Language of document : ECLI:EU:T:2007:35

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 février 2007(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale TDK – Marque communautaire figurative antérieure TDK – Marques nationales verbales ou figuratives antérieures TDK – Motif relatif de refus – Renommée – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 40/94 »

Dans l’affaire T‑477/04,

Aktieselskabet      af 21. november 2001, établie à Brande (Danemark), représentée par Me C. Barret Christiansen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Laitinen et M. G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

TDK Kabushiki Kaisha (TDK Corp.), établie à Tokyo (Japon), représentée par Me A. Norris, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 octobre 2004 (affaire R‑364/2003‑1), relative à une procédure d’opposition entre TDK Kabushiki Kaisha (TDK Corp.) et Aktieselskabet af 21. november 2001,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier-adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2004,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2005,

à la suite de l’audience du 13 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 juin 1999, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TDK. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. Ils correspondent à la description suivante : « vêtements, chaussures, chapellerie ». Le 24 janvier 2000, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 8/2000.

3        Le 25 avril 2000, TDK Kabushiki Kaisha (TDK Corp.) a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

4        L’opposition se fondait sur une marque communautaire ainsi que sur 35 marques nationales antérieures, ayant fait l’objet d’enregistrements pour des produits relevant de la classe 9 (notamment les « appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son et des images »).

5        Les marques antérieures en question étaient soit la marque verbale TDK, soit la marque verbale et figurative reproduite ci-après :

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6        À l’appui de l’opposition, l’intervenante invoquait l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94. L’opposition était formée contre tous les produits visés par la marque demandée. Afin d’établir la renommée de ses marques antérieures, l’intervenante a fourni des annexes, référencées de A à R.

7        Par décision du 28 mars 2003, la division d’opposition a constaté l’absence de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a toutefois fait droit à l’opposition en application de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement et a rejeté la demande de marque communautaire.

8        Le 27 mai 2003, la requérante a introduit un recours dirigé contre la décision susmentionnée en application des articles 57 à 62 du règlement no 40/94.

9        Par décision du 7 octobre 2004 (affaire R 364-2003-1) (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours formé par la requérante, confirmant ainsi la décision de la division d’opposition.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

 Arguments de la requérante

12      Au soutien de son recours, la requérante fait valoir un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

13      La requérante soutient à titre principal que l’intervenante est restée en défaut de démontrer que les marques antérieures possédaient un caractère distinctif ou une renommée susceptibles de les faire admettre au bénéfice de la protection étendue conférée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

14      À cet égard, la requérante fait valoir que les annexes fournies par l’intervenante pour prouver la renommée de ses marques antérieures sont dépourvues de caractère probatoire. Ainsi, en ce qui concerne l’étude de marché fournie par l’intervenante (annexe O), ladite étude aurait été réalisée immédiatement après les championnats mondiaux d’athlétisme de Göteborg de 1995, soit plusieurs années avant la demande d’enregistrement de la marque en cause. Depuis lors, il serait possible que la connaissance des marques antérieures ait diminué rapidement auprès du public. La requérante ajoute que l’étude en cause, commandée par l’intervenante, ne saurait être considérée comme aussi fiable qu’une étude indépendante. Lors de l’audience, la requérante a souligné que l’annexe O n’indiquait pas l’échantillon des personnes interrogées ni le nombre de personnes ayant assisté aux championnats en question et ne prenait pas en compte certains types de réponses. Elle a ajouté que l’intervenante avait tiré de ladite annexe O des conclusions manifestement erronées, parce que n’y figurant pas, selon lesquelles le taux de connaissance des marques antérieures dans les populations allemande, suédoise et britannique allait jusqu’à 85 %.

15      La requérante souligne également que, selon la pratique constante de l’OHMI, seuls des efforts de marketings très intenses sont de nature à conférer à la marque un caractère distinctif ou une renommée. Or, les annexes fournies par l’intervenante, si elles prouvent l’usage des marques antérieures dans certains pays de l’Union pour une catégorie donnée de produits, ne satisferaient cependant pas aux critères dégagés par la Cour pour établir la renommée de la marque au sein du public concerné (arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C-375/97, Rec. p. I-5421, points 26 et 27).

16      En outre, il conviendrait de garder à l’esprit que les dépenses de marketing de l’intervenante, telles qu’attestées par cette dernière, ont été disséminées sur une grande partie du territoire communautaire. Ainsi, si les annexes A à R sont susceptibles de prouver que les marques antérieures ont été utilisées dans une grande partie du territoire communautaire pendant une certaine période et ont fait l’objet d’une exposition médiatique et d’activités de parrainage (sponsorship), elles ne sauraient cependant attester que les marques antérieures en cause ont acquis un caractère distinctif ou une réputation intense ou durable.

17      Au cours de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a admis que les annexes A à R devaient être examinées dans leur ensemble. Elle a cependant soutenu que, même dans ce cas, ces annexes n’étaient pas de nature à établir la renommée des marques antérieures au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

18      La requérante soutient par ailleurs que, même à supposer le caractère distinctif ou la renommée des marques antérieures avérés, les autres conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ne sont en tout état de cause pas réunies.

19      À ce propos, la requérante avance tout d’abord que la preuve relative au profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, ou du préjudice porté auxdites marques, qui incombe à l’intervenante, n’a pas été apportée.

20      En effet, il semblerait, sur la base des annexes fournies par l’intervenante, qu’une large gamme des produits commercialisés par l’intervenante le sont auprès d’un public spécialisé, c’est-à-dire des professionnels du secteur médical ou de l’industrie, domaines dans lesquels les produits de la requérante ne font l’objet d’aucun marketing ni d’aucune vente. Bien que certains des produits commercialisés par l’intervenante le soient auprès des consommateurs finals du grand public, les produits de la requérante quant à eux seraient commercialisés dans d’autres types de magasins.

21      La circonstance que l’intervenante a déjà apposé sur des vêtements les marques antérieures en cause ne serait pas de nature à modifier l’appréciation ci-dessus mentionnée, puisque cette apposition n’a eu lieu que sur les dossards des athlètes ou sur des t-shirts d’une marque distincte (Adidas, par exemple). Dans ces conditions, les marques antérieures ne sauraient dans l’esprit du public présenter un lien avec les vêtements, mais seraient seulement associées à des campagnes de publicité ou de parrainage.

22      Dans ces conditions, la requérante estime que l’octroi à son profit du droit exclusif d’utiliser la marque TDK pour les seuls produits « vêtements, chaussures, chapellerie » ne serait pas susceptible de lui conférer la possibilité de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, ni de tirer avantage des efforts réalisés par l’intervenante en termes de marketing.

23      S’agissant de l’argument avancé par l’intervenante, selon lequel l’usage par la requérante de la marque TDK aura un impact négatif pour elle et selon lequel les consommateurs établiront un lien entre l’intervenante et la requérante, cette dernière répond que l’intervenante n’utilise les marques en cause qu’en rapport avec des produits très différents, en termes de nature et d’usage, de ceux pour lesquels la marque est demandée. De la même façon, les circuits de distribution, les lieux de vente et l’usage varieraient grandement entre ces produits sans qu’aucune complémentarité en termes de concurrence n’existe entre eux. En conséquence, il n’existerait aucun risque de transfert d’image, de sorte que la requérante serait dans l’impossibilité de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée prétendument acquis par les marques antérieures.

24      En ce qui concerne l’argument de l’intervenante selon lequel sa renommée pourrait être amoindrie par la dilution des marques antérieures ou par l’utilisation de la marque TDK en rapport avec des produits de mauvaise qualité, sans qu’elle ne puisse s’y opposer, la requérante répond qu’un tel argument n’est pas fondé. Selon elle, les consommateurs pourront opérer une nette distinction entre les marques en cause. Du reste, la requérante fait valoir qu’elle ne vend que des produits de grand luxe et qu’elle recourt à des publicités haut de gamme faisant apparaître des top models. Plus généralement, les produits couverts par la marque demandée ne véhiculeraient aucune image négative ou dommageable.

25      Enfin, la requérante procède à des commentaires portant sur les annexes A à R. Ainsi, certaines des annexes soumises par l’intervenante n’attesteraient pas de l’utilisation du signe TDK en tant que marque. Par ailleurs, l’intensité de l’utilisation des marques antérieures serait moindre que celle alléguée par l’intervenante. Au cours de l’audience, la requérante a notamment fait valoir que les annexes ne chiffraient pas les volumes de vente de l’intervenante en ce qui concerne les produits en cause ni les dépenses engagées en matière de marketing et de sponsoring. Or, ces informations seraient fondamentales.

 Arguments de l’OHMI

26      L’OHMI rappelle tout d’abord que la chambre de recours a déclaré applicable l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et a conclu, sur la base des éléments de preuve soumis par l’intervenante, que cette dernière était parvenue à démontrer les éléments figurant au point 29 de la décision attaquée (voir point 53 ci-dessous). C’est sur cette base que la chambre de recours aurait pu tirer les conclusions figurant aux points 31 et 32 de la décision attaquée, selon lesquelles, ainsi que l’a considéré la division d’opposition, les marques antérieures de l’intervenante pouvaient être admises au bénéfice de la protection étendue conférée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et avaient un caractère hautement distinctif en raison de leur renommée.

27      Il soutient que l’appréciation de la chambre de recours relative à la renommée des marques antérieures n’est entachée d’aucune erreur. S’agissant des éléments de preuve produits par l’intervenante, la chambre de recours aurait, à juste titre, examiné les 18 annexes dans leur ensemble et non de façon séparée. Cet examen scrupuleux desdites annexes aurait inclus également les observations y relatives des parties.

28      En ce qui concerne le territoire sur lequel la renommée doit être établie, l’OHMI estime que l’intervenante a démontré avec succès que les marques antérieures étaient particulièrement connues en France, en Allemagne, en Suède, au Royaume-Uni, satisfaisant ainsi aux conditions d’une renommée aux niveaux national et communautaire.

29      En outre, l’OHMI adhère pleinement à l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve produits au cours de la procédure d’opposition attestent de la naissance et du maintien d’une renommée résultant d’une activité de parrainage importante sur une longue période. Il marque également son accord sur l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle une valeur commerciale (goodwill) importante a été créée et maintenue, et constitue le terreau d’une expansion et d’investissements continus.

30      Il serait donc évident aux yeux de l’OHMI que les marques antérieures bénéficient d’une grande renommée en raison du fait qu’elles sont connues par une grande partie du public pertinent dans la Communauté, ainsi qu’en attesterait notamment l’étude faisant l’objet de l’annexe O, même si, au cours de l’audience, l’OHMI a toutefois admis, comme la requérante le laissait entendre (voir point 14 ci-dessus), que l’annexe O ne remplissait pas les critères d’élaboration habituellement requis par l’OHMI aux fins de la prise en compte des études de marché.

31      L’OHMI considère ensuite comme non fondés les arguments de la requérante selon lesquels l’intervenante n’a pas démontré que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures et que, en tout état de cause, les produits en cause étant très différents, l’apposition par la requérante de la marque TDK sur les vêtements qu’elle commercialise ne saurait tirer indûment profit du caractère distinctif ou des investissements réalisés par l’intervenante.

32      Il soutient que la chambre de recours a fait une exacte application des notions de profit indu et de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure. Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours aurait considéré que les éléments de preuve fournis par l’intervenante attestaient que la renommée dont elle était créditée était perçue par une grande partie du public, notamment en sa qualité de fabricant de certains produits et d’opérateur ayant des activités de parrainage dans le sport et la production de concerts de stars de la musique pop.

33      Selon l’OHMI, l’argument de la requérante selon lequel elle a l’intention d’utiliser la marque en rapport avec les seuls vêtements (voir point 22 ci-dessus), de sorte qu’il ne saurait y avoir ni profit indu ni préjudice en raison du fait que le public opérera une distinction entre les marques et les produits en cause, n’est pas pertinent, ni fondé.

34      En effet, quand bien même l’intervenante n’aurait démontré aucune présence dans le secteur de l’habillement ni une connaissance du public des marques antérieures en rapport avec ledit secteur, la similitude des produits ne serait pas une condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Le préjudice porté à la réputation d’une marque antérieure ne serait pas une condition nécessaire. Il suffirait qu’un préjudice soit causé au caractère distinctif, ce qui n’impliquerait pas nécessairement une dégradation ou un ternissement de la marque.

35      À cet égard, selon l’OHMI, rien ne permet d’exclure que la requérante ne fabriquera pas de vêtements de sport (ou des chaussures ou des articles de chapellerie utilisés dans le cadre d’activités sportives) et n’y apposera pas le signe TDK. Ainsi, dans la mesure où la marque demandée est identique à l’une ou à l’autre des marques antérieures de l’intervenante, tout semblerait conduire à penser que le public pertinent sera susceptible de croire que les produits vendus par la requérante sont fabriqués par, ou sous licence de, l’intervenante dans le cadre de ses activités multiples de parrainage.

36      S’agissant, enfin, de la dernière condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, à savoir celle relative au juste motif, l’OHMI fait valoir que, en l’absence de justification de la requérante tendant à montrer qu’elle souhaite utiliser la marque demandée avec un juste motif, il partage la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage de la marque demandée serait sans juste motif.

 Arguments de l’intervenante

37      L’intervenante soutient en substance les arguments de l’OHMI.

38      S’agissant de la renommée des marques antérieures, elle insiste sur certains aspects des éléments fournis à l’OHMI, comme le fait que son chiffre d’affaires généré en Europe en 1996 était de 628 millions de dollars des États-Unis. Elle souligne également que la totalité des cassettes audio et vidéo vendues en Europe y sont également fabriquées.

39      S’agissant du premier des critères dégagés par l’arrêt General Motors, précité, relatif à la part de marché, elle indique détenir l’une des plus grandes parts de marché en Europe. En ce qui concerne le deuxième critère, qui a trait à l’intensité, à l’étendue géographique et à la durée de l’usage des marques antérieures, l’intervenante expose, en substance, que l’intensité de l’usage des marques antérieures est en rapport avec les parts de marché élevées qu’elle détient, qu’elle a commencé ses activités en Europe dès 1973, qu’elle les a développées depuis lors et que ses produits ont été promus sous les marques en cause dans tous les pays de l’Union européenne. Elle souligne également que les marques antérieures en cause ont été exposées au public non seulement à l’occasion des ventes des produits couverts par lesdites marques, mais également, de façon plus large, dans le cadre de ses activités de parrainage, lors d’événements musicaux et sportifs.

40      S’agissant des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 autres que celle relative à la renommée, l’intervenante soutient que l’argument de la requérante, selon lequel les marques antérieures ne pourraient en tout état de cause subir de préjudice en raison du fait que la marque dont l’enregistrement est demandé est destinée à être apposée sur des vêtements de luxe, est dénué de pertinence et que le préjudice existe indépendamment du caractère luxueux ou non des biens en question. Au cours de l’audience, l’intervenante a, en outre, indiqué que rien ne permettait d’exclure que la requérante ne vendrait pas des t-shirts sur lesquels seraient apposé le signe TDK dans le cadre même des événements parrainés par elle.

41      L’intervenante souligne également que l’absence de risque de confusion alléguée par la requérante n’est pas déterminante aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

42      L’intervenante fait observer, enfin, que la requérante n’avance aucun élément en ce qui concerne l’usage avec juste motif de la marque demandée.

 Appréciation du Tribunal

43      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 présuppose la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans la Communauté, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage de la marque demandée doit conduire à ce que l’une au moins des deux conditions suivantes soit remplie : i) un profit indu serait tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou ii) un préjudice serait porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Enfin, cet usage de la marque demandée aurait lieu sans juste motif.

44      En l’espèce, il est constant que la marque demandée est identique aux marques antérieures ou similaire (point 25 de la décision attaquée) et que ces dernières sont enregistrées.

45      Par ailleurs, la chambre de recours ayant constaté que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, et les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 étant alternatives, elle n’a pas examiné si la condition énoncée sous ii) au point 43 ci-dessus était remplie. Il est constant, au surplus, que la requérante n’a invoqué aucun moyen relatif au juste motif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

46      Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, premièrement, si les marques antérieures bénéficient d’une renommée et, deuxièmement, si l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures.

 Sur la renommée

47      La requérante soutient en substance que la chambre de recours a commis une erreur dans l’appréciation de la valeur probante des annexes fournies par l’intervenante aux fins d’établir la renommée et le caractère distinctif des marques antérieures au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

48      L’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ne définit pas le concept de renommée. Il ressort toutefois de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, que, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque nationale antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle.

49      Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir (arrêt General Motors, précité, points 26 et 27). La Cour a précisé, dans l’arrêt General Motors, précité, que ni la lettre ni l’esprit de l’article 5, paragraphe 2, de la directive n’autorisaient à exiger que la marque antérieure soit connue d’un pourcentage déterminé du public concerné (point 25) et que cette renommée devait exister dans une partie substantielle du territoire concerné (point 28). Deux arrêts du Tribunal reprennent explicitement [arrêt du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, Rec. p. II‑4297, point 67] ou implicitement [arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, point 34] les critères ainsi énoncés par la Cour dans cet arrêt.

50      Le Tribunal relève tout d’abord que la décision attaquée (point 26), reprend correctement les critères dégagés par l’arrêt General Motors, précité, aux fins de l’appréciation de la renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

51      Le Tribunal considère ensuite que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lors de l’appréciation des éléments de preuve fournis par l’intervenante pour établir la renommée des marques antérieures.

52      C’est à juste titre qu’elle a pris en considération, au point 27 de la décision attaquée, les annexes A à R dans leur globalité en s’attachant plus particulièrement aux conclusions à tirer de l’intensité, de la durée et de la couverture géographique de l’usage des marques antérieures en cause.

53      La chambre de recours indique, au point 29 de la décision attaquée, que l’intervenante a démontré au cours de la procédure devant la division d’opposition que :

–        « elle [était] commercialement présente en Europe depuis 1973 »;

–        « elle fabriqu[ait] des composants de cassettes audio et vidéo en Europe depuis 1988 »;

–        « elle a[vait] des bureaux de vente en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche, en Suède, en Pologne et au Royaume-Uni »;

–        « outre une marque communautaire, elle [possédait] des enregistrements nationaux soit de la marque verbale TDK, soit de la marque verbale et figurative TDK, soit des deux, dans douze États membres de la Communauté européenne, dont le premier remonte à 1969 »;

–        « entre octobre 1998 et septembre 1999, en utilisant ses marques TDK, elle a[vait] conquis une part de marché de 49,5 % en Grande-Bretagne et de 22,1 % en Europe pour les cassettes 8 mm pour caméscopes et, pour la même période, elle détenait une part de marché de 64,1 % en Grande-Bretagne et de 39,3 % en Europe pour les cassettes audio »;

–        « elle a[vait] parrainé en utilisant ses marques cinq tournées ou événements musicaux européens avec les Rolling Stones (1990), Paul Mc Cartney (1991), Phil Collins (1994), Tina Turner (1996) et Janet Jackson (1998) ; tous les championnats du monde d’athlétisme depuis 1983 ; à un moment ou à un autre, l’équipe nationale finlandaise d’athlétisme et de hockey sur glace, le club de football italien Milan AC, le club de football néerlandais Ajax Amsterdam, le club de basket espagnol TDK Manresa, le club de basket suédois Uppsala Gators et le club de football anglais Crystal Palace »;

–        « la marque [était] soit imprimée sur les dossards des concurrents ou directement sur les vêtements des sportifs ; ces vêtements [avaient] été commercialisés avec la marque TDK et se compos[aient] essentiellement de vêtements de sport, y compris des maillots et des shorts de football, des maillots et des shorts de basket, des survêtements de sport, etc. »;

–        « les marques [étaient] présentes autour des stades, sur des panneaux d’affichage, des ballons, etc. ».

54      Au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours considère que les activités visées au point précédent, tant commerciales que de parrainage, se sont étendues à travers toute l’Europe et ont impliqué des investissements considérables en termes d’argent, de temps et d’efforts. Elle relève, en outre, que les événements parrainés ont souvent été télévisés ou enregistrés, de sorte que la mise en présence du public et des marques antérieures a été plus fréquente.

55      Aux points 31 et 32 de la décision attaquée, la chambre de recours procède ensuite à l’appréciation des éléments soumis par l’intervenante et conclut à la renommée et au caractère distinctif des marques antérieures. Elle y expose ce qui suit :

« De l’avis de la chambre, les éléments susvisés représentent les résultats d’un investissement significatif en efforts, en temps et en argent, qui s’est étendu sur une période considérable et inhabituellement longue en ce qui concerne les cassettes audio et vidéo de l’opposante et la promotion de la marque. Le fait que des études de marché soient reprises avec les chiffres réels des ventes et des informations sur la publicité étaie tous les arguments avancés par l’opposante en ce qui concerne la renommée et la notoriété de ses marques.

Les pièces fournies mettent en évidence l’établissement et le maintien d’une renommée liée au parrainage sur une période significative et la création et l’existence d’une notoriété publique considérable et d’une valeur commerciale particulière justifiant la poursuite de l’investissement. Il ressort clairement des pièces présentées et des investissements réalisés par l’opposante pour promouvoir sa marque par le parrainage que la marque jouit d’une renommée importante, qui doit reposer sur le fait qu’elle est connue d’une partie significative du public concerné dans la Communauté. Étant donné que des activités comme l’athlétisme, le basket, le football et les événements musicaux suscitent l’attachement et la fidélité des ‘fans’, les ardents admirateurs des vedettes de la chanson, des équipes de football et du sport en question, la chambre est convaincue que le rapport entre la marque de l’opposante et ces activités a suscité une notoriété très importante et bâti une renommée qui dépasse celle qui serait simplement associée aux produits de la marque. En conséquence, l’opposante est en droit de revendiquer pour sa marque la protection plus large visée plus haut en application de l’article 8, paragraphe 5, du [règlement n° 40/94], comme l’a conclu la division d’opposition. Il s’ensuit que la marque, indépendamment de l’éventuel caractère distinctif qu’elle possède intrinsèquement et le signe TDK n’ayant aucun rapport avec aucun des produits litigieux, possède un caractère distinctif accru en raison de la renommée qu’elle a acquise. »

56      Le Tribunal considère au vu du dossier que les constatations des points 29 à 32 de la décision attaquée doivent être approuvées. En effet, l’intervenante, sur la base des annexes A à R prises globalement, a prouvé la nature et l’étendue de ses activités commerciales en Europe depuis 1988, en ce qui concerne tant la production que la commercialisation, le parrainage et la publicité en relation avec les marques antérieures en cause, y compris dans des États membres très peuplés.

57      Il convient en outre de relever que les niveaux de vente atteints par les produits portant les marques antérieures en cause, tels que les cassettes audio ou vidéo, très répandus au sein des foyers en Europe, ainsi que la taille, la fréquence et la régularité des parrainages d’événements attirant beaucoup de spectateurs et au cours desquels il est fait usage desdites marques, confortent l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques antérieures en question remplissent le critère jurisprudentiel de la renommée, à savoir qu’elles sont connues d’une partie substantielle du public.

58      S’agissant du manque allégué de caractère probant de certaines des annexes soumises par l’intervenante aux fins d’établir la renommée de ses marques antérieures au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (voir, ci-dessus, points 14 et 15), à savoir, principalement, de l’annexe O, force est de constater que, même à supposer cette valeur probante insuffisante, une telle situation ne serait pas de nature à infirmer les constatations figurant aux points 56 et 57 ci-dessus. En effet, la chambre de recours a basé son examen de la renommée des marques antérieures en cause sur la totalité des annexes soumises par l’intervenante. Il résulte de leur lecture combinée que la chambre de recours n’a commis aucune erreur dans l’appréciation de la force probante desdites annexes prises globalement.

59      Il n’y a donc pas lieu d’infirmer la décision attaquée sur l’existence de la renommée des marques antérieures en cause au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

 Sur le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures

60      Il convient dès lors d’examiner si l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures.

61      La chambre de recours expose à cet égard (points 33 à 39 de la décision attaquée) les raisons pour lesquelles un tel profit indû existerait et fait notamment état des considérations suivantes :

« 37      De l’avis de la chambre, les pièces fournies par l’opposante démontrent que la renommée qu’elle a acquise est perçue par une partie significative du public, non seulement en tant que fabricant de certains produits mais aussi en tant que reflet de ses activités de parrainage, qui concernent essentiellement les sports et l’organisation de grands événements musicaux.

38       Il est indéniable que, dans le cadre de ces activités de parrainage, l’opposante produit ou s’occupe de la production de vêtements arborant sa marque. Bien que la finalité première des produits soit la promotion de la marque, il est néanmoins vrai que le public en cause est habitué à voir la marque apposée sur ces produits durant des événements sportifs ou musicaux.

39      La demanderesse se propose d’utiliser la marque sur des vêtements, des chaussures et de la chapellerie sans restriction. Cela signifie que la désignation inclut tout type de vêtements, y compris les vêtements de sport. Il n’y a pas lieu de supposer que la demanderesse n’utiliserait pas les lettres TDK sur des T-shirt, des shorts, des survêtements ou des articles de sport similaires. Les mêmes considérations doivent s’appliquer aux chaussures et articles de chapellerie utilisés dans les événements sportifs. Étant donné que la marque demandée est identique à l’une des marques de l’opposante, le public en cause supposera que les vêtements, chaussures et articles de chapellerie sont fabriqués par l’opposante ou produits sous licence de TDK dans le cadre de ses activités de parrainage. En d’autres termes, la demanderesse attirera vers ses produits tous les clients actuellement associés à l’opposante en tant que parraineur de manifestations athlétiques de portée mondiale et d’événements musicaux européens, dans lesquels l’opposante a investi énormément de temps, d’efforts et d’argent, comme le relève la décision attaquée. Il s’agit à la fois de parasitisme de marques renommées et d’une tentative de tirer un profit commercial de leur renommée. De l’avis de la chambre, cela équivaudrait à tirer indûment profit tout à la fois du caractère distinctif et de la renommée des marques antérieures. »

62      Ainsi, la chambre de recours a, en substance, fondé sa conclusion sur les considérations suivantes. La renommée telle qu’établie des marques antérieures ainsi que leur caractère distinctif s’étendraient aux activités de promotion et de publicité de l’intervenante dans le cadre du parrainage d’événements sportifs et musicaux. En ce qui concerne plus particulièrement les événements sportifs, le public serait habitué à voir la marque TDK sur les vêtements associés auxdits événements. En outre, l’usage de la marque demandée par la requérante sur les vêtements en général, et notamment sur ceux habituellement utilisés par l’intervenante dans le cadre de ses activités de parrainage sportif, serait susceptible de conduire le public à supposer que de tels vêtements sont fabriqués par, ou sous licence de, l’intervenante. Sur la base des éléments de preuve dont elle disposait, la chambre de recours a conclu que l’usage, par la requérante, de la marque demandée, était susceptible d’inciter le public à acheter les produits de la requérante en raison de la probable association qu’il ferait entre la marque TDK et la valeur marchande attachée à la réputation et au caractère distinctif des marques antérieures.

63      La requérante, en substance, remet en cause la valeur probante des éléments du dossier ayant fondé la conclusion de la chambre de recours. Elle souligne en particulier le fait que les produits qu’elle se propose de vendre au public le seront par des voies de distribution très différentes et que les marques antérieures, apparaissant sur les dossards des athlètes et sur des t-shirts de marque (Adidas, par exemple), ne sont associées dans l’esprit du public qu’aux activités de parrainage de l’intervenante (voir points 33 et 21 ci-dessus).

64      Or, le Tribunal rappelle que la chambre de recours n’est pas tenue de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à une marque antérieure. Elle doit simplement disposer d’éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu (arrêt SPA-FINDERS, précité, point 40).

65      Le Tribunal rappelle également que le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure doit être entendu comme englobant les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou tentative de tirer profit de sa réputation (arrêt SPA-FINDERS, précité, point 51). À cet égard, plus le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise (arrêt General Motors, précité, point 30, et arrêt SPA-FINDERS, précité, point 41).

66      Il convient de souligner, en l’espèce, que l’intervenante a fait la preuve de la renommée de ses marques antérieures au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et que la chambre de recours a conclu (point 32 de la décision attaquée), sans être sérieusement contredite sur ce point, que les marques antérieures avaient un caractère distinctif accru en raison de leur renommée. Cette conclusion se voit d’ailleurs confortée par la très grande pénétration des marques antérieures dans leurs marchés de référence.

67      Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la chambre de recours pouvait considérer à bon droit, en raison des activités de parrainage, notamment sportif, de l’intervenante, que l’utilisation, qui ne saurait être exclue, de la marque demandée par la requérante sur des vêtements de sport conduirait à penser que de tels vêtements sont fabriqués par, ou sous licence de, l’intervenante. Cette situation constitue en soi un élément permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique que la requérante tire un profit indu de la réputation des marques antérieures, réputation qui résulte des activités, des efforts et des investissements réalisés par l’intervenante depuis plus de 20 années.

68      Il ressort de tout ce qui précède que le moyen unique avancé par la requérante et, partant, le recours doivent être rejetés.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante, Aktieselskabet af 21. november 2001, est condamnée aux dépens.

García-Valdecasas

Cooke

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 février 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’anglais.