Language of document : ECLI:EU:T:2014:40

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

20 janvier 2014 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Représentation d’une institution par deux agents – Dépens récupérables »

Dans l’affaire T‑186/11 DEP,

Peter Schönberger, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me O. Mader, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme E. Waldherr et M. U. Rösslein, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens présentée par le Parlement européen à la suite de l’arrêt du Tribunal du 7 mars 2013, Schönberger/Parlement (T‑186/11, non publié au Recueil),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par arrêt du 7 mars 2013, Schönberger/Parlement (T‑186/11, non publié au Recueil), le Tribunal a rejeté le recours formé par le requérant, M. Schönberger, contre la décision de la commission des pétitions du Parlement européen du 25 janvier 2011, ayant mis fin à l’examen de la pétition, déclarée recevable, présentée par M. Schönberger le 2 octobre 2010 (pétition n° 1188/2010), et a condamné ce dernier aux dépens.

2        Par courrier du 16 avril 2013, le Parlement européen a demandé à M. Schönberger de lui rembourser la somme de 432,80 euros au titre des dépens, cette somme correspondant aux frais de mission de deux agents du Parlement ayant participé à l’audience du 14 novembre 2012.

3        Par courrier du 31 mai 2013, M. Schönberger a informé le Parlement qu’il refusait de rembourser le montant demandé. Selon lui, premièrement, les frais afférents à l’un de ces deux agents n’étaient pas indispensables ni, de ce fait, récupérables, seulement l’un des deux ayant plaidé lors à l’audience. Deuxièmement, il a observé que le secrétariat général et les services du Parlement, conformément au protocole n° 6 sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 265), sont installés à Luxembourg, où a eu lieu l’audience, et que, par conséquent, aucun déplacement des agents depuis d’autres lieux de travail n’était nécessaire. Troisièmement, il a allégué que l’agent n’exerce pas la fonction d’ordonnateur chargé de comptabiliser les frais de mission.

4        Aucun accord n’étant intervenu entre les parties, le Parlement a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2013, saisi le Tribunal de la présente demande de taxation des dépens, au titre de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2013, M. Schönberger a présenté ses observations sur cette demande.

6        Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer le montant des dépens récupérables à 432,80 euros.

7        M. Schönberger conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer, à titre principal, que les frais de déplacement des deux agents ne sont pas récupérables et, à titre subsidiaire, que seulement les frais de déplacement d’un agent sont remboursables.

 En droit

 Arguments des parties

8        Le Parlement estime que les frais de déplacement et de séjour de deux agents ayant participé à l’audience rentrent dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure.

9        À cet égard, il fait valoir que, en règle générale et à l’instar d’une pratique suivie par les autres institutions, il ne désigne jamais un seul agent pour suivre une affaire devant le juge de l’Union. En l’espèce, la présence des deux agents à l’audience aurait été justifiée par le fait que, outre l’agent chargé de suivre, au sein du service juridique du Parlement, les affaires concernant la commission des pétitions, le second agent avait préalablement représenté le Parlement devant le Tribunal dans une affaire semblable.

10      S’agissant de l’argument tiré du fait que son secrétariat général et ses services sont installés à Luxembourg, le Parlement rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il est tenu de maintenir une infrastructure humaine sur l’ensemble de ses lieux de travail pour assurer les missions qui lui sont confiées. La répartition des agents du service juridique sur les deux lieux de travail du Parlement, à savoir Luxembourg et Bruxelles, aurait été par ailleurs entérinée par l’accord conclu en 1996 entre M. Hänsch, en sa qualité de Président du Parlement européen, et M. Juncker, premier ministre luxembourgeois de l’époque, sur le transfert d'un certain nombre de postes du secrétariat général du Parlement de Luxembourg à Bruxelles (ci‑après l’« accord Hänsch-Juncker »). Au vu de la répartition actuelle des compétences, les affaires concernant la commission des pétitions seraient suivies par une équipe établie à Bruxelles, ce qui aurait justifié la désignation de deux agents.

11      S’agissant enfin de la demande de paiement des dépens, elle aurait été effectuée par les agents du Parlement en conformité avec le règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO L 298, p. 1) et avec le règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission du 29 octobre 2012 relatif aux règles d’application du règlement n° 966/2012 (JO L 362, p. 1).

12      M. Schönberger s’oppose à la demande du Parlement.

13      Il réitère que les frais de déplacement des deux agents de Bruxelles dépêchés à Luxembourg, pour assister à l’audience, n’étaient pas indispensables ni, par conséquent, récupérables, dès lors que le secrétariat général du Parlement et ses services y sont installés. Le transfert des services du secrétariat général de Luxembourg à Bruxelles allégué par le Parlement aurait violé, d’ailleurs, le protocole n° 6, précité. Les conséquences d’une telle violation ne sauraient dès lors être imputées au requérant. De même, il estime que l’accord Hänsch-Juncker n’est pas un document juridique pertinent.

14      À titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal considérerait que les frais de déplacement sont récupérables, le requérant considère que ceux du second agent ne le sont pas, la participation de deux agents à l’audience n’ayant pas été justifiée à suffisance par le Parlement.

 Appréciation du Tribunal

15      Aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat.

16      Il découle de cette disposition et d’une jurisprudence constante que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnances du Tribunal du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T-5/02 DEP et T-80/02 DEP, non publiée au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée, et du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P DEP, non publiée au Recueil, point 13).

17      Selon une jurisprudence constante, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, le juge de l’Union doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire, ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux avocats, aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (ordonnances du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 18, et Kerstens/Commission, précitée, point 14).

18      En outre, en fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (voir ordonnance Tetra Laval/Commission, précitée, point 54, et la jurisprudence citée).

19      Il est également de jurisprudence constante que, ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, les institutions de l’Union sont, en ce qui concerne la façon dont elles entendent se faire représenter ou assister devant les juridictions de l’Union, libres de décider de recourir à l’assistance d’un avocat ou de désigner comme agent soit un de leurs fonctionnaires, soit une personne qui ne fait pas partie du personnel (voir ordonnance de la Cour du 10 octobre 2013, OCVV/Schräder, C‑38/09 P-DEP, non encore publiée au Recueil, point 20, et la jurisprudence citée).

20      Lorsque les institutions de l’Union estiment plus conforme à leurs intérêts de se faire représenter par des membres de leur personnel, ceux‑ci, soumis à une réglementation qui régit leur situation pécuniaire, ont pour mission de conseiller et d’assister l’institution dont ils relèvent et d’exécuter les tâches qui leur sont confiées dans le domaine de ses activités, ce qui comprend, avec la représentation devant les juridictions de l’Union, la défense des intérêts de l’institution qu’ils représentent. L’exécution de l’ensemble de ces tâches trouve sa contrepartie dans la rémunération qui leur est allouée, de sorte que les frais afférents à l’activité des membres du personnel ne peuvent être considérés comme des frais exposés aux fins de la procédure et dès lors récupérables (ordonnance de la Cour du 7 septembre 1999, Commission/Sveriges Betodlares et Henrikson, C‑409/96 P‑DEP, Rec. p. I‑4939, point 12).

21      En revanche, il ressort de la jurisprudence que des frais détachables de l’activité interne d’une institution, tels que les frais de déplacement et de séjour nécessités par la procédure, entrent dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure (voir, en ce sens, ordonnance Kerstens/Commission, précitée, point 21).

 Sur le caractère récupérable des dépens engagés par le Parlement

22      En l’espèce, il n’est pas contesté par M.  Schönberger que les frais de mission, dont le remboursement est réclamé par le Parlement, sont des frais détachables de l’activité interne de celui‑ci. Par ailleurs, M. Schönberger ne remet pas en cause la réalité des débours du Parlement.

23      Il conteste toutefois le caractère récupérable de ces dépens, au motif que leur caractère indispensable, au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, fait défaut. En effet, il n’était pas nécessaire, selon lui, de faire déplacer les agents à Luxembourg, dès lors que le secrétariat général du Parlement et ses services y sont installés.

24      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence d’un siège ou même d’un lieu de travail unique du Parlement, celui‑ci doit être en mesure de maintenir aux différents lieux de travail, en dehors du lieu où est installé son secrétariat, l’infrastructure indispensable pour assurer qu’il puisse remplir, en tous ces endroits, les missions qui lui sont confiées par les traités (arrêt de la Cour du 10 février 1983, Luxembourg/Parlement, 230/81, Rec. p. 255, point 54). En ce qui concerne, plus particulièrement, le personnel chargé des commissions et des délégations, dont les réunions se tiennent régulièrement à Bruxelles, le Parlement peut considérer à juste titre qu’il est indispensable d’y disposer du personnel nécessaire à la tenue de ces réunions (arrêt de la Cour du 28 novembre 1991, Luxembourg/Parlement, C‑213/88 et C‑39/89, Rec. p. I‑5643, point 54).

25      En outre, il convient de relever qu’il n’appartient pas à un requérant de remettre en cause le choix de l’agent représentant la partie défenderesse devant le juge de l’Union. Toute autre appréciation constituerait une limitation indirecte de la liberté garantie par l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour (voir point 19 ci‑dessus) et impliquerait pour le juge de l’Union le devoir de substituer son appréciation à celle des institutions et organes responsables de l’organisation de leurs services. Or, une telle mission n’est compatible ni avec ladite disposition, ni avec le pouvoir d’organisation interne dont jouissent les institutions s’agissant de la gestion de leurs affaires devant les juridictions de l’Union. En revanche, la prise en compte de l’intervention d’un ou de plusieurs agents se concilie avec le pouvoir d’appréciation dévolu au juge de l’Union dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T‑278/07 P-DEP, non encore publiée au Recueil, point 15, et du 26 septembre 2013, Schräder/OCVV, T‑187/06 DEP I, non publiée au Recueil, point 41).

 Sur le montant des dépens récupérables

26      Afin d’apprécier le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (voir ordonnance Marcuccio/Commission, précitée, point 16, et la jurisprudence citée).

27      Or, le Parlement réclame un montant total de 432,80 euros, correspondant, tel qu’il résulte des décomptes des frais de mission joints en annexe à la demande de taxation des dépens, aux frais de carburant et d’hôtel exposés par ses deux agents en vue de participer à l’audience du 14 novembre 2012, ainsi qu’aux indemnités journalières y afférentes.

28      S’agissant notamment de la participation de deux agents à cette audience, il se limite à indiquer que la présence du second agent était justifiée par le fait qu’il avait préalablement représenté le Parlement devant le Tribunal dans une affaire semblable (voir point 9 ci‑dessus).

29      À cet égard, il convient de rappeler que, en principe, les frais d’un seul avocat ou agent pour chaque partie peuvent être considérés comme indispensables au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure. Les frais liés à l’intervention d’un second avocat ou agent ne sont donc récupérables qu’en raison de circonstances spécifiques tenant, en particulier, à la nature du contentieux en cause (voir ordonnance du Tribunal du 7 décembre 2006, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01 DEP, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il ressort de l’arrêt Schönberger/Parlement, précité, que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne comportait pas de questions de droit nouvelles, que les questions, ayant trait notamment à la recevabilité du recours, n’étaient pas non plus caractérisées par une complexité particulière et qu’aucune question factuelle particulière n’était susceptible d’être traitée lors de l’audience.

31      Il s’ensuit que l’affaire en cause ne comportait pas de circonstances spécifiques justifiant que les frais encourus pour deux agents, aux fins de leur participation à l’audience, soient considérés comme indispensables au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour OCVV/Schräder, précitée, point 40 ; ordonnances du Tribunal Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), précitée, point 22, et du 3 septembre 2010, Componenta/Commission, T‑455/05 DEP, non publiée au Recueil, point 61).

32      Il y a donc lieu de retenir les frais engagés pour un seul agent, en l’occurrence celui ayant plaidé à l’audience, soit pour le montant de 287,80 euros, demandé par le Parlement et non contesté par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par M. Schönberger au Parlement européen est fixé à 287,80 euros.

Fait à Luxembourg, le 20 janvier 2014.

Le greffier

 

      Le président

E.  Coulon

 

      G. Berardis


* Langue de procédure : l’allemand.