Language of document : ECLI:EU:T:2003:234

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 septembre 2003 (1)

«Marque communautaire - Recevabilité du recours devant la chambre de recours - Exigences des formes - Dépôt d'un mémoire exposant les motifs du recours - Délai d'introduction de la requête de ‘restitutio in integrum’ - Articles 59 et 78 du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-71/02,

Classen Holding KG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Me S. von Petersdorff-Campen, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Laitinen, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

l'intervenant devant le Tribunal étant

International Paper Co., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Me E. Armijo Chávarri, avocat,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 14 décembre 2001 (affaire R 810/1999-2), déclarant irrecevable, à la suite du rejet de la requête de «restitutio in integrum», le recours introduit contre la décision de la division d'opposition concernant une procédure d'opposition entre Classen Holding KG et International Paper Co.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi et M. Vilaras, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 30 avril 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 59 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, prévoit:

«Délai et forme

Le recours doit être formé par écrit auprès de l'Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision. Le recours n'est considéré comme formé qu'après paiement de la taxe de recours. Un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision.»

2.
    L'article 78, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 40/94 dispose:

«Restitutio in integrum

1. Le demandeur ou le titulaire d'une marque communautaire ou toute autre partie à une procédure devant l'Office qui, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n'a pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'Office est, sur requête, rétabli dans ses droits si l'empêchement a eu pour conséquence directe, en vertu des dispositions du présent règlement, la perte d'un droit ou celle d'un moyen de recours.

2. La requête doit être présentée par écrit dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement. L'acte non accompli doit l'être dans ce délai. [...]

3. La requête doit être motivée et indiquer les faits et les justifications invoquées à son appui. Elle n'est réputée présentée qu'après paiement de la taxe de restitutio in integrum.»

3.
    La règle 49, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d'application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), est libellée comme suit:

«Rejet du recours pour irrecevabilité

1. Si le recours ne remplit ni les conditions prévues aux articles 57, 58 et 59 du règlement ni celles énoncées à la règle 48 paragraphe 1 [sous] c) et paragraphe 2, la chambre de recours le rejette comme irrecevable, à moins qu'il n'ait été remédié, avant l'expiration du délai correspondant fixé à l'article 59 du règlement, à toutes les irrégularités constatées.»

Faits à l'origine du recours

4.
    Le 1er avril 1996, International Paper Co. (ci-après l'«intervenante») a présenté une demande d'enregistrement de marque communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement n° 40/94.

5.
    La marque dont l'enregistrement a été demandé est le signe verbal BECKETT EXPRESSION.

6.
    Les produits pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 16 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante: «Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes; produits de l'imprimerie; articles pour reliures; photographies; papeterie, adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage; matériel pour les artistes; pinceaux; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles); matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); matières plastiques pour l'emballage (non comprises dans d'autres classes); cartes à jouer; caractères d'imprimerie; clichés».

7.
    La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 22/97, du 6 octobre 1997.

8.
    Le 23 décembre 1997, la requérante, agissant sous sa dénomination antérieure, à savoir «Classen-Papier KG», a formé une opposition en vertu de l'article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. L'opposition était fondée sur l'enregistrement en Allemagne de la marque verbale Expression pour les produits qui relèvent de la classe 16 au sens de l'arrangement de Nice et qui correspondent à la description suivante: «Papier, carton, articles en papier ou en carton».

9.
    Par décision du 8 octobre 1999, notifiée le même jour par télécopie à la requérante, la division d'opposition a rejeté l'opposition au motif que, eu égard à la différence des signes en cause, l'identité des produits ne suffisait pas pour démontrer un risque de confusion, au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur le territoire pertinent de la Communauté, à savoir l'Allemagne.

10.
    Le 30 novembre 1999, la requérante a formé un recours, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, visant à l'annulation de la décision de la division d'opposition. Un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 10 février 2000.

11.
    Par courrier électronique du 26 avril 2000, le greffe des chambres de recours de l'OHMI a informé la requérante que, en vertu des dispositions de l'article 59 du règlement n° 40/94, le mémoire exposant les motifs du recours aurait dû être déposé dans un délai de quatre mois à compter de la notification à l'opposante de la décision de la division d'opposition, c'est-à-dire au plus tard le 8 février 2000. Il était ajouté que le mémoire exposant les motifs du recours avait été déposé le 10 février 2000 et que, dès lors, «le recours [était] vraisemblablement irrecevable». La requérante était invitée à déposer ses éventuelles observations sur ce point, pièces justificatives à l'appui, au plus tard le 26 juin 2000.

12.
    Par lettre du 29 mai 2000, arrivée à l'OHMI le 30 mai 2000, la requérante a présenté une requête de restitutio in integrum fondée sur l'article 78 du règlement n° 40/94. La requérante y a fait valoir que le délai prescrit pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours n'avait pas été observé en raison de la maladie de son représentant. Une déclaration écrite sous serment a été fournie à cet effet.

13.
    Par décision du 14 décembre 2001 (ci-après la «décision attaquée»), la deuxième chambre de recours de l'OHMI a déclaré le recours irrecevable et a rejeté la demande de restitutio in integrum. Le point 16 de la décision attaquée se lit comme suit:

«En l'espèce, il est établi que l'‘empêchement’ au sens de l'article 78, paragraphe 2, [du règlement n° 40/94] consistait en la maladie du représentant de l'opposante. Cet empêchement a cessé lorsque le représentant de l'opposante a repris le travail le 10 février 2000 et a signé le mémoire exposant les motifs [du recours]. La requête de restitutio in integrum devait donc être présentée dans un délai de deux mois à compter de cette date, [c'est-à-dire] le 10 avril 2000 au plus tard. Étant donné que la requête n'a été présentée que le 30 mai 2000, elle doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le caractère suffisant de l'empêchement allégué.»

Procédure et conclusions des parties

14.
    Par requête, rédigée en anglais et déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2002, la requérante a introduit le présent recours.

15.
    L'intervenante ne s'est pas opposée, dans le délai fixé à cet effet par le greffe du Tribunal, à ce que l'anglais fût la langue de procédure.

16.
    L'OHMI a déposé son mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 18 juillet 2002. L'intervenante a déposé son mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 24 juillet 2002.

17.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

18.
    La requérante et l'intervenante ont informé le Tribunal, respectivement, les 25 et 28 avril 2003, qu'elles ne se présenteraient pas à l'audience.

19.
    L'OHMI a été entendue en sa plaidoirie et en ses réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 30 avril 2003.

20.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner l'OHMI aux dépens.

21.
    L'OHMI conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

22.
    L'intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 78 du règlement n° 40/94

Arguments des parties

23.
    La requérante affirme que l'inobservation de sa part du délai visé à l'article 59 du règlement n° 40/94 pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours a été due à la fois à la charge de travail et à l'absence du directeur responsable du dossier. Le 3 février 2000, un premier projet de mémoire aurait été dicté par un des juristes chargés des brevets, M. D. Ce projet aurait été dactylographié le jour suivant et placé, par la secrétaire de M. D., Mme S., dans le courrier sortant, avec tous les courriers devant être postés le lundi 7 février 2000.

24.
    La requérante ajoute que Mme S. est la personne ayant la charge de ce dossier, ainsi que du traitement des marques en général, et qu'elle est aussi responsable du contrôle et du suivi des délais. Les délais seraient repris dans des livres spéciaux, calendriers et tableaux informatisés, qui seraient vérifiés en permanence. La date limite interne pour finaliser ce mémoire et l'envoyer à l'OHMI aurait été le 7 février 2000. Cela aurait été noté dans les livres spéciaux ainsi que dans l'agenda de Mme S.

25.
    Or, ce même jour, M. D. aurait été dans l'impossibilité de se rendre au travail pour cause de maladie. Dès que Mme S. a appris que M. D. ne pouvait pas reprendre le travail avant le 10 février 2000, elle aurait vérifié le courrier des sorties dans le bureau de celui-ci, mais aurait négligé le mémoire qui devait être envoyé le jour suivant et était prêt pour la signature. De ce fait, le mémoire exposant les motifs du recours n'aurait été signé par aucun des collaborateurs et serait resté dans le bac à courrier.

26.
    Au retour de M. D., le 10 février 2000, le mémoire exposant les motifs du recours aurait été très légèrement modifié, signé et faxé à l'OHMI. Toutefois, en raison de l'absence de M. D. et d'une charge de travail importante, le fait d'avoir dépassé de deux jours la date limite n'aurait été remarqué ni par M. D. ni par Mme S.

27.
    La requérante considère que c'est en raison de la maladie de M. D. et de sa charge de travail ainsi que de celle de Mme S. que le délai de dépôt du mémoire exposant les motifs du recours n'a pu être respecté. Il s'agirait là d'un empêchement au sens de l'article 78 du règlement n° 40/94. Or, il y aurait lieu de retenir que cet empêchement n'a cessé qu'au jour de la notification par le courrier de l'OHMI, à savoir le 26 avril 2000. En conséquence, la requérante considère que sa demande de restitutio in integrum, déposée le 30 mai 2000, a été présentée dans le délai de deux mois prévu par l'article 78 du règlement n° 40/94.

28.
    À titre subsidiaire, la requérante soutient que, quand bien même la demande du 29 mai 2000 devrait être considérée comme ayant été déposée après l'expiration du délai prévu à l'article 78 du règlement n° 40/94, une demande de restitutio in integrum figurait implicitement dans le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 10 février 2000.

29.
    Pour sa part, l'OHMI, soutenu par l'intervenante sur ce point, considère qu'il est constant en l'espèce que l'empêchement en question a cessé à la fin de la maladie de M. D. et non, contrairement à ce que prétend la requérante, avec le courrier de l'OHMI relevant l'inobservation du délai pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours.

30.
    Par son courrier du 26 avril 2000, l'OHMI aurait seulement donné à la requérante la possibilité de montrer que sa première impression concernant la présentation tardive du mémoire exposant les motifs du recours était en réalité erronée. L'OHMI ajoute que ledit courrier n'impliquait pas, contrairement à ce que suggère la requérante, que courait un nouveau délai pour introduire une requête de restitutio in integrum à compter de son envoi. Ce courrier n'aurait eu aucune incidence sur le délai ayant couru à compter de la cessation de l'empêchement en question.

31.
    L'OHMI en conclut que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que l'empêchement, en l'occurrence l'absence pour raison de maladie, a indéniablement cessé le 10 février 2000, lorsque M. D. a repris le travail et signé le mémoire exposant les motifs du recours. L'OHMI soutient que, dès ce moment, le représentant aurait dû, en bon père de famille et de sa propre initiative, déposer une demande de restitutio in integrum dans un délai de deux mois, à savoir le 10 avril 2000 au plus tard. La demande n'ayant été déposée que le 30 mai 2000, soit quelque trois mois et demi après la «cessation de l'empêchement», la chambre l'aurait rejetée à juste titre.

32.
    L'OHMI fait en outre valoir que les délais en question ne sont pas laissés à sa discrétion.

33.
    L'intervenante souligne par ailleurs que les délais impartis ne sauraient faire l'objet d'une interprétation flexible, eu égard aux intérêts des autres parties.

34.
    Elle ajoute que les conditions de l'article 78 du règlement n° 40/94 ne seraient en aucun cas réunies en l'espèce. En effet, le fait que M. D. n'ait pas noté le retard dans le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours au moment où il a repris le travail ne constituerait pas un empêchement au sens de l'article 78 du règlement n° 40/94, mais démontrerait au contraire que la requérante n'a pas fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

Appréciation du Tribunal

35.
    Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 78, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, «[l]a requête [de restitutio in integrum] doit être présentée par écrit dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement» et que «[l]'acte non accompli doit l'être dans ce délai».

36.
    Or, la requérante considère, en substance, que le prétendu empêchement n'a cessé qu'au jour de la notification du courrier de l'OHMI daté du 26 avril 2000, dans lequel son attention était attirée sur le fait que le mémoire exposant les motifs du recours avait été déposé avec retard. Elle retient, dès lors, que le délai de deux mois, prévu par l'article 78 du règlement n° 40/94, n'a commencé à courir qu'à compter de cette date.

37.
    Partant, il y a lieu d'examiner à quel moment le prétendu empêchement a cessé.

38.
    À cet égard, il est constant que M. D. est retourné au travail, après sa maladie, le 10 février 2000, date à laquelle le mémoire exposant les motifs du recours a été signé par lui et envoyé à l'OHMI. Ainsi, même à supposer que les circonstances entourant le dépôt tardif du mémoire exposant les motifs du recours, à savoir la maladie de M. D. et sa charge de travail ainsi que celle de Mme S., constituent un empêchement au sens de l'article 78 du règlement n° 40/94, ce que l'OHMI ne conteste pas, cet empêchement a naturellement cessé à partir du moment où M. D. est retourné au travail. En effet, le 10 février 2000, quand M. D. a signé le mémoire exposant les motifs du recours, ledit empêchement avait cessé. En outre, c'est à ce moment qu'il aurait pu constater que le mémoire en question était en retard.

39.
    Par ailleurs, Mme S. aurait dû remarquer ce retard au moment où le mémoire a été envoyé à l'OHMI. En effet, il ressort de la description de son système de vérification des délais, exposé au point 24 ci-dessus et dans la demande de restitutio in integrum, que la requérante a donné à ses collaborateurs l'instruction générale de veiller à l'observation des délais. Selon les propres explications de la requérante, Mme S. était la personne en charge du dossier en cause et du traitement des marques en général, ainsi que la personne responsable du contrôle et du suivi des délais. Selon la requérante, les délais sont repris dans des livres spéciaux, calendriers et tableaux informatisés, qui sont vérifiés en permanence. La date limite interne pour finaliser le mémoire en question et l'envoyer à l'OHMI aurait été le 7 février 2000. Cela aurait été noté dans les livres spéciaux ainsi que dans l'agenda de Mme S.

40.
    Ainsi, même à supposer que la maladie de M. D., combinée avec l'erreur alléguée de Mme S. constituent un empêchement au sens de l'article 78 du règlement n° 40/94, il ne saurait être admis que l'absence de détection de l'inobservation du délai pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours ait pu uniquement résulter, ainsi que le soutient la requérante, de la négligence de Mme S., qui n'a pas détecté le mémoire en question parmi le courrier des sorties dans le bureau de M. D. En effet, le système de vérification des délais en vigueur au sein du bureau de la requérante aurait dû normalement permettre une prompte détection de cette erreur, étant rappelé que les livres spéciaux, calendriers et tableaux informatisés sont, selon les propres dires de la requérante, vérifiés en permanence [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 juin 2001, Ruf et Stier/OHMI (Image «DAKOTA»), T-146/00, Rec. p. II-1797, points 56 à 61].

41.
    Ces considérations ne sauraient être remises en cause par l'argument de la requérante selon lequel ce n'est qu'à partir du moment où l'OHMI notifie un retard dans le dépôt d'un mémoire exposant les motifs du recours que le délai prévu par l'article 78 du règlement n° 40/94 commence à courir. D'une part, il y a lieu en effet de faire observer que ledit courrier relève d'une pratique de l'OHMI à laquelle ce dernier n'est aucunement tenu en vertu des dispositions pertinentes du règlement n° 40/94 et ne saurait, en tout état de cause, avoir d'incidence sur le point de départ du délai imparti pour introduire une demande de restitutio in integrum. D'autre part, il convient de souligner qu'une telle interprétation serait manifestement contraire au libellé de l'article 78, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Partant, cet argument ne saurait être accueilli.

42.
    Dès lors, la demande de restitutio in integrum aurait dû être déposée, au plus tard, le 10 avril 2000. La chambre de recours a donc considéré à juste titre que la demande de restitutio in integrum avait été déposée hors du délai de deux mois prévu par l'article 78 du règlement n° 40/94.

43.
    L'argument que la requérante fait valoir à titre subsidiaire, tendant à ce qu'une demande de restitutio in integrum figurait implicitement dans le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 10 février 2000, ne saurait non plus être accueilli.

44.
    À cet égard, il y a lieu d'observer qu'aucun élément du mémoire exposant les motifs du recours ne permet d'inférer une demande de restitutio in integrum. En tout état de cause, il ressort clairement de l'article 78, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 40/94 que la demande de restitutio in integrum doit être présentée par requête motivée et indiquant les faits et les justifications invoqués à son appui. Aussi la demande de restitutio in integrum doit-elle faire l'objet d'un acte séparé, distinct de l'acte par lequel est introduit le recours.

45.
    En outre, conformément à l'article 78, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, une demande de restitutio in integrum n'est réputée présentée qu'après paiement de la taxe de restitutio in integrum. Or, ainsi qu'il ressort en l'espèce de la demande de restitutio in integrum, ce n'est que le 29 mai 2000, lors du dépôt de la demande, que la requérante a acquitté ladite taxe. Il ne saurait dès lors être considéré qu'une demande de restitutio in integrum figurait implicitement dans le mémoire exposant les motifs du recours.

46.
    Partant, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l'article 59 du règlement n° 40/94

Arguments des parties

47.
    La requérante soutient que le dépôt d'un mémoire exposant les motifs du recours n'est pas une condition de recevabilité du recours. Même si le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé hors délai, le recours demeurerait recevable. Selon la requérante, la chambre de recours aurait disposé d'éléments suffisants pour statuer sur le recours, ce dernier ayant été formé et la taxe de recours payée dans le délai de deux mois prévu par l'article 59 du règlement n° 40/94.

48.
    La requérante en conclut que l'OHMI, en rejetant son recours au motif que le mémoire en exposant les motifs n'a pas été déposé dans le délai imparti, a violé son droit à une procédure équitable et a porté atteinte, de ce fait, à ses droits fondamentaux.

49.
    Pour sa part, l'OHMI, soutenu par l'intervenante sur ce point, souligne que le dépôt d'un mémoire exposant les motifs du recours, conformément à l'article 59 du règlement n° 40/94, est obligatoire sous peine d'irrecevabilité du recours en vertu de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95. Le fait d'avoir formé le recours et payé la taxe afférente dans les délais impartis ne saurait en tout état de cause remédier à l'irrecevabilité du recours, à défaut de mémoire, exposant les motifs du recours, déposé dans les délais impartis. Selon l'OHMI, la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 énoncerait trois conditions distinctes devant être satisfaites cumulativement dans leurs délais respectifs.

Appréciation du Tribunal

50.
    En vertu de la règle 49 du règlement n° 2868/95, un recours n'est recevable que s'il satisfait aux conditions cumulatives énoncées aux articles 57 à 59 du règlement n° 40/94.

51.
    Or, aux termes de l'article 59, dernière phrase, du règlement n° 40/94, «un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision».

52.
    En l'espèce, il est constant que la requérante a déposé un recours le 30 novembre 1999 sans exposer les motifs de son recours et qu'elle a également payé la taxe de recours. Or, il est également constant qu'elle n'a déposé le mémoire exposant les motifs de son recours que le 10 février 2000, alors que la décision de la division d'opposition lui avait été notifiée le 8 octobre 1999. En outre, ainsi qu'il ressort du dossier de l'OHMI, lors de la notification de l'enregistrement du recours, à savoir le 19 décembre 1999, son attention a été attirée par l'OHMI sur le fait qu'un mémoire exposant les motifs du recours devait être déposé dans un délai de quatre mois à partir de la notification de la décision de la division d'opposition.

53.
    Toutefois, le recours du 30 novembre 1999 ne contient pas les motifs du recours. Ils n'ont pas été précisés, fût-ce brièvement, dans le corps même de la requête, mais ont fait l'objet d'un renvoi à un envoi ultérieur. Le recours n'est qu'un formulaire de l'OHMI qui ne contient que les informations de base en ce qui concerne la requérante et la décision attaquée. Il y a lieu de noter également que ce formulaire prévoit expressément que les motifs du recours doivent être joints ou fournis ultérieurement. Étant donné que l'envoi du mémoire exposant les motifs du recours a été fait hors du délai prévu à l'article 59 du règlement n° 40/94, le recours de la requérante doit être considéré comme déposé sans les motifs du recours, ces motifs constituant une condition de recevabilité du recours.

54.
    Eu égard aux termes de l'article 59 du règlement n° 40/94, l'argument de la requérante selon lequel le mémoire exposant les motifs du recours n'est pas une condition de recevabilité du recours ne peut donc pas être retenu.

55.
    Dès lors, le second moyen doit être également rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

Sur la proposition d'audition de témoin

56.
    Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il n'y a pas lieu d'entendre Mme S. comme témoin, le Tribunal ayant pu utilement se prononcer sur la base des conclusions, moyens et arguments développés au cours de la procédure écrite et au vu des documents produits.

Sur les dépens

57.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l'OHMI et par la partie intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Tiili
Mengozzi

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 septembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: l'anglais.