Language of document : ECLI:EU:C:2001:392

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 10 juillet 2001 (1)

Affaire C-353/99 P

Conseil de l'Union européenne,

soutenu par Royaume d'Espagne,

contre

Heidi Hautala,

soutenue par Royaume de Danemark,

République française,

République de Finlande,

Royaume de Suède,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

«Pourvoi - Droit d'accès du public aux documents du Conseil - Décision 93/731/CE du Conseil - Exceptions à l'accès aux documents - Protection de l'intérêt public en matière de relations internationales - Accès partiel»

    Le présent pourvoi a été introduit par le Conseil de l'Union européenne contre un arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 19 juillet 1999, qui a prononcé l'annulation de la décision du Conseil du 4 novembre 1997 refusant à Mme Hautala, membre du Parlement européen, l'accès au rapport du groupe de travail du Conseil «Exportations d'armes conventionnelles» (2).

    Cette affaire tire son origine d'une question écrite posée le 14 novembre 1996 au Conseil par Mme Hautala (3) dans laquelle celle-ci se déclarait préoccupée par la violation des droits de l'homme entretenue par les exportations d'armes des États membres de l'Union européenne. Mme Hautala lui demandait les raisons pour lesquelles les instructions présentées au comité politique du Conseil par le groupe de travail «Exportations d'armes conventionnelles», dans le but de préciser les critères d'exportation d'armes, restaient secrètes.

    Le Conseil a répondu le 10 mars 1997 en indiquant que l'un des huit critères dont tiennent compte les décisions d'exportation d'armes concerne le respect des droits de l'homme par le pays destinataire. Il a ajouté que, lors de sa réunion des 14 et 15 novembre 1996, son comité politique avait approuvé un rapport de son groupe de travail «Exportations d'armes conventionnelles» afin d'améliorer la mise en oeuvre cohérente des critères communs.

    Par lettre du 17 juin 1997, adressée au secrétaire général du Conseil, la requérante a demandé la communication du rapport mentionné dans la réponse du Conseil (4).

    Le rapport litigieux a été approuvé par le comité politique, mais ne l'a jamais été par le Conseil lui-même. Il a été établi dans le cadre du système spécial de correspondance européenne COREU (5) qui ne fait pas l'objet d'une diffusion par les canaux habituels de distribution des documents du Conseil. Dans la pratique du Conseil, le réseau COREU est réservé aux questions relevant du titre V susvisé. La diffusion de documents transmis via le réseau COREU est limitée à un nombre restreint de destinataires autorisés dans les États membres, à la Commission des Communautés européennes et au secrétariat général du Conseil.

    Par lettre du 25 juillet 1997, le secrétariat général du Conseil a refusé l'accès au rapport litigieux, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731/CE (6), au motif qu'il contenait «des informations extrêmement sensibles dont la divulgation porterait atteinte à l'intérêt public, dans le domaine de la sécurité publique».

    Par lettre du 1er septembre 1997, la requérante a formulé une demande confirmative, conformément à l'article 7, paragraphe 1, de la décision 93/731.

    La demande confirmative a été traitée par le groupe «Information» du Comité des représentants permanents et par les membres du Conseil, dont une majorité simple a estimé qu'il convenait de répondre par la négative. Quatre délégations étaient favorables à sa divulgation.

    Par lettre du 4 novembre 1997 (7), le Conseil a rejeté la demande confirmative, aux motifs que la divulgation du rapport litigieux pourrait porter atteinte aux relations de l'Union européenne avec des pays tiers. Le refus d'accès visait, selon lui, à protéger l'intérêt public dans le domaine des relations internationales.

    Le 13 janvier 1998, Mme Hautala a formé un recours en annulation de la décision de refus d'accès, prise par le Conseil, devant le Tribunal de première instance.

    Il convient de rappeler les termes de l'arrêt contesté, après avoir décrit le cadre juridique de la présente affaire.

I - Cadre juridique

    L'acte final du traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, contient une déclaration (n° 17) relative au droit d'accès à l'information (8), qui énonce ce qui suit:

«La conférence estime que la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public envers l'administration. En conséquence, la conférence recommande que la Commission soumette au Conseil, au plus tard en 1993, un rapport sur des mesures visant à accroître l'accès du public à l'information dont disposent les institutions.»

    Lors de la clôture du Conseil européen de Birmingham le 16 octobre 1992, les chefs d'État et de gouvernement ont fait une déclaration intitulée «Une Communauté proche de ses citoyens» (9), dans laquelle ils ont souligné la nécessité de rendre la Communauté plus ouverte. Cet engagement a été réaffirmé lors du Conseil européen d'Édimbourg le 12 décembre 1992 (10).

    Le 5 mai 1993, la Commission a adressé au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social la communication 93/C 156/05 relative à l'accès du public aux documents des institutions (11). Celle-ci contenait les résultats d'une enquête comparative sur l'accès du public aux documents dans les États membres ainsi que dans certains pays tiers et concluait qu'il semblait indiqué de développer un accès plus important aux documents au niveau communautaire.

    Le 2 juin 1993, la Commission a adopté la communication 93/C 166/04 au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social sur la transparence dans la Communauté (12), dans laquelle sont exposés les principes de base régissant l'accès aux documents.

    Lors du Conseil européen de Copenhague le 22 juin 1993, le Conseil et la Commission ont été invités «à poursuivre leurs travaux sur la base du principe selon lequel les citoyens doivent avoir l'accès le plus complet possible à l'information» (13).

    Dans le cadre de ces étapes préliminaires vers la mise en oeuvre du principe de transparence, le Conseil et la Commission ont approuvé, le 6 décembre 1993, un code de conduite concernant l'accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (14), visant à fixer les principes régissant l'accès aux documents qu'ils détiennent.

    Le code de conduite énonce le principe général suivant:

«Le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil.»

    Il définit le terme «document» comme étant «tout écrit, quel que soit son support, contenant des données existantes, détenu par le Conseil ou la Commission».

    Les circonstances qui peuvent être invoquées par une institution pour justifier le rejet d'une demande d'accès à des documents sont énumérées, dans le code de conduite, dans les termes suivants:

«Les institutions refusent l'accès à tout document dont la divulgation pourrait porter atteinte à:

-    la protection de l'intérêt public (sécurité publique, relations internationales, stabilité monétaire, procédures juridictionnelles, activités d'inspection et d'enquête),

[...]

Elles peuvent aussi le refuser pour assurer la protection de l'intérêt de l'institution relatif au secret de ses délibérations.»

    En outre, le code de conduite dispose ce qui suit:

«La Commission et le Conseil prendront, chacun pour ce qui le concerne, les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des présents principes avant le 1er janvier 1994.»

    Pour assurer la mise en oeuvre de cet engagement, le Conseil a adopté la décision 93/731 relative à l'accès du public aux documents du Conseil.

    L'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731 dispose ce qui suit:

«L'accès à un document du Conseil ne peut être accordé lorsque sa divulgation pourrait porter atteinte à:

-    la protection de l'intérêt public (sécurité publique, relations internationales, stabilité monétaire, procédures juridictionnelles, activités d'inspection et d'enquête),

[...]»

II - L'arrêt contesté

    Le Tribunal décrit ainsi les moyens invoqués devant lui par Mme Hautala:

«Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731. Le deuxième est tiré d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). Le troisième est tiré d'une violation du principe fondamental de droit communautaire selon lequel les citoyens de l'Union européenne doivent se voir accorder l'accès le plus large et le plus complet possible aux documents des institutions communautaires, ainsi que du principe de protection de la confiance légitime (15)

    La décision de refus d'accès ayant été annulée sur la base du premier moyen, les deux autres moyens n'ont pas été abordés par le Tribunal.

    Celui-ci a examiné successivement les trois arguments invoqués par la requérante à l'appui de son premier moyen. Il s'est attaché à «déterminer, en premier lieu, si la demande confirmative a[vait] fait l'objet d'un examen adéquat de la part du Conseil, en second lieu, si l'accès au rapport litigieux pouvait être refusé en se référant à l'intérêt public en matière de relations internationales et, en troisième lieu, si le Conseil était tenu d'envisager s'il pouvait accorder un accès partiel autorisant la divulgation des passages du document qui ne sont pas couverts par l'exception tirée de la protection de l'intérêt public» (16).

    Le Tribunal a rejeté les deux premiers arguments défendus par Mme Hautala. Il a accueilli le troisième argument, relatif à l'accès partiel de la requérante au rapport litigieux, et prononcé l'annulation de la décision de refus du Conseil au terme du raisonnement suivant:

«75    En ce qui concerne le troisième argument, soutenu par le gouvernement suédois, selon lequel le Conseil, par son refus d'accorder l'accès aux passages du rapport litigieux qui ne sont pas couverts par l'exception tirée de la protection de l'intérêt public, aurait violé l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731, il convient de noter que le Conseil estime que le principe d'accès aux documents ne s'applique qu'aux documents en tant que tels et non aux éléments d'information qui s'y trouvent.

76    Il incombe ainsi au Tribunal de vérifier si le Conseil était tenu d'examiner si un accès partiel pouvait être accordé. Cette question étant une question de droit, le contrôle exercé par le Tribunal n'est pas limité.

77    À cet égard, il convient de rappeler que la décision 93/731 est une mesure d'ordre interne prise par le Conseil sur le fondement de l'article 151, paragraphe 3, du traité CE. En l'absence de législation communautaire spécifique, le Conseil détermine les conditions dans lesquelles sont traitées les demandes d'accès à ses documents (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du30 avril 1996, Pays-Bas/Conseil, C-58/94, Rec. p. I-2169, points 37 et 38). Dès lors, si le Conseil le voulait, il pourrait décider d'accorder l'accès partiel à ses documents au titre d'une nouvelle politique.

78    Or, la décision 93/731 n'impose pas expressément au Conseil d'examiner si un accès partiel aux documents peut être accordé. Elle n'interdit pas non plus, comme le Conseil l'a reconnu à l'audience, explicitement une telle possibilité.

79    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rappeler, aux fins de l'interprétation de l'article 4 de la décision 93/731, la base sur laquelle le Conseil a adopté cette décision.

80    Il convient de constater que la déclaration n° 17 recommandait que la Commission soumette au Conseil, au plus tard en 1993, un rapport sur des mesures visant à accroître l'accès du public à l'information dont disposent les institutions. Cet engagement a été réaffirmé lors du Conseil européen de Copenhague le 22 juin 1993, qui a invité le Conseil et la Commission 'à poursuivre leurs travaux sur la base du principe selon lequel les citoyens doivent avoir l'accès le plus complet possible à l'information‘.

81    Dans le préambule du code de conduite, le Conseil et la Commission visent expressément la déclaration n° 17 et les conclusions du Conseil européen de Copenhague comme base de leur initiative. Le code de conduite énonce le principe général selon lequel le public aura le plus large accès possible aux documents.

82    De plus, la Cour a eu l'occasion de souligner, dans son arrêt Pays-Bas/Conseil, précité (point 35), l'importance du droit d'accès du public aux documents détenus par les autorités publiques. La Cour a ainsi rappelé que la déclaration n° 17 rattache ce droit 'au caractère démocratique des institutions‘. Dans ses conclusions sous cet arrêt (Rec. p. I-2171, point 19), l'avocat général a souligné, en ce qui concerne le droit subjectif à l'information, ce qui suit:

    'La base d'un tel droit doit plutôt être recherchée dans le principe démocratique, qui est un des éléments fondateurs de la construction communautaire, tel qu'il est maintenant consacré par le préambule du traité de Maastricht et par l'article F [du traité sur l'Union européenne (devenu, après modification, article 6 UE)] des dispositions communes.‘

83    Se référant à l'arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, le Tribunal a récemment constaté dans l'arrêt Journalistförbundet (point 66) ce qui suit:

    'La décision 93/731 a pour but de traduire le principe d'un accès aussi large que possible des citoyens à l'information, en vue de renforcer le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public dans l'administration.‘

84    Il convient de rappeler ensuite que, lorsqu'un principe général est établi et que des exceptions à ce principe sont prévues, ces dernières doivent être interprétées et appliquées restrictivement, de manière à ne pas tenir en échec l'application du principe général (voir, en ce sens, arrêts WWF UK/Commission, précité, point 56, et Interporc/Commission, précité, point 49). En l'espèce, il s'agit d'interpréter les dispositions de l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731, qui énumère les exceptions au principe général susvisé.

85    De plus, le principe de proportionnalité exige que 'les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché‘ (arrêt de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, C-222/84, Rec. p. 1651, point 38). En l'espèce, le but poursuivi par le Conseil en refusant l'accès au rapport litigieux est, selon la motivation contenue dans la décision attaquée, 'de protéger l'intérêt public dans le domaine des relations internationales‘. Or, un tel but peut être atteint même dans l'hypothèse où le Conseil se limiterait à censurer, après examen, les passages du rapport litigieux qui peuvent porter atteinte aux relations internationales.

86    Dans ce contexte, le principe de proportionnalité permettrait au Conseil, dans des cas particuliers où le volume du document ou celui des passages à censurer entraînerait pour lui une tâche administrative inappropriée, de mettre en balance, d'une part, l'intérêt de l'accès du public à ces parties fragmentaires et, d'autre part, la charge de travail qui en découlerait. Le Conseil pourrait ainsi, dans ces cas particuliers, sauvegarder l'intérêt d'une bonne administration.

87    Compte tenu de ce qui précède, l'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731, doit se faire à la lumière du principe du droit à l'information et du principe de proportionnalité. Il en résulte que le Conseil est tenu d'examiner s'il convient d'accorder un accès partiel aux données non couvertes par les exceptions.

88    Comme il ressort du point 75 ci-dessus, le Conseil n'a pas procédé à un tel examen, car il estime que le principe d'accès aux documents ne s'applique qu'aux documents en tant que tels et non aux éléments d'information qui s'y trouvent. Par conséquent, la décision attaquée se trouve entachée d'une erreur de droit et doit donc être annulée.»

III - Moyens et arguments des parties

    Le Conseil demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal, soutenu en ce sens par le royaume d'Espagne, partie intervenante au pourvoi. Le Tribunal aurait commis une erreur de droit en interprétant l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731 en ce sens qu'il imposerait au Conseil d'examiner s'il doit accorder un accès partiel aux informations non couvertes par les exceptions à l'accès du public à ses documents.

    Le Conseil et le royaume d'Espagne reprochent au Tribunal d'avoir mal interprété la décision 93/731, qu'il s'agisse de son libellé ou de son objectif, et d'avoir fait une application erronée du principe de proportionnalité.

    Le Conseil estime que le Tribunal a qualifié de droit à l'information ce qui n'est qu'un droit d'accès du public aux documents. Le texte de la décision 93/731 ne viserait que les documents du Conseil dans leur forme existante et non les éléments d'information qui s'y trouvent. Le Conseil serait donc seulement tenu d'examiner si le document visé par la demande, sous sa forme existante et sans la moindre altération, peut être communiqué ou s'il relève de l'une des dérogations prévues à l'article 4 de la décision 93/731. Cette décision ne lui imposerait, en outre, aucune obligation d'examiner si un accès partiel aux documents peut être accordé. Elle ne l'obligerait pas à créer un document nouveau constitué des seuls éléments d'information susceptibles d'être divulgués, comme l'arrêt contesté semble, à tort, l'imposer. Le Conseil fait observer que l'approche préconisée par le Tribunal fait craindre une charge administrative considérable et des difficultés pratiques importantes résultant de la nécessité de déterminer dans chaque document les parties qui peuvent être communiquées.

    Selon le Conseil, l'objectif poursuivi par la décision 93/731 n'est pas de consacrer un droit à l'information. Les arrêts du Tribunal qui se réfèrent au droit à l'information méconnaîtraient le fait que l'arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, rendu par votre Cour, se réfère à l'accès aux documents et que la déclaration n° 17, relative au droit d'accès à l'information, est une déclaration politique sans effet contraignant.

    S'agissant du principe de proportionnalité, auquel le Tribunal fait référence dans l'arrêt contesté, le Conseil estime qu'il ne peut être appliqué pour apprécier la régularité d'une restriction apportée à un droit garanti par le droit communautaire. La décision ne viserait pas à conférer aux citoyens un droit d'accès absolu aux documents du Conseil, mais à mettre en place un système permettant d'accorder cet accès dans certaines conditions. En l'absence de principe général du droit communautaire conférant aux citoyens un droit d'accès absolu aux documents du Conseil, et compte tenu de l'adoption de l'article 255 CE, à la suite du traité d'Amsterdam, qui confirme l'absence de principe préexistant en la matière, le principe de proportionnalité ne saurait être interprété comme une restrictionapportée à un droit garanti par le droit communautaire. En s'assurant, en outre, au moyen des exceptions prévues à son article 4, que la divulgation des documents ne porte pas atteinte à certains intérêts nécessitant une protection, la décision 93/731 ferait déjà application du principe de proportionnalité. Ce principe se trouverait ainsi pleinement pris en considération.

    Le royaume d'Espagne partage ce point de vue. Il soutient que l'existence du principe du droit à l'information sous la forme qui lui est conférée par l'arrêt attaqué ne se déduit ni des textes normatifs en vigueur ni de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. Il considère, en outre, que le principe de proportionnalité appliqué aux mesures adoptées par le Conseil en relation avec l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731, signifie seulement que cette institution doit agir dans les limites de ce qui est adéquat et nécessaire pour se conformer à cette disposition. Cela implique qu'elle doit refuser l'accès à ses documents quand il existe un risque d'atteinte à l'un des intérêts énumérés par ce texte.

    Mme Hautala conclut au rejet du pourvoi. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le royaume de Danemark, parties intervenantes au pourvoi, ainsi que le royaume de Suède et la république de Finlande, parties intervenantes en première instance et présentes au stade du pourvoi, concluent dans le même sens.

    Selon Mme Hautala et les États membres qui s'associent à sa défense, le droit à un accès partiel résulte tant du libellé que du contexte de la décision 93/731. Ils ajoutent que cette dernière doit être interprétée et appliquée conformément aux principes généraux du droit communautaire, au nombre desquels figure le droit à l'information. La faculté de disposer d'un accès partiel aux documents découlerait directement du principe fondamental du droit communautaire, en vertu duquel les citoyens de l'Union européenne doivent se voir accorder l'accès le plus large et le plus complet possible aux documents des institutions européennes.

    Mme Hautala soutient que, comme d'autres principes du droit communautaire, le droit d'accès à l'information a été incorporé dans le traité par l'article 255 CE. Le principe de proportionnalité sert donc, en l'espèce, à limiter ce droit afin de préserver d'autres objectifs dignes de protection. Il exige cependant que ces dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.

    Avant de se prononcer sur ces moyens et arguments, il est nécessaire de rappeler les règles du droit communautaire dont dépend l'interprétation de la décision 93/731.

IV - Sur les règles du droit communautaire qui doivent guider l'interprétation de la décision 93/731

    La décision 93/731 est fondée sur l'article 151, paragraphe 3, du traité CE (devenu, après modification, article 207, paragraphe 3, CE), en vertu duquel le Conseil arrête son règlement intérieur. Elle fixe le principe d'un accès du public aux documents du Conseil. Elle en subordonne toutefois l'exercice à un certain nombre de conditions qu'elle énumère et dont font partie les exceptions de son article 4, paragraphe 1.

    Dans l'arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, le royaume des Pays-Bas demandait l'annulation de la décision 93/731, au motif que le Conseil avait retenu à tort comme base juridique les articles 151, paragraphe 3, du traité, et 22 de son règlement intérieur, qui concernent uniquement son organisation interne. Pour le royaume des Pays-Bas, la décision 93/731 dépassait largement la sphère d'application des règles d'organisation et de gestion interne du Conseil et constituait un acte visant explicitement à engendrer des effets juridiques à l'égard des citoyens. Le gouvernement néerlandais soutenait que le Conseil avait qualifié de question d'organisation interne ce qui constituait, en réalité, un droit fondamental, à savoir le droit d'accès du public à l'information, dont la réglementation devait être assortie des garanties nécessaires.

    Votre Cour a admis que, tant que le législateur communautaire n'avait pas adopté une réglementation générale sur le droit d'accès du public aux documents détenus par les institutions communautaires, celles-ci devaient adopter les mesures ayant pour objet le traitement de telles demandes en vertu de leur pouvoir d'organisation interne, lequel les habilite à prendre les mesures appropriées en vue d'assurer leur fonctionnement interne dans l'intérêt d'une bonne administration (17).

    Elle a ainsi reconnu le droit pour le Conseil d'utiliser son pouvoir d'organisation interne pour insuffler une certaine dose de transparence dans son fonctionnement. L'absence de réglementation communautaire à caractère général en matière d'accès aux documents justifiait incontestablement qu'une institution telle que le Conseil, dans un souci de transparence, améliore son mode de fonctionnement à cet égard en s'imposant des règles plus favorables que celles qui présidaient jusqu'alors à sa propre pratique.

    En dépit de son objet qui dépasse à l'évidence, par les liens qu'il entretient avec les bases mêmes de la Communauté européenne, la simple organisation interne de l'une des institutions communautaires, la décision 93/731 a été jugée comme reposant sur la disposition appropriée du traité. Votre Cour a pu considérer que la disposition du traité habilitant le Conseil à adopter son règlement intérieur constituait une base juridique adéquate pour améliorer la transparence de son fonctionnement.

    Toutefois, il serait exagéré de prétendre que, même dans le domaine d'intervention du Conseil, cet arrêt épuise par son contenu la question de l'accès aux documents.

L'arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, qui atteste de la régularité formelle de la décision 93/731, ne semble pas de nature à contribuer de manière substantielle à l'interprétation des dispositions en cause de la décision 93/731. Dans cette affaire, votre Cour était clairement liée par l'objet du recours, circonscrit à la seule question de la base juridique pertinente de la décision 93/731.

    Le présent pourvoi, au contraire, exige une interprétation des dispositions litigieuses. Celle-ci ne peut être réalisée sans que soit pris en considération l'ensemble des règles du droit communautaire qui déterminent le droit d'accès aux documents. Dans l'arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, vous avez d'ailleurs rappelé que l'évolution suivie par la Communauté «laisse apparaître une affirmation progressive du droit d'accès des particuliers aux documents détenus par les autorités publiques» (18).

    Or, il est clair que les dispositions litigieuses de la décision 93/731 ne peuvent être appliquées sans qu'il soit procédé à une interprétation de leur contenu qui soit conforme à cette évolution et aux fondements du droit d'accès du public aux documents, dont ladite décision, par son titre même, se réclame.

    Les règles qu'elle contient visent à mettre en oeuvre, dans le cadre limité du pouvoir d'organisation interne du Conseil, les orientations arrêtées depuis la déclaration n° 17 en matière de droit d'accès des particuliers aux documents détenus par les autorités publiques.

    La déclaration n° 17 est le premier acte tangible par lequel la Communauté a reconnu l'importance d'un droit général d'accès à l'information au sein des institutions communautaires. La conférence intergouvernementale a ainsi manifesté l'intention d'accroître l'effectivité de ce droit. En rappelant que la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public envers l'administration, elle a souligné l'importance d'un droit qui tire son origine des bases politiques les plus essentielles des États membres et de la Communauté.

    Les Conseils européens de Birmingham et d'Édimbourg qui se sont tenus en 1992 ont réaffirmé cette volonté de rendre la Communauté plus ouverte. Lors du Conseil européen de Copenhague du 22 juin 1993, le Conseil et la Commission ont été invités à poursuivre leurs travaux sur la base du principe selon lequel les citoyens doivent avoir l'accès le plus complet possible à l'information.

    Ces différentes impulsions politiques se sont traduites dans les faits notamment par l'adoption, par le Conseil et par la Commission, d'un code de conduite, puis, par le Conseil, d'une modification de son règlement intérieur. La décision 93/731, qui reproduit les dispositions du code de conduite et le complète, a été adoptée à la suite de cette dernière modification.

    Le processus de reconnaissance du droit d'accès ne s'est pas arrêté à l'adoption de règles internes que les institutions se sont imposées à elles-mêmes. Un nouvel article 191 A (devenu article 255 CE) a été introduit dans le traité CE par le traité d'Amsterdam. L'article 255, paragraphe 1, CE dispose que «[t]out citoyen de l'Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3». En application de ces paragraphes, une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission a été déposée (19).

    Dans son article 42, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (20) prévoit un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

    Il est important de tenir compte de cette constance de la volonté politique des États membres et de l'évolution du cadre normatif communautaire en la matière. Elles témoignent de l'émergence d'un droit en rapport étroit avec les fondements de la Communauté. Comme l'avocat général Tesauro l'a rappelé dans ses conclusions dans l'affaire Pays-Bas/Conseil, précitée, la transparence de l'action des pouvoirs publics est une question intimement liée à celle du caractère démocratique des institutions (21). La connaissance par les citoyens des activités de l'administration est une garantie de son bon fonctionnement. Le contrôle de ceux qui confèrent leur légitimité aux pouvoirs publics incite ces derniers à l'efficacité dans le respect de leur volonté initiale et peut ainsi susciter leur confiance, ce qui est un gage de paix publique autant que de bon fonctionnement du systèmedémocratique. Au niveau le plus élevé de ce système, l'information des citoyens est aussi le plus sûr moyen de les associer à la gestion des affaires publiques (22).

    L'avocat général Tesauro a ainsi parfaitement décrit la place du droit d'accès aux documents en droit communautaire:

«La base d'un tel droit doit plutôt être recherchée dans le principe démocratique, qui est un des éléments fondateurs de la construction communautaire [...]. Or, à la lumière de l'évolution que l'on a constatée dans les ordres juridiques des États membres, le droit d'accès aux documents officiels est actuellement un élément essentiel de ce principe [...]. C'est donc le principe démocratique, avec les contenus qui lui ont été progressivement assignés dans les divers ordres juridiques nationaux, qui impose de ne plus limiter l'accès aux documents au seul destinataire d'une mesure de l'autorité publique» (23).

    La constatation par votre Cour, dans l'arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, que la réglementation interne de la majorité des États membres consacre désormais de manière générale, à titre de principe constitutionnel ou législatif, le droit d'accès du public aux documents détenus par les autorités publiques, reflète la vigueur et l'actualité de ce droit (24). Un grand nombre d'États membres ont d'ailleurs modifié,depuis 1996, leur législation interne en matière de droit d'accès aux documents, sans qu'il apparaisse de régression autre que ponctuelle et limitée. L'Irlande et le Royaume-Uni, en particulier, se sont dotés d'une législation particulièrement protectrice du droit des citoyens en la matière (25).

    Il importe de souligner cette convergence des droits nationaux, car elle constitue, selon nous, un motif déterminant dans la reconnaissance de l'existence d'un principe fondamental du droit d'accès à l'information détenue par les institutions communautaires.

    On le sait, selon une jurisprudence constante désormais consacrée par les traités (26), les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont votre Cour assure le respect. À cet effet, celle-ci s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré (27).

    Treize des quinze États membres connaissent une règle générale prévoyant un droit pour le public d'accéder aux documents détenus par l'administration. Dans neuf de ces treize États, le droit d'accès apparaît comme un droit fondamental, «principe» de valeur constitutionnelle (28) ou un droit pourvu d'un fondement constitutionnel, quoique de valeur législative (29). Dans les quatre autres États membres, ce droit trouve sa source dans une ou plusieurs lois (30).

    Ces normes nationales, dont les régimes juridiques correspondants n'ont pas nécessairement un contenu homogène, traduisent cependant une conceptioncommune de la plupart des États membres, décrite par l'avocat général Tesauro par la formule suivante: «il n'est plus vrai que tout est secret sauf ce qui est expressément déclaré accessible, mais c'est exactement le contraire qui est vrai» (31).

    Au vu de cette conception des rapports entre gouvernants et gouvernés presque unanimement partagée au sein de l'Union européenne, il nous paraît naturel d'admettre qu'il existe un principe d'accès à l'information détenue par les autorités publiques nationales et que ce principe est susceptible d'inspirer un principe équivalent sur le plan communautaire.

Si débat il doit y avoir, celui-ci semble plutôt porter sur le contenu des exceptions qui doivent être fixées à ce principe, étant entendu que la nécessité de définir certaines limites ne se heurte pas, elle non plus, à de notables objections. En effet, on ne saurait exclure que, pour des motifs d'ordre public ou privé, certaines restrictions à l'accès à l'information soient admises.

    Si l'on se tourne vers les instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, leur apport en matière d'accès aux documents est inégal.

    Le droit à la liberté d'expression prévu à l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été, jusqu'à présent, interprété par la Cour européenne des droits de l'homme comme recouvrant le droit d'accès à l'information. Aux termes de l'article 10, paragraphe 1, en effet, le droit à la liberté d'expression «comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière [...]». On peut regretter que la liberté d'expression ne soit pas considérée comme naturellement liée au droit d'accéder aux informations illégitimement maintenues secrètes. Il n'en demeure pas moins que la lettre du texte a toujours été strictement interprétée (32).

    Diverses résolutions, recommandations et déclarations de l'assemblée parlementaire et du Comité des ministres du Conseil de l'Europe ont affirmé l'importance pour les citoyens de disposer d'une information suffisante sur lefonctionnement des autorités publiques (33). Un projet de recommandation sur l'accès du public aux informations officielles est en cours d'élaboration au sein du Conseil de l'Europe (34). Dans sa version actuelle, ce projet prévoit un principe général garantissant, à toute personne en faisant la demande, le droit d'accéder aux documents détenus par des autorités publiques. Des exceptions au principe général sont prévues, dans la mesure où d'autres intérêts légitimes prévalent. Elles doivent être appliquées de manière restrictive. Il convient de relever que l'accès partiel à l'information est prévu par le projet. Toutefois, l'accès partiel peut être refusé si la version expurgée du document est trompeuse ou vide de sens (35). Le projet final de recommandation doit être arrêté avant le 31 décembre 2001.

    Ces multiples actes montrent que, si le pas «normatif» n'est pas encore franchi dans le cadre du Conseil de l'Europe, il est précédé de nombreuses déclarations d'intention dépourvues d'équivoque.

    L'article 19 du pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques de 1966 prévoit expressément que la liberté d'expression comprend le droit de rechercher des informations et des idées (36). Le pacte de 1966 est en vigueur dans la totalité des États membres. Cette faculté accordée au citoyend'accéder aux informations nécessaires à l'exercice de sa liberté d'expression vient confirmer le principe que chaque État membre a consacré dans son droit national.

    Il convient cependant de ne pas ignorer le fait que l'interprétation large qui pourrait être faite de l'article 19 du pacte de 1966 ne recueille pas une adhésion unanime, loin s'en faut. Pour certains auteurs, il n'est pas certain que la liberté de rechercher des informations prévue par le pacte de 1966 comprenne l'obligation pour les États membres de fournir ces informations (37).

    En tout état de cause, la méthode traditionnellement suivie par votre Cour en vue de protéger les droits fondamentaux ne l'a jamais conduite à s'inspirer d'une disposition dont il ne lui apparaissait pas avec certitude qu'elle contenait la norme correspondant au principe en cause.

    Votre Cour assure le respect des droits fondamentaux. Elle contribue à leur reconnaissance et participe à la définition de leur contenu. Les principes généraux du droit communautaire, dont les droits fondamentaux font partie intégrante, puisent bien souvent leur source dans les instruments internationaux, tels que la convention européenne des droits de l'homme ou le pacte de 1966.

    L'examen de la jurisprudence révèle néanmoins que la convergence des traditions constitutionnelles des États membres peut suffire à établir l'existence de l'un de ces principes sans qu'il soit besoin d'obtenir une confirmation de son existence ou de son contenu en recourant à des normes internationales (38).

    Bien plus, la reconnaissance d'un principe général du droit communautaire peut être détachée de la constatation préalable aussi bien de règles constitutionnelles communes aux États membres que de règles prescrites par des instruments internationaux auxquels ceux-ci ont coopéré ou adhéré. Il peut être suffisant que les États membres aient, à l'égard du droit en cause, une approche commune témoignant du même souci d'assurer sa protection, quand bien même le degré de cette protection et ses modalités d'exercice seraient différemment conçus selon les États.

Sur le thème des pouvoirs d'enquête dont dispose l'administration à l'égard des personnes morales, par exemple, votre Cour a constaté que «les systèmes juridiques des États membres présent[ai]ent des divergences non négligeables en ce qui concerne la nature et le degré de protection des locaux commerciaux faceaux interventions des autorités publiques» (39) et que la convention européenne des droits de l'homme ne permettait pas de reconnaître un droit fondamental à l'inviolabilité du domicile privé des entreprises (40). Cette défaillance des principaux droits de référence n'a pas suffi à vous dissuader de reconnaître l'existence d'un principe général en vertu duquel la protection des personnes privées doit être assurée face aux interventions abusives des autorités publiques. Vous avez relevé que «dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et que ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu'avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées. L'exigence d'une telle protection doit donc être reconnue comme un principe général du droit communautaire» (41).

    Il résulte clairement de ces éléments que les principales références qui étayent traditionnellement la consécration des principes généraux du droit communautaire ne sont pas indispensables si d'autres éléments suffisent à définir le contenu de ces principes (42).

    Or, nous estimons que tel est précisément le cas en l'espèce.

    Nous l'avons vu, en tant que principe et indépendamment des exceptions dont il peut faire l'objet et des modalités de son exercice, l'accès des citoyens aux documents est un droit largement partagé par les États membres. Il serait pour le moins paradoxal de voir se prolonger la situation dans laquelle il reste loisible aux institutions communautaires, qui sont dotées d'une compétence normative de même nature que celle des États membres, d'exercer cette compétence à l'abri d'un droit d'accès aux documents mal défini et restrictif, alors que la presque totalité des États membres ont érigé ce droit en principe. Peut-on, enfin, raisonnablement admettre que le transfert par les États membres de leurs droits souverains, dans certains domaines déterminés, au profit de l'ordre juridique communautaire, ne soit pas suivi d'un transfert équivalent des garanties qu'ils reconnaissent à leurs citoyens, dont fait pleinement partie le droit de prendre connaissance des informations dont dispose l'administration?

    Sur le plan communautaire, on peut affirmer que le principe d'accès aux documents s'est vu confirmé, de même que son statut et son contenu précisés, à lasuite de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam et de l'adoption de la charte des droits fondamentaux.

    Rappelons que ce principe a trouvé une consécration de type «constitutionnel» par l'adoption de l'article 255 CE. Son contenu doit être précisé par le règlement qui sera adopté en vertu de l'article 255, paragraphe 2, CE, actuellement en cours de négociation (43), ainsi que par votre jurisprudence à venir.

    Il n'en demeure pas moins que ce droit, qui «préexistait à l'adoption du nouveau règlement intérieur du Conseil et de la décision 93/731» (44), est intégré de manière désormais explicite au niveau le plus élevé des normes communautaires.

    L'antériorité du principe sur son introduction dans le traité résultait déjà de la jurisprudence du Tribunal. Selon lui, la déclaration n° 17 et le code de conduite consacrent le principe général selon lequel le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil (45). Le Tribunal avait clairement indiqué que la décision 93/731 a pour but de traduire le principe d'un accès aussi large que possible des citoyens à l'information, en vue de renforcer le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public dans l'administration (46). Il doit être approuvé sur ce point.

    Le principe d'accès aux documents tire sa force de sa nature de droit fondamental.

    L'avocat général Tesauro l'a qualifié de «droit civil fondamental» (47). Aux termes de l'article 42 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, «[t]out citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission».

    La qualification de droit fondamental conférée au droit d'accès aux documents constitue une étape supplémentaire dans l'oeuvre de reconnaissance et de hiérarchisation de ce principe au sein de l'ordre juridique communautaire.

    Certes, il convient de ne pas ignorer la volonté clairement exprimée des auteurs de la charte de ne pas la doter de force juridique obligatoire (48). Mais, toute considération relative à sa portée normative mise à part, la nature des droits énoncés dans la charte des droits fondamentaux interdit de la considérer comme une simple énumération sans conséquence de principes purement moraux. Il importe de rappeler que ces valeurs ont en commun d'être unanimement partagées par les États membres, qui ont choisi de les rendre visibles en les consignant dans une charte, afin de renforcer leur protection (49). La charte a indéniablement placé les droits qui en font l'objet au plus haut niveau des valeurs communes aux États membres.

    Il est admis que les valeurs politiques et morales d'une société ne se retrouvent pas toujours en totalité dans le droit positif. Cependant, lorsque des droits, des libertés et des principes sont, comme dans la charte, décrits comme devant occuper le plus haut niveau des valeurs de références au sein de l'ensemble des États membres réunis, il serait inexplicable de ne pas y puiser les éléments qui permettent de distinguer les droits fondamentaux des autres droits.

    Les sources de ces droits, énumérées dans le préambule de la charte, sont pour la plupart dotées d'une force contraignante au sein des États membres et de l'Union européenne (50). Il est naturel que les normes du droit positif communautaire tirent profit, en vue de leur interprétation, de la position des valeurs auxquelles elles correspondent dans la hiérarchie des valeurs communes.

    Comme le laissent supposer la solennité de sa forme et de la procédure qui a conduit à son adoption, la charte devrait constituer un instrument privilégié servant à l'identification des droits fondamentaux. Celle-ci est porteuse d'indices qui contribuent à révéler la véritable nature des normes communautaires de droit positif.

    En l'espèce, le lien entre l'article 42 de la charte et l'article 255 CE est attesté par la note explicative de l'article 42, qui précise que «[l]e droit garanti à cet article est le droit garanti à l'article 255 du traité CE». On ne saurait mieuxdire que le droit de l'article 255 CE est désormais clairement désigné comme correspondant à un droit fondamental, au sens de la charte.

    Il est vrai que, selon la même note explicative, «[c]onformément à l'article 52, paragraphe 2, [de ladite charte, ce droit] s'applique dans les conditions prévues par le traité» (51). Le contenu du droit d'accès aux documents, tel qu'il est décrit dans la charte, est ainsi délimité par les dispositions de l'article 255 CE. Cette précision est la conséquence logique de la différence de valeur normative qui distingue la charte des dispositions contraignantes du traité.

    Elle ne doit pas pour autant nous conduire à ignorer le caractère fondamental de ce droit, tel qu'il a été affirmé par les États membres de l'Union au moment de l'inscrire dans la charte. À défaut de consacrer lui-même un droit positif, l'article 42 de la charte lui confère une qualité qui doit guider son interprétation. Nous considérons que du choix de désigner un droit en tant que droit fondamental découle pour les autorités chargées de l'appliquer l'impérieuse nécessité de lui réserver l'interprétation large qu'impose sa véritable nature.

    Tel doit être le cas du droit d'accès aux documents tel qu'il a été consacré par l'article 255 CE.

    Votre Cour sera sans doute encore amenée à interpréter le principe d'accès aux documents, l'article 255 CE, qui l'inscrit dans le traité, ainsi que le règlement qui doit en préciser les termes.

    Il ne lui appartient pas, dans le cadre du présent pourvoi, d'en donner une définition exhaustive. En revanche, il est nécessaire, en vue de statuer sur celui-ci, d'aborder un aspect de cette définition en précisant le sens conféré à la notion de «documents» tant par l'article 42 de la charte que par l'article 255 CE.

    Les autres textes communautaires ayant trait au même sujet n'adoptent pas tous la même formulation. La déclaration n° 17 se réfère à «l'accès du public à l'information». Lors du Conseil européen de Copenhague, le Conseil et la Commission ont été chargés de poursuivre leurs travaux de mise en oeuvre du principe selon lequel les citoyens doivent avoir «l'accès le plus complet possible à l'information». Au contraire, les actes qui ont suivi ces demandes de mise en oeuvre du principe d'accès à l'information se réfèrent à l'accès aux documents (52).

    Le recours à la notion de «documents» ne suffit pas, de notre point de vue, à justifier l'interprétation proposée par le Conseil.

    La distinction entre documents et information nous paraît, en effet, purement formelle (53). Le droit d'accès à un document vise le contenu du document et non sa forme physique. Nul ne peut prétendre que, en déposant une demande d'accès aux documents, il privilégie la mise à disposition du document lui-même sur les informations qu'il contient. En sollicitant la communication d'un document, le demandeur fait savoir qu'il entend disposer de la totalité des informations que contient le document, ce qui lui laisse ensuite la liberté de prendre connaissance de celles qui l'intéressent spécifiquement.

     La nuance opérée par le Conseil impose une distinction assez artificielle entre le contenant et le contenu ou entre le support et l'information. En effet, pour le demandeur, seule la substance du document compte. On n'accède à un document que pour la raison qu'il contient des données susceptibles de nous intéresser. C'est donc toujours, en définitive, d'une demande d'informations qu'il s'agit.

    Une telle lecture du droit d'accès aux documents est, au demeurant, conforme à l'interprétation large qui doit prévaloir en la matière. Il importe, en conséquence, d'interpréter la notion de droit d'accès aux «documents» en ce sens qu'elle désigne un droit d'accès aux «informations» contenues dans les documents.

    C'est à la lumière de ce droit ainsi interprété qu'il convient, dès lors, de conclure sur le présent pourvoi.

V - Sur le pourvoi

    Le Conseil conteste l'obligation que lui impose le Tribunal d'examiner s'il doit accorder un accès partiel aux informations contenues dans le document litigieux.

    Il se fonde, en premier lieu, sur le libellé de la décision 93/731, laquelle se réfère exclusivement à la notion de «documents» et non à la notion d'«information».

    Nous venons de préciser les raisons pour lesquelles le droit d'accès aux documents ne devait pas être interprété de cette manière. La notion d'«accès aux documents» du Conseil doit donc être lue en ce sens qu'elle désigne l'accès aux informations contenues dans les documents de cette institution.

    Dès lors que ce qui compte c'est l'information elle-même et non le document, l'argument présenté par le Conseil, selon lequel un accès partiell'obligerait à créer un document nouveau constitué des seuls éléments d'information susceptibles d'être divulgués, se trouve dénué de fondement.

    Ainsi interprété, le droit d'accès aux documents du Conseil prévu à l'article 1er, paragraphe 1, de la décision 93/731 autorise l'accès partiel aux documents. Il doit ainsi être admis que l'on peut accéder à certaines informations contenues dans un document lorsque l'ensemble dudit document ne peut être rendu public, pour des raisons tenant à la nécessité de protéger certains intérêts parmi ceux qui sont énumérés à l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731.

    En deuxième lieu, le Conseil soutient que l'objectif de la décision 93/731 n'est pas de consacrer un droit d'accès à l'information. Selon lui, ladite décision a son propre objectif spécifique et limité.

    La décision 93/731 est, en effet, destinée à assurer le fonctionnement interne de l'institution dans l'intérêt d'une bonne administration (54). Elle constitue une mesure d'ordre interne au moyen de laquelle le Conseil fait face aux demandes d'accès aux documents qu'il détient (55).

    Toutefois, même dans le champ limité de son pouvoir d'administration interne, le Conseil est tenu par les principes généraux du droit communautaire et, à plus forte raison, par les droits fondamentaux. La finalité assignée à la décision 93/731 ne saurait dès lors être invoquée en méconnaissance du droit fondamental d'accès aux documents. Elle le peut d'autant moins que, comme votre Cour l'a rappelé, rien ne s'oppose à ce qu'une réglementation relative à l'organisation interne des travaux d'une institution engendre des effets juridiques à l'égard des tiers (56). Il ne serait donc pas admissible que, par une mesure d'ordre interne, le Conseil s'affranchisse d'une norme au respect de laquelle sont tenues les autres règles communautaires.

    Ainsi que l'avocat général Tesauro l'a souligné, «il faudrait considérer comme illégitime une décision du Conseil, même adoptée dans le plein respect des règles qu'il s'est imposées en matière de publicité, si elle aboutissait en fait à la négation du contenu essentiel du droit à l'information» (57). En d'autres termes, la finalité prêtée à la décision 93/731 ne peut être invoquée à l'appui d'une lecture de ses dispositions qui serait contraire aux principes fondamentaux.

    Il convient d'examiner le grief soutenu, en troisième lieu, par le Conseil, tiré de ce que le principe de proportionnalité ne serait pas pertinent en l'espèce, enl'absence de droit d'accès absolu à ses documents. Selon le Conseil, la décision 93/731 ferait déjà application de ce principe, dans son article 4.

    Rappelons que le droit d'accès aux documents doit être considéré comme figurant au nombre des droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique communautaire. Il est admis que ces droits n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues. Leur exercice peut comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (58).

    En interdisant au Conseil d'autoriser l'accès à un document lorsque sa divulgation pourrait porter atteinte à la protection de l'intérêt public, l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731 est susceptible de restreindre le droit d'accès aux documents du Conseil.

    Toutefois, il n'est pas contesté, dans le présent litige, que l'exception de l'article 4 de la décision 93/731, relative à la protection de l'intérêt public dans le domaine des relations internationales, répond à des exigences tenant à la défense, de la part des États membres, de leurs prérogatives sur la scène internationale (59). Parmi ces prérogatives, on trouve le droit pour ces États de se consulter afin d'arrêter une position commune, à l'égard de pays tiers, sur des questions qui peuvent être aussi sensibles, d'un point de vue politique, que les exportations d'armes à destination de pays soupçonnés de faire de ces armes un usage contraire aux droits de l'homme.

    Le Conseil interprète le principe de proportionnalité comme ayant déjà été incorporé au contenu de l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731.

    Selon ce point de vue, la simple énumération des circonstances qui justifient des restrictions au droit d'accès aux documents suffit à garantir que ce droit est observé, pourvu que les restrictions répondent aux objectifs de la Communauté.

    Nous ne partageons pas cette opinion.

    Pour mesurer si le principe de proportionnalité n'est pas méconnu, il ne suffit pas de s'assurer de la conformité avec les objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté d'exceptions telles que celles de l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731. Il importe aussi de vérifier que l'application qui en est faite est proportionnée à ces mêmes objectifs.

    Le refus opposé par le Conseil d'examiner s'il convient d'accorder un accès partiel aux données non couvertes par les exceptions est, à l'évidence, contraire au principe de proportionnalité.

    N'étant pas couvertes par les exceptions, les informations auxquelles un accès est refusé sont, par hypothèse, dénuées de tout caractère confidentiel. On ne voit pas, dès lors, à quel titre l'objectif de protection de l'intérêt public poursuivi par la décision 93/731 imposerait que des données dont l'innocuité est avérée ne seraient pas accessibles au public, quand bien même elles figureraient dans un document contenant des données susceptibles, elles, d'y porter atteinte.

    La pratique du «tout ou rien» observée par le Conseil peut le conduire à marquer du sceau du secret un document entier, quel que soit son volume, pour la seule raison qu'il contient une information isolée justifiant un refus d'accès. La plus grande partie de ce document se trouverait soustraite à la connaissance du public sans aucune justification. En privant tout demandeur du droit d'accéder aux seules données non couvertes par l'exception d'intérêt public, le Conseil non seulement ne fait pas du principe de proportionnalité une application régulière, mais il porte aussi atteinte à la substance même du droit d'accès aux documents.

    Le refus d'accès partiel contrevient, en outre, au principe selon lequel les exceptions aux principes généraux du droit communautaire doivent être interprétées et appliquées de manière restrictive (60).

    Dès lors que le droit d'accès aux documents, du fait de sa nature de principe fondamental, doit être entendu de manière large, il convient d'interpréter l'article 4, paragraphe 1, en ce sens qu'il impose au Conseil d'examiner s'il convientd'accorder un accès partiel aux informations échappant au domaine des exceptions (61).

    Quant à savoir si le Conseil peut être dispensé d'accorder un accès partiel dans le cas où la charge administrative provoquée par la dissimulation des éléments non communicables se révélerait trop lourde, il convient de se montrer prudent.

    D'une part, il ne serait pas conforme à la nature de droit fondamental reconnu au droit d'accès aux documents d'admettre que des motifs purement administratifs suffisent à limiter l'exercice du droit partiel, indépendamment de la dimension que peuvent présenter ces contraintes. D'autre part, il n'apparaît pas que la tâche qui consiste à délimiter la partie confidentielle d'un document soit, en général, substantiellement alourdie par celle qui conduit à dissocier les éléments confidentiels des autres ou à les supprimer.

Ajoutons que l'accès partiel est consacré, par la loi ou par la jurisprudence, dans neuf des quinze États membres de la Communauté (62). Dans trois autres États membres, ce droit n'est ni expressément prévu ni expressément interdit (63). Il faut voir, selon nous, dans cette ample convergence des droits nationaux, le signe que la pratique généralisée du droit d'accès partiel ne pose généralement pas de problèmes administratifs insurmontables.

    Il reste que l'on ne peut totalement exclure que, en raison d'une charge administrative particulièrement lourde reposant sur l'institution en cause, des décisions de refus puissent être justifiées à titre tout à fait exceptionnel.

    Il paraît légitime, en conséquence, d'admettre une dérogation au droit d'accès partiel dans la seule hypothèse où la charge administrative dépasserait les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé (64). Encore convient-il de placer l'exercice de ce droit au refus sous le contrôle du juge, conformément au droit à un contrôle juridictionnel effectif, et de faire reposer sur l'institution concernée la charge de la preuve de l'ampleur de la tâche litigieuse.

    Pour s'en tenir aux seuls griefs invoqués par le Conseil à l'encontre de l'arrêt contesté, il y a lieu de considérer que la décision 93/731, telle qu'interprétée à la lumière du principe fondamental d'accès aux documents, ne prohibe pas le droit à un accès partiel. Dès lors, il convient de conclure que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le Conseil était tenu d'examiner s'il convenait d'accorder un accès partiel aux données non couvertes par les exceptions prévues à l'article 4, paragraphe 1, de la décision 93/731.

Conclusion

    Au regard des considérations qui précèdent, nous vous proposons, en conséquence, de:

1)    rejeter le pourvoi;

2)    condamner le Conseil aux dépens, conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure.


1: -     Langue originale: le français.


2: -     Hautala/Conseil, T-14/98 (Rec. p. II-2489, ci-après l'«arrêt contesté»).


3: -     Question écrite P-3219/96 (JO 1997, C 186, p. 48).


4: -     Ci-après le «rapport litigieux».


5: -     Système adopté dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) en application des dispositions du titre V du traité sur l'Union européenne par les États membres et la Commission en 1995.


6: -     Décision du Conseil, du 20 décembre 1993, relative à l'accès du public aux documents du Conseil (JO L 340, p. 43).


7: -     Ci-après la «décision attaquée».


8: -     JO C 191, p. 95, 101, ci-après la «déclaration n° 17».


9: -     Bull. CE 10-1992, p. 9.


10: -     Bull. CE 12-1992, p. 7.


11: -     JO C 156, p. 5.


12: -     JO C 166, p. 4.


13: -     Bull. CE 6-1993, p. 16, point I.22.


14: -     JO L 340, p. 41, ci-après le «code de conduite».


15: -     Point 43.


16: -     Point 65.


17: -     Arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, point 37.


18: -     Point 36.


19: -     2000/C 177 E/10 (JO C 177 E, p. 70). Sur la réforme d'Amsterdam dans le domaine concerné, voir, notamment, Öberg, U., «Public Access to Documents after the entry into force of the Amsterdam Treaty: Much Ado About Nothing?», dans European Integration online Papers (EIoP), vol. 2, 1998, n° 8 (http://eiop.or.at/eiop/texte/1998-008a.htm).


20: -     JO 2000, C 364, p. 1.


21: -     Point 14.


22: -     Voir, parmi de nombreux travaux consacrés à cette question, Blanchet, T., «Transparence et qualité de la législation», dans RTD eur., 33 (4), oct.-déc. 1997, p. 915 et suiv.; Bradley, K. St. C., «La transparence de l'Union européenne: une évidence ou un trompe-l'oeil?», dans Cahiers de droit européen, 1999, p. 283 et suiv.; Curtin, D., et Meijers, H., «The Principle of Open Government in Schengen and the European Union: Democratic Retrogression ?» dans CML Rev., 1995, p. 391 et suiv.; Öberg, U., précité; O'Neill, M., «The Right of Access to Community Held Documentation as a General Principle of EC Law», dans European Public Law, vol. 4, Issue 3, p. 403 et suiv.; Ragnemalm, H., «Démocratie et transparence: sur le droit général d'accès des citoyens de l'Union européenne aux documents détenus par les institutions communautaires», dans Scritti in onore di G. F. Mancini, p. 809 et suiv.; Timmermans, C., «Subsidiarity and transparency», dans Fordham International Law Journal, vol. 22, 1999, p. S106 et suiv. ; Vesterdorf, B., «Transparency - Not Just A Vogue Word», dans Fordham International Law Journal, 1999, p. 902 et suiv. Voir également, comme exemple d'opinion contraire, Davis, R. W., «Public access to community documents: a fundamental human right?», dans European Integration online Papers (EIoP), vol. 3, 1999, n° 8 (http://eiop.or.at/eiop/texte/1999-008a.htm).


23: -     Point 19 des conclusions dans l'affaire Pays-Bas/Conseil, précitée.


24: -     Point 34. Voir, sur l'état de la législation des États membres en matière d'accès aux documents des institutions, annexe de la communication de la Commission du 5 mai 1993, «L'accès du public aux documents des institutions» [COM(93) 191 final, JO C 156, p. 5]. Pour une actualisation de ce texte, voir les documents de la Commission, en date du 10 août 2000, intitulés «Analyse comparative des législations des États membres en matière d'accès aux documents» et «Aperçu des législations des États membres en matière d'accès aux documents» (http://www.europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgc/acc_doc/fr/index.htm).


25: -     En Irlande, un droit général du public à obtenir un accès le plus large possible aux documents détenus par l'administration a remplacé l'ancien principe en vertu duquel les citoyens ne disposaient que du droit d'accéder à certaines catégories limitées de documents ou à des documents de l'administration datant de 30 ans ou plus (Freedom of Information Act 1997). Au Royaume-Uni, le Freedom of Information Act 2000 a récemment généralisé le droit d'accès, qui était auparavant réservé à certaines catégories limitées d'informations.


26: -     Articles F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphe 2, UE), et 46, sous d), UE.


27: -     Voir, pour un exemple récent de cette jurisprudence, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission (C-274/99 P, non encore publié au Recueil, point 37). Voir, notamment, Puissochet, J.-P., «La Cour de justice et les principes généraux du droit», dans Les annonces de la Seine, 1996, n° 69, p. 3 et suiv.


28: -     Royaume de Belgique, royaume d'Espagne, République italienne, royaume des Pays-Bas, République portugaise, république de Finlande et royaume de Suède.


29: -     République hellénique et république d'Autriche.


30: -     Royaume de Danemark, République française, Irlande et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.


31: -     Conclusions dans l'affaire Pays-Bas/Conseil, précitée, point 15.


32: -     Pour une interprétation différente de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, voir O'Neill, M., précité.


33: -     Voir, en particulier, la recommandation n° 854 (1979) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, du 1er février 1979, relative à l'accès du public aux documents gouvernementaux et à la liberté d'information (Conseil de l'Europe, assemblée parlementaire, textes adoptés, 30e session ordinaire, 3e partie, du 29 janvier au 2 février 1979), et les recommandations du Comité des ministres du Conseil de l'Europe n° R (81)19 sur l'accès à l'information détenue par les autorités publiques (Conseil de l'Europe, Collection des recommandations, résolutions et déclarations du Comité des ministres portant sur les droits de l'homme, 1949-1987, Strasbourg, 1989, p. 96), et n° R (91)10 sur la communication à des tierces personnes de données à caractère personnel détenues par des organismes publics (Conseil de l'Europe, Comité des ministres, recommandation aux États membres, 1991, Strasbourg, 1995).


34: -     Projet élaboré par le groupe de spécialistes sur l'accès aux informations officielles lors de sa 6e réunion (du 27 au 29 septembre 2000).


35: -     Voir projet de recommandation, annexe III du rapport de la réunion de septembre 2000, Strasbourg, 26 janvier 2001, DH-S-AC (2000)7.


36: -     Ci-après le «pacte de 1966». Recueil des traités, vol. 999, p. 171. Aux termes de l'article 19, paragraphe 2, «[t]oute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix». Ce texte est très proche, s'agissant de la liberté de rechercher des informations, de l'article 19 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Toutefois, contrairement au pacte de 1966, celle-ci est considérée comme étant dépourvue d'effet obligatoire pour les États ainsi que d'application directe en faveur du particulier. Elle est dotée d'une fonction avant tout programmatique (De Vries Reilingh, J., «L'application des pactes des Nations unies relatifs aux droits de l'homme de 1966», Helbing & Lichtenhahn, Bruylant, 1998, points 25 et 32).


37: -     Voir, par exemple, Blumenwitz, D., «Die Meinungs- und Informationsfreiheit nach Art. 19 des IPBPR», dans M. Nowak, D. Steurer et H. Tretter, Fortschrift im Bewußtsein der Grund- und Menschenrechte, Festschrift für Felix Ermacora, Kehl-Strasbourg-Arlington, Engel Verlag, 1988, p. 71.


38: -     Arrêt du 13 décembre 1979, Hauer (44/79, Rec. p. 3727, points 19 à 22).


39: -    Arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst (46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 17).


40: -     Ibidem, point 18.


41: -     Ibidem, point 19.


42: -     Sur cet aspect de votre jurisprudence, voir Monet, H., «La Communauté européenne et la convention européenne des droits de l'homme», dans Revue trimestrielle des droits de l'homme, 1994, p. 501 et suiv.


43: -     Proposition de règlement 2000/C 177 E/10, précitée.


44: -     Conclusions de l'avocat général Tesauro, dans l'affaire Pays-Bas/Conseil, précitée, point 20.


45: -     Arrêt du 7 décembre 1999, Interporc/Commission (T-92/98, Rec. p. II-3521, point 38).


46: -     Arrêt du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil (T-174/95, Rec. p. II-2289, point 66).


47: -     Conclusions dans l'affaire Pays-Bas/Conseil, précitée, point 16.


48: -     Voir, notamment, Wathelet, M., «La charte des droits fondamentaux: un bon pas dans une course qui reste longue», dans Cahiers de droit européen, 2000, nos 5 et 6, p. 585 et suiv.


49: -     Quatrième alinéa du préambule.


50: -     Il est précisé, au cinquième considérant, que «[l]a présente Charte réaffirme, dans le respect des compétences et des tâches de la Communauté et de l'Union, ainsi que du principe de subsidiarité, les droits qui résultent notamment des traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes aux États membres, du traité sur l'Union européenne et des traités communautaires, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des Chartes sociales adoptées par la Communauté et par le Conseil de l'Europe, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme».


51: -     Texte des explications relatives au texte complet de la charte, tel que repris au document Charte 4487/00 Convent 50, du 19 octobre 2000 (http://ue.eu.int/df/default.asp?lang=fr).


52: -     Voir, par exemple, la communication 93/C 156/05, précitée, le code de conduite, la décision 93/731, les articles 255 CE et 42 de la charte.


53: -     Cette opinion est partagée par les gouvernements qui sont intervenus à la procédure devant votre Cour, à l'exception du gouvernement espagnol.


54: -     Arrêt Pays-Bas/Conseil, précité, point 37.


55: -     Ibidem, points 38 et 39.


56: -     Ibidem, point 38.


57: -     Conclusions dans l'affaire Pays-Bas/Conseil, précitée, point 21.


58: -     Sur cette jurisprudence constante, voir, notamment, arrêts du 14 mai 1974, Nold/Commission (4/73, Rec. p. 491); Hauer, précité, points 23 et 32; du 8 avril 1992, Commission/Allemagne (C-62/90, Rec. p. I-2575, point 23); du 5 octobre 1994, X/Commission (C-404/92 P, Rec. p. I-4737, points 17 et 18); du 30 juillet 1996, Bosphorus (C-84/95, Rec. p. I-3953, point 21), et du 29 avril 1999, Standley e.a. (C-293/97, Rec. p. I-2603, points 54 à 58).


59: -     En revanche, devant le Tribunal, Mme Hautala avait soutenu que l'accès au rapport litigieux ne portait pas atteinte à l'intérêt public en matière internationale. Relevant notamment que le rapport litigieux contenait des échanges de vues entre les États membres sur la question du respect des droits de l'homme de la part du pays de destination finale et qu'il contenait des formulations et expressions qui risquaient de créer des tensions avec certains pays tiers, le Tribunal n'a pas fait droit à la demande sur ce fondement (points 71 à 74 de l'arrêt contesté).


60: -     Voir, comme exemple récent d'une jurisprudence constante, arrêt du 11 janvier 2000, Pays-Bas et Van der Wal/Commission (C-174/98 P et C-189/98 P, Rec. p. I-1, point 27).


61: -     Observons en outre que, ainsi que le Tribunal l'a relevé dans l'arrêt contesté, «la décision 93/731 n'impose pas expressément au Conseil d'examiner si un accès partiel aux documents peut être accordé. Elle n'interdit pas non plus, comme le Conseil l'a reconnu à l'audience, explicitement une telle possibilité» (point 78).


62: -     Royaume de Belgique, royaume de Danemark, République française, Irlande, royaume des Pays-Bas, république d'Autriche, République portugaise, république de Finlande et royaume de Suède.


63: -     République hellénique, royaume d'Espagne et République italienne.


64: -     Voir, dans un domaine différent, arrêt du 20 mai 1976, De Peijper (104/75, Rec. p. 613, point 18).