Language of document : ECLI:EU:T:2004:220

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 juillet 2004 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés de tubes et tuyaux en acier sans soudure – Durée de l’infraction – Amendes »

Dans l’affaire T-50/00,

Dalmine SpA, établie à Dalmine (Italie), représentée par Mes M. Siragusa et F. Moretti, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Erhart et A. Whelan, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 19, 20 et 21 mars 2003,

rend le présent

Arrêt

 Faits et procédure

1       La présente affaire concerne la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1, ci‑après la « décision attaquée »).

2       La Commission a adressé la décision attaquée à huit entreprises productrices de tubes en acier au carbone sans soudure (ci-après les « entreprises destinataires de la décision attaquée »). Parmi ces entreprises figurent quatre sociétés européennes (ci-après les « producteurs européens » ou les « producteurs communautaires ») : Mannesmannröhren-Werke AG (ci‑après « Mannesmann »), Vallourec SA, Corus UK Ltd (anciennement British Steel plc, puis British Steel Ltd, ci-après « Corus ») et Dalmine SpA (ci-après « Dalmine » ou la « requérante »). Les quatre autres destinataires de la décision attaquée sont des sociétés japonaises (ci-après les « producteurs japonais ») : NKK Corp., Nippon Steel Corp. (ci‑après « Nippon »), Kawasaki Steel Corp. (ci‑après « Kawasaki ») et Sumitomo Metal Industries Ltd (ci‑après « Sumitomo »).

1.     Procédure administrative

3       Par décision du 17 novembre 1994, l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre‑échange (AELE), agissant au titre de l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord sur l’Espace économique européen, approuvé par la décision 94/1/CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993, relative à la conclusion de l’accord sur l’Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la République d’Autriche, la République de Finlande, la République d’Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège, le Royaume de Suède et la Confédération suisse (JO 1994, L 1, p. 1, ci-après l’« accord EEE »), a autorisé son membre en charge des affaires de concurrence à demander à la Commission de procéder, sur le territoire de la Communauté, à une enquête ayant pour objet l’existence éventuelle de pratiques anticoncurrentielles concernant les tubes en acier au carbone utilisés pour des opérations de sondage et de transport par l’industrie pétrolière norvégienne.

4       Par décision non publiée du 25 novembre 1994 (Affaire IV/35.304, ci‑après la « décision du 25 novembre 1994 »), reprise à la page 3 du dossier administratif de la Commission et adoptée sur la double base juridique de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), et de la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994, la Commission a décidé de procéder à une enquête. Cette enquête devait porter sur les pratiques mentionnées dans la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994, dans la mesure où elles étaient susceptibles de violer non seulement l’article 53 de l’accord EEE, mais également l’article 81 CE. La Commission a adressé la décision du 25 novembre 1994 à huit sociétés dont Mannesmann, Corus, Vallourec et une société du groupe Sumitomo, du nom de Sumitomo Deutschland GmbH. Les 1er et 2 décembre 1994, des fonctionnaires de la Commission et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés ont procédé à des vérifications auprès de ces entreprises, sur la base de ladite décision.

5       Par décision du 6 décembre 1995, l’Autorité de surveillance AELE a constaté que, le commerce entre États membres de la Communauté étant affecté de manière significative par l’affaire pendante devant elle, celle-ci relevait de la compétence de la Commission en vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de l’accord EEE. L’Autorité de surveillance AELE a donc décidé de transmettre ce dossier à la Commission, en application de l’article 10, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord EEE. À compter de cette date, la Commission a désigné l’affaire sous un nouveau numéro (IV/E‑1/35.860).

6       Entre le mois de septembre 1996 et le mois de décembre 1997, la Commission a procédé à des vérifications complémentaires, au titre de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, auprès de Vallourec, de Dalmine et de Mannesmann. En particulier, elle a effectué une vérification auprès de Vallourec le 17 septembre 1996, à l’occasion de laquelle le président de Vallourec Oil & Gas, M. Verluca, a fait la déclaration reprise à la page 6356 du dossier de la Commission, sur laquelle la Commission se fonde dans la décision attaquée. Par la suite, la Commission a adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 11 du règlement n° 17, à toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée ainsi qu’à certaines autres entreprises.

7       Dalmine ainsi que les sociétés argentines Siderca SAIC (ci-après « Siderca ») et Techint Group ayant refusé de communiquer certains des renseignements demandés, une décision de la Commission du 6 octobre 1997 [C(1997) 3036, IV/35.860, tubes d’acier, non publiée], adoptée au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, leur a été adressée. Siderca et Dalmine ont introduit des recours en annulation à l’encontre de cette décision devant le Tribunal. Le recours en annulation formé par Dalmine a été déclaré manifestement irrecevable par ordonnance du Tribunal du 24 juin 1998, Dalmine/Commission (T‑596/97, Rec. p. II‑2383), tandis que le recours en annulation formé par Siderca a été radié, à la suite du désistement de cette dernière, par ordonnance du Tribunal du 7 juin 1998, Siderca/Commission (T‑8/98, non publiée au Recueil).

8       Mannesmann a également refusé de fournir certains des renseignements demandés par la Commission. Malgré l’adoption à son égard par la Commission d’une décision le 15 mai 1998 [C(1998) 1204, IV/35.860, tubes d’acier, non publiée], au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, Mannesmann a maintenu ce refus. Mannesmann a également introduit un recours devant le Tribunal contre cette décision. Par arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T‑112/98, Rec. p. II‑729), le Tribunal a partiellement annulé la décision en cause et rejeté le recours pour le surplus.

9       En janvier 1999, la Commission a adopté deux communications des griefs, concernant, l’une, les tubes en acier au carbone soudés et, l’autre, les tubes en acier au carbone sans soudure. Elle a ainsi scindé l’affaire en deux, l’affaire IV/E‑1/35.860‑A concernant les tubes en acier au carbone soudés et l’affaire IV/E‑1/35.860‑B concernant les tubes en acier au carbone sans soudure.

10     Dans l’affaire relative aux tubes en acier au carbone sans soudure, la Commission a adressé sa communication des griefs (ci-après la « CG ») aux huit entreprises destinataires de la décision attaquée ainsi qu’à Siderca et à la société mexicaine Tubos de Acero de México SA. Ces entreprises ont eu accès au dossier que la Commission a constitué dans cette affaire entre le 11 février et le 20 avril 1999. En outre, par lettres du 11 mai 1999, la Commission a envoyé copie des décisions de novembre 1994 relatives aux vérifications auprès des entreprises qui n’en étaient pas destinataires et qui, de ce fait, n’en avaient pas eu connaissance.

11     Après avoir présenté leurs observations écrites, les destinataires des deux communications des griefs ont été entendus par la Commission le 9 juin 1999 dans l’affaire des tubes en acier au carbone soudés et le 10 juin 1999 dans l’affaire des tubes en acier au carbone sans soudure. En juillet 1999, la Commission a informé les destinataires de la communication des griefs dans l’affaire IV/E‑1/35.860‑A, concernant les tubes en acier au carbone soudés, qu’elle avait abandonné l’affaire relative à ces produits. En revanche, elle a poursuivi l’affaire IV/E‑1/35.860‑B.

12     C’est dans ces circonstances que, le 8 décembre 1999, la Commission a adopté la décision attaquée.

2.     Produits en cause

13     Les produits en cause dans l’affaire IV/E‑1/35.860‑B sont les tubes en acier au carbone sans soudure utilisés par l’industrie pétrolière et gazière, parmi lesquels figurent deux grandes catégories de produits.

14     La première catégorie de produits comprend les tubes de sondage, communément dénommés « Oil Country Tubular Goods » ou « OCTG ». Ces tubes peuvent être vendus sans filetage (les « tubes lisses ») ou filetés. Le filetage est une opération destinée à permettre la jonction des tubes OCTG. Il peut être réalisé conformément aux standards édictés par l’American Petroleum Institute (API) (les tubes filetés selon cette méthode sont dénommés ci-après les « tubes OCTG standard ») ou selon des techniques spéciales, généralement brevetées. Dans ce dernier cas, on parle de filetage ou, le cas échéant, de « joints » « de première qualité » ou « premium » (les tubes filetés selon cette méthode sont dénommés ci‑après les « tubes OCTG premium »).

15     La seconde catégorie de produits est constituée par les tuyaux de transport du pétrole et du gaz (« line pipe ») en acier au carbone sans soudure, parmi lesquels on distingue, d’une part, ceux qui sont fabriqués conformément à des normes standardisées et, d’autre part, ceux qui sont fabriqués sur mesure pour la réalisation de projets spécifiques (ci-après les « tuyaux de transport ‘projet’ »).

3.     Infractions retenues par la Commission dans la décision attaquée

16     Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, en premier lieu, que les huit entreprises destinataires de cette décision avaient conclu un accord ayant, entre autres éléments, pour objet le respect mutuel de leurs marchés nationaux (considérants 62 à 67 de la décision attaquée). Aux termes de cet accord, chaque entreprise s’interdisait de vendre des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet » sur le marché national d’une autre partie à l’accord. L’accord aurait été conclu dans le cadre de réunions entre producteurs communautaires et japonais connues sous le nom de « club Europe-Japon ». Le principe du respect des marchés nationaux était désigné par l’expression « Règles fondamentales » (« Fundamentals »). À titre subsidiaire, la Commission a relevé que les Règles fondamentales avaient été effectivement respectées et, dès lors, que l’accord avait eu des effets anticoncurrentiels sur le marché commun (considérant 68 de la décision attaquée).

17     La Commission a estimé que cet accord tombait sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 81, paragraphe 1, CE (considérant 109 de la décision attaquée). En conséquence, la Commission a constaté, à l’article 1er de la décision attaquée, l’existence d’une infraction à cette disposition et a imposé des amendes aux huit entreprises destinataires.

18     S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission a considéré que, bien que le club Europe-Japon se soit réuni dès 1977 (considérant 55 de la décision attaquée), il convenait de retenir l’année 1990 comme point de départ de l’infraction aux fins de la fixation du montant des amendes, eu égard à l’existence, entre 1977 et 1990, d’accords d’autolimitation des exportations conclus entre la Communauté européenne et le Japon (ci-après les « accords d’autolimitation ») (considérant 108 de la décision attaquée). D’après la Commission, l’infraction a pris fin en 1995 (considérants 96 et 97 de la décision attaquée).

19     Aux fins de la fixation du montant des amendes infligées aux huit entreprises destinataires de la décision attaquée, la Commission a qualifié l’infraction de très grave au motif que l’accord en cause visait le respect des marchés nationaux et portait ainsi atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur (considérants 161 et 162 de la décision attaquée). En revanche, elle a relevé que les ventes de tubes en acier au carbone sans soudure par les entreprises destinataires, dans les quatre États membres concernés, ne s’élevaient qu’à environ 73 millions d’euros par an. En conséquence, la Commission a fixé le montant de l’amende au titre de la gravité de l’infraction à 10 millions d’euros pour chacune des huit entreprises destinataires de la décision attaquée. Celles-ci étant toutes de grande dimension, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation entre les montants retenus (considérants 162, 163 et 165 de la décision attaquée).

20     Estimant que l’infraction était de moyenne durée, la Commission a appliqué une majoration de 10 % par année de participation à l’infraction par rapport au montant retenu au titre de la gravité, pour fixer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise en cause (considérant 166 de la décision attaquée). Cependant, compte tenu de ce que le secteur des tubes en acier a connu une situation de crise de longue durée, et eu égard au fait que la situation de ce secteur s’est détériorée à partir de 1991, la Commission a minoré lesdits montants de base de 10 % au titre des circonstances atténuantes (considérants 168 et 169 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a appliqué une réduction de 40 % du montant de l’amende infligée à Vallourec, ainsi qu’une réduction de 20 % du montant de l’amende infligée à Dalmine, au titre du point D 2 de la communication 96/C 207/04 de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »), pour tenir compte du fait que ces deux entreprises avaient coopéré avec la Commission au stade de la procédure administrative (considérants 170 à 173 de la décision attaquée).

21     Le montant de l’amende infligée à chaque entreprise en cause, qui résulte du calcul exposé aux deux points précédents, est indiqué à l’article 4 de la décision attaquée (voir point 33 ci-après).

22     En second lieu, la Commission a estimé, à l’article 2 de la décision attaquée, que les contrats conclus entre les producteurs communautaires et concernant la vente de tubes lisses sur le marché britannique constituaient des comportements infractionnels (considérant 116 de la décision attaquée). Cependant, elle n’a pas imposé d’amende supplémentaire au titre de cette infraction au motif que lesdits contrats ne constituaient en définitive qu’un moyen de mise en oeuvre du principe du respect des marchés nationaux décidé dans le cadre du club Europe‑Japon (considérant 164 de la décision attaquée).

4.     Faits essentiels retenus par la Commission dans la décision attaquée

23     Le club Europe-Japon s’est réuni à partir de 1977, au rythme d’environ deux fois par an, et ce jusqu’en 1994 (considérant 60 de la décision attaquée). En particulier, la Commission a relevé que, d’après la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, de telles réunions ont notamment eu lieu le 14 avril 1992 à Florence, le 23 octobre 1992 à Tokyo, le 19 mai 1993 à Paris, le 5 novembre 1993 à Tokyo et le 16 mars 1994 à Cannes. Par ailleurs, la Commission a fait valoir que la note de Vallourec intitulée « Quelques informations à l’occasion du club Europe‑Japon » du 4 novembre 1991, reprise à la page 4350 du dossier de la Commission, et celle du 24 juillet 1990, reprise à la page 15586 du dossier, intitulée « Réunion du 24/7/90 avec British Steel », précisent que des réunions du club Europe-Japon se sont également tenues en 1989 et en 1991.

24     L’accord convenu au sein du club Europe-Japon reposait sur trois volets, le premier étant les Règles fondamentales relatives au respect des marchés nationaux (évoquées au point 16 ci-dessus), lesquelles constituent l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, le deuxième étant la fixation des prix pour les appels d’offres et de prix minimaux pour les « marchés spéciaux » (« special markets ») et le troisième étant le partage des autres marchés mondiaux, à l’exclusion du Canada et des États-Unis d’Amérique, au moyen de clés de répartition (les « sharing keys ») (considérant 61 de la décision attaquée). La Commission fonde sa conclusion quant à l’existence des Règles fondamentales sur un faisceau d’indices documentaires énumérés aux considérants 62 à 67 de la décision attaquée ainsi que sur le tableau figurant au considérant 68 de celle-ci. Il ressortirait de ce tableau que la part du producteur national dans les livraisons de tubes OCTG et de tuyaux de transport effectuées par les destinataires de la décision attaquée au Japon et sur le marché domestique de chacun des quatre producteurs communautaires était très élevée. La Commission en déduit que, dans l’ensemble, les marchés nationaux étaient effectivement respectés par les parties à l’accord. S’agissant des deux autres volets de l’accord en cause, la Commission décrit les éléments de preuve qui s’y rapportent aux considérants 70 à 77 de la décision attaquée.

25     Lorsque Corus a envisagé, en 1990, la cessation de ses activités de production de tubes lisses sans soudure, les producteurs communautaires se seraient interrogés sur la pérennité du principe du respect des marchés nationaux dans le cadre des Règles fondamentales décrites ci-dessus en ce qui concerne le marché du Royaume-Uni. C’est dans ces circonstances que Vallourec et Corus auraient lancé l’idée de « Règles fondamentales améliorées » (« fundamentals improved »), lesquelles auraient visé à maintenir en l’état les restrictions à l’accès des producteurs japonais au marché britannique, en dépit du retrait de Corus. Au cours du mois de juillet 1990, à l’occasion de la reconduction du contrat de licence portant sur la technique de filetage VAM, Vallourec et Corus se seraient ainsi accordées pour réserver l’approvisionnement de cette dernière en tubes lisses sans soudure à Vallourec, à Mannesmann et à Dalmine (considérant 78 de la décision attaquée).

26     En avril 1991, Corus a fermé son usine de Clydesdale (Royaume-Uni), qui assurait environ 90 % de sa production de tubes lisses. Corus a alors conclu des contrats d’approvisionnement en tubes lisses, d’une durée initiale de cinq ans et renouvelables tacitement sous réserve d’un préavis de douze mois, avec Vallourec (le 24 juillet 1991), Dalmine (le 4 décembre 1991) et Mannesmann (le 9 août 1993) (ci-après les « contrats d’approvisionnement »). Ces trois contrats, qui sont repris aux pages 12867, 12910 et 12948 du dossier de la Commission, allouent à chacune des entreprises bénéficiaires une quotité d’approvisionnement fixée, respectivement, à 40 %, à 30 % et à 30 % des besoins de Corus (considérants 79 à 82 de la décision attaquée), hormis pour les tubes de faible diamètre.

27     En 1993, trois facteurs auraient conduit à un réexamen des principes de fonctionnement du club Europe-Japon. Il s’agirait, en premier lieu, de la restructuration de l’industrie sidérurgique européenne. Au Royaume-Uni, Corus a envisagé en effet de cesser ses dernières activités de production de tubes filetés sans soudure. En Belgique, la société New Tubemeuse (ci-après « NTM »), dont l’activité était principalement orientée vers l’exportation à destination du Moyen‑Orient et de l’Extrême-Orient, a été liquidée le 31 décembre 1993. Il s’agirait, en deuxième lieu, de l’accès des producteurs d’Amérique latine au marché communautaire, qui menaçait de remettre en cause les répartitions de marché convenues dans le cadre du club Europe-Japon. En troisième et dernier lieu, sur le marché mondial des tubes destinés aux activités d’extraction et d’exploitation pétrolière et gazière, les tubes soudés auraient bénéficié d’une croissance significative, bien que de fortes disparités régionales demeurent (considérants 83 et 84 de la décision attaquée).

28     Ce serait dans ce contexte que les membres du club Europe-Japon se sont rencontrés à Tokyo, le 5 novembre 1993, pour tenter d’arriver à un nouvel accord de répartition des marchés avec les producteurs d’Amérique latine. Le contenu de l’accord arrêté à cette occasion serait reflété dans un document remis à la Commission le 12 novembre 1997, par un informateur tiers à la procédure, et repris à la page 7320 du dossier de la Commission, qui contient notamment une « clé de répartition » (« sharing key ») (ci-après le « document Clé de répartition »). Aux dires de l’informateur, la source dudit document serait un agent commercial d’un des participants à ladite réunion. S’agissant notamment des conséquences de la restructuration de l’industrie européenne, la fermeture de NTM aurait permis aux producteurs communautaires d’obtenir des concessions de la part des producteurs japonais et latino-américains, principaux bénéficiaires du retrait de NTM des marchés d’exportation (considérants 85 à 89 de la décision attaquée).

29     De son côté, Corus a pris la décision définitive de mettre un terme à ses dernières activités de production de tubes sans soudure. Le 22 février 1994, Vallourec a pris le contrôle des sites de filetage et de production des tubes de Corus et créé, à cet effet, la société Tubular Industries Scotland Ltd (ci-après « TISL »). Le 31 mars 1994, TISL a repris les contrats d’approvisionnement en tubes lisses que Corus avait conclus avec Dalmine et Mannesmann. Le 24 avril 1997, le contrat ainsi conclu avec Mannesmann était encore en vigueur. Le 30 mars 1999, Dalmine a résilié le contrat d’approvisionnement avec TISL (considérants 90 à 92 de la décision attaquée).

30     La Commission a estimé que, par ces contrats, les producteurs communautaires s’étaient attribué des quotités d’approvisionnement en tubes lisses pour le marché britannique, lequel représente plus de la moitié de la consommation communautaire de tubes OCTG. Elle a donc conclu qu’il s’agissait là d’une entente prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE (voir point 22 ci-dessus).

5.     Dispositif de la décision attaquée

31     Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, les huit entreprises destinataires de celle-ci  « […] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, en participant [...] à un accord prévoyant, entre autres, le respect de leur marché national respectif pour les tubes OCTG […] standard et les [tuyaux de transport ‘projet’] sans soudure ».

32     L’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée dispose que l’infraction a duré de 1990 à 1995 pour Mannesmann, Vallourec, Dalmine, Sumitomo, Nippon, Kawasaki Steel Corp. et NKK Corp. S’agissant de Corus, il est indiqué que l’infraction a duré de 1990 à février 1994.

33     Les autres dispositions pertinentes du dispositif de la décision attaquée sont rédigées comme suit :

« Article 2

1.      [Mannesmann], Vallourec […], [Corus] et Dalmine […] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, en concluant, dans le cadre de l’infraction mentionnée à l’article 1er, des contrats qui ont résulté en une répartition des fournitures de tubes OCTG lisses à [Corus] (Vallourec […] à partir de 1994).

2.      Pour [Corus], l’infraction a duré du 24 juillet 1991 à février 1994. Pour Vallourec […], l’infraction a duré du 24 juillet 1991 au 30 mars 1999. Pour Dalmine […], l’infraction a duré du 4 décembre 1991 au 30 mars 1999. Pour [Mannesmann], l’infraction a duré du 9 août 1993 au 24 avril 1997.

[...]

Article 4

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l’article premier, en raison de l’infraction constatée audit article :

(1)   [Mannesmann]          13 500 000 euros

(2)   Vallourec […]                   8 100 000 euros

(3)   [Corus]                   12 600 000 euros

(4)   Dalmine […]                   10 800 000 euros

(5)   Sumitomo […]          13 500 000 euros

(6)   Nippon […]                   13 500 000 euros

(7)   Kawasaki Steel Corp. […] 13 500 000 euros

(8)   NKK Corp. […]          13 500 000 euros

[...] »

6.     Procédure devant le Tribunal

34     Par sept requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 28 février et le 3 avril 2000, Mannesmann, Corus, Dalmine, NKK Corp., Nippon, Kawasaki et Sumitomo ont introduit un recours contre la décision attaquée.

35     Par ordonnance du 18 juin 2002, il a été décidé, les parties entendues, de joindre les sept affaires aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal. À la suite de cette jonction, toutes les requérantes ont pu consulter l’ensemble des dossiers relatifs à la présente procédure dans les sept affaires au greffe du Tribunal. Des mesures d’organisation de la procédure ont également été adoptées.

36     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience des 19, 20 et 21 mars 2003.

 Conclusions des parties

37     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler entièrement ou partiellement la décision attaquée ;

–       subsidiairement, annuler l’amende qui lui a été infligée ou réduire son montant ;

–       condamner la Commission aux dépens.

38     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours dans son ensemble ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

39     À l’audience, Dalmine a indiqué que, ayant reçu un résumé non confidentiel des passages occultés de certaines pièces du dossier dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal, elle renonçait à son moyen tiré d’une prétendue violation des droits de la défense du fait du traitement confidentiel desdites pièces au stade de la procédure administrative.

1.     Sur les moyens tirés de violations des formes substantielles au cours de la procédure administrative

 Sur la légalité des questions posées par la Commission au cours de l’enquête

 Arguments des parties

40     La requérante estime que son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination a été violé par les questions biaisées posées par la Commission au cours de l’enquête. Ces questions auraient eu pour objet de la contraindre à admettre l’existence d’une infraction, en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 34 et 35). En conséquence, la requérante estime qu’il convient d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle repose sur les réponses aux questions en cause.

41     Les 13 février et 22 avril 1997, la Commission aurait interrogé la requérante en application de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17. La Commission aurait alors cherché à amener Dalmine à reconnaître sa présence à certaines réunions entre producteurs de tubes en acier ainsi que l’objet illégal de ces réunions, en lui précisant à cette occasion les pratiques illicites en cause, à savoir notamment les accords sur le respect des marchés nationaux et sur les prix, auxquelles elle aurait dû avouer avoir pris part. La Commission lui aurait notamment demandé de mentionner « les décisions adoptées […], les répartitions de marchés (‘sharing keys’) discutées ou fixées par zones géographiques et leur période de validité, les prix discutés ou fixés par zones géographiques et leur période de validité en en précisant le type ». La Commission aurait reproché à Dalmine sa réticence à répondre à ces questions.

42     Le 12 juin 1997, la Commission aurait invité une nouvelle fois Dalmine à fournir les renseignements demandés. Étant d’avis que les réponses de Dalmine demeuraient incomplètes, la Commission aurait adopté une décision le 6 octobre 1997, enjoignant à la requérante de fournir les renseignements exigés dans un délai de trente jours, sous peine d’astreinte. Cette décision, à l’encontre de laquelle Dalmine a formé un recours (ordonnance Dalmine/Commission, point 7 supra), aurait porté préjudice à Dalmine.

43     La Commission conteste avoir posé des questions obligeant Dalmine à s’incriminer.

44     En outre, la Commission rappelle que les entreprises et associations d’entreprises sont libres de ne pas répondre aux questions qui leur sont posées au titre de l’article 11 du règlement n° 17 (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciment », T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 734). Ce ne serait que lorsqu’une entreprise fournit des renseignements inexacts que l’article 15, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 17 prévoit la possibilité de sanctions.

 Appréciation du Tribunal

45     Conformément à l’arrêt Orkem/Commission, point 40 supra (point 32), le présent moyen a trait aux droits de la défense des entreprises (voir, également, arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 8 supra, point 63). Il résulte de cette jurisprudence qu’un droit au silence est reconnu à une entreprise destinataire d’une décision de demande de renseignements au sens de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17 pour autant qu’elle soit obligée, sous peine d’astreinte, de fournir des réponses par lesquelles elle serait amenée à admettre l’existence de l’infraction qu’il appartient à la Commission d’établir (arrêts Orkem/Commission, précité, point 35, et Mannesmannröhren‑Werke/ Commission, précité, point 67).

46     En revanche, il est de jurisprudence constante que les entreprises ne sont pas soumises à une obligation de fournir des réponses, en vertu de cette règle de droit, à la suite de l’envoi d’une simple demande d’informations au titre de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, et elles ne sauraient prétendre, dès lors, que leur droit de ne pas s’incriminer a été violé du fait qu’elles ont répondu, volontairement, à une telle demande (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 44 supra, point 734).

47     En l’espèce, à supposer même que Dalmine soit recevable à avancer, dans le cadre de la présente procédure, des arguments tenant au caractère prétendument illicite des questions posées, alors qu’elle n’a pas introduit un recours qui soit recevable à l’encontre de la décision du 6 octobre 1997 dans le délai prévu à l’article 230 CE (voir, à cet égard, ordonnance Dalmine/Commission, point 7 supra, rejetant comme irrecevable le recours dirigé par Dalmine contre ladite décision du 6 octobre 1997), il suffit de relever que la décision attaquée ne saurait être entachée d’illégalité à cet égard que dans la mesure où les questions faisant l’objet de la décision du 6 octobre 1997 l’ont amenée à admettre l’existence des infractions retenues dans la décision attaquée, au sens de l’arrêt Orkem/Commission, point 40 supra. Or, si la Commission a posé une longue série de questions par sa demande initiale du 22 avril 1997, les seules questions adressées par la Commission à Dalmine dans la décision du 6 octobre 1997 concernaient la production de documents et d’informations purement objectives et n’étaient donc pas de nature à amener cette dernière à admettre l’existence d’une infraction.

48     En ce qui concerne les questions posées aux sociétés argentines Techint Group et Siderca, auxquelles la menace d’astreintes a été adressée de manière solidaire avec Dalmine, au motif que ces trois sociétés constituaient une même entreprise (considérant 13 et article 2, deuxième alinéa, de la décision du 6 octobre 1997), il est vrai que le dernier tiret de la question 2, posée à ces sociétés une nouvelle fois dans la décision du 6 octobre 1997 et figurant en annexe de celle-ci, est analogue au dernier tiret des questions 1.6, 1.7 et 2.3 posées à Mannesmann en vertu d’une décision du 15 mai 1998, et que le Tribunal, sur la base de l’arrêt Orkem/Commission, point 40 supra, a annulé ledit tiret dans son arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 8 supra.

49     Toutefois, en dehors du fait que la Commission n’a pas demandé directement à Dalmine, en tant que personne morale, de fournir ces renseignements, il convient de relever que ce tiret de la question se rapporte aux seules relations entre les producteurs européens et les producteurs d’Amérique latine, volet de l’accord allégué dans la CG qui n’a pas été analysé dans la décision attaquée.

50     Dans ces conditions, force est de reconnaître que cet aspect de la décision de la Commission du 6 octobre 1997 n’a pu amener Dalmine à s’incriminer par rapport à l’infraction constituée par l’accord de partage des marchés conclu par les producteurs japonais et européens visé à l’article 1er de la décision attaquée. Ainsi, à supposer même que la Commission ait commis une illégalité à cet égard, celle-ci n’a pu avoir la moindre incidence sur le contenu de la décision attaquée et ne saurait, dès lors, entacher celle‑ci d’illégalité.

51     Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée en ce qui concerne les éléments de preuve invoqués

 Arguments des parties

52     Dalmine rappelle qu’il incombe à la Commission de communiquer aux entreprises incriminées l’ensemble des pièces sur lesquelles reposent ses griefs (XXIIIe Rapport sur la politique de concurrence, p. 113 et 114). Or, en l’occurrence, la Commission aurait cité, tant dans la CG que dans la décision attaquée, des documents à charge qu’elle n’a pas annexés à ladite CG.

53     Les documents suivants n’auraient pas été joints à la CG :

–       une télécopie de Sumitomo du 12 janvier 1990, citée dans la CG au point 70, reprise à la page 4785 du dossier de la Commission et évoquée au considérant 71 de la décision attaquée ;

–       un rapport de Vallourec de 1994, cité dans la CG au point 119, repris à la page 14617 du dossier de la Commission et évoqué au considérant 92 de la décision attaquée.

54     En outre, la décision attaquée citerait certains documents qui, bien que joints en annexe à la CG, n’étaient pas mentionnés dans ladite communication. Il s’agirait des procès-verbaux d’interrogatoires de MM. Benelli, Jachia, Ciocca, en date des 2, 5 et 8 juin 1995, du 6 septembre 1995 et du 21 février 1996 (repris à la page 8220 ter du dossier et évoqués au considérant 54 de la décision attaquée).

55     Cette attitude de la Commission aurait considérablement compliqué l’examen par Dalmine des pièces à charge. Alors que la décision attaquée se réfère aux documents sous leur numéro d’enregistrement, la CG et le dossier qu’elle a pu examiner dans les locaux de la Commission seraient organisés selon une méthode différente. La Commission aurait ainsi porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, qui justifierait à elle seule l’annulation de la décision attaquée. Subsidiairement, Dalmine estime que les pièces à charge en cause doivent être écartées des débats, la légalité de la décision attaquée devant alors être appréciée sans qu’elles soient prises en compte (arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec. p. II‑1775, point 98).

56     La Commission signale que Dalmine a été mise en mesure d’analyser tous les documents cités dans la CG ou ses annexes, le 3 mars 1999, lorsqu’elle a eu accès au dossier. Dès lors, toute violation des droits de la défense serait exclue (arrêt Ciment, point 44 supra, point 144).

57     Par ailleurs, la Commission précise que le document repris à la page 8220 ter du dossier administratif est cité au point 46 de la CG.

58     Enfin, les documents annexés à la CG mais non mentionnés dans le texte de celle‑ci « peuvent être retenus dans la décision [attaquée] contre la partie requérante, si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir de la CG les conclusions que la Commission entendait en tirer » (arrêt Ciment, point 44 supra, point 323).

 Appréciation du Tribunal

59     La Commission, afin de permettre aux entreprises et associations d’entreprises en cause de se défendre utilement contre les griefs formulés contre elles dans la CG, est tenue de leur rendre accessible l’intégralité du dossier d’instruction, à l’exception des documents contenant des secrets d’affaires d’autres entreprises ou d’autres informations confidentielles ainsi que des documents internes de la Commission (arrêt Ciment, point 44 supra, point 144).

60     Toutefois, la circonstance selon laquelle un document est mentionné dans une communication des griefs sans y être annexé ne constitue pas, en principe, une violation des droits de la défense pour autant que les destinataires de ladite communication y ont accès avant qu’ils ne soient obligés de répondre à celle-ci.

61     En ce qui concerne les deux documents qui ont été cités dans la CG sans être annexés à celle‑ci en l’espèce, la Commission relève, sans être contredite à cet égard par Dalmine, que celle-ci y a eu accès le 3 mars 1999.

62     Quant à l’argument selon lequel le mode d’organisation de l’accès au dossier en l’espèce a rendu difficile l’identification des deux documents en question, il suffit de relever que cette prétendue difficulté n’a pas affecté la capacité de défense de Dalmine en l’espèce, dès lors que celle-ci a affirmé dans sa réplique qu’elle a pu les obtenir lorsqu’elle a eu accès au dossier de la Commission.

63     En toute hypothèse, les deux documents en question sont invoqués aussi bien dans la CG que dans la décision attaquée pour décrire le contexte général plutôt que la nature spécifique des infractions retenues dans la décision attaquée, de sorte que le fait de supprimer la référence à chacun d’eux dans la décision attaquée n’a aucune incidence sur le bien‑fondé de celle‑ci. En effet, la télécopie de Sumitomo du 12 janvier 1990 est citée dans la partie relative à la description du club Europe‑Japon, figurant dans les deux documents, qui se rapporte aux « marchés spéciaux », soit les marchés des pays tiers. Quant au rapport de Vallourec de 1994, il est mentionné brièvement en note en bas de page (note n° 65 de la CG et note n° 30 de la décision attaquée) aux fins d’attester le fait, qui n’est pas contesté par Dalmine, que « [l]e 22 février 1994, Valtubes (filiale de Vallourec) a pris le contrôle des installations écossaises de [Corus] spécialisées dans le traitement thermique et le filetage VAM et créé la société Tubular Industries Scotland Ltd (TISL), leader sur le marché de la mer du Nord pour la fourniture de tubes filetés en joints supérieurs ou standard ».

64     En ce qui concerne les documents qui, bien que joints en annexe à la CG, n’auraient pas été mentionnés dans celle‑ci, à savoir les procès-verbaux d’interrogatoires de MM. Benelli, Jachia, Ciocca, il suffit de relever que la CG et la décision attaquée se réfèrent toutes les deux aux témoignages de « plusieurs directeurs de Dalmine » (voir point 46 de la CG et considérant 54 de la décision attaquée) et citent in extenso uniquement celui de M. Biasizzo (voir point 58 de la CG et considérant 64 de la décision attaquée). Dès lors, il y a lieu de relever que la Commission s’est référée à ces documents dans la CG et de considérer que ces références suffisaient en l’espèce, à la lumière de l’utilisation faite de ces éléments par la Commission ultérieurement dans la décision attaquée, pour permettre à Dalmine de se défendre utilement à cet égard au stade de la procédure administrative.

65     Dans ces conditions, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur l’admissibilité de certains éléments de preuve

66     Dalmine fait valoir l’irrecevabilité, en tant qu’éléments de preuve, de certaines des pièces que la Commission lui aurait opposées au mépris des droits de la défense. Elle estime que l’utilisation irrégulière de ces pièces devrait entraîner l’annulation de la décision attaquée. À titre subsidiaire, ces pièces devraient être écartées des débats et, par conséquent, la légalité de la décision attaquée devrait être appréciée sans qu’elles soient prises en compte.

 Sur le document Clé de répartition

–       Arguments des parties

67     Selon la requérante, le document Clé de répartition serait irrecevable comme preuve des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée, au motif que la Commission n’a pas divulgué l’identité de l’auteur de ce document ni son origine. À défaut de telles informations, l’authenticité et la force probante de cette pièce à charge seraient sujettes à caution.

68     En outre, la décision attaquée laisserait penser, à son considérant 85, que l’auteur dudit document n’était pas présent à la réunion de Tokyo du 5 novembre 1993, alors même que ce document est invoqué à titre de preuve de l’accord de respect des marchés qui aurait été conclu à cette occasion. Dans ces conditions, Dalmine ne s’estime pas en mesure de se défendre contre cette pièce.

69     La Commission rétorque que l’identification de la personne qui lui a confié le document Clé de répartition n’est pas nécessaire à l’exercice des droits de la défense de la requérante.

70     Elle rappelle, en outre, qu’elle n’est pas tenue de dévoiler l’identité de son informateur. Elle se réfère à cet égard au point II de la communication 97/C 23/03 de la Commission relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d’accès au dossier dans les cas d’application des articles [81] et [82] du traité CE, des articles 65 et 66 CECA et du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (JO 1997, C 23, p. 3, ci-après la « communication relative à l’accès au dossier »).

71     De plus, plusieurs éléments de preuve figurant dans le dossier, notamment ceux énumérés aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, corroboreraient le contenu du document Clé de répartition.

–       Appréciation du Tribunal

72     Le principe qui prévaut en droit communautaire est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II‑867, II‑869 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 mars 2000, Met-Trans et Sagpol, C‑310/98 et C‑406/98, Rec. p. I‑1797, point 29, et arrêt du Tribunal du 7 novembre 2002, Vela et Tecnagrind/Commission, T‑141/99, T‑142/99, T‑150/99 et T‑151/99, Rec. p. II‑4547, point 223). De plus, il peut être nécessaire pour la Commission de protéger l’anonymat des informateurs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 34) et cette circonstance ne saurait suffire à obliger la Commission à écarter une preuve en sa possession.

73     En conséquence, si les arguments de Dalmine peuvent être pertinents pour apprécier la crédibilité et, partant, la force probante du document Clé de répartition, il n’y a pas lieu de considérer que celui-ci est une preuve irrecevable qui doit être écartée du dossier.

 Sur les procès-verbaux des interrogatoires des anciens dirigeants de Dalmine

–       Arguments des parties

74     Dalmine récuse l’utilisation des déclarations que certains de ses anciens dirigeants ont pu faire au procureur de Bergame (Italie) dans le cadre d’une affaire pénale.

75     En premier lieu, la Commission aurait gravement porté atteinte aux droits de la défense en ne révélant pas en temps utile à Dalmine qu’elle disposait de ces déclarations confidentielles. Après avoir demandé à l’autorità garante della Concorrenza e del Mercato (l’autorité nationale chargée de la concurrence en Italie, ci-après l’« Autorité garante ») de lui transmettre ces documents le 16 janvier 1996, la Commission aurait en effet attendu trois ans pour les transmettre à Dalmine avec la CG. Tenue dans l’ignorance de l’utilisation potentielle de ces pièces, Dalmine estime avoir ainsi été privée de la possibilité de se défendre.

76     En deuxième lieu, Dalmine reproche à la Commission d’avoir commis une violation grave des règles en matière de procédure en utilisant des déclarations faites à l’occasion d’une procédure pénale entièrement étrangère à l’enquête dont elle avait la charge. La Commission ne serait pas en droit d’invoquer ces déclarations hors du contexte de l’affaire à l’occasion de laquelle elles ont été recueillies.

77     À l’audience, Dalmine a relevé, à cet égard, que, selon la jurisprudence de la Cour, notamment son arrêt du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., dit « Banques espagnoles » (C‑67/91, Rec. p. I‑4785, points 35 et suivants), le droit au secret professionnel et les droits de la défense d’une entreprise seraient violés si une autorité nationale devait invoquer dans le cadre d’une procédure nationale, à la charge de cette entreprise, des éléments de preuve obtenus au cours d’une enquête ayant un objet différent de celui de ladite procédure. Or, il y aurait lieu d’appliquer ce principe, par analogie, à la présente espèce dans la mesure où la Commission a utilisé des éléments de preuve recueillis dans le cadre d’une enquête pénale menée au niveau national.

78     En troisième lieu, le contexte dans lequel les déclarations en question ont été faites par les anciens dirigeants, qui entendaient se défendre contre des accusations en matière de corruption, mettrait en cause la valeur probante de celles-ci. En particulier, des personnes dans cette situation n’étant pas tenues de dire la vérité, à la différence des témoins, leurs déclarations relatives à l’existence d’une entente illicite ne seraient ni fiables ni fondées.

79     La Commission rejette ces allégations.

80     D’abord, elle rappelle avoir obtenu les procès-verbaux en cause en toute légalité, avec l’accord de l’Autorité garante, et sur autorisation expresse des substituts de procureur compétents (annexe 15 à la CG, page 8220 ter 1, et annexe 1). À cet égard, Dalmine ne se prévaudrait d’aucune base juridique qui lui conférerait le droit d’être informée de ce que la Commission disposait de ces procès-verbaux avant la CG. En tout état de cause, quand bien même un tel droit existerait, sa méconnaissance n’affecterait pas les droits de la défense.

81     La Commission a fait valoir à l’audience que les procès-verbaux des déclarations faites par des anciens dirigeants de Dalmine devant un procureur italien lui ont été communiqués par l’Autorité garante qui les aurait reçus du ministère public. Leur transmission par les autorités italiennes aurait été régulière et leur utilisation par la Commission ne serait donc nullement entachée d’une illégalité.

82     Enfin, la Commission estime que les procès-verbaux en cause contiennent des indices qui, associés aux renseignements dont la Commission disposait par ailleurs, apparaissent probants.

–       Appréciation du Tribunal

83     Il y a lieu de constater, tout d’abord, que, comme la Commission le relève à juste titre, Dalmine ne se prévaut d’aucune base juridique qui lui conférerait le droit d’être informée, avant de recevoir la CG, du fait que la Commission disposait des procès-verbaux des déclarations que certains de ses anciens dirigeants avaient faites au procureur de Bergame. Il y a lieu de considérer, en effet, que, au stade où la Commission demande des renseignements aux entreprises qu’elle soupçonne d’avoir participé à une infraction, elle n’est nullement obligée de leur indiquer quels sont les éléments de preuve dont elle dispose déjà. La communication de cette information pourrait, le cas échéant, porter atteinte à l’efficacité de l’enquête de la Commission en ce qu’elle permettrait aux entreprises en cause d’identifier quelles informations étaient déjà connues de la Commission et, partant, quelles informations pouvaient encore lui être cachées.

84     Quant à l’argumentation de Dalmine tirée d’une prétendue violation des règles de procédure et fondée sur une analogie avec la jurisprudence de la Cour, en particulier son arrêt Banques espagnoles, point 77 supra, il y a lieu de relever que cette jurisprudence concerne l’utilisation par des autorités nationales d’informations recueillies par la Commission en application de l’article 11 du règlement n° 17. Cette situation est régie de manière expresse par l’article 20 du règlement n° 17.

85     Il ressort des termes de l’article 20 du règlement n° 17, ainsi que de ladite jurisprudence, que la légalité de la transmission par la Commission d’informations recueillies en application du règlement n° 17 à une autorité nationale et celle de l’interdiction de l’utilisation directe de ces informations en tant que preuves par cette dernière relèvent du droit communautaire.

86     En revanche, la légalité de la transmission à la Commission, par un procureur national ou par les autorités compétentes en matière de concurrence, d’informations recueillies en application du droit pénal national et de leur utilisation ultérieure par la Commission sont des questions qui relèvent, en principe, du droit national régissant la conduite des enquêtes menées par lesdites autorités nationales, ainsi que, en cas de contentieux judiciaire, de la compétence des juridictions nationales. En effet, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 230 CE, le juge communautaire n’est pas compétent pour contrôler la légalité, au regard du droit national, d’un acte pris par une autorité nationale (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C‑97/91, Rec. p. I‑6313, point 9, et du Tribunal du 15 décembre 1999, Kesko/Commission, T‑22/97, Rec. p. II‑3775, point 83).

87     En l’espèce, Dalmine se borne à relever que l’objet de l’enquête dans le cadre de laquelle les déclarations en question ont été faites diffère de celui de l’enquête menée par la Commission. Il ne ressort pas de son argumentation qu’une juridiction italienne compétente ait même été saisie de la légalité de la transmission et de l’utilisation au niveau communautaire des procès-verbaux en cause. En toute hypothèse, elle ne fournit pas non plus d’éléments susceptibles de démontrer que cette utilisation était contraire aux dispositions applicables du droit italien.

88     Il y a lieu de relever, en outre, que la jurisprudence invoquée par Dalmine est fondée sur la nécessité de protéger les entreprises qui fournissent des informations demandées par la Commission en application de l’article 11 du règlement n° 17, dans le cadre d’une enquête spécifique dont elles connaissent le but, au regard des droits de la défense et du respect du secret professionnel (arrêt Banques espagnoles, point 77 supra, points 36 à 38). Or, en l’espèce, les procès-verbaux en cause se rapportent à des déclarations faites à titre personnel par des anciens dirigeants de Dalmine et non pas au nom de celle-ci.

89     Force est de constater que l’utilisation par la Commission de ces éléments de preuve à l’encontre de Dalmine ne saurait nuire aux droits de la défense ni au droit au secret professionnel, voire à la vie privée, des auteurs de ces déclarations dans la mesure où ils ne sont nullement en cause dans la présente procédure.

90     Pour le surplus, les arguments de Dalmine n’affectent que la crédibilité et, partant, la force probante des témoignages de ses directeurs et non la recevabilité de ces éléments dans la présente procédure. Dès lors, ces arguments ne sont pas pertinents dans le cadre du présent moyen.

91     À la lumière de ce qui précède, ce moyen doit être rejeté.

 Sur la légalité de la décision de vérification de la Commission du 25 novembre 1994

 Arguments des parties

92     Dalmine conteste la légalité de la décision de la Commission du 25 novembre 1994, prise au titre de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, dont elle n’est pas destinataire. Par cette décision, la Commission aurait ordonné des vérifications auprès de certaines entreprises concernant l’existence d’ententes prohibées par l’article 81 CE ou l’article 53 de l’accord EEE. La Commission aurait utilisé à l’encontre de Dalmine certains documents saisis lors des vérifications effectuées sur la base de cette décision.

93     Le présent moyen s’articule en deux branches.

94     En premier lieu, Dalmine estime que, par la décision du 25 novembre 1994, la Commission a illicitement étendu le champ de l’enquête à laquelle l’Autorité de surveillance AELE lui demandait de collaborer. Elle rappelle que, par lettre du 17 novembre 1994, l’Autorité de surveillance AELE a demandé à la Commission d’effectuer certaines vérifications concernant d’éventuelles infractions à l’article 56 de l’accord EEE concernant les tubes en acier utilisés dans l’industrie pétrolière offshore en Norvège. Dalmine souligne que cette demande ne mentionnait pas l’existence d’infractions aux règles communautaires de concurrence.

95     Dalmine fait valoir que la Commission était tenue de se limiter aux termes de la demande de l’Autorité de surveillance AELE jusqu’à ce que cette dernière ait conclu, d’une part, à l’absence d’infraction à l’accord EEE et, d’autre part, à l’éventualité d’une affectation du commerce intracommunautaire. Néanmoins, la Commission aurait décidé, le 25 novembre 1994, d’étendre sa saisine à l’existence d’infractions à l’article 81 CE. Dalmine soutient que cette décision méconnaît les droits de la défense, relève d’un abus de pouvoir et enfreint les règles de procédure énoncées à l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord EEE.

96     En second lieu, Dalmine reproche à la Commission de ne pas lui avoir adressé la décision du 25 novembre 1994. Elle expose que l’Autorité de surveillance AELE avait informé la Commission, dans sa lettre du 17 novembre 1994, des soupçons qu’elle avait quant à la participation de Dalmine à une entente sur le marché norvégien. La Commission aurait néanmoins omis d’inclure Dalmine parmi les destinataires de la décision du 25 novembre 1994.

97     Or, cette omission porterait atteinte aux droits de la défense de Dalmine. Cette dernière estime que la Commission aurait dû l’alerter de l’illégalité éventuelle de son comportement dès le 25 novembre 1994. En effet, une personne sur laquelle pèse des soupçons aurait le droit d’en être informée. Bien que la Commission ait effectué, le 13 février 1997, les premières vérifications auprès de Dalmine, elle aurait néanmoins attendu le 11 mai 1999 pour lui transmettre certaines pièces en sa possession depuis décembre 1994.

98     En outre, une telle omission serait discriminatoire. En effet, Dalmine fait observer que, si la Commission lui avait adressé la décision du 25 novembre 1994, elle aurait alors été en mesure de mettre un terme aux comportements reprochés, à l’instar des destinataires de cette décision.

99     Dès lors, il conviendrait d’annuler la décision attaquée. Subsidiairement, les pièces transmises par l’Autorité de surveillance AELE à la Commission devraient être retirées des débats et la légalité de la décision attaquée appréciée sans elles. Enfin, Dalmine estime que la date de cessation de l’infraction devrait être fixée au 25 novembre 1994, date à laquelle la Commission aurait dû l’informer de l’existence de soupçons à son encontre.

100   La Commission récuse ces griefs.

101   En premier lieu, elle rejette les allégations selon lesquelles ses pouvoirs d’enquête seraient circonscrits par les termes de sa saisine par l’Autorité de surveillance AELE. Elle rappelle qu’elle peut ouvrir des enquêtes d’office. Elle estime, a fortiori, pouvoir agir d’office lorsqu’elle a reçu des renseignements de la part de l’Autorité de surveillance AELE. Cette dernière ne serait pas en mesure de bloquer ou de limiter ce pouvoir. Lorsqu’elle a décidé de procéder à une vérification, la Commission n’aurait pas pu savoir si les résultats de son enquête seraient pertinents aux fins de l’article 53 de l’accord EEE ou de l’article 81 CE, dispositions applicables lorsqu’une entente entre entreprises affecte le commerce intracommunautaire.

102   En second lieu, la Commission expose que Dalmine était dans une situation différente de celles des destinataires de la décision du 25 novembre 1994. Lorsqu’il est apparu que Dalmine était impliquée dans une entente, la Commission aurait décidé d’effectuer des vérifications auprès d’elle et lui aurait donné accès au dossier.

 Appréciation du Tribunal

103   En ce qui concerne l’argumentation de Dalmine, constitutive de la première branche du présent moyen, tirée de ce que la Commission aurait illicitement étendu le champ de l’enquête à laquelle l’Autorité de surveillance AELE lui demandait de collaborer, il y a lieu de rappeler d’abord que, dans son avis du 10 avril 1992 (1/92, Rec. p. I‑2821), la Cour a déclaré que les dispositions de l’accord EEE qui lui avaient été soumises, notamment son article 56 sur la répartition des compétences en matière de concurrence entre l’Autorité de surveillance AELE et la Commission, étaient compatibles avec le traité CE.

104   Pour arriver à cette conclusion en ce qui concerne l’article 56 de l’accord EEE, la Cour a relevé, en particulier, aux points 40 et 41 dudit avis que la compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux dans le domaine de la concurrence comporte nécessairement la possibilité d’accepter des règles conventionnelles sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence, pour autant que ces règles ne dénaturent pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu’elles sont conçues dans le traité.

105   Il découle donc de l’avis 1/92 que l’article 56 de l’accord EEE ne dénature pas les compétences de la Communauté prévues par le traité CE dans le domaine de la concurrence.

106   À cet égard, il ressort aussi bien d’une lecture de l’article 56 de l’accord EEE lui‑même que de la description détaillée de cette disposition figurant dans la partie introductive de l’avis 1/92, sous la partie « Résumé de la demande de la Commission », que toutes les affaires relevant de la compétence communautaire en matière de concurrence avant l’entrée en vigueur de l’accord EEE restent soumises à la compétence exclusive de la Commission après son entrée en vigueur. En effet, toutes les affaires dans lesquelles le commerce entre les États membres de la Communauté européenne est affecté continuent de relever de la compétence de la Commission, qu’il y ait ou non, en outre, atteinte du commerce entre la Communauté et les États AELE et/ou entre les États AELE eux-mêmes.

107   À la lumière de ce qui précède, force est de constater que les dispositions de l’accord EEE ne sauraient être interprétées d’une manière qui priverait la Commission, même de façon temporaire, de sa compétence pour appliquer l’article 81 CE à un accord anticoncurrentiel affectant le commerce entre États membres communautaires.

108   Or, il y a lieu de constater en l’espèce que la Commission, dans sa décision du 25 novembre 1994 ouvrant une enquête dans le secteur des tubes en acier, a invoqué, notamment, l’article 81 CE et le règlement n° 17 comme base légale. Dans le cadre de cette enquête, elle a exercé les pouvoirs qui lui sont attribués par le règlement n° 17 pour recueillir les preuves invoquées dans la décision attaquée et, enfin, elle a sanctionné les accords infractionnels exclusivement au titre de l’article 81 CE aux articles1er et 2 de ladite décision.

109   Il résulte de ce qui précède que la première branche du présent moyen doit être rejetée.

110   S’agissant de la seconde branche du présent moyen, il y a lieu de constater qu’il n’existe en droit communautaire aucun droit d’être informé de l’état d’une procédure administrative avant l’émission formelle d’une communication des griefs. La position de Dalmine, si elle devait être accueillie, aboutirait à la création d’un droit à être informé d’une enquête dans des circonstances où des soupçons existent à l’égard d’une entreprise, ce qui pourrait gravement entraver les travaux de la Commission.

111   Quant à l’argumentation tirée d’une prétendue discrimination en ce que Dalmine n’a pas eu l’occasion de mettre un terme aux infractions qui lui sont reprochées en temps utile, il y a lieu de constater, en ce qui concerne l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, que la Commission n’a retenu l’existence de celle-ci que jusqu’au 1er janvier 1995 (voir points 317 et suivants ci-après, et arrêts du Tribunal de ce jour, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, et Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, non encore publiés au Recueil). Or, étant donné que des vérifications ont été effectuées, les 1er et 2 décembre 1994, dans les locaux des destinataires de la décision du 25 novembre 1994 (voir considérant 1er de la décision attaquée), force est de constater que Dalmine n’aurait été informée de l’existence de l’enquête qu’un mois avant la fin de la période infractionnelle retenue à sa charge, ou même après sa cessation si l’on s’en tient à la durée d’infraction retenue dans les arrêts susvisés.

112   Dans ces conditions, à supposer même que Dalmine ait pris immédiatement la décision de mettre un terme à son comportement infractionnel, il lui aurait été impossible de mettre fin aux effets anticoncurrentiels de l’accord de partage des marchés avant la fin de la période infractionnelle et, partant, de réduire la durée de celle-ci. Dès lors, l’argumentation de Dalmine est inopérante par rapport à l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée.

113   En ce qui concerne l’infraction relevée à l’article 2 de la décision attaquée, il suffit de constater que Dalmine et Vallourec n’ont suspendu l’application de leur contrat d’approvisionnement qu’à partir de la réception de la CG en janvier 1999, alors que la première vérification dans les locaux de Dalmine a été effectuée en février 1997. Force est de constater que, si Dalmine n’a pas pris de mesures pour mettre un terme au comportement constitutif de cette infraction en février 1997, il n’y a aucune raison de supposer qu’elle l’aurait fait à la suite d’une éventuelle vérification en décembre 1994.

114   Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur l’accès au dossier

 Arguments des parties

115   Dalmine soutient qu’elle n’a pas eu accès à l’ensemble du dossier. La Commission lui aurait refusé, malgré sa demande, de prendre connaissance des pièces transmises par l’Autorité de surveillance AELE. La Commission se serait retranchée derrière le caractère interne de ces documents, sans autre explication ni examen de leur contenu, et, en particulier, sans opérer de distinction entre les documents contenant des appréciations de l’Autorité de surveillance AELE et ceux simplement recueillis par celle-ci, conformément à la note en bas de page n° 19 de la communication relative à l’accès au dossier. Dalmine estime ainsi qu’elle a pu être privée de l’accès à certaines pièces à charge qui pouvaient figurer dans le dossier de l’Autorité de surveillance AELE.

116   Par ailleurs, Dalmine reproche à la Commission de ne pas lui avoir indiqué, pour l’ensemble du dossier, les documents obtenus lors des vérifications ordonnées par la décision du 25 novembre 1994, alors même qu’il s’agit de pièces à charge (considérant 53 de la décision attaquée).

117   En réponse à ces griefs, la Commission rétorque qu’elle n’est pas tenue, lors de la procédure administrative, de communiquer aux entreprises des pièces qui ne figurent pas dans son dossier d’instruction et qu’elle n’a pas l’intention d’utiliser à charge contre les parties concernées dans sa décision définitive (arrêt Ciment, point 44 supra, point 383). En outre, elle rappelle qu’elle n’est pas tenue de donner accès aux documents internes au cours de la procédure administrative.

 Appréciation du Tribunal

118   Le point II A 2 de la communication relative à l’accès au dossier est libellé comme suit :

« Pour des raisons de simplification et d’efficacité administratives, les documents internes seront dorénavant classés dans le recueil des documents internes relatifs au cas sous instruction (non accessible) contenant tous les documents internes par ordre chronologique. Ce classement se fera sous le contrôle du conseiller-auditeur qui peut, en tant que de besoin, certifier la qualité de ‘documents internes’ des pièces qui y sont rassemblées.

Constituent par exemple des documents internes :

[…]

c) la correspondance concernant une affaire avec d’autres autorités publiques (19) ;

[...] »

119   La note en bas de page n° 19 de la communication relative à l’accès au dossier, invoquée par Dalmine, précise :

« Il convient de protéger la confidentialité des documents émanant des autorités publiques ; cette règle vaut non seulement pour les documents des autorités compétentes en matière de concurrence, mais également pour ceux d’autres autorités publiques, d’un État membre ou d’un pays tiers. […] Il y a lieu toutefois de distinguer entre les appréciations ou commentaires de ces autres autorités publiques pour lesquelles il y a une protection absolue et les pièces concrètes qu’elles ont pu fournir, ces dernières n’étant pas couvertes par l’exception. […] »

120   Il y a lieu de relever qu’il résulte du libellé du point II A 2 de la communication relative à l’accès au dossier que le contrôle exercé par le conseiller-auditeur pour vérifier le caractère interne des documents figurant dans le dossier n’est pas une étape systématique de la procédure administrative. En effet, étant donné que le conseiller-auditeur « peut » effectuer une telle vérification « en tant que de besoin » selon les termes dudit point, il y a lieu de conclure que dans le cas où la qualification de certains documents de « documents internes » n’est pas mise en cause, son intervention ne sera pas nécessaire. En outre, il appartenait à Dalmine de saisir le conseiller-auditeur afin qu’il vérifie le caractère interne des documents communiqués à la Commission par l’Autorité de surveillance AELE et qualifiés de documents internes.

121   En réponse à une question écrite du Tribunal visant à la production de toute correspondance entre la Commission et Dalmine par rapport à l’accès aux documents internes, les deux parties ont produit une lettre de Dalmine du 7 juin 1999. Dans cette lettre, Dalmine a soutenu, notamment, qu’elle n’était pas en mesure d’identifier les documents recueillis par l’Autorité de surveillance AELE et envoyés ensuite par celle-ci à la Commission. Elle a demandé à la Commission de lui communiquer ces éléments de preuve afin qu’elle ait accès à l’ensemble du dossier relatif à son affaire. Toutefois, Dalmine n’a pas demandé, dans sa lettre du 7 juin 1999, que soit vérifié par le conseiller-auditeur le caractère éventuellement interne des documents ainsi communiqués à la Commission.

122   La Commission a produit, en outre, une lettre qu’elle a envoyée à Dalmine, en date du 11 mai 1999, sous couvert de laquelle elle a communiqué la décision adoptée par l’Autorité de surveillance AELE le 25 novembre 1994 de demander à la Commission de procéder à des vérifications sur le territoire communautaire, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du protocole n° 23 de l’accord EEE, ainsi que les décisions adoptées par la Commission de procéder effectivement à des vérifications, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17.

123   En réponse à une autre question du Tribunal, la Commission a précisé que les documents qu’elle a reçus de l’Autorité de surveillance AELE ont été versés au dossier administratif et figurent aux pages 1 à 350 de celui-ci sous la rubrique « documents internes, non communicables ». Or, il est constant que Dalmine, comme les autres destinataires de la CG, a eu accès au dossier administratif de la Commission entre le 11 février et le 20 avril 1999. Il s’ensuit qu’elle a pu constater qu’il y avait 350 pages de documents internes auxquels la Commission lui refusait l’accès, et l’absence de sa part d’une demande de vérification de leur caractère interne ne saurait dès lors être attribuable au fait qu’elle aurait ignoré leur existence.

124   À cet égard, la circonstance selon laquelle ces documents sont des documents de l’Autorité de surveillance AELE transmis ultérieurement à la Commission, et non pas des documents internes de la Commission comme Dalmine a pu le supposer avant de recevoir la lettre du 11 mai 1999, est dénuée de pertinence dans le cadre de l’examen du présent moyen. En effet, il découle des termes de la note en bas de page n° 19 de la communication relative à l’accès au dossier que les documents internes reçus des autres autorités publiques aussi bien communautaires que non communautaires doivent bénéficier de la même protection que les documents internes de la Commission.

125   Il convient de relever, en toute hypothèse, que le Tribunal a demandé à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, de produire une liste indiquant le contenu des pages 1 à 350 de son dossier administratif. Or, il ressort de cette liste que tous les documents en cause sont indiscutablement des documents internes, de sorte que, en toute hypothèse, l’absence d’une vérification de la part du conseiller-auditeur n’a pu affecter la capacité de Dalmine de se défendre, ni, partant, de violer ses droits de la défense.

126   Enfin, quant au grief de Dalmine suivant lequel il lui était impossible d’identifier les documents à charge obtenus grâce aux vérifications, il suffit de rappeler que Dalmine a eu accès à l’ensemble du dossier administratif. Dès lors que la légalité des vérifications ne peut plus être mise en doute (voir points 103 à 114 ci‑dessus), la présente difficulté évoquée par Dalmine, à la supposer réelle, n’a pas pu affecter ses droits de la défense. D’ailleurs, en dehors de la question de la légalité de l’obtention des documents en cause, Dalmine n’a pas indiqué en quoi la méthode d’obtention des documents aurait pu affecter ses droits.

127   À la lumière de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

2.     Sur les moyens de fond

 Sur les motifs surabondants de la décision attaquée

 Arguments des parties

128   Dalmine conteste le choix de la Commission d’avoir fait état, dans la décision attaquée, de certains faits qui, bien qu’étrangers aux infractions retenues, sont susceptibles de lui être préjudiciables. Elle rappelle que les constatations relatives aux ententes portant sur les marchés situés hors de la Communauté ainsi qu’à la fixation des prix (considérants 54 à 61, 70 à 77, 121 et 122 de la décision attaquée) n’ont pas été retenues au titre des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée. Ces motifs seraient donc superflus aux fins de la décision attaquée. Dalmine craint que ces constatations ne servent par la suite de fondement à des actions en réparation de la part d’entreprises tierces.

129   Dalmine fait observer qu’elle a demandé à la Commission, dans sa réponse à la CG et lors de l’audition, d’omettre dans la décision attaquée toute référence à des éléments factuels autres que ceux constitutifs des infractions retenues. Cette demande aurait visé à la protéger contre des prétentions de tiers. La Commission n’y aurait pas répondu.

130   Au soutien de ces griefs, Dalmine invoque le respect du secret professionnel protégé par l’article 287 CE ainsi que par l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui impose à la Commission l’obligation d’une véritable « discrétion de service » (voir conclusions de l’avocat général Lenz sous l’arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, 1966, 1977).

131   Dalmine souligne, en outre, que la Commission n’est tenue de publier que l’« essentiel de la décision » et « doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués » (article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17). Selon elle, l’« essentiel » d’une décision en matière de concurrence recouvre, outre le dispositif, les principaux motifs sur lesquels la Commission s’est fondée. Devraient en revanche être exclues les allégations sans pertinence aux fins de la constatation des infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE. Dalmine demande au Tribunal d’annuler les constatations dépourvues de pertinence et d’en tirer les conséquences opportunes quant à la validité de la décision attaquée.

132   La Commission précise que, à la date du dépôt de son mémoire en défense, elle examinait encore les demandes de traitement confidentiel de certaines données figurant dans la décision attaquée, en vue de sa publication ultérieure au Journal officiel des Communautés européennes. Dalmine disposerait ainsi de la faculté de demander que certains passages de ladite décision ne soient pas publiés.

133   La Commission dément l’affirmation selon laquelle la décision attaquée contient des renseignements dont la publication pourrait exposer Dalmine à des actions en réparation de la part de tiers. La circonstance selon laquelle certaines pratiques n’ont pas été retenues à titre d’éléments constitutifs d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE ne saurait être préjudiciable à la requérante.

 Appréciation du Tribunal

134   Il suffit de constater qu’il n’existe pas de règle de droit qui permette au destinataire d’une décision de contester, dans le cadre d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, certains des motifs de celle-ci, à moins que ces motifs ne produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca‑Cola/Commission, T‑125/97 et T‑127/97, Rec. p. II‑1733, points 77 et 80 à 85). En principe, les motifs d’une décision ne sont pas de nature à produire de tels effets. En l’espèce, la requérante n’a pas démontré en quoi les motifs attaqués sont de nature à produire des effets de nature à modifier sa situation juridique.

135   Il résulte de ce qui précède que le présent moyen ne peut être retenu.

 Sur l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée (club Europe-Japon)

136   Dalmine ne met pas en cause l’existence d’un accord entre les destinataires de la décision attaquée, mais indique qu’il ne concernait pas les marchés domestiques communautaires et qu’il ne tombe donc pas sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE. À cet égard, elle développe deux types de moyens.

 Sur les moyens relatifs à l’analyse du marché pertinent et du comportement des destinataires de la décision attaquée sur celui-ci

–       Arguments des parties

137   Dalmine estime que la décision attaquée n’est pas conforme à l’exigence de motivation découlant de l’article 253 CE et qu’elle est entachée d’une erreur dans l’application de l’article 81 CE. En particulier, faute d’avoir analysé de manière approfondie le marché pertinent, la Commission n’aurait pas été en mesure d’apprécier si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE étaient remplies, de sorte qu’elle aurait violé cette disposition.

138   Dalmine critique les constatations relatives à l’existence d’un respect mutuel du marché national respectif des producteurs de tubes sans soudure. Elle rappelle que les infractions reprochées ne concernent que deux types de produits : les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet ». Or, la Commission n’aurait pas évoqué de données relatives à ces produits aux fins de vérifier si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, relatives à l’existence d’une restriction à la concurrence et à l’affectation du commerce entre États membres, étaient réunies. En effet, elle se serait appuyée sur des données relatives à un ensemble beaucoup plus vaste de produits (voir, par exemple, annexes 1, 3 et 4 de la décision attaquée). La Commission serait ainsi parvenue à la conclusion selon laquelle les producteurs nationaux de tubes en acier disposaient sur leur marché national respectif d’une position prépondérante.

139   Dalmine prétend que la Commission serait parvenue à une toute autre conclusion si elle s’était cantonnée à l’examen de la situation existant sur le marché des produits pertinents. En effet, la requérante ne vendrait qu’une quantité négligeable de tubes OCTG standard sur le marché italien, contrairement à ce que pourrait suggérer le tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée, alors que des quantités bien plus importantes de ce produit y auraient été vendues par d’autres producteurs destinataires de la décision attaquée. La requérante insiste sur le fait que le phénomène de dominance allégué par la Commission ne porte que sur les ventes de tubes « premium » aux compagnies pétrolières nationales.

140   La requérante rappelle que les déclarations de M. Biasizzo ne sont pas fiables à titre d’éléments à charge pour les raisons exposées au point 78 ci-dessus. De plus, ces déclarations n’auraient pu viser que les ventes de tubes OCTG, les tuyaux de transport n’étant pas concernés par le champ de ses activités commerciales pendant la période où l’infraction a été commise. Dans la mesure où la majorité des ventes de tubes OCTG à la société Agip concernait des produits « premium », ces déclarations ne concerneraient qu’une faible proportion des ventes de l’un des produits en cause. D’ailleurs, lesdites déclarations seraient en contradiction avec les données contenues dans les annexes de la décision attaquée.

141   S’agissant des ventes de tuyaux de transport « projet » sur le marché italien, Dalmine estime qu’elle jouit d’une position plutôt forte par rapport à celle de ses concurrents destinataires de la décision attaquée. Néanmoins, les tuyaux de transport « projet » ne représenteraient qu’une faible proportion des tuyaux de transport vendus sur le marché italien. Par ailleurs, Dalmine rappelle avoir vendu au cours de la période en cause des quantités considérables de tuyaux de transport « projet » sur le marché britannique et, dans des proportions moindres, en Allemagne et en France. De plus, elle reproche à la Commission d’avoir négligé le fait que, pour certaines utilisations, les tubes en acier soudés peuvent être substitués aux tuyaux de transport « projet ». Enfin, les importations de tubes OCTG et de tuyaux de transport provenant de pays tiers autres que le Japon auraient réduit considérablement le poids économique de Dalmine sur le marché italien de ces produits.

142   La Commission réplique qu’elle a évalué l’incidence de l’entente en cause au niveau communautaire.

143   Le tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée indiquerait que le partage des marchés nationaux était respecté pour les produits pertinents. Ces données seraient confirmées par les déclarations de Vallourec et des dirigeants de Dalmine devant le procureur de Bergame. S’agissant de ces derniers, la Commission réfute les critiques de la requérante quant à la fiabilité des déclarations de M. Biasizzo.

144   S’agissant de la situation du marché italien, la Commission rappelle que les ventes annuelles de tubes OCTG standard et de tuyaux de transport « projet » effectuées par Dalmine entre 1990 et 1995 ont atteint en moyenne 13 506 tonnes par an (réponse de Dalmine à une demande de la Commission en vertu de l’article 11 du règlement n° 17). Au cours de la même période, le total des ventes sur ce marché réalisées par les huit entreprises parties à l’accord se serait élevé à 14 869 tonnes (voir annexe 2 de la décision attaquée, en additionnant le volume des tubes OCTG filetés standard livrés en Italie, à savoir 1 514 tonnes, avec le volume des tuyaux de transport « projet » également livrés en Italie, à savoir 13 355 tonnes). Il s’ensuivrait que Dalmine détenait, au cours de la période en cause, 91 % du marché italien des produits pertinents.

–       Appréciation du Tribunal

145   S’agissant de la prétendue violation de l’article 253 CE, il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 86, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63). Il suffit, en effet, que la Commission expose, dans ses décisions, les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, Rec. p. II‑2937, point 131).

146   Il y a lieu de considérer, à la lumière de la jurisprudence citée au point précédent, que des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision de la Commission doivent être rejetés d’emblée comme inopérants, puisqu’ils ne sauraient entraîner l’annulation de cet acte (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, Rec. p. I‑4261, point 17 ; voir également point 136 ci‑dessus).

147   Il convient de rappeler à cet égard que la Commission n’est pas tenue de démontrer l’existence d’un effet préjudiciable sur la concurrence pour établir une violation de l’article 81 CE, dès lors qu’elle a établi l’existence d’un accord, ou d’une pratique concertée, ayant pour objet de restreindre la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, Rec. p. II‑917, points 30 et suivants, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 277).

148   Or, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la Commission s’est appuyée, à titre principal, sur l’objet anticoncurrentiel de l’accord de partage des marchés, y compris les marchés allemand, britannique, français et italien, pour constater l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée et qu’elle invoque des éléments de preuve documentaires à cette fin (voir, en particulier, considérants 62 à 67 de la décision attaquée, ainsi qu’arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 111 supra, points 173 à 337).

149   Il s’ensuit que le considérant 68 de la décision attaquée, relatif aux effets dudit accord, est un motif alternatif et, partant, surabondant dans l’économie générale de la partie des motifs de la décision attaquée consacrée à l’existence de l’infraction retenue à son article 1er. Ainsi, à supposer même que Dalmine puisse établir le caractère insuffisant de cette motivation alternative, il n’y aurait pas lieu d’annuler l’article 1er de la décision attaquée si l’objet anticoncurrentiel est démontré à suffisance de droit dans la présente affaire (voir point 152 ci-après). Par voie de conséquence, le moyen tiré d’un défaut de motivation à cet égard est inopérant et doit, dès lors, être rejeté.

150   Par ailleurs, dans la mesure où Dalmine allègue que les faits retenus dans la décision attaquée ne constituent pas une infraction à l’article 81 CE, il convient de constater que les arguments avancés au soutien de ce grief se rapportent essentiellement à la prétendue absence d’effets pratiques de l’accord sanctionné, en ce que ce dernier vise spécifiquement les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet ».

151   Ainsi, de nouveau, étant donné que la Commission n’est pas tenue de démontrer l’existence d’un effet préjudiciable sur la concurrence pour établir une violation de l’article 81 CE, dès lors qu’elle a établi l’existence d’un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence (voir point 147 ci-dessus, et la jurisprudence citée), et qu’elle s’est appuyée à titre principal sur l’objet anticoncurrentiel de l’accord de partage des marchés, les arguments de Dalmine relatifs aux effets de l’accord sont dénués de pertinence dans le présent contexte.

152   Toutefois, Dalmine a également mis en cause la valeur probante des déclarations de M. Biasizzo, relevant en particulier que leur auteur était principalement chargé des ventes de tubes OCTG et non pas des tuyaux de transport « projet ». Il suffit de constater, à cet égard, que la Commission s’est fondée dans la décision attaquée sur un faisceau de preuves relatif à l’objet de l’accord incriminé dont Dalmine ne conteste pas la pertinence, notamment sur les déclarations succinctes mais explicites de M. Verluca, et non pas sur le seul élément dont la valeur probante est critiquée par Dalmine. Ainsi, à supposer même que ces critiques soient fondées, elles ne sauraient conduire, à elles seules, à l’annulation de la décision attaquée.

153   En toute hypothèse, il convient de relever que la déposition de M. Biasizzo est corroborée par d’autres dépositions faites par les collègues de M. Biasizzo, figurant au dossier de la Commission et invoquées par celle-ci devant le Tribunal, mais qui ne sont pas citées dans la décision attaquée. En particulier, il ressort de la déposition de M. Jachia du 5 juin 1995, reprise à la page 8220 ter S6 du dossier de la Commission, qu’il existait un accord « pour respecter les zones appartenant aux différents opérateurs » et de celle de M. Ciocca, du 8 juin 1995, reprise à la page 8220 ter S3 du dossier de la Commission, qu’une « entente de fabricants de tubes opère à l’échelle mondiale ».

154   De plus, sans qu’il soit besoin de résoudre le différend entre les parties quant à la période précise au cours de laquelle M. Biasizzo a été responsable des ventes des deux produits visés par la décision attaquée, il est constant en l’espèce qu’il a été responsable des ventes de tubes OCTG réalisées par Dalmine pendant une partie importante de la période infractionnelle, ainsi que des ventes des tuyaux de transport « projet » pendant au moins plusieurs mois au cours de cette période, de sorte qu’il avait une connaissance directe des faits qu’il décrivait.

155   Il y a lieu de conclure à cet égard que la déposition de M. Biasizzo est fiable, notamment dans la mesure où elle corrobore les déclarations de M. Verluca quant à l’existence de l’accord de partage des marchés domestiques décrit par ce dernier (voir, à cet égard, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 111 supra, points 309 et suivants).

156   Enfin, dans la mesure où Dalmine remet en cause l’existence d’une incidence de l’accord de partage des marchés, sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée, sur les échanges commerciaux entre États membres, il y a lieu de rappeler que, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑395/94, Rec. p. II‑875, points 79 et 90). Il s’ensuit que la Commission n’a pas besoin de démontrer l’existence réelle d’une telle affectation du commerce (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, précité, point 90), mais il importe que cette influence actuelle ou potentielle ne soit pas insignifiante (arrêt de la Cour du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, Rec. p. II‑8089, point 48).

157   Or, un accord ayant pour objet le partage de marchés nationaux de la Communauté, tel que celui sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée, a nécessairement pour effet potentiel, lequel serait concrétisé dans le cas où l’accord serait mis en œuvre, de réduire le volume des échanges intracommunautaires. Il apparaît clairement, dès lors, que cette condition était remplie s’agissant de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

158   À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’ensemble des moyens et arguments soulevés par Dalmine concernant l’analyse du marché concerné par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

 Sur la participation de Dalmine à l’infraction

–       Arguments des parties

159   Dalmine fait valoir que sa participation à l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée n’a pas eu d’effet appréciable sur la concurrence. Compte tenu de sa position modeste sur le marché italien des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet », la requérante allègue qu’elle ne pouvait pas jouer le rôle de chef de file des producteurs de tubes en acier sans soudure. Par ailleurs, elle indique qu’elle n’avait pas respecté les termes de l’entente en cause et qu’elle était perçue par les autres producteurs comme indisciplinée. Compte tenu des caractéristiques du marché et de l’absence de mécanisme de sanction destiné à assurer le respect de l’entente, cette dernière n’aurait pas porté atteinte aux intérêts des concurrents ou des clients des destinataires de la décision attaquée. Dalmine reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ces circonstances et de ne pas avoir distingué sa situation de celle des autres entreprises destinataires de la décision attaquée.

160   Selon la Commission, la thèse de Dalmine est dénuée de fondement. Pour déterminer si des entreprises ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, la seule question pertinente serait de savoir si leur comportement sur le marché est le résultat d’un concours de volontés.

–       Appréciation du Tribunal

161   Il y a lieu de nouveau de relever que la Commission a pris en compte l’objet restrictif de l’accord de partage des marchés auquel Dalmine a participé, de sorte que l’éventuelle absence de preuves des effets anticoncurrentiels du comportement individuel de Dalmine est sans influence sur la constatation de l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée dans son chef (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 44 supra, points 1085 à 1088, ainsi que point 147 ci-dessus, et la jurisprudence citée). De plus, la Commission a invoqué, à titre principal, des preuves documentaires, notamment aux considérants 62 à 67 de la décision attaquée, pour établir le fait que Dalmine a participé à ladite infraction (voir également point 152 ci-dessus).

162   Quant au fait que Dalmine prétend avoir gardé sa liberté d’action en pratique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu’une entreprise participe à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel, et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré qu’elle participe à l’entente en question (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, point 98 ; du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T‑141/89, Rec. p. II‑791, points 85 et 86, et Ciment, point 44 supra, point 1353).

163   Il résulte de ce qui précède que le présent moyen ne saurait être retenu. En conséquence, la demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée doit être rejetée.

 Sur l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée

 Sur les clauses du contrat d’approvisionnement conclu entre Corus et Dalmine

–       Arguments des parties

164   Dalmine récuse les appréciations de la Commission concernant le caractère illicite de certaines clauses du contrat d’approvisionnement conclu avec Corus. Au considérant 153 de la décision attaquée, la Commission semblerait avoir indiqué que, quand bien même les contrats d’approvisionnement de Corus ne seraient pas des mesures d’exécution des Règles fondamentales, concernant le respect des marchés nationaux, conclues dans le cadre du club Europe-Japon, certaines de leurs dispositions seraient en tout état de cause prohibées par l’article 81, paragraphe 1, CE.

165   En premier lieu, elle conteste l’appréciation juridique qui a été faite des clauses relatives à la détermination des quantités de marchandises vendues à Corus.

166   Au considérant 153 de la décision attaquée, la Commission affirmerait que, « en définissant les quantités [de tubes lisses] à livrer à [Corus] en termes de pourcentages au lieu de quantités fixes, Vallourec, [Mannesmann] et Dalmine s’engageaient en faveur d’un concurrent à livrer des quantités inconnues à l’avance », ce que la requérante conteste.

167   Dalmine expose que, les besoins de Corus fluctuant de manière imprévisible en fonction de l’évolution de la demande, Corus ne pouvait prendre le risque de s’engager sur une période de cinq ans à acquérir une quantité annuelle fixe de tubes lisses.

168   Par ailleurs, Dalmine dément s’être engagée à fournir à Corus des quantités indéterminées de tubes lisses. L’article 4 du contrat d’approvisionnement prévoirait en effet comment ces quantités étaient fixées par les parties. Cette clause stipulerait en effet :

« Pour toute demande particulière pour le mois calendaire, [Corus] confirmera chaque mois le tonnage demandé trois mois à l’avance (par exemple, elle confirmera fin janvier le tonnage d’avril). [Corus] précisera alors les détails de la commande du tonnage mensuel deux mois à l’avance (par exemple, elle confirmera à la fin février les détails de la commande d’avril). Les changements concernant les détails de la commande seront acceptés par Dalmine jusqu’à 10 jours avant le mois calendaire de fabrication. Des changements ultérieurs ne pourront être effectués après l’expiration de ce délai que par accord écrit entre les parties. »

169   Cette clause prévoirait encore :

« Des réunions formelles sur les liaisons opérationnelles et techniques auront lieu chaque mois entre [Corus] et Dalmine de manière à assurer des fournitures régulières, et à établir un programme prévisionnel de livraisons (au moins trois mois à l’avance). »

170   Dalmine conteste ainsi avoir renoncé à profiter d’une éventuelle augmentation de la demande des tubes filetés en contrepartie de l’allocation d’une quotité de l’approvisionnement de Corus en tubes lisses.

171   Premièrement, le marché des tubes filetés lui serait fermé puisque, d’une part, la technique de raccord VAM est contrôlée par Vallourec et que, d’autre part, sa production de tubes filetés standard est minime. Ainsi, Dalmine prétend qu’on ne pouvait lui reprocher de ne pas faire concurrence à Corus sur le marché britannique des tubes filetés « premium », marché dont elle est en tout état de cause absente.

172   Deuxièmement, Dalmine rejette l’allégation figurant au considérant 153 de la décision attaquée, selon laquelle elle ne se serait pas engagée aux côtés de Mannesmann à livrer des quantités indéterminées de tubes lisses à Corus si, par ailleurs, elle n’avait pas bénéficié de l’assurance que cette dernière n’allait pas en profiter pour augmenter ses parts de marché pour les tubes filetés. Cette assurance aurait, selon la décision attaquée, pris la forme d’une faculté de résiliation reconnue à la requérante en cas de pertes comptables [voir article 9, sous c), du contrat d’approvisionnement conclu entre Dalmine et Corus]. Dalmine conteste cette interprétation. La clause de résiliation ne concernerait pas l’hypothèse de pertes dues à l’impossibilité de profiter directement d’une augmentation de la demande pour les tubes filetés. Elle viserait, au contraire, l’hypothèse de pertes liées à une baisse prolongée de la demande pour ces produits et, par conséquent, de la consommation de tubes lisses par Corus.

173   En second lieu, Dalmine conteste l’interprétation avancée par la Commission concernant la détermination du prix contractuel. Selon la décision attaquée (considérant 153), Corus aurait été tenue de communiquer à Mannesmann et à Dalmine les prix ainsi que les quantités de tubes filetés vendues, alors qu’il s’agit de données confidentielles. En outre, la décision attaquée critiquerait le fait que le prix des tubes lisses dépendait du prix auquel Corus les revendait après filetage.

174   Ces appréciations seraient sans fondement et insuffisamment motivées. S’agissant du prétendu échange d’informations confidentielles, Dalmine précise que Corus ne lui communiquait pas le prix de vente des tubes filetés qu’elle commercialisait. Il serait vrai que ce prix était une des données reprises dans la formule mathématique de calcul du prix payé par Corus pour les tubes lisses. Toutefois, ce serait Corus qui était responsable de ce calcul dont Dalmine ne connaissait que le résultat final. En cas de désaccord sur le prix ainsi calculé, Dalmine rappelle qu’elle pouvait recourir à un tiers indépendant. Ce mécanisme aurait ainsi permis de sauvegarder le caractère confidentiel des prix pratiqués par Corus.

175   La Commission défend son analyse sur le caractère restrictif de concurrence du mécanisme contractuel de détermination des quantités de marchandises vendues.

176   S’agissant de la validité de la clause relative à la détermination du prix contractuel, la Commission souligne que la formule adoptée faisait dépendre les prix des tubes lisses de ceux des tubes filetés. Dès lors, Vallourec, Mannesmann et Dalmine n’auraient pas eu intérêt à livrer concurrence à Corus sur les prix des tubes filetés au Royaume‑Uni.

177   La Commission se déclare convaincue que la formule de calcul du prix des tubes lisses, visée à l’article 6 du contrat d’approvisionnement en cause, prenait en compte des informations que des entreprises concurrentes ne devaient pas s’échanger.

–       Appréciation du Tribunal

178   L’objet et l’effet des trois contrats d’approvisionnement sont décrits par la Commission au considérant 111 de la décision attaquée :

« L’objet de ces contrats était l’approvisionnement en tubes lisses du ‘leader’ du marché des OCTG dans la mer du Nord et leur but était de maintenir un producteur national au Royaume-Uni en vue d’obtenir un respect des ‘fundamentals’ dans le cadre du club Europe-Japon. Ces contrats ont eu pour objet et effet principal une répartition entre [Mannesmann], Vallourec et Dalmine de tous les besoins de leur concurrent [Corus] (Vallourec à partir de 1994). Ils faisaient dépendre les prix d’achat des tubes lisses des prix des tubes filetés par [Corus]. Ils comportaient aussi une limitation à la liberté d’approvisionnement de [Corus] (Vallourec à partir de février 1994) et obligeaient ce dernier à communiquer à ses concurrents les prix de vente pratiqués ainsi que les quantités vendues. Par ailleurs, [Mannesmann], Vallourec (jusqu’en février 1994) et Dalmine s’engageaient à livrer à un concurrent ([Corus], puis Vallourec à partir de mars 1994) des quantités inconnues à l’avance. »

179   Les termes des contrats d’approvisionnement produits devant le Tribunal, notamment celui conclu par Dalmine avec Corus le 4 décembre 1991, confirment, en substance, les données factuelles invoquées au considérant 111, ainsi qu’aux considérants 78 à 82 et 153 de la décision attaquée. Pris ensemble, ces contrats répartissent, du moins à partir du 9 août 1993, les besoins de Corus en tubes lisses entre les trois autres producteurs européens (40 % pour Vallourec, 30 % pour Dalmine et 30 % pour Mannesmann). En outre, chacun d’eux prévoit la fixation du prix payé par Corus pour les tubes lisses en fonction d’une formule mathématique qui prend en compte le prix qu’elle obtenait pour ses tubes filetés.

180   Il découle de ces constatations que l’objet et/ou, à tout le moins, l’effet des contrats d’approvisionnement était de substituer une répartition négociée du bénéfice à tirer des ventes de tubes filetés pouvant être réalisées sur le marché britannique aux risques de la concurrence à tout le moins entre les quatre producteurs européens (voir, par analogie en ce qui concerne les pratiques concertées, arrêt Ciment, point 44 supra, point 3150).

181   Par chacun des contrats d’approvisionnement, Corus a lié ses trois concurrents communautaires de manière telle que toute concurrence effective ou potentielle de leur part sur son marché domestique a disparu, au prix du sacrifice de sa liberté d’approvisionnement. En effet, ces derniers perdaient des ventes de tubes lisses si les ventes de tubes filetés réalisées par Corus devaient baisser. Par ailleurs, la marge bénéficiaire réalisée sur les ventes de tubes lisses que les trois fournisseurs se sont engagés à faire se réduisait également en fonction du prix obtenu par Corus pour ses tubes filetés et pouvait même se transformer en perte. Dans ces conditions, il était pratiquement inconcevable que ces trois producteurs cherchent à livrer une concurrence effective à Corus sur le marché britannique des tubes filetés, notamment sur les prix (voir considérant 153 de la décision attaquée).

182   À l’inverse, en acceptant de conclure de tels contrats, chacun des trois concurrents communautaires de Corus s’est assuré une participation indirecte sur le marché domestique de cette dernière ainsi qu’une part des bénéfices qui en découlent. Pour obtenir ces avantages, ils ont renoncé, de fait, à la possibilité de vendre des tubes filetés sur le marché britannique ainsi que, à tout le moins à partir de la signature du troisième contrat, le 9 août 1993, allouant les 30 % restants à Mannesmann, à celle de fournir une proportion plus importante des tubes lisses achetés par Corus que celle qui a été allouée à chacun d’eux à l’avance.

183   De plus, les concurrents de Corus ont accepté l’obligation onéreuse, et partant commercialement anormale, de fournir à celle-ci des quantités de tubes qui n’étaient définies à l’avance que par référence aux ventes de tubes filetés réalisées par cette dernière. Cette obligation a renforcé l’interdépendance entre ces producteurs et Corus, dans la mesure où ceux-là dépendaient, en tant que fournisseurs obligés, de la politique commerciale poursuivie par celle-ci. L’argument de Dalmine selon lequel les quantités de tubes à fournir étaient fixées trois mois à l’avance, selon les modalités prévues à l’article 4 de son contrat d’approvisionnement conclu avec Corus, est sans pertinence dès lors que cette disposition ne permettait pas à Dalmine de limiter les quantités de tubes lisses à fournir, celles-ci dépendant exclusivement des besoins de Corus.

184   À supposer même que l’analyse de la Commission, reprise au premier tiret du considérant 153 de la décision attaquée, relative à la possibilité de résilier le contrat ne soit pas fondée, cette circonstance n’aurait aucune incidence sur le caractère anticoncurrentiel des contrats conclus par Corus et les trois autres producteurs communautaires dont, notamment, Dalmine. Dès lors, il n’est pas nécessaire de résoudre ce différend accessoire d’ordre factuel dans le cadre de la présente procédure.

185   Force est de constater que, si les contrats d’approvisionnement n’avaient pas existé, les producteurs européens concernés autres que Corus auraient normalement eu, abstraction faite des Règles fondamentales, un intérêt commercial réel ou à tout le moins potentiel à concurrencer celle-ci sur le marché britannique des tubes filetés ainsi qu’à se concurrencer entre elles pour approvisionner Corus en tubes lisses.

186   Quant aux arguments de Dalmine relatifs aux obstacles pratiques qui s’opposaient à ce qu’elle vende directement des tubes OCTG premium et standard sur le marché britannique, ces obstacles ne suffisent pas à démontrer qu’elle n’aurait jamais pu effectuer des ventes de ce produit sur ledit marché en l’absence du contrat d’approvisionnement qu’elle a conclu avec Corus et, ensuite, Vallourec. En effet, à supposer que les conditions aient évolué de manière positive sur le marché britannique des tubes OCTG, il ne saurait être exclu que Dalmine aurait pu obtenir une licence lui permettant de commercialiser des tubes filetés « premium » sur ce marché ou qu’elle aurait pu augmenter sa production de tubes OCTG standard afin de les y vendre. Il s’ensuit que, en signant le contrat d’approvisionnement en cause, elle a effectivement accepté des limites à sa politique commerciale, conformément à l’analyse effectuée aux points 182 à 185 ci-dessus.

187   À cet égard, il convient de relever, en outre, que chacun des contrats a été conclu pour une durée initiale de cinq ans. Cette durée relativement longue confirme et renforce le caractère anticoncurrentiel de ces contrats, en particulier dans la mesure où Dalmine et les deux autres fournisseurs de Corus ont renoncé à la possibilité d’exploiter de manière directe une éventuelle croissance du marché britannique des tubes filetés au cours de cette période.

188   Par ailleurs, comme le relève la Commission, au considérant 111 de la décision attaquée, la formule de fixation du prix des tubes lisses, prévue dans chacun des trois contrats d’approvisionnement, impliquait un échange illicite d’informations commerciales (voir considérant 153 de la décision attaquée) qui doivent rester confidentielles sous peine de compromettre l’autonomie de la politique commerciale des entreprises concurrentes (arrêts du Tribunal Thyssen Stahl/Commission, point 147 supra, point 403, et du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629, points 383 et suivants).

189   L’argumentation de Dalmine selon laquelle les informations relatives aux prix payés par les clients de Corus n’étaient pas divulguées à ses fournisseurs ne saurait disculper les signataires des contrats d’approvisionnement dans les circonstances du cas d’espèce.

190   Il est exact que Corus ne communiquait pas le prix qu’elle recevait pour ses tubes filetés à ses cocontractants en tant que tel. Par conséquent l’affirmation figurant au considérant 111 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats d’approvisionnement « obligeaient [Corus] à communiquer à ses concurrents les prix de vente pratiqués […] », exagère la portée des obligations contractuelles à cet égard. Toutefois, la Commission a relevé, à juste titre, au considérant 153 de la décision attaquée et devant le Tribunal, que le prix des tubes filetés était en rapport mathématique avec le prix payé pour les tubes lisses, de sorte que les trois fournisseurs concernés recevaient des indications précises sur le sens, le moment et l’ampleur de toute fluctuation des prix des tubes filetés vendus par Corus.

191   Force est de constater non seulement que la communication de ces informations à des concurrents viole l’article 81, paragraphe 1, CE, mais que, de plus, la nature de cette violation est en substance la même, que ce soient les prix des tubes filetés eux-mêmes ou uniquement des informations concernant leur fluctuation qui ont fait l’objet de cette communication. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’inexactitude relevée au point précédent est insignifiante dans le contexte plus large de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée et que, par conséquent, elle n’a aucune incidence sur la constatation de l’existence de cette infraction.

192   À la lumière de ce qui précède, l’ensemble des griefs relatifs aux termes du contrat d’approvisionnement conclu par Dalmine avec Corus doivent être rejetés.

 Sur les moyens relatifs à l’existence d’une entente et à la participation de Dalmine à celle-ci

–       Arguments des parties

193   Dalmine conteste que les contrats d’approvisionnement conclus avec Corus soient le fruit d’une entente. Elle expose avoir conclu, puis reconduit, un contrat d’approvisionnement avec Corus uniquement dans le but d’accroître ses ventes de tubes lisses sur le marché britannique. Il s’agirait d’un objectif commercial parfaitement légitime que la Commission a préféré ignorer, se bornant à examiner la position de Corus sur le marché en cause (considérant 152 de la décision attaquée).

194   Dalmine récuse l’interprétation des pièces citées au considérant 80 de la décision attaquée par laquelle la Commission insinue que les contrats d’approvisionnement de Corus avaient pour objet de maintenir les prix sur le marché britannique à un niveau artificiellement élevé. Les pièces sur lesquelles se fonde la Commission seraient antérieures à la conclusion des contrats d’approvisionnement et ne feraient qu’envisager des hypothèses. En réalité, il ressortirait simplement des pièces en question que Vallourec estimait, en 1990, que, en réservant un traitement préférentiel aux producteurs européens sur le marché britannique, il serait possible de maintenir les prix à un niveau élevé. De même, ces pièces démontreraient que Corus n’excluait pas la possibilité de se fournir auprès de la société UTM, de Siderca et de la société Tubos de Acero de México SA (voir la note intitulée « Réunion du 24.7.90 avec British Steel »).

195   Dalmine s’oppose également à l’analyse de la Commission portant sur les délais de livraison. Le délai de cinq à six semaines exigé par Corus n’aurait pu être respecté que par des entreprises européennes, tant en raison du transport des produits en cause que du temps nécessaire à la production après la réception d’une commande définitive. La requérante rappelle, à cet égard, que Corus lui imposait d’accepter des modifications de commandes jusqu’à dix jours avant le mois de fabrication. Dans de telles circonstances, il serait contradictoire pour la Commission de considérer que les délais de livraison n’étaient pas cruciaux et, par ailleurs, de reprocher aux producteurs de s’être engagés à fournir des quantités de marchandises indéterminées.

196   Ensuite, Dalmine conteste la force probante de ces éléments de preuve, en particulier ceux mentionnés aux considérants 78 et 80 de la décision attaquée. La Commission se serait fondée sur une lecture erronée des pièces en cause. Loin d’établir la véracité de faits allégués par la Commission, les documents internes de Vallourec invoqués se borneraient à émettre des hypothèses quant aux conséquences de la fermeture par Corus de son site de production de Clydesdale. Rien ne permettrait de déceler dans ces pièces l’existence d’un accord de partage du marché britannique.

197   Dalmine fait valoir que l’hypothèse d’une entente est contredite par le fait que Mannesmann a conclu un contrat d’approvisionnement avec Corus trois ans après les discussions tenues en 1990 entre cette dernière et Vallourec, sur lesquelles repose la thèse de l’existence d’un accord illicite défendue par la Commission.

198   Dalmine dément avoir participé à un accord avec les autres producteurs européens en vue du partage du marché britannique à supposer même que celui-ci ait existé. Elle rappelle que, selon la décision attaquée, Vallourec et Corus se sont, entre 1990 et 1991, entendues pour que cette dernière réserve son approvisionnement aux producteurs communautaires (voir considérant 110 de la décision attaquée). Ainsi qu’il résulte de la décision attaquée, ces discussions n’impliquaient pas la requérante et la Commission ne pourrait, dès lors, lui reprocher d’avoir participé à cet accord. Ainsi, la Commission ne saurait lui faire grief d’avoir conclu un contrat d’approvisionnement avec Corus le 4 décembre 1991.

199   Dalmine souligne que les éléments de preuve invoqués au soutien de la thèse de la Commission concernent uniquement Vallourec et Corus (voir considérants 78, 91, 110, 146 et 152 de la décision attaquée). Dalmine estime ne pas être en mesure de se défendre effectivement à l’encontre de tels éléments qui se rapportent exclusivement à des tiers.

200   Ensuite, Dalmine conteste les appréciations de la Commission selon lesquelles elle aurait adhéré ultérieurement à l’accord conclu entre Vallourec et Corus, lorsque cette dernière a envisagé de se retirer du marché et de céder ses activités de production de tubes sans soudure. Les éléments invoqués au considérant 91 de la décision attaquée feraient état d’une réunion entre Corus, Mannesmann, Vallourec et Dalmine, qui s’est déroulée le 29 janvier 1993. Or, ces discussions précéderaient la conclusion, le 9 août 1993, d’un contrat d’approvisionnement entre Mannesmann et Corus. Dalmine infère de cette circonstance qu’il n’existait aucun accord entre les producteurs européens le 29 janvier 1993. Par ailleurs, la Commission semblerait reprocher à la requérante d’avoir consenti à l’acquisition par Vallourec des activités de Corus. La requérante souligne être totalement étrangère à cette opération. En revanche, elle indique que son intérêt était de conserver un débouché sur le marché britannique et que, dans cette perspective, elle souhaitait continuer de vendre des tubes lisses sur le marché britannique après l’acquisition par Vallourec des activités de Corus.

201   En outre, la Commission avait décelé l’existence d’une entente dans la décision de Vallourec de renouveler, après son achat des activités de production de tubes sans soudure de Corus, les contrats d’approvisionnement antérieurement conclus par cette dernière avec Mannesmann et Dalmine, ce que cette dernière réfute. La requérante souligne en effet qu’il s’agit là d’un choix de Vallourec sur lequel elle ne pouvait influer et que les parties se sont déterminées librement selon leurs propres intérêts commerciaux.

202   Enfin, Dalmine affirme que les effets sur le marché du contrat d’approvisionnement qu’elle a conclu avec Corus sont insignifiants. Sur les quelque 20 400 tonnes de tubes lisses qu’elle a vendues sur le marché britannique, seulement 20 % auraient été transformés en tubes OCTG filetés standard (voir annexe 2 de la décision attaquée). Ces derniers n’auraient représenté que 3 % de la consommation britannique, 1,4 % de la consommation communautaire et 0,08 % de la consommation mondiale.

203   La Commission réfute ces arguments. Selon elle, aucun intérêt légitime de Corus n’aurait requis la conclusion des contrats en cause.

204   La Commission affirme que ces contrats d’approvisionnement s’inscrivaient dans le contexte des Règles fondamentales, visant au respect des marchés nationaux, convenues dans le cadre du club Europe-Japon (considérant 146 de la décision attaquée). Lorsque, en 1990, Corus a partiellement abandonné la production de certains tubes sans soudure, la clause de protection pour le Royaume-Uni aurait risqué de devenir caduque. Corus et Vallourec auraient évoqué ce problème au mois de juillet 1990, lors de leurs négociations relatives à la reconduction du contrat par lequel Vallourec avait accordé à Corus une licence portant sur l’utilisation de la technique de raccord VAM.

205   La Commission estime avoir rapporté, à suffisance de droit, la preuve de l’existence d’une entente entre ces deux entreprises. Elle renvoie, à cet égard, à la note intitulée « Réunion du 24.7.90 avec British Steel » de Vallourec invoquée notamment au considérant 80 de la décision attaquée. La note de Vallourec « Réflexions stratégiques », mentionnée au même considérant, conforterait également la thèse de la Commission.

206   La Commission rejette l’argument pris du temps écoulé entre, d’une part, les discussions de 1990 entre Vallourec et Corus et, d’autre part, la signature du contrat entre cette dernière et Mannesmann, le 9 août 1993. Elle relève que rien ne permet, en l’espèce, d’exclure l’existence d’une entente avant la passation du contrat d’approvisionnement par Mannesmann. La Commission souligne que, en tout état de cause, l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE est applicable à tout accord, quelle que soit sa forme. Elle rappelle avoir amplement démontré l’existence d’un accord de respect des marchés nationaux dans le cadre de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

207   En outre, il ressortirait clairement des éléments de preuve invoqués aux considérants 65, 67, 84 et 91 de la décision attaquée que les discussions qui ont eu lieu entre Vallourec et Corus en 1990, concernant les conséquences du retrait progressif du marché de cette dernière et la fermeture de son usine de Clydesdale, étaient intimement liées à l’accord de respect des marchés nationaux.

208   Dalmine, qui a adhéré à l’accord de respect des marchés nationaux, aurait déclaré que les problèmes nés de la restructuration de Corus devaient être résolus au niveau européen, et a estimé opportun de conclure un contrat d’approvisionnement avec Corus concomitamment à ceux conclus par Vallourec et par Mannesmann. Dalmine aurait été manifestement consciente du fait que la conclusion d’un tel contrat d’approvisionnement contribuait à la mise en oeuvre de l’accord de respect des marchés nationaux et à la coordination de son activité avec celle de ses concurrents directs.

–       Appréciation du Tribunal

209   Il y a lieu de constater tout d’abord que, l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée étant fondée sur les restrictions de la concurrence contenues dans les contrats d’approvisionnement de Corus eux-mêmes, les considérations relatives à ces contrats faites ci-dessus dans le cadre des moyens précédents suffisent à établir son existence.

210   En effet, quel que soit le véritable degré de concertation ayant existé entre les quatre producteurs européens, force est de constater que chacun d’eux a signé un des contrats d’approvisionnement restreignant la concurrence et s’inscrivant dans l’infraction à l’article 81 CE retenue à l’article 2 de la décision attaquée. Si l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée décrit les contrats d’approvisionnement comme ayant été conclus « dans le cadre de l’infraction mentionnée à l’article premier », il ressort clairement des termes de son considérant 111 que c’est le fait d’avoir conclu ces contrats anticoncurrentiels qui constitue en lui-même l’infraction constatée à l’article 2.

211   Ainsi, à supposer même que Dalmine ait réussi à démontrer que la conclusion de son contrat de fourniture avec Corus était objectivement conforme à son intérêt commercial, cette circonstance n’infirmerait nullement la thèse de la Commission suivant laquelle cet accord était illégal. En effet, les pratiques anticoncurrentielles sont très souvent dans l’intérêt commercial individuel des entreprises, du moins à court terme. À la lumière de ces constatations, il n’est pas nécessaire de résoudre le différend entre les parties relatif à l’importance pour Corus des délais de livraison, dès lors que l’argumentation avancée à cet égard par Dalmine a pour but de démontrer qu’il était commercialement logique du point de vue de Corus de disposer de trois fournisseurs européens.

212   L’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée étant établie à suffisance de droit, il n’est pas strictement nécessaire d’examiner le raisonnement de la Commission quant à la concertation entre les quatre producteurs européens. De même, il n’est pas besoin d’analyser, aux fins de l’examen du présent moyen, tous les arguments soulevés par Dalmine par rapport au faisceau d’indices extérieurs aux contrats d’approvisionnement invoqué par la Commission pour démontrer la réalité de cette concertation.

213   Toutefois, dans la mesure où le degré de concertation entre les quatre producteurs communautaires en ce qui concerne l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée est pertinent pour l’examen de certains des autres moyens soulevés en l’espèce, il convient de l’examiner.

214   Il y a lieu de relever dans ce contexte que des comportements qui s’inscrivent dans un plan global et poursuivent un objectif anticoncurrentiel commun peuvent être considérés comme relevant d’un accord unique (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 44 supra, point 4027). En effet, si la Commission démontre qu’une entreprise, lorsqu’elle a participé à des ententes, a su ou aurait dû savoir que, ce faisant, elle s’intégrait dans le cadre d’un accord unique, sa participation aux ententes concernées peut constituer l’expression de son adhésion à cet accord (voir, en ce sens, arrêt Ciment, précité, points 4068 et 4109).

215   À cet égard, le document « Réflexions contrat VAM », daté du 23 mars 1990, est particulièrement pertinent. Sous l’intitulé « Scénario II », M. Verluca, dirigeant de Vallourec, y prévoit la possibilité d’« obtenir des Japonais qu’ils n’interviennent pas sur [le] marché UK et que le problème se règle entre Européens ». Il poursuit : « [d]ans ce cas on partagerait effectivement les tubes lisses entre [Mannesmann], [Vallourec] et Dalmine ». Au paragraphe suivant, il relève qu’« on aurait probablement intérêt à lier les ventes de [Vallourec] à la fois au prix et au volume du VAM vendu par [Corus] ».

216   Étant donné que cette dernière proposition reflète avec précision les termes essentiels du contrat conclu entre Vallourec et Corus seize mois plus tard, il apparaît clairement que cette stratégie a effectivement été retenue par Vallourec et que ledit contrat a été signé pour la mettre en oeuvre.

217   De plus, le fait qu’un contrat pratiquement identique ait ensuite été signé entre Corus, d’une part, et chacun des autres membres européens du club Europe-Japon, d’autre part, soit Dalmine et, ensuite, Mannesmann, de sorte que les besoins de Corus en tubes lisses étaient effectivement répartis entre les trois autres membres européens du club Europe-Japon à partir d’août 1993, précisément comme M. Verluca l’avait envisagé, confirme que ces trois contrats ont dû être conclus dans le but de poursuivre la stratégie commune proposée dans le cadre de la concertation existante au sein dudit club.

218   Cette conclusion est étayée par les éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée, notamment à son considérant 91, lequel est rédigé comme suit :

« Le 21 janvier 1993, [Corus] a envoyé à Vallourec (il est vraisemblable qu’il ait été envoyé aussi à [Mannesmann] et à Dalmine) une ébauche de propositions en vue d’un accord sur la restructuration du secteur des tubes sans soudure, qui serait discuté lors d’une réunion à Heathrow, le 29 janvier 1993, entre Mannesmann/Vallourec/Dalmine/[Corus] ([p]age 4628 [du dossier de la Commission, soit la première page du document intitulé ‘Ébauche de propositions pour un accord de restructuration concernant les tubes sans soudure’]). Dans ce document, il est écrit : ‘[(Corus) a indiqué son intention de se retirer éventuellement du secteur des tubes sans soudure. Elle cherche à le faire d’une façon ordonnée et contrôlée, afin d’éviter toute rupture dans la fourniture de tubes à ses clients et d’aider les producteurs qui acquerront ce secteur à conserver les commandes (...) Des discussions ont eu lieu, au cours des six derniers mois, entre (Corus) et d’autres producteurs intéressés par l’acquisition d’actifs de (Corus), et celle-ci pense qu’il existe un consensus sur la ligne d’action décrite dans ce document]’. Une des propositions consistait à transférer à Vallourec les activités [relatives aux tubes] OCTG tout en maintenant les contrats d’approvisionnement en tubes lisses en vigueur entre [Corus] et Vallourec, [Mannesmann] et Dalmine, en gardant les mêmes proportions. Ce même jour, une réunion a eu lieu entre [Mannesmann] et [Corus] au cours de laquelle [Mannesmann] ‘[a accepté que Vallourec prenne la tête en ce qui concerne l’acquisition du secteur OCTG]’ ([p]age 4626 [du dossier de la Commission, soit la page unique d’une télécopie envoyée le 22 janvier 1993 par M. Davis de Corus à M. Patrier de Vallourec]). Le document de Dalmine intitulé [‘Système pour les tubes en acier sans soudure en Europe et évolution du marché’ (‘Seamless Steel tube System in Europe and Market Evolution’) et repris à la page 2051 du dossier de la Commission (page 2053 [du dossier de la Commission])], de mai-août 1993 faisait état de ce qu’une solution au problème [Corus] utile à tous ne pouvait être trouvée que dans un contexte européen ; le fait que Vallourec acquérait les installations de [Corus] était aussi admis par Dalmine. »

219   Il convient de relever, en outre, que, dans sa note « Réflexions stratégiques », citée au considérant 80 de la décision attaquée, Vallourec a envisagé explicitement que Dalmine et Mannesmann se concertent avec elle pour fournir des tubes lisses à Corus. De plus, au considérant 59 de la décision attaquée, la Commission s’appuie sur le document « g) Japonais », notamment sur le calendrier qui figure à la quatrième page de celui-ci (page 4912 du dossier de la Commission), pour relever que les producteurs européens tenaient des réunions préparatoires avant de rencontrer les producteurs japonais, afin de coordonner leurs positions et d’émettre des propositions communes dans le cadre du club Europe-Japon.

220   Il découle des preuves documentaires invoquées par la Commission dans la décision attaquée et rappelées ci-dessus que les quatre producteurs communautaires se sont effectivement rencontrés pour coordonner leur approche dans le cadre du club Europe-Japon avant les réunions intercontinentales de celui‑ci, à tout le moins en 1993. Il est établi également que la fermeture de l’entreprise de filetage de Corus à Clydesdale et sa reprise par Vallourec, ainsi que la fourniture de tubes lisses à cette entreprise par Dalmine et Mannesmann, ont fait l’objet des discussions tenues à l’occasion de ces réunions. Dès lors, il est inconcevable que Dalmine ait pu ignorer la teneur de la stratégie élaborée par Vallourec et le fait que son contrat d’approvisionnement avec Corus s’inscrivait dans un contexte anticoncurrentiel plus large affectant aussi bien les tubes filetés standard que les tubes lisses.

221   En ce qui concerne l’argument tiré par Dalmine du fait que le troisième contrat d’approvisionnement, conclu entre Corus et Mannesmann, a été conclu bien plus tard que les deux autres, de sorte que la Commission ne pouvait en déduire l’existence d’une infraction unique réunissant les quatre producteurs européens, il y a lieu de relever que l’absence d’un contrat entre Mannesmann et Corus avant 1993 ne saurait infirmer la thèse de la Commission par rapport à l’objectif visé par les trois autres producteurs, à savoir Corus, Vallourec et Dalmine, lorsqu’ils ont signé les deux autres contrats en 1991. En effet, si la stratégie de partage des fournitures de tubes lisses n’a été mise en oeuvre pleinement qu’à partir du moment où Corus avait trois fournisseurs, la signature de ces deux contrats couvrant 70 % de ses besoins en tubes lisses constituait une mise en oeuvre partielle mais importante de ce projet.

222   Par ailleurs, comme la Commission l’a relevé devant le Tribunal, la référence, dans le document intitulé « Ébauche de propositions pour un accord de restructuration concernant les tubes sans soudure », en date du 21 janvier 1993, au fait que Mannesmann fournissait déjà des tubes lisses à Corus, loin d’être impossible à concilier avec la signature d’un contrat d’approvisionnement par Corus et Mannesmann en août 1993 comme le fait valoir Dalmine, renforce l’analyse de la Commission. En effet, si la Commission n’a retenu l’infraction constatée à l’article 2 de la décision attaquée à l’encontre de Mannesmann qu’à partir du 9 août 1993 par prudence, dès lors que sa signature d’un contrat d’approvisionnement avec Corus à cette date était une preuve certaine de sa participation à l’infraction, il découle de la référence évoquée ci-dessus que, en réalité, Mannesmann a dû être un fournisseur de tubes lisses de Corus dès janvier 1993.

223   Ainsi, il ressort des éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée que Vallourec a conçu la stratégie de protection du marché du Royaume-Uni et conclu un contrat d’approvisionnement avec Corus qui permettait, notamment, dans un premier temps de la mettre en oeuvre. Ensuite, Dalmine et Mannesmann se sont jointes à elles, ce dont atteste la conclusion par chacune de ces deux entreprises d’un contrat d’approvisionnement avec Corus.

224   À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a considéré à juste titre, dans la décision attaquée, que les contrats d’approvisionnement constituaient l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée et établissaient donc son existence à suffisance de droit. Il convient de relever également, à toutes fins utiles, que les éléments de preuve complémentaires retenus par la Commission confirment la justesse de sa thèse suivant laquelle ces contrats s’inscrivaient dans une politique européenne commune plus large affectant les tubes OCTG filetés standard.

225   Enfin, quant aux allégations relatives au caractère peu important des effets anticoncurrentiels du contrat conclu entre Dalmine et Corus, il suffit de relever que cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur l’existence de l’infraction constatée à l’article 2 de la décision attaquée, dès lors que l’objet anticoncurrentiel du contrat, et de la stratégie qu’il contribuait à mettre en œuvre, a été établi.

226   Par conséquent, les moyens relatifs à l’existence d’une entente et à la participation de Dalmine à celle-ci sont rejetés.

 Sur les moyens relatifs au marché pertinent et au lien existant avec l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée

–       Arguments des parties

227   Dalmine fait valoir que les contrats d’approvisionnement de Corus concernaient des produits qui ne relevaient pas du marché pertinent. Dès lors, la Commission ne pouvait valablement, s’agissant de ces contrats, conclure à l’existence d’une restriction à la concurrence sur ce marché.

228   Elle précise que la Commission a estimé que les contrats d’approvisionnement de Corus s’inscrivaient dans le cadre de l’accord de respect des marchés déclaré illégal à l’article 1er de la décision attaquée. Une telle appréciation impliquerait, en toute logique, que ces contrats affectent la concurrence sur le même marché de produits que l’accord visé à l’article 1er de la décision attaquée. Or, Dalmine affirme que tel n’est pas le cas : les contrats d’approvisionnement auraient concerné des produits différents de ceux appréhendés par l’accord visé à l’article 1er de la décision attaquée. Ils auraient porté, en effet, à raison de 80 %, sur des tubes lisses destinés à être transformés en tubes OCTG premium, alors que l’accord conclu dans le cadre du club Europe-Japon ne concernait que les tubes OCTG standard. Le raisonnement de la Commission serait donc erroné et la décision attaquée insuffisamment motivée.

229   Dalmine soutient que les contrats d’approvisionnement conclus avec Corus n’étaient pas des mesures d’exécution de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée. Elle allègue que le prétendu accord conclu entre Vallourec et Corus ne pouvait avoir pour objet d’interdire l’accès des producteurs japonais, puisque ces derniers disposaient déjà de parts de marché importantes au Royaume-Uni. De surcroît, les preuves invoquées par la Commission montreraient que Vallourec n’était pas convaincue que la fermeture de l’usine de Clydesdale pourrait accroître la concurrence des producteurs japonais sur ce marché.

230   Dalmine fait observer que, dès 1991, Corus s’approvisionnait en tubes lisses auprès de producteurs étrangers. Dès lors, il ne saurait plus être question de production « nationale » au Royaume-Uni, telle qu’envisagée par le volet des Règles fondamentales concernant le respect des marchés nationaux dans le cadre du club Europe-Japon. Ainsi, dans le tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée, il serait erroné d’intégrer les ventes de tubes lisses effectuées par Vallourec, Mannesmann et Dalmine à Corus dans la part du « producteur national ».

231   Subsidiairement, Dalmine fait valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que son contrat d’approvisionnement avec Corus est rattachable à l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée, tout vice affectant les motifs sur lesquels repose la constatation de l’infraction constatée à l’article 2 affecterait également la validité de l’article 1er.

232   La Commission considère avoir amplement exposé, aux considérants 146 à 155 de la décision attaquée, le mécanisme par lequel les contrats d’approvisionnement visaient à mettre en oeuvre les Règles fondamentales concernant le respect des marchés nationaux arrêtées dans le cadre du club Europe-Japon.

233   S’agissant des allégations de Dalmine fondées sur le niveau des prix au Royaume‑Uni, la Commission réitère que celui-ci était élevé.

–       Appréciation du Tribunal

234   Il convient de relever d’abord que la Commission a constaté l’existence de deux infractions distinctes affectant deux marchés de produits voisins, aux articles 1er et 2 de la décision attaquée, respectivement. Ainsi, n’est nullement illicite en soi le fait que le marché pertinent aux fins de la constatation de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée est celui des tubes lisses, alors que le marché pertinent aux fins de la constatation de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est celui des tubes OCTG filetés standard, conformément aux définitions des marchés en cause figurant au considérant 29 de celle-ci.

235   À cet égard, aucune règle de droit communautaire ne s’oppose à ce que la Commission constate l’existence de deux infractions distinctes à l’article 81, paragraphe 1, CE dans une seule et même décision. En effet, les situations économiques appréhendées peuvent être complexes, de sorte que deux marchés autonomes mais connexes peuvent être affectés par deux infractions qu’il est logique de sanctionner dans une seule et même décision parce que ces dernières sont, elles aussi, distinctes mais connexes.

236   Ainsi, en l’espèce, la Commission a décrit une situation dans laquelle des accords entre des producteurs européens affectant le marché britannique des tubes lisses ont été conçus, du moins en partie, dans le but de protéger des importations japonaises le marché britannique, en aval, des tubes filetés OCTG standard. La Commission n’aurait pu rendre compte de manière suffisante de l’ensemble des circonstances qu’elle a découvertes au cours de son enquête sans aborder les différentes pratiques anticoncurrentielles existant sur ces deux marchés liés (voir, par analogie, bien que sous pourvoi, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, points 142 à 147 et 154 à 162).

237   Quant aux critiques formulées par Dalmine par rapport au lien existant entre les deux infractions sanctionnées, elles ne peuvent avoir une incidence sur le bien-fondé de l’article 2 de la décision attaquée, dès lors que l’infraction qui y est constatée est établie à suffisance de droit sur la base des seuls termes des contrats d’approvisionnement (voir points 178 à 192 ci‑dessus). Toutefois, il y a lieu d’examiner ces arguments dans la mesure où la Commission s’est appuyée sur le lien existant entre les deux infractions pour établir l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, et qu’elle l’a également invoqué, dans le cadre de son appréciation du montant des amendes, au considérant 164 de la décision attaquée.

238   Il ressort des termes du considérant 111, cité in extenso au point 178 ci‑dessus, que l’un des objectifs de l’entente qui y est décrite était effectivement la sauvegarde du marché britannique des tubes OCTG standard dans le cadre des Règles fondamentales, mais que celle-ci avait, en outre, un objet et des effets anticoncurrentiels distincts en ce qui concerne le marché britannique des tubes lisses. Il convient de considérer, dès lors, que la Commission a motivé l’aspect de son raisonnement relatif au lien existant entre les deux infractions constatées dans la décision attaquée à suffisance de droit.

239   S’agissant des arguments de Dalmine aux termes desquels Corus n’était plus un producteur national de tubes OCTG filetés standard dès lors qu’elle achetait ses tubes lisses à d’autres producteurs européens, il ressort des notes de Vallourec que leur auteur, M. Verluca, était plus optimiste quant à la possibilité de faire respecter les Règles fondamentales par les producteurs japonais, dans l’hypothèse où Corus accepterait de s’approvisionner exclusivement en tubes lisses d’origine communautaire plutôt que dans l’hypothèse où elle importerait des tubes lisses en provenance d’autres continents. Ainsi, Corus ayant décidé de fermer son usine de filetage à Clydesdale, la solution préconisée pour protéger le marché britannique, soit la transformation de tubes lisses d’origine britannique en tubes filetés, a été écartée, mais cela ne signifiait pas que toute tentative de maintenir la protection du marché britannique vis-à-vis des producteurs japonais était considérée comme impossible ainsi que le suppose Dalmine.

240   En revanche, il ressort du dossier que, pour Vallourec, il était nécessaire de chercher une autre solution qui permettrait de maintenir au mieux le statu quo. L’approvisionnement de Corus en tubes lisses d’origine exclusivement communautaire est la solution qui a été élaborée par Vallourec pour atteindre ce but. La question de savoir si elle a été efficace est sans importance, dès lors qu’il ressort des éléments de preuve qu’un des objectifs poursuivis par les producteurs européens en signant les contrats d’approvisionnement était le maintien du statut national du marché britannique vis-à-vis des producteurs japonais (voir points 213 et suivants ci‑dessus).

241   Pour ces mêmes raisons, il y a lieu de rejeter l’argumentation de Dalmine suivant laquelle il serait erroné de prendre en compte les ventes de tubes lisses effectuées par Vallourec, Mannesmann et Dalmine à Corus dans la part du « producteur national » dans le tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée. En effet, cette prise en compte correspond à l’assimilation des tubes lisses d’origine européenne filetés par Corus, et ensuite par TISL (filiale de Vallourec), à des tubes filetés d’origine britannique.

242   De plus, l’analyse de la Commission par rapport à l’infraction constatée à l’article 2 de la décision attaquée, telle qu’elle ressort du considérant 111 de celle-ci, n’est pas infirmée par le fait que seule une partie des tubes lisses visés par les contrats d’approvisionnement était transformée en tubes OCTG standard, l’autre partie étant destinée à la production de tubes OCTG filetés premium. En effet, à condition qu’il soit établi qu’une certaine proportion de ces tubes lisses a été transformée en tubes OCTG standard, l’existence d’un lien entre les deux infractions est établie, et, partant, l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée étaye celle de l’infraction constatée à son article 1er.

243   Or, selon Dalmine elle-même, 20 % des tubes lisses fournis dans le cadre du contrat d’approvisionnement conclu entre Corus et Dalmine étaient destinés à être transformés en tubes filetés standard. Les termes de ce contrat, ainsi que ceux des contrats conclus par Corus avec Vallourec et Mannesmann, confirment, en effet, chacun à son article 6, sous b), que les ventes de tubes OCTG standard (« buttress threaded casing ») et de tubes OCTG premium (« VAM ») étaient prises en compte aux fins de calculer le prix que Corus devait payer pour les tubes lisses, mode de calcul qui n’a un sens que si une certaine proportion des tubes lisses ainsi fournis devait être transformée en tubes OCTG standard.

244   Toutefois, il convient de constater, à toutes fins utiles, que l’affirmation de la Commission, figurant à la première phrase du considérant 164 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats d’approvisionnement, qui sont constitutifs de l’infraction retenue à son article 2, n’étaient qu’un moyen de mise en œuvre de celle retenue à son article1er est excessive, dès lors que cette mise en oeuvre était un objectif de la deuxième infraction parmi plusieurs objectifs et effets anticoncurrentiels liés mais distincts. En effet, le Tribunal a jugé dans son arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 111 supra (points 569 et suivants), que la Commission a méconnu le principe d’égalité de traitement en ce qu’elle n’a pas tenu compte de l’infraction constatée à l’article 2 de la décision attaquée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées aux producteurs européens malgré le fait que l’objet et les effets de ladite infraction allaient au-delà de leur contribution à la pérennité de l’accord Europe-Japon (voir, en particulier, point 571 dudit arrêt).

245   Si l’inégalité de traitement relevée au point précédent a finalement justifié la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes japonaises, l’erreur d’analyse qui la sous-tend ne justifie pas l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée ni celle de son article 1er, dans le cadre du présent recours.

246   Il résulte de ce qui précède que les moyens relatifs au marché pertinent et au lien existant entre les deux infractions constatées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée doivent être rejetés. En conséquence, la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée ne saurait être accueillie.

 Sur la demande d’annulation de l’amende ou de réduction de son montant

247   Se référant aux moyens précédemment invoqués, Dalmine conclut à l’annulation de l’article 4 de la décision attaquée, lui infligeant une amende d’un montant de 10,8 millions d’euros, et des considérants 156 à 175 de celle-ci. Subsidiairement, elle conclut à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée. La requérante reproche, dans ce cadre, à la Commission de ne pas avoir appliqué correctement les critères relatifs à la détermination du montant des amendes, en particulier les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes ») et la communication sur la coopération.

1.     Sur la gravité de l’infraction

248   Dalmine conteste les appréciations de la Commission quant à la gravité de l’infraction commise.

 Sur la définition du marché pertinent et sur les effets de l’infraction

 Arguments des parties

249   Dalmine se plaint de ce que la Commission n’a pas pleinement pris en considération les effets de l’infraction pour en apprécier la gravité, comme l’exigent cependant les lignes directrices pour le calcul des amendes (point 1 A). En l’espèce, la Commission aurait examiné ces effets sans se limiter, comme elle était tenue de le faire, au marché pertinent.

250   En effet, Dalmine rappelle que le marché des produits pertinents est celui des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet ». Sur le plan géographique, la Commission aurait établi que le marché du premier type de produits est mondial et que celui du second « au moins européen » (considérants 35 et 36 de la décision attaquée). Néanmoins, la Commission aurait ensuite ignoré cette définition du marché pertinent et évalué l’importance de l’infraction en prenant exclusivement en considération les ventes de produits pertinents effectuées sur le marché communautaire.

251   S’agissant des tubes OCTG standard, la Commission aurait dû se référer au marché mondial. Elle serait alors parvenue à la conclusion que les ventes effectuées par les destinataires de la décision attaquée représentaient au total 13,5 % du marché pertinent, celles effectuées sur le marché européen représentant 0,75 % dudit marché.

252   S’agissant des tuyaux de transport « projet », la limitation géographique du marché pertinent à l’Europe ne peut, d’après la requérante, justifier une analyse restreinte au seul territoire de la Communauté. La Commission aurait dû inclure dans son appréciation les effets de l’entente, constitutive de l’infraction sanctionnée, sur les zones offshore de la Norvège.

253   En outre, Dalmine reproche à la Commission de s’être appuyée sur le fait que l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni représentaient la majorité de la consommation des produits pertinents dans la Communauté (considérant 161 de la décision attaquée). Or, pour les deux types de produits concernés, le marché géographique pertinent serait plus vaste que le territoire de la Communauté.

254   Enfin, Dalmine indique que sur son marché national, à savoir l’Italie, l’accord visant au respect des Règles fondamentales concernant le respect des marchés nationaux, conclu dans le cadre du club Europe-Japon, n’a eu qu’un impact dérisoire sur les ventes de tubes OCTG en général. Quant aux tuyaux de transport « projet », la Commission ne s’étant pas prononcée sur la question de leur substituabilité avec les tubes soudés, il ne serait pas possible de vérifier l’incidence réelle de l’accord en cause.

255   En réponse à ces griefs, la Commission expose qu’elle a déterminé le montant de l’amende conformément aux dispositions du règlement n° 17. Le montant de base aurait été fixé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

256   La Commission rappelle que les tubes faisant l’objet de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée ne constituaient qu’une partie des tubes sans soudure destinés à l’industrie pétrolière et gazière. Les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet » vendus dans la Communauté par les entreprises destinataires de la décision attaquée auraient constitué 19 % de la consommation communautaire de tubes OCTG et de tuyaux de transport sans soudure, tandis que plus de 50 % de la consommation communautaire était couverte par des tubes OCTG et des tuyaux de transport qui n’étaient pas visés par l’accord et que plus de 21 % de celle-ci l’était par des importations provenant de pays tiers autres que le Japon.

257   En outre, la Commission fait observer qu’elle a clairement reconnu l’incidence limitée de l’infraction sur le marché. Elle fait valoir également que son analyse se focalise sur le marché communautaire, sans pour autant que cela contredise la définition géographique du marché des tubes OCTG (considérant 35 de la décision attaquée).

 Appréciation du Tribunal

258   Il importe de relever tout d’abord que, aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes de mille euros au moins et d’un million d’euros au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction. Pour déterminer le montant de l’amende à l’intérieur de ces limites, ladite disposition prescrit la prise en considération de la gravité et de la durée de l’infraction.

259   Or, ni le règlement n° 17, ni la jurisprudence, ni les lignes directrices pour le calcul des amendes ne prévoient que les amendes doivent être fixées directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant qu’un élément pertinent parmi d’autres. En effet, conformément au règlement n° 17, tel qu’interprété par la jurisprudence, l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionnée à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle‑ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 240, et, par analogie, arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127). Comme la Cour l’a affirmé au point 120 de son arrêt du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825), il est nécessaire de tenir compte, pour apprécier la gravité d’une infraction, d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de celle-ci (voir également, par analogie, arrêt Deutsche Bahn/Commission, précité, point 127).

260   Par ailleurs, il convient de relever que, si la Commission n’a pas expressément invoqué les lignes directrices dans la décision attaquée, elle a néanmoins déterminé le montant de l’amende imposée à la requérante en faisant application de la méthode de calcul qu’elle s’y est imposée.

261   Or, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation pour fixer le montant des amendes (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59, et, par analogie, Deutsche Bahn/Commission, point 259 supra, point 127), il y a lieu de constater qu’elle ne peut se départir des règles qu’elle s’est imposées (voir arrêt Hercules Chemicals/Commission, point 162 supra, point 53, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I‑4235, et la jurisprudence citée). Ainsi, la Commission doit effectivement tenir compte des termes des lignes directrices pour le calcul des amendes en fixant le montant des amendes, en particulier des éléments qui y sont retenus de manière impérative. Cependant, la marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent pas en tout état de cause l’exercice, par le juge communautaire, de sa compétence de pleine juridiction.

262   Il convient de relever que, d’après le point 1 A des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [l]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné ». Or, au considérant 159 de la décision attaquée, la Commission relève qu’elle a pris en compte ces trois mêmes critères pour déterminer la gravité de l’infraction.

263   Toutefois, la Commission s’est appuyée, au considérant 161 de la décision attaquée, essentiellement sur la nature du comportement infractionnel de toutes les entreprises pour fonder sa conclusion selon laquelle l’infraction retenue à l’article1er de la décision attaquée est « très grave ». À cet égard, elle a invoqué la nature gravement anticoncurrentielle et nuisible au bon fonctionnement du marché intérieur de l’accord de partage des marchés sanctionné, le caractère délibéré de l’illégalité et la nature secrète et institutionnalisée du système mis en place pour restreindre la concurrence. La Commission a pris en compte également dans ce même considérant 161 le fait que « les quatre États membres en cause représentent la majorité de la consommation des [tubes] OCTG et des [tuyaux de transport] sans soudure dans la Communauté et, dès lors, un marché géographique étendu ».

264   En revanche, la Commission a constaté, au considérant 160 de la décision attaquée, que « l’impact concret de l’infraction sur le marché a été limité », parce que les deux produits spécifiques couverts par celle-ci, à savoir les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet », ne représentaient que 19 % de la consommation communautaire des tubes OCTG et des tuyaux de transport sans soudure et que les tubes soudés pouvaient couvrir une partie de la demande pour les tubes sans soudure du fait des progrès technologiques.

265   Ainsi, au considérant 162 de la décision attaquée, la Commission, après avoir classé cette infraction dans la catégorie des infractions « très graves », sur la base des facteurs énumérés au considérant 161, a relevé la quantité relativement réduite des ventes des produits en question par les destinataires de la décision attaquée dans les quatre États membres concernés (73 millions d’euros par an). Cette référence à la taille du marché affecté correspond à l’appréciation de l’impact limité de l’infraction sur le marché au considérant 160 de la décision attaquée. La Commission a donc décidé d’imposer un montant en fonction de la gravité de dix millions d’euros seulement. Or, les lignes directrices pour le calcul des amendes prévoient, en principe, un montant « au-delà de 20 millions [d’euros] » pour une infraction relevant de cette catégorie.

266   Il convient d’examiner si l’approche de la Commission exposée ci-dessus est illégale au vu des arguments avancés par Dalmine pour la critiquer.

267   En ce qui concerne les arguments de Dalmine relatifs aux marchés pertinents, il y a lieu de constater que les considérants 35 et 36 de la décision attaquée traduisent la définition des marchés géographiques en cause tels qu’ils devraient normalement exister, abstraction faite d’accords illicites ayant pour objet ou pour effet de les scinder artificiellement. Ensuite, il ressort de la décision attaquée, lue dans son ensemble, notamment de ses considérants 53 à 77, que le comportement des producteurs japonais et européens sur chaque marché national ou, dans certains cas, sur le marché d’une certaine région du monde était déterminé par des règles spécifiques qui variaient d’un marché à l’autre et qui résultaient de négociations commerciales menées au sein du club Europe‑Japon.

268   Ainsi, il y a lieu de rejeter comme non pertinents les arguments de Dalmine relatifs aux pourcentages réduits des marchés mondial et européen des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet » représentés par les ventes de ces produits réalisées par les huit destinataires de la décision attaquée. En effet, c’est le fait que l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée a eu pour objet, ainsi que, à tout le moins dans une certaine mesure, pour effet, d’exclure chacun desdits destinataires des marchés nationaux des autres de ces entreprises, dont le marché des quatre plus grands États membres des Communautés européennes, en termes de consommation de tubes en acier, qui en fait une infraction « très grave » selon l’appréciation figurant dans la décision attaquée.

269   À cet égard, l’argumentation de Dalmine quant à la quantité réduite des ventes de tubes OCTG standard et à l’importance des tubes soudés pour concurrencer les tuyaux de transport « projet » sur son propre marché domestique est sans pertinence, dès lors que sa participation à l’infraction de partage des marchés résulte de l’engagement qu’elle a donné de ne pas vendre les produits visés dans la décision attaquée sur d’autres marchés. Ainsi, à supposer même que les circonstances qu’elle invoque soient établies à suffisance de droit, elles ne sauraient infirmer la conclusion à laquelle la Commission est parvenue quant à la gravité de l’infraction commise par Dalmine.

270   Il y a lieu de relever, en outre, que le fait, invoqué par Dalmine, que l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée ne concerne que deux produits spécifiques, soit les tubes OTCG standard et les tuyaux de transport « projet » et non tous les tubes OCTG et les tuyaux de transport, a été mentionné explicitement par la Commission au considérant 160 de la décision attaquée comme un facteur qui limitait l’impact concret de l’infraction sur le marché (voir point 264 ci‑dessus). De la même manière, la Commission fait référence, dans ce même considérant 160, à la concurrence croissante venant des tubes soudés (voir également point 264 ci‑dessus). Force est de constater, dès lors, que la Commission a déjà pris ces éléments en considération lors de son appréciation de la gravité de l’infraction dans la décision attaquée.

271   À la lumière de ce qui précède, il convient de considérer que la réduction, évoquée au point 265 ci‑dessus, du montant fixé en fonction de la gravité à 50 % de la somme minimale retenue habituellement dans le cas d’une infraction « très grave » tient compte de manière adéquate de l’impact limité de l’infraction sur le marché en l’espèce.

272   À cet égard, il y a lieu de rappeler également que les amendes ont pour vocation de remplir une fonction de dissuasion en matière de concurrence (voir, à cet égard, point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes). Ainsi, compte tenu de la grande dimension des entreprises destinataires de la décision attaquée, relevée au considérant 165 de la décision attaquée (voir également points 281 et suivants ci-après), une réduction substantiellement plus importante du montant fixé en fonction de la gravité aurait pu priver les amendes de leur effet dissuasif.

 Sur l’appréciation du comportement individuel des entreprises et l’absence de distinction entre les entreprises en fonction de leur taille

 Arguments des parties

273   Dalmine critique la Commission pour ne pas avoir prêté attention au comportement individuel et à la taille de chacune des entreprises en cause. Or, conformément aux lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission serait tenue de pondérer le montant des amendes en fonction de ces facteurs.

274   À cet égard, Dalmine affirme que sa position sur le marché n’était que marginale. Les tubes OCTG standard n’auraient représenté que 7,3 % de l’ensemble de ses ventes entre 1990 et 1995. Quant aux tuyaux de transport « projet », faute pour la Commission d’avoir pris en considération l’impact des ventes de tubes soudés sur les marchés des tubes sans soudure, elle n’aurait pas pu parvenir à une conclusion définitive. En outre, Dalmine n’aurait pas appliqué fidèlement les accords anticoncurrentiels qui lui sont reprochés, conservant plutôt une certaine autonomie d’action au sein du club Europe-Japon dès lors qu’elle a continué de vendre ses tubes OCTG et ses tuyaux de transport en Europe et ailleurs.

275   De plus, Dalmine reproche à la Commission d’avoir fixé le montant de l’amende sans tenir compte de la taille et du chiffre d’affaires sur le marché en cause de chacune des entreprises visées. Or, l’équité et le principe de proportionnalité exigeraient que les entreprises ne soient pas mises sur un pied d’égalité, mais que leurs comportements soient réprimés en fonction de leur rôle personnel et de l’incidence de leur participation à l’infraction sur le marché.

276   Dalmine estime avoir été injustement sanctionnée puisque, parmi les destinataires de la décision attaquée, elle était l’une des plus petites entreprises. Elle critique le refus péremptoire de la Commission qui, au considérant 165 de la décision attaquée, affirme : « [t]outes les entreprises visées par la présente décision sont de grande dimension. Il n’y a donc pas lieu de procéder à ce titre à une différenciation entre les montants retenus ». Elle expose que son activité était limitée à la production de certains types de tubes sans soudure. Elle ne pourrait être comparée à des sociétés dont les activités étaient beaucoup plus vastes et les chiffres d’affaires largement supérieurs aux siens.

277   La Commission fait observer que Dalmine a participé à un accord visant au respect des marchés nationaux, qui constitue une infraction très grave à l’article 81, paragraphe 1, CE. La Commission souligne, à cet égard, que la requérante n’a pas contesté la matérialité des faits constatés dans la décision attaquée. En outre, la requérante aurait également participé à l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée. Le fait qu’elle ait pu adopter une conduite quelque peu autonome par rapport aux autres membres de l’entente ne constituerait pas en soi une circonstance atténuante (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 142). En toute hypothèse, l’autonomie que Dalmine prétend avoir conservé au sein du club Europe‑Japon serait dépourvue de pertinence et serait démentie par sa position de quasi‑monopole sur le marché italien, par sa participation active aux discussions concernant la reprise des activités de Corus et, enfin, par le contrat qu’elle a passé avec Corus en application des Règles fondamentales de respect des marchés nationaux convenues dans le cadre du club Europe‑Japon.

278   La Commission ayant constaté dans la décision attaquée que les huit destinataires de celle-ci étaient tous des entreprises de grande dimension et compte tenu de l’impact relativement réduit de l’infraction sur les marchés de manière globale, l’argumentation de Dalmine ne suffirait pas à démontrer que la Commission a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en l’espèce du fait qu’elle n’a pas fait application du point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes en l’espèce.

279   La Commission oppose également à ces griefs le fait que le chiffre d’affaires de la requérante s’est élevé, pour l’année 1998, à 669 millions d’euros (considérant 17 de la décision attaquée). Il s’agirait donc d’une grande entreprise. Aucun élément ne permettrait de conclure qu’elle doive bénéficier d’une réduction du montant de l’amende en raison du fait qu’elle n’est pas aussi importante que les autres destinataires de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

280   Il importe de souligner, tout d’abord, que la référence à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 à la limite de 10 % du chiffre d’affaires mondial est exclusivement pertinente pour le calcul de la limite supérieure de l’amende pouvant être infligée par la Commission (voir point 1 des lignes directrices pour le calcul des amendes, ainsi que l’arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 259 supra, point 119) et ne signifie nullement qu’il doit exister une relation proportionnelle entre la taille de chaque entreprise et le montant de l’amende qui lui est infligée.

281   En revanche, le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes, applicables en l’espèce (voir point 272 ci‑dessus), prévoit la possibilité de « pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories [d’infractions] afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence ». Selon cet alinéa, cette approche est appropriée « notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature ».

282   Toutefois, il résulte de l’utilisation de l’expression « dans certains cas » et du terme « notamment » dans les lignes directrices pour le calcul des amendes qu’une pondération en fonction de la taille individuelle des entreprises n’est pas une étape de calcul systématique que la Commission s’est imposée, mais une faculté de souplesse qu’elle s’est donnée dans les affaires qui le nécessitent. Il convient de rappeler dans ce contexte la jurisprudence selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances d’espèce (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, Rec. p. I‑1611, point 54, et arrêts de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, points 32 et 33 ; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 465 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T‑309/94, Rec. p. II‑1007, point 68).

283   Compte tenu des termes du point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes relevés ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a conservé une certaine marge d’appréciation par rapport à l’opportunité d’effectuer une pondération des amendes en fonction de la taille de chaque entreprise. Ainsi, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, de s’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent une différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d’affaires global (voir, en ce sens, bien que sous pourvoi, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 278, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 385).

284   En l’espèce, la Commission a constaté, au considérant 165 de la décision attaquée, que toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée étaient de grande dimension, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation entre les montants retenus pour les amendes. Dalmine conteste cette analyse et relève qu’elle est l’une des plus petites des entreprises destinataires de la décision attaquée, son chiffre d’affaires en 1998 n’étant que de 667 millions d’euros. Force est de constater, en effet, que l’écart en termes de chiffre d’affaires global, tous produits confondus, entre Dalmine et la plus grande des entreprises en cause, soit Nippon, dont le chiffre d’affaires en 1998 était de 13 489 millions d’euros, est significatif.

285   Cependant, la Commission a souligné dans son mémoire en défense, sans être contredite par Dalmine, que cette dernière n’est ni une petite ni une moyenne entreprise. En effet, la recommandation 96/280/CE de la Commission, du 3 avril 1996, concernant la définition des petites et moyennes entreprises (JO L 107, p. 4), applicable au moment de l’adoption de la décision attaquée, précise, notamment, que de telles entreprises doivent occuper moins de 250 personnes et avoir soit un chiffre d’affaires annuel qui n’excède pas 40 millions d’euros, soit un bilan annuel qui n’excède pas 27 millions d’euros. Dans la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (JO L 124, p. 36), ces deux derniers seuils ont été révisés à la hausse pour être fixés à, respectivement, 50 millions et 43 millions d’euros.

286   Le Tribunal ne dispose pas de chiffres concernant le nombre de salariés employés par Dalmine ni de ceux concernant son bilan annuel, mais il y a lieu de constater que le chiffre d’affaires de Dalmine en 1998 était plus de dix fois supérieur à la limite prévue dans les recommandations successives de la Commission par rapport à ce critère. Ainsi, il convient de considérer, sur la base des informations présentées au Tribunal, que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant, au considérant 165 de la décision attaquée, que toutes les entreprises auxquelles la décision attaquée a été adressée étaient de grande dimension.

287   En outre, il y a lieu de relever que le montant de l’amende infligée à Dalmine dans la décision attaquée, soit 10,8 millions d’euros, ne représente qu’environ 1,62 % de son chiffre d’affaires mondial, en 1998, qui était de 667 millions d’euros. Le montant de son amende en l’absence d’une réduction au titre de la coopération aurait été de 13,5 millions d’euros, soit moins de 2 % de ce chiffre. Il convient de constater que ces chiffres sont très largement en dessous de la limite de 10 % susmentionnée.

288   Quant à l’argument de Dalmine tiré de ce que l’impact sur le marché de son comportement aurait été minime, dès lors que sa position sur le marché n’était que marginale, il convient de rappeler de nouveau que l’argumentation de Dalmine quant au peu d’importance des ventes de tubes OCTG standard et quant à l’importance des tubes soudés pour concurrencer les tuyaux de transport « projet » sur son propre marché domestique est sans pertinence, dès lors que sa participation à l’infraction consistant en un accord de partage des marchés résulte de l’engagement qu’elle a donné de ne pas vendre les produits en cause sur d’autres marchés (voir point269 ci‑dessus). Ainsi, à supposer même que les circonstances qu’elle invoque soient établies à suffisance de droit, elles ne sauraient infirmer la conclusion à laquelle la Commission est parvenue quant à la gravité de l’infraction commise par Dalmine.

289   Il convient de rappeler également à cet égard que chaque producteur a pris le même engagement, soit celui de ne pas vendre les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport sur le marché domestique de chacun des autres membres du club Europe-Japon. Or, comme il a été relevé au point 263 ci‑dessus, la Commission s’est appuyée principalement sur la nature fortement anticoncurrentielle de cet engagement aux fins de déterminer le caractère « très grave » de l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée.

290   Dans la mesure où Dalmine est le seul membre italien du club Europe-Japon, force est de constater que sa participation à cet accord a suffi pour étendre son champ d’application géographique au territoire d’un État membre de la Communauté. Dès lors, il y a lieu de constater que sa participation à l’infraction a eu un impact non négligeable sur le marché communautaire. En effet, cette circonstance est bien plus pertinente, aux fins de l’appréciation de l’impact concret de la participation de Dalmine à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée sur les marchés des produits visés audit article, qu’une simple comparaison du chiffre d’affaires global de chacune des entreprises.

291   Quant à la prétendue autonomie d’action de la requérante au sein du club Europe-Japon, il convient de rappeler que le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents pour partager les marchés est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger (arrêt SCA Holding/Commission, point 277 supra, point 142). En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique partiellement indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit.

292   Il y a lieu, dès lors, d’interpréter le deuxième tiret du point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes en ce sens que la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en oeuvre l’entente en cause.

293   Comme l’a relevé le Tribunal dans son arrêt Ciment, point 44 supra (point 1389), une entreprise qui ne se distancie pas des résultats d’une réunion à laquelle elle a assisté conserve, en principe, « sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente ». En effet, il serait trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter d’une manière plus nuisible à la concurrence.

294   De même, en ce qui concerne l’argument selon lequel Dalmine a joué un rôle passif dans l’entente, comportement qui serait constitutif d’une circonstance atténuante conformément au premier tiret du point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes, il y a lieu de relever que cette société ne nie pas avoir participé aux réunions du club Europe-Japon. Or, il a été jugé ci-dessus, dans le cadre des moyens visant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, ainsi que dans l’arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 111 supra, que le respect des marchés nationaux est une des questions qui était discutée au cours de ces réunions.

295   En l’espèce, Dalmine ne prétend même pas que sa participation aux réunions du club Europe-Japon a été plus sporadique que celle des autres membres dudit club, ce qui aurait pu éventuellement justifier l’application d’une réduction en sa faveur selon la jurisprudence (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T‑317/94, Rec. p. II‑1235, point 264). De plus, elle n’avance ni circonstance spécifique ni élément de preuve susceptible de démontrer que son attitude lors des réunions en question a été purement passive ou suiviste. Au contraire, comme cela a été relevé au point 290 ci-dessus, le marché italien n’a été inclus dans l’accord de partage des marchés que du fait de sa présence dans le club Europe-Japon. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir accordé une réduction du montant de l’amende à Dalmine au titre du premier tiret du point 3 des lignes directrices.

296   Ainsi, à supposer même qu’il soit établi, en l’espèce, que Dalmine a réalisé un nombre limité de ventes sur d’autres marchés communautaires couverts par l’infraction, cette circonstance ne suffirait pas à remettre en cause sa responsabilité en l’occurrence, dès lors que, par sa présence aux réunions du club Europe-Japon, elle a adhéré ou tout au moins a fait croire aux autres participants qu’elle adhérait en principe au contenu de l’accord anticoncurrentiel qui y était convenu. Or, il découle du dossier, notamment des chiffres repris au tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée, que le partage des marchés prévu par l’entente a été appliqué en pratique, à tout le moins dans une certaine mesure, et que celle-ci a nécessairement eu un impact réel sur les conditions de concurrence existant sur les marchés communautaires.

297   À la lumière de ce qui précède, la Commission a raisonnablement pu considérer qu’il y avait lieu de fixer le même montant en fonction de la gravité pour l’amende infligée à chacune des entreprises destinataires de la décision attaquée dans les circonstances du cas d’espèce. Il convient de relever, en outre, à toutes fins utiles, que la Commission n’a pas non plus violé le principe d’égalité de traitement à cet égard.

298   Compte tenu de l’ensemble des arguments et circonstances examinés ci-dessus, il n’y a pas lieu pour le Tribunal, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de modifier le montant des amendes en l’espèce au titre des différences de situation ou de taille entre les entreprises destinataires de la décision attaquée.

2.     Sur la durée de l’infraction

 Arguments des parties

299   Dalmine conteste les appréciations de la Commission quant à la durée de l’infraction. Bien que les réunions du club Europe‑Japon aient commencé en 1977, la période infractionnelle n’aurait pu commencer qu’à partir du 1er janvier 1991, en raison des accords d’autolimitation des exportations conclus entre la Commission et les autorités japonaises (considérant 108 de la décision attaquée). En effet, Dalmine reproche à la Commission d’avoir omis, dans la décision attaquée, le fait que, le 28 décembre 1989, la Commission et le gouvernement japonais ont prorogé ces accords d’autolimitation jusqu’au 31 décembre 1990.

300   Dalmine estime, en outre, que la période d’infraction s’est achevée vers la fin de l’année 1994, après les premières vérifications effectuées par la Commission au mois de décembre 1994. Elle affirme ne jamais avoir participé ultérieurement à la moindre réunion avec les producteurs japonais.

301   En tout état de cause, les vices affectant la procédure administrative s’opposeraient à la constatation d’une infraction à l’encontre de la requérante après les vérifications des 1er et 2 décembre 1994.

302   En conséquence, la durée de l’infraction imputable à Dalmine devrait être ramenée à moins de quatre ans, c’est-à-dire à la période comprise entre le 1er janvier 1991 et le 2 décembre 1994. Aux termes des lignes directrices pour le calcul des amendes, il s’agirait d’une infraction de moyenne durée, qui peut donner lieu à une majoration de 10 % par an, soit 30 % au total. Dalmine demande donc au Tribunal de revoir le montant de l’amende qui lui a été infligée.

303   La Commission fait observer que, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes, pour les infractions dont la durée est comprise entre un et cinq ans (durée dite « moyenne »), elle peut augmenter le montant de base de l’amende jusqu’à 50 %. En ce qui concerne le début de l’infraction visée en l’espèce, elle se borne à affirmer qu’elle l’a retenue à partir de 1990 inclus.

304   En ce qui concerne la fin de l’infraction, la Commission insiste sur le fait que, dans sa déclaration du 17 septembre 1996, M. Verluca a admis que les contacts avec les entreprises japonaises avaient cessé depuis un peu plus d’un an (considérant 142 de la décision attaquée). Les vérifications ayant été effectuées en décembre 1994, la Commission aurait correctement fixé à au moins cinq ans la durée de l’infraction commise par Dalmine, de 1990 à 1994 inclus.

 Appréciation du Tribunal

305   Il y a lieu de relever d’abord que la Commission a constaté, au considérant 108 de la décision attaquée, qu’elle aurait pu retenir l’existence de l’infraction à partir de 1977, mais qu’elle a choisi de ne pas le faire en raison de l’existence des accords d’autolimitation. Ainsi, à l’article 1er de la décision attaquée, elle n’a retenu l’existence de l’infraction qu’à partir de 1990. Force est de constater que cette démarche constitue une concession faite par la Commission aux destinataires de la décision attaquée.

306   Il importe de relever qu’aucune des parties n’a soutenu devant le Tribunal qu’il y avait lieu de remettre en cause cette concession dans la présente affaire. En conséquence, l’examen du Tribunal, dans le cadre de la présente procédure, ne doit pas porter sur la légalité ou l’opportunité de ladite concession, mais uniquement sur la question de savoir si la Commission, l’ayant faite de manière expresse dans les motifs de la décision attaquée, l’a correctement appliquée en l’espèce. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission doit apporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise, dès lors que la charge de la preuve quant à l’existence de l’infraction, et, partant, à sa durée, lui incombe (arrêts de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeytiö e.a./Commission, dit « Pâte de bois II », C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 127 ; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, Rec. p. II‑1403, points 193 à 195, 198 à 202, 205 à 210, 220 à 232, 249 à 250 et 322 à 328, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 43 et 72).

307   Ainsi, la concession décrite ci-dessus fait de la prétendue cessation des accords d’autolimitation le critère déterminant pour apprécier si l’existence de l’infraction devait être retenue pour l’année 1990. Étant donné qu’il s’agit d’accords conclus, sur le plan international, entre le gouvernement japonais, représenté par le ministère international du Commerce et de l’Industrie japonais, et la Communauté, représentée par la Commission, il y a lieu de constater que cette dernière aurait dû conserver la documentation confirmant la date à laquelle lesdits accords ont pris fin, conformément au principe de bonne administration. Partant, elle aurait dû être en mesure de produire cette documentation devant le Tribunal. Toutefois, la Commission a affirmé, devant le Tribunal, qu’elle avait cherché dans ses archives mais qu’elle n’était pas en mesure de produire des documents attestant de la date de cessation de ces accords.

308   Si, d’une manière générale, une partie requérante ne peut transférer la charge de la preuve à la partie défenderesse en se prévalant de circonstances qu’elle n’est pas en mesure d’établir, la notion de charge de la preuve ne saurait être appliquée au bénéfice de la Commission en l’espèce en ce qui concerne la date de cessation des accords internationaux qu’elle a conclus. L’incapacité inexplicable de la Commission à produire des éléments de preuve relatifs à une circonstance qui la concerne directement prive le Tribunal de la possibilité de statuer en connaissance de cause en ce qui concerne la date de cessation. Il serait contraire au principe de bonne administration de la justice de faire supporter les conséquences de cette incapacité de la Commission aux entreprises destinataires de la décision attaquée, qui, à la différence de l’institution défenderesse, n’étaient pas en mesure d’apporter la preuve qui fait défaut.

309   Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, à titre exceptionnel, qu’il incombait à la Commission d’apporter la preuve de la date de cessation. Or, force est de constater que la Commission n’a pas apporté la preuve de la date à laquelle les accords d’autolimitation ont pris fin, que ce soit dans la décision attaquée ou devant le Tribunal.

310   En toute hypothèse, les requérantes japonaises ont apporté des éléments de preuve qui attestent de la reconduction des accords d’autolimitation jusqu’au 31 décembre 1990, à tout le moins au niveau japonais, ce qui conforte la thèse de la requérante dans la présente procédure (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 111 supra, point 345). Il y a lieu de considérer que le Tribunal peut, dans des affaires jointes où toutes les parties ont eu l’occasion de consulter l’ensemble des dossiers, tenir compte d’office des éléments de preuve contenus dans les dossiers des affaires parallèles (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, Nefarma et Bond van Groothandelaren in het Farmaceutische Bedrijf/Commission, T‑113/89, Rec. p. II‑797, point 1, et Prodifarma e.a./Commission, T‑116/89, Rec. p. II‑843, point 1). Or, en l’espèce, le Tribunal est amené à se prononcer dans le cadre d’affaires jointes aux fins de la procédure orale ayant pour objet une même décision d’infraction et dans lesquelles toutes les parties requérantes ont conclu à ce que soit réformé le montant des amendes qu’elles ont été condamnées à payer. Ainsi, le Tribunal a formellement connaissance, dans la présente affaire, des éléments de preuve produits par les quatre requérantes japonaises.

311   Il y a lieu de relever par ailleurs que Dalmine demande au Tribunal non seulement qu’il annule la décision attaquée en ce qui concerne la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, mais, en outre, qu’il réduise, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction attribuée, conformément à l’article 229 CE, par l’article 17 du règlement nº 17, le montant de son amende pour tenir compte de cette réduction de durée. Cette compétence de pleine juridiction a pour conséquence que le Tribunal, lorsqu’il réforme l’acte attaqué en modifiant le montant des amendes infligées par la Commission, doit tenir compte de toutes les circonstances de fait pertinentes (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 282 supra, point 692). Dans ces conditions et dès lors que toutes les requérantes ont contesté le fait que la Commission a retenu l’infraction à partir du 1er janvier 1990, il ne serait pas approprié que le Tribunal apprécie isolément la situation de chacune des parties requérantes dans les circonstances du cas d’espèce en se limitant aux seuls éléments de fait dont elles ont choisi de faire état pour plaider leur cause et en omettant de tenir compte de ceux que d’autres parties requérantes ou la Commission ont pu invoquer.

312   Par ailleurs, ni Dalmine ni, a fortiori, la Commission n’ont prétendu que les accords d’autolimitation étaient encore en vigueur en 1991.

313   Dans ces conditions, il convient de considérer, aux fins de la présente procédure, que les accords d’autolimitation, conclus entre la Commission et les autorités japonaises, sont restés en vigueur pendant l’année 1990.

314   Il résulte de ce qui précède que, à la lumière de la concession faite par la Commission dans la décision attaquée, la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée doit être réduite d’une année. Ainsi, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il retient l’existence de l’infraction qu’il reproche à Dalmine avant le 1er janvier 1991.

315   En ce qui concerne la date à laquelle l’infraction a pris fin, il convient de relever que, à l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a précisé que, dans la décision attaquée, l’année 1995 n’a pas été prise en compte aux fins du calcul du montant des amendes. Dalmine a ensuite indiqué qu’elle acceptait cette interprétation de la décision attaquée.

316   Ainsi, le seul différend entre les parties à la présente affaire se rapporte à la question de savoir si la Commission pouvait retenir l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée après la date des vérifications, soit les 1er et 2 décembre 1994. Or, il a été jugé au point 112 ci-dessus que l’argumentation de Dalmine est sans pertinence par rapport à l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée, dès lors que cette infraction n’a duré qu’une trentaine de jours après ces vérifications. En tout état de cause, à supposer même que les arguments de Dalmine à cet égard soient fondés, il n’y aurait pas lieu de moduler le montant de son amende pour tenir compte d’une différence de durée si peu significative.

317   Il résulte de ce qui précède que la durée qu’il y a lieu de retenir pour l’infraction relevée à l’article 1er de la décision attaquée est de quatre ans, soit du 1er janvier 1991 au 1er janvier 1995. Dès lors, il y a lieu de réduire le montant de l’amende infligée à Dalmine pour tenir compte de cette circonstance.

3.     Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

 Arguments des parties

318   Dalmine fait grief à la Commission de ne pas avoir pris en considération des circonstances atténuantes qui justifiaient une réduction du montant de l’amende. Certes, la Commission aurait retenu, au titre des circonstances atténuantes, la situation de crise de l’industrie sidérurgique et aurait réduit, à ce titre, le montant de l’amende de 10 %. Toutefois, d’autres circonstances auraient justifié une réduction plus importante du montant de l’amende infligée à la requérante.

319   Dalmine invoque plus précisément son rôle mineur et exclusivement passif dans l’infraction, le peu d’effets de celle-ci ainsi que la cessation immédiate de l’infraction dès les premières vérifications de la Commission les 1er et 2 décembre 1994. En outre, elle soutient que, compte tenu de la structure du marché et de la concurrence qui régnait tant sur le marché italien que sur l’ensemble de la Communauté, il ne saurait lui être reproché d’avoir commis une infraction de propos délibéré.

320   En l’absence d’une prise en compte de ces éléments, le montant de l’amende infligée serait manifestement disproportionné par rapport à la participation de la requérante à l’infraction. Dalmine fait valoir que le montant de base de l’amende équivaut à 16 % du produit total de ses ventes des produits en cause en 1998 (179,5 milliards de lires) sur le marché mondial, à 38 % de celles effectuées sur le marché communautaire et à 95 % de celles réalisées pendant la période infractionnelle en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume‑Uni.

321   Selon la Commission, le fait d’avoir mis fin aux comportements illicites à la suite des premières inspections n’est pas une circonstance atténuante. Elle estime, en outre, que le rôle secondaire et la prétendue autonomie de la requérante au sein du cartel ne sont guère pertinents.

322   En effet, Dalmine ne pourrait atténuer sa responsabilité en invoquant celle des autres destinataires de la décision attaquée. Elle ne se serait jamais dissociée ouvertement du cartel et ne se serait pas bornée à un rôle passif. Au contraire, elle aurait proposé de résoudre « au niveau européen » les questions soulevées par le retrait du marché de Corus.

323   La Commission estime que le caractère délibéré de l’infraction imputée à Dalmine est indubitable. Il ne serait pas nécessaire de prouver que la requérante a eu conscience de violer l’article 81, paragraphe 1, CE. Il suffirait au contraire d’établir qu’elle ne pouvait pas ignorer que le comportement en cause avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41, et du 1er février 1978, Miller/Commission, 19/77, Rec. p. 131). Il serait invraisemblable qu’une entreprise telle que Dalmine puisse ne pas avoir eu conscience des règles les plus élémentaires en vigueur en matière d’interdiction des pratiques restrictives de concurrence (voir, à cet égard, point 1 A des lignes directrices pour le calcul des amendes).

 Appréciation du Tribunal

324   Il y a lieu de rappeler, d’abord, que, en l’espèce, la Commission a accordé une réduction de 10 % du montant de l’amende au titre d’une circonstance atténuante, à savoir la situation de crise affectant l’industrie sidérurgique à l’époque des faits.

325   Il convient de rappeler, ensuite, que la Commission doit se conformer aux termes de ses propres lignes directrices en fixant le montant des amendes. Toutefois, il n’est pas indiqué dans les lignes directrices pour le calcul des amendes que la Commission doit toujours prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées au point 3. En effet, ledit point 3, intitulé « [c]irconstances atténuantes », prévoit la « diminution du montant de base pour les circonstances atténuantes particulières telles que, par exemple : […] ». Il convient de considérer que si les circonstances énumérées dans la liste figurant au point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes sont certainement parmi celles qui peuvent être prises en compte par la Commission dans un cas donné, celle-ci n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique, dès lors qu’une entreprise avance des éléments de nature à indiquer la présence d’une de ces circonstances. En effet, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes doit être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

326   Il convient de rappeler, en effet, dans ce contexte la jurisprudence antérieure à l’adoption des lignes directrices pour le calcul des amendes selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance SPO e.a./Commission, point 282 supra, point 54, et arrêts Ferriere Nord/Commission, point 282 supra, points 32 et 33, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 282 supra, point 465 ; voir également, en ce sens, arrêt KNP BT/Commission, point 282 supra, point 68). Ainsi, en l’absence d’une indication de nature impérative dans les lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge d’appréciation pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes.

327   En toute hypothèse, il suffit de relever, en ce qui concerne l’argumentation de Dalmine relative à son rôle mineur et passif dans l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée ainsi qu’à sa prétendue autonomie d’action, qu’une réponse a déjà été apportée à cet égard aux points 280 à 297 ci-dessus. De même, les griefs tirés du peu d’effets de cette infraction et du caractère disproportionné de l’amende en général ont été examinés aux points 258 à 272 ci-dessus.

328   En ce qui concerne l’argument relatif à la cessation immédiate de l’infraction, il y a lieu de considérer que la « cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission », mentionnée au point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes, ne peut logiquement être une circonstance atténuante que s’il existe des raisons de supposer que les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions en question. En effet, il apparaît que la finalité de cette disposition est d’encourager les entreprises à cesser leurs comportements anticoncurrentiels immédiatement lorsque la Commission entame une enquête à cet égard.

329   Il résulte de ce qui précède, en particulier, qu’une réduction du montant de l’amende à ce titre ne saurait être appliquée dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission ou dans le cas où une décision ferme d’y mettre fin aurait déjà été prise par ces entreprises avant cette date.

330   En effet, l’application d’une réduction dans de telles circonstances ferait double emploi avec la prise en compte, conformément aux lignes directrices pour le calcul des amendes, de la durée des infractions dans le calcul des amendes. Cette prise en compte a précisément pour objectif de sanctionner plus sévèrement les entreprises qui enfreignent les règles en matière de concurrence pendant une période prolongée que celles dont les infractions sont de courte durée. Ainsi, la réduction du montant d’une amende au motif qu’une entreprise a cessé ses comportements infractionnels avant les premières vérifications de la part de la Commission aurait pour effet d’avantager les responsables des infractions de courte durée une deuxième fois.

331   Il y a lieu de relever, en l’espèce, que, dans l’arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 111 supra, le Tribunal a considéré, à la lumière des moyens et arguments avancés par les requérantes dans ces affaires, que l’infraction ne devait pas être retenue à leur encontre après le 1er juillet 1994, dès lors qu’il n’existait aucune preuve de ce qu’une réunion du club Europe-Japon a eu lieu en automne 1994 au Japon conformément à la pratique suivie jusqu’alors. Il ressort de cette circonstance que l’infraction avait probablement cessé ou qu’elle était à tout le moins en cours de cessation au moment où la Commission a procédé à des vérifications les 1er et 2 décembre 1994.

332   Il s’ensuit que le fait que les comportements illicites constitutifs de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée n’ont pas continué après la date des premières inspections effectuées par la Commission ne justifie pas une réduction de l’amende infligée à Dalmine dans les circonstances du cas d’espèce.

333   Quant aux arguments de Dalmine aux termes desquels elle n’aurait pas commis l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée de propos délibéré, il y a lieu de relever que la Commission a établi qu’elle a adhéré à un accord dont l’objet était anticoncurrentiel. Or, dans le cas d’un accord dont l’objectif même est de restreindre la concurrence, la participation d’une entreprise à celui-ci ne peut être que de caractère délibéré, quelles que soient les considérations d’ordre structurel en présence. D’ailleurs, il résulte de la jurisprudence que les entreprises ne peuvent pas justifier d’avoir participé à une infraction aux règles de la concurrence en soutenant qu’elles y ont été poussées par le comportement d’autres opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 44 supra, point 2557). Ainsi, Dalmine ne saurait invoquer la structure du marché ou le comportement de ses concurrents pour se disculper en l’espèce.

334   À la lumière de l’ensemble de ce qui précède et compte tenu du fait que la Commission a déjà minoré les amendes pour tenir compte de la circonstance atténuante tenant à la situation de crise économique existant dans le secteur des tubes en acier (voir considérants 168 et 169 de la décision attaquée), il y a lieu de rejeter tous les griefs de Dalmine tirés de l’absence d’une réduction supplémentaire au titre d’autres circonstances prétendument atténuantes.

4.     Sur la coopération de Dalmine au cours de la procédure administrative

 Arguments des parties

335   Dalmine prétend que la Commission n’a pas respecté la communication sur la coopération. Elle soutient que la Commission a enfreint le principe d’égalité de traitement à son égard. Alors qu’elle estime se trouver dans une situation comparable à celle de Vallourec, Dalmine reproche à la Commission de ne pas lui avoir accordé une réduction du montant de l’amende pour sa collaboration au cours de l’enquête.

336   Elle rappelle notamment que, le 4 avril 1997, en réponse aux questions de la Commission lors de ses premières vérifications, elle avait indiqué à la Commission ce qui suit : « [les Règles fondamentales] peuvent refléter la position du secteur communautaire des tubes d’acier sans soudure [...] [C]ette position s’est développée selon deux axes : mise en oeuvre d’un processus de rationalisation [...] ; contacts avec l’industrie japonaise, dont la capacité de production était supérieure à la demande. Ces contacts portaient sur l’exportation de tubes (notamment ceux destinés à l’industrie pétrolière) dans des zones autres que la CE (Russie et Chine) et ils étaient également destinés à limiter les exportations de tubes vers la CE, après la fermeture des usines de [Corus] et, par conséquent, à protéger l’industrie communautaire des tubes sans soudure » (annexe 3 de la requête et considérant 65 de la décision attaquée).

337   Ces indications démontreraient l’étendue de la collaboration de la requérante à l’enquête. Aucune considération objective ne permettrait d’établir une différence de traitement entre Vallourec et Dalmine à cet égard.

338   La Commission rejette ces allégations et renvoie aux motifs énoncés aux considérants 172 et 173 de la décision attaquée en vue de justifier sa décision de ne pas accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende. Elle rappelle, en effet, qu’une telle réduction ne peut être accordée qu’aux entreprises qui, par leur collaboration active, ont facilité la constatation de l’infraction (arrêt SCA Holding/Commission, point 277 supra, point 156). La coopération de Dalmine n’aurait pas été déterminante dans le cadre de l’enquête, puisque cette entreprise se serait limitée à ne pas contester la matérialité des faits constatés par la Commission.

339   L’attitude de Vallourec ne saurait être comparée à celle de Dalmine. Vallourec aurait été la seule entreprise à communiquer des éléments substantiels sur l’existence et le contenu de l’entente sanctionnée. Ces éléments auraient considérablement facilité la tâche de la Commission quant à la constatation des infractions.

 Appréciation du Tribunal

340   Selon une jurisprudence bien établie, la Commission ne saurait, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par des entreprises, méconnaître le principe de l’égalité de traitement, principe général du droit communautaire, qui, selon une jurisprudence constante, est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 237, et la jurisprudence citée).

341   Il y a lieu de rappeler également que, pour justifier la réduction du montant d’une amende au titre de la coopération, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, Rec. p. II‑1751, point 309, et la jurisprudence citée).

342   Il convient de relever, en l’espèce, que les déclarations de M. Verluca, faites en sa qualité de représentant de Vallourec en réponse aux questions posées à cette société par la Commission, sont les éléments de preuve clés du dossier dans la présente affaire.

343   Certes, pour autant que des entreprises fournissent à la Commission, au même stade de la procédure administrative et dans des circonstances analogues, des informations semblables concernant les faits qui leur sont reprochés, les degrés de la coopération fournie par elles doivent être considérés comme comparables (voir, par analogie, arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 340 supra, points 243 et 245).

344   Toutefois, si les réponses aux questions fournies par Dalmine ont été d’une certaine utilité pour la Commission, elles ne font que confirmer, et ce de manière moins précise et explicite, certaines des informations déjà fournies par Vallourec par le biais des déclarations de M. Verluca.

345   Dès lors, il y a lieu de considérer que les informations fournies à la Commission par Dalmine avant l’envoi de la CG ne sont pas comparables à celles fournies par Vallourec et ne suffisent pas à justifier une réduction de l’amende infligée à Dalmine allant au-delà de celle de 20 % qui lui a été accordée pour absence de contestation des faits. En effet, si cette absence de contestation des faits a pu faciliter le travail de la Commission de manière significative, tel n’est pas le cas en ce qui concerne les informations fournies par Dalmine avant l’émission de la CG.

346   Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le calcul de l’amende

347   Il résulte de ce qui précède que le montant de l’amende imposée à Dalmine doit être minoré pour tenir compte de ce que la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est fixée, dans la présente affaire, à quatre années plutôt qu’à cinq années.

348   La méthode de calcul du montant des amendes retenue dans les lignes directrices et employée par la Commission en l’espèce n’ayant pas été critiquée en elle-même, le Tribunal estime, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu’il y a lieu d’appliquer cette méthode au vu de la conclusion effectuée au point précédent.

349   Ainsi, le montant de base de l’amende est fixé à dix millions d’euros, majoré de 10 % pour chaque année d’infraction, soit de 40 % au total, ce qui aboutit à un chiffre de 14 millions d’euros. Ce montant doit ensuite être minoré de 10 % au titre des circonstances atténuantes, conformément aux considérants 168 et 169 de la décision attaquée, et ensuite de 20 % au titre de la coopération pour arriver à un montant définitif pour Dalmine de 10 080 000 euros au lieu de 10 800 000 euros.

 Sur les dépens

350   Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions. Chaque partie ayant effectivement succombé sur un ou plusieurs chefs de conclusions en l’espèce, il y a lieu de décider que la requérante et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (Affaire IV/E‑1/35.860‑B – Tubes d’acier sans soudure), est annulé dans la mesure où il retient l’existence de l’infraction reprochée par cette disposition à la requérante avant le 1er janvier 1991.

2)      Le montant de l’amende infligée à la requérante à l’article 4 de la décision 2003/382 est fixé à 10 080 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La requérante et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Forwood

Pirrung

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2004.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J. Pirrung

Table des matières

Faits et procédure

1.  Procédure administrative

2.  Produits en cause

3.  Infractions retenues par la Commission dans la décision attaquée

4.  Faits essentiels retenus par la Commission dans la décision attaquée

5.  Dispositif de la décision attaquée

6.  Procédure devant le Tribunal

Conclusions des parties

Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

1.  Sur les moyens tirés de violations des formes substantielles au cours de la procédure administrative

Sur la légalité des questions posées par la Commission au cours de l’enquête

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la concordance entre la CG et la décision attaquée en ce qui concerne les éléments de preuve invoqués

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’admissibilité de certains éléments de preuve

Sur le document Clé de répartition

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur les procès-verbaux des interrogatoires des anciens dirigeants de Dalmine

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la légalité de la décision de vérification de la Commission du 25 novembre 1994

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’accès au dossier

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur les moyens de fond

Sur les motifs surabondants de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée (club Europe-Japon)

Sur les moyens relatifs à l’analyse du marché pertinent et du comportement des destinataires de la décision attaquée sur celui-ci

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la participation de Dalmine à l’infraction

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur l’infraction visée à l’article 2 de la décision attaquée

Sur les clauses du contrat d’approvisionnement conclu entre Corus et Dalmine

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur les moyens relatifs à l’existence d’une entente et à la participation de Dalmine à celle-ci

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur les moyens relatifs au marché pertinent et au lien existant avec l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la demande d’annulation de l’amende ou de réduction de son montant

1.  Sur la gravité de l’infraction

Sur la définition du marché pertinent et sur les effets de l’infraction

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’appréciation du comportement individuel des entreprises et l’absence de distinction entre les entreprises en fonction de leur taille

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur la durée de l’infraction

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

4.  Sur la coopération de Dalmine au cours de la procédure administrative

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le calcul de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l'italien.