Language of document : ECLI:EU:T:2004:290

Affaire T-144/02

Richard J. Eagle e.a.

contre

Commission des Communautés européennes

« Personnel employé dans l'entreprise commune JET — Application d'un statut juridique différent de celui des agents temporaires — Indemnisation du préjudice matériel subi »

Sommaire de l'arrêt

1.      Procédure — Production de moyens nouveaux en cours d'instance

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 44)

2.      Fonctionnaires — Recours — Compétence de pleine juridiction

3.      Fonctionnaires — Recours — Compétence de pleine juridiction

4.      Fonctionnaires — Recours — Compétence de pleine juridiction

1.      Des conclusions chiffrées déposées, dans le cadre d'un recours en indemnité, après le prononcé de l'arrêt interlocutoire par lequel le Tribunal a condamné la Communauté à réparer le préjudice subi par des membres du personnel d'une entreprise commune CEEA en raison de l'application d'un statut juridique différent de celui des agents temporaires, modifiées pour tenir compte des modalités de calcul du préjudice définies par l'arrêt interlocutoire, ne peuvent être jugées comme irrecevables, étant donné qu'elles se présentent comme un développement admissible de celles contenues dans la requête, dans la mesure surtout où, d'une part, le Tribunal a déterminé les éléments nécessaires au calcul du préjudice pour la première fois dans son arrêt interlocutoire et où, d'autre part, la composition exacte du préjudice et le mode de calcul précis des indemnités dues n'avaient pas encore fait l'objet de discussions.

En effet, dès lors que l'arrêt interlocutoire a fixé la période pour laquelle une indemnisation est due, les éléments la composant et la méthode à suivre pour déterminer le montant exact de l'indemnité revenant à chacun, l'évaluation chiffrée des prétentions individuelles de chaque requérant doit nécessairement pouvoir être corrigée à la suite de cet arrêt.

(cf. points 21-22)

2.      Dans le cadre d'un recours en indemnité, après le prononcé de l'arrêt interlocutoire par lequel le Tribunal a condamné la Communauté à réparer le préjudice subi par des membres du personnel de l'entreprise commune Joint European Torus (JET) en raison de l'application d'un statut juridique différent de celui des agents temporaires, le classement en grade et en échelon de chaque requérant au début de la période d'indemnisation doit être arrêté en considération de son recrutement effectif, ladite période étant de cinq ans à partir de la date d'effet du plus ancien contrat conclu ou reconduit, cette date ne devant pas être antérieure de plus de cinq ans.

En effet, si le Tribunal a limité les droits à réparation à une période de cinq ans au plus, il a néanmoins jugé que, dès l'origine, c'est-à-dire dès leur premier engagement, les intéressés auraient dû être recrutés dans le cadre de contrats d'agents temporaires, l'illégalité ayant perduré pendant toute la durée de l'entreprise commune. Par conséquent, la situation de chaque requérant au début de la période d'indemnisation ne doit pas être assimilée à ce qui résulterait d'un premier recrutement, mais être traitée en considérant que, dès son premier engagement en qualité d'agent contractuel, l'intéressé aurait dû être recruté en qualité d'agent temporaire, ce qui conduit à prendre en compte, le cas échéant, la « carrière » accomplie avant le début de ladite période. Une telle méthode de « reconstitution de carrière » intègre nécessairement les promotions dont chaque requérant aurait pu bénéficier.

Concernant les promotions au cours de la période d'indemnisation, c'est au regard de la situation des membres en titre de l'équipe du projet JET que le Tribunal a considéré que les requérants avaient été maintenus dans une situation juridique discriminatoire constitutive d'une illégalité fautive et que ceux-ci avaient, de ce fait, subi un préjudice. Par conséquent, la situation similaire des agents temporaires de la CEEA, qui doit servir de point de comparaison pour déterminer les progressions de carrière dont les requérants auraient pu bénéficier, est celle, le cas échéant plus favorable, des membres en titre de l'équipe du projet JET.

(cf. points 49-51, 64, 67)

3.      Dans un arrêt interlocutoire par lequel il a condamné la Communauté à réparer le préjudice subi par des membres du personnel de l'entreprise commune Joint European Torus (JET) en raison de l'application d'un statut juridique différent de celui des agents temporaires, le Tribunal a jugé que le préjudice des requérants résultait de la différence entre les rémunérations et avantages liés que les intéressés auraient perçus s'ils avaient travaillé pour le projet en qualité d'agents temporaires et les rémunérations et avantages liés qu'ils avaient en fait perçus en qualité d'agents contractuels.

Il en résulte, d'une part, que, pour la détermination du revenu net communautaire que chaque requérant aurait perçu pendant la période d'indemnisation fixée par le Tribunal s'il avait été recruté en qualité d'agent temporaire, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des avantages auxquels l'intéressé aurait pu prétendre compte tenu des éléments relatifs à sa situation personnelle et professionnelle pour lesquels il serait en mesure de fournir des preuves documentaires. Il n'y a pas lieu en revanche d'intégrer des indemnités qui auraient pu être perçues au titre de missions, car au JET tous les frais étaient remboursés, tandis que les indemnités journalières étaient réduites, voire supprimées. D'autre part, pour la détermination du revenu net national perçu par chaque requérant en qualité d'agent contractuel pendant ladite période d'indemnisation, il convient de prendre en compte toutes les rémunérations que les intéressés ont en fait perçues à ce titre, notamment, les indemnités journalières qu'ont éventuellement perçues certains des requérants en raison de leur éloignement du site du JET.

(cf. points 76-78)

4.      Dans un arrêt interlocutoire par lequel il a condamné la Communauté à réparer le préjudice subi par des membres du personnel de l'entreprise commune Joint European Torus (JET) en raison de l'application d'un statut juridique différent de celui des agents temporaires, le Tribunal a jugé que, dès l'origine, les requérants auraient dû être recrutés dans le cadre de contrats d'agents temporaires et que l'illégalité commise excédait par sa durée la période d'indemnisation fixée par le Tribunal. Cette constatation conduit nécessairement à tenir compte du fait que les requérants ont pu acquérir des droits à pension au titre de toute la période au cours de laquelle chacun d'eux a effectivement travaillé au JET, l'indemnisation au titre de ces droits éventuels étant cependant limitée à la période d'indemnisation.

Par conséquent, pour déterminer la part de l'indemnité correspondant aux droits à pension, il convient de considérer, pour chacun des requérants, la date de son premier recrutement effectif par le JET, le cas échéant antérieur à la période d'indemnisation, l'indemnité étant due au titre de la perte des droits à pension afférents aux cinq années au plus correspondant à la période d'indemnisation. Les cinq années au plus susmentionnées ne constituent donc pas les seules années d'ouverture des droits. C'est en effet la période d'emploi totale de chaque requérant au JET qui lui ouvre des droits à pension, les droits correspondants étant ensuite réduits au prorata de la durée de la période d'indemnisation, rapportée à la période totale d'emploi.

En outre, il y a lieu de considérer que l'indemnité due au titre des droits à pension ne peut pas être inférieure à la valeur actuarielle des provisions constituées au nom de chaque requérant par les cotisations du travailleur et de l'employeur au titre des cinq années au plus correspondant à la période d'indemnisation.

Dans le cas, en revanche, où un requérant, du fait en particulier qu'il aurait travaillé au JET moins de dix ans, n'aurait pu en tout état de cause, en vertu des dispositions statutaires, avoir droit à une pension d'ancienneté, mais uniquement à une allocation de départ, une indemnisation au titre de la perte d'une telle allocation, réduite au prorata de la durée de la période d'indemnisation, rapportée à la période totale d'emploi, constitue l'alternative qui doit nécessairement lui être accordée.

(cf. points 89-92)