne sont pas fabriqués par des personnes, et tous les événements et processus qui ne sont pas causés par des personnes, cela ne signifie pas, selon la chambre de recours, que le mot « nature » ne saurait décrire une caractéristique des produits fabriqués par des personnes, à savoir que les produits contiennent des ingrédients ou des matériaux naturels.

26      De l’avis de la chambre de recours, confrontée à l’expression « back‑2‑nature » dans son ensemble et pour les produits en cause compris dans les classes 3 et 5, une partie importante du public pertinent percevra immédiatement le signe en question comme véhiculant le message que ces produits contiennent des ingrédients naturels par opposition à des produits chimiques.

27      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 16, la chambre de recours convient avec la requérante que les sacs en matières plastiques sont susceptibles de nuire à l’environnement. Toutefois, selon elle, en percevant l’expression « back-2-nature » en rapport avec les sacs en matières plastiques en cause, une partie importante du public pertinent les associera immédiatement à des sacs biodégradables en matières plastiques d’origine naturelle, comme des plantes, des animaux ou des micro‑organismes, présumés plus respectueux de l’environnement.

28      Quant aux produits compris dans la classe 21, selon la chambre de recours, une partie importante du public pertinent percevra immédiatement l’enregistrement international en cause comme véhiculant le message selon lequel ces produits contiennent des matériaux naturels par opposition à des matériaux artificiels.

29      En raison des préoccupations croissantes concernant l’environnement, une partie importante du public rechercherait des produits composés ou contenant des ingrédients ou matériaux naturels. Ainsi, l’ensemble des produits en question peuvent, de l’avis de la chambre de recours, contenir des ingrédients ou des matières d’origine naturelle, de sorte qu’une partie importante du public concerné associera immédiatement et sans équivoque l’expression « back-2-nature » au message selon lequel la requérante, par l’intermédiaire de ces produits, revient à un passé dans lequel les produits fabriqués ne nuisaient pas à l’environnement.

30      Au-delà de ces informations promotionnelles, le public pertinent serait peu enclin à percevoir dans le signe en cause une indication particulière de l’origine commerciale.

31      La chambre de recours a donc conclu, en substance, que l’enregistrement international est incapable d’exercer la fonction essentielle d’une marque.

32      La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée de deux erreurs.

33      En premier lieu, contrairement à ce qui ressortirait du point 40 de la décision attaquée, la requérante n’aurait pas avancé devant la chambre de recours que la signification « retour à un mode de vie plus simple » pour l’enregistrement international serait « dénuée de sens » dans le contexte des produits concernés, mais que la seule signification véhiculée par l’expression « back-2-nature », au regard de ces produits, était un mode de vie plus simple, ce qui reviendrait à s’écarter du matérialisme et du stress généré par la vie moderne. Ainsi, les produits concernés, qui constitueraient tous un exemple de consumérisme, n’auraient aucune place dans un mode de vie plus simple. Un mode de vie bannissant le consumérisme ne saurait être considéré comme véhiculant exclusivement un message promotionnel pour lesdits produits et il serait dénué de sens de suggérer qu’il en serait autrement. Dans ces conditions, l’allusion, par la requérante, au caractère « dénué de sens » aurait concerné la prétendue nature élogieuse de la marque en question, et non la signification véhiculée par ladite marque, à savoir « un mode de vie plus simple ». La conclusion qu’en aurait tiré la chambre de recours aurait donc été erronée et l’aurait amenée à mal comprendre les arguments de la requérante.

34      En second lieu, la chambre de recours aurait examiné la signification du terme « nature » en tant que tel, en relation avec les produits concernés, mais, en dépit de l’usage de la formule « dans son ensemble » dans la décision attaquée, elle n’aurait ensuite aucunement ou pas véritablement envisagé la façon dont le consommateur anglophone de ces produits percevrait la signification de l’expression « back-2-nature », considérée dans son ensemble.

35      Pour motiver sa conclusion selon laquelle le terme « nature » conduirait les consommateurs à considérer que les produits sont « naturels », par opposition à des produits transformés ou chimiques, la chambre de recours se serait appuyée uniquement sur l’arrêt du 20 septembre 2019, Multifit/EUIPO (real nature) (T‑458/18, non publié, EU:T:2019:634). Cependant, cet arrêt ne saurait justifier une telle conclusion, tenant au fait que le terme « real », en conjonction avec le terme « nature », aurait servi à imprégner la marque en cause de sa signification liée à des « matériaux naturels », dans la mesure où « real » serait compris comme signifiant « véritable », de sorte que le public pertinent aurait été conduit à considérer que les produits et services visés par cette marque étaient « véritables » et donc « naturels ». Appréciée dans son ensemble, l’expression « back‑2‑nature » ne suggérerait pas que les produits en question seraient « véritables » et donc fabriqués à partir de matériaux naturels. Ainsi, elle ne serait pas élogieuse.

36      Selon la requérante, la chambre de recours aurait plutôt dû s’inspirer de la décision de la quatrième chambre de recours du 29 octobre 2020 dans l’affaire R 934/2020‑4 (INSPIRED BY NATURE) selon laquelle l’expression « inspired by nature » serait comprise par le public pertinent comme une source d’idées et de motivation dont l’origine se trouve dans la nature et, notamment, la flore et les phénomènes naturels. En effet, le mot « nature » aurait été interprété comme désignant le monde naturel et l’expression « inspired by nature », prise dans son ensemble en relation avec les produits en cause, indiquerait simplement que la source d’inspiration pour la conception et la fabrication des produits proviendrait de la nature, et non que les produits en question auraient été fabriqués à partir de matériaux naturels. Ainsi, dans les deux signes INSPIRED BY NATURE et BACK‑2‑NATURE, considérés dans leur ensemble, le terme « nature » constituerait en réalité une référence au monde naturel qui nous entoure et non pas aux ingrédients ou aux matériaux naturels.

37      L’enregistrement international en cause se bornerait à inviter le consommateur anglophone des produits concernés à retourner à un mode de vie simple, voire plus simple, fourni par la nature elle-même.

38      Adopter un mode de vie plus simple reviendrait à réduire la consommation et à faire avec moins. Partant, le public pertinent, imprégné de la compréhension éco-minimaliste de l’expression « back to nature », ne percevrait pas la marque concernée en relation avec les produits en question comme une simple formule promotionnelle, mais comme une invitation à ne pas acheter ces produits, puisqu’ils seraient l’antithèse même d’un mode de vie plus simple. En effet, dans sa quête d’un retour à la nature, ce public n’envisagerait pas d’acheter des produits comme des caisses à litière pour chats, des désodorisants pour chiens ou des shampooings pour lapins, qui seraient en réalité l’incarnation même du consumérisme.

39      La requérante fait valoir que dans le contexte d’une signification qui invite le public pertinent à être éco‑minimaliste, le signe en cause doit déclencher un processus intellectuel amenant ce public à s’interroger sur le rôle que les produits seraient susceptibles de jouer dans un mode de vie plus simple. Le public pertinent constaterait alors que l’enregistrement international, rencontré en relation avec les produits pour lesquels la protection est demandée et dont chacun est la quintessence même du consumérisme, est à la fois surprenant et inattendu.

40      L’appel à une vie éco‑minimaliste inspirée par l’enregistrement international en cause se juxtaposerait à l’image du consumériste désireux d’acheter les produits en question et ce serait cette juxtaposition frappante qui conférerait audit enregistrement international son caractère intrinsèquement distinctif. La référence non laudative à une vie dont seraient bannis les biens de consommation serait si surprenante pour le public pertinent qu’elle le conduirait à mémoriser aisément et immédiatement ledit enregistrement international en tant que marque distinctive pour les produits auxquels il se rapporte.

41      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

42      En ce qui concerne le premier grief de la requérante, la chambre de recours est elle-même arrivée à la conclusion, figurant au point 40 de la décision attaquée, que la signification de l’enregistrement international en cause en tant que retour à un mode de vie plus simple est dénuée de sens pour les produits en cause. Ainsi, même si la chambre de recours avait eu tort de soutenir que la requérante convenait de ce point, cela n’aurait eu aucune conséquence sur son raisonnement ultérieur et le résultat de son examen.

43      En tout état de cause, il est vrai qu’il ressort des points 3.1 à 3.4 du mémoire exposant les motifs du recours devant l’EUIPO que la requérante a conclu qu’il serait dénué de sens de soutenir que l’expression « back to nature » est laudative en relation avec les produits concernés. Cependant, pour y parvenir, elle a soutenu que cette expression traduit l’idée d’un mode de vie plus simple, loin, notamment, du matérialisme. Or, les produits concernés n’auraient aucune place dans un tel mode de vie (voir point 3.3 du mémoire exposant les motifs du recours devant l’EUIPO).

44      Ainsi, en indiquant au point 40 de la décision attaquée que la signification de « retour à un mode de vie plus simple » était dénuée de sens pour les produits en cause, la chambre de recours a en fait approuvé l’argument de la requérante figurant au point 3.3 de son mémoire exposant les motifs du recours devant l’EUIPO.

45      Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a mal compris, voire dénaturé ses arguments manque en fait.

46      Le premier grief doit donc être rejeté.

47      En ce qui concerne le second grief, tout d’abord, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours s’est concentrée dans son analyse sur l’existence du caractère distinctif, au regard des produits concernés, du terme « nature », sans examiner l’enregistrement international en cause pris dans son ensemble.

48      En effet, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, indiqué que le public pertinent attribuerait non pas au seul mot « nature », mais bien à la combinaison de mots « back to nature » une signification qui véhicule un message promotionnel clair servant simplement à souligner les aspects positifs de l’ensemble des produits en cause. Aux points 44 à 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné le signe en question au regard des classes particulières des produits concernés et aux points 47 et 48 de celle-ci, elle a conclu, en substance, que, les produits concernés pouvant contenir des ingrédients ou des matières d’origine naturelle, le public concerné associera immédiatement et sans équivoque le signe contesté au message selon lequel la requérante, par l’intermédiaire de ses produits, revient à un passé dans lequel les produits fabriqués ne nuisaient pas à l’environnement. Partant, selon la chambre de recours, le public pertinent sera peu enclin à percevoir dans le signe en cause l’origine commerciale au‑delà des informations promotionnelles soulignant les aspects positifs des produits concernés, à savoir que ces produits sont naturels et respectueux de l’environnement. Il s’ensuit, selon cette dernière, que l’enregistrement international en cause vante les mérites des produits qu’il désigne, dans la mesure où il vise à convaincre le consommateur que les produits sont composés d’ingrédients ou de matériaux naturels, et lui permet de faire un choix écologique.

49      La chambre de recours a donc effectivement analysé l’existence du caractère distinctif de l’enregistrement international pris dans son ensemble et a clairement expliqué pourquoi le public pertinent ne l’associerait pas à une désignation d’origine commerciale des produits qu’il désigne, mais à une information promotionnelle. En particulier, la référence, faite au point 47 de la décision attaquée, au retour à un passé dans lequel les produits fabriqués ne nuisaient pas à l’environnement ne laisse subsister aucun doute à cet égard.

50      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la chambre de recours a, aux points 41 et 43 de la décision attaquée, examiné la compréhension par le public pertinent du mot « nature » au regard des produits concernés. Ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, d’une part, elle n’a fait que répondre aux arguments de la requérante présentés devant elle. D’autre part, l’obligation d’analyser l’impression d’ensemble produite par un signe n’est pas incompatible avec un examen successif de ses différents éléments [arrêts du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, points 22 et 23, et du 19 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanc, tacheté de vert, et vert pâle), T‑118/00, EU:T:2001:226, point 59].

51      Doit ensuite être rejeté l’argument de la requérante selon lequel la référence, faite au point 43 de la décision attaquée, à l’arrêt du 20 septembre 2019, real nature (T‑458/18, non publié, EU:T:2019:634, points 25 et 26), ne soutient pas la conclusion, figurant aux points 41 et 47 de cette décision, selon laquelle, en substance, les produits concernés sont naturels ou peuvent contenir des ingrédients ou des matières d’origine naturelle. Non seulement l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait, notamment, des produits pour animaux, à l’instar de la présente affaire, mais les mots « back to » figurant au début de l’enregistrement international en cause présentent une relation avec le mot « nature » qui est analogue à celle que présente à son égard le mot « real » dans ledit arrêt. En effet, les mots « back to », qui n’ont à eux seuls aucun sens particulier au regard des produits concernés, attireront l’attention des consommateurs pertinents sur le mot « nature ».

52      Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours avait raison de considérer, d’une part, que la signification de l’expression « back to nature » en tant que retour à un mode de vie plus simple était dénuée de sens pour le public pertinent au regard des produits concernés, de sorte que ledit public n’établira pas de lien avec ce que la requérante désigne comme un mode de vie qui évite le consumérisme et, d’autre part, que ce public associera immédiatement et sans équivoque cette expression au message selon lequel la requérante, par l’intermédiaire de ses produits, revient à un passé dans lequel les produits fabriqués ne nuisaient pas à l’environnement.

53      Ainsi qu’il ressort des extraits des dictionnaires fournis par la requérante, l’expression « back to nature » peut, considérée en tant que telle, être comprise comme une invitation à retourner à un mode de vie simple ou plus simple. Toutefois, confronté à ladite expression en relation avec les produits concernés, le public pertinent ne saurait lui attribuer cette signification, dans la mesure où elle l’inviterait, de fait, à ne pas acheter ces produits. Or, le public pertinent ne comprendra pas une marque comme adressant aux consommateurs potentiels un message qui les décourage d’acheter les produits en question.

54      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, d’une part, dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donne pas d’emblée une indication sur la provenance ou la destination de ce qu’il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s’attardera ni à rechercher les différentes fonctions éventuelles de l’expression ni à la mémoriser en tant que marque (voir arrêt du 1er février 2023, Sustainability through Quality, T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 47 et jurisprudence citée). D’autre part, le consommateur perçoit, dans le peu de temps pendant lequel il est confronté à une marque, la signification des termes plutôt dans un sens intuitif que linguistiquement scientifique [voir arrêt du 18 mai 2017, Sabre GLBL/EUIPO (INSTASITE), T‑375/16, non publié, EU:T:2017:348, point 58 et jurisprudence citée].

55      Partant, le public pertinent comprendra le signe en question dans le sens le plus évident, à savoir comme étant un message positif sur les qualités des produits concernés.

56      Dans l’ensemble, pour ce public, l’enregistrement international n’est pas susceptible, au regard des produits concernés, d’avoir plusieurs significations, il ne constitue pas un jeu de mots et n’est pas non plus fantaisiste. Il indique clairement à ce public que les produits en question contiennent ou peuvent contenir des ingrédients ou matériaux naturels et qu’ils sont respectueux de l’environnement. Le public pertinent n’imaginerait pas, au regard des produits en question, à savoir des produits d’hygiène et de soin pour animaux domestiques, que la requérante désigne elle-même comme des exemples de consumérisme, que le signe en cause l’invite à adopter un mode de vie plus simple. L’enregistrement international n’est donc pas original ou prégnant et ne suscite pas un processus cognitif auprès de ce public. Il ne sera donc perçu que comme une simple formule promotionnelle vantant les qualités des produits concernés et non pas comme une désignation de leur origine commerciale.

57      Il y a donc lieu de rejeter le second grief et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à sa condamnation aux dépens qu’en cas de convocation des parties à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les parties supporteront leurs propres dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.