Language of document : ECLI:EU:T:2011:685

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 novembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale DIRECT DRIVE – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif et absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑561/10,

LG Electronics, Inc., établie à Séoul (Corée du Sud), représentée par Me M. Graf, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 22 septembre 2010 (affaire R 1027/2010‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal DIRECT DRIVE comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 février 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 janvier 2010, la requérante, LG Electronics, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DIRECT DRIVE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7 et 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines à laver électriques à usage domestique ; aspirateurs électriques ; lave-vaisselles automatiques » ;

–        classe 11 : « Sèche-linges électriques ; appareils de conditionnement d’air ».

4        Par décision en date du 7 avril 2010, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour tous les produits visés sur le fondement de l’article 7, paragraphe l, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

5        Le 7 juin 2010, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 22 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours, en concluant que l’enregistrement de la marque demandée devait être refusé pour défaut de caractère distinctif et en raison de son caractère descriptif, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009.

7        Elle a retenu, en substance, que l’expression anglaise « direct drive » renvoyait à la notion d’appareils directement entraînés par un moteur, sans l’intervention d’une courroie, ni celle d’une boîte de vitesses, permettant ainsi une plus grande efficacité. Les produits visés étant tous des appareils contenant des moteurs et pouvant être actionnés par un système d’entraînement direct, la marque demandée était, selon elle, comprise par le public concerné, à savoir les consommateurs anglophones, notamment ceux du Royaume-Uni, de l’Irlande et de Malte, comme une description des produits visés. L’enregistrement devait donc être refusé au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

8        En outre, la chambre de recours a considéré que le grand public, pertinent pour l’examen de la demande d’enregistrement, comprenait l’expression « direct drive » comme une référence à un type de mécanisme de transmission dans un moteur et non comme une indication de l’origine commerciale des produits visés. Selon elle, la marque demandée ne comportant aucun élément supplémentaire, susceptible de la rendre inhabituelle, elle ne possédait pas de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante avance trois moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Le deuxième est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Enfin, le troisième moyen est tiré de l’absence de prise en compte d’enregistrements et de demandes antérieurs de marques communautaires et nationales.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

12      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en compte le fait que le terme anglais « drive » avait pour première signification « un trajet ou un voyage en voiture ». Ainsi, les consommateurs ne comprendraient pas immédiatement, et sans autre réflexion, la marque demandée comme une description des caractéristiques techniques des produits visés.

13      L’OHMI conteste les affirmations de la requérante.

14      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 interdit l’enregistrement des « marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». Ces signes descriptifs sont inaptes à remplir la fonction d’indicateur d’origine inhérente aux marques [arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, points 30 et 31, et du Tribunal du 2 avril 2008, Eurocopter/OHMI (STEADYCONTROL), T‑181/07, non publié au Recueil, point 35].

15      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public concerné, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé [arrêts du Tribunal du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II‑1961, point 26, et du 21 mai 2008, Enercon/OHMI (E), T‑329/06, non publié au Recueil, point 21].

16      Selon une jurisprudence constante, le signe sera descriptif s’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description d’une des caractéristiques des produits et des services en cause (arrêts EUROPIG, précité, point 27, et STEADYCONTROL, précité, point 36).

17      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 reflète l’intérêt général à ce que les indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisées par tous. Cette disposition vise à empêcher que de telles indications soient réservées à une seule entreprise du fait de leur enregistrement en tant que marque, alors que d’autres entreprises – dont, par exemple, ses concurrents – pourraient vouloir décrire leurs propres produits en employant précisément les termes enregistrés comme marque [voir arrêt du Tribunal du 6 mars 2007, Golf USA/OHMI (GOLF USA), T‑230/05, non publié au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée].

18      Il convient également de relever que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés (arrêt STEADYCONTROL, précité, point 38, et arrêt E, précité, point 23). En effet, le caractère descriptif d’une marque s’apprécie par rapport aux produits et aux services pour lesquels la marque a été enregistrée et en tenant compte de la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits et des services en cause normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante.

20      S’agissant du public pertinent en l’espèce, il est constant que les produits concernés sont destinés aux consommateurs moyens et que, la marque demandée étant composée de termes anglais, il convient de tenir compte de la perception du public anglophone de l’Union européenne, à savoir celui du Royaume-Uni, d’Irlande et de Malte. Dans ces conditions, il y a lieu d’apprécier si, pour ce public, il existe un rapport suffisamment direct et concret entre la marque demandée et les caractéristiques des produits visés.

21      En substance, la requérante affirme que, comme la première signification du mot anglais « drive » est éloignée du contexte de ses produits, un tel rapport n’existe pas.

22      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante, un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [arrêt OHMI/Wrigley, précité, point 32, et arrêt du Tribunal du 9 mars 2010, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC CASH), T‑15/09, non publié au Recueil, point 39].

23      Or, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 19 de la décision attaquée, le mot anglais « drive » signifie également « un mécanisme pour la transmission du mouvement (en particulier rotatif) aux roues d’un véhicule, à une plaque tournante, etc. ». En outre, comme il est mentionné au point 20 de la décision attaquée, l’expression « direct drive », qui constitue la marque demandée, a un sens spécifique en anglais, à savoir « directement entraîné par le moteur, sans l’intervention d’une courroie ».

24      À cet égard, il convient de rappeler que, en l’espèce, les produits visés sont tous des appareils électroménagers relevant des classes 7 et 11, comportant un moteur électrique et pouvant être actionnés par un système d’entraînement direct de type « direct drive », c’est-à-dire un mécanisme qui absorbe la puissance provenant d’un moteur sans réductions, telles que celles générées par une boîte de vitesses, et qui permet donc une plus grande efficacité. Ainsi que l’examinateur l’a établi, sans que la requérante ne l’ait contesté devant la chambre de recours, l’expression « direct drive » est couramment utilisée dans ce sens sur le marché de ces produits.

25      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque demandée, utilisée en rapport avec les produits visés, sera directement comprise par le public anglophone comme une description des particularités techniques desdits produits, de sorte que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009 s’oppose à l’enregistrement de la marque demandée.

26      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen de la requérante.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

27      Le premier moyen de la requérante ayant été rejeté, il convient également de rejeter le deuxième moyen.

28      En effet, il existe un certain chevauchement entre les champs d’application respectifs de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, la seconde de ces dispositions se distinguant toutefois de la première en ce qu’elle ne couvre qu’une circonstance particulière dans laquelle un signe n’est pas de nature à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, non encore publié au Recueil, point 47). Dès lors, un signe ayant un caractère descriptif des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, est nécessairement dépourvu de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits et services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement [voir arrêt du Tribunal du 11 février 2010, Deutsche BKK/OHMI (Deutsche BKK), T‑289/08, non publié au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée ; voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 86, et Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 19].

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de la prise en compte par l’OHMI d’enregistrements et de demandes antérieurs de marques communautaires et nationales

29      La requérante fait valoir que l’OHMI a précédemment enregistré, pour les mêmes classes de produits, la marque communautaire INVERTER DIRECT DRIVE contenant les éléments de la marque demandée, complétés par le terme « inverter », qu’elle considère comme étant clairement descriptive. Selon elle, bien qu’il soit en principe exact que la chambre de recours n’est pas liée par de telles décisions antérieures, cela ne doit pas être compris au sens où cette dernière ne serait pas tenue de vérifier les faits et les éléments de preuve qui lui sont présentés au sujet de ces décisions.

30      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

31      Il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, précité, points 73 à 77, et la jurisprudence citée).

32      Or, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 s’oppose à l’enregistrement de la marque demandée. Dès lors, cet argument ne saurait être accueilli.

33      En outre, la requérante se réfère à une marque verbale enregistrée au Canada et à une autre marque verbale demandée dans ce même pays, ces deux marques étant identiques ou similaires à la marque demandée et portant sur des produits comparables. Elle fait valoir que, bien que les dispositions pertinentes du droit canadien ne soient pas différentes de celles applicables à l’enregistrement des marques communautaires, les marques clairement descriptives n’étant pas susceptibles d’enregistrement, aucun motif absolu de refus n’a été soulevé à l’encontre de ces signes. De plus, le Canada appartiendrait à la zone linguistique dans laquelle la marque demandée trouve son origine.

34      À cet égard, il suffit de rappeler que le régime de la marque communautaire est un système juridique autonome poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 janvier 2009, giropay/OHMI (GIROPAY), T‑399/06, non publié au Recueil, point 46]. Par conséquent, le caractère enregistrable ou protégeable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle la marque verbale en cause trouve son origine [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 2009, Wella/OHMI (TAME IT), T‑471/07, Rec. p. II‑3377, point 35].

35      Cet argument doit donc également être écarté.

36      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le présent moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

37      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      LG Electronics, Inc. est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.