Language of document : ECLI:EU:T:2017:712

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 octobre 2017 (*)

« Dumping – Importation de bicyclettes expédiées du Cambodge, du Pakistan et des Philippines – Extension à ces importations du droit antidumping définitif institué sur les importations de bicyclettes originaires de Chine – Règlement d’exécution (UE) 2015/776 – Article 13, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement (CE) n° 1225/2009 – Opérations d’assemblage – Provenance et origine de pièces de bicyclette – Certificats d’origine – Valeur probante insuffisante – Coûts de fabrication des pièces de bicyclette »

Dans l’affaire T‑435/15,

Kolachi Raj Industrial (Private) Ltd, établie à Karachi (Pakistan), représentée par M. P Bentley, QC,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J.‑F. Brakeland, M. França et Mme A. Demeneix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

European Bicycle Manufacturers Association (EBMA), représentée par Me L. Ruessmann, avocat et M. J. Beck, solicitor,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2015/776 de la Commission, du 18 mai 2015, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (UE) n° 502/2013 du Conseil sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine aux importations de bicyclettes expédiées du Cambodge, du Pakistan et des Philippines, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays (JO 2015, L 122, p. 4), en tant qu’il concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli et M. A. Kornezov (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par le règlement (CEE) n° 2474/93, du 8 septembre 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO 1993, L 228, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a institué un droit antidumping définitif de 30,6 % sur les importations de bicyclettes originaires de Chine.

2        À l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures ouvert conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), le Conseil, par le règlement (CE) n° 1524/2000, du 10 juillet 2000, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine (JO 2000, L 175, p. 39), a décidé de maintenir le droit antidumping susmentionné.

3        À la suite d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 384/96, le Conseil, par le règlement (CE) n° 1095/2005, du 12 juillet 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires du Viêt Nam et modifiant le règlement n° 1524/2000 (JO 2005, L 183, p. 1), a relevé le droit antidumping sur les importations de bicyclettes originaires de Chine à 48,5 %.

4        Le Conseil, par le règlement d’exécution (UE) n° 990/2011, du 3 octobre 2011, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 (JO 2011, L 261, p. 2), a décidé de maintenir le droit antidumping en vigueur à 48,5 %.

5        En mai 2013, à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »), alors en vigueur, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 502/2013, du 29 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution n° 990/2011 (JO 2013, L 153, p. 17), et a décidé de maintenir le droit antidumping en vigueur à 48,5 %, hormis pour les bicyclettes exportées par trois entreprises, pour lesquelles des taux de droit individuels ont été attribués.

6        À l’issue d’une enquête anticontournement menée au titre de l’article 13 du règlement de base, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 501/2013, du 29 mai 2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution n° 990/2011 sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine aux importations de bicyclettes expédiées d’Indonésie, de Malaisie, du Sri Lanka et de Tunisie, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays (JO 2013, L 153, p. 1).

7        Saisie d’une nouvelle plainte en 2014, portant cette fois sur l’éventuel contournement des droits antidumping impliquant des producteurs-exportateurs de bicyclettes établis au Cambodge, au Pakistan et aux Philippines, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 938/2014, du 2 septembre 2014, ouvrant une enquête concernant l’éventuel contournement des mesures antidumping instituées par le règlement n° 502/2013 du Conseil sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine par des importations de bicyclettes expédiées du Cambodge, du Pakistan et des Philippines, qu’elles aient ou non été déclarées originaires du Cambodge, du Pakistan et des Philippines, et soumettant ces importations à enregistrement (JO 2014, L 263, p. 5, rectificatif JO 2014, L 341, p. 31). Au cours de cette enquête, portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 août 2014 (ci-après la « période d’enquête »), la requérante, Kolachi Raj Industrial (Private) Ltd, société à responsabilité limitée de droit pakistanais, a reçu de la Commission un « Formulaire pour les sociétés demandant une exemption d’une éventuelle extension des droits » (ci-après le « formulaire »), qu’elle a complété et renvoyé le 17 octobre 2014.

8        Des indications fournies dans le formulaire, il apparaissait que la requérante achetait des pièces de bicyclette en provenance du Sri Lanka et de Chine afin d’assembler des bicyclettes au Pakistan. Dans la mesure où la requérante n’avait pas précisé qu’elle fabriquait également des pièces dans ce dernier pays, la Commission a considéré que la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication n’était pas supérieure à 25 % du coût de fabrication au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base.

9        La requérante a joint au formulaire le tableau F.2, qui énumère l’ensemble des achats de pièces réalisés par elle pendant la période allant du 1er septembre 2013 au 31 août 2014 (ci-après la « période de référence »). Il ressort de ce tableau que cinq sociétés ont été désignées comme les fournisseurs de la requérante, à savoir Creative Cycles Pvt Ltd, Great Cycles Pvt Ltd, Continental Cycles Pvt Ltd, Kelani Cycles Pvt Ltd et Flying Horse Pvt Ltd. À cet égard, s’il est exact, comme l’affirme la Commission, que la requérante a laissé vierge la colonne « liées ou non liées » dudit tableau, qui permet d’établir d’éventuels liens avec ses fournisseurs, il importe, néanmoins, de préciser qu’elle a mentionné l’existence de liens entre elle et Great Cycles, indiquant, en page 11 du formulaire, que son propriétaire et celui de Great Cycles était une seule et même personne.

10      Le 27 novembre 2014 s’est tenue une audition par la Commission de la requérante, à la demande de cette dernière, au cours de laquelle celle-ci a apporté un certain nombre de précisions et maintenu la teneur des éléments figurant dans le formulaire, à savoir que, durant la période de référence, elle effectuait des opérations d’assemblage de bicyclettes au Pakistan, mais que moins de 60 % de la valeur des pièces utilisées dans ces opérations d’assemblage provenait de Chine et que, dès lors, ses opérations d’assemblage ne constituaient pas un contournement des mesures en vigueur au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base.

11      La Commission a formulé, à la suite de cette audition, une demande d’informations complémentaires, à laquelle la requérante a répondu le 16 janvier 2015, reconnaissant être liée non seulement à Great Cycles, mais aussi à Creative Cycles et Continental Cycles, et précisant, au point 2 de sa réponse, qu’elle n’avait pas mentionné initialement ces deux dernières sociétés, puisque la première « avait cessé son activité » et la seconde était « déjà fermée ».

12      Une visite de vérification a été diligentée les 17 et 18 février 2015, non, comme initialement prévu, dans les locaux de la requérante à Karachi (Pakistan), mais, pour des raisons de sécurité, avec l’accord de la requérante, à Katunayake (Sri Lanka), dans les locaux de Great Cycles, où les documents comptables avaient été transférés aux fins de la vérification. Cette vérification avait pour but de déterminer, en particulier, si la proportion de pièces en provenance de Chine était inférieure à 60 % de la valeur de l’ensemble des pièces utilisées dans l’opération d’assemblage effectuée par la requérante au Pakistan. La Commission a décidé de concentrer son enquête sur les données concernant l’un des fournisseurs de la requérante, à savoir Flying Horse, au motif que celle-ci lui achetait 93 % des pièces de bicyclette utilisées dans ses opérations d’assemblage au Pakistan. Il ressortait à cet égard des éléments figurant dans le tableau F.2 que ledit fournisseur n’était pas lié à la requérante et, des éléments fournis par celle-ci lors de la vérification sur place, que ce fournisseur était un intermédiaire qui achetait des pièces presque à parts égales –respectivement à hauteur de 46 et 47 % de toutes les pièces de bicyclette utilisées dans les opérations d’assemblage de la requérante au Pakistan – en Chine et au Sri Lanka et les revendait à la requérante. Pour le reste, cette dernière s’approvisionnait directement auprès de fournisseurs sri lankais et cambodgiens.

13      Il s’est avéré que Flying Horse achetait un important volume de cadres, de fourches, de jantes en alliage et de roues en plastique auprès de Great Cycles, fabriquant de pièces de bicyclette établi au Sri Lanka, lié à la requérante, comme indiqué au point 9 ci-dessus. Les pneus et rubans de jante étaient, en revanche, achetés auprès de Vechenson Limited, fabriquant de pièces de bicyclette établi également au Sri Lanka et non lié à la requérante. La Commission reconnaît que ce dernier est « un authentique producteur de bicyclettes » (point 27 du mémoire en défense). Ayant relevé une série d’anomalies, comme la présence d’une créance impayée de 5 277 325 dollars américains (USD) de la requérante envers son fournisseur Flying Horse, somme correspondant à plus de 90 % du montant des ventes réalisées par la requérante dans l’Union européenne au cours de la période de référence, la réalisation par Flying Horse d’une marge très variable lors de ses ventes à la requérante, au regard du prix facturé à Flying Horse par Great Cycles, allant de la vente à perte à une marge de près de 20 %, et l’existence d’une pluralité de factures, émises soit par Flying Horse à destination de la requérante, soit directement par Great Cycles et adressées à cette dernière, portant le même numéro et relatives aux mêmes quantités et aux mêmes montants, la Commission a émis un doute sur la relation entre la requérante et ledit fournisseur.

14      La Commission s’est également interrogée, au vu de ces pratiques, sur la question de savoir si les pièces de bicyclette provenant du Sri Lanka et déclarées par la requérante comme étant originaires de ce pays l’étaient effectivement. La requérante a fourni à cet égard les certificats d’origine « formule A » délivrés par le ministère du Commerce de la République socialiste démocratique de Sri Lanka pour les pièces de bicyclette achetées, d’une part, par l’intermédiaire de Flying Horse, à Great Cycles et, d’autre part, à Vechenson. Dans le cadre de son enquête, la Commission a également demandé à ce que lui fussent communiquées les pièces justificatives fournies à l’appui de la demande d’obtention des certificats d’origine « formule A », demande à laquelle la requérante a également donné suite.

15      La requérante a ainsi transmis à la Commission des certificats d’origine « formule A » ainsi que les justificatifs qui y sont afférents concernant, premièrement, les exportations effectuées par Vechenson et, deuxièmement, celles réalisées par Great Cycles. La Commission a accepté comme preuves de l’origine sri lankaise des pièces de bicyclette les certificats relatifs à Vechenson, mais a écarté ceux se rapportant à Great Cycles. Quant à ces derniers certificats d’origine « formule A », ont été examinés par la Commission deux relevés de coûts concernant les cadres et les fourches, le premier daté du 17 décembre 2012 et le second daté du 12 décembre 2013. Tous deux portaient le cachet du ministère du Commerce de la République socialiste démocratique de Sri Lanka. La requérante a également produit des relevés de coûts concernant les jantes, datés du 27 juin 2014. La Commission a constaté, à cet égard, plusieurs incohérences supposées, la première tenant au fait que, pour certains types de cadres et de fourches, il manquait des relevés de coûts justificatifs, la deuxième relative au fait que les relevés en question se fondaient non sur des coûts de fabrication réels, mais seulement sur une projection globale des coûts de fabrication valables pour un volume de production indéterminé sur une période d’environ un an, la troisième ayant trait à l’absence de correspondance entre les tailles de cadres et de fourches mentionnées sur les certificats d’origine « formule A » et celles figurant sur les relevés de coûts, la quatrième portant sur la différence entre la valeur « free on board » (franco à bord) figurant sur les certificats d’origine « formule A » et la valeur franco à bord mentionnée dans le tableau F.2 annexé au formulaire ainsi que la valeur des différentes factures examinées au cours de l’enquête et, la cinquième, relative à l’absence de mention de Flying Horse dans les certificats d’origine « formule A ».

16      Dans ces circonstances, la Commission a demandé à la requérante, lors de la visite de vérification, de fournir des éléments de preuve concernant les coûts de fabrication des pièces ouvrées par Great Cycles au Sri Lanka au cours de la période de référence, dans le format du tableau F.4.1 du formulaire. Adhérant à cette demande, la requérante a produit, dans le format demandé, les informations requises concernant les coûts de fabrication totaux de l’ensemble des pièces (cadres, fourches, jantes en alliage et roues en plastique) produites par Great Cycles au Sri Lanka au cours de ladite période. Se fondant sur ces éléments, la Commission a calculé que plus de 65 % du total des matières premières utilisées pour la fabrication de pièces de bicyclette au Sri Lanka provenait de Chine, contre 31 % du Sri Lanka, et que moins de 25 % de valeur sri lankaise était ajoutée à ces matières premières lors du processus de fabrication desdites pièces au Sri Lanka. Elle en a conclu que la requérante participait à des opérations de contournement et lui a communiqué cette conclusion le 13 mars 2015.

17      Le 23 mars 2015 a eu lieu l’audition de la requérante, à sa demande, par le conseiller-auditeur.

18      Dans ses observations écrites du 27 mars 2015 relatives aux conclusions de la Commission, la requérante a fait valoir que cette dernière n’était juridiquement pas fondée à remettre en cause l’origine sri lankaise des pièces que lui fournissait Great Cycles, puisque, d’une part, les certificats d’origine « formule A » établis par l’État sri lankais attestaient de cette origine et, d’autre part, l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base n’étant pas une règle d’origine, la Commission ne pouvait l’appliquer pour déterminer l’origine des pièces ouvrées au Sri Lanka.

19      Le 18 mai 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/776, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement n° 502/2013 sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine aux importations de bicyclettes expédiées du Cambodge, du Pakistan et des Philippines, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays (JO 2015, L 122, p. 4, ci-après le « règlement attaqué »).

 Règlement attaqué

20      Le considérant 13 du règlement attaqué indique notamment que la question de la « force probante » des certificats d’origine « formule A » pour les parties de bicyclette achetées auprès d’une société liée au Sri Lanka par l’intermédiaire d’un négociant et l’application, « par analogie », de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base pour les parties de bicyclette achetées au Sri Lanka ont été examinées au cours de l’audition de la requérante par le conseiller-auditeur le 23 mars 2015.

21      Le considérant 22 du règlement attaqué mentionne le fait que, au cours de la période de référence, la requérante était le seul producteur de bicyclettes du Pakistan, qu’elle a rempli le formulaire et que sa production couvrait un peu plus de 100 % du total des importations de bicyclettes provenant du Pakistan dans l’Union. Il fait également état de la vérification sur place mentionnée au point 12 ci-dessus et précise que la requérante a été considérée comme ayant coopéré.

22      Au point 2.5.3 du règlement attaqué, intitulé « Pakistan », les considérants 94 à 106 dudit règlement sont consacrés à l’enquête de la Commission concernant la requérante. À titre liminaire, la Commission met en exergue, au considérant 94 du règlement attaqué, les liens existant entre la requérante et « une société établie au Sri Lanka qui a fait l’objet de la précédente enquête anticontournement et est soumise aux mesures étendues », ajoutant que les actionnaires de ladite société avaient créé une entreprise au Cambodge participant également aux exportations de bicyclettes vers l’Union et « n’a[yant] pas coopéré à l’enquête actuelle, bien qu’elle ait exporté le produit soumis à [cette dernière] vers le marché de l’Union en 2013 ». La Commission ajoute, toujours au considérant 94 du règlement attaqué, que la société cambodgienne a cessé ses activités au Cambodge au cours de la période de référence et a transféré ces dernières vers la société liée établie au Pakistan.

23      Au considérant 96 du règlement attaqué, la Commission souligne que l’enquête n’a pas révélé de pratiques de transbordement de produits d’origine chinoise via le Pakistan et, aux considérants 98 et 99 dudit règlement, elle expose les anomalies qu’elle a relevées au cours de cette même enquête, mentionnées aux points 13 et 15 ci-dessus. Elle consacre ensuite les considérants 100 et 101 du règlement attaqué à la question de la valeur probante des certificats d’origine « formule A » ainsi qu’à la proportion des matières premières provenant de Chine et utilisées pour la fabrication de pièces de bicyclette au Sri Lanka. Ces considérants sont rédigés comme suit :

« 100 Après la communication des conclusions, la [requérante] a marqué son désaccord avec l’appréciation de la Commission selon laquelle les certificats d’origine “formule A” présentés pour les parties de bicyclette achetées au Sri Lanka ne pouvaient pas constituer des preuves suffisantes de l’origine des parties de bicyclette. La [requérante] a fait valoir que les déclarations de coûts avaient été préparées par un cabinet d’experts-comptables et que les importateurs devraient pouvoir se fier aux certificats d’origine “formule A” délivrés par le ministère du commerce du Sri Lanka. La [requérante] a confirmé que les déclarations de coûts ne s’appuyaient pas sur des coûts de fabrication réels pour les parties, mais sur une simple projection des coûts futurs sur environ un an. En outre, la [requérante] a fait valoir que l’article 13, paragraphe 2, [sous] b), du règlement de base ne constituait pas une règle d’origine et, par conséquent, qu’il ne saurait être invoqué pour déterminer l’origine des parties de bicyclette achetées au Sri Lanka.

101 Comme expliqué au considérant 98, les certificats d’origine “formule A” n’ont pas été considérés comme étant des éléments suffisants pour démontrer l’origine des parties de bicyclette achetées au Sri Lanka, parce qu’ils ont été délivrés non pas sur la base des coûts de fabrication réels, mais sur une projection des coûts de fabrication pour l’avenir, ne garantissant pas que les parties de bicyclette ont été effectivement fabriquées conformément aux coûts prévisionnels. Par ailleurs, il convient de préciser que la Commission ne conteste pas, d’une manière générale, la méthodologie utilisée pour délivrer les certificats d’origine “formule A” au Sri Lanka, ce qui ne relève pas du cadre de la présente enquête, mais elle pose uniquement la question de savoir si les conditions de l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base sont remplies dans le cas d’espèce. Dans ce contexte, s’il convient de noter que l’article 13, paragraphe 2, [sous] b), du règlement de base n’est pas, en soi, une règle d’origine, la Commission était fondée à considérer que, étant donné que lesdites parties avaient été fabriquées, pour plus de 60 %, avec des matières premières provenant de Chine et que la valeur ajoutée était inférieure à 25 % des coûts de production, elle pouvait conclure que ces parties provenaient elles-mêmes de Chine. Tous les arguments ci-dessus ont donc été rejetés. »

24      La Commission a donc estimé, au considérant 104 du règlement attaqué, que l’enquête n’avait mis en évidence, « pour les opérations d’assemblage, aucune motivation ou justification économique autre que l’intention d’éviter les mesures en vigueur applicables au produit concerné ».

25      Les considérants 144 à 147 du règlement attaqué sont consacrés, dans le cadre de la preuve de l’existence du dumping, à la méthodologie mise en œuvre par la Commission, consistant, dans un premier temps, à déterminer le prix moyen pondéré à l’exportation pratiqué au cours de la période de référence, puis, dans un second temps, à le comparer avec la valeur normale moyenne pondérée. La Commission conclut à l’existence, concernant le Pakistan, d’un « dumping considérable » (considérant 147 du règlement attaqué).

26      Au considérant 163 du règlement attaqué, lequel renvoie au considérant 102 dudit règlement, la Commission a écarté la possibilité d’exempter la requérante des éventuelles mesures étendues, au motif que, celle-ci étant « impliquée dans des pratiques de contournement […] une exemption en vertu de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base ne [pouv]ait lui être accordée ».

27      La Commission a donc décidé, à l’article 1er du règlement attaqué, l’extension du droit antidumping définitif de 48,5 % applicable aux importations de bicyclettes originaires de Chine et mentionné au point 3 ci-dessus aux importations de bicyclettes expédiées notamment du Pakistan, indiquant, à l’article 1er, paragraphe 3, dudit règlement, que le « droit étendu en vertu du paragraphe 1 du présent article est perçu sur les importations expédiées du Cambodge, du Pakistan et des Philippines, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays, enregistrées conformément à l’article 2 du règlement [d’exécution] n° 938/2014 ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement [de base], à l’exception des produits fabriqués par les sociétés énumérées au paragraphe 1 ».

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2015, la requérante a introduit le présent recours.

29      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 12 octobre 2015.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 novembre 2015, European Bicycle Manufacturers Association (EBMA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

31      Les 7 et 18 décembre 2015, la Commission puis la requérante ont indiqué au Tribunal qu’elles n’avaient pas d’objection à l’intervention d’EBMA.

32      Le 18 décembre 2015 également, la Commission a adressé au Tribunal une demande de traitement confidentiel du mémoire en défense, en en fournissant une version non confidentielle. La requérante a pour sa part, le même jour, adressé au Tribunal une demande de traitement confidentiel des annexes de la requête et de celles du mémoire en défense, joignant à cette demande une version non confidentielle de ces dernières.

33      Toujours le 18 décembre 2015, la requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal.

34      Le 25 janvier 2016, la requérante a fait parvenir au greffe du Tribunal une version non confidentielle de la requête.

35      Par ordonnance du président de la septième chambre du 9 mars 2016, EBMA a été admise à intervenir et il a été fait droit aux demandes de traitement confidentiel formulées par les parties principales.

36      Le 18 mars 2016, la Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal.

37      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 1er avril 2016, la requérante a confirmé que la duplique ne contenait pas de données confidentielles.

38      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2016, l’intervenante a confirmé qu’elle ne voyait pas d’objection au traitement confidentiel de la requête, du mémoire en défense et de la réplique.

39      Par lettre du 20 avril 2016, le Tribunal a invité les parties principales à faire connaître leurs observations sur une éventuelle suspension de la procédure en raison de l’existence de six pourvois devant la Cour susceptibles de présenter un intérêt pour le règlement du présent litige.

40      Respectivement le 26 avril et le 10 mai 2016, la Commission et la requérante ont répondu, pour la première, que ces pourvois avaient trait à l’ordre d’analyse à respecter lors de l’interprétation et de l’application de l’article 13 du règlement de base ainsi qu’à la bonne répartition de la charge de la preuve dans le cadre des enquêtes anticontournement, question qui ne se posait pas dans la présente affaire, et, pour la seconde, que, au vu des moyens des pourvois, ces derniers ne paraissaient pas pertinents pour la solution de la présente affaire.

41      Le 2 mai 2016, l’intervenante a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en intervention.

42      Le 26 mai 2016, le président de la septième chambre a décidé de ne pas suspendre la procédure.

43      Le 17 juin et le 8 juillet 2016, la Commission et la requérante ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations respectives sur le mémoire en intervention.

44      À la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal, l’affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur au sein de la septième chambre.

45      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en tant qu’il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

46      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 mai 2017, qui s’est tenue partiellement à huis clos afin d’interroger les parties principales sur des annexes comportant des éléments confidentiels.

48      Lors de l’audience, l’intervenante a présenté une observation sur le rapport d’audience, dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

49      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que, si « la requérante était un simple négociant en bicyclettes, elle ne serait pas individuellement concernée par la perception des droits en question à compter de la date de l’enregistrement ». Elle admet, toutefois, que, « dans les circonstances particulières de l’espèce, le recours pourrait être recevable dans la mesure où les droits étendus s’appliquent non seulement aux bicyclettes expédiées, mais également produites par la requérante elle-même », et que c’est « seulement en sa qualité de (prétendu) fabricant de bicyclettes que la requérante a participé à l’enquête et que ses données ont été utilisées par l’autorité chargée de l’enquête » (point 92 du mémoire en défense).

50      Le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire à la condition qu’elle soit directement et individuellement concernée par cet acte, fixé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, constitue une fin de non-recevoir d’ordre public que les juridictions de l’Union peuvent à tout moment examiner, même d’office (ordonnance du 5 juillet 2001, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, C‑341/00 P, EU:C:2001:387, point 32, et arrêt du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 18).

51      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues au premier et au deuxième alinéa, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

52      À cet égard, en premier lieu, il suffit de relever, s’agissant de l’affectation individuelle de la requérante, que le juge de l’Union a considéré que certaines dispositions des règlements instituant ou étendant des droits antidumping pouvaient concerner individuellement ceux des producteurs et des exportateurs du produit en cause auxquels étaient imputées les pratiques de dumping sur le fondement de données relatives à leur activité commerciale. C’est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, point 11, et du 13 septembre 2013, Huvis/Conseil, T‑536/08, non publié, EU:T:2013:432, point 25).

53      À la lumière de cette jurisprudence, il échet de constater non seulement que la requérante a fait l’objet de l’enquête, comme cela a été rappelé aux points 7 à 18 ci-dessus, mais également qu’elle a été identifiée, au considérant 22 du règlement attaqué, comme le seul producteur de bicyclettes établi au Pakistan. Par ailleurs, de nombreux autres considérants dudit règlement mentionnent la situation factuelle et juridique de la requérante (voir points 21 à 27 ci-dessus). Il n’est donc pas contestable que la requérante est individuellement concernée par le règlement attaqué, y compris en ce qu’il ordonne la perception du droit antidumping étendu à compter de la date de l’enregistrement.

54      En second lieu, il convient de constater que la requérante est affectée directement par le règlement attaqué. À cet égard, il suffit de constater que les autorités douanières des États membres, sans qu’elles bénéficient d’une quelconque marge d’appréciation, sont obligées de percevoir les droits imposés par un règlement antidumping (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, BP Products North America/Conseil, T‑385/11, EU:T:2014:7, point 72 et jurisprudence citée).

55      La requérante étant directement et individuellement concernée par le règlement attaqué, il s’ensuit que le recours tendant à l’annulation de ce dernier est recevable.

 Sur la recevabilité de certains « moyens » du recours

56      À l’appui de son recours, la requérante présente un moyen unique, tiré de la violation de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base. Elle soutient que, dans l’application de cette disposition, la Commission a commis des erreurs procédurales et de fond, exposant un raisonnement incohérent. Le moyen du recours est, à cet égard, présenté comme suit :

–        la Commission aurait appliqué l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base à des opérations de fabrication de pièces de bicyclette au Sri Lanka, alors que l’enquête en cause avait pour objet le contournement supposé de mesures antidumping au moyen d’opérations d’assemblage au Pakistan ;

–        elle aurait appliqué cette disposition en tant que règle d’origine, ce qu’elle ne serait pas ;

–        elle ne démontrerait pas de façon cohérente le caractère insuffisamment probant des certificats d’origine « formule A » ;

–        elle n’aurait pris aucune mesure pour appliquer les règles d’origine prévues par la législation douanière de l’Union.

57      La Commission fait valoir que la requérante soulève, en réalité, trois « moyens », puisqu’elle conteste successivement le rejet de sa demande d’exemption, l’extension du droit antidumping définitif aux importations de bicyclettes expédiées du Pakistan par elle et la perception dudit droit. Elle considère que le premier et le troisième de ces « moyens » sont irrecevables faute d’être assortis d’arguments propres et estime, en tout état de cause, qu’ils ne sont pas fondés.

58      La lecture que fait la Commission de la requête ne peut être retenue. En effet, la requérante présente un moyen unique au soutien de ses conclusions en annulation, par lequel elle fait valoir que c’est en commettant diverses « erreurs de procédure, de droit et de raisonnement » que la Commission lui a étendu le droit antidumping définitif de 48,5 %. Or, le refus d’exemption, l’extension dudit droit et la perception de celui-ci sont indissociables dans le cas d’espèce, étant donné que, comme cela est indiqué au considérant 22 du règlement attaqué, mentionné au point 21 ci-dessus, « [a]u cours de la période de référence, une seule société a produit des bicyclettes au Pakistan », à savoir la requérante, laquelle était responsable de la totalité des exportations de bicyclettes du Pakistan vers l’Union. L’extension du droit antidumping initial de 48,5 % à ce pays, d’une part, était donc une conséquence inéluctable du refus d’exemption opposé à la requérante et, d’autre part, a entraîné en ligne directe la perception dudit droit.

59      En atteste également le libellé même du règlement attaqué. En effet, il ressort du considérant 163 dudit règlement, lequel renvoie au considérant 102 de ce même règlement, que la demande d’exemption a été rejetée au seul motif que « la [requérante] était impliquée dans des pratiques de contournement », au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base. Il ressort aussi de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement attaqué, cité au point 27 ci-dessus, que la perception du droit antidumping définitif découlait elle-même directement de l’extension décidée à l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement.

60      Il y a donc lieu de considérer que ces trois « moyens » n’en forment qu’un seul, tendant à l’annulation du règlement attaqué en ce qui concerne la requérante, et de rejeter, par suite, les fins de non-recevoir afférentes aux deux « moyens » susmentionnés, soulevées par la Commission.

 Sur le fond

61      Avant d’examiner au fond le moyen unique du recours, le Tribunal estime opportun de faire état de certaines observations liminaires.

 Observations liminaires

62      Premièrement, la Commission soutient que « l’ordre dans lequel la requête est présentée ne respecte pas l’ordre prévu par l’article 13 du règlement de base » (point 60 du mémoire en défense), à savoir, d’abord, l’obligation qui est faite d’établir que les quatre conditions posées par l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base sont remplies concernant le pays, puis l’examen des preuves fournies par les producteurs-exportateurs à l’appui de leur demande individuelle d’exemption. Elle admet cependant que, en l’espèce, la distinction prévue par l’article 13 du règlement de base entre ses deux premiers paragraphes « est rendue floue par le fait que la requérante soit le seul assembleur de bicyclettes au Pakistan » (point 66 du mémoire en défense).

63      À cet égard, d’une part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’ordre dans lequel la Commission, dans le règlement attaqué, a mis en œuvre, respectivement, l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement de base concernant l’existence de pratiques de contournement au Pakistan, puis l’évaluation de sa demande d’exemption. D’autre part, la Commission a elle-même reconnu, comme indiqué au point 62 ci-dessus, que cette distinction était floue en l’espèce et a également indiqué, dans ses observations sur l’éventualité d’une suspension de la procédure, mentionnées au point 40 ci-dessus, que, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 26 janvier 2017, Maxcom/Chin Haur Indonesia (C‑247/15 P, C‑253/15 P et C‑259/15 P, EU:C:2017:61) et Maxcom/City Cycle Industries (C‑248/15 P, C‑254/15 P et C‑260/15 P, EU:C:2017:62), la question de l’ordre d’examen institué par l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement de base ne se posait pas dans la présente affaire.

64      Deuxièmement, l’intervenante a fait valoir, dans le mémoire en intervention et lors de l’audience, que la notion de « pays soumis aux mesures », présente à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base, devait être entendue comme faisant référence non seulement à la Chine, mais également au Sri Lanka, pays auquel les mesures initiales ont été étendues.

65      Il convient de constater à cet égard que le règlement attaqué n’est pas fondé sur une interprétation de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base telle que préconisée par l’intervenante et que cette interprétation n’est ni soulevée, ni reprise, ni commentée par la Commission dans le cadre de la présente affaire. En effet, il ressort clairement d’une lecture d’ensemble dudit règlement que seule la Chine a été considérée comme le « pays soumis aux mesures » au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base. De surcroît, il importe d’indiquer que la période d’enquête, en l’espèce, portait en partie sur une phase au cours de laquelle les mesures antidumping imposées sur les bicyclettes originaires de Chine n’étaient pas encore étendues à celles expédiées depuis le Sri Lanka, ce qui démontre, si besoin en était encore, que ce dernier pays ne pouvait être considéré dans le règlement attaqué comme le « pays soumis aux mesures » au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base.

66      Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours en annulation, le Tribunal ne peut substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 64 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 359), ce qu’il serait conduit à faire si l’argument de l’intervenante était accueilli. Ledit argument ne saurait donc prospérer.

67      Troisièmement, il est constant que, en l’espèce, la Commission n’a pas fait application de l’article 18 du règlement de base, relatif au défaut de coopération. En effet, elle a considéré, comme cela est rappelé au point 21 ci-dessus, que la requérante avait coopéré. Par conséquent, l’argument de l’intervenante, selon lequel la Commission aurait été en droit d’appliquer ledit article, doit être écarté comme dépourvu de pertinence.

68      Quatrièmement, l’intervenante met en avant le fait que Great Cycles et la requérante constituent une « entité économique unique » aux fins de l’interprétation du critère relatif aux 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé, figurant dans l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base. Toutefois, il convient de relever, à l’instar de ce qui a été jugé au point 65 ci-dessus, que le règlement attaqué n’est pas fondé sur un tel motif et que l’allégation de l’intervenante, à la supposer établie, ne saurait être substituée aux motifs retenus par la Commission dans ledit règlement. Cet argument, présenté à titre subsidiaire, ne saurait donc prospérer non plus.

 Sur le moyen unique du recours

69      Premièrement, la requérante fait valoir qu’il ressort tant du libellé de l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base, que de la jurisprudence (arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 88), que cette disposition se réfère à des pièces du produit assemblé « provenant » du pays soumis aux mesures sans que le mot « provenant » doive être interprété comme exigeant que les pièces soient effectivement originaires de ce pays. En l’espèce, le fait que lesdites pièces ont été ouvrées au Sri Lanka et expédiées depuis ce pays vers le Pakistan suffirait donc pour établir qu’elles ne devraient pas être qualifiées de pièces « provenant » de Chine au sens de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement (points 22 et 23 de la requête).

70      Deuxièmement, lors de la vérification sur place, la requérante a produit des certificats d’origine « formule A » délivrés par le ministère du Commerce de la République socialiste démocratique de Sri Lanka, aux fins de démontrer que les pièces produites au Sri Lanka et expédiées au Pakistan depuis ce pays étaient originaires du Sri Lanka. Lesdits certificats étant prévus par la réglementation douanière de l’Union, les opérateurs économiques seraient en droit de s’y fier, sauf à ce qu’ils soient formellement déclarés invalides à la suite d’une enquête officielle des autorités douanières de l’Union. Elle estime donc avoir satisfait à la charge de la preuve lui incombant en application du point 88 de l’arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil (T‑80/97, EU:T:2000:216). Elle précise que les déclarations de coûts, établies par des experts-comptables, ont été assorties d’un engagement de sa part d’ouvrir son usine à toute inspection et de tenir à jour ses registres comptables. Dans la réplique, la requérante indique, au point 20, qu’il « est raisonnable, pour un petit pays aux ressources limitées comme le Sri Lanka, d’adopter un système en vertu duquel les certificats d’origine “formule A” sont délivrés sur la base d’une prévision des coûts, soumise à un contrôle ex post ». Elle ajoute, aux points 52 à 54 de la réplique, que l’article 97 unvicies du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’application du code des douanes »), alors en vigueur, organise une procédure de vérification ex post desdits certificats d’origine. Selon la requérante, la Commission n’a pas indiqué, dans le règlement attaqué, pour quelle raison les certificats d’origine « formule A » ne pouvaient faire foi (point 53 de la réplique), alors qu’elle doit « raisonnablement justifier les raisons pour lesquelles » ils ne peuvent être considérés comme valables (point 55 in fine de la réplique).

71      Troisièmement, la Commission aurait commis des erreurs de procédure, de droit et de raisonnement en appliquant l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base à des opérations de production qui se sont déroulées au Sri Lanka et non au Pakistan. En procédant de la sorte, la Commission aurait agi hors du champ d’application territorial de l’enquête en appliquant cette même disposition à un autre pays que le Pakistan. En outre, la Commission aurait appliqué la mauvaise règle, puisque la disposition appliquée n’est pas une règle d’origine, pour établir, de façon erronée, que les pièces de bicyclette fabriquées au Sri Lanka n’étaient pas d’origine sri lankaise et pouvaient, par suite, être considérées comme provenant de Chine. Par ailleurs, le raisonnement de la Commission serait incohérent, car elle reconnaîtrait, à juste titre, que la disposition en cause n’est pas une règle d’origine, mais l’aurait néanmoins appliquée comme telle aux pièces de bicyclette en question.

72      Or, dans ces circonstances, puisque la Commission avait l’intention de rejeter les certificats d’origine « formule A » comme éléments de preuve insuffisants, les principes de bonne administration et de diligence auraient exigé, à tout le moins, une vérification de l’origine des pièces de bicyclette en cause selon les règles d’origine préférentielles et non préférentielles prévues par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et le règlement d’application du code des douanes. Toutefois, aucune vérification à cet effet n’aurait été effectuée.

73      Premièrement, la Commission fait valoir que l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base ne se réfère nullement à l’« origine » des pièces, mais utilise simplement les termes factuels « proviennent du pays ». Ainsi, ladite disposition ne contiendrait aucune référence au fait que son application doive intervenir en recourant aux règles d’origine prévues par la législation douanière de l’Union, à la différence d’autres dispositions dudit règlement, telle que l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, qui se réfère aux « légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures ». Partant, l’article 13 du règlement de base instituerait un régime juridique distinct, avec des seuils distincts qui visent à garantir la prévisibilité de l’action de l’Union contre le contournement.

74      Deuxièmement, s’agissant des certificats d’origine présentés par la requérante, la Commission estime que ceux-ci ne constituaient pas un élément de preuve suffisant pour démontrer l’origine sri lankaise de ces pièces en raison des indices résumés au point 15 ci-dessus.

75      Troisièmement, puisque la jurisprudence reconnaît aux institutions de l’Union la possibilité de recourir à un faisceau d’indices concordants, il conviendrait d’en déduire que l’article 13 du règlement de base a été interprété comme ne restreignant pas le type d’éléments de preuve sur lesquels les autorités chargées de l’enquête sont en droit de s’appuyer pour établir des pratiques de contournement.

76      La Commission fait valoir, aux points 3 et 42 de la duplique, que l’application, « par analogie », de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base ne constitue pas un fondement essentiel de ses constatations, mais un « examen supplémentaire » auquel elle n’était pas tenue, puisque « le manque de fiabilité des [certificats d’origine “formule] A” et l’absence d’équipement de fabrication suffisaient déjà pour [lui] permettre […] de conclure que les informations fournies par la requérante n’étaient pas fiables ». Elle précise que l’expression « par ailleurs », au considérant 101 du règlement attaqué, confirme le caractère d’« instrument supplémentaire » du recours à cette disposition.

77      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, les droits antidumping institués en vertu de ce règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ou de parties de ces produits lorsque les mesures en vigueur sont contournées. Selon l’article 13, paragraphe 2, de ce même règlement, une opération d’assemblage, telle que celle effectuée par la requérante en l’espèce, est considérée comme contournant les mesures en vigueur lorsque les conditions énumérées sous a) à c) sont satisfaites (arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 78).

78      Plus particulièrement, il résulte de l’article 13, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement de base qu’une opération d’assemblage est réputée constituer un contournement lorsque des pièces d’une valeur de 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé « proviennent du pays soumis aux mesures » (arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 79).

79      Il s’ensuit que, en application de l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base, les institutions de l’Union doivent démontrer – outre la réalisation des autres conditions qui y sont énumérées – que les pièces constituant 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé proviennent du pays soumis aux mesures. Elles ne sont, en revanche, pas tenues d’apporter la preuve que ces pièces sont également originaires de ce pays (arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 84).

80      Cela étant, il résulte du règlement de base, et notamment de l’article 13 de celui-ci, qu’un règlement portant extension d’un droit antidumping a pour objet d’assurer l’efficacité de cette mesure et d’éviter qu’elle soit contournée, notamment, par des opérations d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers. Ainsi, une mesure portant extension d’un droit antidumping n’a qu’un caractère accessoire par rapport à l’acte initial instituant ce droit. Il serait, par conséquent, contraire à la finalité et à l’économie générale de l’article 13 dudit règlement de frapper d’un droit antidumping, institué initialement sur l’importation d’un produit originaire d’un certain pays, des importations de pièces de ce produit en provenance du pays soumis aux mesures lorsque les opérateurs concernés qui effectuent les opérations d’assemblage faisant l’objet de l’enquête de la Commission apportent la preuve que ces pièces constituant 60 % ou plus de la valeur totale des parties du produit assemblé sont originaires d’un autre pays. En effet, dans une telle situation, les opérations d’assemblage ne peuvent pas être considérées comme contournant le droit antidumping initialement institué, au sens de l’article 13 du règlement de base (arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 85).

81      Par conséquent, il convient d’interpréter l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base en ce sens qu’une opération d’assemblage sur le territoire de l’Union ou dans un pays tiers est considérée comme contournant les mesures en vigueur lorsque, outre la réalisation des autres conditions mentionnées à cette disposition, les pièces constituant 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé proviennent du pays soumis aux mesures, sauf si l’opérateur concerné apporte la preuve aux institutions de l’Union que ces pièces sont originaires d’un autre pays (arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 88).

82      Une telle preuve peut être apportée dans différents cas de figure, et non uniquement dans le cas d’un simple transit (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 87).

83      Il s’ensuit que, si, en règle générale, il suffit de se référer à la simple « provenance » des pièces utilisées pour l’assemblage du produit final aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base, il peut s’avérer nécessaire, en cas de doute, de vérifier si les pièces « en provenance » d’un pays tiers sont, en fait, originaires d’un autre pays.

84      S’agissant des termes « proviennent de », employés à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base, il convient de relever que, si ledit règlement n’en contient pas de définition, il les emploie à de multiples reprises en les associant systématiquement au terme « importation ». Ainsi, l’expression « importations en provenance de » figure, à titre d’exemple, au considérant 8 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 7, sous a), à l’article 3, paragraphe 4, à l’article 9, paragraphes 5 et 6, et à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement. Une variante de cette expression a, par ailleurs, été utilisée au considérant 54 du règlement attaqué. Cette expression est, en outre, traduite dans d’autres versions linguistiques desdites dispositions du règlement de base comme « importations de ». Tel est le cas, par exemple, des versions anglaise (imports from), allemande (Einfuhren aus), bulgare (внос от), croate (uvoza iz) et lituanienne (importui iš). Il s’ensuit que les termes « proviennent de » au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base doivent se comprendre comme faisant référence aux importations concernées et, donc, au pays d’exportation.

85      Cette interprétation est d’ailleurs conforme à l’objectif d’efficacité des mesures visant à lutter contre le contournement, sous-tendant l’article 13 du règlement de base, en ce qu’elle prévoit une solution efficace et pratique permettant à la Commission de se référer à la simple « provenance » des pièces utilisées pour l’assemblage du produit final aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base.

86      En l’occurrence, il ressort du dossier, et notamment du tableau F.2 joint au formulaire, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties, qu’au moins 47 % des pièces utilisées pour l’assemblage de bicyclettes au Pakistan étaient importées depuis le Sri Lanka après avoir été ouvrées dans ce pays. L’hypothèse d’un simple transit par ce pays ne correspond donc pas aux circonstances de l’espèce. Dès lors, il convient de constater que ces pièces pouvaient être considérées comme « provenant » du Sri Lanka.

87      Toutefois, ainsi qu’il découle de la jurisprudence résumée aux points 79 à 82 ci-dessus, cette constatation ne saurait empêcher la Commission de vérifier, en cas de doute, si les pièces « en provenance » du Sri Lanka sont, en fait, originaires d’un autre pays, tel le pays soumis aux mesures, en l’occurrence la Chine.

88      À cet égard, d’une part, il y a lieu de souligner que l’argument de la Commission, selon lequel l’« origine » des pièces ne serait pas pertinente aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base, ne rend pas totalement compte de l’interprétation que le juge de l’Union a donnée de cette disposition.

89      D’autre part, cet argument de la Commission entre en contradiction avec le fait qu’elle a elle-même examiné l’origine des pièces de bicyclette en cause. En effet, premièrement, le tableau F.2 du formulaire, sur lequel la Commission a d’ailleurs focalisé une partie importante de sa vérification, exige, en particulier, que soit indiquée l’« origine » des pièces de bicyclette utilisées pour les opérations d’assemblage au Pakistan. Deuxièmement, il ressort des considérants 98 et 101 du règlement attaqué que la Commission a vérifié si les certificats d’origine « formule A » des marchandises en question étaient des éléments suffisants pour démontrer l’« origine » des parties de bicyclette en cause. Troisièmement, après avoir estimé que lesdits certificats d’origine ne constituaient pas des éléments de preuve suffisants pour démontrer l’« origine » des pièces de bicyclette, la Commission a appliqué les critères de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base afin de vérifier l’« origine » desdites pièces, comme elle l’a elle-même affirmé au cours de l’audition devant le conseiller-auditeur, ainsi que cela ressort du procès-verbal de cette audition.

90      S’il découle de la rédaction du considérant 101, in fine, du règlement attaqué que la Commission a conclu que les pièces de bicyclette en cause « provenaient » de Chine, puisque celles-ci avaient été fabriquées, pour plus de 60 %, avec des matières premières provenant de Chine et que la valeur ajoutée était inférieure à 25 % des coûts de production, il ressort de plusieurs éléments du dossier, et, notamment, de ceux mentionnés au point 89 ci-dessus, que la Commission a appliqué les critères de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base afin de vérifier l’« origine » de ces pièces. Ces fluctuations terminologiques attestent ainsi d’une certaine confusion de la part de la Commission quant aux notions respectives de « provenance » et d’« origine ».

91      En tout état de cause, il découle des points 81 à 86 ci-dessus que, en l’espèce, les pièces de bicyclette en question « provenaient » du Sri Lanka, mais qu’il restait loisible à la Commission de demander à la requérante d’apporter la preuve que lesdites pièces non seulement « provenaient » du Sri Lanka, mais étaient également originaires de ce pays.

92      Dans ces circonstances, il convient de vérifier si la Commission a pu, sans commettre d’erreur de droit, conclure que les pièces de bicyclette provenant du Sri Lanka étaient, en fait, d’origine chinoise.

93      À cet égard, il y a lieu d’examiner, premièrement, la valeur probante des certificats d’origine « formule A » présentés par la requérante en tant que preuve de l’origine sri lankaise des pièces de bicyclette en cause mais écartés par la Commission (ci-après les « certificats contestés ») et, deuxièmement, les coûts de fabrication desdites pièces, soumis par la requérante à la demande de la Commission et à l’égard desquels cette dernière a appliqué, par analogie, l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base.

–       Sur la valeur probante des certificats contestés

94      Dans la mesure où une partie des arguments de la requérante pouvaient être interprétés comme remettant en cause la motivation du règlement attaqué, en ce qui concerne l’examen, par la Commission, de la valeur probante des certificats d’origine « formule A », il y a lieu de constater qu’il résulte expressément des considérants 98, 100 et 101 du règlement attaqué, dont la teneur a été exposée au point 23 ci-dessus, que la Commission a clairement exposé, et de façon complète, les raisons pour lesquelles elle ne pouvait, en l’espèce, accorder foi à certains des certificats d’origine « formule A » que lui avait soumis la requérante. La motivation figurant dans le règlement attaqué satisfait donc à l’exigence posée à l’article 296 TFUE.

95      Quant au fond, en premier lieu, il échet de rappeler que les certificats d’origine « formule A » sont des certificats d’origine préférentielle, qui étaient régis, à l’époque des faits, pour ce qui concerne l’Union, par les articles 97 duodecies à 97 duovicies du règlement d’application du code des douanes, et qui permettent à l’exportateur de prouver l’origine de la marchandise qu’il exporte. À cet égard, il importe de souligner qu’il incombe à tout pays bénéficiaire, en vertu de l’article 97 duodecies, paragraphe 1, du règlement d’application du code des douanes, de respecter ou de faire respecter les règles d’origine et les règles relatives à l’établissement et à la délivrance des certificats d’origine « formule A ».

96      Les certificats d’origine « formule A » sont ainsi couramment utilisés dans le commerce international en tant que moyen de certification de l’origine des marchandises auxquelles ils se rapportent. Par ailleurs, les institutions de l’Union en demandent souvent la production, y compris dans le cadre de procédures en matière d’antidumping, afin de s’assurer de l’origine du produit concerné. En atteste, dans la présente affaire, comme cela a été confirmé lors de l’audience, le fait que la Commission a accepté les certificats d’origine « formule A » présentés par la requérante et relatifs aux pièces de bicyclette fabriquées par Vechenson comme une preuve suffisante de leur origine sri lankaise (voir point 15 ci-dessus).

97      Il convient néanmoins de relever que, conformément à l’article 26 du règlement n° 2913/92, tel qu’il était applicable à l’époque des faits, les autorités douanières peuvent, en cas de doute sérieux, exiger toutes justifications complémentaires en vue de s’assurer que l’indication d’origine corresponde bien aux règles établies par la réglementation de l’Union en la matière. À cet effet, l’article 97 unvicies du règlement d’application du code des douanes, tel qu’il était applicable à l’époque des faits, instaure une procédure de contrôle a posteriori des certificats d’origine « formule A » par sondage ou chaque fois que les autorités douanières des États membres ont des doutes fondés quant à l’authenticité de ces documents.

98      Il peut être déduit de ces dispositions que, si les certificats d’origine « formule A » ont une valeur probante quant à l’origine des marchandises auxquelles ils se rapportent, celle-ci n’est pas absolue. En effet, un tel certificat établi par un pays tiers ne saurait lier les autorités de l’Union quant à l’origine de ces marchandises en les empêchant de vérifier celle-ci par d’autres moyens, lorsqu’il existe des indices objectifs, sérieux et concordants créant un doute quant à l’origine réelle des marchandises faisant l’objet de ces certificats. Il ressort, à cet égard, de la jurisprudence que les contrôles a posteriori seraient en grande partie privés de leur utilité si l’utilisation de tels certificats pouvait, à elle seule, justifier l’octroi d’une remise de droits de douane (arrêts du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, EU:T:2002:189, point 102, et du 16 décembre 2010, Hit Trading et Berkman Forwarding/Commission, T‑191/09, non publié, EU:T:2010:535, point 97).

99      En second lieu, il résulte de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base que, sauf dans les circonstances prévues à l’article 18 dudit règlement, relatif au défaut de coopération – article dont il n’a pas été fait application en l’espèce, comme cela a été souligné au point 67 ci-dessus –, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels la Commission envisage de fonder des conclusions doit être vérifiée dans la mesure du possible. Par conséquent, cette disposition légitime, elle aussi, non seulement la possibilité, mais également le devoir incombant à la Commission de vérifier les documents qui lui sont soumis. Ce devoir s’exerce naturellement, en matière d’antidumping, sans préjudice des procédures spécifiques prévues à cet effet au profit des autorités douanières, d’autant plus que, en l’espèce, la Commission n’a pas remis en cause la validité des certificats contestés en tant que telle, mais uniquement leur caractère suffisamment probant.

100    En l’occurrence, la Commission a conclu que les certificats contestés ne pouvaient être considérés comme des éléments de preuve suffisants pour démontrer l’origine des parties de bicyclette en cause, se fondant sur une série d’indices objectifs, sérieux et concordants, lesquels n’ont d’ailleurs pas été infirmés par la requérante.

101    À cet égard, premièrement, il a été constaté par la Commission que les certificats contestés avaient été délivrés non d’après les coûts de fabrication réels, mais d’après une projection des coûts de fabrication pour l’avenir, ne garantissant pas que les parties de bicyclette aient été effectivement fabriquées conformément aux coûts prévisionnels. Il s’agissait simplement d’une projection globale des coûts de fabrication valables pour un volume de production indéterminé sur une période d’environ un an, ce que la requérante a d’ailleurs confirmé elle-même (considérants 98 et 101 du règlement attaqué). De plus, la Commission a noté que, pour certains types de cadres et de fourches pour lesquels des certificats contestés avaient été délivrés, il manquait les relevés de coûts justificatifs (considérant 98 du règlement attaqué), par exemple pour les cadres et les fourches de 24 et de 26 pouces, et que certains desdits certificats avaient été délivrés sans relevé de coûts justificatifs, ainsi que c’était le cas, notamment, pour les guidons de 10 pouces.

102    Deuxièmement, les autorités sri lankaises ont confirmé à la Commission qu’elles avaient appliqué cette méthodologie générale à Great Cycles sans effectuer de contrôle ex post.

103    Troisièmement, la Commission a mis en lumière le fait que les relevés de coûts produits à l’appui de la demande de délivrance des certificats contestés étaient établis par taille de pièces de bicyclette – cadres, fourches, jantes et roues –, et non pour des produits individualisés.

104    Quatrièmement, la valeur franco à bord indiquée sur les certificats contestés ne correspondait pas à celle figurant dans d’autres données communiquées par la requérante, telles celles du tableau F.2 (voir points 9 et 12 ci-dessus) ou certaines factures relatives aux relations commerciales entre Great Cycles et la requérante, Flying Horse et la requérante ou Great Cycles et Flying Horse. S’agissant de certaines de ces factures, la requérante soutient, à tort, que la référence faite à dix d’entre elles dans le mémoire en défense est irrecevable au motif qu’elles n’ont pas été communiquées dans les conclusions de la Commission. Il ressort en effet du dossier que c’est la requérante elle-même qui a remis ces factures à la Commission lors de la vérification sur place et que ces pièces, référencées dans le tableau F.2, ont fait l’objet de discussions contradictoires lors de la procédure administrative. La Commission était donc en droit d’y faire référence, y compris dans le cadre de la présente procédure.

105    C’est donc à bon droit que, dans les circonstances particulières de l’espèce et au vu de l’ensemble des indices repris aux points 101 à 104 ci-dessus, la Commission a pu considérer que les certificats contestés ne constituaient pas des éléments de preuve suffisants pour démontrer l’origine des pièces de bicyclette.

106    Il convient donc d’écarter sur ce point le moyen du recours comme étant non fondé.

–       Sur l’application « par analogie » de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base

107    Après avoir écarté les certificats contestés en tant qu’éléments de preuve insuffisants pour démontrer l’origine sri lankaise des pièces de bicyclette en cause, la Commission a demandé, et la requérante a produit, le relevé des coûts de fabrication desdites pièces au cours de la période de référence, dans le format demandé. La Commission a alors appliqué, « par analogie », les critères de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base pour vérifier, en se fondant sur leurs coûts de fabrication, l’« origine » desdites pièces (selon le procès-verbal de l’audition devant le conseiller-auditeur) ou leur « provenance » (selon le libellé du considérant 101, in fine, du règlement attaqué, voir points 89 et 90 ci-dessus).

108    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 86 ci-dessus, en l’espèce, ces pièces « provenaient » du Sri Lanka. Il reste donc encore à vérifier si la Commission pouvait, sans commettre d’erreur de droit, appliquer « par analogie » l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base au cas d’espèce afin de vérifier l’origine de ces pièces.

109    Il convient de préciser, à cet égard, que les coûts de fabrication présentés à cet effet par la requérante n’ont pas été écartés par la Commission comme insuffisants ou non fiables. Au contraire, il ressort du dossier ainsi que des considérants 13 et 101 du règlement attaqué que la Commission s’est précisément fondée sur ces informations afin d’appliquer « par analogie » l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base.

110    Or, d’une part, en appliquant « par analogie » l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base, la Commission a, en réalité, examiné si la fabrication de pièces de bicyclette au Sri Lanka contournait les mesures antidumping frappant les bicyclettes originaires de Chine, ce qui ne faisait cependant pas l’objet de l’enquête ayant donné lieu à l’adoption du règlement attaqué.

111    En effet, il ressort du libellé même de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base que celui-ci s’applique à des « opérations d’assemblage », la règle de 60 % qui y est énoncée s’appliquant ainsi à la valeur totale des pièces du « produit assemblé ». Or, il est constant que, en l’espèce, l’enquête n’avait pas pour objet les « opérations d’assemblage » de bicyclettes au Sri Lanka ni ne visait, de quelque manière que ce soit, les bicyclettes « assemblées » dans ledit pays.

112    D’autre part, l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base ne constitue pas une règle d’origine, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la Commission elle-même au considérant 101 du règlement attaqué, ce qu’elle confirme dans ses écritures. Il ne peut donc pas être appliqué « par analogie » afin de déterminer l’origine d’une marchandise, d’autant plus que les critères prévus à l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base sont substantiellement différents de ceux relatifs aux règles d’origine. Or, s’il devait être constaté que plus de 40 % de la valeur totale des pièces du produit assemblé est constituée de pièces originaires d’un pays autre que celui soumis aux mesures, les opérations d’assemblage ne pourraient pas être considérées comme contournant le droit antidumping initialement institué, au sens de l’article 13 du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 85).

113    Par ailleurs, il résulte de l’article 14, paragraphe 3, du règlement de base que « [d]es dispositions spéciales, relatives en particulier à la définition commune de la notion d’origine figurant dans le règlement [n° 2913/92] peuvent être adoptées en vertu du présent règlement ». Toutefois, il est constant que, avant l’entrée en vigueur du règlement attaqué, de telles dispositions n’avaient pas été adoptées (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 108).

114    Partant, la Commission a commis une erreur de droit en appliquant « par analogie » l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base aux parties de bicyclette achetées au Sri Lanka aux fins de vérifier leur origine dans le cadre d’opérations d’assemblage au Pakistan.

115    Aucun des arguments avancés par la Commission ne remet en cause cette conclusion. Premièrement, quant à l’argument, avancé dans la duplique, selon lequel la Commission n’était pas tenue d’examiner d’autres éléments, l’absence de caractère suffisamment probant des certificats contestés lui permettant de rejeter la demande d’exemption sur ce seul fondement, il convient de relever qu’il ne ressort d’aucune disposition du règlement attaqué que l’application « par analogie » de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base aux pièces de bicyclette achetées au Sri Lanka ait été effectuée à titre surabondant. Au contraire, il ressort de plusieurs considérants du règlement attaqué, tels que les considérants 13, 98, 100 et 101, que ce motif constituait un élément essentiel de l’examen opéré par la Commission, celui-ci ayant été, en outre, soulevé et débattu tout au long de la procédure ayant amené à l’adoption du règlement attaqué. La Commission ne saurait tirer à cet égard aucun argument sérieux de l’emploi des termes « par ailleurs » (moreover) au considérant 101 du règlement attaqué, dans la mesure où ledit motif figure dans plusieurs autres considérants et où ces termes indiquent seulement l’ajout d’un argument, sans impliquer le caractère superfétatoire de cet ajout.

116    Deuxièmement, la Commission reconnaît elle-même que les circonstances entourant la présente affaire, quoique, certes, douteuses, ne suffisent pas, en tant que telles, « à établir de manière concluante que la requérante a[vait] été impliquée dans des pratiques de contournement au Pakistan pendant la période d’enquête » (point 11 in limine de la duplique). Partant, la Commission ne saurait se contenter d’invoquer un « faisceau d’indices » sans pour autant démontrer que les conditions prévues à l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base étaient réunies, d’autant plus que la requérante a été considérée comme ayant coopéré, ainsi qu’il a été relevé au point 21 ci-dessus.

117    Troisièmement, et en tout état de cause, il résulte de la jurisprudence que la Commission doit examiner, non de façon sommaire, mais avec soin et impartialité, les documents remis dans le cadre de l’enquête par l’opérateur économique concerné, afin de prouver l’exactitude de ses énonciations (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, EU:T:2000:216, point 115). La Commission ne saurait donc faire abstraction des renseignements fournis par la requérante afin de démontrer l’origine des pièces de bicyclette en cause sous prétexte qu’un tel examen ne s’imposait pas, d’autant plus que la Commission s’est elle-même fondée sur ces renseignements, tels qu’ils figurent dans le tableau F.4.1, et sans remettre en cause leur fiabilité, afin d’appliquer, « par analogie », l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement de base.

118    Enfin, la circonstance que la vérification des coûts de fabrication des pièces en cause a été effectuée « sur papier », étant donné que les outils de production auraient été déménagés, n’est pas déterminante, dès lors que la Commission ne conteste pas que, pendant la période de référence, les pièces en cause ont été ouvrées au Sri Lanka. En tout état de cause, cette seule circonstance n’est pas susceptible de pallier l’erreur de droit commise par la Commission.

119    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen unique du recours est fondé. Il y a donc lieu de l’accueillir et, par suite, d’annuler le règlement attaqué en tant qu’il concerne la requérante.

 Sur les dépens

120    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

121    En l’espèce, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

122    L’intervenante supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) 2015/776 de la Commission, du 18 mai 2015, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (UE) n° 502/2013 du Conseil sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine aux importations de bicyclettes expédiées du Cambodge, du Pakistan et des Philippines, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays, est annulé en tant qu’il concerne Kolachi Raj Industrial (Private) Ltd.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux de Kolachi Raj Industrial (Private).

3)      European Bicycle Manufacturers Association (EBMA) supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.