Language of document : ECLI:EU:T:2011:202

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

10 mai 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative G – Marques nationale et communautaire figuratives antérieures G – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑187/10,

Maurice Emram, demeurant à Marseille (France), représenté par MM. Benavï, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Guccio Gucci SpA, établie à Florence (Italie), représentée par MF. Jacobacci, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 février 2010 (affaire R 1281/2008-1), relative à une procédure d’opposition entre Guccio Gucci SpA et M. Maurice Emram,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 16 août 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 août 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 octobre 2001, le requérant, M. Maurice Emram, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Lunettes » ;

–        classe 18 : « Maroquinerie, articles de maroquinerie en cuir, ou imitation du cuir (à l’exception des étuis adaptés aux produits qu’ils sont destinés à contenir, et des gants) » ;

–        classe 25 : « Vêtements (habillement) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 74/2003, du 22 septembre 2003.

5        Le 19 décembre 2003, l’intervenante, Guccio Gucci SpA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque communautaire figurative reproduite ci-après, déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 8 mai 2000, sous le numéro 122077, pour, notamment, des produits relevant des classes 9 (« Appareils et instruments optiques »), 18 (« Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ) et 25 (« Vêtements, chaussures, chapellerie ») :

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–        la marque figurative italienne reproduite ci-après, enregistrée le 14 février 1986, sous le numéro 403561, pour, notamment, des produits relevant des classes 18 (« Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ») et 25 (« Vêtements d’intérieur et d’extérieur en tissu et en maille, y compris bottes, chaussures et pantoufles ») :

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–        les trois marques non enregistrées reproduites ci-après, invoquées, pour la France, au titre de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009] et, pour le Royaume-Uni et l’Italie, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009), s’agissant des « ceintures, lunettes, sacs et portefeuilles » :

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7        L’opposition, fondée sur la totalité des produits désignés par les marques antérieures, était dirigée contre tous les produits visés par la demande de marque mentionnés au point 3 ci-dessus.

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], à l’article 8, paragraphe 2, sous c), et à l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement.

9        Par décision du 8 mars 2006, la division d’opposition a fait droit à l’opposition pour l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement, sur le fondement des marques non enregistrées opposées et, selon elle, notoirement connues, au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 40/94, en France.

10      Sur recours du requérant, la deuxième chambre de recours de l’OHMI, par décision du 3 septembre 2007, dans l’affaire R 620/2006-2, a annulé la décision de la division d’opposition pour insuffisance de preuve du caractère notoire en France des marques non enregistrées opposées. La deuxième chambre de recours a renvoyé l’affaire devant la division d’opposition.

11      Par décision du 21 juillet 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition en ce qu’elle était fondée sur les autres arguments de l’intervenante. La division d’opposition a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et les deux marques enregistrées opposées. En ce qui concerne les marques non enregistrées opposées, la division d’opposition a considéré que les conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 n’étaient pas remplies, s’agissant du Royaume-Uni et de l’Italie.

12      Sur recours de l’intervenante, la première chambre de recours de l’OHMI, par décision du 11 février 2010 dans l’affaire R 1281/2008-1 (ci-après la « décision attaquée »), a annulé la décision de la division d’opposition du 21 juillet 2008 et a rejeté la demande de marque.

13      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a examiné le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, entre la marque demandée et les deux marques enregistrées opposées.

14      S’agissant des produits visés par ces marques, elle a constaté qu’ils étaient identiques. S’agissant des signes en cause, elle a considéré que la marque demandée, d’une part, et les marques enregistrées opposées, d’autre part, étaient similaires.

15      Dans son appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a estimé « que le fait que, selon les preuves produites, le consommateur moyen [pouvait] percevoir un lien entre la lettre [majuscule] ‘G’ telle qu’elle [était] protégée et la marque Gucci [était] un facteur pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion ». Elle a, en effet, considéré que la lettre majuscule « G », telle qu’enregistrée par l’intervenante, jouissait d’une renommée auprès du consommateur moyen de l’Union européenne en tant qu’abréviation du nom et de la marque Gucci.

16      Elle a conclu que, eu égard à la similitude des signes en conflit, à la renommée dont jouit la lettre majuscule « G » en tant qu’abréviation du nom et de la marque Gucci et à l’identité entre les produits concernés, il existait un risque de confusion, y compris un risque d’association, dans l’esprit du consommateur moyen. En effet, selon la chambre de recours, le consommateur moyen pertinent croira probablement que l’origine commerciale de produits portant la marque demandée est la même que celle de produits identiques revêtus de l’une ou de l’autre des deux marques enregistrées opposées.

17      Enfin, la chambre de recours a écarté différents arguments. Elle a considéré comme non prouvée l’allégation selon laquelle les marques enregistrées opposées seraient « diluées » sur le marché en raison de la présence d’autres signes, et a écarté une référence opérée par le requérant à une décision juridictionnelle française.

 Conclusions des parties

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens ;

–        condamner l’intervenante aux frais et aux dépens de la procédure devant l’OHMI.

19      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

20      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens tirés, premièrement, de la violation du principe du contradictoire et de l’obligation de motivation et, deuxièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur la violation du principe du contradictoire et de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

21      Le requérant fait valoir que l’intervenante a, au stade de la procédure devant la chambre de recours, introduit hors délai, au soutien de son opposition, deux nouveaux arguments. Le premier argument serait tiré de ce que l’intervenante serait propriétaire d’une famille renommée de logos G et de ce qu’il existerait un risque que la marque demandée apparaisse comme un membre supplémentaire de cette famille. Le second argument serait tiré de ce que les logos de cette famille de signes seraient perçus par le consommateur comme étroitement liés au nom Gucci.

22      Ce faisant, l’intervenante aurait invoqué, pour la première fois devant la chambre de recours, des droits antérieurs qu’elle aurait prétendument acquis sur la lettre majuscule « G », considérée comme synonyme de « Gucci », et sur un logo G en général, c’est-à-dire des droits excédant largement ceux issus des deux marques enregistrées opposées.

23      L’absence de preuve de ces droits n’aurait pas empêché la chambre de recours d’ignorer, en violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, la position du requérant et d’admettre l’existence de différents logos G utilisés par l’intervenante.

24      Enfin, le requérant invoque une motivation insuffisante de la décision attaquée.

25      L’OHMI et l’intervenante contestent la position du requérant.

 Appréciation du Tribunal

26      En ce qui concerne la violation alléguée de l’obligation de motivation, il convient, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’irrecevabilité opposée par l’OHMI à ce grief en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

27      En l’espèce, force est de relever que la décision attaquée comporte, aux points 21 à 48, une motivation en l’état suffisante, indépendamment de la question de son bien-fondé, s’agissant de l’application du motif relatif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

28      En particulier, pour autant que, par son grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, le requérant reprocherait à la chambre de recours d’avoir mené « un raisonnement insuffisant pour n’avoir pas considéré l’appréciation d’une autorité nationale sur le même cas », il suffit de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a expliqué pourquoi l’appréciation en cause – contenue dans un arrêt de la cour d’appel de Paris (France) du 21 mai 2008 – n’était pas de nature à remettre en cause sa position concernant le risque de confusion.

29      En outre, et pour autant que ce grief porterait sur l’admission par la chambre de recours de l’existence de différents logos G utilisés par l’intervenante sans tenir compte des objections du requérant à cet égard, il convient de relever que ce reproche vise, en réalité, la légalité de la décision attaquée quant au fond. En effet, l’appréciation, par la chambre de recours, des arguments avancés et des éléments produits devant elle, et les conclusions qu’elle en tire, concernent le bien-fondé de la décision attaquée.

30      Il résulte des considérations qui précèdent que, indépendamment de la question de sa recevabilité au regard de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme non fondé.

31      En ce qui concerne la violation alléguée du principe du contradictoire, il convient de rappeler que, selon l’article 75, deuxième phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Conformément à cette disposition, une chambre de recours de l’OHMI ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations [arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, point 42 ; arrêts du Tribunal du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, Rec. p. II‑2793, point 59, et du 7 septembre 2006, L & D/OHMI – Sämann (Aire Limpio), T‑168/04, Rec. p. II‑2699, point 115].

32      Ladite disposition consacre, dans le cadre du droit des marques communautaires, le principe général de protection des droits de la défense [arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 21, et du 7 février 2007, Kustom Musical Amplification/OHMI (Forme d’une guitare), T‑317/05, Rec. p. II‑427, point 26]. En vertu de ce principe général, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue [arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15 ; arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 21, et LIVE RICHLY, précité, point 22].

33      Par ailleurs, selon la jurisprudence, le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel et non à la position finale que l’administration entend adopter (arrêts Aire Limpio, point 31 supra, point 116, et Forme d’une guitare, point 32 supra, point 27). Dès lors, une chambre de recours n’est pas obligée d’entendre un requérant sur une appréciation factuelle qui relève de sa position finale [arrêt du Tribunal du 20 novembre 2007, Tegometall International/OHMI – Wuppermann (TEK), T‑458/05, Rec. p. II‑4721, point 45].

34      En l’espèce, il n’apparaît nullement que le requérant n’a pas été en mesure de présenter, devant la chambre de recours, ses observations sur tous les éléments de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision attaquée. Il ressort, en effet, des observations du requérant devant la chambre de recours, du 5 juin 2009, que celui-ci a pu prendre position sur tous les éléments de fait et de droit soumis à la chambre de recours et, notamment, sur les arguments que l’intervenante aurait prétendument avancés hors délai devant la chambre de recours (voir points 21 et 22 ci-dessus).

35      S’agissant de ces derniers arguments, c’est, au demeurant, à tort que le requérant suggère qu’ils ont été introduits hors délai devant la chambre de recours. Il ressort, en effet, du dossier que, dès le début de la procédure devant la division d’opposition, l’intervenante a fait valoir que les logos G apposés sur ses produits « [avaient] été revisités de temps à autre afin de les adapter aux tendances de la mode et de maintenir l’attrait du public [et que] c’[était] une pratique […] absolument normale dans le monde de la mode ». Ce faisant, l’intervenante évoquait clairement une famille de logos G utilisés par elle. Par ailleurs, l’intervenante a également fait valoir, au début de la procédure devant la division d’opposition, le fait que ces logos « [étaient] devenus synonymes du style Gucci dans le secteur de la mode ». Enfin, et comme le relève l’OHMI, la référence par l’intervenante à une famille de logos G utilisés par elle visait non pas à opposer des droits de propriété intellectuelle excédant ceux mentionnés dans l’opposition, mais à préciser les raisons pour lesquelles il existait, selon elle, un risque de confusion entre la marque demandée et les marques opposées.

36      Il s’ensuit que le grief du requérant tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté.

37      Compte tenu des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

 Arguments des parties

38      Le requérant fait valoir que, pour les marques composées d’une seule lettre, dès lors qu’une simple lettre est généralement dépourvue de caractère distinctif, le demandeur vise à protéger la représentation graphique spécifique de cette lettre, et non la lettre elle-même. Les impressions conceptuelle et phonétique seraient nécessairement identiques et sans utilité pour déterminer l’impression générale produite par les signes en cause.

39      S’agissant de la comparaison entre la marque demandée et, respectivement, la marque communautaire antérieure et la marque italienne antérieure, le requérant fait valoir que la marque demandée est de forme rectangulaire, tandis que la marque communautaire antérieure est en forme de fer à cheval et la marque italienne antérieure en forme de lettre majuscule « G » ovale comprise dans une autre lettre majuscule « G » de forme étrange et avec des coins différents.

40      Selon le requérant, les signes en conflit produiraient une impression générale différente qui les distinguerait et ne serait pas de nature à entraîner un risque de confusion. Écarter ces différences visuelles reviendrait à accorder une protection générale à la lettre majuscule « G » au profit de l’intervenante. La chambre de recours, en négligeant les différences graphiques des marques en conflit et en considérant que l’élément distinctif de ces marques réside dans la lettre majuscule « G », « qui produirait une impression immédiate », aurait inversé les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques composées d’une seule lettre.

41      Le requérant se prévaut des décisions de la deuxième chambre de recours du 3 septembre 2007, de la division d’opposition du 21 juillet 2008 et de la cour d’appel de Paris du 21 mai 2008, qui auraient exclu toute similitude visuelle entre les marques de l’intervenante et la marque demandée.

42      La chambre de recours n’aurait pas retenu les différences visuelles relevées dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris et ne s’estimerait pas tenue par cette décision, en s’abstenant toutefois d’expliciter sa propre analyse de l’impression générale donnée par les signes en conflit. Faute d’avoir considéré l’appréciation d’une autorité nationale, la chambre de recours aurait développé un raisonnement insuffisant et n’aurait pas cherché à éviter un risque de conflit, contrairement aux recommandations contenues dans le considérant 17 du règlement n° 207/2009.

43      Le requérant s’étonne de ce que, alors que la chambre de recours avait conclu à l’identité des produits et à la similitude des signes en conflit et que, ce faisant, toutes les conditions pour la constatation d’un risque de confusion étaient réunies, celle-ci ait estimé nécessaire d’appuyer son évaluation sur la similarité et, à cette fin, de considérer que la lettre majuscule « G » sous des formes variées était réputée comme abréviation de la marque Gucci. Ce serait donc en considération de cette réputation de la lettre majuscule « G », et pas uniquement en raison de la similitude des marques en conflit, que la chambre de recours aurait conclu à l’existence d’un risque de confusion.

44      Or, par ces considérations, la chambre de recours aurait aussi pris en compte les droits que l’intervenante détiendrait par la possession alléguée d’autres signes G en plus des deux marques enregistrées opposées et, ce faisant, aurait accueilli des moyens nouveaux présentés par l’intervenante pour la première fois devant elle. La chambre de recours reconnaîtrait, de la sorte, un caractère distinctif élevé acquis par l’usage, non pas aux marques enregistrées opposées, sur lesquelles serait fondée l’opposition, mais au logo G en général.

45      Le requérant, examinant ensuite les éléments de preuve produits par l’intervenante au sujet des logos G qu’elle aurait utilisés, conteste leur pertinence ou leur force probante.

46      S’agissant de l’évocation, par la chambre de recours, de la notoriété de la marque Gucci, le requérant remarque qu’il n’est nullement question, en l’espèce, d’une atteinte à cette marque. Quant aux activités promotionnelles de l’intervenante, au demeurant incontestables, elles seraient sans intérêt pour la question de la preuve de l’usage des logos G de l’intervenante opposés à l’enregistrement de la marque demandée.

47      Enfin, la chambre de recours n’aurait pas tiré les bonnes conclusions de l’existence, pourtant avérée, d’autres marques figuratives représentant une lettre majuscule « G » et appartenant à des sociétés tierces.

48      L’OHMI et l’intervenante contestent la position du requérant.

 Appréciation du Tribunal

49      Il convient, tout d’abord, de rappeler que le législateur a explicitement inclus les signes composés d’une lettre dans la liste d’exemples, figurant à l’article 4 du règlement n° 207/2009, de signes pouvant constituer une marque communautaire et que les articles 7 et 8 de ce règlement, relatifs aux refus d’enregistrement, ne prévoient pas de règles spécifiques pour les signes composés d’une lettre ou d’une combinaison de lettres ne formant pas un mot. Il s’ensuit que l’appréciation globale du risque de confusion, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, entre de tels signes suit, en principe, les mêmes règles que celles concernant des signes verbaux comprenant un mot, un nom ou un terme fantaisiste [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, points 47 et 48].

50      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

51      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

52      Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il convient également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

53      En outre, il convient de relever que, dans l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que les marques en conflit désignent (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, point 49 supra, point 49).

54      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en cause.

55      S’agissant, premièrement, de la définition du public pertinent, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que, étant donné que les produits en cause sont des produits de consommation courante, le public pertinent est le consommateur moyen. Ce consommateur est, s’agissant de la marque communautaire antérieure, celui de l’Union et, s’agissant de la marque italienne antérieure, le consommateur italien.

56      S’agissant, deuxièmement, de la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a relevé le fait, non contesté, que les produits visés par la demande de marque et ceux couverts par la marque communautaire antérieure étaient identiques. Elle a, par ailleurs, constaté, correctement, que les produits relevant des classes 18 et 25 visés dans la demande de marque étaient identiques aux produits relevant des mêmes classes visés par la marque italienne antérieure.

57      S’agissant, troisièmement, de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a conclu à la similitude de la marque demandée tant avec la marque communautaire antérieure qu’avec la marque italienne antérieure.

58      Concernant, tout d’abord, les comparaisons phonétique et conceptuelle des signes en conflit, la chambre de recours a relevé que les marques en cause étaient manifestement identiques, celles-ci se prononçant de la même manière et renvoyant toutes les trois, conceptuellement, à la même lettre de l’alphabet.

59      Le requérant fait, toutefois, valoir que les comparaisons phonétique et conceptuelle des signes en cause seraient, du fait de l’évidente identité des marques en conflit à cet égard, sans utilité.

60      Force est, cependant, de relever que le fait que des marques composées d’une même lettre, ou d’une même série de lettres ou de mots, soient, par hypothèse, identiques phonétiquement et conceptuellement n’est nullement dépourvu de pertinence dans l’examen de la similitude aux fins de l’appréciation du risque de confusion. Au contraire, c’est précisément en raison de ces identités phonétique et conceptuelle qu’il convient de veiller particulièrement, dans le contexte de l’enregistrement d’une marque composée d’une seule lettre pour des produits identiques à ou présentant une similitude avec ceux couverts par une marque antérieure composée de la même lettre, à ce que la marque demandée se distingue suffisamment nettement, sur le plan visuel, de la marque antérieure, afin d’exclure tout risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

61      C’est donc à juste titre que la chambre de recours, dans le cadre de l’examen de la similitude des signes en conflit, a pris en compte les identités phonétique et conceptuelle des marques en cause.

62      Pour autant que, par son argument, le requérant reprocherait à la chambre de recours d’avoir négligé, dans son examen, la comparaison visuelle des marques en conflit, il convient de le rejeter.

63      Dans le cadre de cette comparaison visuelle, la chambre de recours, après avoir relevé que le seul élément des marques en conflit était la lettre majuscule « G » et que cet élément produisait une « impression immédiate » et était gardé en mémoire, a examiné de manière circonstanciée les différences graphiques entre les marques en conflit. À l’issue de cet examen, elle a retenu l’existence d’une similitude de faible intensité entre la marque demandée et la marque communautaire antérieure et une similitude de plus forte intensité entre la marque demandée et la marque italienne antérieure.

64      Or, ces appréciations sont, nonobstant les objections du requérant, correctes.

65      S’il est, certes, vrai que les marques en conflit présentent certaines différences graphiques, différences d’ailleurs relevées par la chambre de recours et tenant à la forme (forme de fer à cheval pour la marque communautaire antérieure, forme arrondie intérieure pour la marque italienne antérieure, forme en lignes droites et composée de deux parties pour la marque demandée), à la teinte (noire ou sombre pour les marques antérieures et claire pour la marque demandée) ou encore à la présence, sous la lettre majuscule « G » de la marque demandée, de l’expression en petits caractères « G Line », il n’en reste pas moins que ces différences graphiques sont d’importance mineure par rapport aux similitudes entre les marques en conflit.

66      En effet, ces différences graphiques ne parviennent pas à dissiper l’impression de similitude qui ressort de la comparaison visuelle d’ensemble des marques en conflit. Cette impression tient, notamment, à la forme d’ensemble, globalement rectangulaire, partagée par ces marques et à un subtil mais clair parallélisme dans le tracé et dans les proportions des lettres majuscules « G » en conflit. Ce parallélisme est particulièrement sensible entre la marque italienne antérieure et la marque demandée, en raison de la rectitude des contours extérieurs et du caractère arrondi des angles des lettres en cause. Il est également sensible, quoique plus faiblement, entre la marque communautaire antérieure et la marque demandée, compte tenu des proportions d’ensemble comparables et du tracé linéaire et anguleux des contours de la partie droite de la lettre.

67      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à une faible similitude visuelle entre la marque demandée et la marque communautaire antérieure et à une similitude plus forte entre la marque demandée et la marque italienne antérieure.

68      C’est également correctement qu’elle a conclu, s’agissant de la comparaison d’ensemble des signes en conflit, que l’impression produite par la marque demandée présentait une similitude avec celle produite tant par la marque communautaire que par la marque italienne antérieure.

69      S’agissant, enfin, de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a indiqué « être d’avis que, selon les preuves produites, le fait que le public pertinent [pouvait] percevoir un lien entre la lettre [majuscule] ‘G’ telle qu’elle [était] protégée et la marque Gucci [était] un facteur pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion ». La chambre de recours a considéré que, « eu égard à la similitude des signes en conflit, à la renommée dont jouit la lettre [majuscule] ‘G’ en tant qu’abréviation du nom et de la marque Gucci et à l’identité des produits, il exist[ait] un risque de confusion, y compris un risque d’association, dans l’esprit du consommateur moyen ».

70      Il y a lieu de considérer que, indépendamment même d’un éventuel lien entre la lettre majuscule « G » telle qu’elle est protégée et la marque de maison Gucci, les constatations de la chambre de recours opérées dans le cadre de la comparaison des produits et des signes en conflit, tels que pris en eux-mêmes, suffisent pour caractériser le risque de confusion en l’espèce.

71      À cet égard, il convient, à l’instar de l’intervenante et de l’OHMI, de relever qu’il est fréquent, dans le secteur, comme en l’espèce, de l’habillement et de la mode, qu’une même marque présente différentes configurations, selon les produits qu’elle désigne ou les époques [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 49, et du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 57]. En outre, il convient de tenir compte de la circonstance, relevée par la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire.

72      Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que le public pertinent considère que les produits désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise, soit parce qu’il confond ces marques, soit parce qu’il les associe.

73      L’application du principe de l’interdépendance des différents facteurs à prendre en compte, qu’implique l’appréciation globale du risque de confusion, confirme cette conclusion. En effet, il peut exister un risque de confusion, malgré un faible degré de similitude entre les marques, lorsque la similitude des produits ou des services couverts par celles-ci est grande (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 52 supra, point 21). En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté, les produits désignés par la marque demandée et ceux couverts par les marques antérieures sont identiques. Cette identité compense la similitude uniquement globale entre les signes en cause.

74      Il résulte des considérations qui précèdent que, compte tenu de l’identité des produits visés par les marques en conflit et de la similitude d’ensemble de ces marques, il existe un risque que le public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise.

75      Contrairement à ce que soutient le requérant, cette conclusion ne revient nullement à accorder une protection générale à la lettre majuscule « G » au profit de l’intervenante, mais découle de la constatation que le graphisme de la marque demandée ne se distingue pas assez de celui des marques enregistrées opposées pour permettre d’exclure, s’agissant de produits identiques, un risque de confusion.

76      Quant aux références opérées par le requérant à des décisions antérieures de l’OHMI ou d’autorités nationales, il suffit de relever, d’une part, que les décisions que les chambres de recours de l’OHMI sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêts de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47, et du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 48). Il y a lieu de rappeler, d’autre part, qu’aucune disposition du règlement n° 207/2009 n’oblige l’OHMI ou, sur recours, le Tribunal, à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les autorités nationales dans une situation similaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 39, et Deutsche SiSi-Werke/OHMI, précité, point 49).

77      Enfin, la circonstance alléguée que d’autres marques G seraient détenues par des tiers n’interfère pas avec, ni ne remet en cause, la constatation opérée ci-dessus, selon laquelle les marques en conflit sont objectivement susceptibles, en raison de leur similitude intrinsèque et de l’identité des produits visés, d’être confondues ou associées dans la perception du public pertinent.

78      Il résulte des considérations qui précèdent que, indépendamment même de ses appréciations relatives au fait que le public pertinent peut percevoir un lien entre la lettre majuscule « G » telle qu’elle est protégée et la marque Gucci, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

79      Dans ces conditions et sans qu’il soit, donc, besoin d’examiner les critiques du requérant formées à l’encontre desdites appréciations de la chambre de recours, il convient de rejeter le présent moyen.

80      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Maurice Emram est condamné aux dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2011.

 

Signatures            

 

* Langue de procédure : le français.