Language of document : ECLI:EU:T:2019:374

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 juin 2019 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur les territoires des États membres – Réparation du dommage prétendument subi par la requérante à la suite de l’inclusion et du maintien de son nom dans la liste des personnes et des entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives en cause – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑433/15,

Bank Saderat plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. S. Jeffrey, S. Ashley, A. Irvine, solicitors, Mme M. Demetriou, QC, et M. R. Blakeley, barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. M. Bishop et Mme N. Rouam, puis par M. Bishop et Mme H. Marcos Fraile, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée initialement par M. M. Konstantinidis et Mme D. Gauci, puis par M. Konstantinidis, Mme A. Tizzano et M. C. Zadra, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation des préjudices que la requérante aurait prétendument subis du fait de l’inscription de son nom sur la liste des personnes et des entités désignées figurant dans le règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1), le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1), et le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire appartient à une série d’affaires connexes qui concernent le régime des mesures restrictives adoptées en droit de l’Union européenne à l’encontre des personnes ou des entités prétendument liées aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par la République islamique d’Iran (ci-après la « prolifération nucléaire »).

2        La requérante, Bank Saderat plc, est une société anonyme immatriculée et ayant son siège social au Royaume-Uni, agréée par la Prudential Regulation Authority (Autorité de réglementation prudentielle, Royaume-Uni) et réglementée par cette dernière et le Financial Conduct Authority (Autorité de conduite financière, Royaume-Uni).

3        La requérante est détenue à 100 % par la Bank Saderat Iran (ci-après la « BSI »), une banque iranienne.

4        Le 26 juillet 2010, les noms de la BSI et de la requérante ont été inscrits sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39).

5        Par voie de conséquence, les noms de la BSI et de la requérante ont été inscrits sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO 2010, L 195, p. 25). Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

6        Dans la décision 2010/413, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants s’agissant de la BSI :

« La banque Saderat est une banque d’État iranienne (détenue à 94 % par le gouvernement iranien). Elle fournit des services financiers à des entités achetant pour le compte des programmes nucléaires et de missiles [balistiques] de l’Iran. Parmi ces entités figurent des entités désignées dans la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. En mars 2009, la banque Saderat s’occupait encore des [paiements] et des lettres de crédit de l’Organisation des industries de la défense (qui fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]) et d’Iran Electronics Industries. En 2003, la banque Saderat a traité des lettres de crédit pour le compte de la société Mesbah Energy Company, qui est liée au programme nucléaire iranien (et qui a par la suite fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]). »

7        Les motifs retenus dans le règlement d’exécution no 668/2010 à l’égard de la BSI sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

8        Tant dans la décision 2010/413 que dans le règlement d’exécution no 668/2010, la requérante a été identifiée comme étant « [d]étenue à 100 % » par la BSI.

9        La désignation de la requérante a ensuite été maintenue, sans aucune modification des motifs donnés, en vertu d’une série d’actes juridiques supplémentaires, notamment la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO 2010, L 281, p. 81), le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1), la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 319, p. 71), et le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1).

10      De même, la désignation de la BSI s’est poursuivie en vertu de la décision 2010/644. Les motifs retenus à l’égard de la BSI sont les suivants :

« La banque Saderat est une banque iranienne détenue en partie par le gouvernement iranien. Elle fournit des services financiers à des entités achetant pour le compte des programmes nucléaires et de missiles [balistiques] de l’Iran. Parmi ces entités figurent des entités désignées dans la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. En mars 2009, la banque Saderat s’occupait encore des [paiements] et des lettres de crédit de l’Organisation des industries de la défense (qui fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]) et d’Iran Electronics Industries. En 2003, la banque Saderat a traité des lettres de crédit pour le compte de la société iranienne Mesbah Energy Company, qui est liée au programme nucléaire (et qui a par la suite fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]). »

11      Ces motifs ont, en substance, été repris dans le règlement no 961/2010, puis dans le règlement no 267/2012.

12      La requérante et la BSI ont toutes deux contesté leur désignation et demandé son annulation, respectivement dans le cadre des affaires enregistrées sous les numéros T‑495/10 (Bank Saderat/Conseil) et T‑494/10 (Bank Saderat Iran/Conseil).

13      Par arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), le Tribunal a annulé les actes portant désignation de la BSI comme entité concourant à la prolifération nucléaire, au motif que cette désignation n’avait pas été étayée par des preuves. Le pourvoi introduit par le Conseil a été rejeté par l’arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284).

14      Par arrêt du 20 mars 2013, Bank Saderat/Conseil (T‑495/10, non publié, EU:T:2013:142), le Tribunal a annulé les listes litigieuses, pour autant qu’elles concernaient la requérante. Aucun pourvoi n’a été introduit à l’encontre de cet arrêt.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juillet 2015, la requérante a introduit le présent recours.

16      Le 23 octobre 2015, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2015, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.

18      Le 4 et le 9 décembre 2015, respectivement, le Conseil et la requérante ont déposé leurs observations sur la demande d’intervention de la Commission.

19      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 10 décembre 2015, la Commission a été admise à intervenir dans la présente procédure.

20      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 19 janvier 2016, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Conseil/Bank Saderat Iran, enregistrée sous le numéro C‑200/13 P.

21      L’arrêt Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284) ayant été prononcé le 21 avril 2016, la procédure dans la présente affaire a été reprise.

22      Le 14 juin 2016, la Commission a déposé le mémoire en intervention.

23      Le 6 et le 27 juillet 2016, respectivement, la requérante a déposé la réplique et ses observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

24      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 5 octobre 2016, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire Safa Nicu Sepahan/Conseil, enregistrée sous le numéro C‑45/15 P. L’arrêt Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402) ayant été prononcé le 30 mai 2017, la procédure dans la présente affaire a été reprise.

25      Le 19 juillet 2017, le Conseil a déposé la duplique.

26      Par lettre du 7 août 2017, la requérante a demandé la tenue d’une audience et l’adoption de mesures d’instruction visant à faire nommer un expert indépendant qui serait chargé d’examiner les éléments de preuve qu’elle a présentés concernant l’ampleur des pertes qu’elle aurait subies du fait de l’inscription de son nom sur la liste des personnes et des entités désignées.

27      Par lettres des 12 et 27 septembre 2017, respectivement, le Conseil et la Commission ont déposé leurs observations sur la demande de mesures d’instruction.

28      Le 28 février 2018, le Tribunal a décidé de recueillir les observations sur les conséquences à tirer sur le présent recours de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402). La Commission a déféré à cette demande le 14 mars 2018, la requérante et le Conseil, le 15 mars 2018.

29      Le 8 mai 2018, la requérante a déposé ses observations sur la réponse apportée par le Conseil à la question posée par le Tribunal le 28 février 2018.

30      Par décision du président du Tribunal du 5 juin 2018, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la deuxième chambre.

31      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 10 décembre 2018, au cours de laquelle la requérante a indiqué, en réponse à une question du Tribunal à ce sujet, que le présent recours en indemnité se fondait sur des actes d’exécution de décisions de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et non directement sur des décisions de la PESC. Le Tribunal a également demandé à la requérante quelques clarifications concernant certains chefs de conclusions et l’a invitée à produire une mise à jour des montants demandés.

33      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2019, la requérante a déféré à cette demande.

34      La phase orale de la procédure a été clôturée le 7 février 2019.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner le Conseil à lui verser les sommes suivantes :

–        88 906 191 euros au titre du préjudice matériel encouru jusqu’à la date du présent recours ;

–        21 787 819 euros au titre des intérêts sur le montant visé au tiret précédent, à la date du 7 janvier 2019, auxquels s’ajoutent des intérêts journaliers de 10 377 euros à partir du 8 janvier 2019 jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, à titre subsidiaire, au taux de refinancement principal de la Banque centrale européenne (BCE), majoré de 2 % par an à compter du 8 janvier 2019 jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, à titre encore plus subsidiaire, au taux et pour la durée que le Tribunal jugera appropriés ;

–        14 609 275 euros au titre du préjudice matériel, de la date d’introduction du recours à la fin de la période visée par le recours (à savoir jusqu’au 19 avril 2016 inclus) ;

–        des intérêts sur le montant total calculé conformément au tiret précédent et s’élevant à 2 148 438 euros à la date du 7 janvier 2019, auxquels s’ajoutent des intérêts journaliers de 1 705 euros à compter du 8 janvier 2019 jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, à titre subsidiaire au taux de refinancement principal de la BCE, majoré de 2 % par an à compter du 8 janvier 2019 jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, à titre encore plus subsidiaire au taux et pour la durée que le Tribunal jugera appropriés ;

–        1 000 000 euros au titre du préjudice moral ;

–        des intérêts après le prononcé du présent arrêt sur les montants visés aux tirets précédents, au taux annuel de 4,2601 % jusqu’à la date du présent arrêt, à titre subsidiaire au taux de refinancement principal de la BCE, majoré de 2 % par an jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, à titre encore plus subsidiaire au taux et pour la durée que le Tribunal jugera appropriés ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

36      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

37      La Commission conclut au rejet du recours.

 En droit

38      La requérante fait valoir que l’adoption des mesures restrictives en cause lui a occasionné tant un préjudice matériel qu’un préjudice moral dont elle demande réparation.

39      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

40      L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 47 et jurisprudence citée).

41      Le caractère cumulatif de ces trois conditions d’engagement de la responsabilité implique que, lorsque l’une d’entre elles n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 48 et jurisprudence citée).

42      La requérante fait valoir que la condition tenant à l’illégalité du comportement d’une institution est remplie, car l’adoption des actes portant inscription de son nom sur la liste des personnes et des entités désignées constitue une violation suffisamment caractérisée, par le Conseil, d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, de nature, selon la jurisprudence, à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

43      À cet égard, la requérante rappelle que son nom a été inscrit sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire au seul motif qu’elle était une filiale de la BSI. Étant donné que la désignation de la BSI était illégale, comme l’a jugé le Tribunal dans l’arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), confirmé sur pourvoi, la requérante soutient que sa désignation qui découle de celle de la BSI était manifestement dénuée de toute base légale. En outre, l’adoption des actes en cause porterait atteinte à une règle de droit conférant des droits aux particuliers, à savoir au droit de ne pas être soumis à des sanctions illégales adoptées en l’absence d’éléments de preuve à l’appui.

44      Selon la requérante, laquelle se réfère à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986, points 57 et 58), constitue une violation suffisamment caractérisée des dispositions en cause le fait, pour le Conseil, d’inscrire ou de maintenir inscrit le nom d’une personne sur la liste des personnes et des entités désignées alors qu’il ne dispose pas d’informations ou d’éléments de preuve établissant, à suffisance de droit, le bien-fondé des mesures restrictives en cause.

45      La requérante estime également que le Conseil ne peut prétendre que les dispositions qu’il a violées étaient vagues, ambiguës ou peu claires, car, au moment où les actes en cause ont été adoptés, il aurait été clair que le Conseil devait apporter des éléments de preuve à l’appui des mesures restrictives qu’il prenait.

46      Le Conseil soutient que, même s’il lui faut reconnaître, à la suite de l’arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), qu’il a commis une erreur d’appréciation dans l’interprétation et l’application du critère d’inscription pertinent à l’égard de la BSI, et donc également à l’égard de la requérante en sa qualité de filiale de cette dernière, cette erreur ne constituait pas une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

47      Selon le Conseil, jusqu’à ce que la Cour ait rendu l’arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), il n’existait aucune jurisprudence définitive précisant que la fourniture de services financiers, tels que le traitement de lettres de crédit, par une banque iranienne à des entités qui avaient déjà été désignées par les Nations unies et/ou l’Union ne constituait pas en soi un appui à la prolifération nucléaire. En effet, les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil (T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397), et du 16 septembre 2013, Bank Kargoshaei e.a./Conseil (T‑8/11, non publié, EU:T:2013:470), suggéraient le contraire. La jurisprudence n’étant pas encore fixée de manière définitive sur ce point avant l’arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), le Conseil estime qu’il disposait encore d’une marge d’appréciation à cet égard pendant la période qui précédait le prononcé de cet arrêt.

48      Selon une jurisprudence bien établie, la constatation de l’illégalité d’un acte juridique de l’Union, dans le cadre par exemple d’un recours en annulation, ne suffit pas, pour regrettable qu’elle soit, pour considérer que la responsabilité non contractuelle de celle-ci, tenant à l’illégalité du comportement d’une de ses institutions, soit, de ce fait, automatiquement engagée. Pour admettre qu’il est satisfait à cette condition, la jurisprudence exige, en effet, que la partie requérante établisse que l’institution en cause ait commis non pas une simple illégalité, mais une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42 et jurisprudence citée).

49      Par ailleurs, la preuve d’une illégalité suffisamment caractérisée vise à éviter, notamment dans le domaine des mesures restrictives, que la mission que l’institution concernée est appelée à accomplir dans l’intérêt général de l’Union et de ses États membres ne soit entravée par le risque que cette institution soit finalement appelée à supporter les dommages que les personnes concernées par ses actes pourraient éventuellement subir, sans pour autant laisser peser sur ces particuliers les conséquences, patrimoniales ou morales, de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 125 ; du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 34, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 51).

50      En effet, selon la jurisprudence, l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux finalités de l’action extérieure de l’Union énoncées à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, découlant, pour certains opérateurs économiques, des décisions de mise en œuvre des actes adoptés par l’Union en vue de la réalisation de cet objectif fondamental (voir, par analogie, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150 et jurisprudence citée).

51      Ainsi, dans l’appréciation du comportement de l’institution concernée, le Tribunal, saisi d’un recours en indemnité introduit par un opérateur économique, est également tenu, eu égard notamment aux dispositions de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, de prendre en compte cet objectif fondamental de la PESC, sauf lorsque cet opérateur est en mesure d’établir que le Conseil a manqué à ses obligations impératives de façon flagrante et inexcusable ou a porté atteinte, de la même façon, à un droit fondamental reconnu par l’Union (arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, point 46).

52      L’annulation éventuelle d’un ou de plusieurs actes du Conseil se trouvant à l’origine des préjudices invoqués par une partie requérante, même lorsqu’une telle annulation serait décidée par un arrêt du Tribunal prononcé avant l’introduction du recours indemnitaire, ne constitue pas la preuve irréfragable d’une violation suffisamment caractérisée de la part de cette institution permettant de constater, ipso jure, la responsabilité de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, point 48).

53      Le critère décisif, qui permet de considérer que l’exigence de ne pas laisser peser sur ces particuliers les conséquences de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable est respectée, est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Ce qui est donc déterminant pour établir l’existence d’une telle violation, c’est la marge d’appréciation dont disposait l’institution en cause. Il découle ainsi des critères jurisprudentiels que, lorsque l’institution concernée ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 35 et jurisprudence citée).

54      Toutefois, cette jurisprudence n’établit aucun lien automatique entre, d’une part, l’absence de pouvoir d’appréciation de l’institution concernée et, d’autre part, la qualification de l’infraction de violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union. En effet, bien qu’elle présente un caractère déterminant, l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’institution concernée ne constitue pas un critère exclusif. À cet égard, la Cour a rappelé de manière constante que le régime qu’elle avait dégagé au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE (devenu article 340, second alinéa, TFUE) prenait, en outre, notamment en compte la complexité des situations à régler et les difficultés d’application ou d’interprétation des textes (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

55      Il s’ensuit que seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité de l’Union (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 39 et jurisprudence citée).

56      Il appartient dès lors au juge de l’Union, après avoir déterminé, d’abord, si l’institution concernée disposait d’une marge d’appréciation, de prendre en considération, ensuite, la complexité de la situation à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise. En tout état de cause, une violation du droit de l’Union est manifestement caractérisée lorsqu’elle a perduré malgré le prononcé d’un arrêt constatant le manquement reproché ou d’un arrêt préjudiciel, ou l’existence d’une jurisprudence bien établie en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 40 et jurisprudence citée).

57      En l’espèce, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), le Tribunal a rejeté l’ensemble des motifs donnés par le Conseil pour justifier l’inscription de la BSI sur la liste des personnes et des entités désignées. Le Tribunal a estimé, notamment, ce qui suit :

–        le Conseil avait commis une erreur factuelle en ce qui concerne la détention d’une partie du capital de la BSI par l’État iranien, la BSI n’étant pas détenue à 94 % par l’État iranien, ce dernier étant un actionnaire minoritaire (points 107 et 108 de l’arrêt) ;

–        le Conseil n’avait produit aucun élément de preuve ou d’information étayant l’allégation selon laquelle la BSI avait fourni des services à Mesbah Energy Company (point 109 de l’arrêt) ;

–        le Conseil n’avait apporté aucun élément de preuve étayant l’allégation selon laquelle la BSI avait fourni des services financiers à Sanam Industrial Group après la désignation de ce dernier ou la BSI avait connaissance du prétendu concours de Sanam Industrial Group à la prolifération nucléaire avant sa désignation (point 110 de l’arrêt) ;

–        le Conseil n’avait pas produit d’informations portant sur les lettres de crédit traitées par la BSI pour l’Organisation des industries de la défense (ci-après l’« OID ») et pour Iran Electronics Industries (ci-après « IEI ») (point 114 de l’arrêt).

58      En ce qui concerne plus spécifiquement ce dernier tiret, point de discussion entre les parties dans la présente affaire, il résulte des points 111 à 116 de l’arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), que la BSI a admis que l’OID et IEI participaient à la prolifération nucléaire et qu’elle avait traité leurs lettres de crédit, mais en contestant, néanmoins, que ces services justifiaient l’adoption de mesures restrictives. Selon la BSI, il s’agissait de services bancaires courants liés à des lettres de crédit à l’exportation, émises par des banques tierces, étrangères à la prolifération nucléaire. Le Tribunal a dès lors demandé au Conseil de lui communiquer des informations sur lesdites lettres de crédit, mais le Conseil n’a pas répondu à cette demande. Le Tribunal n’a pas admis l’argument faisant grief à la banque de ne pas avoir non plus produit d’élément en constatant qu’il incombait au Conseil de produire les éléments de preuve et d’information qu’il avait invoqués et que l’impossibilité de vérifier le bien-fondé des arguments de la banque ne saurait jouer à son détriment. Cette impossibilité étant imputable au non-respect par le Conseil de son obligation de présenter les éléments de preuve et d’information pertinents, le Tribunal a fait droit au deuxième moyen.

59      La Cour a retenu cette approche. Au point 105 de l’arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C‑200/13 P, EU:C:2016:284), la Cour a jugé :

« S’agissant du troisième motif, le Tribunal a considéré, eu égard à l’absence d’informations détaillées portant sur les lettres de crédit traitées par Bank Saderat Iran pour l’OID et l’IEI, qu’il était dans l’impossibilité de vérifier le bien-fondé des arguments de Bank Saderat Iran. Il convient de rejeter les arguments du Conseil, de la Commission et du Royaume-Uni, qui se fondent sur l’article 1er, paragraphe 4, et l’article 15, paragraphe 1, de la décision 2010/413, l’article 4 du règlement no 267/2012 ainsi que sur les points 5, 7 et 14 des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de démontrer que le traitement par Bank Saderat Iran des lettres de crédit à l’exportation de l’OID et de l’IEI constitue en soi un appui aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération nucléaire. Le Conseil n’ayant apporté aucune preuve devant le Tribunal pour démontrer que ces lettres de crédit portaient sur des biens dont l’exportation à partir de l’Iran était interdite conformément aux dispositions des actes et des résolutions précités, il n’a ainsi pas démontré que les services fournis par Bank Saderat Iran à l’OID et à l’IEI constituaient un tel appui. Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 116 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu d’accueillir le deuxième moyen. »

60      Il apparaît donc que la requérante renvoie, s’agissant de la règle de droit dont la violation avait été constatée dans l’arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), au constat que le Conseil a violé l’obligation d’établir que la BSI avait fourni un appui à la prolifération nucléaire. Partant, les violations reprochées concernent, ainsi que la requérante l’a affirmé lors de l’audience, celles visées par le règlement d’exécution mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007, l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement no 961/2010 ainsi que l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012.

61      Premièrement, conformément à la jurisprudence, les dispositions pertinentes des actes en cause qui ont été violées par l’imposition des mesures restrictives résultant de l’adoption de ces actes doivent s’analyser comme assurant la protection des intérêts individuels des personnes et des entités susceptibles d’être concernées et sont dès lors à considérer comme des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Si les conditions de fond en question ne sont pas réunies, la personne ou l’entité concernée a en effet le droit de ne pas se voir imposer les mesures en question. Un tel droit implique nécessairement que la personne ou l’entité à laquelle des mesures restrictives sont imposées dans des conditions non prévues par les dispositions en question puisse demander à être indemnisée des conséquences dommageables de ces mesures, s’il s’avère que leur imposition repose sur une violation suffisamment caractérisée des règles de fond appliquées par le Conseil (voir, par analogie, arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 52 et jurisprudence citée).

62      Deuxièmement, s’agissant de la question de savoir si le Conseil disposait d’une marge d’appréciation, il ressort de la jurisprudence que l’obligation du Conseil d’établir le bien-fondé des mesures restrictives adoptées est dictée par le respect des droits fondamentaux des personnes et des entités concernées, et notamment de leur droit à une protection juridictionnelle effective, ce qui implique qu’il ne dispose pas de marge d’appréciation à cet égard (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 60).

63      En ce qui concerne la détermination des obligations qui pesaient sur le Conseil envers la requérante au regard de la jurisprudence en vigueur lors de l’adoption des actes en cause, il y a lieu de rappeler, ainsi que la Cour l’avait déjà souligné dans une jurisprudence antérieure à l’adoption desdits actes, que l’Union est une union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment avec le traité FUE et les principes généraux du droit (voir arrêt du 29 juin 2010, E et F, C‑550/09, EU:C:2010:382, point 44 et jurisprudence citée), et dans laquelle les personnes physiques et morales doivent bénéficier d’une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 35 et jurisprudence citée).

64      S’agissant du respect du principe de protection juridictionnelle effective, la Cour a considéré, au point 343 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que des mesures restrictives adoptées à l’égard de personnes physiques ou morales n’échappaient pas à tout contrôle du juge de l’Union, notamment lorsqu’il était affirmé que l’acte qui les édictait touchait à la sécurité nationale et au terrorisme (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 36).

65      Ainsi qu’il résulte de cette jurisprudence, le droit à une protection juridictionnelle effective exige que le Conseil fournisse, en cas de contestation, des informations et des éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption de mesures restrictives à l’égard de personnes physiques ou morales. À cet égard, il ressort du point 336 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que le contrôle juridictionnel des mesures restrictives prises à l’encontre des personnes physiques ou morales doit pouvoir porter, notamment, sur la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision imposant à une personne ou à une entité un ensemble de mesures restrictives (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 37).

66      De même, au point 57 de l’arrêt du 29 juin 2010, E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382), la Cour a considéré qu’un contrôle juridictionnel adéquat de la légalité au fond des mesures restrictives individuelles devait viser, notamment, à la vérification des faits ainsi que des éléments de preuve et d’information invoqués pour adopter de telles mesures (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 38).

67      Par ailleurs, bien qu’aient été en cause dans les affaires ayant donné lieu auxdits arrêts des mesures de gel des avoirs adoptées dans le contexte spécifique de la lutte contre le terrorisme international, il est manifeste que l’obligation d’établir le bien-fondé des mesures restrictives ciblant des personnes et des entités individuelles, qui résulte de cette jurisprudence, vaut également en ce qui concerne l’adoption de mesures restrictives de gel des avoirs ayant pour but de faire pression sur la République islamique d’Iran, telles que celles visant la requérante, compte tenu notamment de la nature individuelle desdites mesures restrictives et de l’incidence importante que celles-ci sont susceptibles d’avoir sur les droits et les libertés des personnes et des entités visées (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 361 et 375).

68      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’obligation incombant au Conseil de fournir, en cas de contestation, les informations ou les éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne physique ou morale découlait déjà, à la date de l’adoption des dispositions litigieuses, d’une jurisprudence bien établie de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 40).

69      Toutefois, si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986, point 59), le Tribunal a considéré que le Conseil avait commis une illégalité alors qu’il ne disposait pas de marge d’appréciation, cela tenait au fait, ainsi que la Cour l’a constaté dans l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 33), qu’il ne disposait pas d’informations ou d’éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la partie requérante.

70      En l’espèce, force est de constater que, si l’annulation de l’inscription du nom de la requérante a été justifiée, pour partie, par un motif analogue à celui figurant dans l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986, point 59), à savoir la violation par le Conseil de l’obligation de communiquer à la BSI, en sa qualité d’entité intéressée, les éléments retenus à sa charge s’agissant du motif tiré de ce qu’elle avait fourni des services financiers à des entités qui effectuaient des achats destinés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de la République islamique d’Iran, elle s’en différencie sur un point notable. Il était en effet constant que la BSI avait traité des lettres de crédit d’entités participant à la prolifération nucléaire.

71      Or, le constat effectué au point 111 de l’arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), à savoir que la BSI n’avait ni contesté que l’OID et IEI participaient à la prolifération nucléaire ni qu’elle avait traité des lettres de crédit de ces deux entités, ne pouvait être considéré d’emblée comme dénué de toute pertinence s’agissant du point de savoir si la BSI et la requérante pouvaient faire l’objet d’une inscription.

72      Certes, il résulte des arrêts du Tribunal et de la Cour rendus à la suite de la contestation par la BSI et par la requérante de l’inscription de leurs noms sur la liste des personnes et des entités désignées que cette circonstance ne permet pas en elle-même de justifier lesdites inscriptions.

73      Toutefois, ce point n’avait pas encore été explicité par le juge de l’Union à la date d’inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités désignées. Dans ces conditions, à supposer même que, lors de l’inscription du nom de la requérante, le Conseil ait été en position d’apprécier l’erreur qu’il commettait en se fondant sur cette seule circonstance, sans être en possession d’informations ou d’éléments de preuves supplémentaires, il ne saurait être considéré que cette erreur revêtait un caractère flagrant et inexcusable au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus et qu’une administration normalement prudente et diligente ne l’aurait pas commise dans des circonstances analogues.

74      Partant, la violation constatée dans l’arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil (T‑494/10, EU:T:2013:59), ne constitue pas une violation suffisamment caractérisée qui serait de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

75      Le recours doit dès lors être rejeté dans son intégralité sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union sont réunies, ni de prendre position sur la demande de la requérante tendant à la prise d’une mesure d’instruction consistant en la désignation d’un expert afin de procéder à une évaluation comptable du préjudice invoqué.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

77      En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

78      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier. La Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bank Saderat plc supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.