Language of document : ECLI:EU:T:2022:179

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

30 mars 2022 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché du fret aérien – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord entre la Communauté et la Suisse sur le transport aérien – Coordination d’éléments du prix des services de fret aérien (surtaxe carburant, surtaxe sécurité, paiement d’une commission sur les surtaxes) – Échange d’informations – Compétence territoriale de la Commission – Infraction unique et continue – Imputabilité du comportement infractionnel – Conditions de l’octroi du bénéfice de l’immunité – Égalité de traitement – Obligation de motivation – Montant de l’amende – Valeur des ventes – Gravité de l’infraction – Durée de la participation à l’infraction – Circonstances atténuantes – Encouragement du comportement anticoncurrentiel par les autorités publiques – Proportionnalité – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑337/17,

Air France-KLM, établie à Paris (France), représentée par Mes A. Wachsmann, A. de La Cotardière et A.‑E. Herrada, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Dawes et C. Giolito, en qualité d’agents, assistés de Me N. Coutrelis, avocate,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien), en tant qu’elle vise la requérante, et, à titre subsidiaire, à l’annulation partielle de cette décision ainsi qu’à la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, D. Spielmann et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Air France-KLM, est une société holding qui détient 100 % des droits de vote et des droits économiques dans Société Air France (ci-après « AF ») et 49 % des droits de vote et 93,63 % des droits économiques dans Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM »). AF et KLM sont des compagnies de transport aérien actives sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret »).

2        Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.

3        Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.

4        Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).

A.      Procédure administrative

5        Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002 »), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :

–        la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;

–        la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

6        Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

7        Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication sur la clémence de 2002.

8        Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci‑après le « refus de paiement de commissions »).

9        En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.

10      Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.

B.      Décision du 9 novembre 2010

11      Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :

–        Air Canada ;

–        la requérante ;

–        AF ;

–        KLM ;

–        British Airways plc ;

–        Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;

–        Cathay Pacific Airways Ltd (ci-après « CPA ») ;

–        Japan Airlines Corp. ;

–        Japan Airlines ;

–        Lan Airlines SA ;

–        Lan Cargo SA ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;

–        Qantas Airways Ltd ;

–        SAS AB ;

–        SAS Cargo ;

–        Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;

–        SAC ;

–        Singapore Airlines Ltd (ci-après, « SIA »).

12      Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).

13      La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.

14      Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

a)      [la requérante], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

b)      [AF], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

c)      [KLM], du 21 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont [coordonné] divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

c)      [AF], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

d)      [KLM], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

c)      [AF], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

d)      [KLM], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 4

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse, pendant les périodes suivantes :

a)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

b)      [AF], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

c)      [KLM], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 5

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :

[…]

b)      [la requérante] et [AF] conjointement et solidairement : 182 920 000 EUR ;

[…]

d)      [KLM] et [la requérante] conjointement et solidairement : 124 440 000 EUR ;

[…]

Article 6

Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

C.      Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle la concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes qui lui avaient été infligées. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas Airways, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.

16      Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T‑38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T‑40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T‑43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T‑46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T‑56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T‑63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T‑67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, la requérante, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.

17      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.

18      Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.

19      En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.

20      En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.

D.      Décision attaquée

21      Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.

22      Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.

23      Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :

–        Air Canada ;

–        la requérante ;

–        AF ;

–        KLM ;

–        British Airways ;

–        Cargolux ;

–        CPA ;

–        Japan Airlines ;

–        Latam Airlines Group ;

–        Lan Cargo ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair ;

–        SAS ;

–        SAS Cargo ;

–        SAS Consortium ;

–        SAC ;

–        SIA.

24      La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.

25      La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.

26      En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).

27      Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.

28      Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.

29      Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.

30      En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).

31      Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :

« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.

(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]

(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »

32      Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :

« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »

33      Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».

34      En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre AF et KLM figure, respectivement, aux considérants 721 à 726 et 731 à 736 de cette décision.

35      En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».

36      Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).

37      Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont AF et KLM, étaient impliquées dans les trois composantes de l’infraction unique.

38      Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.

39      Quatrièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.

40      Cinquièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.

41      Sixièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

42      Septièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».

43      D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :

« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »

44      Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :

« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.

(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.

(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.

(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »

45      En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :

–        l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;

–        l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;

–        l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;

–        l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

–        l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.

46      En ce qui concerne la requérante et AF, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 7 décembre 1999 au 14 février 2006. En ce qui concerne KLM, la Commission a retenu une durée s’étendant du 21 décembre 1999 au 14 février 2006.

47      En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.

48      S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

49      Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).

50      Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.

51      Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.

52      Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation d’AF à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :

–        en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à six ans et deux mois, et un facteur de multiplication de 6 et 2/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.

53      Ainsi qu’il ressort du considérant 1085 de la décision attaquée, la Commission a tenu la requérante et AF pour solidairement responsables de leur participation à l’infraction unique et continue pour toute la durée de celle-ci. À cet égard, la Commission a considéré, d’une part, que la requérante et AF avaient succédé à Air France SA (ci-après, « l’ancienne société Air France ») telle qu’elle existait avant le 15 septembre 2004 (considérant 1080) et, d’autre part, que la requérante avait exercé ou pouvait être présumée avoir exercé une influence déterminante sur AF à compter du 15 septembre 2004 (considérants 1081 à 1084).

54      En ce qui concerne KLM, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :

–        en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 21 décembre 1999 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à six ans et un mois, et un facteur de multiplication de 6 et de 1/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et de 9/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et de 8/12 ;

–        en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.

55      La Commission a imputé à la requérante le comportement de KLM à compter du 5 mai 2004.

56      Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 51 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.

57      En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, les montants de base évalués pour la requérante à 510 000 000 euros et à 360 000 000 euros, respectivement au titre de sa participation et de celle d’AF ainsi que de sa participation et de celle de KLM, ont été arrêtés à 269 000 000 euros et à 183 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.

58      Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire des montants de base des amendes de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.

59      En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, le montant de base des amendes de la requérante après ajustement a été fixé à 228 650 000 euros et à 155 550 000 euros, respectivement au titre de sa participation et de celle d’AF et de sa participation et de celle de KLM.

60      Enfin, aux considérants 1330 et 1404 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution de la requérante dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 20 % au montant des amendes, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, les montants des amendes infligées à la requérante ont été fixés à 182 920 000 euros (à payer solidairement avec AF) et à 124 440 000 euros (à payer solidairement avec KLM).

61      Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :

« Article premier

En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.

1)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

c)      [AF], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

d)      [KLM], du 21 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

[…]

2)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

c)      [AF], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

d)      [KLM], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

3)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

c)      [AF], du 19 mai 2004 au 14 février 2006 ;

d)      [KLM], du 19 mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

4)      Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

c)      [AF], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

d)      [KLM], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :

à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :

[…]

b)      [la requérante] et [AF] conjointement et solidairement : 182 920 000 EUR ;

[…]

d)      [KLM] et [la requérante] conjointement et solidairement : 124 440 000 EUR ;

[…]

Article 4

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

[…]

[la requérante]

[AF]

[KLM]

[…] »

II.    Procédure et conclusions des parties

62      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

63      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.

64      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 3 janvier 2018.

65      La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 28 février 2018.

66      Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

67      Le 24 mai 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

68      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 juin 2019.

69      Le 18 juin 2019, la requérante a produit le document demandé par le Tribunal lors de l’audience du 12 juin 2019.

70      Le 24 juin 2019, le Tribunal a clos la phase orale de la procédure.

71      Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

72      Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.

73      Par décision du 6 novembre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

74      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler l’intégralité de la décision attaquée en tant que celle-ci la concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous b), paragraphe 2, sous b), paragraphe 3, sous b), et paragraphe 4, sous b), l’article 3, sous b), ainsi que l’article 4 de la décision attaquée et réduire le montant des amendes qui lui sont infligées dans la décision attaquée ;

–        à titre très subsidiaire, annuler l’article 3, sous b) et d), de la décision attaquée et réduire le montant des amendes qui lui sont infligées ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux entiers dépens.

75      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        modifier le montant des amendes infligées à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

76      Dans le cadre de son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées. Quant à la Commission, elle a formulé une demande tendant, en substance, à la modification du montant des amendes infligées à la requérante dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

A.      Sur les conclusions en annulation

77      La requérante invoque à l’appui des conclusions en annulation neuf moyens. Ces moyens sont tirés :

–        le premier, d’illégalités commises dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France et d’AF et des pratiques de KLM entre le 5 mai 2004 et le 14 février 2006 ;

–        le deuxième, de violations de la communication sur la clémence de 2002 et des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de protection de la confiance légitime ;

–        le troisième, de violations de l’obligation de motivation et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la « protection contre l’intervention arbitraire de la Commission » ;

–        le quatrième, du défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes ;

–        le cinquième, d’une contradiction de motifs et d’une erreur manifeste d’appréciation ;

–        le sixième, d’une contradiction de motifs, d’une erreur manifeste d’appréciation et de violations des paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et de légalité ainsi que des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale » dans le calcul de la valeur des ventes ;

–        le septième, d’erreurs et d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la détermination du coefficient de gravité ;

–        le huitième, d’erreurs et d’une violation du principe de proportionnalité dans le calcul de la durée de la participation d’AF à l’infraction unique et continue ;

–        le neuvième, d’un défaut de motivation et de l’insuffisance de la réduction générale de 15 %.

78      Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le quatrième moyen, ensuite, le moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), et, enfin, les premier à troisième et cinquième à neuvième moyens successivement.

1.      Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

79      Le présent moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission a outrepassé les limites de sa compétence en constatant et en sanctionnant une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants, s’articule, en substance, en trois branches. Elles sont prises, la première, de l’interprétation erronée du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), la deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, la troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.

a)      Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

80      La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur en déduisant des considérants 2 et 3 du règlement no 411/2004 que sa compétence s’étendait aux services de fret entrants. Selon elle, ce texte n’évoque pas les services de fret entrants, mais se réfère simplement aux « transports aériens entre l[’Union] et les pays tiers ». La Commission ne serait pas fondée à interpréter ce silence comme signifiant une extension de sa compétence aux services de fret entrants.

81      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

82      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.

83      En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).

84      Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).

85      Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C‑264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).

86      La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 83 ci-dessus.

87      Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, EU:T:2000:290, point 55).

88      L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.

89      Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».

90      Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.

91      La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.

92      Dans la présente affaire, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si la portée du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005 s’étend aux services de fret entrants.

93      À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que, le règlement no 411/2004 ayant abrogé le règlement no 3975/87 et supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, il n’existe plus de base textuelle expresse qui serait de nature à justifier que les services de fret entrants demeurent exclus du régime institué par le règlement no 1/2003 et restent ainsi assujettis au régime prévu aux articles 104 et 105 TFUE.

94      Ensuite, rien dans le libellé ou l’économie générale du règlement no 411/2004 ne permet de considérer que le législateur aurait entendu maintenir l’exclusion des services de fret entrants du champ d’application du règlement no 1/2003. Au contraire, tant l’intitulé que les considérants 1 à 3, 6 et 7 du règlement no 411/2004 visent expressément les « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » sans distinction selon, d’une part, qu’ils sont au départ ou à destination de l’Union ou, d’autre part, qu’ils concernent le fret ou le transport de passagers.

95      La finalité du règlement no 411/2004 plaide, elle aussi, en faveur de l’inclusion des services de fret entrants dans le champ d’application dudit règlement. Il ressort, en effet, du considérant 3 de ce règlement que l’extension du champ d’application du règlement no 1/2003 au transport aérien entre l’Union et les pays tiers procède d’un double constat. D’une part, « [l]es pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». D’autre part, « les mécanismes prévus par [ce dernier règlement] conviennent également à l’application des règles de concurrence aux transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers ». Or, la requérante n’établit ni même n’allègue que les services de fret entrants soient, par leur nature même, insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres ou ne se prêtent pas à la mise en œuvre des mécanismes prévus par le même règlement.

96      Enfin, les travaux préparatoires du règlement no 411/2004 confirment que le législateur de l’Union n’entendait établir de distinction ni entre les liaisons entrantes et les liaisons sortantes ni entre le fret et le transport de passagers. Il ressort ainsi du point 10 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre l’[Union] et les pays tiers (COM/2003/0091 final – CNS 2003/0038), que, « [s]i les règles d’application du droit [de l’Union] de la concurrence régissaient également les transports aériens internationaux au départ et à destination de [l’Union], les [transporteurs] bénéficieraient d’un système commun d’application des règles de concurrence au niveau européen et, partant, d’une plus grande sécurité juridique quant à la légalité de leurs accords au regard de ces règles ». Au même point, il est fait référence à la volonté d’« offrir au secteur aérien des conditions de concurrence égales pour l’ensemble des activités de transport aérien ».

97      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les services de fret entrants relèvent du champ d’application du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable au transport aérien entre l’Union et les pays tiers « dans les deux sens », les mêmes considérations valant pour l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

98      Dès lors, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

99      Il convient d’observer que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.

100    Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).

101    Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).

102    Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

103    La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 101 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.

104    La requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir considéré que l’infraction unique et continue, dans la mesure où elle concernait les liaisons entrantes, a eu un effet substantiel, immédiat et prévisible sur la concurrence dans l’EEE. Elle invoque quatre griefs à l’appui de son argumentation.

105    En premier lieu, la requérante avance que la Commission ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de prouver que les pratiques incriminées relatives aux services de fret entrants avaient produit des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’EEE. La Commission se serait, en effet, contentée de « simples suppositions non démontrées ». Aux considérants 917, 1190, 1277 et 1278 de la décision attaquée, elle aurait d’ailleurs expressément refusé d’analyser les effets de ces pratiques.

106    En deuxième lieu, la requérante avance que les pratiques en cause n’ont pas pu avoir d’effets qualifiés au sein de l’EEE, en raison, d’une part, de la très faible proportion du prix total du fret que représentaient les surtaxes pendant la période pertinente et, d’autre part, du fait que le niveau de la STC avait suivi l’évolution du prix du kérosène entre 2000 et 2006.

107    En troisième lieu, la requérante fait grief à la Commission d’avoir tenu compte du « soi-disant impact potentiel » des pratiques en cause, non sur le marché du fret, mais sur les marchés avals de la vente de marchandises transportées aux consommateurs finals. La Commission se contenterait d’ailleurs, là encore, de suppositions, ne démontrant en rien les effets que ces pratiques auraient, selon elle, pu avoir sur les prix de vente aux consommateurs des marchandises transportées. Quand bien même elle aurait démontré l’existence de tels effets, elle serait dans l’incapacité d’établir que la requérante en était responsable. En effet, AF et KLM ne maîtriseraient pas la politique tarifaire des opérateurs qui interviennent sur les marchés avals du transport de fret, à commencer par les transitaires. Ces derniers seraient des opérateurs indépendants, qui fourniraient à leurs propres clients un lot de services très large à des conditions tarifaires qu’AF et KLM ignorent.

108    De surcroît, les transitaires auraient été condamnés par la Commission en 2012 pour avoir mis en œuvre entre 2002 et 2007 une entente concernant quatre surtaxes distinctes de celles dont il est question en l’espèce.

109    En quatrième lieu, dans la réplique, la requérante avance que la Commission ne saurait soutenir avoir apporté la preuve d’effets qualifiés en caractérisant l’objet restrictif de concurrence des pratiques en cause. D’une part, cette allégation serait irrecevable en ce qu’elle ne figurerait pas dans la décision attaquée. D’autre part, elle serait erronée, la jurisprudence ne permettant pas de considérer que l’objet anticoncurrentiel de pratiques mises en œuvre en dehors de l’EEE emporterait ipso facto la preuve qu’elles produisent des effets qualifiés à l’intérieur de l’EEE.

110    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

111    Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.

112    Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».

113    Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

114    Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.

1)      Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

115    Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).

116    À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 90).

117    En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 123 à 136 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 138 à 155 ci-après), son caractère substantiel (voir points 156 à 166 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 167 à 173 ci-après).

i)      Sur la pertinence de l’effet en cause

118    Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).

119    L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).

120    Ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a produit des effets qui se sont effectivement matérialisés dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).

121    Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.

122    En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.

123    À cet égard, il convient de rappeler que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).

124    Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).

125    Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 55).

126    Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semble le préconiser la requérante, en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.

127    La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère.

128    En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.

129    Aucun des arguments de la requérante ne permet de considérer que l’effet en cause ne comptait pas parmi les effets produits par le comportement litigieux dont la Commission est fondée à tenir compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

130    En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, rien dans le libellé, l’économie ou la finalité de l’article 101 TFUE ne permet de considérer que les effets pris en compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés doivent se produire sur le même marché que celui concerné par l’infraction en cause plutôt que sur un marché aval comme c’est le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, points 159 et 161).

131    En second lieu, c’est à tort que la requérante avance que le comportement litigieux, en tant qu’il portait sur les liaisons entrantes, n’était pas susceptible de restreindre la concurrence dans l’EEE, au motif que celle-ci ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés.

132    À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).

133    En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la quasi-totalité de ces ventes s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que, entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, elle n’a réalisé qu’une proportion négligeable de ses ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.

134    Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.

135    Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se matérialiser.

136    En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

137    Conformément à la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.

ii)    Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

138    L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C‑435/18, EU:C:2019:651, point 83).

139    Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 42).

140    Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).

141    Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.

142    En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).

143    Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante est restée en défaut de démontrer qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.

144    Ainsi, le rapport économique que la requérante invoque à l’appui du présent moyen se limite à montrer une corrélation entre l’évolution réelle du niveau de la STC facturée par AF et KLM et celle du prix du kérosène. Il n’établit cependant aucunement qu’il était suffisamment probable qu’une augmentation de la STC serait compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes pour rendre imprévisible l’effet en cause.

145    En tout état de cause et contrairement à ce que soutient la requérante, le rapport économique en cause ne démontre pas que l’infraction unique et continue n’a pas pu avoir d’effets qualifiés au sein de l’EEE. En effet, premièrement, le mécanisme de coordination de la STC se fondait sur l’évolution d’un indice du prix du carburant, lequel a fait l’objet de différentes modifications pour permettre aux transporteurs de réagir plus rapidement aux variations du prix du carburant (considérants 114 à 117 de la décision attaquée). Dans ces conditions, il ne saurait être déduit d’une corrélation, pour importante qu’elle soit, entre l’évolution réelle du niveau de la STC facturée par AF et KLM et celle du prix du kérosène que l’entente litigieuse n’a pas eu d’incidence sur le niveau de la STC et encore moins qu’il était insuffisamment prévisible qu’elle en aurait. Deuxièmement, il convient d’observer que les extraits en question portent sur la seule STC et non sur la STS.

146    Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.

147    La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.

148    À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.

149    La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.

150    Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.

151    Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.

152    Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.

153    Pour les motifs retenus au point 134 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.

154    L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, nullement nécessaire pour elle d’avoir une connaissance exacte du fonctionnement des marchés avals pour pouvoir le prévoir.

155    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

156    L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 112).

157    Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.

158    En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.

159    En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.

160    En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».

161    En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.

162    À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.

163    Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires. De même, dans la requête et dans ses annexes, il est indiqué que les surtaxes représentaient, en moyenne 18 % et 22 % du prix total facturé aux transitaires par AF en 2004-2005 et par KLM entre janvier 2004 et février 2006, respectivement. Sur les seules liaisons entrantes, cette proportion représentait plus de 15 % pour AF.

164    Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».

165    Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. AF elle-même réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant de plus de 505 000 000 euros en 2005.

166    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.

iv)    Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

167    L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).

168    La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).

169    En l’espèce, l’intervention des transitaires, dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.

170    Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T‑320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 37).

171    En l’espèce, la requérante se prévaut, certes, des pratiques anticoncurrentielles pour lesquelles la Commission aurait sanctionné les transitaires. Il y a cependant lieu d’observer que la requérante n’établit, ni même n’allègue que, dans le cadre desdites pratiques, les transitaires se seraient illicitement coordonnés pour répercuter sur les expéditeurs le surcoût dont ils ont dû s’acquitter. Au contraire, la requérante soutient que les pratiques des transitaires concernaient des surtaxes distinctes. Elle ne démontre pas davantage que ces pratiques étaient de nature à faire obstacle à ce que les transitaires répercutent ce surcoût sur les expéditeurs.

172    Il ne saurait donc être considéré que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE résulterait des pratiques anticoncurrentielles pour lesquelles la Commission aurait sanctionné les transitaires et serait, par suite, fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.

173    Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.

174    Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.

2)      Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

175    Il convient d’emblée de rappeler que rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).

176    Contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, tel est le cas non seulement s’agissant de l’article 102 TFUE, mais encore s’agissant de l’article 101 TFUE. En effet, selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).

177    La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 105).

178    Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.

179    Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. La requérante ne conteste ni cette qualification en général, ni le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde.

180    Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.

181    Aucun des arguments que la requérante a soulevés lors de l’audience n’est susceptible de remettre en cause cette appréciation. Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, la stratégie d’ensemble décrite au point 180 ci-dessus ne suppose aucunement l’existence d’une « entente qui couvrirait la totalité du prix du transport ». Ainsi qu’il ressort du même point, cette stratégie concernait les seules surtaxes. Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’existe aucune raison de considérer que seule l’existence d’une « stratégie mondiale de répartition de marché » serait susceptible de justifier l’application du critère des effets qualifiés au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble.

182    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).

183    Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

184    Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.

185    Pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 144 et 145 ci-dessus, la corrélation dont se prévaut la requérante entre l’évolution réelle du niveau de la STC facturée par la requérante et celle du prix du kérosène ne permet pas de remettre en cause cette conclusion.

186    Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

187    La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, le présent moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner sa deuxième branche, prise d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.

2.      Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

188    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).

189    De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).

190    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

191    La requérante fait valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée inclut la Confédération suisse. Cette dernière serait, en effet, un pays tiers au sens de l’accord EEE, dont la violation est constatée audit article. La requérante ajoute que la Commission a opté pour une approche « bidirectionnelle » pour sanctionner l’infraction unique et continue. La requérante en déduit que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse et a ainsi outrepassé les limites de sa compétence au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

192    La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.

193    La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.

194    Il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

195    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).

196    C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).

197    À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.

198    Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

199    À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.

200    Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.

201    Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».

202    Conformément au principe rappelé au point 200 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.

203    En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.

204    Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

205    Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.

206    Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».

207    Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».

208    Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.

209    Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.

210    La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

211    Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.

212    Le présent moyen doit donc être écarté.

3.      Sur le premier moyen, tiré d’illégalités commises dans l’imputation à la requérante des pratiques de lancienne société Air France et d’AF et d’une partie des pratiques de KLM

213    Le présent moyen, par lequel la requérante fait valoir que la Commission lui a illégalement imputé des pratiques de l’ancienne société Air France et d’AF et une partie des pratiques de KLM, est articulé en deux branches, prises, la première, d’illégalités commises par la Commission dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004 et, la seconde, d’illégalités commises par la Commission dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France intervenues entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004.

214    Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission d’avoir affirmé, au considérant 1085 de la décision attaquée, qu’elle et AF devaient être tenues pour solidairement responsables du paiement de l’amende en raison de leur participation à l’infraction. En effet, la requérante n’aurait pris aucune part, directe ou indirecte, dans les pratiques invoquées, seule AF y ayant pris part.

215    Le Tribunal statuera sur ce grief ensemble avec la seconde branche du présent moyen, dans la mesure où les deux sont intrinsèquement liés.

a)      Sur la première branche, prise d’illégalités dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004

216    La présente branche, par laquelle la requérante soutient que la Commission lui a illégalement imputé les pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et celles de KLM à partir du 5 mai 2004, s’articule en quatre griefs tirés, le premier, d’une erreur dans l’imputation à la requérante de pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004, le deuxième, de la motivation insuffisante du rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM, le troisième, d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004 et, le quatrième, de la violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

217    Il convient d’examiner d’abord le deuxième grief, qui a trait au respect, par la Commission, des formes substantielles.

1)      Sur le deuxième grief, tiré d’une motivation insuffisante du rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM

218    La requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment motivé le rejet des éléments qui attesteraient l’autonomie d’AF et de KLM, se contentant de faire une référence implicite à ceux-ci et d’alléguer que, s’agissant d’AF, ils n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Selon la requérante, la Commission était pourtant tenue d’examiner concrètement l’ensemble des éléments tendant à démontrer ladite autonomie et de prendre une position circonstanciée au sujet du renversement de la présomption de responsabilité. Le simple renvoi, au considérant 1083 de la décision attaquée, à la jurisprudence visée au considérant 1073 de la même décision, ainsi que les éléments listés dans l’annexe confidentielle à ladite décision ne sauraient être suffisants. S’agissant de KLM, l’obligation de motivation de la Commission serait renforcée dès lors qu’elle aurait reconnu ne pas avoir appliqué la présomption de responsabilité. Or, elle ne mentionnerait même pas dans cette décision les éléments tendant à établir l’autonomie de KLM. Devant le Tribunal, elle reconnaîtrait d’ailleurs que, dans la décision en question, elle n’a pas motivé son rejet du caractère probant des éléments produits durant la procédure administrative.

219    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

220    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’une infraction aux règles de concurrence commise par une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 30).

221    En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, la Commission peut adresser une décision infligeant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 31).

222    Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, la Cour a précisé que, d’une part, cette société mère pouvait exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existait une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerçait effectivement une telle influence (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 32).

223    Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour qu’il puisse être présumé que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 33).

224    En outre, lorsqu’une décision d’application des règles de l’Union en matière du droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 34).

225    S’agissant en particulier d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause, sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable, tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 35).

226    Toutefois, la Commission n’est nullement tenue de se fonder exclusivement sur ladite présomption. En effet, rien n’empêche cette institution d’établir l’exercice effectif, par une société mère, d’une influence déterminante sur sa filiale par d’autres éléments de preuve ou par une combinaison de tels éléments avec ladite présomption. Il s’agit, dans ce dernier cas, de la méthode dite de la « double base » (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, points 36 et 37).

227    S’agissant d’une décision qui fonde l’imputabilité à la société mère d’une infraction commise par sa filiale sur une méthode comportant une double base, une appréciation globale des éléments avancés par la société mère, dans la mesure où ils sont pertinents aux fins du renversement de ladite présomption, est en principe conforme au degré de motivation incombant à la Commission, dès lors qu’elle est de nature à permettre à la société mère de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de lui imputer l’infraction commise par sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 42).

228    Enfin, il est de jurisprudence constante que, si la Commission est certes tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amenée à prendre sa décision, il n’est pas exigé qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative, et notamment qu’elle prenne position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 168 et jurisprudence citée).

229    En l’espèce, tout d’abord, s’agissant du rejet des éléments avancés par la requérante tendant à démontrer l’autonomie d’AF, la Commission, après avoir rappelé, aux considérants 1070 à 1073 de la décision attaquée, les principes applicables à l’identification des personnes tenues pour responsables d’un comportement infractionnel au sein d’une même unité économique, a indiqué aux considérants 1081 à 1084 de ladite décision, ce qui suit :

« 1081      Des salariés d[’AF] ont participé à l’infraction du 15 septembre 2004 au 14 février 2006.

1082      Au cours de la même période cependant, [la requérante] détenait 100 % des droits économiques et des droits de vote à [AF].

1083      Conformément à la jurisprudence rappelée [au point 6.1 de cette décision], il est dès lors présumé [que,] au cours de cette période, [la requérante] a exercé une influence déterminante sur [AF]. [La requérante] n’a pas soumis de preuves suffisantes pour renverser la présomption qu’elle a exercé une influence déterminante sur [AF]. En conséquence, pour les besoins de l’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien], [la requérante] et [AF] font partie de la même entreprise qui a commis l’infraction du 15 septembre 2004 au 14 février 2006.

1084      En plus de la propriété pleine et entière, il existe d’autres éléments qui démontrent qu’au cours de cette période, [la requérante] a exercé une influence déterminante sur [AF] ou du moins qui corroborent la présomption dans ce sens (voir l’annexe confidentielle [de la même décision] accessible uniquement à [la requérante]). »

230    L’annexe confidentielle de la décision attaquée listant les autres éléments de preuve visés au considérant 1084 de ladite décision se lit, s’agissant d’AF, comme suit :

[confidentiel] (2)

231    Il en ressort que, pour imputer à la requérante les pratiques d’AF, la Commission s’est fondée à la fois sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, en raison du contrôle que la détention par la requérante de la totalité du capital d’AF et des droits de vote associés aux actions d’AF impliquait, et sur une série d’indices tendant à établir un tel exercice effectif. À cet égard, elle s’est appuyée, premièrement, sur les pouvoirs de direction, d’orientation et de contrôle de la requérante sur les activités d’AF par le biais de ses différents organes sociaux, deuxièmement, sur l’existence d’une structure commune à AF et à KLM s’agissant spécifiquement du fret et, troisièmement, sur le cumul de fonctions de plusieurs dirigeants entre la requérante et AF.

232    S’agissant ensuite du rejet des éléments avancés par la requérante tendant à démontrer l’autonomie de KLM, la Commission a indiqué aux considérants 1086 à 1088 de la décision attaquée ce qui suit :

« 1086      Des salariés de [KLM] ont participé à l’infraction du 21 décembre 1999 au 14 février 2006, c’est-à-dire pendant toute la période d’infraction. KLM doit dès lors être tenue pour responsable de sa participation directe à l’infraction.

1087      Comme expliqué [au point 2.2 de ladite décision], le 5 mai 2004, [l’ancienne société Air France] a acquis le contrôle de KLM. Depuis le 5 mai 2004, [la requérante] détient 97,5 % des droits économiques et 49 % des droits de vote dans KLM.

1088      Pour les raisons présentées dans l’annexe confidentielle [de cette décision] accessible uniquement à [la requérante], la Commission considère qu’à partir du 5 mai 2004, [la requérante] a exercé une influence déterminante sur KLM. »

233    L’annexe confidentielle de la décision attaquée listant les autres éléments de preuve visés au considérant 1088 de ladite décision se lit, s’agissant de KLM, comme suit :

[confidentiel]

234    Il en ressort que, pour imputer à la requérante les pratiques de KLM entre le 5 mai 2004 et le 14 février 2006, la Commission s’est fondée à la fois sur le capital et les droits de vote détenus par la requérante dans KLM et sur une série d’indices supplémentaires tendant à établir l’exercice effectif d’une influence déterminante sur cette dernière. À cet égard, elle s’est appuyée, premièrement, sur les pouvoirs de direction, d’orientation et de contrôle de la requérante sur les activités de KLM par le biais de ses différents organes sociaux, deuxièmement, sur l’existence d’une structure commune à AF et à KLM s’agissant spécifiquement du fret et, troisièmement, sur le cumul de fonctions de plusieurs dirigeants entre la requérante et KLM.

235    Or, la requérante s’était contentée d’indiquer, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle était « une société holding sans aucune activité opérationnelle dans le domaine du transport aérien » et qu’elle n’avait « en aucun cas été impliquée de quelque façon que ce soit dans le cadre des pratiques alléguées ».

236    Au vu de ce qui précède, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas avoir fourni une motivation circonstanciée, conforme aux exigences découlant de la jurisprudence, en ce qui concerne le rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM.

237    Au surplus, les quatre arrêts invoqués par la requérante dans la requête, concernant le niveau de motivation requis de la Commission en présence d’éléments contraires avancés durant la procédure administrative et tendant à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, s’inscrivaient dans un contexte différent du cas d’espèce.

238    D’une part, la Cour, dans son arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620), avait notamment tenu compte de circonstances particulières tenant à un changement dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission consistant à s’appuyer systématiquement sur la méthode de la double base (voir, en ce sens, ordonnance du 7 février 2012, Total et Elf Aquitaine/Commission, C‑421/11 P, non publiée, EU:C:2012:60, point 58).

239    D’autre part, il y a lieu d’apprécier la portée des arrêts du 16 juin 2011, Air liquide/Commission (T‑185/06, EU:T:2011:275), du 16 juin 2011, Edison/Commission (T‑196/06, EU:T:2011:281), et du 27 novembre 2014, Alstom/Commission (T‑517/09, EU:T:2014:999), à l’aune de la jurisprudence de la Cour, rappelée aux points 226 et 227 ci-dessus, en vertu de laquelle la Commission, lorsqu’elle combine, comme en l’espèce s’agissant de l’imputation des pratiques d’AF, les éléments de preuve de l’exercice effectif d’une influence déterminante avec la présomption d’un tel exercice, motive à suffisance son rejet des éléments en sens contraire produits par l’entreprise mise en cause en recourant à une appréciation globale ne se prononçant pas sur chacun desdits éléments.

240    Le présent grief doit, en conséquence, être rejeté.

2)      Sur le premier grief, tiré d’une erreur dans l’imputation à la requérante de pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004

241    La requérante fait valoir qu’elle n’a été constituée sous forme de société holding que le 15 septembre 2004. Or, selon elle, une société mère ne saurait être tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale pour la période antérieure à l’acquisition de cette filiale lorsque cette dernière poursuit son activité sur le marché en cause postérieurement à son acquisition. En conséquence, elle estime qu’elle ne saurait être tenue pour responsable des pratiques de KLM à partir du 5 mai 2004, contrairement à ce qui ressort du point 1089 de la décision attaquée.

242    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

243    En l’espèce, il ressort du considérant 1087 de la décision attaquée que, depuis le 5 mai 2004, la requérante détient 97,5 % du capital et 49 % des droits de vote dans KLM.

244    Certes, comme le relève à juste titre la requérante, l’entité détentrice de cette participation et de ces droits de vote dans KLM à la date du 5 mai 2004 était dénommée Air France SA, soit l’ancienne société Air France (voir, à cet égard, point 53 ci-dessus).

245    Il est cependant constant entre les parties que la requérante et l’ancienne société Air France sont une seule et même personne morale. Certes, la Commission a évoqué la notion de « succession juridique » au considérant 1080 de la décision attaquée. Il ressort cependant sans ambiguïté dudit considérant ainsi que du considérant 22 de cette décision que l’ancienne société Air France est, par suite d’une transformation en holding et d’un changement de dénomination sociale, « devenue » la requérante.

246    En particulier, la Commission a indiqué ce qui suit au considérant 22 :

« Le 5 mai 2004, [l’ancienne société Air France] a acquis le contrôle exclusif de [KLM] suite à l’offre publique d’échange d[e l’ancienne société Air France] sur les actions de KLM. Depuis cette date, [l’ancienne société Air France] et KLM font partie du groupe [AF]-KLM. Le 15 septembre 2004, [l’ancienne société Air France] s’est transformée en société holding et rebaptisée [AF]-KLM, tandis que les activités de transport aérien d[e l’ancienne société Air France] ont été transférées vers une filiale appelée “Air France Compagnie Aérienne”, rebaptisée [AF] ».

247    Ainsi, la requérante a continué, en ce qui concerne la détention du 5 mai au 15 septembre 2004 du contrôle de KLM, à exercer les droits et à assumer les obligations qu’elle avait acquis lorsqu’elle se présentait encore sous la dénomination de l’ancienne société Air France.

248    Dès lors, c’est à tort que la requérante affirme que, en lui imputant les pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004, la Commission l’a tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale pour la période antérieure à son acquisition.

249    Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief.

3)      Sur le troisième grief, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004

250    La requérante prétend que c’est à tort que la Commission lui a imputé des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004, dès lorsqu’elle n’a exercé aucune influence déterminante sur ces sociétés. Elle affirme ne constituer, depuis le 15 septembre 2004, qu’une holding financière n’exerçant aucune activité dans le secteur du fret. Elle soutient avoir simplement eu, d’une part, un rôle de coordination et de consolidation financière consistant à veiller au respect des obligations légales en matière comptable et en matière de communication et de transparence financières, et, d’autre part, un rôle dans la définition de la stratégie globale d’AF et de KLM, sans toutefois s’immiscer dans leurs activités opérationnelles et commerciales ni leur donner quelque directive que ce soit. AF et KLM détermineraient de façon autonome leur politique commerciale, leur stratégie, leur budget et leur comportement dans le secteur du fret.

251    À cet égard, la requérante estime que les éléments invoqués par la Commission dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée ne démontrent pas l’exercice de son influence déterminante sur AF et sur KLM. Premièrement, elle avance que son comité de management stratégique n’a jamais adressé de « recommandations contraignantes » à AF et à KLM. Deuxièmement, elle indique qu’il n’y a pas de relation hiérarchique, par l’intermédiaire de son conseil d’administration et du comité de management stratégique, entre elle, d’une part, et AF et KLM, d’autre part. L’ensemble des décisions relatives à l’activité de fret d’AF et de KLM au cours de la période concernée aurait été confié à AF Cargo et à KLM Cargo ainsi qu’au « Joint Cargo Management Committee » (ci-après le « JCMC »). Troisièmement, la requérante souligne qu’aucun des membres de ses organes dirigeants visés dans ladite annexe qui, au cours de la période concernée, ont siégé dans les organes dirigeants d’AF ou de KLM, ne s’est immiscé dans les activités de fret d’AF ou dans celles de KLM. Quatrièmement, elle fait valoir que le JCMC ne constitue qu’une instance de coordination de l’activité de fret d’AF et de KLM n’intervenant qu’au niveau de ces dernières, de sorte qu’elle n’a pu l’utiliser pour s’immiscer dans la politique commerciale d’AF ou de KLM.

252    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

253    À titre liminaire, il convient de distinguer selon que le présent grief est dirigé contre les appréciations de la Commission concernant l’imputation des pratiques d’AF ou contre celles relatives à l’imputation des pratiques de KLM.

254    Dans le premier cas, compte tenu de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante en raison du contrôle que la détention par la requérante de la totalité du capital d’AF et des droits de vote associés aux actions d’AF implique, c’est à cette société mère, conformément à la jurisprudence rappelée au point 223 ci-dessus, qu’il revient d’apporter des éléments de preuve de nature à démontrer à suffisance que sa filiale se comportait de façon autonome sur le marché et, ce faisant, à renverser ladite présomption.

255    Dans le second cas, en l’absence d’application de la présomption en cause, la requérante est seulement tenue d’établir que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que KLM ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché.

256    En l’espèce, il y a lieu d’observer que la requérante dirige plusieurs arguments contre des éléments que la Commission a retenus dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée pour établir l’exercice d’une influence déterminante sur AF. Il y a néanmoins lieu de tenir compte de ces arguments pour déterminer si c’est à juste titre que la Commission a considéré que la requérante n’avait pas renversé la présomption en cause. Il convient, en effet, d’observer que lesdits arguments reposent, pour l’essentiel, sur les mêmes circonstances de fait que celles avancées par la requérante pour renverser la présomption en cause. Quant aux allégations de fait invoquées à l’appui de l’argumentation dirigée contre ces éléments mais que la requérante n’a pas repris aux fins de renverser cette présomption, il y a lieu, pour le Tribunal, d’en tenir compte comme élément pertinent aux fins d’apprécier si AF déterminait de façon autonome son comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 33). Tel est notamment le cas de l’allégation selon laquelle il n’y a pas eu de « recommandations contraignantes » émises par le comité de management stratégique de la requérante.

257    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent grief.

258    Premièrement, il convient d’abord de relever que l’invocation par la requérante de sa nature de holding financière n’est pas, en tant que telle, susceptible de remettre en cause le constat de son exercice effectif d’une influence déterminante sur AF et KLM (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Legris Industries/Commission, T‑376/06, non publié, EU:T:2011:107, points 50 et 51, et du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, EU:T:2011:377, point 74). En effet, dans le contexte d’un groupe de sociétés, une holding, qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe, est une société qui a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d’en assurer l’unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire (arrêt du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission, T‑436/10, EU:T:2015:514, point 125).

259    Quant à la définition par la requérante de la stratégie globale d’AF et de KLM et au périmètre large de cette stratégie en ce qu’elle embrassait l’essentiel des leviers de développement du groupe dont la requérante est la société faîtière, loin d’attester d’une absence d’influence déterminante, ils tendent au contraire à étayer les constats auxquels la Commission est arrivée dans la décision attaquée.

260    À supposer, comme l’affirme la requérante, que ce rôle n’allât pas jusqu’à conduire à son immixtion dans les activités opérationnelles et commerciales d’AF et de KLM, il importe de rappeler que l’influence déterminante susceptible de justifier l’imputation, à la société mère, de la responsabilité pour l’infraction commise par sa filiale, ne saurait concerner que la politique commerciale stricto sensu de cette filiale (arrêt du 23 janvier 2014, Gigaset/Commission, T‑395/09, non publié, EU:T:2014:23, point 45), ni être nécessairement liée à la gestion quotidienne de celle-ci (arrêt du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 64).

261    Au demeurant, il convient de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle elle ne s’est pas immiscée dans les activités opérationnelles et commerciales de ses filiales non seulement n’est étayée par aucune preuve, mais est partiellement contredite par ses déclarations antérieures, faites dans sa réponse du 29 juin 2007 au questionnaire de la Commission du 12 juin 2007 adressé durant l’enquête et produite en annexe à la requête. En effet, selon ces déclarations, « [l]e Conseil d’administration de [la requérante] […] intervenait […] sur les grandes orientations commerciales des principaux métiers du Groupe Air France-KLM ».

262    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel AF et KLM déterminaient de façon autonome leur politique commerciale, leur stratégie, leur budget et leur comportement dans le secteur du fret, tout d’abord, il y a lieu d’observer que la requérante procède, de nouveau, par simples affirmations. Ensuite, l’argumentation de la requérante repose pour l’essentiel sur l’autonomie des départements AF Cargo et KLM Cargo par rapport aux entités dont ils relèvent, respectivement AF et KLM, de sorte qu’elle ne permet pas d’établir l’autonomie d’AF et de KLM à l’égard de la requérante. Enfin, les exemples de domaines, mentionnés par la requérante, à l’égard desquels s’exercerait la prétendue autonomie d’AF Cargo et de KLM Cargo, telles, sur un plan opérationnel, la mise en œuvre des opérations de logistique inhérentes à l’activité de fret ou, sur un plan stratégique, la création et la fixation d’une surtaxe, ne sont pas contradictoires avec le pilotage stratégique plus général que la requérante dit assurer elle-même. En effet, une division des tâches constitue un phénomène normal dans un groupe de sociétés (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, EU:T:2011:377, point 76).

263    Troisièmement, quant à l’abstention du comité de management stratégique de la requérante d’adresser des « recommandations contraignantes » à AF et à KLM, elle touche aux liens juridiques unissant la requérante et ses filiales. Dans ces conditions, bien que cette abstention soit invoquée pour contester les éléments listés dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée, il y a lieu d’examiner dès à présent si elle est de nature à remettre en cause les constats de la Commission relatifs à l’absence d’autonomie de ses filiales.

264    D’une part, il convient de constater que la requérante est en défaut de produire à l’appui de cette allégation le moindre élément de preuve, tels les procès-verbaux ou les comptes rendus des réunions du comité de management stratégique.

265    D’autre part, il est relevé que la requérante ne conteste pas que le comité de management stratégique s’est réuni entre sa création en 2004 et la fin de la période infractionnelle. Il ressort d’ailleurs de sa réponse du 29 juin 2007 au questionnaire de la Commission du 12 juin 2007 que ledit comité s’était effectivement réuni durant cette période et qu’il « [était] […] principalement intervenu sur [l]es questions [stratégiques] ».

266    Or, compte tenu du rôle et des attributions du comité de management stratégique, tels qu’ils ressortent des extraits des rapports annuels de la requérante pour 2004/2005 et 2005/2006, annexés à sa réponse du 29 juin 2007, il paraît peu crédible que les délibérations de ce comité n’aient pas eu précisément pour but de coordonner la stratégie des filiales AF et KLM. En effet, selon ces extraits, « les décisions [dudit comité] expriment la position commune d’AF et de KLM pour toute décision stratégique significative touchant aux domaines commerciaux, financiers, techniques et opérationnels […] ».

267    S’agissant spécifiquement des « recommandations contraignantes », il est précisé que « le [comité de management stratégique] émet des recommandations impératives sur les sujets susmentionnés au Conseil d’administration d’[AF], au Directoire et au Conseil de surveillance de KLM » et que « [l]e Président du Directoire de KLM, le Président du Conseil d’administration d’[AF] et tout président et administrateur ou personnel clé des entités combinées ou de leurs filiales selon le cas, ne peuvent prendre ou mettre en place des décisions relevant de la compétence du [comité de management stratégique] sans que celui-ci n’ait rendu préalablement sa recommandation impérative ». Il en ressort que l’intervention d’AF et de KLM dans un certain nombre de domaines inhérents à leur activité était conditionnée à l’adoption, au niveau du comité de management stratégique de la requérante, de recommandations contraignantes (ou impératives). Or, en l’espèce, la requérante n’apporte pas la moindre preuve ni le moindre élément de contexte de nature à éclairer le Tribunal sur un éventuel abandon, par ledit comité, des prérogatives qui étaient les siennes.

268    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas réussi à renverser la présomption, déduite du contrôle que sa détention de la totalité du capital d’AF et des droits de vote associés aux actions d’AF implique, selon laquelle elle aurait effectivement exercé une influence déterminante sur AF durant la période comprise entre le 15 septembre 2004 et le 14 février 2006.

269    Quant au constat de la Commission selon lequel la requérante a effectivement exercé une influence déterminante sur KLM, aucune erreur entachant l’appréciation de la Commission ne ressort de l’examen, aux points 258 à 267 ci-dessus, de la première série d’arguments de la requérante au soutien du présent grief.

270    Il reste donc à apprécier les arguments présentés par la requérante portant sur les éléments listés dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée concernant les liens qu’elle entretenait avec KLM, ceux ayant trait à AF devant être écartés comme inopérants puisque la requérante a échoué à prouver que la Commission a commis une erreur en s’appuyant sur la présomption en cause.

271    Premièrement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le comité de management stratégique n’a adopté aucune « recommandation contraignante », il convient de renvoyer aux développements figurant aux points 263 à 267 ci-dessus. Au demeurant, la Commission s’est appuyée, dans la décision attaquée, sur le pouvoir dudit comité d’adopter de telles recommandations (voir point 233 ci-dessus), dont l’existence n’est pas contestée par la requérante. Or la possibilité pour la requérante de déterminer ainsi la stratégie de sa filiale témoigne, en elle-même, de l’existence d’un pouvoir de direction de nature à remettre en cause l’autonomie du comportement de cette dernière.

272    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’inexistence d’une « relation de dépendance hiérarchique » entre elle, par l’intermédiaire de son conseil d’administration et de son comité de management stratégique, et KLM, il doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 262 ci-dessus.

273    Troisièmement, la requérante n’est pas fondée à faire valoir qu’aucun des membres de ses organes dirigeants visés dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée qui, au cours de la période concernée, ont siégé dans les organes dirigeants de KLM ne s’est immiscé dans les activités de fret. En effet, elle s’appuie à cet égard sur la circonstance que l’ensemble des décisions relatives à l’activité fret avait été confié, au sein de KLM, au département KLM Cargo ou au JCMC.

274    Or, cet argument doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 262 ci-dessus.

275    Au demeurant, il convient de relever que la requérante se contente d’affirmer, sans preuves à l’appui, que les membres cumulant des fonctions dirigeantes ou des mandats au sein de ses organes sociaux et de ceux de KLM ne se seraient pas immiscés dans les activités de fret. Or, outre qu’elle n’est pas étayée, cette affirmation ne tend pas à infirmer, en tant que telle, l’existence de ces chevauchements, alors qu’il est de jurisprudence constante que l’importance de l’implication d’une société mère dans la gestion de sa filiale peut être attestée par la présence, à la tête de la filiale, de nombreuses personnes occupant des fonctions de direction au sein de la société mère (voir arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 100 et jurisprudence citée).

276    Quatrièmement, c’est en vain que la requérante fait valoir que le JCMC ne constituait qu’une instance de coordination de l’activité de fret d’AF et de KLM intervenant au niveau de ces dernières, de sorte qu’elle n’a pas pu l’utiliser pour s’immiscer dans leurs politiques commerciales respectives.

277    À cet égard, dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée, la Commission a relevé que [confidentiel] (voir point 233 ci-dessus). Or, ainsi que le relève à juste titre la requérante, les éléments au dossier, et notamment sa réponse du 29 juin 2007 au questionnaire de la Commission du 12 juin 2007, font état d’une structure unique organisée au niveau des départements fret des filiales AF et KLM. Il n’en ressort pas que cette structure serait instituée au sein de la requérante ou qu’elle manifesterait, de toute autre manière, l’influence déterminante que cette dernière exercerait sur ses filiales.

278    Il n’en demeure pas moins que les autres raisons, non valablement critiquées, avancées par la Commission au soutien de l’imputation à la requérante des pratiques de KLM à partir du 5 mai 2004, à savoir, premièrement, la détention de 97,5 % du capital et 49 % des droits de vote de KLM, deuxièmement, les pouvoirs de direction, d’orientation et de contrôle de la requérante sur les activités de KLM au travers de son conseil d’administration et de son comité de management stratégique et troisièmement, la présence, à la tête de KLM, de plusieurs personnes occupant des fonctions de direction ou des mandats sociaux au sein de la requérante, suffisent à établir l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur KLM.

279    Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter le présent grief.

4)      Sur le quatrième grief, tiré de la violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions

280    La requérante soutient que l’imputation des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celle de KLM à partir du 5 mai 2004 enfreint les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

281    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

282    Il convient de rappeler que, en vertu des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions qui sont applicables dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence de l’Union, une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, EU:T:2001:288, point 63 ; du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70, point 122, et du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, point 68).

283    Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d’entreprise et avec la jurisprudence selon laquelle le fait que la société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70, point 122, et du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, point 69). En effet, même si la société mère ne participe pas directement à l’infraction, elle exerce, dans une telle hypothèse, une influence déterminante sur la ou les filiales qui ont participé à celle-ci. Il en résulte que, dans ce contexte, la responsabilité de la société mère ne saurait être considérée comme étant une responsabilité sans faute (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 77).

284    Dans une telle circonstance, la société mère est condamnée pour une infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 77 ; du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 180, et du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 52).

285    En l’espèce, dans la mesure où la requérante fonde le présent grief sur l’absence d’exercice d’une influence déterminante sur AF et KLM, sans apporter d’éléments non déjà soulevés dans le cadre des précédents griefs, il suffit de constater qu’il ressort de l’examen des premier et troisième griefs du premier moyen que la Commission a démontré à suffisance de droit que la requérante exerçait une telle influence sur ses filiales durant les périodes en cause. Il s’ensuit que le présent grief repose sur une prémisse erronée.

286    En outre, dans la mesure où elle est exempte d’erreurs et compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 282 et 283 ci-dessus, l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004 ne saurait violer les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

287    Partant, le présent grief doit être rejeté.

288    Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen dans son ensemble.

b)      Sur la seconde branche, prise d’illégalités dans l’imputation à la requérante des pratiques de lancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004 

289    La présente branche, par laquelle la requérante soutient que la Commission a commis plusieurs illégalités en lui imputant les pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004, ce que la Commission conteste, s’articule en trois griefs. Ces derniers sont tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’erreurs dans l’imputation à la requérante desdites pratiques pour la période en cause et, le troisième, d’une violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

290    À titre liminaire, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a procédé en trois temps. Dans un premier temps, au considérant 1080 de cette décision, elle a imputé des agissements de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004 à la requérante en sa qualité de « successeur ». À cet égard, elle s’est fondée sur le constat que, le 15 septembre 2004, l’ancienne société Air France était « devenue » la requérante, par suite d’une transformation en holding et d’un changement de dénomination et objet sociaux, ainsi qu’il est précisé au considérant 22 de la décision attaquée.

291    Dans un deuxième temps, pour la période du 15 septembre 2004 au 14 février 2006, la Commission a retenu, aux considérants 1083 et 1084 de la décision attaquée, que la requérante avait exercé une influence déterminante sur AF.

292    Dans un troisième temps, au considérant 1085 de la décision attaquée, la Commission a déduit des éléments exposés aux points 290 et 291 ci-dessus que la requérante et AF devaient être tenus pour solidairement responsables du paiement de l’amende en raison de leur participation à l’infraction du 7 décembre 1999 au 14 février 2006.

293    Ainsi que la Commission l’a, en substance, confirmé lors de l’audience, cette mention de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue s’appuie sur le constat que la personne morale directement impliquée dans la commission de l’infraction unique et continue jusqu’au 15 septembre 2004 et la requérante seraient une seule et même personne morale, seuls leur dénomination et objet sociaux, entretemps modifiés, les distinguant (voir points 244 et 290 ci-dessus).

1)      Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

294    La requérante soutient que la décision attaquée ne motive pas suffisamment l’imputation qui lui est faite des pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004. Elle critique le considérant 1080 de la décision attaquée qui ne permettrait pas de comprendre le statut qui lui est attribué à l’égard de l’ancienne société Air France au titre de ladite période et, notamment, de savoir si elle a été considérée comme successeur économique ou successeur juridique, voire les deux, de cette société.

295    Le considérant 1080 de la version française de la décision attaquée aurait été modifié par rapport à la décision du 9 novembre 2010. La requérante souligne que, alors que le considérant 1056 de cette décision indiquait qu’elle et AF étaient respectivement le successeur économique et le successeur juridique de l’ancienne société Air France, telle qu’elle existait avant le 15 septembre 2004, le considérant 1080 de ladite décision ne fait plus référence à l’adverbe « respectivement ». Cette modification résulterait de l’erreur reconnue par la Commission devant le Tribunal dans le cadre de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2015, Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996). La requérante fait également observer que pareille modification n’a toutefois pas été opérée dans les versions néerlandaise et anglaise de la même décision, aux termes desquelles, dans ce dernier considérant, ce n’est pas elle, mais AF, qui est désignée comme le successeur économique de l’ancienne société Air France.

296    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

297    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147).

298    Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 45).

299    Comme indiqué aux points 245 à 247 ci-dessus, il ressort du considérant 1080 de la décision attaquée que la Commission s’est appuyée sur la circonstance que la requérante résultait de la transformation de l’ancienne société Air France en holding pour lui imputer les pratiques de cette dernière sur la période concernée.

300    Ce faisant, la Commission a fait apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles elle imputait à la requérante ces pratiques, de manière à lui permettre de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle.

301    Aucun des arguments avancés par la requérante ne vient infirmer cette conclusion.

302    S’il est certes indiqué au considérant 1080 de la décision attaquée, comme le relève la requérante, que cette dernière « et [AF] sont […] les successeurs économiques et juridiques de l’ancienne [s]ociété Air France telle qu’elle existait avant le 15 septembre 2004 », cette référence ne saurait, cependant, être lue de manière isolée.

303    Il convient, en effet, de constater que, au considérant 1080 de la décision attaquée, les constatations qui précèdent immédiatement la référence en cause et qui sont formulées à son appui portent, respectivement, sur la continuité juridique entre l’ancienne société Air France et la requérante et sur la continuité économique entre l’ancienne société Air France et AF. De même, dans les versions linguistiques anglaise et néerlandaise de ladite décision, ladite référence se lit comme suit : « [la requérante] et [AF] sont donc, respectivement, les successeurs juridiques et économiques de l’ancienne [s]ociété Air France ». Il s’ensuit que cette référence doit, d’une part, être considérée comme relevant d’une simple erreur de plume et, d’autre part, être interprétée comme retenant la responsabilité de la requérante exclusivement au titre de la continuité juridique constatée avec l’ancienne société Air France, ce dont la Commission est convenue, au demeurant, lors de l’audience.

2)      Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004

304    La requérante soutient que la Commission lui impute à tort, pour la période antérieure à sa création, soit entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004, les pratiques de l’ancienne société Air France, que le considérant 1080 de la décision attaquée soit interprété en ce sens qu’elle est le « successeur économique » de ladite société, ou son successeur juridique, voire les deux à la fois, au même titre qu’AF.

305    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

306    Il convient de relever que la requérante envisage, dans la requête, trois scénarios dans lesquels elle serait tenue pour responsable des pratiques de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004. Il s’agit, premièrement, du scénario dans lequel la requérante serait son successeur économique, deuxièmement, du scénario dans lequel elle serait son successeur juridique et, troisièmement, du scénario dans lequel elle serait son successeur économique et juridique. Du point de vue de la succession juridique, la requérante se contente de renvoyer à un rappel de jurisprudence développé sous la première branche du présent moyen. Ce rappel couvre, de manière générale, les conditions de l’imputation, à une société mère, des agissements anticoncurrentiels de sa filiale avant l’acquisition de cette dernière.

307    Or, la requérante est en défaut d’expliquer en quoi la jurisprudence invoquée conduit à exclure l’imputation à son égard des pratiques de l’ancienne société Air France. Qui plus est, les situations couvertes par cette jurisprudence sont différentes de celles de l’espèce. En effet, la requérante n’a pas acquis l’ancienne société Air France, mais résulte d’un changement dans les dénomination et objet sociaux de cette dernière, assurant ainsi la continuité juridique des droits et des obligations de l’ancienne société Air France en ce qui concerne ses activités du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

308    Lors de l’audience, la requérante a ajouté que fonder la responsabilité d’AF pour les agissements anticoncurrentiels de l’ancienne société Air France sur une continuité économique entre elles ferait échec à un « partage de responsabilités » avec la requérante. La Commission ne pourrait ainsi décider de transférer la responsabilité des agissements de l’ancienne société Air France à AF et d’imputer, dans le même temps, ces agissements à la requérante.

309    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise concernée au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’entreprise a été placée sous la responsabilité d’une autre personne (arrêt du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, EU:C:2000:626, point 78).

310    La circonstance que certaines caractéristiques de la personne qui dirigeait l’entreprise concernée au moment de l’infraction aient changé, par exemple sa dénomination, ne remet pas en cause la continuité de son existence juridique (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, EU:C:2000:633, points 28 et 29).

311    Or, en l’espèce, il ressort des considérants 22 et 1080 de la décision attaquée, et il est constant, que la personne morale impliquée dans l’infraction unique et continue avant le 15 septembre 2004 a subsisté après cette date, moyennant un changement de ses dénomination et objet sociaux. L’ancienne société Air France, entité juridique opérationnelle, est ainsi « devenue » la requérante, société faîtière du groupe Air France-KLM.

312    Il s’ensuit que, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 309 et 310 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir fait application du critère de la continuité juridique pour retenir la responsabilité de la requérante pour les agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

313    Quant à la circonstance que AF se voit, en tant que successeur économique, également imputer ces agissements, il y a lieu de rappeler qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 100). Ainsi, si un des destinataires d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’est saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entrent pas en principe dans l’objet du litige que le juge de l’Union est appelé à trancher (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 66), sous réserve du cas d’une société mère dont la responsabilité serait entièrement dérivée de celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, EU:C:2013:29, points 43 et 49).

314    Or, dans la mesure où la responsabilité de la requérante pour les agissements de l’ancienne société Air France n’est pas dérivée de celle de sa filiale AF, il s’ensuit qu’elle n’est pas recevable, dans le cadre du présent recours, à faire grief à la Commission d’avoir imputé à ladite filiale les agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

315    Au regard de ce qui précède, le deuxième grief doit être rejeté.

3)      Sur le troisième grief, tiré d’une violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et de sanctions

316    La requérante soutient que l’imputation qui lui est faite des pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004 viole les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions. Elle soutient qu’elle n’existait pas pendant cette période et qu’elle ne constitue pas le successeur économique de l’ancienne société Air France.

317    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

318    À cet égard, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée qu’elle « n’existait pas » à la date des agissements de l’ancienne société Air France. En effet, ainsi qu’il est relevé aux points 293 et 311 ci-dessus, l’ancienne société Air France et la requérante sont une seule et même personne morale, dont la constitution est antérieure à la commission des agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

319    Au regard de ce qui précède, le troisième grief doit être rejeté et, par voie de conséquence, la seconde branche dans son ensemble.

320    Il convient également de rejeter le grief soulevé à titre liminaire dans le cadre du présent moyen, dans la mesure où il est pris de l’absence de participation de la requérante à l’infraction unique et continue. En effet, il ressort de l’examen de la présente branche que la responsabilité de la requérante pour les agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004 n’est pas une responsabilité dérivée. Le présent moyen doit donc être rejeté.

4.      Sur le deuxième moyen, tiré de violations de la communication sur la clémence de 2002 et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection de la confiance légitime

321    La requérante soutient que les preuves apportées par Lufthansa dans le cadre de sa demande d’immunité sont irrecevables et doivent être retirées du dossier. Lufthansa n’aurait, en effet, pas été éligible à une immunité d’amende, dans la mesure où elle n’aurait pas mis fin à sa participation à l’infraction unique et continue postérieurement au dépôt de sa demande d’immunité et aurait, par suite, violé les conditions visées au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002.

322    Or, sans les preuves en question, la Commission aurait été dans l’impossibilité d’ouvrir l’enquête, ce qu’elle aurait reconnu au considérant 1302 de la décision attaquée. En outre, ces preuves constitueraient le socle de cette décision, comme il serait souligné au considérant 1250 de la même décision. Le retrait du dossier de ces preuves devrait donc conduire à l’annulation de ladite décision dans son intégralité.

323    La Commission conteste l’argumentation de la requérante. D’une part, elle fait valoir que le présent moyen est inopérant, dans la mesure où le retrait du bénéfice de l’immunité à Lufthansa n’entraînerait pas l’irrecevabilité des pièces soumises par celle-ci dans le cadre de la demande d’immunité. D’autre part, elle soutient que Lufthansa avait été sensibilisée au fait qu’une éventuelle divulgation de ladite demande était considérée comme étant susceptible d’avoir une incidence négative sur le bon déroulement de l’enquête et sur la capacité de la Commission à instruire et à réprimer l’entente litigieuse. Par ailleurs, le maintien des contacts entre Lufthansa et les autres transporteurs incriminés serait aussi intervenu à la demande d’une autorité de concurrence d’un pays tiers.

324    La requérante réplique que le présent moyen est opérant et que les arguments que la Commission a développés devant le Tribunal s’agissant des circonstances particulières qui auraient justifié la poursuite de l’infraction par Lufthansa postérieurement au dépôt de la demande d’immunité sont irrecevables, faute de figurer dans la décision attaquée. Elle estime que de tels arguments, en ce qu’ils lui ont été dissimulés, constituent une « violation des droits de la défense à travers une rupture de l’égalité des armes ».

325    La requérante demande en conséquence au Tribunal d’enjoindre à la Commission de communiquer les « détails des preuves » des nouveaux éléments avancés dans le mémoire en défense afin de lui permettre d’être pleinement éclairée sur les circonstances dans lesquelles la Commission et l’autorité de concurrence d’un pays tiers ont encouragé Lufthansa à poursuivre l’infraction au-delà du 7 décembre 2005.

326    Il y a lieu d’observer que l’argumentation de la requérante repose toute entière sur la prémisse selon laquelle le non-respect des conditions visées au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002 est de nature à entraîner l’irrecevabilité des éléments de preuve apportés dans le cadre d’une demande d’immunité.

327    Cette argumentation se fonde sur les arrêts du 12 décembre 2012, Almamet/Commission (T‑410/09, non publié, EU:T:2012:676, points 39 et 40) et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, EU:T:2015:383, points 44, 46 et 80), dont il ressort que le droit de l’Union ne saurait admettre des preuves recueillies en méconnaissance totale de la procédure prévue pour leur établissement et visant à protéger les droits fondamentaux des intéressés.

328    Il y a, cependant, lieu d’observer que les conditions d’octroi du bénéfice de l’immunité d’amendes ne sont pas des règles procédurales relatives à l’établissement des preuves. Elles se rattachent en effet aux motivations qui amènent un témoin à collaborer avec les autorités et n’ont, en tant que telles, aucune incidence sur la légalité de la collecte des preuves et la possibilité de les exploiter (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire FSL e.a./Commission, C‑469/15 P, EU:C:2016:884, points 76 et 77).

329    En outre, pour autant que, par son argumentation, la requérante soutient qu’admettre de tels éléments de preuve serait contraire à certaines garanties fondamentales ou formes substantielles, au demeurant non précisées dans ses écritures, il y aurait lieu de relever que, selon la jurisprudence, une entreprise qui décide de soumettre une déclaration en vue de l’obtention d’une réduction du montant de l’amende est consciente du fait que, alors qu’une réduction ne lui sera accordée que si, de l’avis de la Commission, les conditions d’une réduction prévues dans la communication sont remplies, la déclaration fera en tout état de cause partie du dossier et pourra être invoquée à titre de preuve (arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, point 111).

330    Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s’est, certes, appuyé sur le paragraphe 31 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence de 2006 »), venue remplacer la communication sur la clémence de 2002, qui dispose que « [t]oute déclaration faite à la Commission dans le cadre de la présente communication fait partie du dossier de la Commission et peut donc être invoquée à titre de preuve ».

331    Toutefois, il ressort du paragraphe 37 de la communication sur la clémence de 2006 que le paragraphe 31 de ladite communication est applicable aux demandes de clémence pendantes au moment de l’entrée en vigueur de cette communication (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, points 27 et 111). Or, tel est le cas de la demande introduite par Lufthansa le 7 décembre 2005 auprès de la Commission. En effet, cette demande était toujours pendante à la date d’entrée en vigueur de la communication en question, le 8 décembre 2006.

332    Au demeurant, selon le paragraphe 33 de la communication sur la clémence de 2002, « [t]oute déclaration écrite faite à la Commission en rapport avec la présente communication fait partie intégrante de son dossier ». Partant, une telle déclaration peut être utilisée à titre de preuve par la Commission. Le libellé du paragraphe 31 de la communication sur la clémence de 2006 ne fait, dès lors, qu’expliciter les conséquences qui découlent nécessairement du maintien dans le dossier de ladite déclaration.

333    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, rien ne s’oppose à ce que les conclusions auxquelles le Tribunal est arrivé dans l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), s’agissant des déclarations faites par le demandeur de clémence, soient étendues à l’ensemble des éléments de preuve fournis par une entreprise en vue d’obtenir le bénéfice d’une immunité d’amendes.

334    Ainsi, dans l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), le Tribunal s’était appuyé, en substance, sur le caractère volontaire de la coopération fournie par l’entreprise désireuse d’obtenir une réduction du montant de l’amende ainsi que sur les termes de la communication sur la clémence applicable aux faits en cause pour conclure que la déclaration du demandeur de clémence pouvait être invoquée à titre de preuve, indépendamment du sort de sa demande de clémence.

335    Or, d’une part, les éléments de preuve fournis par Lufthansa en l’espèce dans le cadre de sa demande d’immunité, à l’instar de la déclaration du demandeur de clémence dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), l’ont été volontairement.

336    D’autre part, ni la communication sur la clémence de 2002, ni celle de 2006 ne contiennent de dispositions tendant à entretenir, pour les entreprises désireuses de coopérer avec la Commission, des attentes concernant le sort des éléments de preuve fournis par ces entreprises qui, bien que bénéficiaires d’une immunité conditionnelle d’amendes (conformément au paragraphe 15 de la communication de 2002 ou au paragraphe 18 de la communication de 2006), ne pourraient pas remplir les conditions pour bénéficier d’une immunité définitive (conformément au paragraphe 19 de la communication de 2002 ou au paragraphe 22 de la communication de 2006). Cette situation contraste avec les précisions offertes par lesdites communications sur le sort des éléments fournis à l’appui d’une demande dont la Commission exclut qu’elle satisfasse aux conditions d’octroi du bénéfice d’une immunité conditionnelle. En effet, dans un tel cas, l’entreprise peut retirer les éléments de preuve divulgués (voir paragraphe 17 de la communication de 2002 et paragraphe 20 de la communication de 2006).

337    Au surplus, écarter automatiquement du dossier les éléments de preuve fournis par une entreprise dont il s’avère que, bien qu’éligible à une immunité d’amendes au moment où elle introduit sa demande d’immunité, elle ne respecte pas les conditions pour en bénéficier de manière définitive à la date d’adoption de la décision constatant une infraction compromettrait l’effet utile de la procédure de clémence. En effet, la Commission serait privée de preuves par hypothèse essentielles à l’établissement de l’infraction en cause et de la participation d’entreprises à celle-ci, à un stade où la possibilité de suppléer à ce manque par des actes d’investigation supplémentaires serait considérablement amoindrie, notamment en raison du risque de dépérissement des preuves. En outre, le succès des procédures risquerait d’être laissé au bon vouloir du demandeur d’immunité, tandis que la Commission serait entravée dans le contrôle efficace du respect des conditions d’octroi du bénéfice de l’immunité d’amendes, la menace d’un non-octroi perdant, au regard des conséquences qui y seraient attachées, en crédibilité.

338    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le non-respect par Lufthansa de la condition prévue au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002, à le supposer avéré, n’est pas de nature à priver la Commission de la possibilité d’utiliser les éléments de preuve communiqués dans le cadre de sa demande de clémence.

339    Partant, il convient de constater que la prémisse sur laquelle le présent moyen est fondé est erronée et, partant, de le rejeter.

340    S’agissant de la demande de la requérante tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction afin d’obtenir la production des preuves des nouveaux éléments prétendument avancés par la Commission dans ses écritures, il convient de relever que le Tribunal a été en mesure de statuer sur le bien-fondé du présent moyen sur la base des éléments produits devant lui et qu’il est le seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi en prenant les mesures demandées en l’espèce (arrêt du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑481/07 P, non publié, EU:C:2009:461, point 44).

341    En effet, les éléments dont la requérante demande la production concerneraient, en substance, les conditions dans lesquelles Lufthansa a poursuivi sa participation à l’infraction unique et continue, au regard des exigences posées au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002. Or, ainsi qu’il a été jugé au point 338 ci-dessus, le non-respect de ces exigences n’est pas de nature à priver la Commission de la possibilité d’utiliser les éléments de preuve communiqués par Lufthansa dans le cadre de sa demande de clémence. Les éléments demandés par la requérante ne sont donc pas pertinents, en l’espèce, pour la solution du litige. La demande de la requérante doit, par conséquent, être rejetée.

5.      Sur le troisième moyen, tiré de violations de l’obligation de motivation et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection contre l’intervention arbitraire de la Commission

342    Le présent moyen, par lequel la requérante reproche, en substance, à la Commission de l’avoir sanctionnée tout en s’abstenant d’en faire de même pour les transporteurs non incriminés ainsi que pour des transporteurs qui n’étaient pas destinataires de la communication des griefs, mais qui sont mentionnés dans les motifs de la décision attaquée, s’articule en deux branches. Celles-ci sont prises, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la « protection contre l’intervention arbitraire de la Commission ».

343    À titre principal, la Commission soutient que le présent moyen est irrecevable, au motif que la requérante n’a aucun intérêt à le soulever.

344    À titre subsidiaire, elle fait valoir que les deux branches du présent moyen ne sont pas fondées.

a)      Sur la première branche, prise d’une violation de l’obligation de motivation

345    La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce que son dispositif ne mentionne pas 47 des transporteurs listés à l’annexe 1 de ladite décision et qui, selon les motifs de cette dernière, ont pris part aux pratiques incriminées (ci-après les « 47 transporteurs »). Ladite décision n’apporterait aucune justification, d’une part, à l’abandon des poursuites contre 11 de ces transporteurs, qui comptaient parmi les destinataires de la communication des griefs et, d’autre part, à l’exclusion du périmètre de l’infraction unique et continue des 36 autres transporteurs. La requérante ajoute que l’obligation de motivation a été renforcée par la jurisprudence récente et que la décision en question aurait dû contenir suffisamment d’éléments permettant de vérifier qu’aucune atteinte au principe d’égalité de traitement n’ait été commise à l’égard des transporteurs incriminés lorsque la Commission a décidé de ne pas inclure dans ledit périmètre un certain nombre de transporteurs visés par l’enquête.

346    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

347    À cet égard, il convient de relever que la Commission n’a aucune obligation d’exposer, dans une décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, les raisons pour lesquelles certaines entreprises n’ont pas été poursuivies ou sanctionnées. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 414).

348    Or, en l’espèce, la requérante se prévaut précisément de l’omission de la Commission d’expliquer pourquoi des entreprises qui se seraient trouvées dans une situation semblable à la sienne n’ont pas été tenues pour responsables de l’infraction unique et continue.

349    Il s’ensuit que la présente branche ne saurait prospérer.

350    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le renforcement de l’obligation de motivation qui résulterait, selon la requérante, d’une jurisprudence récente.

351    Certes, le Tribunal a jugé que, aux fins de la motivation d’une décision adoptée pour assurer l’application des règles de concurrence, la Commission était est tenue, en vertu de l’article 296 TFUE, de mentionner, à tout le moins, les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, permettant ainsi à la juridiction compétente et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du droit de l’Union (arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 27).

352    Il convient, cependant, de rappeler que le défaut de motivation que la requérante reproche à la Commission porte sur des explications qui, quel que soit leur contenu, ne seraient pas susceptibles de vicier la décision attaquée au point d’en compromettre la validité, dès lors qu’une entreprise qui s’est vu infliger une amende du fait de sa participation à une entente, en violation des règles de concurrence, ne peut demander l’annulation ou la réduction de cette amende au motif qu’un autre participant à la même entente n’aurait pas été sanctionné pour une partie, ou pour l’intégralité, de sa participation à ladite entente [arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 38].

353    Il suit de ce qui précède que la présente branche doit être rejetée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt de la requérante à la soulever.

b)      Sur la seconde branche, prise d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection contre l’intervention arbitraire de la Commission

354    La requérante soutient que l’exclusion du dispositif de la décision attaquée des 47 transporteurs viole les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination. Nombre de preuves incriminant ces transporteurs et figurant dans les motifs de ladite décision seraient les mêmes que celles retenues contre AF et KLM ainsi que les autres destinataires de cette décision. Certains des 47 transporteurs auraient, au demeurant, fait l’objet de condamnations par les autorités de concurrence de pays tiers pour leur participation aux pratiques incriminées, tandis que la preuve de l’implication de l’un d’entre eux dans ces pratiques serait apportée par sa demande de clémence déposée auprès de la Commission. La requérante souligne à cet égard les effets de ce traitement inégal en termes de risque d’un constat de récidive en cas de commission d’un comportement semblable, d’acquisition de la prescription et d’exposition à des actions en dommages et intérêts.

355    La requérante fait aussi valoir que l’exclusion du dispositif de la décision attaquée des 47 transporteurs viole le principe de la « protection contre l’intervention arbitraire de la Commission ». Selon elle, le fait que ladite décision ne justifie pas d’un lien direct entre l’objet de l’infraction unique et continue et les transporteurs qui en sont tenus pour responsables constitue en effet une intervention arbitraire de la Commission à son égard.

356    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

357    Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée).

358    La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, point 202 et jurisprudence citée).

359    En l’espèce, la requérante fait, en substance, valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en la sanctionnant tout en s’abstenant de retenir la responsabilité des 47 transporteurs et de les sanctionner en conséquence.

360    Or, la requérante n’établit aucunement que les 47 transporteurs se trouvaient dans une situation semblable à la sienne. Si elle indique qu’un certain nombre de contacts anticoncurrentiels opposés à AF impliquaient également des transporteurs qui n’étaient pas destinataires de la décision attaquée, elle ne démontre pas que le faisceau d’indices dont la Commission disposait à l’encontre des transporteurs en cause était semblable à celui dont elle disposait à son égard.

361    Au surplus, quand bien même les 47 transporteurs seraient dans une situation semblable à celle de la requérante et même à supposer que la Commission ait commis une illégalité en ne retenant pas leur responsabilité, une telle illégalité, dont le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre du présent recours, ne saurait en aucun cas l’amener à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard de la requérante. Il résulte, en effet, de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 55).

362    Le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit donc être rejeté.

363    S’agissant du caractère prétendument arbitraire de l’intervention de la Commission, il ressort en particulier des considérants 721 à 726 de la décision attaquée que la Commission a dûment exposé les motifs pour lesquels elle a tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue et l’a sanctionnée à ce titre. Or, la requérante ne démontre ni même n’allègue que ces motifs seraient empreints d’arbitraire.

364    En ce qui concerne l’absence de constat d’infraction et de sanction à l’encontre des 47 transporteurs, il y a lieu de relever que, au considérant 716 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’accord[ait] pas forcément la même valeur à chaque considérant […] ni à chaque élément de preuve individuel qu’il contient » et que « [l]es considérants auxquels il [était] fait référence f[aisaient] plutôt partie de l’ensemble global de preuves sur lequel [elle] se fond[ait] et d[evaient] être appréciés dans ce contexte ».

365    Cette approche est conforme à la jurisprudence, dont la requérante n’invoque d’ailleurs aucunement le caractère arbitraire, selon laquelle la Commission est en droit de procéder par faisceau d’indices, apprécié globalement, pour arriver à la ferme conviction que l’entreprise en cause a pris part à l’infraction et explique que la Commission ait pu considérer, en l’espèce, qu’une appréciation d’ensemble des contacts litigieux retenus en ce qui concerne la requérante suffisait pour l’incriminer, tout en considérant qu’un faisceau d’indices suffisamment convaincant faisait défaut pour d’autres transporteurs concernés par certains des contacts cités dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 51).

366    Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation du principe de la « protection contre l’intervention arbitraire de la Commission » doit être rejeté.

367    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

368    Le présent moyen ne saurait, dès lors, prospérer.

6.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une contradiction de motifs et d’une erreur manifeste d’appréciation

369    Le présent moyen, par lequel la requérante fait grief à la Commission d’avoir qualifié le refus de paiement de commissions de composante de l’infraction unique et continue qui serait distincte de la STC et de la STS, s’articule en deux branches. Elles sont prises, la première, d’une contradiction de motifs et, la seconde, d’une erreur manifeste d’appréciation.

a)      Sur la première branche, prise d’une contradiction de motifs

370    La requérante soutient que le constat de la Commission selon lequel le refus de paiement de commissions constitue une composante de l’infraction unique et continue distincte de la STC et de la STS est entaché de contradiction. Selon elle, pour arriver à ce constat, la Commission a retenu deux prémisses contradictoires, à savoir, d’une part, que les commissions « auraient autrement dû être payées si elles avaient fait partie intégrante des tarifs » (considérant 879 de la décision attaquée) et, d’autre part, qu’elles sont en réalité des ristournes ou des remises sur les surtaxes (considérants 5 et 879 de ladite décision). Selon elle, à l’inverse de la seconde, la première supposition reposerait sur l’idée que les transitaires sont des agents fournissant un service spécifique en rapport avec les surtaxes, pour lequel ils sont rémunérés par des commissions convenues à l’avance.

371    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

372    Il convient de rappeler que la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 151).

373    Une contradiction dans la motivation d’une décision constitue une violation de l’obligation de motivation, de nature à affecter la validité de l’acte en cause, s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (arrêts du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, EU:T:1995:12, point 42, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, EU:T:2000:93, point 85).

374    Le considérant 5 de la décision attaquée se lit comme suit :

« […] En refusant de payer une commission, les transporteurs faisaient en sorte que les surtaxes ne soient pas soumises à la concurrence par des remises négociées avec leurs clients. »

375    De même, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les commissions étaient « en réalité » des ristournes sur les surtaxes, faisant ainsi apparaître qu’elle n’entérinait pas, par le biais de l’utilisation du terme « commissions », l’existence d’un modèle d’agence entre transporteurs et transitaires.

376    Il ressort de ces deux considérants que la Commission a analysé le refus de paiement de commissions comme une mesure de coordination tarifaire ayant pour objectif d’aligner le comportement des transporteurs incriminés devant répondre à des demandes de remises ou de ristournes de leurs clients transitaires.

377    Il est vrai que, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a aussi indiqué que « les commissions sur les surtaxes […] auraient autrement dû être payées si [les surtaxes] avaient fait partie intégrante des tarifs ».

378    Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, cette phrase ne contredit pas les passages de la décision attaquée cités aux points 374 et 375 ci-dessus.

379    En effet, d’une part, il ressort des considérants 675 à 702 de la décision attaquée que les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004 étaient présentées comme des commissions sur la perception des surtaxes auprès des expéditeurs et que les transporteurs eux-mêmes employaient, dans leurs contacts à ce sujet, les expressions « commission » ou « rémunération », comme en attestent notamment les considérants 681 à 683, 685, 695, 696, 698 et 700 de ladite décision.

380    Il s’ensuit que l’emploi du terme « commissions » par la Commission pour désigner les comportements couverts par la composante en cause de l’infraction unique et continue, loin de constituer une prise de position sur le modèle de relations commerciales alors en vigueur entre transporteurs et transitaires, ne faisait que refléter la manière dont ceux-ci désignaient les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004.

381    Il n’y a donc pas lieu de considérer que l’évocation de « commissions sur les surtaxes » au considérant 879 de la décision attaquée est contradictoire avec l’évocation, au même considérant et ailleurs dans ladite décision, de « ristournes sur les surtaxes ».

382    D’autre part, il importe de relever que la référence, au considérant 879 de la décision attaquée, au fait que des commissions auraient été dues si les surtaxes avaient fait partie intégrante des tarifs figure immédiatement après le constat que le refus de paiement de commissions a été facilité par le maintien des surtaxes « en tant qu’éléments séparés du prix global, distincts des tarifs ». Lue dans son contexte, ladite référence se comprend donc en ce sens que les transporteurs, en distinguant les surtaxes des tarifs dans leur facturation, évitaient l’application aux surtaxes des ristournes, ou « commissions », qui étaient applicables aux tarifs.

383    Ainsi, la référence en cause, qui ne concerne pas les ristournes sur les surtaxes, mais les ristournes sur les tarifs, ne porte pas, contrairement à ce que soutient la requérante, sur la nature des « commissions sur les surtaxes » et n’appuie pas en particulier la conclusion selon laquelle celles-ci étaient convenues à l’avance dans le cadre d’une relation d’agence.

384    Au regard de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la présente branche.

b)      Sur la seconde branche, prise d’une erreur manifeste d’appréciation

385    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant, dans le dispositif de la décision attaquée, que la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions était distincte de celles tenant à la STC et à la STS. Selon elle, la Commission a retenu de manière erronée que les transitaires agissaient en qualité d’agents d’AF et de KLM, à qui ils auraient fourni un service de collecte des surtaxes leur donnant droit au paiement d’une commission. Ces contacts auraient eu pour objet d’échanger sur le principe même du paiement d’une commission sur les surtaxes et auraient ainsi concerné le refus d’accorder aux transitaires des remises sur la STC et la STS. Ils auraient, dès lors, relevé de la coordination de ces deux surtaxes. La requérante estime que, en l’absence de composante distincte relative au refus de paiement de commissions, elle était fondée à demander une réduction du coefficient de gravité retenu au titre du calcul de l’amende qui lui a été infligée.

386    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

387    D’emblée, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré d’une erreur dans la qualification du modèle de relations commerciales entre les transitaires et les agents et de la rémunération de ces derniers, pour des motifs analogues à ceux énoncés aux points 374 et 383 ci-dessus, dans lesquels le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas entériné, dans la décision attaquée, l’existence d’un modèle d’agence entre transporteurs et transitaires ni l’exigibilité d’une commission sur les surtaxes au bénéfice des transitaires.

388    Quant à l’argument de la requérante selon lequel les contacts visés aux considérants 689 à 702 de la décision attaquée relevaient en réalité des composantes relatives à la STC et à la STS, il convient, également de le rejeter. Il ressort de cette décision, et en particulier de ses considérants 675 à 702, que le refus de paiement de commissions se distingue des deux autres composantes de l’infraction unique et continue. Ainsi, une chose est, pour les transporteurs, de se coordonner directement sur l’application et la valeur de la STC et de la STS, une autre est pour eux de s’entendre pour refuser aux transitaires une ristourne sur le montant de ces surtaxes, une fois le principe de leur application et leur montant convenus.

389    Pour ce qui est de l’argument selon lequel les contacts en cause avaient pour objet d’échanger sur le principe même du paiement d’une commission sur les surtaxes, il ressort de la décision attaquée que les transporteurs incriminés se sont concertés en convenant – à un niveau multilatéral – de refuser de négocier le paiement de commissions avec les transitaires et de leur octroyer des ristournes sur les surtaxes. Ainsi, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 19 mai 2005, dans lequel un gestionnaire régional de Swiss en Italie indique que « tous [les participants à une réunion tenue le 12 mai 2005 avaient] confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». Au considérant 696 de ladite décision, il est fait état d’un courriel du 14 juillet 2005 dans lequel CPA indique que « tous [les participants à une réunion tenue la veille] ont reconfirmé leur ferme intention de ne pas accepter de négociation concernant [le paiement de commissions] ». Aussi, au considérant 700 de la même décision, la Commission a invoqué un courriel interne dans lequel une employée de Cargolux informait son administration centrale de la tenue d’une réunion « avec tou[s] les [transporteurs] opérant à l’aéroport de [Barcelone] » et indiquait que, « de l’avis général, nous ne devrions pas payer de commissions sur les surtaxes ».

390    Il ressort également de la décision attaquée que plusieurs transporteurs ont échangé des informations – à un niveau bilatéral – pour s’assurer mutuellement de leur adhésion continue au refus de paiement de commissions dont ils étaient convenus au préalable. À titre d’illustration, le considérant 688 de cette décision décrit une conversation téléphonique du 9 février 2006 au cours de laquelle Lufthansa a demandé à AF si sa position au sujet du refus de paiement de commissions restait inchangée.

391    Il s’ensuit que la deuxième branche n’est pas fondée et doit être écartée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

392    Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

7.      Sur le sixième moyen, tiré d’une contradiction de motifs, d’une erreur manifeste d’appréciation et de violations des paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et de légalité ainsi que des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »dans le calcul de la valeur des ventes

393    Le présent moyen, qui porte sur le calcul de la valeur des ventes, s’articule en deux branches. La première est prise d’une contradiction de motifs, d’une erreur manifeste d’appréciation et de violations des paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et de légalité, tenant à la détermination de la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires généré par la vente de services de fret en général plutôt que par référence aux revenus spécifiques tirés de la STC et de la STS. La seconde est prise de violations du paragraphe 13 desdites lignes directrices ainsi que des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale », tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants.

a)      Sur la première branche, prise d’une contradiction de motifs, d’une erreur manifeste d’appréciation et de violations des paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et de légalité

394    La requérante reproche, en substance, à la Commission de lui avoir imposé une amende dont le périmètre excède celui de l’infraction unique et continue. La Commission aurait, en effet, déterminé la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires généré par la vente de services de fret en général plutôt que par référence aux revenus spécifiques tirés de la STC et de la STS, qui seules auraient été concernées par cette infraction. À l’appui de cette thèse, la requérante soulève quatre arguments.

395    En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs. La Commission aurait, en effet, à la fois inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant des tarifs et exclu ces derniers du périmètre de l’infraction unique et continue « en raison de preuves insuffisantes ».

396    En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de légalité et de proportionnalité des peines et les paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006, dans la mesure où la valeur des ventes inclut le chiffre d’affaires provenant des tarifs, alors même que ceux-ci ont été exclus du périmètre de l’infraction unique et continue. À suivre la Commission, le montant de base de l’amende aurait été identique que les tarifs soient ou non inclus dans le périmètre de cette infraction. Or, la STC et la STS, qui auraient seules fait l’objet de cette infraction, n’auraient représenté que 18 % du prix des services de fret d’AF en 2004-2005 et 22 % de ceux de KLM entre janvier 2004 et février 2006.

397    Dans la réplique, la requérante ajoute que la Commission a une profonde méconnaissance des surtaxes dans le secteur du transport aérien. Il serait inexact d’affirmer que la STS et la STC sont indissociables des autres composantes du prix. Ces deux surtaxes répondraient à des objectifs économiques distincts de ceux des tarifs et obéiraient à des mécanismes de calcul propres. Par ailleurs, la recherche du caractère dissuasif de la sanction ne justifierait pas la violation des principes fondamentaux et des règles applicables.

398    En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination entre elle et les autres transporteurs incriminés. En effet, la Commission aurait imposé à ces derniers des amendes dont le montant n’est pas proportionnellement lié au profit qu’ils ont pu dégager de l’infraction unique et continue. La partie tarifaire du prix des services de fret d’AF et de KLM, et très probablement celle des autres transporteurs incriminés, varierait fortement d’une liaison à l’autre, si bien que ce montant serait lui-même amené à varier à partir d’un élément exogène aux pratiques sanctionnées.

399    En quatrième lieu, la requérante avance que la Commission n’était pas fondée à se prévaloir de l’arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission (T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91). Selon elle, dans cette affaire, le mode de calcul du montant de l’amende n’était pas fondé sur les lignes directrices de 2006 et la question soulevée portait sur la prise en compte d’un coût de production dans le calcul de la valeur du marché affecté pour déterminer la gravité de la pratique, et non sur le périmètre de la valeur des ventes ou la distinction entre les surtaxes et les tarifs.

400    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

401    Il y a lieu de rappeler que la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, reflète le prix hors taxes facturé au client pour le bien ou service qui a fait l’objet de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée). Eu égard à l’objectif poursuivi par ledit paragraphe, repris au paragraphe 6 des mêmes lignes directrices, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci, la notion de valeur des ventes doit ainsi être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).

402    La Commission peut donc utiliser pour déterminer la valeur des ventes le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché de biens ou de services concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, points 66 et 67).

403    Or, comme le relève en substance la Commission, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 108 et 1187 de la décision attaquée, la STC et la STS ne sont que deux éléments du prix des services en cause.

404    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne s’opposait pas à ce que la Commission tienne compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans le diviser en ses éléments constitutifs.

405    Au surplus, il convient d’observer que l’approche préconisée par la requérante revient à considérer que les éléments du prix qui n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés doivent être exclus de la valeur des ventes.

406    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune raison valable d’exclure de la valeur des ventes les intrants dont le coût échappe au contrôle des parties à l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91). Contrairement à ce que soutient la requérante, il en va de même des éléments de prix qui, tels les tarifs, n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination, mais font partie intégrante du prix de vente du produit ou service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 5030).

407    En juger autrement aurait pour conséquence d’imposer à la Commission de ne pas prendre en compte le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais de le prendre en considération dans d’autres cas, en fonction d’un seuil qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 53). Tel est le cas que soient en cause les lignes directrices de 2006 ou les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3).

408    C’est donc sans se contredire et sans violer les paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.

409    Le présent argument doit donc être rejeté.

410    Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission a, en incluant le prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, violé le principe de proportionnalité, il importe de rappeler que ce dernier exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 223).

411    Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les infractions aux règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité exige que les amendes ne soient pas démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à celle-ci, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa gravité et de sa durée [voir arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 103 et jurisprudence citée].

412    Dans le cadre de l’appréciation de la gravité d’une infraction aux règles de concurrence, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises qui ont fait l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 96).

413    Selon la jurisprudence, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits ou des services qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction [arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 106].

414    La valeur des ventes présente aussi l’avantage de constituer un critère objectif facile à appliquer. Elle rend ainsi l’action de la Commission plus prévisible pour les entreprises et leur permet, dans un objectif de dissuasion générale, d’évaluer l’importance du montant d’une amende à laquelle elles s’exposent lorsqu’elles décident de participer à une entente illicite [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 159].

415    Le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 reprend ces principes de la manière suivante :

« […] la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique. »

416    Or, au considérant 1190 de la décision attaquée, la Commission a précisément conclu qu’il convenait de tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret plutôt que des seuls éléments de leur prix qui ont spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés, à savoir les surtaxes.

417    Contrairement à ce que soutient la requérante, la seule circonstance que les surtaxes ne représentaient qu’un pourcentage limité du chiffre d’affaires d’AF et de KLM provenant de la vente de services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers pour l’exercice 2004/2005 n’est pas de nature à démontrer que cette approche était disproportionnée au regard de l’importance économique de l’infraction unique et continue.

418    En effet, le fait même qu’une entreprise effectue des ventes à des prix dont seul un ou plusieurs éléments ont été fixés ou ont fait l’objet d’échanges illicites d’informations entraîne une distorsion de concurrence affectant l’ensemble du marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 62).

419    Il s’ensuit que l’approche suivie au considérant 1190 de la décision attaquée, consistant à tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret, est apte à contribuer à la réalisation du premier objectif visé au paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, consistant à refléter adéquatement l’importance économique de l’infraction unique et continue. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que cette approche était inapte à contribuer à la réalisation du second objectif visé audit paragraphe, consistant à refléter adéquatement le poids relatif de chaque transporteur incriminé.

420    La requérante ne saurait non plus reprocher à la Commission de l’avoir sanctionnée comme si l’entente litigieuse avait également porté sur les tarifs. En effet, selon la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006, la nature de l’infraction est prise en compte à un stade ultérieur du calcul de l’amende, lors de la détermination du coefficient de gravité, qui, en application du paragraphe 20 de ces lignes directrices, est apprécié au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, points 296 et 297).

421    C’est donc sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.

422    Pour ce qui est de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a violé le principe de légalité des délits et des peines en procédant de la sorte, il importe de relever que la requérante n’invoque ni une application rétroactive de la loi ni le défaut de base légale suffisamment accessible ou prévisible pour constater l’infraction unique et continue dont elle a été tenue pour responsable ou infliger la sanction qui correspond à cette infraction. Elle se plaint uniquement d’un défaut de coïncidence entre le périmètre de ladite infraction et celui de ladite sanction.

423    À cet égard, il convient de rappeler que la répression efficace des infractions en matière de droit de la concurrence ne peut aller jusqu’à méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré à l’article 49 de la Charte (voir arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1655 et jurisprudence citée).

424    Selon la jurisprudence, ce principe exige qu’une réglementation de l’Union définisse clairement les infractions et les sanctions (voir arrêt du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 25 et jurisprudence citée) et exclut ainsi que l’entreprise concernée se voie infliger une sanction plus lourde que celle encourue pour l’infraction dont elle a été tenue pour responsable (voir, en ce sens, Cour EDH, 22 juillet 2003, Gabarri Moreno c. Espagne, CE:ECHR:2003:0722JUD 006806601, point 23).

425    Le respect du principe de légalité des délits et des peines s’apprécie au regard du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 40).

426    En l’espèce, il incombe donc au Tribunal de vérifier si, en incluant dans la valeur des ventes l’entier montant des ventes liées aux services de fret, la Commission a, en application des règles de droit en vigueur, sanctionné la requérante d’une manière qui correspondait à l’infraction dont elle a été tenue pour responsable (voir, en ce sens, Cour EDH, 22 juillet 2003, Gabarri Moreno c. Espagne, CE:ECHR:2003:0722JUD 006806601, point 25).

427    Aux considérants 1188 à 1190 de la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 tel qu’interprété par la jurisprudence du Tribunal pour retenir ce qui suit :

« Lorsqu’elle détermine le montant de base de l’amende à infliger, la Commission se fonde sur la valeur des ventes des biens et des services de l’entreprise qui sont en relation directe et indirecte avec l’infraction dans l’espace géographique pertinent. C’est l’entier montant des ventes pertinentes qui est pris en compte sans qu’il soit divisé en éléments constitutifs. »

428    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 402 ci-dessus, il en résulte que la Commission peut, pour déterminer la valeur des ventes, prendre en compte le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination.

429    Dans le paragraphe introductif de l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a retenu que les transporteurs incriminés avaient commis une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien « [e]n coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le [refus de paiement de commissions] ». Or, comme il ressort du point 403 ci-dessus, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE, mais deux éléments du prix des services de fret. L’inclusion dans la valeur des ventes de l’entier montant des ventes liées à ces services résultait donc de manière suffisamment claire du libellé du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, tel qu’interprété par la juge de l’Union, et ne revenait pas à infliger une sanction plus lourde que celle encourue pour l’infraction dont la requérante a été tenue pour responsable.

430    C’est donc sans violer le principe de légalité des délits et des peines que la Commission a retenu, aux considérants 1187 et 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait d’inclure dans la valeur des ventes l’entier montant des ventes liées aux services de fret plutôt que les seuls revenus tirés de la STC et de la STS.

431    Quant aux allégations de la requérante selon lesquelles la Commission a violé les principes de légalité, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination en infligeant une amende d’un montant disproportionné au regard du profit tiré du comportement litigieux, il convient d’observer que la Commission n’a pas tenu compte du bénéfice illicite que l’infraction unique et continue a procuré aux transporteurs incriminés aux fins de la détermination de la valeur des ventes. Or, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, la Commission n’était aucunement tenue de le faire. En effet, comme il ressort des points 401 et 419 ci-dessus, l’objectif assigné à la valeur des ventes est de refléter l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de l’entreprise incriminée dans celle-ci, indépendamment de la mise en œuvre de l’infraction et, en particulier, du bénéfice illicite que celle-ci a procuré à ses auteurs (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 267).

432    Tout au plus le profit tiré du comportement litigieux aurait-il pu s’avérer pertinent aux fins de l’examen de la légalité du coefficient de gravité retenu, lequel fait l’objet du septième moyen.

433    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante se prévaut d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, il y a lieu d’observer que son argumentation est purement spéculative. La requérante est, en effet, restée en défaut d’identifier le moindre transporteur incriminé qui aurait fait l’objet d’un traitement plus favorable qu’elle en raison de la manière dont la Commission a calculé la valeur des ventes dans la décision attaquée.

434    La présente branche doit donc être écartée.

b)      Sur la seconde branche, prise de violations du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 et des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »

435    La présente branche, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes de 50 % du chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret entrants, s’articule en deux griefs, tirés, le premier, d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 et, le second, d’une violation des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale ».

1)      Sur le premier grief, tiré d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006

436    La requérante soutient que la Commission a violé le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 en incluant dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret entrants, alors même que celles-ci auraient été réalisées à l’extérieur de l’EEE. Selon elle, des ventes sont réalisées à l’intérieur du territoire de l’EEE dès lors qu’elles sont effectuées auprès de clients localisés au sein de l’EEE. La clientèle à laquelle AF et KLM fournissent des services de fret serait constituée de transitaires, qui sont localisés au lieu d’origine, où s’opèrent donc la négociation, la facturation et le paiement. Or, s’agissant de services de fret entrants, ce lieu se situerait à l’extérieur du territoire de l’EEE. À l’appui de son argumentation, la requérante renvoie à ses développements relatifs aux limites de la compétence territoriale de la Commission dans le cadre du quatrième moyen, à la pratique décisionnelle de la Commission en matière de pratiques mises en œuvre à l’échelle mondiale et à la communication consolidée sur la compétence.

437    La requérante ajoute que l’exclusion de la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret entrants ne devrait pas avoir d’incidence sur la réduction générale de 50 %, en tant que ladite exclusion porte sur le chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret sortants. Elle estime que cette exclusion permet d’éviter une double sanction des pratiques afférentes à ce chiffre d’affaires, dans la mesure où ils auraient déjà été pris en compte dans le cadre du calcul des amendes qui ont été infligées à AF et à KLM aux États-Unis d’Amérique et en Corée du Sud.

438    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

439    À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 subordonne l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des biens ou des services de l’entreprise concernée à la condition que les ventes en cause aient été « réalisées […] en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».

440    Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait ainsi état ni de « ventes négociées » ni de « ventes facturées » ou « payées » à l’intérieur de l’EEE, mais se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, ledit paragraphe ne s’oppose pas à ce que la Commission retienne les ventes effectuées auprès de clients établis à l’extérieur de l’EEE, pas plus qu’il n’impose de tenir compte des ventes négociées, facturées ou payées dans l’EEE. Autrement, il suffirait à une entreprise participant à une infraction de faire en sorte qu’elle négocie ses ventes avec les filiales de ses clients situées à l’extérieur de l’EEE ou les leur facture pour obtenir que ces ventes ne soient pas prises en considération pour le calcul du montant d’une éventuelle amende, laquelle serait, dès lors, beaucoup moins significative [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 55].

441    Contrairement à ce que soutient encore la requérante, la Commission n’est pas non plus tenue, aux fins de l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour les critères qui ont pu être jugés pertinents en matière de contrôle de concentrations, et notamment ceux identifiés dans la communication consolidée sur la compétence. Cette dernière a, en effet, pour objectif de fournir des orientations concernant les questions de compétence qui se posent dans le contexte du contrôle d’opérations de concentration. Elle ne lie donc pas la Commission quant à la méthode à adopter pour le calcul du montant des amendes dans les affaires d’entente, laquelle repose sur des finalités propres (arrêt du 29 février 2016, Kühne + Nagel International e.a./Commission, T‑254/12, non publié, EU:T:2016:113, point 252 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 206).

442    Quant à l’interprétation de la notion de « ventes réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE » que la requérante entend tirer de précédentes décisions de la Commission, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006 (voir arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 242 et jurisprudence citée), et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives aux affaires ayant donné lieu à ces décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, étaient comparables à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée).

443    Ladite notion doit s’interpréter à la lumière de l’objectif du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Cet objectif est, comme il ressort des points 401 et 419 ci-dessus, de retenir comme point de départ pour le calcul des amendes un montant qui reflète notamment l’importance économique de l’infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ou les services faisant l’objet de l’infraction constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de sa nocivité pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).

444    Il appartient ainsi à la Commission, aux fins de déterminer si des ventes ont été « réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE », au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour un critère qui soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qui soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE.

445    Aux considérants 1186 et 1197 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir tenu compte, pour calculer la valeur des ventes, du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret sur les liaisons intra-EEE, les liaisons Union-pays tiers, les liaisons Union-Suisse et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Ainsi qu’il ressort du considérant 1194 de cette décision, les ventes liées aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers comprenaient à la fois les ventes de services de fret sur les liaisons sortantes et celles de services de fret entrants.

446    Au même considérant, pour justifier l’inclusion du chiffre d’affaires provenant de la vente de ces services dans la valeur des ventes, la Commission a renvoyé à la nécessité de tenir compte de leurs « particularités ». Elle a ainsi notamment observé que l’infraction unique et continue se rapportait à ces services et que les « arrangements anticoncurrentiels [étaie]nt susceptibles d’avoir un impact négatif sur le marché intérieur en ce qui [les] concern[ait] ».

447    Or, comme il ressort des points 99 à 187 ci-dessus et contrairement à ce que soutient la requérante, il était prévisible que l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, aurait des effets substantiels et immédiats dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE et était ainsi susceptible de nuire au jeu normal de la concurrence à l’intérieur du territoire de l’EEE. Aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins reconnu qu’une partie du « préjudice » afférent au comportement litigieux sur les liaisons EEE-pays tiers était susceptible de se matérialiser à l’extérieur de l’EEE. Elle a également souligné qu’une partie de ces services était prestée à l’extérieur de l’EEE. Elle s’est, en conséquence, appuyée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 et a, pour les liaisons EEE-pays tiers, accordé aux transporteurs incriminés une réduction de 50 % du montant de base de l’amende, dont la requérante ne conteste pas le bien-fondé.

448    Dans ces conditions, considérer que la Commission ne pouvait inclure dans la valeur des ventes 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces liaisons reviendrait à lui interdire de prendre en compte, aux fins du calcul du montant de l’amende, les ventes qui relèvent du périmètre de l’infraction unique et continue et qui étaient susceptibles de nuire au jeu de la concurrence dans l’EEE.

449    Il s’ensuit que la Commission pouvait utiliser 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE-pays tiers, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de la participation de la requérante à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence, pourvu qu’il fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 47).

450    Or, un tel lien existe en l’espèce s’agissant des liaisons entrantes, dès lors que, comme il ressort des considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée et comme le soutient la Commission dans ses écritures, les services de fret entrants sont en partie fournis à l’intérieur de l’EEE. En effet, comme il a été indiqué au point 153 ci-dessus, lesdits services visent précisément à permettre l’acheminement de marchandises de pays tiers vers l’EEE. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, une partie de leur prestation « physique » s’effectue par définition dans l’EEE, où a lieu une partie du transport de ces marchandises et où atterrit l’avion-cargo.

451    Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que les ventes de services de fret entrants avaient été réalisées au sein de l’EEE, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

452    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les développements de la requérante relatifs aux limites de la compétence territoriale de la Commission dans le cadre du quatrième moyen, ceux-ci ayant déjà été écartés dans le cadre de l’examen du quatrième moyen.

453    Le présent grief doit donc être rejeté.

2)      Sur le second grief, tiré d’une violation des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »

454    La requérante soutient que la Commission a violé le principe ne bis in idem en incluant dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret entrants, alors même qu’il aurait déjà été pris en compte dans le calcul du montant des amendes qui lui ont été imposées, ainsi qu’à AF et à KLM en Corée du Sud et aux États-Unis d’Amérique. Elle fait également référence au principe de « courtoisie internationale ».

455    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

456    À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission sanctionne au titre du droit de la concurrence de l’Union le comportement illicite d’une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l’intérieur du marché intérieur qui constitue, en vertu de l’article 3 TUE lu en combinaison avec le protocole no 27 sur le marché intérieur et la concurrence, annexé au traité UE et au traité FUE en tant que composante du marché intérieur, un objectif fondamental de l’Union. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau de l’Union, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d’États tiers. Il s’ensuit que, comme il a été retenu au considérant 1196 de la décision attaquée, le principe non bis in idem ne s’applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d’États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres (arrêts du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, EU:C:2006:431, points 55 et 56, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, EU:C:2007:277, points 27 et 28).

457    Or, en l’espèce, la requérante se prévaut précisément de l’intervention des autorités de concurrence sud-coréenne et états-unienne. Le principe ne bis in idem ne s’applique donc pas à la situation que dénonce la requérante.

458    Contrairement à ce que soutient la requérante, l’ampleur mondiale de l’entente litigieuse n’est pas de nature à modifier cette conclusion. En effet, comme il ressort des points 1 à 4 de l’article 1er de la décision attaquée, la Commission n’a pas sanctionné la requérante pour avoir restreint la concurrence au niveau mondial.

459    Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir violé le principe ne bis in idem en déterminant la valeur des ventes.

460    Quant au principe de « courtoisie internationale », il suffit de relever qu’il n’est pas susceptible d’obliger la Commission à tenir compte des poursuites et des sanctions dont la requérante pourrait, en matière de droit de la concurrence, faire l’objet dans des États tiers (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, EU:C:2006:431, points 57 et 58).

461    Le présent grief ne peut donc qu’être rejeté, ainsi que, par suite, la présente branche. Les deux branches du présent moyen ayant ainsi été écartées, il convient de rejeter ce dernier dans son ensemble.

8.      Sur le septième moyen, tiré d’erreurs et d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la détermination du coefficient de gravité

462    La requérante fait, en substance, valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en fixant le coefficient de gravité au niveau excessif de 16 %. À l’appui de cette thèse, elle soulève quatre arguments.

463    En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a, dans la présente affaire, opté pour une approche plus sévère que dans d’autres affaires, qui concernaient pourtant des infractions plus graves, tenant à la coordination de l’ensemble des éléments du prix des biens ou services en cause. Elle estime que ce traitement est injustifié en ce qui la concerne, dans la mesure où la STC et la STS ne représentaient en moyenne que 18 % et 22 % du prix des services de fret d’AF et de KLM, respectivement, et où l’essentiel du niveau de la STC était dicté par le coût du kérosène plutôt que par la coordination entre les parties.

464    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le caractère disproportionné du coefficient de gravité de 16 % découle également de l’erreur manifeste d’appréciation tenant à la qualification du refus de paiement de commissions de composante distincte de l’infraction unique et continue. Il aurait été démontré que ce refus faisait partie intégrante des composantes de ladite infraction tenant aux surtaxes.

465    En troisième lieu, la requérante affirme que le coefficient de gravité est disproportionné compte tenu du caractère modeste des parts de marché cumulées des transporteurs incriminés. Il ressortirait, en effet, des lignes directrices sur l’applicabilité de l’article [101 TFUE] aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1) que de telles parts de marché ont nécessairement limité l’impact de l’infraction sur la concurrence, et donc sa gravité. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas démontré que la STC et la STS fussent des éléments significatifs dans la fixation du prix payé par le consommateur ni qu’elles fussent indissociables du prix.

466    En quatrième lieu, la requérante avance que le coefficient de gravité est excessif en ce que sa fixation à 16 % procède de l’inclusion dans le périmètre de l’infraction unique et continue des pratiques et des accords relatifs aux services de fret entrants en violation des règles de compétence territoriale et du principe ne bis in idem.

467    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

468    Selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il convient notamment de prendre en considération la gravité de l’infraction.

469    Les paragraphes 19 à 23 des lignes directrices de 2006 prévoient ce qui suit :

« 19.      Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

20.      L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.

21.      En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

22.      Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

23.      Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »

470    Selon la jurisprudence, un accord horizontal par lequel les entreprises concernées s’entendent non sur le prix total, mais sur un élément de celui-ci, constitue un accord horizontal de fixation de prix, au sens du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, et compte, dès lors, parmi les restrictions de concurrence les plus graves (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, points 277 et 278).

471    Il s’ensuit que, comme l’a rappelé la Commission au considérant 1208 de la décision attaquée, un tel accord mérite généralement un coefficient de gravité situé en haut de l’échelle de 0 à 30 % visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006.

472    Selon la jurisprudence, un coefficient de gravité sensiblement plus faible que la limite supérieure de cette échelle, est très favorable à une entreprise qui est partie à un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 125) et peut même se justifier au regard de la seule nature de l’infraction (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 103 et jurisprudence citée).

473    Or, au considérant 1199 de la décision attaquée, la Commission a précisément estimé que les « accords et/ou pratiques concertées auxquels la […] décision [attaquée] se rapporte concern[ai]ent la fixation de divers éléments de prix ».

474    C’est donc à juste titre que la Commission a, aux considérants 1199, 1200 et 1208 de la décision attaquée, qualifié le comportement litigieux d’accord ou de pratique horizontale en matière de prix, quand bien même il n’aurait « pas couvert le prix entier pour les services en question ».

475    La Commission était dès lors fondée à conclure, au considérant 1208 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux comptaient parmi les restrictions à la concurrence les plus graves et méritaient donc un coefficient de gravité « en haut de l’échelle ».

476    Le coefficient de gravité de 16 % que la Commission a retenu au considérant 1212 de la décision attaquée, sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006 pourrait donc se justifier au regard de la seule nature de l’infraction unique et continue.

477    La circonstance que la Commission ait retenu des coefficients de gravité identiques ou moins élevés dans des affaires qui auraient pourtant concerné des infractions plus graves est dépourvue de pertinence à cet égard, dans la mesure où la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans lesdites lignes directrices et où il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives aux affaires en cause étaient comparables avec celles de l’espèce.

478    Il y a, cependant, lieu d’observer que, comme il ressort des considérants 1209 à 1212 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur la seule nature de l’infraction unique et continue pour fixer à 16 % le coefficient de gravité. La Commission s’est ainsi référée dans cette décision aux parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial et sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers (considérant 1209), à la portée géographique de l’entente litigieuse (considérant 1210) et à la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux (considérant 1211).

479    La requérante ne conteste que les deux premiers de ces trois facteurs. Pour ce qui est du facteur tenant aux parts de marché cumulées des transporteurs incriminés, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante se fonde sur le paragraphe 87 des lignes directrices mentionnées au point 465 ci-dessus. Il y a, cependant, lieu de constater que ce paragraphe n’étaye pas son argumentation. Selon ledit paragraphe, la part du marché en cause couverte par les entreprises participant à un échange d’informations doit être « suffisamment importante ». Le paragraphe 88 des lignes directrices horizontales précise que cette part ne peut être définie « de façon abstraite », mais est « fonction des spécificités de chaque cas d’espèce et du type d’échange d’informations en cause ». Or, la requérante reste en défaut d’expliquer pourquoi une part de marché de 34 % au niveau mondial (et au moins aussi grande sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers) aurait, au vu des circonstances de l’espèce et des caractéristiques de l’entente litigieuse, été de nature à minimiser l’incidence de l’infraction unique et continue à un point tel qu’elle aurait fait obstacle à ce que la Commission fixe le coefficient de gravité à 16 %, soit à un niveau sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006. Le présent argument doit donc être rejeté.

480    Pour ce qui est du facteur tenant à la portée géographique de l’entente litigieuse, il convient de relever que l’argumentation de la requérante procède de la prémisse selon laquelle le quatrième moyen et la seconde branche du sixième moyen seraient fondés. Or, cette prémisse est erronée.

481    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir qu’un coefficient de gravité de 16 % fût illégal.

482    Aucun des arguments de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

483    En premier lieu, quant à l’argument de la requérante tiré de l’erreur manifeste d’appréciation tenant à la qualification du refus de paiement de commissions de composante distincte de l’infraction unique et continue, il doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 385 à 390 ci-dessus.

484    En deuxième lieu, dans la mesure où la requérante se prévaut de l’incidence prétendument faible de l’infraction unique et continue, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoyaient que l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction devait prendre en considération, notamment, son impact concret sur le marché lorsqu’il était mesurable.

485    Toutefois, cette exigence ne figure plus dans les lignes directrices de 2006, qui sont applicables en l’espèce. Ces lignes directrices n’imposent donc pas à la Commission de prendre en considération l’impact concret sur le marché de l’infraction afin de déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité conformément aux paragraphes 19 à 24 desdites lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 539).

486    La jurisprudence ne le lui impose pas davantage, à tout le moins s’agissant d’une restriction de concurrence « par objet ».

487    En effet, comme il a été indiqué au point 412 ci-dessus, la gravité d’une infraction aux règles de concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments. Parmi ceux-ci figurent, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, EU:C:1996:130, point 54, et arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 241).

488    Les effets sur le marché peuvent, certes, être pris en considération parmi ces éléments, mais ils ne revêtent une importance essentielle qu’en présence d’accords, de décisions ou de pratiques concertées qui n’ont pas directement pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, et qui ne sont donc susceptibles de tomber dans le champ d’application de l’article 101 TFUE que par suite de leurs effets concrets (arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1809).

489    Autrement, la Commission se verrait, au stade du calcul du montant de l’amende, imposer une obligation à laquelle, selon une jurisprudence constante, elle n’est pas tenue aux fins de l’application de l’article 101 TFUE dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel (voir arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 64 et jurisprudence citée).

490    Or, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux de restriction de concurrence « par objet ». Elle n’était donc pas tenue de prendre en considération l’impact concret de l’infraction unique et continue sur le marché.

491    Il n’en demeure pas moins que, si la Commission estime opportun, aux fins du calcul du montant de l’amende, de tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché, elle ne peut se limiter à s’appuyer sur une simple présomption, mais doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 82).

492    De même, si la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer les amendes, d’établir que l’infraction en cause a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en considération, le cas échéant, l’absence d’un tel avantage, l’appréciation du profit illicite engendré par l’infraction peut être pertinente si la Commission se fonde précisément sur ce dernier en vue de fixer le coefficient de gravité (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, points 4881 et 4882).

493    Au considérant 1199 de la décision attaquée, au titre de la fixation du coefficient de gravité, la Commission a retenu que les accords et pratiques litigieux avaient « profité aux [transporteurs incriminés], au détriment [des] clients et en finalité du grand public ». Or, elle n’a pas invoqué le moindre élément de preuve à l’appui de ce constat.

494    Il convient, cependant, d’observer que le constat en cause n’est pas un motif autonome sur lequel la Commission s’est appuyée pour apprécier la gravité de l’infraction unique et continue, mais une considération parmi d’autres dont elle a tenu compte aux fins de l’appréciation de la nature de cette infraction aux considérants 1199 à 1208 de la décision attaquée. Or, cette considération ne constitue pas le fondement nécessaire de la conclusion selon laquelle ladite infraction tendait à la fixation d’éléments du prix des services de fret et était, dès lors, de nature à justifier un coefficient de gravité situé à la limite inférieure du « haut de l’échelle » visé au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 pour les restrictions de concurrence les plus graves. Dès lors, le présent argument n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la nature de l’infraction en question figurant dans la décision attaquée. Par conséquent, la requérante n’ayant pas démontré que le coefficient de gravité n’était pas justifié au regard des autres facteurs pris en compte dans cette décision (voir points 478 et 479 ci-dessus), il y a lieu de rejeter cet argument.

495    En troisième lieu, pour ce qui est du principe ne bis in idem, il suffit de rappeler que, comme la Cour l’a déjà jugé s’agissant du calcul de la valeur des ventes, il n’est pas susceptible d’obliger la Commission à tenir compte des poursuites et des sanctions dont fait l’objet une entreprise dans des États tiers (voir arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C‑231/14 P, EU:C:2015:451, point 75 et jurisprudence citée).

496    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de la violation des règles de compétence territoriale, il doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l’examen du quatrième moyen (voir points 79 à 187 ci-dessus).

497    Le présent moyen doit donc être rejeté.

9.      Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs et d’une violation du principe de proportionnalité dans le calcul de la durée de la participation d’AF à l’infraction unique et continue

498    La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation et a violé le principe de proportionnalité en retenant qu’AF avait pris part à l’infraction unique et continue de manière ininterrompue entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006. Selon elle, la Commission ne dispose, mis à part le contact entre AF et Japan Airlines du 7 décembre 1999 visé au considérant 136 de la décision attaquée, de preuves suffisantes à son égard que pour la période allant du 19 janvier 2001 au 19 octobre 2005.

499    Les contacts sur lesquels la Commission se serait appuyée pour retenir la participation d’AF à la coordination relative à la STC pendant la période du 7 décembre 1999 au 19 janvier 2001 et la période postérieure au 19 octobre 2005 ne pourraient, en effet, être qualifiés d’anticoncurrentiels, puisqu’ils concernaient des échanges d’informations publiques (considérants 137, 140 à 142, 554, 563 et 574 de la décision attaquée), mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE (considérants 146, 152 et 182 de ladite décision) ou dont la Commission n’aurait pas prouvé le caractère anticoncurrentiel (considérants 530 et 556 de cette décision).

500    Par ailleurs, la Commission n’aurait apporté aucune preuve valable de la participation d’AF aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions pour les périodes postérieures, respectivement, au 19 octobre 2005 et au 14 octobre 2005.

501    Dans la réplique, la requérante ajoute que la Commission ne peut pas lui imposer de prouver qu’elle s’est publiquement distanciée de l’entente litigieuse après le 19 octobre 2005. Selon elle, c’est à la Commission d’établir sa participation à ladite infraction après cette date.

502    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

503    Il convient d’examiner, dans un premier temps, les contacts dont la requérante soutient qu’ils concernaient des échanges d’informations publiques (considérants 137, 140 à 142, 554, 563 et 574 de la décision attaquée), dans un deuxième temps, ceux dont elle avance qu’ils ont été mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE (considérants 146, 152 et 182 de cette décision) et, dans un troisième temps, ceux dont elle fait valoir que le caractère anticoncurrentiel n’est pas suffisamment démontré (considérants 530 et 556 de ladite décision).

504    Dans la requête, la requérante a également invoqué les contacts décrits au considérant 563 de la décision attaquée parmi ceux qui ont, selon elle, été mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE. Toutefois, en réponse aux questions écrites du Tribunal, elle a précisé qu’elle demandait qu’ils soient écartés en raison de leur caractère anticoncurrentiel insuffisamment établi.

505    En premier lieu, il convient de constater que, parmi les contacts dont la requérante soutient qu’ils concernaient des échanges d’informations publiques, figurent en réalité trois types d’échanges.

506    Premièrement, les contacts en question comprennent des courriels internes d’autres transporteurs incriminés dans lesquels il est expressément fait état de contacts avec AF. Ainsi, au considérant 137 de la décision attaquée, la Commission fait référence à un courriel interne de Japan Airlines du 20 décembre 1999. Ce courriel rapporte un échange entre un employé de Japan Airlines et un représentant d’AF au Japon. Or, cet échange, qui suit le contact entre Japan Airlines et AF du 7 décembre 1999 et dont la requérante ne conteste pas le caractère anticoncurrentiel (considérant 136 de ladite décision), ne portait pas uniquement sur l’introduction de la STC, qui avait été publiquement annoncée par AF le même jour. Dans le cadre dudit échange, le représentant d’AF au Japon indiquait aussi à Japan Airlines que « cela sera[it] annoncé sur chaque marché le 22 décembre et après cette date » et que le siège d’AF avait pris contact avec ceux d’autres transporteurs, dont Lufthansa, « afin d’encourager la mise en œuvre de la même manière qu’AF ».

507    Deuxièmement, les courriels visés aux considérants 140 à 142 de la décision attaquée comprennent des courriels internes d’autres transporteurs dans lesquels il n’est fait état d’aucun contact spécifique entre AF et un ou plusieurs autres transporteurs. Ces courriels, qui sont datés des 21 décembre 1999 et 3 janvier 2000, font simplement état de l’intention d’AF et d’un ou de plusieurs autres transporteurs d’instaurer une STC. Or, comme il a été indiqué au point 506 ci-dessus, AF avait déjà publiquement annoncé la mise en place d’une STC le 20 décembre 1999. La Commission n’a fait état d’aucun autre élément de preuve qui serait de nature à démontrer que les auteurs des courriels internes visés auxdits considérants avaient pris connaissance des intentions d’AF autrement que par cette annonce. Quant à la référence, dans le courriel interne visé au considérant 141 de ladite décision, à des « communiqués et [à] des notifications aux marchés » au sujet de la STC qui devaient intervenir « dans les prochains jours », elle est trop vague pour le démontrer.

508    Dans ces conditions, la Commission n’était pas fondée, au considérant 724 de la décision attaquée, à interpréter les courriels internes visés aux considérants 140 à 142 de ladite décision en ce sens qu’ils étayaient l’existence d’échanges d’informations entre AF et d’autres transporteurs.

509    Troisièmement, les courriels visés aux considérants 554, 563 et 574 de la décision attaquée sont des courriels dont AF est l’expéditrice ou l’une des destinataires.

510    Il est vrai que les informations que la requérante a partagées dans le cadre de ces courriels avaient déjà fait l’objet d’une annonce publique préalable. Il ne saurait, cependant, en être déduit que lesdits courriels ne pouvaient être retenus contre la requérante.

511    En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 281). Or, en l’espèce, les courriels visés aux considérants 554, 563 et 574 de la décision attaquée portaient tous sur des modifications futures du montant de la STC, dont la requérante ne conteste pas qu’elle faisait à l’époque l’objet d’une coordination anticoncurrentielle entre les transporteurs incriminés.

512    D’autre part, il convient d’observer que les informations échangées dans le cadre des courriels visés aux considérants 554, 563 et 574 de la décision attaquée ne se limitaient pas à celles qu’AF avait déjà publiquement annoncées. Au considérant 554 de cette décision, il est fait état d’un courriel du 15 novembre 2005 dans lequel AF ne s’est pas contentée de réitérer l’augmentation du montant de la STC qu’elle avait annoncée la veille, mais l’a confirmée. Or, ce faisant, AF a encore davantage réduit l’incertitude quant à l’évolution du niveau de la STC.

513    Aux considérants 563 et 574 de la décision attaquée, la Commission décrit des échanges d’informations entre les membres de l’Air Cargo Council Switzerland (Conseil du Fret Aérien Suisse, ci-après l’« ACCS »). L’échange visé au considérant 563 de ladite décision a débuté le 28 novembre 2005 et s’est terminé le 1er décembre suivant. L’échange visé au considérant 574 de cette décision date des 6 et 7 février 2006. Ces deux échanges portaient non seulement sur la modification du niveau de la STC qu’AF envisageait de mettre en œuvre, mais également sur celle que d’autres transporteurs incriminés, dont Swiss et SIA, comptaient mettre en œuvre. Or, AF n’établit ni même n’allègue que ces informations avaient toutes déjà fait l’objet d’une annonce publique préalable.

514    En deuxième lieu, pour ce qui est des contacts dont la requérante affirme qu’ils ont été mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE, il convient d’observer qu’elle soutient qu’ils échappaient à la compétence territoriale de la Commission. Elle avance ainsi, en substance, que les trois contacts décrits aux considérants 146 et 152 de ladite décision concernaient les liaisons entrantes et avaient eu lieu avant l’entrée en vigueur du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. Quant au contact décrit au considérant 182 de cette décision, il aurait concerné les liaisons au départ de la Suisse et serait antérieur à l’entrée en vigueur de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

515    À supposer que les contacts visés aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée concernaient exclusivement des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission, il y a lieu de rappeler que cette dernière peut s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428). Tel est le cas même dans l’hypothèse où la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence antérieurement à cette période (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, EU:T:2006:136, point 89, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145, points 45 à 52).

516    Aux considérants 107 et 108 de la décision attaquée, sous le point 4.1, intitulé « Principes de base et structure de l’entente », la Commission a indiqué que son enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux, qui avaient lieu « à divers niveaux au sein des entreprises concernées […] et [avaie]nt porté, dans certains cas, sur diverses zones géographiques ».

517    Aux considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, la Commission a précisé les modalités de fonctionnement de cette organisation « à plusieurs niveaux ». Selon elle, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes auraient généralement été prises au niveau des sièges de chaque transporteur. Les sièges des transporteurs auraient ainsi été en « contact mutuel » lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se seraient coordonnés, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Au considérant 111 de ladite décision, la Commission a précisé que les associations locales de représentants de transporteurs avaient été utilisées à cette fin, notamment en Suisse.

518    Les contacts visés aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée s’inscrivaient précisément dans ce cadre. En effet, premièrement, ces contacts portaient tous sur l’instauration ou sur la mise en œuvre de la STC à Singapour (considérants 146), en Inde (considérant 152) et en Suisse (considérant 182). Deuxièmement, ces contacts soit étaient contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérant 146), soit faisaient état d’instructions de consulter le siège ou reflétaient au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central (considérants 152 et 182). Troisièmement, tous ces contacts ont eu lieu dans le cadre ou en marge d’associations locales de représentants de compagnies aériennes.

519    Or, aux considérants 724 et 792 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur lesdits contacts pour corroborer son interprétation d’autres éléments de preuve, dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à sa compétence. Ainsi, lesdits contacts comptent parmi les nombreux contacts litigieux que la Commission a cités au considérant 724 de cette décision pour retenir qu’AF avait entretenu des « contacts avec les concurrents au niveau local ». Ils comptent aussi parmi plusieurs contacts antérieurs au 19 janvier 2001 que la Commission a opposés à AF aux considérants 722 à 724 de ladite décision.

520    Il s’ensuit que la Commission n’a pas outrepassé les limites de sa compétence en s’appuyant sur les contacts visés aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée pour construire une image globale de l’entente litigieuse et ainsi corroborer l’interprétation des éléments de preuve qu’elle a retenus pour imputer à la requérante la responsabilité de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.

521    Il y a cependant lieu d’observer, à l’instar de la requérante, que la Commission n’a pas établi la participation d’AF à l’un de ces contacts, à savoir la réunion officielle du SCC du BAR en Inde décrite au considérant 152 de la décision attaquée. Pour autant, la requérante ne conteste pas qu’AF a été invitée à ladite réunion, comme tous les membres du SCC du BAR. Or, le fait que les transporteurs en cause entendaient aborder le sujet de la STC avec AF constitue en lui-même un indice de la participation de cette dernière à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, EU:T:2012:333, point 226). Il ressort d’ailleurs des éléments du dossier qu’elle était au courant de l’objet de cette réunion. En effet, à l’issue de la réunion informelle également décrite audit considérant et à laquelle la requérante ne conteste pas qu’AF a participé, le président du SCC du BAR avait proposé d’organiser une réunion officielle du SCC du BAR afin qu’un accord sur la STC puisse être atteint entre les transporteurs concernés. Il s’ensuit que la Commission était fondée à tenir compte, dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large, de l’invitation d’AF à cette réunion pour conclure, au considérant 724 de ladite décision, à sa participation à des discussions relatives à la STC au sein du SCC du BAR en Inde.

522    Il résulte de ce qui précède que la Commission pouvait retenir contre AF les contacts décrits aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée.

523    En troisième lieu, s’agissant des contacts dont la requérante conteste le caractère anticoncurrentiel, il convient d’observer qu’ils comprennent une réunion et plusieurs appels téléphoniques. Lors de cette réunion, qui s’est tenue le 19 octobre 2005 et qui est visée au considérant 530 de la décision attaquée, AF et Lufthansa se « sont assurées mutuellement de l’application cohérente des surtaxes, sont convenues qu’aucune autre mesure unilatérale telle que le plafonnement de la STC par AF ne serait répétée, et que les transitaires ne devaient pas recevoir de commissions sur les surtaxes ». Le caractère anticoncurrentiel de cette réunion ne saurait donc être contesté. Dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante a d’ailleurs reconnu que la réunion en question faisait partie des éléments de preuve qui étaient susceptibles d’être retenus contre elle.

524    La contestation de la requérante se concentre dès lors sur les appels téléphoniques visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée. Selon la requérante, ces appels ont été effectués à l’initiative de Lufthansa, dans le seul but d’alimenter son dossier de clémence. Elle estime qu’il s’agit de « contacts de suivi », qui n’ont pas porté sur des sujets nouveaux, mais visaient simplement à maintenir un « lien artificiel » avec AF. Par ailleurs, elle soutient que les appels téléphoniques du 21 novembre 2005 visés au considérant 556 de ladite décision ont été de très brève durée et qu’il est impossible de conclure qu’ils avaient pour objet un échange d’informations d’un caractère anticoncurrentiel, car AF avait annoncé une baisse de la STC le même jour.

525    Aucun de ces arguments ne saurait prospérer.

526    Premièrement, ne se fonde sur aucun élément de preuve concret l’argument de la requérante selon lequel les appels téléphoniques visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée avaient pour seul but de maintenir un lien artificiel avec AF pour alimenter le dossier d’immunité de Lufthansa. Les éléments du dossier tendent d’ailleurs à démontrer le contraire. Ainsi, d’une part, l’appel téléphonique visé au considérant 530 de ladite décision a remplacé la réunion de suivi de la réunion du 19 octobre 2005, dont le caractère anticoncurrentiel est établi (voir point 523 ci-dessus). De surcroît, la Commission a visé dans cette décision plusieurs autres contacts qui avaient eu lieu pendant cette période et auxquels AF avait participé (voir, notamment, considérants 525 et 563). D’autre part, les deux appels téléphoniques visés au considérant 556 de la même décision ont eu lieu le 21 novembre 2005, soit le même jour que la publication du communiqué de presse de Lufthansa annonçant une baisse de la STC et deux jours après la réunion du 19 octobre 2005, dont le caractère anticoncurrentiel est établi (voir point 523 ci-dessus).

527    Deuxièmement, les appels téléphoniques visés au considérant 556 de la décision attaquée ne sauraient être écartés au motif qu’il est impossible de conclure qu’ils avaient pour objet un échange d’informations d’un caractère anticoncurrentiel. En effet, outre le fait que ces appels ont eu lieu le même jour que la publication du communiqué de presse de Lufthansa annonçant une baisse de la STC et deux jours après la réunion du 19 octobre 2005, leur auteur était le directeur de la politique des prix de Lufthansa, dont la requérante reconnaît elle-même qu’il a « joué un rôle central dans les pratiques au niveau international ». Cet employé de Lufthansa avait d’ailleurs déjà appelé AF pour discuter des surtaxes à de précédentes occasions (considérants 357, 525 et 552 de ladite décision).

528    Quant au fait que les appels visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée impliquaient des employés de Lufthansa qui savaient prétendument qu’une demande d’immunité était en cours de préparation, d’une part, il convient d’observer qu’il n’enlève rien à leur nature anticoncurrentielle. D’autre part, écarter les appels visés auxdits considérants pour ce motif risquerait de porter atteinte à l’effet utile de la procédure de clémence en empêchant la Commission de prendre en compte des éléments de preuve recueillis entre la date à laquelle un employé concerné prend connaissance de l’intention de son employeur de demander l’immunité et la date de cessation de l’infraction.

529    Par ailleurs, loin de mettre en doute le caractère anticoncurrentiel des contacts visés au considérant 556 de la décision attaquée, la circonstance qu’AF avait annoncé une baisse de la STC le 21 novembre 2005 tend à le corroborer. En effet, comme il ressort de ce considérant, le communiqué de presse que Lufthansa a transmis à Lan Airlines le même jour, juste avant de le publier, annonçait lui aussi une baisse de la STC.

530    Troisièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est aucunement nécessaire qu’un contact porte sur un sujet nouveau ou soit d’une certaine durée pour qu’il soit retenu contre une entreprise dans le cadre d’une procédure d’infraction aux règles de concurrence.

531    Il s’ensuit que la Commission était fondée à retenir contre la requérante les appels téléphoniques visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée.

532    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de considérer que la Commission pouvait retenir contre AF les contacts visés aux considérants 137, 146, 152, 182, 530, 554, 556, 563 et 574 de la décision attaquée, mais ne pouvait lui reprocher ceux décrits aux considérants 140 à 142 de ladite décision.

533    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si la Commission pouvait tenir AF pour responsable de l’infraction entre le 7 décembre 1999 et le 19 janvier 2001 et après le 19 octobre 2005.

534    S’agissant de la période allant du 7 décembre 1999 au 19 janvier 2001, lors de laquelle seule la STC était en vigueur, il convient de constater que la Commission disposait de plusieurs éléments de preuve qu’elle a valablement pu retenir contre AF. Il s’agit, premièrement, de l’échange entre AF et Japan Airlines de décembre 1999 (considérant 137 de la décision attaquée), deuxièmement, d’une déclaration de CPA quant à la tenue d’une réunion en Inde « vers janvier 2000 » (considérant 152 de ladite décision), troisièmement, du procès-verbal d’une réunion du SCC du BAR du 3 février 2000 (considérant 146 de cette décision) et, quatrièmement, du procès-verbal d’une réunion de l’ACCS du 17 janvier 2001 (considérant 182 de la même décision). La période pendant laquelle la Commission n’a retenu aucun contact à l’encontre d’AF a donc commencé le 4 février 2000 pour se terminer le 17 janvier 2001. Cette période ne s’élève, par conséquent, pas à « près d’un an et un mois et demi », mais tout au plus à onze mois et treize jours.

535    Dans les circonstances de l’espèce, une telle durée est suffisamment longue pour qu’il soit nécessaire de vérifier si la participation d’AF à l’infraction unique et continue a connu une interruption entre le 4 février 2000 et le 17 janvier 2001.

536    À cet égard, il convient de rappeler que le fait que la preuve directe de la participation d’une entreprise à l’infraction en cause pendant une période déterminée n’a pas été apportée ne fait pas obstacle à ce que cette participation, également pendant cette période, soit constatée, pour autant que cette constatation repose sur des indices objectifs et concordants (voir arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 27 et jurisprudence citée).

537    Le fait que, dans le cas d’une infraction complexe, l’entreprise concernée ne participe pas à un ou plusieurs contacts collusoires ou ne marque pas son accord avec les résultats de l’un de ceux-ci ne signifie pas qu’elle ait cessé de participer à l’infraction en cause (arrêt du 24 mars 2011, Kaimer e.a./Commission, T‑379/06, non publié, EU:T:2011:110, point 66).

538    En revanche, la distanciation publique constitue un fait important susceptible d’établir la cessation d’un comportement anticoncurrentiel. Réciproquement, l’absence de distanciation publique constitue une situation factuelle dont la Commission peut faire état pour prouver la poursuite du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise. Il ne s’agit, cependant, que d’un élément parmi d’autres à prendre en considération en vue d’établir si une entreprise a effectivement continué à participer à une infraction ou, au contraire, a cessé de le faire. Il ne suffit pas à fonder le constat d’une participation ininterrompue de l’entreprise concernée lorsque, au cours d’une période significative, plusieurs contacts collusoires ont eu lieu en l’absence de ses représentants. La Commission est alors tenue d’apporter d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, points 23 et 28).

539    Ces éléments de preuve peuvent notamment tenir à la nature de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 237), au fonctionnement de l’entente concernée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, EU:T:2011:621, points 243 et 244), au comportement de l’entreprise concernée sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, EU:T:2006:374, point 139 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 241), à l’inscription du comportement concerné dans une infraction unique comportant plusieurs autres composantes, ou encore aux effets produits par ledit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, points 242 et 245).

540    Au considérant 117 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, « [a]u minimum à partir de fin 1999, l’introduction des STC, l’application des mécanismes STC et l’introduction de modifications à ceux-ci a[vaient] fait l’objet d’une coordination entre plusieurs des [transporteurs incriminés] ». Aux considérants 133 à 153 de la même décision, elle a décrit les éléments de preuve tendant à démontrer que, entre début décembre 1999 et février ou mars 2000, plusieurs transporteurs, dont AF, avaient été impliqués dans des contacts en vue d’instaurer la STC au niveau central au début de l’année 2000 et de la mettre en œuvre au niveau local. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les contacts visés aux considérants 136, 137, 146 et 152 de cette décision, que la Commission a retenus contre AF.

541    Au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a, néanmoins, souligné que la « fréquence des contacts entre les transporteurs a[vait] vari[é] dans le temps ». Elle a constaté que les contacts relatifs à la STC étaient « particulièrement fréquents lorsque les indices du carburant approchaient un niveau susceptible de déclencher une augmentation ou une diminution, mais [pouvaient] avoir été moins fréquents à d’autres moments ».

542    Or, une fois la STC instaurée au début de l’année 2000, ce n’est, comme il ressort des considérants 157 à 165 de la décision attaquée, qu’en été 2000 que le prix du carburant a connu une hausse suffisante pour inciter les transporteurs à entamer, en septembre et octobre de la même année, des discussions sur l’augmentation de la STC ou l’instauration de celle-ci, dans le cas des transporteurs qui ne l’avaient pas encore fait. Les éléments de preuve décrits auxdits considérants ne font cependant état que de contacts peu nombreux et dont une proportion significative revêtait une forme bilatérale.

543    Ce n’est, comme il ressort des considérants 166 à 183 de la décision attaquée, que lorsque Lufthansa a annoncé une réduction de la STC au début de l’année 2001 que se sont engagés des contacts plus fréquents et multilatéraux entre transporteurs incriminés au sujet de la STC. Or, AF comptait parmi ces transporteurs et la requérante n’établit ni même n’allègue qu’AF s’était entretemps publiquement distanciée de l’infraction unique et continue entre le 4 février 2000 et le 17 janvier 2001. Elle ne soutient pas davantage que, pendant cette période, AF avait repris un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause ni ne conteste que les effets de la coordination relative à la STC ont perduré pendant la période. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, tenir AF pour responsable de l’infraction unique et continue pendant ladite période.

544    S’agissant de la période postérieure au 19 octobre 2005, il convient d’observer que la Commission disposait de plusieurs éléments de preuve qu’elle a valablement pu retenir contre AF. Il s’agit, pour ce qui est de la STC, de l’appel téléphonique avec Lufthansa de fin novembre 2005 (considérant 530 de la décision attaquée), du courriel à Japan Airlines du 15 novembre 2005 (considérant 554 de ladite décision), des appels téléphoniques avec Lufthansa du 21 novembre 2005 (considérant 556 de cette décision) et de courriels que les membres de l’ACCS ont échangés entre les 28 novembre et 1er décembre 2005 et les 6 et 7 février 2006 (considérants 563 et 574 de la même décision).

545    En revanche, il y a lieu de constater que, comme le relève la requérante, aucun des éléments de preuve dont la Commission dispose concernant la STS et le refus de paiement de commissions n’est postérieur, respectivement, au 19 octobre 2005 et au 14 octobre 2005. Les derniers éléments de preuve que la Commission a retenus contre AF remontent au 14 octobre 2005 pour le refus de paiement de commissions (considérant 697 de la décision attaquée). Pour ce qui est de la STS, la Commission n’a pas identifié de contact concret auquel AF aurait participé en 2005, bien qu’elle ait indiqué, au considérant 639 de ladite décision, que le directeur des ventes de Lufthansa pour la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Confédération suisse depuis janvier 2005 avait rapporté avoir rencontré un employé de la requérante concernant le plafonnement de la STS.

546    Il y a cependant lieu d’observer que la requérante n’en tire aucune conséquence particulière dans ses écritures. Pour autant qu’elle soutienne avoir cessé de participer aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions après le 14 octobre ou le 19 octobre 2005, il y a lieu d’observer qu’elle se méprend. En effet, tout d’abord, AF a continué de participer à la composante de ladite infraction tenant à la STC après le 19 octobre 2005 (voir points 544 et 545 ci-dessus) et n’allègue pas avoir ignoré que les autres transporteurs incriminés continuaient de se coordonner au sujet de la STS et du refus de paiement de commissions après cette dernière date. Ensuite, la requérante n’a pas apporté le moindre élément de preuve témoignant, de la part d’AF, de la reprise d’un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause ou d’une volonté déclarée de se dissocier des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions après le 19 octobre 2005. Elle ne conteste pas non plus que les effets de ces composantes ont perduré après cette date. Enfin, la mise en œuvre de la STS et du refus de paiement de commissions exigeait des contacts significativement moins fréquents que la mise en œuvre de la STC. En effet, à l’inverse de la STC, la STS n’était pas fondée sur un indice, dont l’évolution nécessitait des ajustements réguliers. Ceci explique qu’une fois introduite fin 2001, elle n’ait fait l’objet que de contacts ponctuels entre transporteurs concernant sa mise en œuvre (voir considérant 579 de la décision attaquée). Quant au refus de paiement de commissions, il consistait simplement à refuser d’octroyer des rabais aux transitaires et n’exigeait donc pas d’ajustements aussi réguliers que la STC. Dans ces conditions, la Commission était fondée à déduire des éléments de preuve dont elle disposait que la participation d’AF aux composantes de cette infraction tenant à la STS et au refus de paiement de commissions n’avait pas pris fin en octobre 2005.

547    C’est dès lors sans commettre d’erreur que la Commission a considéré qu’elle disposait d’éléments de preuve suffisants en ce qui concerne la continuité de la participation d’AF à l’entente litigieuse du 20 octobre 2005 à la date à laquelle elle a estimé que l’entente litigieuse avait pris fin, à savoir celle des vérifications inopinées qu’elle avait effectuées.

548    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de l’avoir tenue pour responsable de l’infraction unique et continue du 7 décembre 1999 au 14 février 2006.

549    Le présent moyen doit donc être rejeté.

10.    Sur le neuvième moyen, tiré d’un défaut de motivation et de l’insuffisance de la réduction générale de 15 % 

550    Le présent moyen, par lequel la requérante conteste la réduction générale de 15 %, s’articule en deux branches, prises, la première d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, de l’insuffisance de cette réduction compte tenu du caractère contraignant du cadre réglementaire en vigueur dans les pays tiers concernés.

a)      Sur la première branche, prise d’une violation de l’obligation de motivation

551    La requérante fait valoir que la Commission est soumise à une obligation de motivation renforcée lorsqu’elle décide d’une réduction d’amende. Selon elle, la décision attaquée ne comporte toutefois aucune motivation justifiant le quantum de la réduction générale de 15 %, alors même que des réductions plus importantes ont été accordées au titre du cadre réglementaire dans des décisions antérieures.

552    La Commission conteste cette argumentation.

553    À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant d’une décision infligeant une amende, la Commission est tenue de fournir une motivation, notamment quant au montant de l’amende infligée et quant à la méthode choisie à cet égard. Il lui appartient d’indiquer, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende. Elle doit néanmoins expliquer la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 291 et jurisprudence citée).

554    L’arrêt du Tribunal sur lequel la requérante fonde son argumentation ne met pas à la charge de la Commission une obligation plus lourde. Il résulte, en effet, simplement de cet arrêt que, aux fins de servir la transparence de l’action administrative et de faciliter l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, il apparaît souhaitable que la Commission renforce la motivation quant au calcul des amendes pour permettre aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l’amende qui leur est infligée (arrêt du 16 juin 2011, Team Relocations e.a./Commission, T‑204/08 et T‑212/08, EU:T:2011:286, point 97).

555    Or, dans la décision attaquée, après avoir analysé, aux considérants 972 à 1019, les régimes réglementaires applicables dans les pays tiers en cause, la Commission a conclu, au considérant 1020, qu’aucune obligation imposée par un État ne pouvait justifier l’inapplication de l’article 101 TFUE aux comportements incriminés. Aux considérant 1021 et 1260 à 1265 de ladite décision, elle a estimé que les régimes réglementaires et l’approche des autorités régulatrices en cause n’en avaient pas moins encouragé des comportements anticoncurrentiels. Partant, elle les a qualifiés de circonstances atténuantes et a considéré qu’il était justifié de réduire de 15 % le montant de base de l’amende.

556    Il s’ensuit que la décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission justifiant que soit accordée une réduction de l’amende à hauteur de 15 % au titre des régimes réglementaires applicables, notamment le lien entre les facteurs pertinents pris en compte, à savoir les pressions régulatrices, et le coefficient d’ajustement du montant de base.

557    La motivation de la décision attaquée justifiant le quantum de la réduction générale de 15 % est, dès lors, suffisante.

558    Par ailleurs, même à supposer que des réductions plus importantes aient été accordées au titre du cadre réglementaire applicable dans des décisions antérieures, la Commission n’avait pas à motiver la décision attaquée spécifiquement à cet égard. En effet, le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 140 et jurisprudence citée) et encore moins qu’elle doit s’expliquer à cet égard.

559    Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du neuvième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, prise de l’insuffisance de la réduction générale de 15 %

560    La requérante soutient que la réduction générale de 15 % est insuffisante compte tenu des régimes réglementaires en vigueur dans les pays tiers concernés. Elle fait valoir que les ASA conclus par les pays tiers visés dans la décision attaquée ont force contraignante, et que leurs clauses prévoient que la concertation entre transporteurs préalable à l’introduction d’un nouveau tarif ou d’une nouvelle surtaxe est obligatoire, ce dont la Commission était informée, puisqu’elle a pu prendre des mesures visant à leur suppression. Les obligations consacrées par les ASA auraient primé sur les législations desdits pays tiers. Il ne serait donc pas nécessaire de vérifier si des règles nationales ont repris leurs clauses tarifaires. En tout état de cause, les règles nationales transposeraient ces clauses. Par ailleurs, les obligations de concertation ne s’imposeraient pas seulement aux transporteurs désignés par les ASA, mais à tous les transporteurs opérant sur le territoire des pays en cause, elles concerneraient aussi bien les liaisons entrantes que les liaisons sortantes, et auraient pour objet de soustraire le secteur du fret au libre jeu du marché.

561    À l’appui de son argumentation, la requérante renvoie tant à la note d’information de la Commission du 7 mars 2006 relative aux dispositions concernant la concurrence dans les négociations horizontales qu’à la décision de la Commission C(2008) 8227 final, du 18 décembre 2008, concernant les accords relatifs à des services aériens entre les États membres et les pays tiers notifiés en application du règlement no 847/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la négociation et la mise en œuvre d’accords relatifs à des services aériens entre les États membres et les pays tiers (JO 2004, L 157, p. 7). Elle invoque aussi la clause-type reprise dans le projet d’accord entre l’Union européenne et la République de Corée du Sud sur certains aspects des services aériens ou dans l’accord entre l’Union européenne et les Émirats arabes unis sur certains aspects des services aériens (JO 2008, L 28, p. 21).

562    La Commission conteste ces arguments.

563    À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 27 des lignes directrices de 2006 prévoit que, dans la détermination du montant de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

564    Le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 dispose que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes. Ce paragraphe énonce, à titre indicatif et non limitatif, cinq types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, dont l’autorisation ou l’encouragement du comportement anticoncurrentiel en cause par les autorités publiques ou la réglementation.

565    Au considérant 1263 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’aucun régime réglementaire n’avait obligé les transporteurs incriminés à se concerter sur leurs tarifs. Toutefois, elle a estimé, aux considérants 1264 et 1265 de ladite décision, que certains régimes réglementaires avaient pu inciter les transporteurs incriminés à adopter un comportement anticoncurrentiel et leur a, en conséquence, accordé la réduction générale de 15 %, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

566    L’argumentation de la requérante n’est pas susceptible de remettre en cause ces conclusions. En premier lieu, il convient d’observer que les ASA soit ont encouragé le comportement litigieux sur les liaisons EEE-pays tiers, auquel cas une réduction du montant de l’amende peut se justifier au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, soit l’ont exigé, auquel cas aucune infraction aux règles de concurrence n’aurait pu être constatée, ni aucune sanction infligée au titre dudit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C‑359/95 P et C‑379/95 P, EU:C:1997:531, point 33 et jurisprudence citée).

567    Or, la requérante se bornant à soutenir, en substance, que de nombreux régimes réglementaires exigeaient une coordination, leur argumentation doit être rejetée comme inopérante dans la mesure où, à la supposer fondée, elle entacherait d’erreur le constat d’infraction, et non l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, dont il est question dans le cadre de la présente branche.

568    En second lieu et en tout état de cause, il convient de relever que l’argumentation de la requérante procède d’une analyse erronée des ASA en cause. Il est vrai que les clauses des ASA conclus entre la République française, d’une part, et la République fédérative du Brésil, la République de Corée du Sud, la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, la République de l’Inde, le Japon, le Royaume de Thaïlande ou la République de Singapour, d’autre part, dont les stipulations sont produites par la requérante, prévoient, en substance, que les tarifs doivent faire l’objet de discussions préalables entre transporteurs désignés et que, en cas d’accord, il doit y avoir approbation par les autorités compétentes des deux parties auxdits ASA. Ces clauses prévoient aussi que, à défaut d’accord entre les transporteurs désignés, il appartient à ces autorités compétentes de fixer par accord entre elles les tarifs en question, le cas échéant à la suite d’une procédure arbitrale. Cependant, comme il ressort des considérants 1007, 1012 et 1019 de la décision attaquée, de telles clauses n’exigent pas de discussions multilatérales sur les tarifs applicables à différentes liaisons. Tout au plus lesdites clauses prévoient-elles que les transporteurs désignés consultent les autres transporteurs qui exploitent tout ou partie de la même route ou tiennent compte des tarifs pratiqués par ces derniers avant de conclure des accords tarifaires.

569    Les éléments auxquels renvoie la requérante n’infirment pas cette appréciation. La note d’information du 7 mars 2006 et la clause-type qu’elle contient, de même que la décision de la Commission C(2008) 8227 final, du 18 décembre 2008, indiquent ainsi simplement que des stipulations qui obligent ou encouragent les transporteurs désignés à s’entendre pour fixer ou coordonner leurs tarifs peuvent contrevenir à l’article 101 TFUE. Ces documents ne sauraient être interprétés en ce sens que les clauses tarifaires des ASA en cause exigent des discussions multilatérales sur les tarifs applicables à différentes liaisons.

570    Il ressort de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que les clauses tarifaires des ASA en cause rendaient obligatoires des contacts entre transporteurs multiples desservant des destinations multiples.

571    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir approfondi l’analyse des régimes réglementaires dans la décision attaquée en s’attachant aux lois et aux réglementations internes des pays tiers concernés.

572    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des éléments versés au dossier que les dispositions des lois ou réglementations brésiliennes, sud-coréennes ou japonaises prévoient que les tarifs des transporteurs doivent être approuvés par les autorités régulatrices compétentes, sous peine de sanction. Ces mêmes dispositions, y compris celles du décret d’application de la loi sud-coréenne sur l’aviation selon lequel les tarifs sont approuvés à la condition qu’ils n’emportent aucune concurrence déraisonnable entre les autres opérateurs de transport aérien, ou celles du code de l’aviation civile brésilien, selon lesquelles le service de transport aérien doit être soumis à des règles visant à éviter une « concurrence ruineuse », ne contiennent pas l’obligation, pour les transporteurs, de se concerter préalablement à l’introduction de leurs tarifs.

573    De même, la circonstance que la requérante ait demandé, en mars 2003, au ministère des transports japonais l’approbation d’une modification de la STC en indiquant avoir ajusté le niveau de sa surtaxe en fonction de celle du transporteur national, ou, en avril 2003, au ministère de la construction et des transports sud-coréen l’approbation de montants de la STC en se fondant sur les tarifs pratiqués par un transporteur local, n’établit pas qu’elle avait l’obligation d’agir de la sorte ou de se concerter préalablement avec d’autres transporteurs.

574    Enfin, en ce qui concerne la lettre du département de l’aviation civile de Hong Kong (ci-après le « DAC ») du 3 septembre 2009 adressée à la Commission et relative aux négociations tarifaires impliquant le SCC du BAR de Hong Kong, il en ressort ce qui suit :

« Il doit être absolument clair pour la Commission que, s’agissant du mécanisme relatif à la [STC] pour le fret basé sur un indice, nous exigeons que le [SCC du BAR] et les transporteurs participants se mettent d’accord sur les détails des demandes collectives, y compris sur le montant de la surtaxe pour laquelle l’approbation était demandée, sur les preuves qui devaient être fournies au DAC pour étayer les demandes et sur le mécanisme unique qui devait être utilisé pour la détermination de la surtaxe. Le DAC a également donné mandat aux transporteurs participants et exigé d’eux qu’ils perçoivent spécifiquement la surtaxe approuvée. De plus, nous avons donné mandat au SCC du BAR et exigé de lui qu’il soumette à l’approbation du DAC toute modification de la liste des transporteurs participant aux demandes collectives et nous avons clairement indiqué que ces transporteurs ne devaient pas percevoir de [STC] sans l’approbation expresse du DAC adressée au SCC du BAR. »

575    Ainsi, cette lettre détaille les conditions qu’il exige lorsque le SCC du BAR et les transporteurs envisagent une demande collective relative à la STC pour le fret fondé sur un indice. Toutefois, elle ne fait pas allusion à l’impossibilité d’introduire une demande individuelle. Elle ne contredit donc pas le considérant 992 de la décision attaquée, dont il ressort que les demandes collectives impliquant des discussions entre transporteurs n’étaient imposées que pour un mécanisme de STC fondé sur un indice, et que des demandes individuelles demeuraient possibles pour une STC d’un montant fixe.

576    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments tirés des dispositions des pays tiers dont elle se prévaut ne contredisent pas les constatations faites aux considérants 972 à 1019 de la décision attaquée, puis réitérées aux considérants 1260 à 1265 de la même décision, selon lesquelles les ententes tarifaires n’étaient pas obligatoires, mais encouragées par le cadre réglementaire, de telle sorte que celui-ci n’emporte pas l’inapplication de l’article 101 TFUE, mais justifie une réduction de l’amende à hauteur de 15 % conformément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

577    Il résulte de tout ce qui précède que le neuvième moyen doit être rejeté. Les conclusions en annulation doivent dès lors être écartées dans leur ensemble.

B.      Sur les conclusions tendant à la modification du montant des amendes infligées à la requérante

578    La requérante demande, en substance, au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant des amendes qui lui ont été infligées, dans l’hypothèse où il jugerait qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui la concerne.

579    À titre liminaire, il convient de constater que la requérante est restée en défaut d’identifier explicitement les griefs qu’elle entend invoquer à l’appui des présentes conclusions. Elle se prévaut à l’appui de ces conclusions des mêmes arguments qu’elle a invoqués à l’appui des deuxième à neuvième moyens. À ces arguments s’en ajoutent deux qu’elle invoque dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui concernent les ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse.

580    Les trois premiers arguments se rattachent, en substance, au calcul de la valeur des ventes :

–        par son premier argument, la requérante soutient qu’il ne devrait être tenu compte que de la seule valeur des surtaxes et non du prix total des services de fret (sixième moyen) ;

–        par son deuxième argument, la requérante avance que son chiffre d’affaires provenant de services de fret entrants ne saurait être inclus dans la valeur des ventes (quatrième et sixième moyen) ;

–        par son troisième argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait valoir que les recettes tirées des services de fret qu’elle a réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse ne sauraient être incluses dans la valeur des ventes.

581    Les quatrième et cinquième arguments portent, en substance, sur le coefficient de gravité et le montant additionnel :

–        par son quatrième argument, la requérante soutient qu’il convient de diminuer le coefficient de gravité, compte tenu de l’absence de composante distincte de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, de la modeste part de marché cumulée des transporteurs incriminés, de l’inclusion erronée des services entrants dans le périmètre de cette infraction, de l’absence d’effets de l’infraction unique et continue sur le jeu de la concurrence et de l’absence de coordination de l’ensemble des éléments du prix des services de fret (quatrième à septième moyens) ;

–        par son cinquième argument, présenté en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait valoir que l’exclusion du périmètre géographique de l’infraction unique et continue des liaisons EEE sauf Union-Suisse est de nature à justifier une réduction du coefficient de gravité.

582    Le sixième argument porte, en substance, sur l’adaptation des facteurs de multiplication au titre de la durée prétendument réduite de participation d’AF à l’infraction unique et continue (huitième moyen).

583    Le septième argument porte, en substance, sur les ajustements à apporter au montant de base, en ce sens que la réduction générale de 15 % ne serait pas suffisante au regard du caractère contraignant du cadre réglementaire en vigueur dans les pays tiers concernés (neuvième moyen).

584    Par son huitième argument, qui concerne l’application de la communication sur la clémence de 2002, la requérante critique l’octroi d’une immunité d’amende à Lufthansa (deuxième moyen). Quant au neuvième argument, qui ne se rattache à aucune étape spécifique du calcul de l’amende, il est pris du traitement discriminatoire et insuffisamment motivé d’AF et de KLM par rapport à d’autres transporteurs (troisième moyen).

585    La Commission conclut au rejet des conclusions de la requérante et demande que le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de celle de 15 % lui soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

586    Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

587    Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

588    Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).

589    Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).

590    Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, point 209).

591    En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office, et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.

592    Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant des amendes à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen des sixième à neuvième moyens ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).

593    Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées en 2005 par AF et par KLM, respectivement, s’élevait à 1 150 248 000 euros et à 833 845 177 euros, en tenant compte de l’adhésion des dix nouveaux États membres à partir de mai 2004. Il convient de constater que ces valeurs incluaient des recettes de 2 502 euros et de 5 595 euros réalisées par AF et par KLM, respectivement, sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 188 à 212 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Ces montants doivent donc être exclus du total de la valeur des ventes, conformément au troisième argument.

594    Pour la période infractionnelle retenue à l’encontre de la requérante qui est antérieure à mai 2004, à l’instar de la Commission au considérant 1197 de la décision attaquée, il y a lieu de prendre pour base, sur les liaisons intra-EEE et sur les liaisons Union-Suisse, des valeurs des ventes s’élevant, respectivement, à 18 445 000 euros et à 528 000 euros pour AF, en tenant compte des seuls États qui étaient déjà parties contractantes à l’accord EEE ou membres de l’Union avant mai 2004. Pour ce qui est de KLM, la responsabilité solidaire n’a été retenue sur lesdites liaisons qu’à compter du 5 mai 2004.

595    Par ailleurs, pour ce qui est du premier argument, lequel porte en substance sur l’inclusion du prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, il convient de relever qu’il renvoie à la première branche du sixième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette branche aux points 394 à 434 ci-dessus et rien dans l’argumentation que la requérante a soulevée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du prix entier des services de fret était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes les éléments du prix des services de fret autres que les surtaxes reviendrait à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction unique et continue.

596    Pour ce qui est du deuxième argument, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer qu’il renvoie au quatrième moyen et à la seconde branche du sixième moyen que la requérante a soulevés à l’appui de ses conclusions en annulation. Or, le Tribunal les a examinés et rejetés, respectivement, aux points 79 à 187 et 435 à 461 ci-dessus et rien dans l’argumentation que la requérante a soulevée à son appui ne permet de considérer qu’elle était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ferait obstacle à ce qu’il soit infligé à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).

597    Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.

598    Les quatrième et cinquième arguments ne démontrent pas le contraire. Le quatrième argument renvoie, en substance, à des griefs avancés dans le cadre des quatrième à septième moyens que la requérante a soulevés à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté ces moyens et rien dans l’argumentation invoquée à leur appui ne permet de considérer que ces arguments justifient un coefficient de gravité inférieur à 16 %.

599    S’agissant, en particulier, de l’absence prétendue d’effets sensibles de l’infraction unique et continue sur le jeu de la concurrence, visée par le quatrième argument, il convient d’ajouter que le montant d’une amende ne saurait être considéré comme étant inapproprié au seul motif qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’infraction alléguée (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 287). Cet argument ne justifie donc pas une réduction du coefficient de gravité.

600    Pour ce qui est du cinquième argument, il convient de relever qu’il supposait que le Tribunal accueille le moyen relevé d’office. Ce dernier ayant été rejeté, il convient d’écarter ledit argument.

601    Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

602    Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 264).

603    Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.

604    Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.

605    Par ailleurs, il ressort des considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée que la durée pour laquelle la requérante est tenue pour responsable de l’infraction unique et continue, d’une part, solidairement avec AF s’élève à six ans et deux mois sur les liaisons intra-EEE, un an et neuf mois sur les liaisons Union-pays tiers, trois ans et huit mois sur les liaisons Union-Suisse et huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et, d’autre part, solidairement avec KLM, s’élève à un an et neuf mois sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers et sur les liaisons Union-Suisse ainsi qu’à huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Le Tribunal n’ayant pas constaté d’erreur dans la détermination de cette durée, il est en conséquence tenu de rejeter le sixième argument et de retenir des facteurs de multiplication, d’une part, de 6 et 2/12, 1 et 9/12, 3 et 8/12 et 8/12, respectivement, pour le comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec AF et, d’autre part, de 1 et 9/12, 1 et 9/12, 1 et 9/12 et 8/12, respectivement, pour le comportement infractionnel dont elle est tenue pour responsable solidairement avec KLM.

606    Il y a donc lieu de fixer le montant de base des amendes à 510 000 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec AF, et à 360 000 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec KLM.

607    Dès lors, le montant de base des amendes après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante n’a pas contestée dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 269 000 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec AF, et à 183 000 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec KLM. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 166).

608    Enfin, pour ce qui est des ajustements des montants de base des amendes, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle conteste le caractère suffisant dans le cadre du neuvième moyen ainsi que dans le cadre du septième argument. Or, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 560 à 577 ci-dessus dans le cadre de l’examen du neuvième moyen, il y a lieu de constater que rien dans l’argumentation invoquée dans ce cadre n’est de nature à démontrer le caractère inapproprié de cette réduction.

609    Le Tribunal ne considère pas que l’exclusion du faisceau d’indices des contacts décrits aux considérants 140 et 142 de la décision attaquée justifie qu’une réduction supplémentaire soit octroyée à la requérante au titre des circonstances atténuantes. Ces contacts comptaient, en effet, parmi les nombreux échanges d’informations que la Commission a retenus contre la requérante et l’étendue de sa participation à ces échanges et a fortiori à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC en général demeure amplement étayée.

610    Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant de base ajusté des amendes à 228 650 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec AF, et à 155 550 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont la requérante est tenue pour responsable solidairement avec KLM.

611    Par ailleurs, il convient de considérer que la réduction de 20 % dont la requérante a bénéficié au titre de la clémence demeure appropriée. Le huitième argument ne permet pas d’en conclure autrement. Cet argument renvoie, en substance, au deuxième moyen que la requérante a soulevé à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté ce moyen et rien dans l’argumentation invoquée à son appui ne permet de considérer qu’il justifie que la requérante se voie octroyer une réduction supérieure à 20% au titre de la clémence.

612    Quant au neuvième argument, il renvoie au troisième moyen avancé à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté ce moyen et rien dans l’argumentation invoquée à son appui ne permet de considérer que le montant des amendes infligées à la requérante est inapproprié.

613    Il s’ensuit que le montant final des amendes à infliger à la requérante s’élève à 182 920 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont elle est tenue pour responsable solidairement avec AF, et à 124 440 000 euros, s’agissant du comportement infractionnel dont elle est tenue pour responsable solidairement avec KLM.

614    Le montant des amendes imposées par la Commission dans la décision attaquée étant identique à celui que le Tribunal a fixé au titre de sa compétence de pleine juridiction, il n’y a pas lieu, dès lors, de modifier le montant des amendes fixé par la Commission à l’article 3, sous b) et d), de la décision attaquée. Partant, il convient de rejeter les conclusions en modification du montant des amendes infligées à la requérante.

IV.    Sur les dépens

615    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

616    Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. En outre, aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

617    En l’espèce, la requérante a succombé en ses conclusions et la Commission a expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Toutefois, le Tribunal estime que les circonstances de l’espèce justifient que la Commission supporte le tiers de ses propres dépens et que la requérante supporte ses propres dépens ainsi que les deux tiers de ceux de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supportera le tiers de ses dépens.

3)      Air France-KLM supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens de la Commission

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Spielmann

 

      Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative

B. Décision du 9 novembre 2010

C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

D. Décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

a) Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

b) Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

1) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

i) Sur la pertinence de l’effet en cause

ii) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

iv) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

2) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

3. Sur le premier moyen, tiré d’illégalités commises dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France et d’AF et d’une partie des pratiques de KLM

a) Sur la première branche, prise d’illégalités dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004

1) Sur le deuxième grief, tiré d’une motivation insuffisante du rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM

2) Sur le premier grief, tiré d’une erreur dans l’imputation à la requérante de pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004

3) Sur le troisième grief, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004

4) Sur le quatrième grief, tiré de la violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions

b) Sur la seconde branche, prise d’illégalités dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004

1) Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

2) Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004

3) Sur le troisième grief, tiré d’une violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et de sanctions

4. Sur le deuxième moyen, tiré de violations de la communication sur la clémence de 2002 et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection de la confiance légitime

5. Sur le troisième moyen, tiré de violations de l’obligation de motivation et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection contre l’intervention arbitraire de la Commission

a) Sur la première branche, prise d’une violation de l’obligation de motivation

b) Sur la seconde branche, prise d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection contre l’intervention arbitraire de la Commission

6. Sur le cinquième moyen, tiré d’une contradiction de motifs et d’une erreur manifeste d’appréciation

a) Sur la première branche, prise d’une contradiction de motifs

b) Sur la seconde branche, prise d’une erreur manifeste d’appréciation

7. Sur le sixième moyen, tiré d’une contradiction de motifs, d’une erreur manifeste d’appréciation et de violations des paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et de légalité ainsi que des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »dans le calcul de la valeur des ventes

a) Sur la première branche, prise d’une contradiction de motifs, d’une erreur manifeste d’appréciation et de violations des paragraphes 6 et 13 des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et de légalité

b) Sur la seconde branche, prise de violations du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 et des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »

1) Sur le premier grief, tiré d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006

2) Sur le second grief, tiré d’une violation des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »

8. Sur le septième moyen, tiré d’erreurs et d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la détermination du coefficient de gravité

9. Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs et d’une violation du principe de proportionnalité dans le calcul de la durée de la participation d’AF à l’infraction unique et continue

10. Sur le neuvième moyen, tiré d’un défaut de motivation et de l’insuffisance de la réduction générale de 15 %

a) Sur la première branche, prise d’une violation de l’obligation de motivation

b) Sur la seconde branche, prise de l’insuffisance de la réduction générale de 15 %

B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant des amendes infligées à la requérante

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées.