Language of document : ECLI:EU:T:2022:456

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 juillet 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Rapport d’évaluation pour l’année 2019 – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Fixation d’objectifs – Détournement de pouvoir – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑677/21,

TL, représentée par Mes L. Levi et N. Flandin, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Brauhoff et M. L. Hohenecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 26 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, TL, demande, d’une part, l’annulation de son rapport d’évaluation pour l’année 2019 (ci-après le « rapport d’évaluation contesté ») ou, subsidiairement, son annulation partielle et, pour autant que de besoin, de la décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de la Commission européenne du 8 juillet 2021 rejetant sa réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre ledit rapport (ci-après la « décision rejetant la réclamation ») et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison de l’illégalité de ce rapport.

 Antécédents du litige

2        La requérante a été agent temporaire, au titre de l’article 2, sous b), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), au grade AD 7 auprès de la Commission entre le 16 novembre 2017 et le 15 novembre 2020. Elle était affectée à l’unité C.3 de la direction générale des affaires économiques et financières.

3        L’exercice d’évaluation 2020, couvrant la période de référence allant du 1er janvier au 31 décembre 2019, a été lancé le 7 janvier 2020.

4        À la suite d’un dialogue d’évaluation, le chef d’unité de la requérante a signé le rapport d’évaluation en qualité d’évaluateur le 12 février 2020. Par courriel du 12 février 2020, la requérante a contesté plusieurs commentaires figurant dans le rapport d’évaluation. Le 18 février 2020, le chef d’unité a modifié le rapport d’évaluation en supprimant plusieurs des commentaires contestés par la requérante.

5        Dans le rapport d’évaluation contesté, le niveau des prestations de la requérante en 2019 a été jugé satisfaisant. Par ailleurs, ce rapport contenait, dans les rubriques relatives, respectivement, à la compétence et à la conduite dans le service de l’intéressée, les deux commentaires suivants (ci-après les « commentaires contestés ») :

–        « [la requérante] a amélioré sa rédaction, notamment en développant un sens plus aigu du détail » ;

–        « [l]es conditions de cette collaboration ont parfois été difficiles, ce qui l’a placée dans un processus d’apprentissage de la gestion des relations personnelles exigeant ».

6        Le 23 février 2020, la requérante a formé appel contre ce rapport.

7        À partir du 24 février 2020, la requérante a été en congé de maladie jusqu’à la fin de son contrat de travail.

8        Le 29 octobre 2020, la requérante a été informée du fait que son contrat de travail n’allait pas être renouvelé. La requérante a introduit un recours contre cette décision qui fait l’objet de l’affaire T‑438/21, TL/Commission.

9        Le 2 décembre 2020, dans le cadre de son appel concernant le rapport d’évaluation contesté, la requérante a communiqué ses commentaires à l’unité d’évaluation et de promotion.

10      Le 16 décembre 2020, à la suite d’un dialogue tenu le même jour avec la requérante, l’évaluateur d’appel a confirmé le rapport d’évaluation contesté.

11      Le 16 mars 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre le rapport d’évaluation contesté.

12      Le 8 juillet 2021, l’AHCC a adopté la décision rejetant la réclamation.

13      Le 14 juillet 2021, la requérante a présenté une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rapport d’évaluation contesté ;

–        subsidiairement, annuler ce rapport dans la mesure où il contient les commentaires contestés ;

–        annuler également, et en tant que de besoin, la décision rejetant la réclamation ;

–        ordonner la réparation de son préjudice moral ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

16      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union européenne, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27 et jurisprudence citée).

17      En outre, compte tenu de ce que la procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, une décision explicite de rejet de la réclamation qui ne contient que des précisions complémentaires et se borne ainsi à révéler, de manière détaillée, les motifs de la confirmation de l’acte antérieur ne constitue pas un acte faisant grief. Néanmoins, ce même caractère évolutif de la procédure précontentieuse implique que ces précisions complémentaires soient prises en considération pour apprécier la légalité de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, IN/Eismea, T‑119/20, non publié, EU:T:2021:427, point 39 et jurisprudence citée).

18      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision rejetant la réclamation se limite à confirmer le rapport d’évaluation contesté. Par conséquent, le recours en annulation de la requérante doit être considéré comme étant dirigé contre le seul rapport d’évaluation contesté dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision rejetant la réclamation.

 Sur les conclusions en annulation

19      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante soulève trois moyens. Le premier est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, dès lors que la Commission aurait omis de fixer des objectifs pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2019. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 43 du statut, d’une violation des instructions de la Commission à l’intention des évaluateurs, d’erreurs manifestes d’appréciation, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

20      La requérante soutient que le rapport d’évaluation contesté est entaché d’une violation de l’obligation de motivation, telle qu’elle découle de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi que de l’article 25, deuxième alinéa, du statut et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dans le contexte des relations de travail avec son chef d’unité fortement tendues, les commentaires contestés auraient dû être motivés, et notamment accompagnés d’exemples ou de faits concrets qui lui auraient permis de comprendre concrètement en quoi consistaient ses problèmes de rédaction et à quelles occasions ou avec quels collègues il y avait eu des problèmes.

21      La Commission conteste ces arguments.

22      Selon une jurisprudence constante, les rapports de notation ne constituent pas des décisions au sens de l’article 25 du statut, mais sont régis par les dispositions spéciales visées à son article 43, étant précisé que l’article 43 du statut est applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du RAA (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 143 et jurisprudence citée).

23      Il résulte d’une jurisprudence constante que, si l’administration a l’obligation de motiver tout rapport d’évaluation de façon suffisante et circonstanciée, afin de mettre l’intéressé en mesure de formuler des observations sur cette motivation, les évaluateurs, disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge d’évaluer, n’ont pas l’obligation de faire figurer dans ledit rapport tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de leur évaluation. À cet égard, il suffit, en principe, que le rapport d’évaluation extraie les traits saillants des prestations du fonctionnaire en termes, notamment, de rendement, de compétences et de conduite dans le service et les évalue. Sous réserve de l’obligation de motivation, et pour autant que l’évaluation soit clairement individualisée et non impersonnelle, l’évaluateur n’est pas tenu de détailler les motifs de son évaluation en indiquant des exemples concrets pour étayer ses jugements de valeur (voir arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 79 et jurisprudence citée).

24      À cet égard, il convient d’observer que le rapport d’évaluation contesté permet d’avoir une vue d’ensemble suffisamment détaillée des prestations de la requérante. L’évaluateur a, notamment sous les titres « Rendement », « Compétence » et « Conduite dans le service », décrit de manière claire les capacités et les aspects positifs relatifs à chacune de ces catégories, sans manquer de souligner les difficultés auxquelles la requérante avait été confrontées, comme en témoigne le second des commentaires contestés. L’évaluation figurant dans le rapport d’évaluation contesté est tout à fait individualisée et non impersonnelle. Il peut être rappelé, dans ce contexte, que le rapport d’évaluation vise non à dresser un tableau exhaustif des prestations qu’un agent a été amené à réaliser dans le cadre de l’exécution des tâches relevant de son poste, mais à mettre en exergue, à partir d’éléments déterminants, la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque agent (voir arrêt du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 31 et jurisprudence citée).

25      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les commentaires contestés auraient dû être étayés par des exemples ou faits concrets, il convient d’observer que l’article 43 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du RAA, ne donne aucune indication quant à un éventuel devoir d’étayer par des éléments factuels ou par des preuves tous les commentaires figurant dans le rapport d’évaluation. De plus, il ressort de l’article 2, paragraphe 3, de la décision C(2013) 8985 final de la Commission, du 16 décembre 2013, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut et aux modalités d’application de l’article 44, premier alinéa, du statut (ci-après les « DGE »), que chaque rapport d’évaluation contient une conclusion indiquant si les prestations du titulaire de poste ont été satisfaisantes ou non et que, si les prestations sont jugées insatisfaisantes, cette conclusion est étayée par des éléments factuels.

26      Par ailleurs, le rapport d’évaluation constitue un jugement de valeur porté par les supérieurs hiérarchiques de l’agent évalué sur la manière dont cet agent s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service (arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 43). L’évaluateur n’est pas tenu d’apporter une motivation plus détaillée en indiquant des exemples concrets pour étayer ses jugements de valeur (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, EU:T:2007:261, point 86).

27      Par conséquent, le chef d’unité n’était pas tenu d’étayer les commentaires contestés par des exemples, notamment compte tenu du fait que les prestations de la requérante ont été jugées satisfaisantes.

28      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante, soulevé dans le cadre du deuxième moyen, selon lequel les commentaires contestés auraient dû être étayés par des exemples et des faits concrets en vertu des instructions à l’intention des évaluateurs.

29      À cet égard, il suffit de constater que le document auquel la requérante fait référence, intitulé « Dialogue constructif et rapport équitable : conseils à l’intention des évaluateurs », disponible, selon la Commission, sur son site Intranet sous la dénomination « Astuces sur la manière de conduire un dialogue et de rédiger un rapport équitable », ne constitue ni une décision ni une directive interne au sens de la jurisprudence. Ce document n’a pas de force juridique contraignante, mais énonce de simples recommandations et conseils à l’intention des évaluateurs. Ce document n’impose pas non plus de pratique uniforme aux évaluateurs en ce sens que chaque appréciation contenue dans un rapport d’évaluation devrait généralement être obligatoirement assortie d’un exemple. En particulier, ce document ne saurait être interprété en ce sens que des commentaires neutres, voire favorables à l’égard de l’intéressé devraient être généralement illustrés par un exemple.

30      De même, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel une obligation d’étayer les commentaires contestés résulterait de la situation de l’espèce, qui se caractériserait par des relations de travail très tendues ayant fortement affecté sa santé.

31      Il est vrai que la jurisprudence requiert qu’un soin particulier soit, dans certains cas, apporté à la motivation. Il en est ainsi, notamment, lorsque la notation comporte des appréciations moins favorables que celles figurant dans un rapport d’évaluation précédent (voir arrêt du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, EU:T:2004:283, point 53 et jurisprudence citée). Il en va de même lorsque, en cas d’établissement avec retard du rapport d’évaluation, l’évaluateur n’est plus le supérieur hiérarchique qui était en fonction pendant la période soumise à évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, EU:T:2004:283, point 54).

32      Néanmoins, la requérante n’a pas évoqué l’existence d’une situation qui pourrait être susceptible de rendre la compréhension des commentaires contestés plus difficile pour elle ou qui justifierait une explication plus détaillée. En effet, ni son état de santé ni les relations de travail avec son chef d’unité qu’elle qualifie de très tendues ne constituent une telle situation. En particulier, ces aspects n’ont aucun lien avec les commentaires contestés qui se réfèrent à la capacité de rédaction de la requérante et aux conditions de collaboration difficiles non avec le supérieur de celle-ci, mais de manière générale.

33      En tout état de cause, en ce que la requérante fait valoir que de tels exemples ou faits concrets lui auraient permis de comprendre en quoi auraient consisté ses problèmes de rédaction et à quelles occasions ou avec quels collègues il y aurait eu des problèmes, force est de constater que cet argument est fondé sur une interprétation erronée des commentaires contestés. Ni ces commentaires ni aucune autre observation figurant dans le rapport d’évaluation contesté n’indiquent que la requérante a eu des problèmes de rédaction ou des problèmes avec ses collègues.

34      Tout au contraire, le premier des commentaires contestés, mentionné au point 5 ci-dessus, salue un progrès de la requérante en ce qui concerne ses capacités de rédaction pendant la période évaluée. Le second des commentaires contestés se réfère aux conditions de collaboration difficiles de manière générale sans mentionner l’existence de problèmes interpersonnels. De plus, le rapport d’évaluation contesté évalue explicitement les relations de la requérante avec ses collègues de manière positive. Ce rapport indique, à cet égard, qu’il est « facile de travailler » avec la requérante et qu’elle est « bien intégrée dans l’unité [et] entretient en général de bonnes relations avec ses collègues ».

35      Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 43 du statut, d’une violation des instructions de la Commission à l’intention des évaluateurs, d’erreurs manifestes d’appréciation, d’un détournement de pouvoir et d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

36      La requérante soutient que l’inclusion des commentaires contestés dans le rapport d’évaluation contesté constitue une violation de l’article 43 du statut, une violation des instructions de la Commission à l’intention des évaluateurs, des erreurs manifestes d’appréciation, un détournement de pouvoir ainsi qu’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

37      La Commission conclut au rejet du deuxième moyen.

38      S’agissant du contrôle devant être exercé par le Tribunal au regard de la contestation de la requérante relative aux appréciations portées par la Commission dans le rapport d’évaluation contesté, il convient de relever que les rapports d’évaluation comportent des appréciations qui ne peuvent donner lieu à un contrôle juridictionnel que pour la régularité procédurale, l’exactitude matérielle des faits ainsi que l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir par les personnes appelées à intervenir dans l’établissement de ces documents. En d’autres termes, les évaluateurs jouissent du plus large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge d’évaluer et il n’appartient pas au juge de contrôler le bien-fondé de cette appréciation, comportant des jugements de valeur complexes, qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une vérification objective, sauf en cas d’erreur manifeste (voir arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 90 et jurisprudence citée).

39      En outre, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’un rapport d’évaluation, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 91 et jurisprudence citée). En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente. Ainsi, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 95).

40      Il convient d’ajouter, s’agissant plus spécialement du contrôle juridictionnel des appréciations figurant dans les rapports d’évaluation, qu’il se justifie d’autant plus de circonscrire celui-ci à l’erreur manifeste que le Tribunal ne connaît pas directement la situation des agents évalués, alors que la procédure d’évaluation de ceux-ci comporte, sur le plan administratif, des garanties (voir arrêt du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 92 et jurisprudence citée).

41      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner les différents arguments avancés par la requérante au soutien de son deuxième moyen.

42      En premier lieu, la requérante fait valoir que les commentaires contestés évoquent des difficultés rédactionnelles ainsi que des problèmes relationnels entre elle et ses collègues. Toutefois, personne ne lui aurait signifié que sa rédaction posait problème. De même, elle aurait toujours entretenu d’excellentes relations avec ses collègues, à une seule exception près résultant de la façon dont le chef de l’unité gérait l’attribution des dossiers.

43      Il convient de rejeter cette argumentation qui repose sur une interprétation erronée des commentaires contestés, ainsi qu’il a été constaté au point 33 ci-dessus.

44      De plus, la requérante n’a soulevé aucun argument susceptible de priver de plausibilité les commentaires contestés.

45      En tout état de cause, il ne saurait être exigé que les jugements de valeur émis par les supérieurs hiérarchiques dans le cadre de la consultation organisée au titre de la procédure d’évaluation pour une période donnée soient préalablement débattus entre l’agent concerné et sa hiérarchie ou fassent l’objet d’un avertissement préalable écrit au cours de la période de référence dès lors qu’ils font l’objet d’un véritable débat contradictoire lors de la procédure d’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑153/17, non publié, EU:T:2019:622, point 62 et jurisprudence citée).

46      En deuxième lieu, la requérante souligne que les commentaires contestés ne sont accompagnés d’aucune contextualisation et d’aucun détail, relatifs notamment à la forte tension régnant dans ses relations de travail avec le chef d’unité. La requérante fait valoir que la Commission a violé l’obligation qui lui incombait en vertu du devoir de sollicitude ainsi que des instructions à l’intention des évaluateurs en n’étayant pas les commentaires contestés lors de l’entretien en vue du rapport d’évaluation contesté ou dans ce rapport par des exemples et des faits concrets. La requérante considère que, dans la situation de l’espèce, qui se caractérise par des relations de travail très tendues ayant fortement affecté sa santé, les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées.

47      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il a déjà été constaté dans le cadre de l’examen du troisième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation que le rapport d’évaluation contesté était suffisamment détaillé et que le chef d’unité n’était pas tenu d’étayer les commentaires contestés par des exemples, que ce soit sur la base de l’article 43 du statut, sur la base de l’article 2, paragraphe 3, des DGE, sur la base du document intitulé « Dialogue constructif et rapport équitable : conseils à l’intention des évaluateurs », ou en raison de l’état de santé de la requérante.

48      En troisième lieu, la requérante soutient que le rapport d’évaluation contesté et, en particulier, les commentaires contestés sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation en raison du harcèlement dont elle a été victime. En effet, entre novembre 2018 et décembre 2019, la requérante aurait été écartée de courriels pertinents pour son travail, critiquée de manière injustifiée et ignorée par son chef d’unité qui aurait en outre réattribué des dossiers sur lesquels elle travaillait et donné des instructions différentes à elle et à un collègue, ce qui aurait provoqué de nombreuses tensions. La requérante affirme que les commentaires contestés résultent directement de la situation de harcèlement, et n’auraient pas été inclus dans le rapport d’évaluation contesté si les relations avaient été normales.

49      Par ailleurs, la requérante fait valoir que les commentaires contestés sont également entachés d’un détournement de pouvoir, car ils visaient à porter atteinte à sa personnalité, à sa dignité et à son intégrité mentale.

50      Il importe de préciser que la jurisprudence reconnaît la possibilité d’invoquer l’existence d’un harcèlement moral non seulement au soutien de conclusions aux fins d’annulation qui sont dirigées contre le rejet d’une demande d’assistance introduite par un agent au motif qu’il estime être victime d’un harcèlement, mais également au soutien de conclusions aux fins d’annulation qui sont dirigées contre d’autres actes adoptés par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 147 et jurisprudence citée).

51      Toutefois, l’allégation par une partie requérante de l’existence d’un harcèlement moral exercé par ses supérieurs hiérarchiques ne suffit pas pour établir que tout acte adopté par sa hiérarchie est illégal. En effet, encore faut-il que l’intéressé démontre l’incidence des agissements qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral sur la teneur de chaque acte attaqué, puisque, dans un tel cas, cela signifierait que l’AHCC, par l’entremise de ses fonctionnaires et de ses agents hiérarchiquement élevés, aurait usé de son pouvoir en vue d’atteindre un but illégal au regard de l’article 12 bis du statut, lequel prévoit que « [t]out fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel » (arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 92).

52      Ainsi, ce n’est que par exception qu’un moyen tiré d’un prétendu harcèlement peut être invoqué dans le cadre du contrôle de la légalité d’un rapport d’évaluation, s’il apparaît qu’un lien existe entre le harcèlement allégué et les appréciations contenues dans un tel rapport (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 148 et jurisprudence citée).

53      Un tel lien peut notamment résulter du fait que l’acte attaqué a été adopté dans le but de nuire à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique de l’agent et est, par suite, entaché d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, points 93 et 127).

54      À cet égard, il convient de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise qui se réfère à l’usage par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été adopté pour atteindre des fins autres que celles excipées. À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il convient encore de fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause. Ainsi, l’appréciation globale des indices de détournement de pouvoir ne saurait reposer sur de simples allégations, des indices insuffisamment précis ou qui ne sont ni objectifs ni pertinents (arrêt du 7 juin 2018, OW/AESA, T‑597/16, non publié, EU:T:2018:338, point 98).

55      S’agissant de la notion de harcèlement moral, celle-ci est définie, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, comme étant une « conduite abusive » qui se matérialise par des comportements, des paroles, des actes, des gestes ou des écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et ce qui suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et « intentionnels », par opposition à « accidentels ». En outre, pour relever de cette notion, ces comportements, ces paroles, ces actes, ces gestes ou ces écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 76 et jurisprudence citée).

56      Ainsi, il n’est pas nécessaire d’établir que les comportements, les paroles, les actes, les gestes ou les écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 77 et jurisprudence citée).

57      En outre, conformément à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, l’agissement en cause doit présenter un caractère abusif. Il s’ensuit que la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante. Un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, devrait considérer le comportement ou l’acte en cause comme étant excessif et critiquable (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 78 et jurisprudence citée).

58      Or, force est de constater que les commentaires contestés contiennent des appréciations positives de la performance de la requérante, relatives notamment à ses capacités de rédaction, et reconnaissent les conditions difficiles de collaboration qui auraient placé la requérante dans un processus d’apprentissage de la gestion des relations personnelles exigeant. En tout état de cause, ces commentaires ne contiennent aucun élément diffamatoire ni dégradant et ne portent pas atteinte à la personnalité, à la dignité et à l’intégrité psychique de la requérante. La requérante n’avance aucun élément objectif et précis susceptible de remettre en cause ce constat.

59      En outre, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas non plus démontré l’existence d’un lien entre le prétendu comportement de son chef d’unité, qu’elle qualifie de harcèlement moral, et le rapport d’évaluation contesté. La requérante s’est bornée à affirmer que les commentaires contestés résultaient directement de la situation de harcèlement, et qu’ils n’auraient pas été inclus dans le rapport d’évaluation si les relations avaient été normales. Or, aucun des commentaires contestés ne concernait les éléments de harcèlement moral qu’elle invoque, mais, d’une part, l’amélioration de ses capacités de rédaction et, d’autre part, les conditions difficiles de collaboration en général, dans le cadre desquelles elle aurait été placée dans un processus d’apprentissage de la gestion des relations personnelles exigeant. Par ailleurs, la requérante n’a avancé aucun autre élément concret figurant dans le rapport d’évaluation contesté qui serait lié au prétendu harcèlement moral.

60      Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que le rapport d’évaluation contesté et plus particulièrement les commentaires contestés étaient entachés d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir en raison d’un prétendu harcèlement moral.

61      En quatrième lieu, la requérante soutient que la Commission a violé son devoir de sollicitude et le principe de bonne administration en ce qu’elle n’a pas tenu compte de la forte tension, constitutive de harcèlement, qui régnait dans la relation de travail entre elle et son évaluateur.

62      À cet égard, il suffit de constater que la requérante ne développe pas d’argumentation au soutien de ces arguments qui serait autonome par rapport à celle tirée du prétendu harcèlement moral. Par conséquent, cette argumentation doit être rejetée pour les mêmes raisons.

63      Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration en raison de l’omission de fixer des objectifs pour l’année 2019

64      La requérante soutient que le rapport d’évaluation contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, étant donné que la Commission ne lui aurait fixé aucun objectif pour l’année 2019 et, par conséquent, n’aurait pas pu procéder à une évaluation adaptée et équitable de ses performances en 2019.

65      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence que la fixation d’objectifs au début de l’exercice d’évaluation annuel serait un élément essentiel. Cette jurisprudence concernerait des membres du personnel pour lesquels les règles applicables en matière de rapport d’évaluation ne prévoyaient pas expressément une obligation de fixer des objectifs, tel que cela est également le cas en l’espèce. Ainsi, le fait qu’il n’existe pas d’obligation légale de fixer des objectifs ne ferait pas disparaître l’obligation pour l’administration de conduire un exercice d’évaluation à la lumière d’objectifs prédéfinis.

66      En second lieu, la requérante soutient que deux documents de la Commission, à savoir les lignes directrices relatives aux descriptions de poste et un document intitulé « Exercice 2020 – La procédure d’évaluation est une opportunité importante pour mener une rétrospective de l’année passée et pour réfléchir au futur. C’est le moment de réfléchir à vos accomplissements et à vos aspirations futures et d’en discuter avec votre supérieur hiérarchique », soulignent l’importance de la fixation d’objectifs. Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a fait référence à un troisième document à l’appui de cet argument, à savoir celui intitulé « Dialogue constructif et rapport équitable : conseils à l’intention des évaluateurs ».

67      La Commission conteste ces arguments.

68      En premier lieu, il importe de rappeler qu’il ressort certes de la jurisprudence que la méconnaissance des règles prescrivant la fixation d’objectifs à un fonctionnaire au début de chaque période d’évaluation a un caractère substantiel et justifie la censure du rapport d’évaluation litigieux (arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 48). Cette jurisprudence s’explique par le fait que les évaluateurs jouissent, aux fins de l’évaluation, d’un pouvoir d’appréciation particulièrement large, lequel doit être contrebalancé par le respect particulièrement scrupuleux des règles régissant l’organisation de cette évaluation et le déroulement de la procédure prévue à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Pethke/EUIPO, T‑808/17, EU:T:2019:832, point 41 et jurisprudence citée).

69      Toutefois, en l’espèce, il convient de constater que ni l’article 43 du statut ni les DGE n’imposent à l’administration de fixer annuellement des objectifs formels aux fins de l’établissement du rapport annuel concernant les prestations de l’agent ou d’évaluer ces prestations sur la base d’objectifs préfixés. Partant, en l’absence de telles règles, l’absence de fixation d’objectifs ne constitue pas une irrégularité présentant un caractère substantiel justifiant la censure du rapport d’évaluation litigieux.

70      Contrairement à ce que la requérante semble suggérer, une telle obligation ne découle pas non plus de la jurisprudence. En effet, les arrêts invoqués par la requérante n’énoncent pas une obligation de fixation d’objectifs en vue de l’évaluation annuelle des prestations d’un fonctionnaire ou d’un agent, ni que l’évaluation annuelle s’effectue à la lumière d’objectifs prédéfinis dans des situations dans lesquelles le cadre juridique applicable ne prévoit pas de telles obligations.

71      Premièrement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2021, QB/BCE (T‑555/20, non publié, EU:T:2021:552), le guide d’évaluation applicable à ce cas d’espèce prévoyait que, à la fin de chaque exercice d’évaluation, l’évaluateur et l’évalué devaient déterminer les objectifs au regard desquels ce dernier serait évalué lors de l’exercice d’évaluation suivant (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2021, QB/BCE, T‑555/20, non publié, EU:T:2021:552, point 59).

72      Deuxièmement, les dispositions générales d’exécution applicables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 mai 2011, AQ/Commission (F‑66/10, EU:F:2011:56), exigeaient la fixation d’objectifs et l’évaluation du rendement du titulaire de poste sur la base des objectifs fixés (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, AQ/Commission, F‑66/10, EU:F:2011:56, points 8 et 10).

73      Troisièmement, les dispositions générales d’exécution applicables dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 10 novembre 2009, N/Parlement (F‑71/08, EU:F:2009:150), et du 9 mars 2010, N/Parlement (F‑26/09, EU:F:2010:17), prévoyaient une fixation des objectifs pour l’année à venir, sans effectivement couvrir explicitement les hypothèses d’une première affectation d’un fonctionnaire ou du transfert d’un fonctionnaire en cours d’année d’une autre institution. Dans ces circonstances, le Tribunal a, notamment au vu du principe d’égalité, interprété les dispositions générales d’exécution applicables et la fixation d’objectifs qui y était prévue comme couvrant également ces hypothèses (arrêt du 10 novembre 2009, N/Parlement, F‑71/08, EU:F:2009:150, points 54 et 55).

74      Quatrièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission (T‑511/18, EU:T:2020:291), le Tribunal a souligné l’importance, dans la perspective de l’évolution de la carrière d’un fonctionnaire, de la fixation en début d’exercice annuel d’objectifs préalables établis par le supérieur hiérarchique afin d’établir que ceux-ci étaient différents des objectifs attendus d’un fonctionnaire stagiaire au cours de la période de stage, en vue d’une titularisation, et afin d’établir que les rapports d’évaluation et les rapports de stage avaient un objet et des fonctions distincts (arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, points 131 et 137). Le Tribunal ne s’est pas exprimé sur l’existence d’une obligation pour l’administration de fixer annuellement des objectifs formels aux fins de l’établissement du rapport annuel concernant les prestations du fonctionnaire ou de l’agent, ou d’évaluer ces prestations sur la base d’objectifs préfixés.

75      Contrairement à ce que la requérante suggère, une telle obligation ne découle pas non plus des trois documents de la Commission cités au point 66 ci-dessus. Certes, les lignes directrices relatives aux descriptions de poste soulignent l’importance de l’existence d’objectifs pour la gestion du travail et pour l’évaluation des prestations, sans établir toutefois d’obligation de fixer de tels objectifs ou d’imposer une pratique uniforme en ce sens. De même, l’autre document invoqué par la requérante, qui concerne d’ailleurs l’évaluation pour l’année 2020, explique, sous le titre « Objectifs : regarder vers l’avenir », la nature des objectifs, la procédure de leur établissement et leur fonction, y compris en tant qu’instrument essentiel de gestion et comme élément standard de bonne administration, sans établir une obligation de fixer des objectifs, ni d’effectuer l’évaluation sur la base d’objectifs préfixés. En tout état de cause, ce document est un document fourni à titre de simple information du personnel et non un acte juridique établissant des règles juridiquement contraignantes. Enfin, s’agissant du document intitulé « Dialogue constructif et rapport équitable : conseils à l’intention des évaluateurs », il a déjà été constaté au point 29 ci-dessus qu’il n’avait pas de force juridique contraignante, mais qu’il énonçait de simples recommandations et conseils à l’intention des évaluateurs. En tout état de cause, ce document mentionne les objectifs sans indiquer que de tels objectifs doivent ou devraient généralement être fixés.

76      En deuxième lieu, à supposer que la requérante estimât qu’il fallait fixer des objectifs en 2018 pour l’année 2019 afin de mieux pouvoir comprendre les missions qui lui avaient été confiées, elle aurait pu proposer à son supérieur hiérarchique de fixer de tels objectifs. Or, il ne ressort pas du dossier que la requérante aurait formulé une demande en ce sens ou qu’une telle demande aurait été ignorée par sa hiérarchie.

77      En troisième lieu, le Tribunal rappelle que les prestations générales de la requérante ont été jugées satisfaisantes. La requérante ne fait pas valoir qu’une ou plusieurs observations, figurant dans le rapport d’évaluation contesté, y compris les commentaires contestés, reposent sur l’absence de prise en compte du fait qu’aucun objectif n’a été fixé pour l’année 2019. De plus, l’annulation du rapport d’évaluation contesté ne permettrait pas de fixer rétroactivement des objectifs pour l’année 2019 alors que la Commission resterait, en vertu de l’article 43 du statut, dans l’obligation d’établir un rapport annuel pour l’année 2019, même en l’absence d’objectifs fixés. Ainsi, un nouveau rapport d’évaluation établi après une annulation du rapport d’évaluation contesté aurait comme seule différence la mention qu’aucun objectif n’aurait été fixé pour 2019. Or, la requérante n’a nullement étayé en quoi une telle constatation lui serait bénéfique.

78      En quatrième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’absence de définition des objectifs constituerait d’autant plus une irrégularité substantielle que la description de son poste prévoirait des tâches générales pour la réalisation desquelles il aurait fallu fixer des objectifs clairs afin qu’elles puissent être réalisées. En effet, la question de savoir si l’administration est dans l’obligation de fixer des objectifs sur la base desquels les prestations d’un agent peuvent être évaluées ou non ne dépend pas du contenu de la description de son poste, mais uniquement du cadre juridique applicable. Or, il a déjà été constaté que le cadre juridique applicable en l’espèce n’établissait pas une telle obligation.

79      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen et, partant, les conclusions en annulation comme non fondés.

 Sur les conclusions indemnitaires

80      La requérante considère que les violations affectant le rapport d’évaluation contesté et la décision rejetant la réclamation constituent des fautes.

81      La requérante demande la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait de ces violations qui lui auraient causé un stress important et un grand sentiment d’injustice. Ces agissements illégaux constitueraient, en outre, un manque de respect, seraient diffamatoires et auraient nui à sa santé ainsi qu’à sa dignité et à sa réputation professionnelle de manière irréversible. Le harcèlement moral aurait été la cause d’une grave dépression à partir de 2019, conduisant à un congé de maladie de plusieurs mois en 2020. Elle suivrait une thérapie et serait toujours sans emploi. La requérante estime le préjudice moral ex æquo et bono à la date de dépôt du présent recours à un montant de 45 000 euros.

82      La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

83      Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées (voir arrêt du 1er avril 2009, Valero Jordana/Commission, T‑385/04, EU:T:2009:97, point 90 et jurisprudence citée).

84      Dès lors que la demande en annulation du rapport d’évaluation contesté doit être rejetée, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

86      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TL est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.