Language of document : ECLI:EU:T:2022:274

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

4 mai 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ASI ADVANCED SUPERABRASIVES – Marques de l’Union européenne figurative et verbale antérieures ADI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Renvoi de l’affaire devant la division d’opposition – Article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué (UE) 2018/625 »

Dans l’affaire T‑4/21,

Advanced Superabrasives, Inc., établie à Mars Hill, Caroline du Nord (États-Unis), représentée par Mes D. Piróg et A. Rytel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Adi Srl, établie à Thiene (Italie), représentée par Me B. Saguatti, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 23 octobre 2020 (affaire R 2713/2019-2), relative à une procédure d’opposition entre Adi et Advanced Superabrasives,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 janvier 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 13 mai 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2021,

à la suite de l’audience du 20 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 août 2017, la requérante, Advanced Superabrasives, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Meules en diamant et nitrure de bore cubique avec liant métallique, vitrifié ou de résine ou en plaqué utilisés avec des machines pour couper, meuler et polir ; dresseurs à diamant électriques, pierres à aiguiser et bâtons abrasifs ; lames pour scies électriques ; meules à engrenage et filetées ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 182/2017, du 25 septembre 2017.

5        Le 22 décembre 2017, l’intervenante, Adi Srl, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, déposée le 18 juin 2004, enregistrée le 3 octobre 2005 sous le numéro 3877991 et renouvelée le 28 avril 2014, désignant les produits relevant de la classe 7 et correspondant à la description suivante : « Meules, fraises, disques, calibreurs, ponceuses, cireuses, foreuses, perceuses, couronnes et secteurs pour l’industrie de la pierre, céramique, mécanique, optique et vitrière » :

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–        la marque de l’Union européenne verbale ADI, déposée le 7 juin 2004, enregistrée le 29 juillet 2005 sous le numéro 3859171 et renouvelée le 28 avril 2014, désignant les produits relevant de la classe 7 et correspondant à la description suivante : « Meules, fraises, disques, calibreurs, polisseurs, lustreurs, foreuses, perceuses, couronnes et secteurs pour l’industrie de la pierre, céramique, mécanique, optique et verrière ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En particulier, l’intervenante a fait valoir que ses marques antérieures jouissaient d’un caractère distinctif accru dans l’Union européenne.

8        Le 19 juillet 2018, la requérante a demandé que l’intervenante apporte la preuve de l’usage des marques antérieures en application de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Le 4 octobre 2018, l’intervenante a présenté de telles preuves d’usage dans le délai imparti.

9        Le 12 novembre 2019, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a notamment estimé que l’intervenante n’avait pas explicitement fait valoir que ses marques présentaient un caractère particulièrement distinctif en raison d’un usage intensif ou d’une renommée et a considéré que les marques antérieures revêtaient un caractère distinctif « normal », y compris la marque figurative antérieure qui incluait un diamant avec un caractère distinctif « très limité ».

10      Le 29 novembre 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 23 octobre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a fait droit au recours de l’intervenante et a annulé la décision de la division d’opposition.

12      Premièrement, la chambre de recours a constaté que la division d’opposition avait commis une violation des formes substantielles en n’examinant pas, à la lumière des éléments de preuve présentés par l’intervenante, l’argument selon lequel les marques antérieures jouissaient d’un caractère distinctif accru.

13      Deuxièmement, la chambre de recours a estimé que la division d’opposition avait considéré à juste titre que le territoire pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion était l’ensemble de l’Union. Elle a également constaté, à l’instar de la division d’opposition, que les produits désignés par les marques antérieures s’adressaient exclusivement à un public professionnel de différents secteurs spécialisés, tandis que certains produits visés par la marque demandée pouvaient cibler à la fois le grand public et les professionnels, dont le niveau d’attention serait relativement élevé. Cependant, la chambre de recours a considéré qu’une évaluation plus spécifique du public pertinent devait être réalisée à la suite de l’appréciation des preuves de l’usage des marques antérieures.

14      Troisièmement, s’agissant du caractère distinctif des éléments composant les marques en cause, la chambre de recours a estimé, tout comme la division d’opposition, que l’élément « advanced superabrasives » de la marque demandée n’était pas distinctif pour les produits en cause au moins en ce qui concernait le public anglophone pertinent. En outre, selon la chambre de recours, les éléments verbaux en lettres majuscules « ADI » de la marque antérieure et « ASI » de la marque demandée seraient perçus comme dépourvus de signification et seraient, par conséquent, distinctifs. Enfin, la chambre de recours a considéré que les éléments figuratifs représentant un diamant dans la marque figurative antérieure et dans la marque demandée avaient un caractère distinctif limité, étant donné que les diamants feraient référence au matériau dont les produits en cause étaient composés et seraient laudatifs quant à leur dureté.

15      Quatrièmement, s’agissant de la comparaison des signes, d’une part, la chambre de recours a estimé que la division d’opposition avait conclu à juste titre que la marque verbale antérieure et la marque demandée étaient visuellement et phonétiquement similaires à un faible degré, mais qu’elles n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel. D’autre part, elle a considéré que la division d’opposition avait conclu à bon droit que la marque figurative antérieure était similaire à un faible degré sur le plan phonétique à la marque demandée. Néanmoins, selon la chambre de recours, la division d’opposition avait commis une erreur en considérant que la marque figurative antérieure et la marque demandée présentaient un degré de similitude « inférieur à la moyenne » ou faible sur le plan visuel et un faible degré de similitude sur le plan conceptuel. À cet égard, la chambre de recours a estimé que lesdites marques présentaient un degré de similitude visuelle « au moins moyen » et non faible, et étaient conceptuellement identiques dans la mesure limitée où elles faisaient toutes deux référence au concept d’un diamant, malgré la faiblesse de ce concept.

16      Sur la base de ce qui précède, la chambre de recours a renvoyé l’affaire devant la division d’opposition conformément à l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, pour examiner les preuves de l’usage des marques antérieures et comparer, le cas échéant, les produits en cause pour apprécier la revendication de l’intervenante concernant le caractère distinctif accru de ses marques antérieures et pour évaluer le risque de confusion en tenant compte de tous les facteurs pertinents et de la comparaison des signes effectuée par la chambre de recours, qui liait la division d’opposition.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens ;

–        condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle à tous les stades de la procédure.

 En droit

20      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), le troisième, de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 et, le quatrième, de la violation de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2018/625.

21      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 31 août 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12 et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).  Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et du règlement délégué 2018/625.

22      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée, par l’intervenante et par l’EUIPO à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

23      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, d’abord, le premier moyen, ensuite, les deuxième et quatrième moyens pris ensemble et, enfin, le troisième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

24      Par le premier moyen, la requérante conteste les appréciations de la chambre de recours quant aux comparaisons visuelle et conceptuelle entre la marque figurative antérieure et la marque demandée (ci-après les « marques en conflit »).

25      En premier lieu, en ce qui concerne la comparaison visuelle, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que la marque figurative antérieure et la marque demandée présentaient un degré de similitude visuelle « au moins moyen ». Selon elle, le degré de similitude visuelle entre ces deux marques devrait être considéré comme faible ou moindre que moyen, dans la mesure où leurs différences l’emporteraient sur leurs similitudes.

26      En particulier, la requérante allègue que, étant donné que l’élément figuratif représentant un diamant présente un faible caractère distinctif par rapport aux produits en cause, la perception des marques en conflit est dominée par leurs éléments verbaux. À cet égard, la requérante partage la conclusion de la chambre de recours quant à l’absence de caractère distinctif de l’élément « advanced superbrasives » de la marque demandée. Cependant, elle estime que les éléments verbaux en lettres majuscules « ADI » et « ASI » des marques en conflit sont suffisants afin de conclure à l’absence de similitude entre elles.

27      Tout d’abord, la requérante soutient que la similitude de deux lettres dans des marques courtes ne suffit pas pour conclure à leur similitude, car la différence d’une seule lettre suffit à les distinguer. Elle invoque plusieurs décisions antérieures de la chambre de recours sur ce point. Ensuite, la requérante souligne que les éléments verbaux des marques en conflit présentent des polices différentes et sont disposés de façon distincte par rapport à l’élément représentant un diamant. Ainsi, le public pertinent remarquerait que, dans l’élément en lettres majuscules « ADI » de la marque antérieure, les lettres majuscules « A », « D » et « I » sont placées sur le diamant lui-même, alors que, dans l’élément en lettres majuscules « ASI » de la marque demandée, les lettres majuscules « A », « S » et « I » ne sont pas placées à l’intérieur de l’élément figuratif, mais devant celui-ci. En outre, l’élément « ADI » de la marque antérieure serait écrit dans une police de taille ordinaire avec empattement sans figurer au premier plan. En revanche, l’élément « ASI » de la marque demandée serait écrit dans une police épaisse sans empattement et figurerait au premier plan. Enfin, la requérante soutient que, même à supposer que l’attention du public se porterait sur l’élément figuratif en forme de diamant dans les marques en conflit, comme l’a considéré la chambre de recours, ledit élément est différent dans chacune d’elles, en ce que, dans la marque antérieure, le diamant est en deux dimensions et au premier plan, tandis que, dans la marque demandée, le diamant est en trois dimensions et se trouve caché par l’élément verbal.

28      En second lieu, en ce qui concerne la comparaison conceptuelle, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir surestimé le concept découlant des éléments figuratifs représentant un diamant dans les marques en conflit. Selon la requérante, cet élément ne possède qu’un faible caractère distinctif, de sorte que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ces marques sont identiques de manière limitée sur le plan conceptuel serait erronée. Pour la requérante, le degré de similitude conceptuelle entre lesdites marques devrait être considéré comme étant tout au plus faible.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

30      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

31      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

32      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

33      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours quant à la comparaison entre la marque verbale antérieure et la marque demandée. Ces appréciations ne font donc pas l’objet du présent litige.

34      Par ailleurs, dans la mesure où la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur la comparaison des produits en cause (voir point 16 ci-dessus), celle-ci ne fait pas non plus l’objet du présent litige.

35      En premier lieu, pour ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a constaté, au point 22 de la décision attaquée, que la division d’opposition avait considéré à juste titre que le territoire pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion était l’ensemble de l’Union, car les marques antérieures étaient des marques de l’Union européenne. Elle a de même constaté, à l’instar de la division d’opposition, que les produits désignés par les marques antérieures s’adressaient exclusivement à un public professionnel de différents secteurs spécialisés, tandis que certains produits visés par la marque demandée pouvaient cibler à la fois le grand public et les professionnels, dont le niveau d’attention serait relativement élevé.

36      Ces appréciations de la chambre de recours, qui ne sont au demeurant pas contestées par la requérante, doivent être approuvées. Même dans l’hypothèse où, comme la chambre de recours l’a relevé au point 23 de la décision attaquée, la définition du public pertinent devrait être plus restreinte à la suite de l’appréciation des preuves de l’usage des marques antérieures par la division d’opposition, cette appréciation quant au public pertinent demeure valable aux fins d’examiner les deux aspects contestés par la requérante dans le cadre du présent moyen, à savoir les comparaisons visuelle et conceptuelle des marques en conflit.

37      En second lieu, pour ce qui concerne la comparaison des marques en conflit, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques par le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

38      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43).

39      En l’espèce, les signes à comparer sont respectivement la marque figurative demandée ASI ADVANCED SUPERABRASIVES, reproduite au point 2 ci-dessus, et la marque figurative antérieure ADI, reproduite au point 6 ci-dessus.

40      Ainsi, il y a lieu de constater que la marque figurative antérieure est composée d’un élément verbal de trois lettres et d’un élément figuratif de grande taille représentant un diamant bidimensionnel. En particulier, les lettres majuscules « A », « D » et « I » de l’élément verbal sont placées sur l’élément figuratif, chacune à l’intérieur des trois facettes du diamant. Pour sa part, la marque demandée est composée d’un élément verbal de trois lettres, à savoir les lettres majuscules « A », « S » et « I », situées au premier plan d’un élément figuratif représentant un diamant tridimensionnel. La marque demandée comporte également un second élément verbal formé par les termes « ADVANCED SUPERABRASIVES », écrits en lettres majuscules dans une taille plus petite.

41      S’agissant des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, premièrement, que l’élément verbal « advanced superabrasives » de la marque demandée était dépourvu de caractère distinctif pour les produits en cause, au moins pour la partie anglophone du public pertinent, deuxièmement, que les éléments verbaux en lettres majuscules « ADI » et « ASI » étaient distinctifs, car ils seraient perçus comme dépourvus de signification et, troisièmement, que les éléments figuratifs représentant un diamant dans les marques en conflit ne possédaient qu’un caractère distinctif limité ou faible, étant donné que les diamants faisaient référence au matériau dont les produits en cause étaient composés et étaient laudatifs quant à leur dureté.

42      Ces appréciations de la chambre de recours, qui ne sont au demeurant pas contestées par la requérante dans le cadre du présent moyen, doivent être approuvées.

43      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’éventuel caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [voir arrêts du 28 avril 2016, Gervais Danone/EUIPO – Mahou (B’lue), T‑803/14, non publié, EU:T:2016:251, point 25 et jurisprudence citée, et du 8 novembre 2017, Pempe/EUIPO – Marshall Amplification (THOMAS MARSHALL GARMENTS OF LEGENDS), T‑271/16, non publié, EU:T:2017:787, point 51 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 avril 2019, Užstato sistemos administratorius/EUIPO – DPG Deutsche Pfandsystem (Représentation d’une bouteille avec une flèche), T‑477/18, non publié, EU:T:2019:240, point 39].

44      Tel est le cas, en l’espèce, de l’élément figuratif commun représentant un diamant dans les marques en conflit, non négligeable par rapport aux éléments verbaux respectifs « ADI » et « ASI », qui est susceptible d’être gardé en mémoire par le public pertinent en raison de sa taille et de sa position.

45      S’agissant de la comparaison phonétique, il convient également d’approuver l’appréciation de la chambre de recours, au demeurant non contestée par la requérante, selon laquelle il existait un faible degré de similitude phonétique entre les marques en conflit.

46      En revanche, la requérante conteste les appréciations de la chambre de recours relatives aux comparaisons visuelle et conceptuelle des marques en conflit. En effet, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, premièrement, que la marque figurative antérieure et la marque demandée présentaient un degré de similitude visuelle « au moins moyen » et, deuxièmement, que ces marques étaient conceptuellement identiques dans la mesure limitée où elles faisaient toutes deux référence au même concept faiblement distinctif d’un diamant.

47      S’agissant de la comparaison sur le plan visuel, tout d’abord, force est de constater que, ainsi qu’il ressort du point 28 de la décision attaquée, les marques en conflit ont en commun un élément verbal de trois lettres, dont le caractère distinctif n’est pas contesté. Cet élément verbal comporte deux lettres identiques dans la même position, à savoir, la lettre majuscule « A », comme première lettre, et la lettre majuscule « I », comme dernière lettre. La seule différence entre l’élément verbal des marques en conflit se situe dès lors, non pas aux extrémités des mots, comme le relève l’intervenante, mais dans leur lettre centrale, à savoir la lettre majuscule « D » dans la marque antérieure et la lettre majuscule « S » dans la marque demandée.

48      Dans ces circonstances, même s’il est vrai que la similitude de deux lettres dans des marques courtes ne saurait suffire en tant que telle pour conclure dans tous les cas à leur similitude [voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, Nonnemacher/EUIPO – Ingram (WKU), T‑389/18, non publié, EU:T:2019:438, point 59], en l’espèce, le fait que l’élément verbal distinctif des marques en conflit contienne, parmi ses trois lettres, deux lettres identiques en début et en fin de mot leur confère un degré de similitude sur le plan visuel qui ne saurait être considéré comme faible et doit être regardé comme moyen. À cet égard, il y a lieu de préciser que les légères différences stylistiques mises en avant par la requérante dans l’élément verbal de chacune des marques en conflit ne sont pas suffisantes pour remettre en cause une telle constatation.

49      Il convient également de relever que les éléments verbaux respectifs des marques en conflit, à savoir « ADI » et « ASI », sont placés dans une position similaire sur l’élément figuratif de chaque marque, de sorte que, même si lesdits éléments présentent certaines différences positionnelles, comme le fait valoir la requérante, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les similitudes l’emportent sur lesdites différences. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 28 de la décision attaquée, la prise en considération des détails de différenciation spécifiques des marques en conflit nécessiterait en l’espèce un examen détaillé de la part des consommateurs. Or, selon une jurisprudence constante, même pour un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, il n’en demeure pas moins que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire [arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26 ; voir, également, arrêt du 15 octobre 2020, Rothenberger/EUIPO – Paper Point (ROBOX), T‑49/20, non publié, EU:T:2020:492, point 99 et jurisprudence citée].

50      En outre, les marques en conflit ont en commun un élément figuratif de grande taille représentant un diamant. Malgré le faible caractère distinctif de cet élément dans les deux marques (voir point 44 ci-dessus), le degré élevé de similitude entre ces deux éléments figuratifs communs représentant un diamant accentue le fait que les marques en conflit présentent une similitude visuelle moyenne qui va au-delà d’un faible degré, étant cependant entendu que cette similitude est principalement due à leurs éléments verbaux distinctifs « ADI » et « ASI ».

51      Enfin, alors que la requérante fait valoir que l’élément verbal « advanced superabrasives » de la marque demandée contribue à la différencier de la marque figurative antérieure, il y a lieu de constater que cet élément n’est pas susceptible de retenir l’attention du public, compte tenu de son caractère non distinctif, d’ailleurs non contesté par la requérante, et de sa position très secondaire, voire négligeable, dans la marque demandée.

52      Par ailleurs, s’agissant des décisions antérieures de la chambre de recours invoquées par la requérante à l’appui de son argumentation, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 et jurisprudence citée). En tout état de cause, il convient de relever que les décisions invoquées ne concernent pas l’analyse de marques caractérisées par des termes à trois lettres combinés à un élément figuratif de similitude élevée, de sorte qu’elles ne peuvent pas être directement comparées au cas d’espèce.

53      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu que les marques en conflit présentaient un degré « au moins moyen » de similitude sur le plan visuel.

54      S’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, d’une part, il y a lieu de constater que les éléments verbaux distinctifs des marques en conflit, à savoir « ADI » et « ASI », en tant qu’acronymes des noms respectifs de l’intervenante et de la requérante, ne revêtent aucune signification claire pour le public pertinent.

55      D’autre part, pour autant que les marques en conflit ont un élément figuratif commun représentant un diamant, lequel, ainsi qu’il a été établi au point 44 ci-dessus, n’est pas négligeable dans l’impression visuelle d’ensemble en raison de sa taille et de sa position, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée, que lesdites marques sont conceptuellement identiques dans la mesure limitée où elles font référence au même concept d’un diamant.

56      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une similitude conceptuelle repose sur un élément faiblement distinctif, voire descriptif, elle joue un rôle limité et revêt une incidence moindre dans l’appréciation du risque de confusion (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, ROBOX, T‑49/20, non publié, EU:T:2020:492, point 92 et jurisprudence citée).

57      En l’espèce, au vu du caractère distinctif faible de l’élément figuratif représentant un diamant, le résultat de la comparaison conceptuelle entre les marques en conflit n’est susceptible d’avoir qu’une incidence limitée sur l’appréciation globale du risque de confusion.

58      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant, au point 32 de la décision attaquée, que les marques en conflit étaient conceptuellement identiques dans la mesure limitée où elles faisaient toutes deux référence au même concept faiblement distinctif d’un diamant, malgré la faiblesse de ce concept. La chambre de recours a ainsi constaté, en substance, que, au vu du caractère distinctif faible de l’élément figuratif représentant un diamant, le résultat de la comparaison conceptuelle entre les marques en conflit n’était susceptible d’avoir qu’une incidence limitée sur l’appréciation globale du risque de confusion.

59      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que, d’une part, le degré de similitude visuelle entre les marques en conflit était « au moins moyen » et, d’autre part, que lesdites marques étaient identiques sur le plan conceptuel, mais que cette identité ne revêtait qu’une incidence limitée sur l’appréciation globale du risque de confusion.

60      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés de la violation de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et de l’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2018/625

61      Par ses deuxième et quatrième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir examiné dans la décision attaquée les arguments de l’intervenante quant au caractère distinctif accru des marques antérieures et d’avoir décidé, en revanche, de renvoyer l’affaire devant la division d’opposition pour son réexamen.

62      La requérante relève, en particulier, que l’intervenante a fondé son opposition sur le caractère distinctif accru des marques antérieures et que cette revendication a été réitérée dans le cadre de son recours contre la décision de la division d’opposition. Dans ces circonstances, la chambre de recours était, selon la requérante, dans l’obligation, conformément à l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et à l’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2018/625, d’examiner non seulement la similitude des marques en conflit, mais également le prétendu caractère distinctif accru des marques antérieures. La requérante considère que, en renvoyant l’affaire devant la division d’opposition, la chambre de recours a commis une erreur de procédure dont la conséquence serait l’allongement infondé de la procédure d’opposition. Elle rappelle également que, conformément à la jurisprudence, le contrôle exercé par les chambres de recours implique une nouvelle appréciation du litige dans son ensemble, les chambres de recours devant intégralement réexaminer l’affaire initiale et tenir compte des preuves produites en temps utile. Enfin, la requérante conclut en faisant valoir que, si la chambre de recours avait examiné le caractère distinctif accru des marques antérieures, elle aurait dû constater l’absence de celui-ci.

63      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

64      L’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 prévoit ce qui suit :

« À la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure. »

65      L’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2018/625 dispose ce qui suit :

« L’examen du recours porte sur les revendications ou demandes suivantes, à condition qu’elles aient été présentées dans le mémoire exposant les motifs du recours ou, le cas échéant, dans le recours incident et qu’elles aient été présentées en temps utile dans la procédure devant l’instance de l’[EUIPO] qui a adopté la décision objet du recours :

[…]

b) la reconnaissance de la marque antérieure sur le marché acquise par l’usage aux fins de l’article 8, paragraphe 1, [sous] b), du règlement (UE) 2017/1001 ;

[…] »

66      D’emblée, il y a lieu de considérer qu’il ressort de l’utilisation du verbe « peut », à l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, que la chambre de recours de l’EUIPO jouit d’un large pouvoir d’appréciation aux fins de « soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure ».

67      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, dans le cadre du recours formé par l’intervenante contre la décision de la division d’opposition au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, la chambre de recours, aux points 16 et 17 de la décision attaquée, a constaté que la division d’opposition avait commis une violation des formes substantielles en n’examinant pas, à la lumière des éléments de preuve présentés par l’intervenante, l’argument selon lequel les marques antérieures jouissaient d’un caractère distinctif accru.

68      En second lieu, il convient de relever que, sur le fondement des considérations qui précèdent, la chambre de recours a décidé d’annuler dans son intégralité la décision de la division d’opposition et de renvoyer l’affaire à cette dernière, tout en précisant ce qui suit au point 36 de la décision attaquée :

« Compte tenu de l’intérêt légitime des parties à ce que l’affaire soit examinée par les deux instances de l’[EUIPO], l’affaire est renvoyée à la division d’opposition, conformément à l’article 71, paragraphe 1, deuxième phrase, du [règlement 2017/1001], pour examiner les preuves de l’usage et, si nécessaire, comparer les produits et services, pour apprécier la revendication de l’opposante concernant le caractère distinctif accru de ses marques antérieures […] et pour évaluer globalement le risque de confusion en tenant compte de tous les facteurs pertinents dans la présente affaire et en tenant compte de la comparaison des signes effectuée [par la chambre de recours dans la décision attaquée,] qui lie la division d’opposition. »

69      Force est de constater que la chambre de recours a ainsi exercé le large pouvoir d’appréciation que lui reconnaît l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 (voir point 66 ci-dessus), notamment aux fins de renvoyer l’affaire à la première instance [voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2021, Nosio/EUIPO – Tros del Beto (ACCUSÌ), T‑300/20, non publié, EU:T:2021:223, point 62]. Ce faisant, la chambre de recours a décidé de renvoyer l’affaire devant la division d’opposition afin de poursuivre la procédure et, en particulier, d’examiner les aspects lacunaires ou erronés de la décision annulée de cette instance, en vue d’apprécier globalement, à la lumière de tous les facteurs pertinents, le risque de confusion en l’espèce.

70      Dès lors, faute d’arguments de la requérante à l’encontre des motifs spécifiques invoqués pour renvoyer l’affaire devant la division d’opposition en l’espèce, notamment l’intérêt légitime des parties à ce que l’affaire soit examinée par les deux instances de l’EUIPO, aucune erreur ne saurait être reprochée à la chambre de recours sur le fondement de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

71      Une telle conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause sur le fondement de l’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2018/625. Comme l’EUIPO le soutient à juste titre, cet article, intitulé « Examen du recours », a pour objet de délimiter la portée des recours devant les chambres de recours de l’EUIPO et non pas de limiter le pouvoir d’appréciation de ces dernières aux fins de renvoyer l’affaire devant la division d’opposition. Au demeurant, eu égard à la hiérarchie des normes, une disposition du règlement délégué 2018/625 ne saurait limiter un pouvoir d’appréciation conféré aux chambres de recours de l’EUIPO par une disposition du règlement de base 2017/1001.

72      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a violé ni l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ni l’article 27, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2018/625.

73      Les deuxième et quatrième moyens doivent donc être rejetés, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé de l’argumentation de la requérante visant à faire constater l’absence de caractère distinctif accru des marques antérieures.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625

74      Par son troisième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a appliqué de manière erronée l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, en considérant que les éléments de preuve produits pour démontrer l’usage de la marque antérieure devaient également être pris en considération dans l’appréciation de l’argument de l’intervenante selon lequel les marques antérieures possédaient un caractère distinctif accru.

75      La requérante souligne que, même si l’intervenante a revendiqué le caractère distinctif accru des marques antérieures devant la division d’opposition, elle n’a pas présenté d’autres éléments que ceux destinés à prouver l’usage de ses marques. Selon la requérante, ce n’est qu’au stade du recours contre la décision de la division d’opposition que l’intervenante a soutenu que ces preuves démontraient le caractère distinctif accru de ses marques. Par conséquent, lesdits éléments de preuve seraient tardifs aux fins de la démonstration du caractère distinctif accru desdites marques.

76      La requérante allègue également que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne remplissent aucune des conditions exigées par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625. D’une part, ils ne seraient pas pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif accru des marques antérieures, en ce qu’il ne s’agirait pas de sondages d’opinion publique, de prix, d’articles parus dans la presse sectorielle, etc. D’autre part, aucune raison valable n’aurait été avancée par la chambre de recours pour justifier la prise en considération tardive des preuves relatives à l’usage comme des preuves relatives au caractère distinctif accru de ces marques.

77      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

78      L’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, prévoit que « [l’EUIPO] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile ».

79      L’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 dispose ce qui suit :

« Conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001, la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves répondent aux exigences suivantes :

a)      ils semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire ; et

b)      ils n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées ou examinés d’office par la première instance dans la décision objet du recours. »

80      En ce qui concerne l’allégation de l’intervenante relative au caractère distinctif accru de ses marques antérieures, la chambre de recours a estimé, aux points 35 et 36 de la décision attaquée, qu’il convenait que la division d’opposition prît en considération, en vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, non seulement les éléments de preuve déposés le 8 mai 2018 par l’intervenante lors de la procédure d’opposition devant l’EUIPO, mais également la preuve produite le 4 octobre 2018 et destinée à démontrer l’usage des marques antérieures en réponse à la demande de la requérante en ce sens.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, citée par la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, les preuves d’usage et les preuves du caractère distinctif accru ou de la renommée sont indissociables, de sorte que, en considérant que seul un formalisme excessif et illégitime voudrait que les preuves d’usage ne puissent pas être présentées au titre de preuves du caractère distinctif accru ou de la renommée, une chambre de recours fait usage de son pouvoir d’appréciation découlant de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en décidant qu’il y a lieu de prendre en compte lesdits éléments et en estimant qu’ils revêtent une réelle pertinence pour apprécier le caractère distinctif accru ou la renommée de la marque antérieure [voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2015, Tsujimoto/OHMI – Kenzo (KENZO ESTATE), T‑414/13, non publié, EU:T:2015:923, point 23 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 65].

82      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, tant les éléments de preuve produits par l’intervenante le 8 mai 2018 dans le cadre de son opposition que ceux produits le 4 octobre 2018 en réponse à la demande de preuve d’usage de la requérante (voir point 8 ci-dessus) sont pertinents et doivent être pris en considération par la division d’opposition, conformément au point 2 du dispositif de la décision attaquée, aux fins d’examiner, dans le cadre du renvoi devant ladite instance, la revendication de l’intervenante concernant le caractère distinctif accru de ses marques antérieures. Lesdits éléments ne sauraient donc être nécessairement considérés comme tardifs ou non pertinents à cette fin, comme le prétend la requérante.

83      Par ailleurs, il convient de préciser que l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 n’est pas applicable en l’espèce, faute de « faits invoqués ou [de] preuves produites pour la première fois devant [la chambre de recours] », les preuves d’usage (ou de caractère distinctif accru) en cause ayant été présentées devant la division d’opposition.

84      Il y a donc lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, en considérant que les éléments de preuve produits afin de prouver l’usage des marques antérieures devaient également être pris en considération dans l’appréciation de l’argument de l’intervenante selon lequel ces marques jouissaient d’un caractère distinctif accru.

85      Le troisième moyen doit donc être rejeté.

86      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

88      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

89      Par ailleurs, dans la mesure où l’intervenante conclut à ce que la requérante soit condamnée également aux dépens exposés par elle à tous les stades de la procédure, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, ce sont les points 3 et 4 du dispositif de cette dernière qui continuent à régler les dépens exposés dans la procédure d’opposition et dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Advanced Superabrasives, Inc. est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.